Peut on déroger aux règles de la concurrence en agriculture ?

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AGRICULTURE Paysans n° 342, novembre-décembre 2013

Peut-on déroger aux règles de la concurrence en agriculture ? Jean-Marc Boussard*

L'idée selon laquelle la concurrence serait le seul moyen d'abaisser le coût de l'alimentation relève de la pure idéologie.

Pas de dérogation particulière justifiée pour J,{ l'agriculture», titrait la France Agricole cet été en " rendant compte d'une récente étude sur Agriculture et concurrence1 publiée par l'Autorité de la concurrence (l'organisme public en charge de réguler la concurrence sur les marchés). C'est un peu exagéré, car le rapport, plus nuancé, reconnaît tout de même quelques spécificités au secteur alimentaire. Mais le thème général est bien celui-là : « Ces particularités... ne justifient pas d'exceptions aux principes cardinaux qui structurent les règles de la concurrence dans le reste de l'économie». Sur quels fondements s'appuie-t-il pour paNenir à cette conclusion et ces fondements sont-ils justifiés ?

lA THÉORIE DE LA CONCURRENCE ET SES DIFFICULTÉS

L'argumentation est d'abord juridique : la législation française et européenne, ainsi qu'une très abondante jurisprudence, vont en effet dans ce sens. Après tout, c'est normal. Depuis les années 1980, les législateurs ont adhéré au principe selon lequel il ne devrait pas y avoir «d'exception agricole» en matière économique. Il n'est donc pas surprenant que le droit consacre cette idée. Mais la vraie question est de savoir si, en fait, il n'y a pas de spécificités du secteur agricole justifiant une telle exception. C'est donc bien ce fait - la concurrence et le marché assurent toujours la meilleure utilisation des

* Jean-Marc Boussard est économiste, ancien directeur de recherche à l'INRA et membre de l'Académie d'Agriculture. Il est l'auteur de nombreux ouvrages dont La régulation des marchés agricoles (L'Harmattan, 2007). 1 Voir: www.autoritedelaconcurrence.fr/doc/3_etude-thematique_ra1 O.pdf

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JMB
Note
Publié dans la revue paysans N°82 Nov-Dec 2013: 5-13

AGRICULTURE

FAUDRAIT-IL MEITRE DEUX ROBINETS SUR CHAQUE ÉVIER POUR DONNER LE CHOIX ENTRE DEUX FOURNISSEURS ?

Paysans no 342, novembre-décembre 2013

ressources- qui mérite examen. Dans le cas de l'agriculture, encore plus qu'ailleurs, c'est tout sauf évident. Une difficulté bien classique de la théorie de la concurrence tient au fait que son coût ne doit pas dépasser le bénéfice à en attendre. Or, il se peut que l'organisation de la concurrence entraîne des coûts considérables. Faudrait-il construire deux lignes de chemin de fer parallèles entre deux villes pour le plaisir de donner le choix aux voyageurs entre deux compagnies concurrentes ? Mettre deux robinets sur chaque évier pour donner le choix entre deux fournisseurs d'eau? Évidemment, tout cela est absurde : tous les économistes savent qu'il existe des « monopoles naturels » qui garantissent un coût minimum pour des raisons techniques. Bien sûr, il faut pouvoir les contrôler pour éviter qu'ils n'abusent de leur position. Mais il faut vivre avec! Or, les situations de ce genre sont fréquentes en agriculture : par exemple, pour mettre les laiteries en concurrence, il faudrait doubler ou tripler tous les circuits de ramassage de lait, ce qui allongerait bien inutilement les parcours des camions: il est bien préférable que les laiteries s'entendent. Mais ce n'est pas l'essentiel.

VOLATILITÉ ET FONCTIONNEMENT DU MARCHÉ

UN MONOPOLEUR PEUT CHOISIR À LA FOIS LE VOLUME DE SA PRODUCTION ET LE PRIX AUQUEL IL LA VENDRA

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L'essentiel est lié au fonctionnement des marchés. Tous les élèves de première année en sciences économiques apprennent que les producteurs en situation de concurrence ont intérêt à ajuster le volume de production de façon que le « coût marginal » soit égal au prix qui leur est donné par le marché. Alors, l'équilibre de long terme se fait au prix qui correspond au «minimum du coût moyen», et cela avantage le consommateur sans vraiment léser le producteur. A contrario, on montre de la même façon qu'un monopoleur, qui peut choisir à la fois le volume de sa production et le prix auquel il la vendra, peut faire du profit au détriment du consommateur, en produisant moins et à un prix plus élevé qu'il ne serait nécessaire. Mais il y a beaucoup de conditions à réunir pour que le marché conduise à ce résultat. Il n'est jamais sûr qu'elles soient satisfaites, que ce soit dans l'agriculture ou ailleurs. Il est certes possible de savoir combien cela coûtera de doubler la production laitière d'une exploitation dans les dix ans à venir, ou de planter un pommier pour augmenter la production de vingt kilogrammes. C'est ainsi que l'on peut calculer le fameux «coût marginal» (l'augmentation ou la

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lA VOLATILITÉ DES PRIX EN AGRICULTURE BROUILLE COMPLÈTEMENT LES SIGNAUX DU MARCHÉ

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diminution de coût liée à une augmentation ou une diminution de la production). Mais à quel prix du produit peut-on comparer une telle variation de coût? On pourrait le faire avec des prix stables ou peu variables. Mais ce n'est généralement pas le cas en agriculture où les prix sont très peu prévisibles : qui sait quel sera le prix du lait dans dix ans, ou celui des pommes dans cinq ans? Et que sais-je en octobre, à l'époque des semis, du prix du blé au mois d'août prochain, à la récolte ? La « volatilité » (le nom que les économistes donnent à la variabilité) des prix en agriculture brouille complètement les signaux du marché et interdit, en fait, le calcul économique postulé par les idéologues du libéralisme.

Or, en même temps, cette volatilité est une conséquence directe du fonctionnement du marché : si tous les agriculteurs croient que le prix va monter (ou descendre), tous vont ensemble augmenter (ou diminuer) leur production, et cela va faire tomber (ou monter) les cours. En l'absence d'un équilibre stable, dans l'impossibilité pour les producteurs de connaître sans erreur les prix à venir, même en négligeant les aléas climatiques, il faut donc s'attendre à ce qu'une agriculture concurrentielle conduise à des alternances d'excédents et de pénuries aussi néfastes pour les consommateurs que pour les producteurs. En fait, ces « erreurs d'anticipations » expliquent la volatilité des prix agricoles beaucoup mieux que les aléas climatiques (qui se compensent d'une région à l'autre dans un monde de transports faciles et peu coûteux).

UN MINIMUM DE MONOPOLE NÉCESSAIRE À LA STABILITÉ DE L'ÉCONOMIE

On voit bien, par conséquent, la difficulté de réunir les conditions nécessaires à une concurrence aussi efficace que celle que promettent les manuels élémentaires de science économique. Et c'est justement pour cela, qu'en réalité, il existe très peu d'activités économiques dans lesquelles les entrepreneurs ne bénéficient pas d'un minimum de « pouvoir de monopole». Il ne s'agit sans doute pas d'un monopole absolu, car il existe toujours la possibilité qu'un concurrent puisse s'installer si le bénéfice du monopole est trop grand. Mais il s'agit quand même d'un monopole partiel (les économistes disent « contestables ») qui garantit une relative sécurité de conserver une clientèle « captive » à condition de «ne pas exagérer». S'il n'en était pas ainsi, les grands groupes ne dépenseraient pas autant d'argent qu'ils le font en publicité afin de persuader le public que leurs produits sont

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« uniques». Même le cabaretier de la place de l'église dispose d'un certain monopole, car son produit est unique du fait que le café ou le pastis, pris en surveillant la sortie de la messe, n'est en rien comparable, même à qualité égale, à celui qui sera servi sur la route du chef lieu, près de la station d'essence2. Et la sécurité liée à l'existence de ces monopoles partiels explique, au moins en partie, la relative stabilité des prix de la vaste majorité des produits industriels.

LES SPÉCIFICITÉS DE L'AGRICULTURE ET DE L'AGRO-ALIMENTAIRE

lA GRANDE DISTRIBUTION NE PREND QUE LES MARGES QUI LUI SONT NÉCESSAIRES

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Paradoxalement, s'il existe quelque part une activité dans laquelle la concurrence joue à plein, c'est justement l'agriculture : car, tandis que le bistrot de village vend ses produits à une clientèle spécifique, un agriculteur a très peu de chance de convaincre ses clients (qu'il ne connaît pas) que son produit est différent des autres. C'est possible - dans une certaine mesure - pour les vins de qualité. Quelques agriculteurs adeptes de la «vente directe» s'y essaient pour les fruits et les légumes (encore que misant sur une clientèle de «bobos» en général bien plus riches que la moyenne). Mais c'est tout à fait irréaliste quand il s'agit de maïs, de blé, ou même de viande. Ces produits-là doivent être vendus comme ils viennent à des intermédiaires qui n'offrent que des prix de marché minimaux. Ces intermédiaires, eux-mêmes, opèrent sur des marchés très concurrentiels. En dépit des charges habituellement portées contre la « grande distribution», celle-ci, elle aussi, ne prend que les marges qui lui sont nécessaires pour survivre (certaines enseignes, de temps à autre, font faillite, ce qui n'arriverait pas si leurs marges étaient aussi exagérées qu'on le dit), de sorte que, au total, les consommateurs paient bien des « prix de concurrence » les plus faibles possibles compte tenu de l'organisation du système. Mais, justement, l'organisation du système est loin d'être très efficace et de garantir les prix les plus faibles techniquement possibles, comme on va le montrer maintenant. La raison en est que sur des marchés, comme on l'a vu plus haut, sur lesquels l'adaptation de l'offre au prix est très difficile, les prix deviennent vite très variables, parce que l'offre aux prix d'hier est toujours ou légèrement trop grande, ou un peu insuffisante

2 Du reste, l'existence de cette rente de monopole du petit commerçant est tout à fait reconnue par le législateur: c'est le «fond de commerce», qui se négocie de façon parfaitement publique et légale

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pour la demande d'aujourd'hui, tandis que la demande, elle, est « rigide » : on achète de la nourriture à « n'importe quel prix » en période de pénurie, tandis que, inversement, lorsque la production est trop abondante, même un prix nul n'augmenterait pas la consommation. Dans ces conditions, les prix varient beaucoup d'un jour à l'autre, de sorte qu'ils ont toutes les caractéristiques de « variables aléatoires » - des nombres tirés au hasard, par essence incertains. Et en l'absence de toute possibilité d'agir sur des prix incertains, les agriculteurs et les autres acteurs de la filière sont conduits à prendre des «primes de risque».

LES « PRIMES DE RISQUE » ET LEURS EFFETS PERVERS

L'INCERTITUDE SUR LES PRIX À VENIR EST DE NATURE À FAIRE RENONCER À DES OPÉRATIONS EN PRINCIPE PARFAITEMENT RENTABLES

La notion de prime de risque peut s'interpréter en disant que les producteurs, en face de risques importants, sont conduits à réduire leur production par rapport à ce qui serait techniquement possible aux prix moyens observés. De fait, quiconque a envisagé un projet d'investissement sait bien que l'incertitude sur les prix à venir est de nature à faire renoncer à des opérations en principe parfaitement« rentables». Ainsi, avec un prix incertain dans le long terme, les agriculteurs vont diminuer leur production dans des proportions plus ou moins fortes par rapport à la situation qui prévaudrait avec des prix «sûrs».

Et si tous ont ce même comportement, cela va faire que les prix sur le marché à venir seront plus élevés, au grand dam des consommateurs. Quant aux producteurs, ils feront certes un certain profit. Mais celui-ci sera réduit par la diminution des quantités produites, de sorte que leurs revenus seront plus faibles. Et bien sûr, avec cela, le prix « de concurrence » va être bien loin du « minimum de coût moyen ».

Il est vrai que le risque en agriculture ne vient pas seulement du prix. La nature crée du risque en affectant les rendements. Mais le risque de prix s'ajoute au risque naturel, car tout agriculteur doit envisager l'hypothèse d'un prix bas l'année où, pour lui, la récolte aura été mauvaise. La recherche agronomique et le progrès technique tentent de diminuer le risque « technique » autant que faire se peut. Mais l'organisation économique devrait pouvoir essayer de diminuer le risque de prix. Et cela ne passe pas forcément par un accroissement d'une concurrence dont nous venons de

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voir qu'elle était naturellement beaucoup plus féroce en agriculture que n'importe où ailleurs. Tout ceci n'est pas pure spéculation intellectuelle de chercheurs en mal d'originalité. Il y a des preuves de la validité des raisonnements exposés ci-dessus.

L'EXPÉRIENCE DES ANNÉES 30

LES PRIX

QUE DEVAIENT RECEVOIR LES AGRICULTEURS ÉTAIENT PRÉDICTIBLES À QUELQUES POUR CENT PRÈS

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Une expérience en vraie grandeur pour isoler l'agriculture du marché a été tentée à partir de 1933 (aux États-Unis) et dans tous les pays occidentaux à partir de 1945. Elle a duré jusque vers les années 1990 (1992 étant le tournant en ce qui concerne la Communauté économique européenne). Après quoi l'agriculture a presque partout été progressivement reconnectée au marché (sans du reste l'être complètement partout, loin s'en faut). Au cours de cette période, les prix agricoles n'étaient plus déterminés par le marché, mais fixés par les gouvernements. Cela ne voulait pas dire que ces derniers étaient complètement indifférents aux évolutions de l'offre et de la demande. Bien au contraire, les prix ont baissé tout au long de cette période, du fait que la production semblait toujours supeneure aux attentes. Mais ces baisses étaient progressives, si bien que, pour les principales productions, les prix que devaient recevoir les agriculteurs étaient prédictibles à quelques pour cent près, alors qu'aujourd'hui, dans une « presque » économie de marché, il n'est pas rare d'observer un écart de 1 à 2 entre le prix espéré et le prix reçu. L'isolement du marché n'a pas eu que des avantages (c'est ce qui a conduit à son abandon) : on a surproduit des denrées inutiles, ce qui est du gaspillage. On a bradé ces surplus en­dessous du coût de production aux pays pauvres, ce qui les a parfois privés de la possibilité de développer leur propre agriculture3 . On a parfois mis bon ordre à cette surproduction en instituant des quotas, ce qui a certainement pu entraver la liberté d'entreprendre (mais pourquoi laisser

3 Cette stigmatisation des « agricultures riches et aidées, fossoyeuse des agricultures pauvres » est quelque peu exagérée, car on ne voit pas que les agricultures pauvres des pays en voie de développement aient fait des bonds gigantesques depuis qu'il n'y a plus de subventions à l'exportation ; par ailleurs, ces pays pauvres auraient pu profiter de la manne qui leur était ainsi fournie pour développer leur industrie et faire concurrence aux pays développés grâce à des salaires que cette << nourriture à bon marché » aurait pu maintenir bas.

AGRICULTURE

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1841 1861

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des entrepreneurs s'engager dans des productions excédentaires ? Si on les avait laissé faire, dans une économie de marché, ils auraient bien vite été balayés par des baisses de prix exagérées, comme l'ont été récemment les producteurs de porc et d'huile d'olive espagnols. Mais aucune de ces difficultés n'était insurmontable. On aurait donc pu réformer ce ou ces systèmes. Mais en ce qui concerne l'évolution des prix et les coûts que cela a pu représenter pour les consommateurs, il est complètement faux d'affirmer que les interventions publiques et les entraves à la concurrence sur les marchés ont été synonymes de prix alimentaires élevés, comme ont cherché à le faire croire trop d'idéologues. Le graphique 1, ci-dessous, en apporte la preuve dans le cas d'un produit de base comme le blé.

Figure 1

Prix du blé sur le CBOT de Chicago, 1841-2012 Dollar constant 2010 par boisseau

1881 1901 1921 1941 1951 1981 2001

Sources: GlobaiFindata jusqu'en 1998; calculs JMB d'après USOA ensuite

Il montre l'évolution, depuis l'origine des cotations en 1841, du prix de ce produit évalué en dollars de 2010, sur le marché libre de Chicago (la référence mondiale). On y voit clairement un prix très volatil et en augmentation tendancielle dans les premières années jusqu'en 1880 (curieusement, c'est l'époque à laquelle les Européens renoncèrent aux formes de libre-échange mises en place dans les années 1840-50, en violation des règles de la concurrence). Ce prix est un peu moins volatil et assez constant en tendance (autour de 15$2010 le boisseau) jusqu'à 1913. Il devient très volatil

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ensuite au cours des années 1930 et jusqu'en 1945. À partir de là, mise à part un «pic» en 1974 (dû à une tentative de libéralisation qui permit à l'URSS de s'imposer comme demandeur !), il décroît constamment, de 15 $ en 1945 (il est vrai, à cause de la guerre) à moins de 4 $ en 1999. Enfin, depuis 1999, bien qu'il soit un peu tôt pour déceler une tendance séculaire, ce prix redevient volatil et, semble-t-il, croissant, augmentant de plus de 60 % entre 1995 et 2012.

DE 1945 À 1990, UNE POLITIQUE TRÈS FAVORABLE AUX CONSOMMATEURS

LES PRIX À LA CONSOMMATION BAISSENT PLUS, EN VALEUR RÉELLE, DANS LES PA YS À PRIX AGRICOLES SOUTENUS QUE DANS LES PAYS LIBÉRAUX

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Cette évolution du prix du blé s'explique aussi par la variation des rendements des deux côtés de l'Atlantique (figure 2) où on y voit clairement une rupture : les rendements augmentent considérablement à partir de 1935 aux États-Unis et de 1945 en France. Une autre rupture, moins nette, se manifeste à partir de 1995 en France (elle n'apparaît pas aux États-Unis): les rendements deviennent plus variables et n'augmentent plus en moyenne. Il est difficile de ne pas rapprocher ces observations des politiques de garantie de prix. En France, elles sont en vigueur depuis 1945 (en fait, 1936, mais la guerre avait introduit beaucoup d'incertitudes), et elles ont été supprimées progressivement à partir de 1992. Aux États-Unis, elles sont en vigueur depuis les années 30 et se poursuivent toujours plus ou moins, il est vrai, sous formes généralement déguisées, comme les« assurances revenu». On peut donc relier cette évolution à long terme des prix du blé entre 1945 et 1990, très favorable au consommateur, à la mise en place de cette isolation du marché qui a été appliquée à l'agriculture à cette époque. Bien sûr, le blé n'est qu'un cas particulier. Les manifestations des mêmes phénomènes sont moins claires dans le cas de produit comme le sucre ou le coton, soumis à d'autres influences. Mais on trouverait des résultats analogues pour les autres céréales, qui sont des produits de base. Or, ces évolutions des prix agricoles se retrouvent dans les prix à la consommation, qui baissent plus (en valeur réelle, déduction faite de l'inflation) dans les pays à prix agricoles soutenus que dans les pays libéraux. C'est ce que montre la figure 2, qui représente l'évolution de l'ensemble des prix alimentaires réels (compte tenu de l'inflation) dans deux pays d'importance comparable, l'un, les Pays-Bas, soumis au régime de la PAC première manière (avec des prix garantis), l'autre, la Nouvelle Zélande,

JMB
Note
Cette figure manque dans le texte imprimé. Elle est copiée ici à la fin du fichier

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pratiquant une politique extrêmement libérale. On voit bien que les prix alimentaires ne baissent pas en Nouvelle Zélande (ils restent sensiblement constants au cours de la période), tandis qu'ils décroissent de 50 % aux Pays-Bas, l'indice passant de 150 à 100. Même en tenant compte du fait que 20 de ces 50 points, sont dus, en 1992, à la libéralisation de la PAC (qui a fait mécaniquement chuter les prix agricoles). Il n'en demeure pas moins que la baisse est très réelle de 1972 à 1992 (elle ralentit ensuite ... suite à la libéralisation?).

Figure 2

Évolution comparée des prix alimentaires au consommateur en Nouvelle Zélande et aux Pays-Bas

(Rapport de l'indice des prix alimentaires à la consommation sur l'indice général des prix) Période 1972-2010. Indice base 100 en 1972

1,6

1,4

1,2

1

0,8

0,6

0.4

0,2

0

'\~1'2-

Prix de l'alimentation aux Pays-Bas

Sources : base de données de l'Organisation internationale du travail

Ici encore, il ne faut pas généraliser et il serait possible de trouver des contre-exemples. Mais les deux exemples précédents sont aussi des contre-exemples pour la théorie selon laquelle la concurrence serait le meilleur et le seul moyen d'abaisser le coût de l'alimentation pour le consommateur. En vérité, cette idée ne tient pas du tout la route et relève de la pure idéologie. Il est extrêmement dommage que l'Autorité de la concurrence se fasse ainsi l'écho d'une rumeur non fondée et perde, ainsi, un peu de son prestige. •

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