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(e)Réputation : autorité, affects et algorithmes redéfinit-il notre approche de la réputation ? Camille Alloing – CEREGE – 2015 Composer avec les régimes de Google : autorité, notoriété, opacité - Première journée d'étude du groupe PRIM

Google et la (e)réputation : autorité, algorithmes et affetcs

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(e)Réputation : autorité, affects et

algorithmes

redéfinit-il notre approche de la réputation ?

Camille Alloing – CEREGE – 2015

Composer avec les régimes de Google : autorité, notoriété, opacité - Première journée d'étude du groupe PRIM

Contexte

Questions : La focalisation des praticiens de la gestion de l’e-réputation surGoogle est-elle justifiée ? En quoi Google agit sur la réputation numérique ?

« Votre marque n’est pas ce que vous en dites, mais ce que Google en dit » (Chris Anderson -Wired)

“PageRank is much more a measure of reputation, it’s much more a reputation of where people links” (Matt Cuts - Google)

Questions : Google mesure-t-il réellement la réputation (d’un document, d’unauteur, etc.) ? Et en quoi l’usage de Google modifie-t-il notre interprétation decette notion ?

Les réputations

En économie : besoin d’approbation et de coopération (Smith),un signal venant réduire l’incertitude (Milgrom et Roberts,1986), donne lieu à des dispositifs de jugement (Karpik, 1996)pour favoriser la confiance

En sociologie : « une représentation sociale partagée,provisoire et localisée, associée à un nom et issued’évaluations sociales plus ou moins puissantes etformalisées » (Chauvin, 2013)

En gestion : perception des actions d’une entité et résultantede l’ensemble des images (Fombrun), réaction affective etémotionnelle (Davies)

Les réputations

D’un point de vue informationnel: « La réputation est la valeurinformationnelle de nos actions, la trace de notre conduite quenous laissons inévitablement dans les opinions des autres àchaque fois que nous interagissons avec le monde social, et quioriente leurs actions vis-à-vis de nous » (Origgi, 2007)

En SIC: « Nous comprendrons la notion de réputation aucroisement du voir et du juger, de l’être vu et de l’être jugé »(d’Almeida, 2007)

La réputation comme une évaluation des opinions et par l’opinion : la réputation comme méta-opinion et mécanisme d’agencement des opinions

(Alloing, 2013)

Et sur le web ? L’e-réputation…

Apparition de la notion « d’e-réputation » en France en 2006, puisdéveloppement par les praticiens… Et nombreux débats publics

Des définitions et approches essentiellement opératoires, focalisées sur lesplates-formes dont Google, et mettant au centre la notion floue d’image

Objet de recherche (mais pas théorisé) depuis les années 2000 par le prisme dela confiance et des dispositifs (McDonald 2000 ; Dellarocas, 2000 ; Hogg, 2004 ;Hung, 2012)…

Définir l’e-réputation par le prisme des SIC

Indicateurs issus de la commensuration (Espeland et Stevens,1998) d’interactions intentionnelles endogènes ouautomatisées

Ces indicateurs participent à la redocumentarisation (Zacklad,2007) de la présence numérique (Merzeau, 2009) d’une entité

L’e-réputation donne du sens aux documents numériquestraitant d’une entité, et apparait comme un marqueurprescriptif favorisant la médiation

D’un web documentaire à un paysage réputationnel : l’e-réputation pour favoriser l’orientation (Masum et Zhang, 2004) et organiser l’attention

L’e-réputation selon 4 axes d’analyse

Google par le prisme documentaire de la (e)réputation

Comme outil de traitement du document, Google fournit auxutilisateurs un pont entre des « ilots de cohérence » (Boullieret Ghitalla, 2004)… Il augmente l’incertitude (volume dedocuments traités) tout en diminuant l’asymétried’information : il (auto)génère ainsi de la confiance

Le moteur produit autant qu’il met envisibilité des marqueurs réputationnelsdivers

Il fournit ainsi ses propres guides dejugement, et répond à un besoind’approbation (par la foule) propre auxtransactions économiques… et à laréputation

Google par le prisme documentaire de la (e)réputation

Google ré-agence sémiotiquement diversdocuments afin de leur donner du sens : ilpropose une redocumentarisation constantedes documents qu’il traite

Mais « le documentariste n’est pas neutre, ilest actif dans ce processus deredocumentarisation : c’est lui qui trie ethiérarchise l’importance des traces »(Monseigne et Galinon-Mélénec, 2012)

Google par le prisme documentaire de la (e)réputation

Pour les praticiens (et les usagers?) les résultats semblentcependant « naturels »… EtGoogle invoque son algorithmepour justifier de la production decette réputation

Google par le prisme algorithmique de la (e)réputation

L’algorithme de Google comme mécanisme demémorisation des informations nécessaires pour produireune (e)réputation : brouillage des paradigmes detemporalité, de localité et de plasticité de la réputation

L’algorithme produit de la visibilité… Et de la notoriété ? Aminima une notoriété suggérée, qui participe à laquantification de notre langage pour favoriser desstratégies économiques (Kaplan, 2014)

Production d’une dissymétrie forte pour les publics: plusque de la notoriété, il produit de la célébrité.

Et amène à des questions morales et juridiques de droits« à l’oubli et au déréférencement »

Google par le prisme algorithmique de la (e)réputation

Le PageRank ne suffit pas à expliquer cette construction d’une célébrité et ses effets (Rieder, 2012)… Même pour les concepteurs (Cardon, 2013)

L’algorithme de Google comme le PageRank sont loind’être apolitiques (Noyer et Carmes, 2013)… Pourtant cetaspect est souvent subsumé par la technique pour le SEO

La sincérité de la citation n’a plus lieu d’être face auxtactiques de réactivité des usagers (Espeland, 2007).

Ce qui amène à de nombreux changements etinterventions sur l’algorithme.

Google par le prisme managérial de la (e)réputation

Google est central pour la gestion de l’e-réputation, et amèneaux pratiques de SEO. Jouer avec la boite noire génère uneperformativité des actions : pour être visible sur Google il fautagir comme/avec Google

La commensuration de l’e-réputation repose essentiellementpour les praticiens sur le PageRank (brevets, outils de veille)

Les principaux critères de quantification de l’e-réputation sontsimilaires à ceux proposés par Google Analytics (leadermondial)

Google influe sur les pratiques comme sur les imaginaires et représentations de certaines notions (influence, réputation, sociabilité) pour les praticiens

Google par le prisme cognitif/affectif de la (e)réputation

La réputation est centrale pour connaitre autrui (Emler, 2013)… Google redéfinitnos modes de mise en relation (Googlisation) : visibilité et invisibilité

Avec les cercles Google+, le +1 et l’AuthorRank Google a tenté d’insérer uneconstruction par les groupes sociaux de la pertinence, tout en produisant uneméta-opinion par la personnalisation (Alloing, 2014)

Le lien hypertexte comme une forme de publicisation d’un jugement (i.e. uneopinion) : Google agence ses résultats en fonction d’opinions propres à desgroupes… ou par les données personnelles

Vers une qualculation et une « autorité réputationnelle » ?

• Google produit de l’autorité (statistique) : centralité, audience… Mais aussi del’affinité (jugement) : +1, évaluations…

• Plutôt que confronter ces deux aspects pourquoi ne pas y chercher unagencement, une forme de qualcul (Callon et Law, 2005) ?

• Les algorithmes de filtrage dépendent autant de jugements humains que de techniquesstatistiques

• Si l’autorité informationnelle permet l’in-formation, « l’autorité réputationnelle »vise quant à elle à « mettre en forme » les opinions portant sur une entité ou unobjet

• Intégration des aspects affectifs et de croyance propres à l’opinion

• Aborder le fonctionnement de Google par le prisme des tensionsjugement/statistique côté plate-forme et rationalité/affect côté pratiques,permet de réinterroger la place de la réputation dans la consommation ordinaired’information en ligne

Conclusion

• Google ne construit ou ne mesure pas la réputation: il s’agit d’une constructionsociale et non d’un « objet »

• Mais il produit ses réputations : par ses mécanismes dequantification/commensuration des usages, et de qualculation du « poids » desdocuments

• Ces réputations participent à ses mécanismes politiques (gouvernance de laplate-forme), économiques (capitalisme linguistique, captation de l’attention),techniques (filtrage bayésien, approche bibliométrique) voire idéologiques

• Avec le web en silo qui se développe chaque plateforme agira de manièrecomplémentaire avec ses propres systèmes de réputation

• L'appréhension des réputations d'une entité nécessite une prise en compte despratiques individuelles et des tactiques des entités pour « jouer » avec lessystèmes (Alloing et Marcon, 2012)

• Bref, le web produit bien des réputations et Google en fait un instrument derégulation

Des questions ?

Plus de détails sur : http://cadderep.hypotheses.org/118