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Jean-Paul Auray Gérard Duru Michel Mougeot Peut-on définir de manière univoque la notion d'industrie industrialisante ? In: Tiers-Monde. 1981, tome 22 n°87. pp. 585-601. Citer ce document / Cite this document : Auray Jean-Paul, Duru Gérard, Mougeot Michel. Peut-on définir de manière univoque la notion d'industrie industrialisante ?. In: Tiers-Monde. 1981, tome 22 n°87. pp. 585-601. doi : 10.3406/tiers.1981.4047 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1981_num_22_87_4047

Peut-on définir de manière univoque la notion d'industrie industrialisante ?

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Jean-Paul AurayGérard DuruMichel Mougeot

Peut-on définir de manière univoque la notion d'industrieindustrialisante ?In: Tiers-Monde. 1981, tome 22 n°87. pp. 585-601.

Citer ce document / Cite this document :

Auray Jean-Paul, Duru Gérard, Mougeot Michel. Peut-on définir de manière univoque la notion d'industrie industrialisante ?. In:Tiers-Monde. 1981, tome 22 n°87. pp. 585-601.

doi : 10.3406/tiers.1981.4047

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1981_num_22_87_4047

PEUT-ON DÉFINIR DE MANIÈRE UNIVOQUE

L'INDUSTRIE INDUSTRIALISANTE?

par Jean-Paul Auray*, Gérard Duru** et Michel Mougeot***

La publication, dans la revue Tiers Monde, d'un article de W. Andrefï et de A. Hayab [i], consacré au choix des industries « industrialisantes » par la planification algérienne, a suscité un grand nombre de réactions, comme en témoignent les contributions plus récentes de M. Genne [8] et de W. Andreff [2]. Des arguments concrets sont au centre de ce débat : rôle des rapports sociaux et de la réforme agraire, préférence accordée à l'accumulation du capital plutôt qu'à l'accroissement de la consommation, limites aux capacités d'intraversion des branches industrielles algériennes (sur ces points, cf. W. Andreff [2]).

Il nous semble, quant à nous, qu'outre ces caractéristiques du développement de l'économie algérienne, des éléments purement méthodologiques doivent être retenus pour une meilleure compréhension du problème posé par A. Hayab et W. Andreff. Rappelons brièvement l'objet de cet article : le modèle de référence des planificateurs algériens étant fondé sur la théorie des « industries industrialisantes » de G. Destanne de Bernis ([6], [7], [8]), les choix effectivement réalisés au cours des premiers (1 970-1 973) et second (1 974-1 977) plans quinquennaux sont-ils conformes aux choix théoriques que l'on pourrait déduire de l'étude du tableau d'échanges interindustriels de l'Algérie ? Utilisant des méthodes de triangulation du tei, A. Hayab et W. Andreff montrent que ces choix divergent, notamment quant au rôle de la sidérurgie comme industrie industrialisante (surestimé dans les plans algériens).

En ce qui nous concerne, il nous semble que la définition des industries industrialisantes proposée en 1966 par G. Destanne de Bernis [6] est suffi-

* Chargé de recherches au cnrs. ** Maître de recherches au cnrs.

*** Professeur à l'Université de Besançon. Revue Tiers Monde, t. XXII, n° 87, Juillet-Septembre 1981 тм — 21

586 J.-P. AURAY, G. DURU ET M. MOUGEOT

samment large pour se prêter à plusieurs traductions opérationnelles. En effet, pour G. Destanne de Bernis ([6], p. 419 et [8], p. 547), l'industrie industrialisante est « l'industrie ou le groupe d'industries dont la fonction économique fondamentale est d'entraîner dans son environnement localisé et daté un noircissement systématique ou une modification structurelle de la matrice interindustrielle et des transformations des fonctions de production grâce à la mise à la disposition de l'entière économie d'ensembles nouveaux de machines qui accroissent la productivité de l'un des facteurs ou la productivité globale ».

Cette définition de l'effet d'industrialisation est une application de la théorie des pôles de croissance et des effets d'entraînement due à F. Perroux (cf. entre autres [13]). Elle est toutefois ambiguë, à plusieurs titres. En particulier, et contrairement aux théories de l'influence et de la dominance inspirées elles aussi de la pensée de F. Perroux, elle ne repose pas sur un critère unique de hiérarchisation industrielle mais sur deux : l'idée de « noircissement systématique » de la matrice input-output équivaut à mettre l'accent sur les effets d'entraînement amont (influence par les achats) ; l'idée « de mise à la disposition de l'ensemble de l'économie d'ensembles nouveaux de machines » revient, en revanche, à privilégier des effets d'entraînement aval (influence par les ventes, substitution d'un capital d'origine national à un capital importé). Notons à ce sujet que W. Andreff et A. Hayab ([1], p. 872) retiennent la première partie de cette définition alors que M. Genne ([8], p. 871) insiste sur la seconde. Or, cette dualité des critères de définition d'une industrie industrialisante est susceptible de déboucher sur différentes hiérarchisations sectorielles, les effets transmis en amont et en aval n'ayant aucune raison d'être de même nature.

Nous montrerons ce point dans la seconde partie de cet article, partie qui sera consacrée au choix méthodologique que pose la hiérarchisation de l'économie.

Auparavant, nous essaierons de faire apparaître les limites du recours au modèle input-output pour appliquer le concept d'industrie industrialisante compte tenu de l'ambiguïté de sa définition.

I. — Utilisation d'un modèle input-output POUR DÉFINIR LES INDUSTRIES INDUSTRIALISANTES

Le recours au modèle input-output pour repérer les industries industrialisantes est suggéré par Destanne de Bernis lui-même. Dans son article de 1971 ([8], p. 547)), il présente, comme seule réponse efficace à la désarticulation interne de l'Algérie, la mise en place d'une « structure industrielle cohérente », c'est-à-dire d'une « matrice interindustrielle « noircie », c'est-à- dire dont les différents secteurs sont interreliés entre eux par leurs inputs et leurs outputs ».

Toutefois, cette utilisation du modèle de Léontief pour évaluer les effets d'entraînement dans un pays sous-développé pose trois types de problèmes liés aux hypothèses, à la logique du modèle et aux modalités de sa construction statistique.

l'industrie industrialisante 587

i° Les hypothèses. — Le modèle input-output repose fondamentalement sur un système d'équations d'équilibre et sur une hypothèse de linéarité des techniques de production (matrice A de coefficients techniques ац, représentant la quantité de bien k nécessaire à la production d'une unité de bien y). En notant xk etj/ff la production totale et la demande finale de bien k, la résolution de ce modèle dépend du système :

Résoudre ce système équivaut à ajuster l'offre à une perturbation exogène de la demande en supposant que la diffusion de l'influence initiale s'effectue en valeur monétaire, ce qui revient à supposer dans chaque branche : — une capacité illimitée d'adaptation de l'offre à la demande; — l'existence de ressources inutilisées; — plus ou moins explicitement selon la nature du modèle, une rigidité

des prix face à cette variation de la demande; — la transmission du déséquilibre initial de branche en branche jusqu'à

un rééquilibre en valeur monétaire pour tous les biens.

Or rien n'assure que ces hypothèses soient vérifiées dans un pays en voie de développement, l'existence de rigidités sectorielles étant de nature à substituer aux effets quantitatifs des effets inflationnistes.

20 Logique de l'utilisation du modèle et modalités d'élaboration. — Si l'on retient à la définition de de Bernis, l'objectif est de noircir la matrice. Par suite, il est évident que la transformation structurelle recherchée ne peut être appréhendée à partir d'un tableau élaboré antérieurement. C'est ce que rappelle W. Andreff [2] en disant qu' « une matrice d'échanges ne peut révéler ce qui est nécessaire à sa propre transformation ». C'est aussi ce que dit M. Genne lorsqu'elle estime qu'à partir des liaisons actuelles, on ne pieut conclure à la nécessité de détrôner la sidérurgie sous prétexte qu'elle est faible et, qu'au contraire, c'est cette faiblesse qui devrait justifier la priorité qui lui a été accordée.

A cet égard, le recours au tes actuel, traduisant une réalité ancienne, peut conduire à des résultats paradoxaux. Supposons qu'initialement l'économie soit constituée de secteurs entretenant des relations d'entraînement schématisées par le graphe suivant (dans lequel le sens des flèches indique l'effet d'industrialisation) :

$88 J.-P. AURAY, G. DURU ET M. MOUGEOT

et la matrice booléenne :

I

2

3

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7

8

i 2

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3

I

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i

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7

i

8

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i

i

Ce système est de type separable puisqu'il est décomposé en deux blocs. La branche 4 n'exerce à l'évidence aucun effet sur les secteurs 5, 6, 7, 8. Mais dans l'optique de de Bernis, cette branche peut être industrialisante si son développement aboutit « à un noircissement » de la matrice. Supposons ainsi que l'absence d'un arc 4-5 soit due à l'inexistence d'une production de biens par la branche 5 intéressant la branche 4. Supposons encore qu'un planificateur avisé décide de substituer une production nationale aux importations d'inputs nécessaires à la branche 4. Le graphe et la matrice deviennent alors :

— en ne tenant compte que des effets directs :

L INDUSTRIE INDUSTRIALISANTE 589

— en tenant compte des effets induits

I

2

3

4

5

6

7

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I

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1

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1

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1

1

1

1

1

8

1

1

1

1

1

1

1

II est manifeste que l'industrie 5 était de type industrialisante mais que le tableau initial ne permettait pas de le déceler.

Faut-il pour autant renoncer à toute utilisation d'un tei ? Tout d'abord, il faut ici mentionner des problèmes statistiques. W. Andreff signalant l'inexistence de matrices de capital, seuls les tei sont susceptibles d'être utilisés. Mais là se pose le problème des modalités de leur élaboration. L'idéal serait de disposer de tableaux input-output présentant une ventilation des consommations intermédiaires selon l'origine géographique (tels ceux que publie Eurostat pour les économies européennes). Dans ce cas, la substitution d'une activité nationale à une importation de biens d'équipement peut s'analyser aisément dans le tei.

59° J'-P« AURAY, G. DŮRU ET M. MOUGEOT

Malheureusement, les tableaux disponibles pour l'Algérie ne sont pas de ce type. Reste alors à savoir ce que les tei utilisés par W. Andreff expriment vraiment : les flux intermédiaires traduisent-ils des flux effectivement repérés ou sont-ils le résultat d'estimation d'une fonction de production ? Notre connaissance des pratiques de la comptabilité nationale algérienne est insuffisante pour répondre à cette question. Notons cependant que dans la seconde éventualité, l'utilisation du tei pour repérer les industries industrialisantes serait de facto justifiée.

En tout état de cause, et quelles que soient les réserves que l'on puisse émettre, il faut remarquer que l'argument de W. Andreff — que faire d'autre dans l'état actuel de l'information — nous semble déterminant si l'on reste prudent quant aux résultats. Si les tei actuels ne contiennent pas toute l'information nécessaire, ils en contiennent une partie et probablement la plus importante. Ils sont donc susceptibles d'éclairer les choix concernant ce qui existe (même à un niveau insuffisant ou partiel). Il suffit d'être conscient des limites de toute approche reposant sur des données incomplètes.

II. — La non-unicité des hiérarchies

Après avoir montré les limites de toute utilisation de l'analyse input- output dans la recherche des industries industrialisantes, il convient de montrer que, compte tenu de la définition de de Bernis, la hiérarchie de ces industries peut ne pas être unique.

i° Les limites de la méthode Andreff-Kayab. — Pour dégager les branches prioritaires, W. Andreff et A. Hayab utilisent deux méthodes. La première est basée sur une relation d'influence directe. Cette relation dite du « meilleur client » possède deux inconvénients majeurs (cf. M. Mougeot, G. Duru, J.-P. Auray [n], p. 30) : — elle ne possède pas les qualités qui feraient d'elle une relation d'ordre

(sauf dans le cas hypothétique d'une économie parfaitement triangulaire) ; — elle néglige les effets induits qui peuvent amplifier, freiner ou inverser

les effets directs. Plus pertinente apparaît la seconde méthode qui fait intervenir la matrice

inverse (1 — Л)~г exprimant les effets directs et indirects. Toutefois, la double définition des industries industrialisantes amène les auteurs à prendre en considération à la fois une hiérarchie fondée sur (1 — A)~x et une hiérarchie basée sur le critère contestable du meilleur client, puis à retenir comme activités prioritaires celles qui appartiennent à l'intersection des parties médianes des deux hiérarchies.

Il nous semble que cette approche, outre les limites, rappelées plus haut, de la relation de meilleur client, présente un inconvénient majeur : le concept ď « intersection des parties médianes de deux hiérarchies » n'est qu'une interprétation, parmi d'autres, de la définition de G. Gestanne de Bernis. Son caractère flou provient de la non-coïncidence des deux critères proposés par Destanne de Bernis. Par suite W. Andreff et A. Hayab sont contraints de rechercher des branches qui exercent des effets d'entraînement par l'offre « moyens » et des effets d'entraînement par la demande « moyens ». Dès lors, leur choix peut toujours être contesté au nom de la théorie.

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l'industrie industrialisante 591

II peut l'être aussi sur un plan méthodologique. Il est bien connu aujourd'hui qu'il n'existe pas de hiérarchie industrielle unique. De nombreuses relations d'influence sont susceptibles d'être définies à partir d'un tei : influence par les prix ou par les quantités, par l'offre ou par la demande, domination, influence directe ou globale, influence absolue ou relative..., etc. En ce domaine, la méthode, quel que soit son fondement scientifique, n'est pas neutre. Il résulte des ambiguïtés de la conceptualisation de Destanne de Bernis, que plusieurs ordres de priorité industrielle peuvent être définis pour l'Algérie.

W. Andreff et A. Hayab ont construit leur modèle sur la base de relations binaires d'influence absolue globale (1 — A)~x et directe (C). Ils s'interrogent donc sur les conséquences de la propagation de variations exogènes exprimées en valeur absolue (par exemple, doublement de xk). Il s'agit donc d'une approche purement quantitative (les termes de la matrice (1 — Л)~г exprimant la quantité de bien y qu'il faut produire pour satisfaire une unité de demande finale de k). Notons, tout d'abord, qu'il aurait été intéressant de calculer les multiplicateurs d'activité (cf. M. Mougeot, G. Duru, J.-P. Auray [11], p. 109). Remarquons aussi que dans une approche structurale, les variations relatives peuvent présenter un intérêt plus grand du fait des tailles différentes des branches étudiées. C'est sur de telles variations que nous avons basé une méthode alternative.

20 Une autre hiérarchie pour l'Algérie. — Dans plusieurs publications antérieures, nous avons proposé et appliqué aux économies françaises et européennes [11], [12], une analyse des structures productives fondée sur la topologie induite par une relation d'influence relative sur un ensemble de branches [3], [4], [5].

Cette approche a pour but essentiel de raisonner sur la structure productive, l'accent étant mis, à la suite de F. Perroux, sur « le réseau des liaisons qui unissent entre elles les unités simples et complexes » et plus particulièrement sur le réseau de relations de dépendance et d'interdépendance entre branches d'activité tel qu'il apparaît dans un tableau d'échanges interindustriels. Le principe de notre méthode — dont nous ne rappellerons pas ici les fondements mathématiques — consiste :

— à définir, au niveau des couples d'activités des relations binaires d'influence globale relative (une branche k influence une branche y au seuil s si une augmentation relative donnée a de la production de k provoque une augmentation relative de la production dey, tous effets induits compris, supérieure ou égale à s) ou de domination (au sens de F. Perroux, c'est-à- dire d'une dissymétrie de l'influence) ;

— à traduire ces relations aux termes mesurables à partir du tei. On montre en particulier (M. Mougeot, J.-P. Auray, G. Duru [11] [4]) que : >ê influence j au seuil s <-> тс# ^ joù 7Г# est élément d'une matrice (7 — D)~\ D étant la matrice des coefficients horizontaux associée au tei;

— à passer à une analyse structurale en étudiant les propriétés de la structure prétopologique (cf. [3], [4]) induite sur l'ensemble des branches par la relation d'influence et en faisant apparaître des partitions de cet ensemble économiquement significatives.

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596 J.-P. AURAY, G. DURU ET M. MOUGEOT

En particulier cette méthode permet d'associer à chaque branche : — son adhérence, définie, en termes économiques, comme l'ensemble des

branches qu'elle influence (au sens précédemment défini); — sa base de voisinage, définie, comme l'ensemble des branches qui

l'influencent. Si l'on revient aux interprétations opérationnelles que W. Andreff et A. Hayab donnent de la notion d'industrie industrialisante, les branches qui appartiennent à l'adhérence de x sont celles sur qui x exerce un effet par ses achats alors que celles qui appartiennent à la base de voisinage de x sont celles qui bénéficient des ventes de x (donc de la mise à leur disposition d'ensembles nouveaux de produits). Le premier ensemble correspond ainsi aux effets amont et le second aux effets aval que l'on peut déduire de la conceptualisation de Destanne de Bernis.

Peut-on, dès lors, construire une hiérarchie univoque de l'économie à partir de ce double critère ? Notons, d'abord, que différentes conceptions du développement peuvent être associées à la définition : on peut préférer un développement largement diffusé mais d'intensité moyenne ou un développement d'intensité forte plus concentré.

C'est pourquoi nous avons retenu deux séries d'influences : — une intensité élevée (correspond ai ~ 0,8 %); — une intensité moyenne (s ~ 0,16 %).

Ces seuils appellent un premier commentaire : calculés à partir des déciles (respectivement 8e et 5 e décile) de la distribution des termes de (I — A)~\ ils sont particulièrement faibles (notamment beaucoup plus faibles que ceux que l'on obtient pour des économies développées), ce qui montre l'intégration insuffisante de l'économie algérienne.

Les tableaux I et II (pages 592 et 594) présentent successivement le contenu des adhérences et des bases de voisinage pour les 31 branches d'activité pour ces deux relations d'influence. La nomenclature retenue est (pour des raisons informatiques) la nomenclature ad am dont la correspondance avec la classification du tei est indiquée en annexe. Pour chaque activité x, ces tableaux indiquent1 : — les branches influençant x (base) ; — les branches influencées par x (adhérence).

Quelles priorités peut-on en déduire pour l'économie algérienne ? Avant de rechercher une conciliation des deux critères (noircissement de la matrice, mise à la disposition de l'industrie), il convient de les envisager séparément. Pour les relations d'intensité forte, les tableaux III et IV indiquent respectivement les branches exerçant les effets d'entraînement amont et aval les plus importants.

1. Nous n'avons retenu ici que deux relations significatives. Toutefois l'ensemble des calculs a été effectué pour tous les seuils correspondant aux 10 déciles de la distribution des termes de (I — D)""1 et pour la relation de domination.

L INDUSTRIE INDUSTRIALISANTE 597

La hiérarchie relative à l'effet amont apparaît comme la suivante : 2-31-29-3-1-30-4-15-19-12-18

alors que la hiérarchie concernant les effets aval est : 17-6-30-28-26-18-11-8-10-25-13-5.

Si l'on considère les influences moyennes, cet ordre n'est pas modifié de manière considérable puisqu'on obtient respectivement :

29-31-2-1-3-30-18-4- 19 -11- 12-5-9

et : I7-6-3o-3I-8-i8-I3»28-j-ii-io- 26.

Une première constatation s'impose : la non-coïncidence des deux hiérarchies est la règle générale. Pour les effets d'entraînement amont, les services (31 - 30), l'agriculture (2- 1), les hydrocarbures (3 -4), le btp (29) et certaines industries automobiles (15), textiles (19), métalliques (12) et chimiques (18) apparaissent comme les branches les plus performantes. En aval, la chimie de base et d'application (17, 18, 28), les sources d'énergie et les minerais (6, 8, 5), les transports (30), les matières premières et leur transformation (26, 11, 10, 25) occupent le haut de la hiérarchie. Seuls les transports et les produits chimiques d'application appartiennent à l'intersection des deux hiérarchies. Cela implique qu'à l'exception de ces deux activités, les deux critères de la définition des industries industrialisantes divergent quant au choix. Si de plus, on introduit dans la procédure de sélection, la distinction qualitative biens d'équipement - biens de consommation, on rend encore moins nette l'appréciation d'un ordre de priorité pour la planification de l'Algérie.

Pour nous résumer et revenir au sujet de la controverse Andreff-Hayab- Genne-de Bernis, on constate : — que plusieurs conceptions des industries industrialisantes sont

susceptibles d'être déduites d'un tei; — que pour une conception unique, il y a divergence entre les deux effets

constitutifs de la notion d'industrialisation.

Comment concilier ces antagonismes ? Il n'y a, aux yeux d'un planificateur, qu'une méthode, celle qui consiste à manifester son choix par une préférence pour l'un ou l'autre des critères, c'est-à-dire de les réunir dans une fonction objectif accordant à chaque hiérarchie un poids spécifique. En un sens c'est ce qu'ont fait W. Andreff et A. Hayab, en retenant l'intersection des parties médianes de leurs hiérarchies. Il ne nous semble pas toutefois que cette idée soit véritablement fondée par leur raisonnement économique (p. 875).

Il ne nous semble pas non plus que cette idée corresponde vraiment à la définition de G. Destanne de Bernis. Quant au choix des planificateurs algériens (branches 3, 4, 5, 11 comme noyau de l'industrialisation, 12, 16, 17, comme facteurs de constitution d'un tissu industriel), ils ne coïncident ni avec ceux d 'Andreff et Hayab (4, 5, 12, 14, 16, 18) ni avec ceux des tableaux III

598 J.-P. AURAY, G. DURU ET M. MOUGEOT

Tableau III

Effets ď entraînement amont

№ Adam

2 31 29

3 I

30 4

15 19 12 18

Branches

Industries agricoles et alimentaires Services Bâtiment - Travaux publics Pétrole brut Productions végétales, animales Transports Gaz naturel Industries automobiles et navales Filature, tissage, teinture Industries métalliques Produits chimiques d'application

Nombre de branches influencées

22 22 21 19 12 12 11 10 10 9 9

Tableau IV

Effets d'entraînement aval

№ Adam

17 6

30 28 26 18 11

8 10 25 13

5

Branches

Produits chimiques de base Autres sources d'énergie Transports Transformation des matières plastiques Industrie du papier Produits chimiques d'application Sidérurgie Autres minerais Verre Bois, meuble Industries mécaniques Produits pétroliers raffinés

Nombre de branches influentes

23 23 17 15 14 14 12 12 11 10 9 9

et IV. Ils sont dictés par la stratégie globale de développement de l'Algérie : priorité de l'accumulation du capital sur la consommation et de l'industrialisation sur le développement de l'agriculture.

Si les hydrocarbures et la chimie apparaissent dans toutes ces analyses, les désaccords sont nombreux : le secteur sidérurgie, exclu par AndrefF et Hayab, prioritaire pour le Plan, occupe une position intermédiaire dans

l'industrie industrialisante 599

notre approche (surtout pour des influences moyennes); les engrais et pesticides retenus par le Plan et par Andreff et Hayab n'apparaissent pas, à nos yeux, comme un secteur à développer; les transports, absents des priorités du Plan et d'Andreff-Hayab jouent au contraire un rôle de premier plan dans notre étude, de même que les branches liées à l'agriculture et aux services (exclues en raison du choix d'un modèle de développement par l'accumulation du capital)..., etc.

Est-il nécessaire de conclure ? Intervenant tardivement — et uniquement sur un plan méthodologique qui n'était que la toile de fond des autres contributions — dans une controverse sur les priorités industrielles, nous ne sommes vraiment convaincus par aucun des arguments présentés par les intervenants. Cela ne signifie pas qu'ils soient dans l'erreur. Chacun semble détenir une part de la vérité car : — le concept d'industrie industrialisante se prête à plusieurs interprétations

en termes opérationnels; — le recours a un tei est ambigu lorsqu'il s'agit de mesurer des modifications

structurelles non encore intégrées dans les comptes nationaux, mais il ne peut être totalement exclu;

— à supposer que l'utilisation du tei soit justifiée, et cela ne saurait se faire qu'avec prudence, une hiérarchie univoque des priorités industrielles ne peut être définie;

— par conséquent, la recherche d'une cohérence de la planification fait apparaître des choix d'une autre nature que celle du modèle de de Bernis.

W. Andreff et A. Hayab ont ouvert un débat sur le thème : mauvaise application du modèle des industries industrialisantes ou remise en cause ? Ce débat doit être, il nous semble, ramené à de plus justes proportions : il n'y a ni remise en cause ni mauvaise application; seulement une application. Parmi d'autres.

6oo J.-P. AURAY, G. DURU ET M. MOUGEOT

ANNEXE

Nomenclature en 31 branches du TEI Algérien (1973)

No Adam

1 2 3 4 5 6 7 8 9

10 11

12 13 14 ij 16 17 18

19 20 21 22 23 24 25 26 27

№ de la comptabilité nationale algérienne

010. 020. 031. 032. 033. 040. 051. 052. 061. 062. 070.

081. 082. 083. 084. 091. 092. 093.

IOI. 102. 103. 104. 105. 106. in. 112. 113.

Intitulé

Productions végétales, animales et forestières. Produits des industries agricoles et alimentaires. Pétrole brut. Gaz naturel. Produits pétroliers raffinés. Sources d'énergie autres que le pétrole. Minerai de fer. Autres minerais. Matériaux de construction. Verre. Sidérurgie, métaux non ferreux et première

transformation des métaux. Produits des industries métalliques. Produits des industries mécaniques. Produits des industries électriques. Produits des industries automobiles et navales. Engrais et pesticides. Produits chimiques de base. Produits chimiques d'application, parachimie et

caoutchouc. Filature, tissage et teinturerie. Bonneterie et habillement. Artisanat textile. Tannerie et mégisserie. Chaussures. Artisanat du cuir. Produits des industries du bois et du meuble. Produits de l'industrie du papier. Produits de la presse et de l'édition, ouvrages

simples en bois, autres. 28 114. Produits de la transformation des matières

tiques. Bâtiment et travaux publics. Transports. Services et activités diverses non ventilés.

29 30 31

120 130 140

l'industrie industrialisante 6oi

Références

[i] Andreff (W.) et Hayab (A.), Les priorités industrielles de la planification algérienne sont-elles vraiment « industrialisantes » ? Tiers Monde, n° 76, vol. XIX, décembre 1978.

[2] Andreff (W.), La sidérurgie : une industrie lourde... de conséquences, Tiers Monde, n° 80, vol. XX, octobre 1979.

[3] Auray (J.-P.), Duru (G.), Mougeot (M.), L'asymétrie des relations intersectorielles : une analyse prétopologique, Economie appliquée, t. XXXI, n° 3-4, 1978.

[4] Auray (J.-P.), Duru (G.), Mougeot (M.), A pretopological analysis of Input-Output Model, Economics Letters, vol. 2, n° 4, 1979.

[5] Auray (J.-P.), Duru (G.), Mougeot (M.), Some pretopological properties of Input-Output Models and Graph Theory, Methods of Operations Research, vol. 34, 1979.

[6] Destanne de Bernis (G.), Industries industrialisantes et contenu d'une politique d'intégration régionale, Economie appliquée, t. XIX, n° 3-4, 1966; Id., Les industries industrialisantes et l'intégration économique régionale, Economie appliquée, t. XXI, n° 1, 1968.

[7] Destanne de Bernis (G.), Industries industrialisantes et options algériennes, Tiers Monde, vol. XII, n° 47, 1971.

[8] Genne (M.), Les priorités industrielles de la planification algérienne sont-elles vraiment industrialisantes ?, Tiers Monde, vol. XX, n° 80, 1979.

[9] Jacquemot (P.) et Raffinot (M.), Le capitalisme d'Etat algérien, Paris, Ed. Maspero, 1977.

[10] Mougeot (M.), Duru (G.), Auray (J.-P.), Influence par les prix et influence par les quantités dans un modèle input-output, Economie appliquée , n° 3-4, 1980.

[11] Mougeot (M.), Duru (G.), Auray (J.-P.), La structure productive française, Paris, Ed. Economica, 1971.

[12] Mougeot (M.), Duru (G.), Auray (J.-P.), Structures productives européennes, à paraître en 1981.

[13] Perroux (F.), Les techniques quantitatives de la planification, puf, Paris, 1965.