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1 L'innovation au pouvoir ! L'innovation au pouvoir ! Pour une action publique reinventée au service des Territoires Rapport établi par Akim Oural avec l’appui du secrétariat général pour la modernisation de l’action publique

Rapport innovation territoriale

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L'innovation au pouvoir !

L'innovation au pouvoir ! Pour une action publique reinventée au service des Territoires

Rapport établi par Akim Oural avec l’appui du secrétariat général pour la

modernisation de l’action publique

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SOMMAIRE

L’innovation territoriale : un enjeu majeur pour la France ........................................................... 11

Qu’est-ce que l’innovation territoriale ? ........................................................................................... 13

L’innovation territoriale comme élément de réponse à des défis majeurs de notre société ........... 16

L’enjeu pour la puissance publique : ne pas passer à côté des dynamiques en cours, mais savoir les accompagner et les accélérer............................................................................................................ 34

Etat des lieux de l’innovation territoriale : les mécanismes de la réussite ..................................... 35

CHANGER la posture et la culture de l’administration publique et des élus .................................... 38

CONNAITRE les ressources, enjeux et besoins spécifiques du territoire .......................................... 41

METTRE EN MOUVEMENT les acteurs du territoire et notamment des citoyens, dans le cadre d’une démocratie participative renouvelée ...................................................................................... 45

EXPERIMENTER et savoir faire preuve d’agilité de mise en œuvre des règles ................................. 48

GERER ET MANAGER différemment les ressources humaines et les projets au sein de l’administration publique .................................................................................................................. 50

ACCOMPAGNER les porteurs de projets avec une ingénierie territoriale, des outils et compétences adaptés .............................................................................................................................................. 54

FINANCER les démarches d’innovation territoriale et développer de nouveaux modèles économiques ..................................................................................................................................... 60

EVALUER les impacts de l’innovation territoriale ............................................................................. 63

DIFFUSER massivement et communiquer sur les bonnes initiatives ................................................ 65

L’ambition : 18 propositions pour faire de l’innovation territoriale un élément de dynamique économique et démocratique ..................................................................................................... 67

Axe 1 : Donner le pouvoir (et des moyens) aux innovateurs ............................................................ 69

Axe 2 : Décloisonner, rapprocher, organiser les acteurs .................................................................. 73

Axe 3 : Tous innovateurs ! ................................................................................................................. 76

Éclairage : zoom sur 10 innovations territoriales de référence ..................................................... 77

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« Allons Enfants de la Patrie … Redonnons nous rendez-vous »

La Ministre Marylise LEBRANCHU m’a fait l’honneur de me confier une mission passionnante ayant pour finalité de définir les clés de la dite « Innovation Publique Territoriale ». Bien que le terme innovation nous renvoie trop souvent à une injonction technologique, j’ai axé les travaux sur la question des moyens pour les territoires de mettre en synergie les acteurs, en utilisant le cas échéant la technologie comme facilitateur de l’interconnexion des écosystèmes. Et ce, en réaffirmant la place des services publics comme catalyseur de l’intelligence collective, parce qu’ils demeurent l’expression territoriale du « Bien Commun ».

Cette mission m’a appris que, malgré une image négative ou désabusée de notre France, dans notre pays, des femmes et des hommes s’engagent tous les jours pour assurer le Bien Vivre Ensemble. Ils sont les magiciens de la résilience territoriale en provoquant une alchimie sur leurs bassins de vie. Ces soldats de l’anti-déterminisme sont de différentes natures, qu’ils soient des acteurs privés, publics ou des citoyens engagés, leur objectif est de susciter le lien social.

A l’instar du modèle de l’entreprenariat social notamment, nous nous attèlerons à démontrer dans ce rapport que, malgré les difficultés, les crises et la morosité, dès lors que les énergies se libèrent sur un territoire, nous pouvons repousser la frontière des possibles.

Antonio Gramsci écrivait pendant les années sombres du fascisme « Le Vieux Monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaitre et dans ce clair-obscur surgissent les Monstres ». À mon sens, cet universaliste nous alertait sur le fait que tous ceux qui n’agissent pas dans les moments difficiles se rendent complices du délitement des valeurs humanistes en faveur de la Peur. Il défendait l’idée que le bien vivre ensemble doit s’appuyer sur la relation intime et complémentaire entre la « société civile » et la « société politique ».

Les événements de janvier dernier nous démontrent que la compréhension innée par chacun de ce qui nous unit devient une utopie lointaine dans certains endroits. La promesse républicaine qui garantit à notre Nation de déterminer collectivement notre projet de société ne peut plus seulement compter sur notre démocratie représentative. Aujourd’hui, avec un taux d’abstention de plus de 50%, nous sommes contraints de réinterroger notre modèle de « Convivendum » en associant davantage et très concrètement les citoyens aux décisions qui les concernent. Nous devons ressusciter chez ces derniers l’exigence d’être coresponsables et coacteurs.

En ce début de XXIe siècle, nous devons reproduire le modèle des États Généraux, proposer de redéfinir les modalités d’expression de notre socle républicain et réaffirmer les principes inaliénables de Laïcité et d’Universalité. Pour ma part, je considère que la pierre angulaire de cet immense chantier demeure l’Action publique. Le maillage de nos services publics doit être la connexion synaptique de cette envie de participation. En revalorisant leur action au quotidien, nos agents publics pourront redevenir les ambassadeurs de cette ambition renouvelée. Si la République leur en donne les moyens, ces derniers seront sans aucun doute les facteurs déterminants de l’innovation publique.

Si nous souhaitons sortir de la simple incantation du développement local, nous sommes tenus de redéfinir le Pacte public/privé/population sur chaque territoire. Celui-ci doit être le moteur du développement des écosystèmes d’intérêt général. Cette belle idée ne peut émerger sans la confiance. La confiance entre les acteurs mais aussi entre les collectivités et un État qui doit apprendre à lâcher-prise. J’envisage son rôle moins comme normatif ou tout-contrôleur mais bien comme régulateur, inspirateur, stimulateur des bonnes pratiques des collectivités

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territoriales. Évidemment, cela doit nous imposer une pratique étendue de l’évaluation, avec comme critère la création de valeurs, notamment économiques et sociales. Ce dialogue territorial redéfini nous imposera aussi la responsabilité de dépasser les clivages stériles pour porter des projets sur les « territoires pertinents ». À cet effet, je suggère que nous renforcions les prérogatives des secrétariats généraux aux affaires régionales (SGAR) pour les positionner comme animateurs des initiatives territoriales : ils pourraient avoir la responsabilité de stimuler les initiatives transversales entre collectivités.

Afin de sortir de la frustration du « presque » droit à l’expérimentation, inventons un « Droit à l’essai » et dépassons l’angoisse de l’échec. Les SGAR pourraient garantir un regard bienveillant de l’État sur ces dérogations, en partageant le risque, sous réserve que l’objectif de développement local durable soit avéré. Ainsi nous pourrons faire de nos bassins de vie des territoires de projets en libérant l’initiative.

Dans les nombreux projets que nous avons pu examiner pendant la rédaction de cette étude, un paramètre reste commun, celui de la confiance entre les acteurs. Pour ma part, elle est le remède au sentiment de relégation réel ou ressenti d’une partie de notre population. La société de consommation a abimé notre modèle en faisant glisser le statut de citoyen-usager vers celui de citoyen-consommateur. Paradoxalement, le vide créé par ce mensonge du « tout possession » comme modèle opposé au « collectif » amène beaucoup de nos concitoyens à se chercher une identité.

L’enjeu pour notre société est de rappeler que l’intérêt général génère « confiance et respect de soi, reconnaissance et appréciation des autres qui profitent à l’accomplissement de soi » (pyramide de Maslow). C’est le temps de réinventer un « Panthéisme Républicain » qui redonne sa place à toutes et tous comme substance ou maillon indispensable de notre Société unique et indivisible.

Aussi, je voudrais insister sur la force d’imagination, de créativité, d’invention de nos concitoyens (agents publics, salariés, chefs d’entreprises, élus, bénévoles, etc.) rencontrés à l’occasion de cette mission qui, par leur intuition et leur inspiration, redonnent des couleurs à nos territoires.

Le débat législatif doit s’emparer de ce changement de paradigme. Le calendrier de la loi NOTRe peut être une belle occasion d’ouvrir les nouveaux chantiers de construction du vivre ensemble et en particulier de remettre le Citoyen au centre de la mécanique de l’Action publique.

À l’heure de l’avènement du village Monde, la France ne doit pas être définie par son seul PIB mais avant tout pour sa capacité à se reformer et redevenir un phare des valeurs humanistes.

Emerson, fondateur de la pensée transcendantaliste, conseillait pour être innovant de ne « pas aller là où le chemin peut mener. Allez là où il n’y a pas de chemin et laissez une trace ».

Akim OURAL Citoyen,

Maire Adjoint de Lille

Remerciements sincères à l’ensemble du Comité d’orientation, aux associations de collectivités, aux designers, à la 27e Région, aux contributeurs et aux personnes auditionnées pour leur participation. Mention particulière au SGMAP (Ariane, Chloé et David) et aux experts (Christophe, David, Mourad, Nicolas, Vanessa) - sans oublier Séverine, de l’équipe de la Ministre.

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Synthèse du rapport

Ce rapport poursuit plusieurs objectifs : définir le concept d’ « innovation territoriale » à travers l’analyse des dynamiques à l’œuvre dans les territoires, identifier les conditions d’amélioration de l’environnement dans lequel les divers acteurs peuvent développer et pérenniser des projets dans ce domaine et contribuer à la conception d’une politique ambitieuse de développement de l’innovation territoriale. Il rend également compte de tendances majeures parfois mal identifiées ou mal comprises par les pouvoirs publics.

Le rapport propose donc en premier lieu une définition de l’innovation territoriale et la met en perspective au regard des grands enjeux auxquels elle est confrontée. Il décrit et explique ensuite ses principaux facteurs de succès à travers l’analyse de nombreux exemples concrets et études de cas. Enfin, il tire de ces éléments plusieurs propositions, adressées à la puissance publique dans ses dimensions nationale et territoriale, et dont la mise en chantier permettra de libérer les énergies créatrices au service des territoires et de leurs habitants.

I. L’innovation territoriale : un enjeu majeur pour la France Qu’est-ce que l’innovation territoriale ? L’innovation territoriale peut se définir comme une réponse nouvelle (ou transférée dans un contexte nouveau) à une problématique et/ou à un besoin identifiés collectivement dans un territoire, en vue d’apporter une amélioration du bien-être et un développement local durable.

Son caractère proprement « innovant » repose sur plusieurs éléments caractéristiques qui se combinent. Les deux premiers sont l’adaptation fine de la réponse à un contexte territorial donné et la mobilisation des ressources et atouts locaux. La construction d’un modèle économique durable lui est souvent intimement liée. La capacité à mobiliser les acteurs locaux et notamment les citoyens dans une logique de coconstruction et de coproduction fait également figure de composante clé : l’innovation pour et par le territoire.

L’innovation territoriale comme élément de réponse possible à des défis majeurs de notre société L’innovation territoriale permet de relever quatre défis majeurs, sociaux, économiques, et politiques.

Elle permet d’abord de garantir l’égalité des territoires, repensée dans un contexte institutionnel et socio-économique en perpétuelle évolution. Synonyme de rebond ou de « résilience », alors que les crises économiques et institutionnelles sont récurrentes, elle questionne la notion même d’égalité, qui reposerait sur une logique de rattrapage, en portant une vision dynamique où chaque territoire se développe grâce à ses propres atouts et spécificités. À la clé, la possibilité de réinventer des services publics de proximité, alors même que les marges de l’action publique se rétrécissent et que les exigences citoyennes sont de plus en plus fortes.

La crise de confiance vis-à-vis du politique et des institutions représente le second défi. Confrontée aux limites de la démocratie représentative et de la « participation citoyenne » institutionnalisée, l’innovation territoriale promeut l’intelligence collective, par la création de mécanismes nouveaux de coconstruction et de coconception des politiques avec les citoyens. Elle est porteuse de nouvelles formes d’action, où des personnes et des organisations issues de la société civile peuvent décider ensemble et coproduire les services publics.

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La construction d’un sens collectif et d’un vivre-ensemble autour de valeurs partagées et « matérialisées » grâce à l’innovation sociale constitue la troisième promesse de l’innovation territoriale. Face à l’affaiblissement du sens collectif, l’innovation territoriale se traduit par l’émergence de nouvelles formes de solidarité, d’engagement de proximité et de coopération dont les résultats sont visibles et mesurables par les habitants des territoires. Elle incarne une mécanique nouvelle de redistribution et de construction du lien social, notamment grâce au développement de l’entrepreneuriat social et solidaire.

Enfin, alors que la puissance publique est appelée à « faire mieux avec moins », l’innovation territoriale offre un cadre propice à la mise en œuvre de nouveaux modes de faire, à l’expression de la créativité des agents, à l’utilisation de technologies nouvelles et à la mobilisation de modes de financement inédits – c’est à dire à la transformation des modalités de l’action publique.

Ainsi, l’innovation territoriale constitue un potentiel à exploiter, pour améliorer les services publics, créer du développement local, revivifier la démocratie participative et créer de la confiance. Pour la puissance publique, l’enjeu est de taille. Il consiste à se saisir des dynamiques en cours pour les accompagner et les accélérer.

II. État des lieux de l’innovation territoriale : les mécanismes de la réussite Le succès d’une innovation territoriale est lié à sa capacité à répondre aux besoins spécifiques d’un territoire (en matière de développement économique, de bien être, de participation citoyenne…) tout en créant localement les conditions de l’expression d’une intelligence collective et de l’implication directe des acteurs locaux. De trop nombreux innovateurs rencontrent encore des freins, qui sont source d’échec ou de ralentissement de leur entreprise : résistances culturelles à l’innovation, lenteurs administratives et points de blocage juridiques, manque de connaissances, de compétences d’ingénierie ou de connexion à certains réseaux, manque de confiance de la part d’institutions, critères de financement imposés par les acteurs publics…

Ces freins peuvent être exacerbés par le profil atypique des porteurs de projets d’innovation territoriale – entrepreneurs sociaux ou simples citoyens – pour lesquels il existe aujourd’hui peu de dispositifs adaptés et qui suscitent davantage la défiance des financeurs. L’innovation territoriale ne peut donc se faire qu’à la condition d’un changement de posture et de culture de l’administration publique et des élus, seul à même de lever l’essentiel des freins auxquels sont confrontés les porteurs de projet. La puissance publique n’étant pas ou n’étant plus la seule détentrice de l’intérêt général, elle doit évoluer vers un rôle d’accompagnateur et de tiers de confiance qui collabore « horizontalement » avec l’ensemble des acteurs territoriaux.

Par ailleurs, huit facteurs clés de succès constituent les ingrédients de la réussite des projets et offrent des pistes d’action pour les acteurs. La connaissance des ressources, enjeux et besoins spécifiques du territoire (1), grâce à des dispositifs et des méthodes qui s’appuient sur les acteurs territoriaux, permet de capitaliser sur les spécificités locales. Une mise en mouvement collective et une forte association des citoyens dans le cadre d’une démocratie participative repensée (2), qui s’appuie sur un vivier d’énergies renouvelé, relégitime l’action publique et collective, et accroît la pertinence des dispositifs publics. La capacité à mener des expérimentations de manière agile (3), notamment dans la mise en œuvre des règles existantes, grâce à une meilleure appréciation du risque (trop souvent surestimé par les administrations publiques et par les financeurs) et à une évolution de la culture des décisionnaires publics est de nature à favoriser l’innovation.

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Toujours au sein de l’administration publique, une gestion des ressources humaines et des modes de management renouvelés (4) offrent un levier puissant, qui peut être actionné grâce à une boîte à outils RH comprenant le décloisonnement des personnes et des structures, la diversification des parcours et des compétences, l’apparition d’espaces tiers, le développement d’une culture de l’essai-erreur, et l’adoption des méthodes de « design public ». L’accompagnement des porteurs de projets et le développement d’une ingénierie territoriale (5) reposant sur des fonctions nouvelles – comme les « catalyseurs de l’innovation » – et sur le partage de compétences caractérisent la plupart des écosystèmes innovants.

Le financement des démarches d’innovation territoriale et le développement de nouveaux modèles économiques (6) alliant le respect des équilibres économiques à de nouvelles formes de solidarité ouvrent le champs des possibles en permettant aux citoyens de financer directement les projets porteurs de valeur pour la collectivité, et aux acteurs de disposer de moyens financiers nouveaux. La capacité à évaluer les impacts (7) de l’innovation territoriale de manière collective avec les acteurs et les bénéficiaires apparait comme une condition de succès importante. Enfin, la mise en réseau des acteurs, le partage d’expérience et la diffusion de pratiques innovantes (8) contribuent à la création de synergies et mettent les acteurs en capacité d’agir sur leur territoire.

III. L’ambition : 18 propositions pour faire de l’innovation territoriale un élément de dynamique économique et démocratique Le rapport présente 18 recommandations, qui sont autant de chantiers à ouvrir pour créer sur tout le territoire les conditions de succès de l’innovation. Toutes ces recommandations sont applicables à court ou moyen terme, à la condition d’une volonté politique affirmée et d’une prise en compte active des besoins des innovateurs territoriaux.

Ces propositions sont présentées autour de trois axes.

1. Donner le pouvoir (et des moyens) aux innovateurs 2. Décloisonner, rapprocher, organiser les acteurs 3. Tous innovateurs !

Axe 1 : Donner le pouvoir (et des moyens) aux innovateurs

1. Constituer un réseau national « d’accélérateurs publics » dans le cadre d’une initiative nationale lancée par les pouvoirs publics, s’appuyant sur un label et cofinancée dans le cadre de l’acte III du Programme d’investissements d’avenir (PIA 3)

2. « France en Résidence » : créer et lancer un programme national pluriannuel de résidences créatives permettant d’expérimenter des dispositifs d’action publique

3. Faire de l’innovation territoriale l’un des axes du PIA 3 en créant un « Programme Innovation Territoriale », dans une double logique de financement et d’accompagnement

4. Constituer des « fonds de garantie » sur les territoires pour aider, de manière très spécifique, les porteurs de projet d’innovation territoriale, sociale ou citoyenne, à lever les premiers fonds auprès des banques

5. Assouplir certaines règles encadrant la dépense publique pour permettre une plus grande fongibilité dans la dépense des crédits d’intervention

6. Assouplir le cadre légal du droit à l’expérimentation pour en faciliter l’usage

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Axe 2 : Décloisonner, rapprocher, organiser les acteurs

7. Structurer une fonction « innovation » transversale au sein des collectivités et la professionnaliser

8. Développer de nouvelles formes de collaboration entre pouvoirs publics et acteurs de la recherche en sciences sociales

9. Favoriser la mise en place, au sein de chaque territoire, d’un processus de coproduction des services publics avec des acteurs privés ou associatifs pertinents

10. Instaurer de nouveaux modes de collaboration innovants entre territoires : mettre en œuvre et expérimenter les « contrats de réciprocité » entre villes et campagnes proposés lors du comité interministériel du 13 mars sur les ruralités

11. Pour faire du numérique un levier de transformation dans les territoires, organiser des hackathons territoriaux et capitaliser sur l’offre « start-up d’État » (à renommer pour l’occasion : « Start-up territoriale ») du SGMAP permettant de développer des services numériques locaux en mode start-up

12. Intégrer l’innovation territoriale comme priorité des contrats de plan État-Région (CPER) dans le cadre de la clause de revoyure mise en œuvre en 2016 à l’occasion des fusions de régions

Axe 3 : Tous innovateurs !

13. Développer un réseau social et une plateforme web nationale de référence pour les projets et les acteurs de l’innovation territoriale

14. Décliner la Semaine de l’innovation publique dans les territoires 15. Donner une autre ampleur à la place de l’innovation dans l’offre de formation, initiale et

continue, destinée aux agents publics 16. Développer une boîte à outils de référence destinée aux collectivités et aux services de

l’État permettant de favoriser le développement des pratiques d’expérimentation à droit constant dans les territoires

17. Produire un guide de référence, destiné aux responsables RH du secteur public, présentant l’ensemble des dispositifs existants qui permettent de mobiliser ou de recruter des compétences extérieures sur des durées courtes ou de manière souple

18. Pour innover sans complexe, créer un « Prix du meilleur Essai » saluant les meilleures tentatives d’innover dans les territoires

Les territoires innovent. Les innovateurs territoriaux, privés et publics, s’organisent à leur échelle pour dégager leurs propres marges de création dans les systèmes existants. L’innovation territoriale est donc déjà une réalité pour les territoires et pour leurs habitants. Elle se construit autour de valeurs partagées : proximité, sens du collectif, bienveillance, lâcher-prise, collaboration, confiance, efficacité simplicité. La puissance publique doit désormais pleinement prendre sa place au sein des écosystèmes nouveaux pour encourager cette transformation sociétale. En jeu, la possibilité de renouveler le pacte social en redonnant du sens à l’intérêt général, remis à la portée des citoyens.

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L’innovation territoriale : un enjeu majeur pour

la France

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Qu’est-ce que l’innovation territoriale ? Si l’innovation n’a pas toujours eu une connotation positive dans l’histoire – en témoigne la définition du terme donnée dans L’Encyclopédie de Diderot et D’Alembert : « nouveauté ou changement important que l’on fait dans le gouvernement politique d’un Etat contre l’usage et les règles de sa constitution. Ces sortes d’innovation sont toujours des difformités dans l’ordre politique»1 – force est de constater qu’elle s’est progressivement imposée comme l’un des grands paradigmes de notre temps.

Tout d’abord utilisé au XXème siècle pour décrire l’innovation technologique mise en œuvre par des entreprises, le concept d’innovation tend depuis une dizaine d’années à s’élargir avec l’usage de l’expression maintenant consacrée « d’innovation sous toutes ses formes ». En 2005 déjà, la troisième édition du manuel d’Oslo sur « les principes directeurs pour le recueil et l’interprétation des données sur l’innovation », publié par l’OCDE, indique qu’elle prend en compte l’innovation non technologique : « C’est ainsi que le champ de ce qui est considéré comme une innovation a été élargi et inclut deux catégories nouvelles : l’innovation en matière de commercialisation et l’innovation organisationnelle ». Dix ans après, Bpifrance et la Fondation Internet Nouvelle Génération (FING) publient le référentiel « Innovation Nouvelle Génération », qui prend notamment en compte l’innovation sociale et l’innovation dans les modèles d’affaires.

Si le concept « d’innovation territoriale » s’inscrit bien dans ce mouvement général d’élargissement de la notion, il ne constitue pas pour autant une simple acception supplémentaire, ni une forme d’innovation parmi d’autres. Il correspond plutôt à une nouvelle approche de l’innovation.

Avec l’innovation territoriale, on passe d’une conception où l’innovation provient d’un individu ou d’une ou plusieurs structures mus par une motivation qui leur est propre (qui va de la volonté de faire du profit à celle de changer le monde) mais qui n’est pas forcément attachée à un territoire en particulier, à une vision où l’innovation est intimement liée à un territoire. Parce qu’elle offre une réponse à une problématique ou à un besoin de ce territoire, parce qu’elle est indissociable de son « ADN », d’atouts ou de contraintes locales spécifiques, parce qu’elle émerge d’une volonté publique et/ou d’une action collective locale, et qu’elle se fait dans la perspective de satisfaire l’intérêt général.

Plus qu’une forme d’innovation nouvelle, l’innovation territoriale est donc un changement de paradigme, une nouvelle grille de lecture (qui n’invalide pas l’ancienne mais s’y ajoute), incluant toutes les formes d’innovation (technologique, sociale...) répondant à ces principes.

1 Pour plus de détails, voir « Imiter, inventer... innover ? Une autre histoire de l'innovation », article de David Rottmann, paru dans Industries & Technologies, le 18/06/2014 (http://www.industrie-techno.com/imiter-inventer-innover-une-autre-histoire-de-l-innovation.30642)

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L’innovation territoriale : essai de définition

L’innovation territoriale consiste en une réponse nouvelle (ou transférée dans un contexte nouveau) à une problématique et/ou à un besoin identifiés collectivement sur un territoire, en vue d’apporter une amélioration du bien-être et un développement local durable. Son caractère proprement « innovant » repose notamment sur : Une adaptation fine de la réponse à un contexte territorial donné Une mobilisation des ressources et atouts locaux Un modèle économique durable Une capacité à mobiliser les acteurs locaux et notamment les citoyens dans une logique

de coconstruction / coproduction : « l’innovation se fait ainsi par tous les acteurs du territoire »

Source : Comité d’orientation de la mission Oural – issu d’un débat entre les participants

Le territoire, creuset des solutions nouvelles : l’échelon du projet et de la coopération Le territoire est entendu au sens de bassin de vie et/ou d’entité politique porteuse d’un projet de développement local et non au sens d’un espace délimité par des frontières administratives.

Le territoire, c’est donc non seulement l’échelon de la vie quotidienne et de la proximité entre les personnes, qui rend possible l’empathie, la coopération et la confiance, mais c’est également celui de la responsabilité (du décideur) et de l’engagement (pour l’individu). C’est donc un milieu extrêmement propice à l’émergence de dynamiques collectives en faveur de l’intérêt général.

Par ailleurs, l’échelle relativement réduite du territoire permet de cerner plus facilement des problématiques et besoins concrets, en matière de mobilité, d’environnement, d’habitat, d’insertion, d’emploi, de prise en charge des plus démunis, de démocratie participative, etc. La plupart du temps, ces problématiques appellent des réponses innovantes de la part des acteurs locaux, notamment lorsqu’il s’avère que les systèmes traditionnels ne sont plus adaptés ou efficaces (par exemple, l’impossibilité de maintenir un système de mobilité public dans une zone peu dense).

Des groupes de citoyens, des associations, les pouvoirs publics locaux et leurs agents ou des entrepreneurs peuvent alors s’en saisir et s’associer pour inventer ensemble des réponses originales plus efficaces. Ils le font en s’appuyant sur les atouts endogènes et sur le « génie du lieu » : énergie et créativité des individus qui le peuplent, compétences et savoir-faire présents localement, investissements déjà réalisés, ressources naturelles, capacité d’action collective, etc. C’est ce qu’on appelle l’innovation territoriale.

Les finalités de l’innovation territoriale L’innovation territoriale est tournée vers l’amélioration de la vie d’une communauté. Cela va de la réponse à un besoin qui accroît le bien-être des habitants ou leur capacité d’action ou de codécision (notion d’empowerment du citoyen) à la redynamisation sociale et économique du territoire, en passant par le développement durable et la préservation du cadre de vie. L’innovation territoriale est donc protéiforme – elle peut-être sociale, technologique, organisationnelle, d’usage, etc. – dès lors qu’elle s’inscrit dans ce principe : une innovation pour et par le territoire.

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Quelques exemples d’innovations territoriales

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« Voisin Malin », réseau de « voisins compétents » pour venir en aide aux personnes marginalisées par un handicap économique, linguistique ou culturel notamment dans certains quartiers défavorisés

Pour en savoir plus : http://www.voisin-malin.fr/

Mise en place d’un small business act à Toulouse : simplifier l’accès aux marchés publics pour les PME du territoire

Pour en savoir plus : http://www.entreprise-midipyrenees.com/actualite-marche-publics-toulouse-signe-un-small-business-act_1467.htm

La société coopérative d'intérêt collectif (SCIC) Champs Commun dans le Morbihan, épicerie coopérative en milieu rural, fondée notamment sur les circuits courts. Mode de coopération innovant autour d’une SCIC ayant permis de réunir 102 « associés », issus de différents horizons (habitants, paysans, enseignants, commerçants...) avec un financement participatif.

Pour en savoir plus : http://www.lechampcommun.fr/

La Mutinerie Village (Eure-et-Loir), co-working rural. Tiers-lieu dans une ancienne ferme, pour redynamiser un village de 500 habitants tout en proposant un mode de vie alternatif pour des travailleurs indépendants à 1h30 de Paris.

Pour en savoir plus : http://www.mutinerie.org/village-homepage-2/#.VR1N4GccQUQ

INNOVATIONS PUBLIQUES visant à transformer les pratiques des administrations et le rapport aux usagers

INNOVATIONS ORGANISATIONNELLES pour inventer de nouveaux modes de coopération entre les acteurs locaux

NNOVATIONS SOCIALES permettant de répondre aux besoins sociaux du territoire

INNOVATIONS PAR LES USAGES pour réinventer les modes d’habiter dans un territoire

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Rapport sur l’innovation territoriale

L’innovation territoriale comme élément de réponse à des défis majeurs de notre société Défi n°1 : Garantir l’égalité des territoires dans un contexte institutionnel et socio-économique en perpétuelle évolution : innovation territoriale et résilience des territoires

Restaurer « l’égalité des territoires » est une ambition forte du Gouvernement mise en avant à l’occasion de la création en 2012 d’un ministère dédié puis d’un Commissariat général idoine. « Il s’agit, conformément au pacte républicain, de restaurer l’égalité des chances entre les individus quel que soit le lieu de naissance, de résidence ou de travail. La notion d’égalité peut s’entendre comme la fin d’une forme de compétition territoriale fondée sur un critère d’excellence. Selon où l’on habite, on doit avoir accès aux services élémentaires, on doit pouvoir bénéficier d’une qualité de vie (développement durable), on doit pouvoir se développer grâce aux dynamiques locales »2.

Or, l’innovation territoriale est un levier considérable pour repenser l’approche de l’égalité des territoires, ce qui est urgent pour faire face aux réalités concrètes vécues ou ressenties – et notamment par ceux en situation de plus grande fragilité dans une « France périphérique ». En effet, le remède ne pourra venir d’une approche technocratique visant à établir des zonages et de la péréquation entre les territoires, mais de l’ingéniosité des territoires eux-mêmes. L’innovation territoriale peut en effet permettre aux territoires d’identifier et d’actionner les ressorts de leur propre développement, en mobilisant des collectifs d’acteurs autour de nouvelles activités économiques et/ou de la coproduction de lien social et de services. Face aux crises économiques ou institutionnelles que les territoires peuvent connaître, l’innovation territoriale apparaît de ce fait comme un facteur majeur de résilience3.

L’innovation territoriale comme « mécanisme de rebond », face à des crises économiques et institutionnelles constantes Mondialisation, crises économiques, délocalisations, réforme territoriale, baisse des dotations, catastrophes naturelles... Les territoires s’inscrivent dans un contexte géographique, socio-économique et institutionnel perpétuellement instable, qui les expose régulièrement à des crises et à la nécessité de s’adapter. Longtemps fleurons de l’économie française, les territoires industriels du nord et de l’est français ont ainsi été profondément meurtris par la mondialisation et la tertiarisation de l’économie. Les études de Laurent Davezies montrent ainsi à quel point les écarts entre les territoires n’ont cessé de croître depuis une trentaine d’années et combien la crise de 2008 a eu un impact asymétrique sur les territoires, créant de nouvelles fractures territoriales.

Dans ce contexte, il est illusoire de penser que l’Etat va pouvoir rétablir l’équilibre entre les territoires avec une approche purement descendante et qui serait fondée sur une logique de compensation ou de péréquation coûteuse. Par contre, les territoires peuvent trouver en eux-mêmes les ressorts de leur croissance et de leur adaptabilité face aux crises. C’est tout l’enjeu d’une approche par l’innovation territoriale, qui vise à permettre l’avènement d’une intelligence collective sur les territoires, à donner aux acteurs la capacité à se projeter ensemble et à coopérer pour coconcevoir et expérimenter des solutions innovantes en réponse aux crises. Des exemples qui sont aujourd’hui de notoriété publique l’enseignent. 2 Site internet du Ministère du Logement, de l’Égalité des territoires et de la Ruralité http://www.territoires.gouv.fr/egalite-des-territoires-571 3 La résilience désigne la capacité pour un corps, un organisme; une organisation ou un système quelconque à retrouver ses propriétés initiales après une altération1.

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Loos-en-Gohelle : le miracle de la transformation d’une ancienne cité minière

La ville de Loos-en-Gohelle (7000 habitants) a connu une trajectoire exemplaire. Suite à une grave crise liée à l’arrêt de l’activité minière dont elle dépendait presque entièrement, elle a entamé dans les années 1990 une reconversion volontariste et réussie fondée sur la mobilisation citoyenne et l’expérimentation de nouveaux modes de développement durable.

« Dès lors, une alternative s’offrait à la ville : essayer d’attirer d’autres industries pour remplacer celle de la mine… Mais n’était-ce pas reproduire le même mécanisme, avec à plus ou moins long terme, les mêmes conséquences humaines et environnementales, voire économiques ? Ou investir les espaces ouverts par la crise en développant des réalisations hors normes, et ainsi tenter d’infléchir la trajectoire du territoire avec un projet répondant aux questions actuelles tout en préparant le futur. Loos-en-Gohelle a opté pour la seconde solution en menant des programmes innovants relevant du développement durable, selon les principes d’action déclinés de la « déclaration de Bruntland » : de partir des besoins (démocratie participative) ; d’analyser les politiques publiques de façon transversale (3 piliers : économique, social,

environnemental) ; une prise en compte du long terme et des principes de réversibilité.

En effet, le développement durable est de plus en plus une affaire de comportement, nécessitant l’implication des acteurs : faire une Ville Pilote et d’interprétation, c’est aller vers une ville porteuse d’intelligence collective.

La commune est une échelle pertinente pour servir de laboratoire et permettre, une fois les actions validées, d’étendre les bonnes pratiques à une échelle plus large. Loos-en-Gohelle n’est pas une île : elle s’enrichit de ce qui s’est fait ailleurs et contribue elle-même à la qualification de la communauté. » (source : Loos-en-Gohelle, ville pilote du Développement Durable). En 15 ans, cette démarche expérimentale a permis de régénérer la ville de Loos-en-Gohelle et d’en faire une ville pilote du développement durable appliqué, devenue une vitrine nationale et internationale. La ville reçoit chaque année des centaines de visiteurs attirés par ce modèle alternatif. L’emploi progresse (+28% de 1999 à 2008) grâce notamment à l’implantation de plusieurs éco-entreprises (238 entreprises ont été créée de 2001 à 2013) sur le territoire et le nombre d’actifs dépasse aujourd’hui la moyenne observée dans la communauté d’agglomération Lens-Liévin.

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Repenser l’approche de l’égalité des territoires : une appréhension fine des dynamiques territoriales à l’œuvre – au-delà d’une analyse statique des écarts Comme on l’a vu, la « géographie des problèmes » appelle une « géographie des solutions »4 reposant sur une prise en compte des dynamiques et des enjeux locaux – et se distinguant d’une certaine logique d’intervention française.

En effet, de nombreux découpages géographiques ou « zonages » orientent et dirigent l’action publique dans les territoires. Ils résultent d’une vision statistique des écarts. La politique de la ville mérite d’être citée, au regard des budgets mobilisés et des enjeux sociaux. La loi Lamy, votée en 2014, a permis de simplifier les dispositifs existants en les fusionnant. Elle représente également un exemple type de volonté uniformisatrice dans le traitement des problèmes par l’État. Elle quadrille en effet l’hexagone en carrés de 200 mètres de côté. Pour chaque carré, un indicateur unique de pauvreté est calculé. En fonction de sa valeur, le « carré » bénéficie ou non de moyens d’intervention, censés assurer la réduction de l’écart voire le rattrapage des carrés environnants. Ce dispositif est donc actionné en fonction d’une représentation très théorique de l’espace. Il ne tient compte ni des dynamiques réelles correspondant aux quartiers, aux communes ou aux différents « bassins », ni du caractère foncièrement identitaire pour les habitants de leur lieu d’ancrage et de vie.

Ainsi les inégalités sont-elles à considérer comme des fractures, croissantes, qui éloignent la « France des fragilités sociales » des aires les plus dynamiques - la crise de 2008 a d’ailleurs plus durement affecté les espaces initialement moins favorisés. Face à leur caractère évolutif dans le temps et dans l’espace, la réponse des pouvoirs publics ne peut être ni statique ni unique, ce qui constitue à la fois un cadre, un enjeu et un défi pour les acteurs de l’innovation territoriale.

L’égalité doit ainsi être comprise comme un objectif de justice sociale et non comme une méthode d’intervention. L’équation à résoudre est dynamique. Son résultat est multiple. Entre régulation uniforme – uniforme dans ses modalités à défaut d’être uniformisatrice dans ses effets – et indifférence libérale, l’enjeu pour les pouvoirs publics est d’accorder à chaque territoire la possibilité de faire fructifier ses propres innovations, grâce à ses ressources et au bénéfice de ses habitants. Se joue dans l’innovation publique territoriale la possibilité de poser des cadres d’intervention différenciés (y compris peut-être et paradoxalement en allant jusqu’à autoriser certains territoires à déroger temporairement à certaines règles ?), à la condition qu’ils soient socialement justes.

Des services publics de proximité à imaginer, dans un contexte de réduction de la présence de l’Etat La mission constate, comme le décrit le député Jean Launay, que les réseaux déconcentrés de l’État suivent une tendance historique à la rationalisation. Cette évolution touche de nombreux domaines. Un exemple, le plus visible : en 1980, il y avait 69 000 écoles maternelles et élémentaires, contre 52 600 fin 2013. Depuis 2007, ce mouvement s’est accentué. Plusieurs mesures mises en œuvre dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), entre 2007 et 2012, ont conduit à la fermeture de sites. Vingt-trois tribunaux d’instance ont ainsi été supprimés dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire. La réduction des effectifs de la Défense s’est accompagnée de la fermeture de plusieurs dizaines de bases militaires. Or, malgré les dispositifs d’accompagnement mis

4 Yannick L’Horty, in rapport Vers l’égalité des territoires dirigé par Eloi Laurent, 2013

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en place, ces décisions renforcent le sentiment d’abandon et de traitement inégal de certains territoires. Elles mettent en évidence les craintes liées aux conséquences de ces fermetures sur l’activité économique et sur la vie locale. Les médias et certains élus parlent de « désertification » et de « territoires abandonnés », qu’ils soient urbains ou ruraux.

Par ailleurs, certains services ou politiques publiques se révèlent aujourd’hui inadaptés aux besoins des territoires. L’école ne parvient pas à réduire les inégalités entre élèves. Certaines antennes de Pôle Emploi se déclarent incapables d’aider correctement les personnes en recherche d’emploi, trop nombreuses dans les quartiers et les secteurs ruraux les plus concernés par le chômage. La dématérialisation conduite sans remédiation contribue à exclure ceux – personnes et territoires – qui souffrent déjà d’une exclusion économique, sociale et culturelle.

Face à cet état de fait, l’innovation territoriale peut être porteuse de formes renouvelées de services publics de proximité, plus satisfaisantes pour les bénéficiaires et économiquement viables - qu’il s’agisse de nouveaux services proposés par des entrepreneurs sociaux ou des groupes citoyens ou bien qu’ils soient rendus possibles par une organisation inédite des acteurs locaux. C’est le cas par exemple de la prise en charge des personnes âgées en Midi-Pyrénées, avec la mise en place d’une filière-pilote de la silver economy5. La Région a réuni les acteurs pertinents – collectivités, acteurs de la santé, associations, groupe La Poste, entreprises solidaires et sociales – dans un pacte d’ « économie cohésive », les amenant à se réorganiser pour coordonner leur intervention au domicile des personnes âgées et ainsi mettre en place des services plus performants. Le numérique et les technologies de l’information font également figure de pistes pertinentes car ils abolissent les contraintes matérielles et peuvent permettre une personnalisation. La dématérialisation des services est à la fois synonyme de diminution des coûts pour l’administration et de simplification pour l’usager. Pourtant, un service numérique ne saurait remplacer la présence, les conseils et l’humanité d’un agent public. C’est une nouvelle proximité, à la fois frugale6 et chaleureuse, que l’innovation territoriale doit favoriser, à l’image du travail mené par exemple au sein d’un Relais Services Publics (RSP) de la communauté de communes du Clunisois (Saône-et-Loire) en lien étroit avec des designers de la 27e Région et avec le SGMAP.

Enfin, il revient certainement à chaque territoire de définir le portefeuille de services dont il a besoin et les modalités de délivrance les plus adaptées. Pour autant, des leviers plus généraux, sur lesquels capitaliser, sont à rechercher pour répondre aux attentes des usagers. Quelle collaboration entre les principaux opérateurs ? Quels équilibres financiers ? Comment capitaliser sur les réseaux existants – réseau ferroviaire et réseau postal pour ne citer que les deux plus visibles – eux-mêmes confrontés à des problématiques de reconversion ? Les pistes, diverses, sont à explorer : guichet commun, services itinérants, collaboration public-privé, porte-à-porte, économie du partage…

5 La silver economy est l’économie dédiée à l’avancée en âge de nos sociétés ; voir le portail dédié : www.silvereco.fr 6 Au sens de « plus économe en moyens » : L'Innovation frugale. Comment faire mieux avec moins, 2015, éditions Diateino, Navi Radjou & Jaideep Prabhu

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Défi n°2 : Remédier à la crise de confiance vis-à-vis du politique : l’innovation territoriale comme espace d’initiatives citoyennes et de coconstruction

Le délitement du modèle républicain, dont certains estiment qu’il n’est que le résultat d’une « crise de l'engagement », naît probablement d’un questionnement, plus général, sur le fonctionnement d’un système démocratique reposant sur la représentativité. Il sonne comme un appel à la rénovation des pratiques de la classe politique, qui ne fait que démarrer avec le non-cumul des mandats et la parité.

Pierre Mauroy, persuadé que la décentralisation devait être un moyen vers plus de République, estimait que la représentation démocratique locale serait d'autant plus légitime qu’elle serait à l'image de la nation. Rappelant que seuls les parlementaires profitaient du « statut de l'élu », il s’interrogeait : pourquoi ne pas accorder un tel statut aux élus locaux ?

Pour des raisons d'équilibre et d’inertie, les mécanismes d'investiture des partis politiques sont insuffisamment ouverts à la diversité sociale, et ce n’est pas le caractère obligatoire du vote qui donnera aux citoyens le goût de l’engagement. A l’opposé, l'Éducation populaire est à cet égard un outil d'émancipation des individus et un atout du « bien vivre ensemble ».

Les contribuables participent au financement des formations politiques. Il est légitime que leur exigence de transparence porte autant sur le respect des règles de gestion que sur l'utilité des partis politiques, corollaire d’une capacité à préparer le pays aux enjeux de demain. Cette transparence permet d’objectiver certaines craintes. Pour permettre aux territoires d'envisager l'avenir avec sérénité, il est nécessaire de pouvoir compter sur des élus, capables de concilier les contraintes du politique avec les attentes populaires.

D’après le récent rapport de France Stratégie Quelle France dans 10 ans ?, « les Français sont de moins en moins nombreux à faire confiance à leurs institutions. Par exemple, plus de 70 % d’entre eux déclaraient en janvier 2014 n’avoir confiance ni dans l’Assemblée nationale ni dans le Sénat. Plus de 80 % estimaient que les hommes et les femmes politiques ne s’occupent pas de ce que pensent les gens et agissent principalement par intérêt personnel. De plus, près de 80 % considèrent que le système démocratique fonctionne mal en France.

Ces chiffres sont en augmentation régulière, notamment chez les jeunes et dans les classes populaires, et se traduisent par une augmentation continue de l’abstention et du vote pour l’extrême droite » 7

Face à ce constat de défiance, il semble urgent d’agir si l’on considère avec Jean-Louis Nadal que la confiance des citoyens envers leurs institutions est : « une condition indispensable de la vitalité de notre démocratie. Sans

7 Rapport Quelle France dans 10 ans ?, « Restaurer la confiance dans le modèle républicain », France Stratégie, 2014

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

1981 1986 1988 1993 1997 2002 2007 2012

Taux de participation aux élections législatives françaises : une baisse continue depuis 1981

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elle, c’est la légitimité de l’action publique qui s’affaiblit, en un temps où l’intervention de la puissance publique est particulièrement nécessaire pour faire face aux difficultés économiques et sociales que traverse notre pays. » 8.

Dans cette optique, l’innovation territoriale peut apporter des réponses pertinentes. L’échelon territorial (notamment celui de l’agglomération ou du bassin de vie) est en effet le niveau idéal pour réinventer de nouvelles formes de dialogue entre les pouvoirs publics et les citoyens ou encore des modes innovants d’implication des habitants dans la vie locale. Ces innovations, qui créent des espaces d’initiative citoyenne et offrent un support à la coconstruction des politiques publiques, peuvent ainsi constituer un moyen de réconciliation des citoyens avec la chose publique et l’action politique et donner un second souffle à la démocratie participative, en concrétisant une politique d’empowerment « à la française ».

Les limites de la démocratie représentative et de la « participation citoyenne » institutionnalisée Au-delà des scandales politiques qui ont pu ponctuellement renforcer le sentiment de défiance, c’est peut-être le modèle même de la démocratie représentative qui a atteint en partie ses limites. Ce modèle ne suffit plus en tout cas à rassurer le citoyen sur le fait que ses préoccupations vont être entendues, ni à combler son besoin de transparence accrue. La classe politique est également confrontée à de nouvelles attentes de la part des jeunes de la « génération internet », habitués à disposer de toutes les informations en temps réel, à bénéficier de services et de messages plus individualisés, à s’engager dans des « communautés » et à exprimer leurs idées publiquement sur les réseaux sociaux.

Or face aux nouvelles exigences de participation, les dispositifs de concertation citoyenne qui ont été institués au niveau local semblent insuffisants et souffrent de nombreux travers. On peut citer notamment les procédures de concertation et les enquêtes publiques, par exemple dans le domaine de l’urbanisme, ainsi que les conseils de quartiers et la possibilité de recourir au référendum local. Ces processus de démocratie participative sont aujourd’hui fragilisés par plusieurs tendances, parmi lesquelles un phénomène de « professionnalisation » des participants à ces dispositifs. D’autre part, la multiplicité des dispositifs entraîne un manque de lisibilité. Julien Talpin, chercheur au CERAPS, décrit en ce sens un « mille-feuille de la participation » qui nuit à la compréhension et à l’appropriation citoyenne. Surtout, le risque de manipulation de ces outils par les élus ou par certains groupes plus aguerris à leur utilisation est important et insuffisamment encadré. Ces procédures sont ainsi souvent perçues comme servant d’alibi à des décisions prises en amont et utilisées à des fins de légitimation politique.

Au niveau local, on observe également une perte de confiance des porteurs de projets dans la capacité de l’administration à les accompagner. Les pouvoirs publics sont ainsi souvent uniquement perçus comme un soutien financier potentiel, voire comme un frein pour le montage de projets.

Enfin, la décentralisation imparfaite a abouti à un enchevêtrement des responsabilités. Le système qui en résulte est peu efficient, illisible pour les citoyens et les entreprises, et contribue à nourrir une certaine défiance de la population vis-à-vis de l’administration.

Ces phénomènes sont renforcés par le manque de responsabilisation des individus dans le système actuel et le sentiment du manque de « pouvoir d’agir ». L’ « empowerment », via de nouveaux 8Auteur du rapport Renouer la puissance publique, rendu au Président de la République en Janvier 2015

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modes d’actions citoyens, semble donc à la fois la condition pour restaurer une relation de confiance entre les différents acteurs et le moyen de responsabiliser les individus.

Il devient dès lors nécessaire que les pouvoirs publics revoient les modes-de-faire actuels et repensent la construction du collectif. L’échelon territorial est particulièrement adapté pour le faire. Dans ce cas précis, l’enjeu de l’innovation territoriale est celui du passage de modes de consultation traditionnels et institutionnels à des modalités nouvelles de coconstruction, voire de coproduction, des politiques publiques. Cela s’accompagne nécessairement d’une redéfinition des postures et rôles traditionnels de l’élu, de l’administration et des « administrés ».

Innovation territoriale et intelligence collective : la coconstruction et la coconception des politiques Si les pouvoirs publics ne peuvent plus aujourd’hui agir de façon uniquement descendante par rapport aux citoyens, à l’inverse, la posture tendant à faire croire que le point de vue de l’usager est le seul qui vaille est à la fois illusoire et dangereuse pour la démocratie. Il faut donc penser un nouveau rôle pour l’élu et l’administration, en tant que catalyseurs des énergies et des intelligences collectives et comme coproducteurs des projets et des politiques avec les experts, les citoyens, les agents territoriaux, les acteurs associatifs, etc.

Ceci nécessite de mettre au point de nouvelles méthodologies : nouvelles formes de débats publics et de « brainstorming » avec le citoyen, codesign des services publics avec les usagers-bénéficiaires (incluant prototypage et expérimentation de ces services avant leur déploiement), appui sur les nouveau medias et réseaux sociaux pour interagir en temps réel avec le citoyen, etc. Pour peu qu’il fasse l’objet d’un accompagnement, l’outil numérique peut constituer par son côté attractif, notamment auprès des jeunes, un catalyseur de la coconstruction (par exemple pour coconcevoir un nouvel espace public).

L’innovation réside alors à la fois dans le processus de coconstruction en lui-même, mais aussi dans les produits de la coconstruction (nouvelles politiques, nouveaux services), dont on peut faire l’hypothèse qu’ils seront novateurs en tant qu’ils résultent d’un processus itératif et de l’association d’une pluralité d’acteurs.

Actuellement, dans les territoires, de nombreux acteurs se lancent et réinventent les formes de participation citoyenne.

A La-Ferté-Sous-Jouarre, les citoyens ont participent à plusieurs démarches de cocréation

organisées par la mairie, la communauté de communes, la SNCF et la start-up Call for team, pour imaginer des services innovants (services de mobilité, commerces). Ces travaux visent à implanter dans la gare, autour de plusieurs thématiques : le recyclage, le fait de travailler et d’entreprendre autrement et la valorisation du patrimoine notamment.

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En région Auvergne, la mise en œuvre de telles démarches est maintenant facilitée par le déploiement des laboratoires des usages numériques, implantés au cœur des territoires, qui ont vocation à être des espaces d’échanges entre habitants, porteurs de projets, élus, chercheurs.... La Pays de la vallée de Montluçon et du Cher a par exemple décidé de travailler sur le e-tourisme et la e-santé. En septembre 2014, une quarantaine de citoyens, élus et entrepreneurs se sont réunis. Un débat a été organisé autour de deux questions « Comment favoriser le développement du tourisme via le numérique ?» et « Comment le numérique peut-il contribuer à améliorer l’offre de soins sur le territoire ? » : six ateliers ont été animés, trois par questions. Un site internet a ensuite été mis en place pour recueillir de nouvelles idées de projets, ainsi que l’organisation de visites de terrain (dans un EHPAD par exemple sur la problématique de l’e-santé).

Par ailleurs, au niveau national, de nouveaux acteurs se positionnent aujourd’hui sur ces champs nouveaux et contribuent à diffuser des méthodes innovantes de coconception et design des politiques publiques dans les territoires et à accompagner les administrations dans la transformation de leur rapport au citoyen-usager : 27ème Région, SGMAP, Fondation Internet Nouvelle Génération (FING), Call for team…

La 27e Région

La 27e Région notamment est un « laboratoire de transformation publique » travaillant avec les administrations pour concevoir des politiques publiques différentes. Via des programmes de « recherche-action », elle teste des méthodes et des compétences issues du design et de la conception créative, des sciences sociales (ethnographie, sociologie de terrain, observation participante) ou encore des pratiques amateurs (do-it-yourself, éducation populaire). L’expérience vécue par les utilisateurs, qu’ils soient agents ou citoyens, devient ainsi le point de départ pour imaginer l’administration et les politiques publiques de demain. Actuellement, elle accompagne plusieurs territoires comme la Région PACA, la Région Pays-de-la Loire, le conseil général du Val d’Oise9.

Innovation territoriale et action collective : la coproduction des services publics Au-delà de la coconception des politiques et services publics, l’enjeu consiste aujourd’hui à aller encore plus loin dans le partenariat pouvoirs publics-citoyens, vers de nouvelles formes d’actions collectives et de « coproduction » des services publics. Dans cette vision, le citoyen n’est donc plus seulement un administré, ni même un usager, il est un acteur à part entière et un véritable partenaire de la puissance publique dans la délivrance des services aux usagers. Il s’agit par-là

9 Source : http://www.la27eregion.fr/

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également de « passer d’une logique de consommation de droits acquis à une logique de responsabilisation des usagers, d’implication de chacun dans le service public dont il bénéficie »10.

Un certain nombre d’acteurs de la société civile se sont déjà organisés et ont initié des dynamiques citoyennes de ce type dans les territoires. Elles « peuvent (…) prendre la forme de mises en œuvre, d’initiatives collectives, d’organisation de solidarités et de réponses concrètes » 11. C’est le cas par exemple de Voisin Malin ou de Garage solidaire (cf. page 92). Des associations comme Bleu Blanc Zèbre ou le Groupement National d’Initiatives et d’Acteurs Citoyens (GNIAC) se sont d’ailleurs précisément constituées dans l’optique de soutenir ces initiatives citoyennes innovantes qui ont déjà un impact concret sur la société dans différents domaines (entrepreneuriat, éducation, insertion, environnement, logement...), traditionnellement l’apanage des pouvoirs publics.

L’articulation des dynamiques institutionnelles et spontanées apparaît donc comme une nécessité pour éviter le cloisonnement entre d’un côté, une participation institutionnalisée remise en cause, et de l’autre les dynamiques citoyennes, qui progressent mais qui restent parfois fragiles, faute d’intervention suffisante des pouvoirs publics.

Il reste ainsi beaucoup de dispositifs à inventer pour pouvoir systématiser ces pratiques de coproduction dans les territoires. Cela passera notamment par un changement de culture des pouvoirs publics, par la mise au point de nouveaux processus de coopération, d’incitations, de contrôle et d’évaluation ainsi que par l’identification des formes juridiques et modes de financement adaptés. Cela se traduira nécessairement par des expérimentations au cœur des territoires, qui sont le creuset naturel où peuvent se développer ces innovations territoriales.

10 Elisabeth Lulin, Service Public « 2.0 », Institut de l’Entreprise, 2013. 11 Rapport BACQUE-MECHMACHE

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Défi n°3 : Retrouver le sens du collectif et du « vivre ensemble » : les promesses de l’innovation sociale

« Les Français sont très nombreux à penser que la société se désunit : ils jugent ainsi à plus de 80 % que la cohésion sociale est faible et 72 % anticipent des tensions entre les groupes composant la société, à échéance de dix ans »12. A la suite des événements terroristes du mois de janvier, les préoccupations sur ce qui fait – et défait – la cohésion nationale sont revenues sur le devant de la scène politique et sociale.

D’une part, des inégalités de différentes natures sont douloureusement vécues par nombre de citoyens. En effet, notre modèle social n’a pas été en mesure de lutter contre certaines formes d’inégalités, notamment pour l’accès à des services essentiels comme la santé et le logement, ni contre les inégalités d’accès à l’emploi ou à la formation. D’autre part, une tendance à l’évolution individualiste de certains modes de vie entraîne parfois l’isolement et le repli sur soi.

Le modèle républicain français doit donc rapidement retrouver l’adhésion des citoyens et sa capacité à créer de l’identité collective. Cela passera par une réinvention du modèle social, tant au niveau des politiques sociales en tant que telles (chômage, insertion, éducation, vieillesse, lutte contre les discriminations, etc.) qu’au niveau des pratiques et nouvelles formes de liens sociaux que l’on peut instaurer sur les territoires (solidarités intergénérationnelles, économie collaborative, etc.).

Innovation territoriale et nouvelles réponses aux grands enjeux sociaux Le territoire peut être le lieu de l’invention de nouveaux modèles ou d’actions innovantes permettant de répondre à des enjeux sociaux clés, tels que le chômage, l’insertion professionnelle des jeunes, la prise en charge de la dépendance, le coût du logement ou de la mobilité. Plusieurs projets ont en effet fait la preuve de leur efficacité à l’échelle des territoires.

Il existe en outre une forte interdépendance entre les notions d’innovation sociale et d’innovation territoriale. Tout d’abord, le territoire est un espace géographique circonscrit où l’on peut expérimenter de nouveaux systèmes avant de les généraliser s’ils sont concluants. Le projet Territoires Zéro Chômeur (voir encadré ci-dessous) est un bon exemple d’une innovation en faveur du plein emploi, qui demanderait à être testée. Sa mise en œuvre nécessiterait en effet des transferts budgétaires lourds et il serait beaucoup trop risqué d’adopter ce système avant de l’avoir testé. L’adoption d’une loi est nécessaire pour démarrer l’expérimentation.

Le projet Territoires Zéro Chômeur, porté par ATD Quart-Monde et par quatre territoires volontaires consiste à expérimenter « le plein emploi » dans un territoire.

Cet objectif serait atteint par l’identification systématique des compétences des personnes au chômage, ainsi que des besoins non couverts du territoire en matière de services, travaux, etc. et par la création « d’emplois aidés », correspondant à ces compétences et besoins. Ces emplois correspondent à la création de nouvelles activités non prises en charge par le marché car non rentables.

Ces emplois seraient financées en partie par un fonds local qui rassemblerait l’ensemble des aides liées à la prise en charge du chômage de longue durée (minimas sociaux, accompagnement social et professionnel des personnes sans emploi, manques à gagner en impôts, cotisations, etc.). Ces charges correspondent, d’après une étude d’ATD Quart Monde, à 15 000€ par chômeur et par an.

12 Rapport Quelle France dans 10 ans ?, « Restaurer la confiance dans le modèle républicain », France Stratégie, 2014

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Ces « emplois aidés » (ou « CDI citoyen ») seraient assortis d’une obligation pour les bénéficiaires d’examiner les propositions de Pôle Emploi pour permettre à terme un retour à l’emploi conventionnel.

A ce jour, quatre territoires issus du réseau d’ATD Quart Monde sont candidats pour mener cette expérimentation. Toutefois, pour être mis en œuvre, le projet nécessite le vote d’une loi d’expérimentation. Les quatre territoires ont déjà constitué la gouvernance du projet et communiqué autour de leur engagement dans cette démarche.

D’après ATD Quart Monde un projet de ce type ne peut être mené qu’à l’échelle d’un territoire d’une certaine taille où il est possible d’organiser une correspondance fine entre les compétences spécifiques des chômeurs et les besoins non couverts du territoire. C’est la deuxième raison qui permet d’affirmer que le territoire est un milieu propice au développement des innovations sociales. Les nouveaux modèles identifiés reposent souvent sur un travail de haute-couture « sur-mesure », plus que sur de grandes logiques mécaniques s’appliquant à des catégories entières de population.

Enfin, ces innovations reposent souvent sur la volonté et la capacité d’initiative d’un groupe de personnes engagées en faveur de leur territoire et non sur un simple mécanisme budgétaire. C’est le cas de « Garage Solidaire du Hainaut », né d’une initiative portée par des jeunes engagés du territoire – Soufiane Iquioussen et Nejma Lazregh –, déjà bénévoles depuis plusieurs années au sein d'une association d'éducation populaire (Actions Citoyennes), qui visait à sensibiliser la population locale à la vie politique et à animer un café citoyen à Denain.

L’initiative Garage Solidaire du Hainaut, lauréate du concours national « Talents des Cités », vise à proposer de la vente et maintenance de véhicules à bas coût pour les personnes défavorisées pour qui le manque ou l’absence de mobilité constituent un frein dans l’accès à l’emploi. Afin d’éviter de faire concurrence aux garagistes conventionnels, il a fallu établir un comité de sélection pour définir précisément et annuellement la liste des personnes pouvant bénéficier de ce service au sein du territoire. De telles démarches ne pourraient être gérées à un niveau « central ».

Il y a donc un fort enjeu pour les territoires à faire émerger ces nouveaux dispositifs à même de rénover notre modèle social. Cela passerait notamment par un meilleur soutien aux entrepreneurs sociaux innovants et au secteur de l’économie sociale et solidaire, par une capacité à les connecter aux enjeux et besoins principaux du territoire, par une reconnaissance, voire une quantification, de la valeur sociale qu’ils contribuent à créer sur le territoire, afin d’identifier de nouveaux modèles de financement pour ces services (en dehors des mécanismes redistributifs en vigueur au niveau national). Il y a là tout un champ de réflexion (et d’innovations possibles !) dont se sont notamment emparées des organisations comme Ashoka13 ou l’Agence de Valorisation des Initiatives Socio-Economiques (AVISE)14 et qui nécessiteront, dans les années à venir, de nombreuses

13 Ashoka - organisation sans but lucratif, laïque et apolitique - est le 1er réseau mondial d’entrepreneurs sociaux. Son objectif est de faire émerger un monde où chacun est capable d'agir rapidement et efficacement pour répondre aux défis sociétaux : Tous acteurs de changement - Everyone a changemaker™. 14 Agence créée en 2002 par la Caisse des Dépôts et des grands acteurs de l’économie sociale, l’Avise a pour finalité d’accroître le nombre et la performance des structures de l’économie sociale et solidaire (ESS), créatrices d’activités, d’emplois, d’innovation, de cohésion sociale

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expérimentations territoriales. Par ailleurs, la question des monnaies locales complémentaires (MLC) est en débat et en effervescence alors qu’un élu local, Jean-Paul Magnen, a remis le 8 avril 2015 un rapport15 sur le sujet à Carole Delga, secrétaire d'État chargée du Commerce, de l'Artisanat, de la Consommation et de l'Économie sociale et solidaire.

Innovation territoriale et recréation de lien social et de nouvelles solidarités Au-delà de la réinvention des mécanismes de compensation sociaux à proprement parler, le territoire est également un vecteur de lien social et un espace idéal pour réinventer de nouvelles formes de convivialité, de solidarité et de vivre-ensemble.

Le climat de confiance régnant parmi les personnes qui se connaissent et la proximité physique permise par l’échelle territoriale peuvent en effet favoriser l’éclosion de nouvelles formes de solidarités coopératives et directes. C’est le cas par exemple de la plateforme Voisin-Age qui repose sur la mobilisation des « voisins » pour veiller sur les personnes âgées d’un immeuble. C’est également le cas de toutes les nouvelles formes d’économie collaborative, fondées sur la mutualisation d’objets ou de services entre particuliers (qu’il s’agisse de la revente de biens d’occasion, de prêt ou de location).

Pour faire naître ces dynamiques collectives innovantes, les territoires peuvent également s’appuyer sur la volonté et l’envie des citoyens de s’engager. De nombreux acteurs, qu’ils soient agents publics, membres d’une association, salariés d’entreprises ou simples citoyens engagés, sont en effet aujourd’hui mus par la volonté d’œuvrer au service de la cohésion sociale et de la solidarité. « C’est le pari d’une « solidarité d’implication » qui compléterait la « solidarité institutionnelle » et permettrait à chacun, en tant que citoyen, en tant que professionnel ou en tant que voisin, de participer plus activement à la performance du vivre ensemble. »16

Il y a donc un fort enjeu pour les pouvoirs publics à stimuler ces nouvelles formes d’action sociale et à se doter des outils pour les accompagner et les amplifier.

et territoriale. À cette fin, elle contribue à la conception et à la mise en œuvre partenariale de politiques publiques et de dispositifs adaptés. 15 http://www.economie.gouv.fr/rapport-monnaies-locales-complementaires 16 Jean-Louis Sanchez, directeur général de l’ODAS in Le Panorama de l’innovation locale édition 2015, Jean Jaurès Fondation, Editions François Bourin, Novembre 2014 (page 270)

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Rapport sur l’innovation territoriale

Action Pti’Plato, Meurthe-et -Moselle

Le projet du Pti’Plato est né du constat selon lequel de nombreuses personnes étaient isolées alors même que la vie associative du plateau de la Haye était relativement importante. Le Pti’Plato est une forme innovante de « café social » installé dans un bus anglais, réaménagé et mobile, dans lequel des bénévoles et des travailleurs sociaux du plateau de la Haye assurent un accueil régulier et convivial des habitants du plateau. Il permet à la fois d’accéder à des informations d’ordre juridique et relatives aux loisirs, de favoriser l’insertion sociale et professionnelle et d’initier des projets collectifs en s’appuyant sur les usages et les capacités des habitants et des associations. La venue du Pti’Plato est aussi l’occasion de partager un moment de convivialité, autour d’une boisson chaude, pour certains bénévoles et habitants parfois éloignés du marché du travail et en demande de socialisation. Il rencontre une fréquentation importante, certains habitants étant devenus des « habitués ». Les bénévoles et travailleurs sociaux témoignent également de l’importance d’aller à la rencontre des gens et de casser l’image de « guichet » associée aux services publics sociaux.

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Défi n°4 : La nécessaire transformation des modalités de l’action publique, dans un contexte budgétaire contraint

Dans un contexte budgétaire de plus en plus contraint mais aussi d’exigence accrue des citoyens en matière de qualité, de simplicité et de personnalisation des services publics, il est impératif de repenser les modalités de l’action publique, pour accroître sa pertinence et son efficacité.

Cela passe notamment par l’intégration des technologies numériques, qui peuvent changer radicalement la donne en matière d’efficience, de rapport au citoyen, de connaissance des besoins et de personnalisation des services, mais qu’il faut savoir assortir de « garde-fous ». Cela passe également par de nouveaux modes de management permettant de capitaliser sur le potentiel créatif des agents et d’interagir différemment avec les citoyens.

Le territoire est un lieu privilégié pour expérimenter ces transformations de l’action publique, comme autant « d’innovations territoriales », en lien direct avec les citoyens et les agents des administrations territoriales. Chaque situation est complexe et appelle des réponses ciblées.

Un contexte budgétaire contraint : la nécessité de trouver de nouveaux modèles pour « faire mieux avec moins » Les causes de la diminution des ressources publiques et de la hausse de certaines dépenses sont connues. Leurs effets sur les territoires représentent une pression qui pèse sur l’innovation. Les collectivités doivent s’adapter à un contexte inédit, particulièrement difficile. Les dotations de l’État ne compensent pas intégralement en valeur les compétences transférées – une tendance qui s’observe et s’accentue. Les recettes fiscales plafonnent. La crise de 2008 a aggravé la situation financière des collectivités ayant contracté des emprunts toxiques. Les dispositifs d’aide sociale grèvent particulièrement les ressources des territoires les plus touchés par le chômage et la pauvreté. Les possibilités d’action publique au niveau local s’en trouvent ainsi réduites.

Mais paradoxalement, ces conditions adverses peuvent être un moteur pour l’innovation, en transformant les exigences accrues d’efficience en défis pour les innovateurs.

L’innovation peut ainsi concerner des formes nouvelles de mutualisation, de rationalisation ou de simplification des services ou équipements publics, tout en maintenant le même niveau de qualité. Les outils numériques, en particulier les logiciels libres et le cloud computing, incitent à repenser le fonctionnement des collectivités par la mutualisation et offrent de nouvelles opportunités de développement de services à coût moindre, comme le montrent les initiatives de nombreuses structures de mutualisation de services (SICTIAM, e-Bourgogne, e-Megalis, Gironde Numérique, Cre@tic en Nord – Pas de Calais…) et de collectivités (Nîmes par exemple).

L’économie circulaire et les économies d’énergies sont également des domaines intéressants à investiguer dans une logique « d’innovation frugale », en vue d’inventer de nouveaux modèles de fonctionnement plus économes. Certaines collectivités en font d’ailleurs un élément clé de leur stratégie – par exemple la Communauté Urbaine de Dunkerque.

Un troisième champ d’innovation concerne la définition de nouveaux modèles, plus efficients, de production et de délivrance des services. Il s’agit alors de faire appel à toute l’ingéniosité des acteurs du territoire (citoyens, étudiants, entrepreneurs sociaux, acteurs publics) pour proposer de nouveaux services à fort impact social et permettant d’économiser de l’argent public. « Faire aussi bien, sinon

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mieux, avec moins », et différemment. À cet égard, une récente étude de McKinsey pour Ashoka17, qui a porté sur l’étude de 10 cas, semble indiquer que c’est possible : « Le cumul des économies réalisées et des revenus engendrés est systématiquement supérieur à l’argent investi dans ces projets sous la forme de subventions. Pour les 10 cas étudiés, le bénéfice cumulé est supérieur à 50 millions d’euros en 2010 ». Et si l’on prend en compte le potentiel de réduplication de ces innovations sociales à d’autres territoires en France, l’enjeu économique est énorme : « Les volumes d’économies extrapolés pour la collectivité se chiffrent pour les dix cas étudiés à plus de 5 milliards d’euros par an ».

Enfin, le dernier champ d’innovation porte sur la finance publique en tant que telle et les nouveaux modes de financement des projets, complémentaires aux financements publics traditionnels. Les acteurs de l’économie et de l’entrepreneuriat social et solidaire appellent ainsi de leurs vœux la mise en place de méthodes permettant de valoriser et de monétiser les impacts sociaux – afin de les intégrer aux modèles de financement. Certains promeuvent le développement d’une ingénierie financière à visée sociale et celui de mécanismes incitatifs pour orienter certains capitaux privés, philanthropes ou for profit, vers les dynamiques d’intérêt général. Par ailleurs, les plateformes de financement participatif connaissent une croissance forte, et sur ces bourses d’un genre nouveau, les projets solidaires et durables se multiplient. En point d’orgue, certains construisent des sites de civic crowdfunding18 inspirés de modèles étrangers. Ils pourraient préfigurer une nouvelle forme d’impôt, volontaire, venant compenser la diminution des rentrées fiscales, dans le cadre d’un nouveau contrat social passé directement entre chaque contributeur et chaque porteur de projet.

Répondre à l’exigence de services de plus en plus personnalisés en intégrant les technologies numériques Les technologies numériques n’ont jamais été aussi présentes dans la vie économique, sociale et culturelle, contribuant à susciter de nouveaux usages, eux-mêmes souvent à la source de détournements d’usages. Les tendances technologiques déjà amorcées vont consacrer de nouvelles opportunités de développement de services et d’usages, pour certains avec une dimension disruptive : la mobilité, l’Internet des Objets (IoT), la réalité augmentée, le cloud computing et la virtualisation des systèmes d’information, les outils du data management, les systèmes complexes intelligents (robotique, cobotique, Content-Rich Systems,…), les micro-composants, les outils du pilotage énergétique global (smart grids, smart metering), l’impression 3D, la convergence numérique-énergie-sciences cognitives, etc. Ils constituent les vecteurs des nouveaux services de demain dans le tourisme, la culture, les services publics, la santé, les transports et l’urbanisme notamment.

Les outils technologiques induisent de nouvelles pratiques plus collaboratives et plus ouvertes et font émerger de nouveaux champs des possibles. Grâce à l’ouverture et à une meilleure organisation des données, grâce à une dématérialisation des services de bout en bout, grâce à des outils mobiles mieux adaptés, les services publics deviennent accessibles à tout moment, en tout lieu et quels que soient le support utilisé et le contenu (ATAWADAC : Any time, anywhere, any device, any content19).

Ubiquitaires, ils sont davantage en mesure de répondre à des besoins personnalisés en les anticipant si nécessaire, comme commencent à le faire les services marchands. Si le service public a 17 Etude d’impact de l'entrepreneuriat social, McKinsey&Company, 2012. 18 http://co-city.strikingly.com/ , http://www.callforteam.com/ 19 Selon l’expression inventée par Xavier Dalloz qui parle aussi de « mobiquité » représentant la fusion entre la mobilité et l’ubiquité.

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jusqu’alors été uniforme dans une logique « one size fits all », il devient davantage plastique en s’adaptant aux usages pour améliorer la qualité des services, prenant en compte ce besoin de personnalisation.

Pour autant, si elle est facilitatrice, la technologie peut être aussi exclusive et déconstructrice et n’est pas nécessairement porteuse de sens. Le sens ne s’acquiert que par la médiation et par la maîtrise humaine20. Ainsi, la logique de personnalisation poussée à l’extrême peut constituer une menace réelle en termes de connaissance des comportements et des usages, si des garde-fous ne sont pas mis en place pour protéger les citoyens, les accompagner dans les usages et garantir la confidentialité des données21. De même, l’invasivité des technologies doit trouver son contrepoids dans un droit à la déconnexion. Les aspects juridiques et éthiques sont essentiels pour moduler les effets du numérique. Ils sont d’ailleurs source d’innovation comme le montre le programme de la FING, Mes Infos22, qui met en chantier les conditions d’un retour vers les individus des données personnelles qui les concernent.

Un monde de plus en plus complexe, avec des cycles de plus en plus rapides : remplacer la logique de planification traditionnelle par une logique d’essai-erreur en continu et « d’open innovation » La fabrique des politiques publiques est appelée à évoluer sous l’effet de plusieurs tendances qui se conjuguent.

D’une part, les attentes des usagers sont de plus en plus personnalisées et complexes à satisfaire et elles évoluent très vite, tout comme les technologies et le contexte économique global. Le temps des « grands plans » avec des investissements lourds à la clé, engageant le pays tout entier sur un chemin pour au moins dix ans, semble bel et bien révolu, sous peine d’obsolescence programmée. Il y a aujourd’hui un enjeu à faire entrer la culture de « l’essai-erreur » au sein des administrations, ainsi que les savoir-faire liés au prototypage rapide et au test de solutions, pour avoir des « retours terrains » rapides permettant de réorienter et d’améliorer en continu les politiques publiques. C’est tout l’enjeu des administrations « agiles ».

D’autre part, les techniques de gestion et de management pensées il y a un demi-siècle constituent encore trop souvent l’unique boîte à outils des décideurs d’aujourd’hui. Elles doivent impérativement être complétées par de nouvelles méthodologies permettant de coopérer avec une variété d’acteurs qui ne sont pas tous des « experts » (citoyens, entreprises …). C’est tout l’enjeu de « l’innovation ouverte ». L'innovation ouverte postule qu'il est en effet plus efficace et rapide de ne plus se baser principalement sur sa seule et propre recherche pour innover, mais de le faire en collaboration avec les bénéficiaires d’une politique par exemple, ainsi qu’avec des chercheurs et des praticiens issus d’autres organisations. Cela accroît le volume et la rapidité de la circulation des connaissances et permet de bâtir une véritable « intelligence collective », souvent beaucoup plus puissante – si l’on sait s’en servir – que les formes de rationalité traditionnelles (fondées sur le binôme administration/expert) mobilisées au service de la fabrique des politiques publiques.

20 Voir sur ce point la critique de la vitesse technologique par Paul Virilio dans L’art du moteur, Galilée, 1993. 21 Le projet de loi sur le numérique évoque même un « droit au déréférencement », voire à l’effacement des données personnelles. 22 http://mesinfos.fing.org

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L’enjeu d’innover dans les modes de management, pour capitaliser sur le potentiel créatif des agents Enfin, les modes de management et la gestion des ressources humaines sont également à repenser dans les administrations, tant pour répondre aux attentes des agents que pour accroître l’efficacité et la pertinence du service public.

En effet, le manque de confiance interne23 qui est parfois dénoncé par les agents, l’absence de droit à l’erreur, les modes de promotion, le caractère très hiérarchisé de certaines organisations et les modes de recrutement constituent des obstacles importants à l’innovation publique, en ce qu’ils n’incitent pas à « sortir des cadres ». Selon Jean-Louis Frechin, enseignant-chercheur à l’ENSCI, « Innovation happens when people don’t ask permission » (l’innovation survient quand les gens n’ont pas à demander la permission).

A l’inverse, il y aurait un vrai enjeu à mieux valoriser l’expérience et la créativité des agents publics. Les agents qui sont en contact direct avec les usagers ont par exemple certainement beaucoup à apporter pour proposer des améliorations dans la façon de délivrer les services. Par ailleurs, beaucoup de personnes ont des idées, mais ne disposent pas d’un environnement propice pour les exprimer, ni les mettre en œuvre. C’est tout l’enjeu de réussir à faire naître et accompagner les « intrapreneurs »24 de la fonction publique, en s’inspirant notamment du concept « start-up d’Etat» théorisé par Pierre Pezziardi, créateur d’entreprises et de plateformes de crowdfunding, actuellement « entrepreneur en résidence » au SGMAP.

Il existe également un enjeu à repenser la formation des cadres de la fonction publique, pour les familiariser avec les nouvelles méthodes de coconstruction avec le citoyen, de design public, de management de la créativité et de l’innovation.

Enfin, la diversification du recrutement et la mise en place de synergies avec des salariés provenant d’autres organisations comme des entreprises ou des laboratoires de recherche sont également des champs de réflexion importants.

Là encore, le territoire peut être un formidable terrain d’expérimentation pour tester de nouveaux modes de management au sein des organisations publiques et de nouvelles formes de coopération avec le monde de la recherche, des entreprises et des citoyens. Tout cela sera indissociable bien sûr d’une réflexion au niveau national sur le statut, les modes de recrutements, la formation et les parcours professionnels des agents publics.

23 C’est notamment l’une des raisons pour lesquelles le télétravail peine à se généraliser, alors que la fonction publique pourrait être exemplaire dans son développement. 24 L’entrepreneuriat est « la mise en œuvre d’une innovation par un employé, un groupe d’employés ou tout individu travaillant sous le contrôle d’une entreprise.» (Carrier, 1997). L’intrapreneuriat désigne également « une capacité collective et organisationnelle pour encourager et accompagner la prise d’initiatives, à tous niveaux dans une entreprise. » (Thierry Picq, 2005).

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Qu’est-ce que Re•Acteur Public aujourd’hui ?

Re•Acteur Public est un programme de coopération entre l’Etat et les collectivités territoriales sur l’innovation publique. Il s’agit d’une initiative prise conjointement par le SGMAP (Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique) et par l’association la 27e Région. Re•Acteur Public a été lancé par Marylise Lebranchu en mai 2014. Re•Acteur Public est conçu comme une démarche expérimentale : il s'agit de tester si en l'espace de 4 ans (2014-2017), un consortium d'acteurs (Etat, collectivités, opérateurs, écoles…) est capable d'unir les efforts de ses membres en faveur de l'innovation publique. Le contenu de ce programme a fait l’objet de réflexions approfondies entre une trentaine d’acteurs, dès janvier 2013. Il couvre aujourd’hui 4 chantiers : 1/ développer des formations à l’innovation publique, 2/ mettre en réseau les acteurs de l’innovation publique (laboratoires d’innovation…) 3/ conduire une démarche de prospective créative sur le futur des pratiques de l’administration et des agents (comme par exemple sur l’évaluation des politiques publiques), et 4/ proposer un nouveau récit de l’administration à partir de la publication d’une collection d’ouvrages et de cas consacrés à l’innovation publique. Ce programme est conçu comme une plateforme ouverte, destinée à accueillir progressivement un nombre croissant de projets et de nouveaux partenaires. La 27e Région est l’opérateur de ce programme. Les partenaires officiels de Re•Acteur Public en avril 2015 sont : le SGMAP, la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC), des associations d’élus (Association des Régions de France, Assemblée des Départements de France), des collectivités pilotes (les régions Rhône-Alpes, Pays de la Loire, Bretagne, Provence Alpes Côte d’Azur ; la Ville de Paris ; le département de Saône et Loire). D’autres partenariats sont en préparation au sein de l’État et ou avec des collectivités. Des discussions sont en cours avec le CGET, l’ENA, le CNFPT-INET. Le 3e comité de pilotage de Re•Acteur Public s’est tenu en mars 2015, et le prochain est prévu en juin. Pour en savoir plus : http://www.la27eregion.fr/reacteur-public/ Le site internet de Re•Acteur Public est en cours de consultation et devrait être lancé en mai 2015 : http://www.reacteurpublic.fr/

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L’enjeu pour la puissance publique : ne pas passer à côté des dynamiques en cours, mais savoir les accompagner et les accélérer Comme les pages précédentes l’ont montré, l’innovation territoriale constitue un potentiel à exploiter, pour améliorer les services publics, créer du développement local, revivifier la démocratie participative, créer de la confiance et renforcer l’efficience de l’action publique.

Il est urgent en conséquence que les pouvoirs publics se saisissent pleinement de ce sujet et ne restent pas en marge de cette dynamique, au risque d’accélérer la déconnexion entre la vision et les pratiques de la puissance publique et les besoins réels des citoyens. Selon les personnes auditionnées dans le cadre de la mission, il y a en effet un risque que l’administration ne soit plus vraiment perçue comme au service de la population, mais comme un « monstre normatif » parfois porteur de « valeur enlevée » et d’ « engourdissement » des projets innovants issus des territoires.

Pour autant, les pouvoirs publics et leurs administrations ne sont les seuls à devoir se transformer. L’innovation territoriale est un vaste champ d’action et d’expérimentation, qui nécessite la mise en mouvement de nombreux acteurs au niveau local : association, citoyens, entrepreneurs, établissements de formation et de recherche, etc.

Par ailleurs, la posture optimale de la puissance publique face à l’innovation territoriale n’est pas forcément de « faire ». Bien au contraire, sa valeur ajoutée réside souvent plutôt dans un rôle de catalyseur, de facilitateur, voire même tout simplement dans un « lâcher-prise » et une « bienveillance » face aux initiatives privées des porteurs de projet.

Dans cette perspective, il a semblé intéressant d’illustrer plus concrètement le rôle particulier que peuvent jouer les pouvoirs publics sur la scène de l’innovation territoriale. A la lumière de nombreux exemples issus du terrain, la deuxième partie analyse les « mécanismes » de la réussite des projets d’innovation territoriale, en mettant l’accent sur la façon dont les pouvoirs publics peuvent à tout le moins ne pas nuire à ces démarches, mais aussi quand c’est pertinent, les catalyser, les faciliter et les accélérer.

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Etat des lieux de l’innovation territoriale :

les mécanismes de la réussite

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De nombreuses initiatives « inspirantes » ont commencé à se développer partout en France et ont fait la preuve de leur succès.

L’on peut considérer que le succès d’une innovation territoriale est lié à sa capacité à répondre aux besoins spécifiques d’un territoire (en matière de développement économique, de bien être, de participation citoyenne…) tout en créant localement les conditions de l’expression d’une intelligence collective et de l’implication directe des acteurs locaux.

A l’inverse, de trop nombreux innovateurs rencontrent encore des freins, qui sont source d’échec ou de ralentissement de leur entreprise. Les freins les plus communément mis en avant sont par exemple les résistances culturelles à l’innovation, les lenteurs administratives et les points de blocage juridiques, le manque de connaissances, de compétences d’ingénierie ou de connexion à certains réseaux, le manque de confiance liée à la nouveauté, les critères de financement imposés par les acteurs publics…

Ces freins, couramment rencontrés par tous les innovateurs, sont encore exacerbés par le profil atypique des porteurs de projets d’innovation territoriale – entrepreneurs sociaux ou simples citoyens – pour lesquels il existe aujourd’hui peu de dispositifs adaptés et qui suscitent davantage la défiance des financeurs.

L’observation précise des initiatives ayant réussi, comme les auditions et visites de terrain, ont permis de faire ressortir huit facteurs clés de succès et un levier transversal, qui constituent autant d’ingrédients de la réussite des projets d’innovation territoriale.

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CHANGER la posture et la culture de l’administration publique et des élus

CONNAITRE les ressources, enjeux et besoins spécifiques du territoire

METTRE EN MOUVEMENT les acteurs du territoire et notamment des citoyens

EXPERIMENTER : Savoir faire preuve d’agilité de mise en œuvre des règles

GERER ET MANAGER différemment les ressources humaines

ACCOMPAGNER les porteurs avec des outils et compétences adaptés

FINANCER les démarches et développer de nouveaux modèles

EVALUER les impacts de l’innovation territoriale

DIFFUSER massivement les bonnes initiatives

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Levier transversal

Facteurs clés de succès

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CHANGER la posture et la culture de l’administration publique et des élus

La puissance publique n’a plus le monopole de l’intérêt général : une posture de facilitateur de projets Dans la plupart des projets étudiés, les acteurs ont mis en avant la nécessité d’un changement profond de la posture et de la culture des pouvoirs publics. Il est nécessaire que la puissance publique ne se considère plus comme seule détentrice de l’intérêt général et parvienne à dépasser autant la posture du « faire seul » que celle du « faire faire » et de la privatisation des services publics. Les collectivités qui ont ainsi su développer la posture du « faire avec » en s’ouvrant sur la richesse des compétences présentes au sein de leur territoire et à passer d’une logique d’intervention pure à une logique d’accompagnement des initiatives innovantes, sont celles qui réussissent le mieux à impulser une dynamique d’innovation territoriale.

Le programme « fifty-fifty » de Loos-en-Gohelle

Comme évoqué en première partie, l’ancienne ville minière de Loos-en-Gohelle (7000 habitants) a axé sa stratégie de reconversion sur la responsabilisation des habitants, l’innovation sociale et le développement durable. Une attention très forte a été portée à l’implication concrète des habitants. Il s’agissait en effet de faire sortir le territoire et ses habitants d’un modèle paternaliste hérité de l’ère de l’industrie minière, pour rendre les loossois « maîtres de leur destin ». Ainsi, le programme « fifty-fifty » propose à des groupes d’habitants le souhaitant de mettre en place des services pour améliorer la qualité de vie avec le soutien financier et technique de la collectivité (un budget spécifique a été mis en place). La gestion sera quant à elle effectuée par les habitants eux-mêmes ce qui réduira l’impact sur les finances de la ville à long terme. Ces démarches ont rencontré un vif succès auprès des habitants et la commune qui est régulièrement sollicitée par les habitants pour des projets d’aménagement à l’échelle de leur quartier (jardins publics, voierie, etc.). Les habitants s’occupent de produire des documents pour illustrer leurs requêtes (plan, dessins, etc.) qui sont analysés par les services techniques pour en faire ressortir des propositions viables et durables d’aménagement.

Le dispositif PACA Lights : tous innovateurs !

L’appel à projets « PACA Lights », porté par la Région PACA et la Fondation Internet Nouvelle Génération (FING), mise également sur les compétences de l’écosystème régional pour apporter des réponses innovantes à des problèmes de politiques publiques.

Ainsi ce dispositif expérimental « vise à soutenir l’émergence et la réalisation de projet d'innovations hétérodoxes, « disruptifs », émanant de tout type d’innovateur (citoyens, étudiants, petits entrepreneurs), en réponse à des challenges émis par la Région. À titre d’exemple, le défi lancé en 2014 était « En 2020, ZERO kilowatt-heure gaspillé & TOUS producteurs d’énergie renouvelable ! ».

Levier transversal

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PACA Lights est l’un des rares appels à projets de ce type en France qui s’adresse non à des entreprises professionnelles, mais à tous les porteurs d’idées du territoire depuis l’étudiant jusqu’au simple citoyen. Par ailleurs, ce dispositif illustre également la nouvelle posture de la collectivité, en tant qu’accompagnatrice des solutions proposées par les acteurs locaux. Renversant la logique traditionnelle des appels à projet, PACA Lights permet à une vingtaine de porteurs d’idées innovantes de bénéficier de 2000€ et d’être accompagnés dans le cadre d’ateliers collectifs pour transformer leur idée en démonstrateur. Les 5 premiers lauréats gagnent ensuite 10 000€ et bénéficient d’un réel accompagnement par les structures d’appui locales (agence régionale d’innovation, incubateurs, pépinières ...) pour mettre en œuvre et expérimenter leur projet.

Un rôle de tiers de confiance La puissance publique peut également faciliter les projets en se positionnant comme force de neutralité ou tiers de confiance dans des démarches coopératives. Dans le cas de Seinergy Lab, plateforme de recherche, de formation et d’expérimentation sur la ville durable implantée aux Mureaux, le portage du projet par la Ville des Mureaux a permis de mettre autour de la table des industriels concurrents comme Suez Environnement, EDF et GDF. Sur le volet de l’expérimentation, Seinergy Lab a porté un projet qui consiste à mettre en place des dispositifs d’instrumentation dans des logements, afin de mesurer l’impact de travaux de rénovation énergétique sur la consommation réelle. Pour mener à bien ce projet, la présence de l’acteur public a été nécessaire pour rassurer les utilisateurs, ceux-ci faisant d’avantage confiance aux acteurs publics locaux qu’aux industriels.

Pour illustrer ce nouveau rôle de la puissance publique, Ali Mohammad, président de Seinergy Lab, explique ainsi que « le rôle de la collectivité n’est pas de tout régenter, mais de créer les conditions pour que l’intelligence de chacun puisse s’exprimer. »

Les élus, légitimés par le vote démocratique et par les « urnes », sont des acteurs indispensables pour catalyser les ambitions et les énergies. Ils sont les garants naturels d'un pacte de cohésion territoriale, qui s'illustre dans de nombreux projets et plans, notamment les CPER. Pour plus d'efficacité, une nouvelle gouvernance, qui permettrait une plus grande transversalité entre collectivités et État, doit être instaurée dans les territoires. Cela sera possible si la posture entre élus et administrés évolue vers plus de coconstruction et vers un meilleur partage de la responsabilité.

Une nouvelle posture qui implique un partage des risques plus équilibré Cette nouvelle posture implique un partage des risques plus équitable entre structures publiques et porteurs de projet pour mieux soutenir l’innovation territoriale. Ainsi que l’exprime Denis Vallance, directeur général des services (DGS) du conseil général de Meurthe-et-Moselle à propos de la culture des agents du conseil général : « Il faut une attitude des agents qui soit dans la coconstruction. Il s’agit de dire aux porteurs de projets à quelles conditions leur projet est possible et d’accompagner ces derniers pour qu’ils atteignent ces conditions, même si cela présente un risque. Il faut sortir d’une logique de censure ou d’expertise avec une administration qui valide ou invalide des projets. »

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SCIC Champ Commun

L’étude de cas Champ Commun (cf. page 80) relate l’histoire d’une Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC) créé en 2009 à Augan (Morbihan), qui vise à créer des activités en milieu rural (épicerie, café-concert, microbrasserie, auberge) et à répondre ainsi aux besoins locaux en créant des emplois de manière coopérative. Le porteur de projet interviewé explique qu’un partage plus équitable des risques entre structures publiques et porteurs de projet, avec des fonctionnaires et des élus qui « mouillent leur chemise » sans demander des garanties excessives, aurait grandement facilité leur projet. En effet, malgré des objectifs d’intérêt général évidents du projet (revitalisation du centre-bourg et création d’emplois), les administrations locales se sont positionnées dans une logique de censeur. N’étant pas convaincues de la viabilité économique d’un tel projet, elles ont même pu empêcher l’accès à certains dispositifs de type prêt à taux zéro pourtant ciblés sur ce genre d’initiatives. Le porteur de projet déplore une logique de l’administration qui est prête à prendre des risques financiers et politiques importants sur des projets d’envergure (grands équipements, création de zones d’activité, etc.), mais demande des garanties excessives sur des projets plus modestes.

A l’inverse, dans le cadre du projet Garage Solidaire du Hainaut, décrit dans la première partie de ce rapport –, l’engagement moral de la mairie de Denain, qui avait foi dans le projet et qui s’est portée garante pour le porteur auprès d’un organisme de caution de prêts bancaires, a été clairement déterminant pour lever les premiers fonds bancaires.

Droit à l’erreur et droit à l’expérimentation Enfin, la capacité des pouvoirs publics à autoriser un droit à l’erreur et à diffuser une culture de l’expérimentation, aussi bien en interne au sein des administrations, qu’en externe auprès des partenaires locaux, est un levier clé pour impulser et soutenir les dynamiques locales d’innovation territoriale. Ce levier est développé ci-après (facteurs clés de succès n°3 et 4).

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CONNAITRE les ressources, enjeux et besoins spécifiques du territoire

L’innovation territoriale ne consiste pas à « innover pour innover », mais bien à innover pour répondre à des enjeux territoriaux collectivement déterminés. Partant, la capacité à identifier ces enjeux apparaît non seulement comme un préalable, mais surtout comme un catalyseur des démarches d’innovation territoriale.

Cette connaissance du territoire et de ses enjeux peut être fondée sur différents dispositifs, notamment une organisation territorialisée de l’administration, la conduite de diagnostics territoriaux innovants, la présence d’une politique d’open data structurée sur le territoire, l’évaluation des impacts territoriaux des politiques publiques ainsi que les exercices de prospective territoriale.

Une organisation territorialisée de l’administration Au conseil général de Meurthe-et-Moselle, l’existence de six « directeurs de territoires » permet une connaissance intime des ressources, enjeux et besoins des territoires infra-départementaux. De plus, cette proximité du terrain permet à l’administration de se tourner de manière systématique vers des acteurs locaux en amont de la mise en place de nouveaux dispositifs, afin de les adapter au mieux aux réalités locales.

L’appui sur des diagnostics territoriaux innovants qui mobilisent des nouveaux types d’indicateurs La connaissance des ressources, enjeux et besoins des territoires peut certes s’appuyer sur la réalisation de diagnostics territoriaux classiques, comme ceux réalisés dans le cadre de la préparation des programmes opérationnels européens, des Contrats de Projets Etat-Région, de la mise en place de Plan local d’urbanisme (PLU) ou de toute stratégie de territoire (schéma de cohérence territoriale...).

Mais il y a tout intérêt à élargir cette approche à des dimensions sociétales ou environnementales aujourd’hui mal prises en compte. Dans certains territoires, la mise en place de nouveaux outils d’aide à la décision comme les indicateurs de bien-être, a permis de révéler des enjeux et des besoins sociaux latents.

Loos-en-Gohelle : l’indicateur participatif de bien-être

A Loos-en-Gohelle, un travail de recherche sur l’Indicateur Participatif de Bien-Etre (IPBE) a été engagé pour mesurer la force du lien social. La ville a également participé à l’étude Elena, en partenariat avec Véolia et l’Institut d’Etudes Catholique de Paris, qui se déclinait sur 3 ans et visait à définir, en coconstruction avec les citoyens, des critères de qualité de vie pour proposer une méthodologie applicable à tout territoire. Cet indicateur a été construit en prenant en compte huit critères constitutifs du bien-être : démographie et santé, environnement, gouvernance et citoyenneté, éducation, économie, culture et loisirs, variables psychologiques, infrastructures. En parallèle, une enquête auprès de 122 Loossois a été menée à partir de la distribution de questionnaires ne portant que sur la notation des grands thèmes pour les préciser et en affiner la pondération.. Cette méthodologie participative se heurte tout de même à la limite des données disponibles ainsi qu’à des limites en termes de comparaison.

Facteur clé de succès n°1

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La présence d’une politique d’open data structurée, vecteur de l’innovation territoriale En mettant à disposition des tous des données pertinentes et territorialisées, l’open data favorise l’émergence des nouveaux usages et le développement de nouvelles solutions grâce à la mobilisation de l’intelligence collective locale. Les « Territoires Camps », tout comme l’application Handimap, sont des exemples des promesses de l’open data.

Les Territoires Camps

Qu’est-ce qu’un Territoire Camp ? C’est un est un atelier participatif destiné à produire des idées et des solutions à des problèmes récurrents qui se posent aux usagers et aux agents publics dans un territoire. Organisé par une collectivité territoriale en collaboration avec les administrations locales et les acteurs du territoire – start-ups, étudiants, citoyens… –, il permet aux participants d’exploiter des jeux de données mis à disposition par les administrations, entreprises et institutions impliquées. Concrètement, quels en sont les résultats ? Le territoire de la Bourgogne a accueilli le 3 octobre 2014 le premier Territoire Camp, à l’invitation du conseil général de Saône-et-Loire, de la Préfecture et des services déconcentrés de l’Etat, de la mission Etalab et de l’association Open Data Bourgogne. Cet événement a donné lieu à l’émergence ou au prototypage de plusieurs solutions à des problèmes concrets : Un outil de repérage et de prévention des défaillances d’entreprises proposé par un

agent de la DIRRECTE La construction d’un agenda mutualisé des évènements culturels sur le territoire Un dispositif d’aide à la compréhension des cartes de pêches Un outil de mesure de l’intensité concurrentielle sur les marchés publics, destiné aux

acheteurs publics comme aux entreprises répondant aux appels d’offres Une cartographie des équipements à disposition du public Un outil d’aide à la sélection des trajets optimaux pour les interventions de pompiers

Un territoire constitue également une unique de mobiliser les innovateurs territoriaux, de favoriser les rencontrer et d’actionner les ressources du territoire !

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Handimap : Une innovation territoriale née de l’ouverture des données publiques

En 2010, Rennes Métropole et Keolis Rennes lancent un concours pour développer des services grâce aux données produites dans les systèmes d’information de deux organisations. Parmi ces données, se trouve notamment la hauteur des trottoirs et l’emplacement des passages piétons sur l’ensemble de la ville. Alors que les services de la ville ne comprenaient pas bien ce qu’une partie tierce pourrait faire de ces informations très techniques, deux ingénieurs développent l’application Handimap à partir de ces données.

Cette application permet notamment de calculer des itinéraires accessibles aux personnes à mobilité réduite, en tenant compte par exemple des trottoirs surbaissés ou non, et d’afficher différents points d’intérêts liés à l’accessibilité : arrêts de bus et établissements accessibles, places de parking réservées aux Personnes à mobilité Réduite, etc. L’application est aujourd’hui disponible à Rennes, Lorient, La Rochelle, Montpellier et Nice.

Cet exemple illustre comment une meilleure connaissance du territoire au travers de l’open data peut susciter l’innovation territoriale.

L’évaluation des impacts territoriaux des politiques publiques pour développer un nouveau regard sur les problématiques locales L’évaluation des impacts territoriaux des politiques publiques peut amener à qualifier de manière différente des besoins locaux pour susciter une solution innovante. C’est notamment le cas de Mobilité Solidaire dans le Pays Terres de Lorraine, où la qualification fine du besoin local de mobilité a permis d’engager une démarche d’innovation territoriale et de développer un nouveau mode de mobilité plus adapté.

Mobilité solidaire : une nouvelle manière de penser la mobilité en milieu rural

Face à la faible utilisation des bus départementaux, le conseil général de Meurthe-et-Moselle a souhaité supprimer un certain nombre de lignes dans la Communauté de Communes du Pays de Colombey et du sud Toulois. Avant la suppression, le Président du conseil général a insisté pour qu’un diagnostic soit mené sur le territoire. Ce dernier a fait ressortir qu’il y avait en fait des besoins de mobilité très importants, notamment pour les personnes âgées.

Suite à ce diagnostic a été monté en 2013 le projet de Mobilité solidaire. Celui-ci est porté par l’association Familles Rurales CIEL, en partenariat avec la Fondation de France, le CG54, la commune de Colombey-les-Belles et la Caisse d'Assurance Retraite et de la Santé au Travail (CARSAT). Le projet met en relation une équipe de conducteurs bénévoles défrayés à 35 centimes le kilomètre et des bénéficiaires qui payent 10 centimes le kilomètre. La mise en relation et le différentiel financier sont pris en charge par le conseil général.

Mobilité solidaire permet : d’apporter une solution originale aux besoins de déplacements non satisfaits des

habitants, notamment lorsque ceux-ci souffrent d’isolement et ou de difficultés financières et sociales ;

de créer ou renforcer le lien social entre les habitants et avec une structure associative, au travers des contacts lors des déplacements et des échanges téléphoniques avec les personnels d’accueil de l’association.

Au-delà de l’aspect transport, le projet de Mobilité solidaire se veut avant tout un vecteur de lien social, en rompant l’isolement des habitants les plus exclus et les plus fragiles. En cela, il s’agit d’une véritable innovation territoriale (la coproduction d’un service public de mobilité), rendu possible par le diagnostic préalable à la suppression des lignes de bus.

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Rapport sur l’innovation territoriale

La prospective territoriale afin d’associer les habitants à l’identification de pistes d’innovation pour le territoire Une ouverture large des démarches de diagnostic et de prospective à l’ensemble des acteurs du territoire (notamment citoyens), permettent tant d’élargir la connaissance des besoins que de faire émerger de nouvelles pistes d’innovation. La démarche Nantes 2030 – Ma Ville Demain, qui a mobilisé sur deux ans plus de 20 000 citoyens, a ainsi permis de faire émerger de nombreuses idées d’innovations territoriales. Le meilleur format reste les ateliers de travail en petits groupes, afin de se situer davantage dans une logique de brainstorming que dans une logique purement consultative ou d’information publique. Ces ateliers peuvent même être pérennisés comme à Amsterdam où des comités de quartier permettent aux habitants de se prononcer sur leurs besoins et les expérimentations à conduire dans le cadre de la démarche Smart City. Les outils comme la maquette numérique, les serious games25 ou les réseaux sociaux commencent également à être utilisés par certaines villes comme Rennes pour impliquer les citoyens dans la coconstruction de la ville et l’identification de nouvelles pistes d’innovation.

Nantes 2030 – Ma ville demain

La démarche « Nantes 2030 – Ma ville demain » a permis de 2010 à 2012 d’associer plus de 20 000 citoyens à des ateliers de réflexion sur l’avenir de Nantes. Cette démarche a fait émerger 9 questions d’avenir autour de 4 thématiques principales : économie, aménagement du territoire, lien social et citoyenneté. Celles-ci ont ensuite été débattues avec l’organisation de plus d’une centaine de rencontres, débats, ateliers, conférences à l’initiative de l’agglomération, des communes, des instances participatives, des institutions, des associations, des écoles et de nombreux habitants.

25 Un jeu sérieux (de l’anglais serious game : serious, « sérieux » et game, « jeu ») est un logiciel qui combine une intention « sérieuse » — de type pédagogique, informative, communicationnelle, marketing, idéologique ou d’entraînement — avec des ressorts ludiques.

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Rapport sur l’innovation territoriale

METTRE EN MOUVEMENT les acteurs du territoire et notamment des citoyens, dans le cadre d’une

démocratie participative renouvelée Le fait de pouvoir s’appuyer sur un territoire dynamique avec des habitants, des entreprises et des associations qui s’impliquent sur des problématiques communes est un élément clé de la réussite. Comment l’illustrent les études de cas, ce dynamisme se construit au travers d’une vie associative locale dans ses formes les plus traditionnelles (clubs des chefs d’entreprises, associations sportives, etc.), mais également au travers des dispositifs de participation citoyenne innovants.

Par ailleurs, les porteurs de projet évoquent également l’importance de la posture de l’élu local pour la réussite de leur projet. L’innovation territoriale nécessiterait moins un élu visionnaire et décideur qu’un élu qui cristallise l’émergence d’une intelligence et d’une action collectives dans le territoire.

Une vie associative locale riche et diversifiée comme facteur clef de l’innovation territoriale La vitalité de la vie associative, même dans ses formes les plus classiques (maison des associations, subventions, etc.), semble être un facteur clé de succès de l’innovation territoriale.

La SCIC Champ Commun : Le choix d’Augan pour sa vie associative riche

Dans le cas de la SCIC Champ Commun présentée (étude de cas n°1 présentée à la fin du document), les porteurs de projet ont choisi de s’implanter à Augan dans le Morbihan, du fait de l’existence d’une vie associative riche avec 40 associations pour 1400 habitants. Cette mobilisation des citoyens dans la vie associative prouverait selon eux la volonté des habitants de s’intéresser à des enjeux d’intérêt général et donc de pouvoir participer à des démarches d’innovation territoriale.

Le tissu associatif permet aussi de développer l’interconnaissance entre les acteurs locaux. Cette interconnaissance est indispensable pour construire des projets innovants, fondés sur la coopération et la confiance mutuelle.

Seinergy Lab : Le rôle joué par le tissu « traditionnel » d’associations d’entreprises

Situé aux Mureaux dans les Yvelines, Seinergy Lab, constitué sous forme d’association loi 1901, est un pôle d’innovation collaborative totalement inédit de formation, de recherche, d’expérimentation et de sensibilisation sur l’énergie et la mobilité pour contribuer à bâtir la ville de demain. SEINERGY LAB a pour objectif de devenir rapidement une référence nationale sur ces thématiques.

Une des premières actions préalables au développement de ce projet a été de redynamiser le tissu d’associations locales de chefs d’entreprise. Ce tissu a permis de renforcer les liens entre les acteurs, ce qui était absolument nécessaire pour mener un projet collaboratif entre entreprises concurrentes.

Facteur clé de succès n°2

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Le rôle déterminant des formes de participation citoyennes renouvelées Face aux limites des dispositifs de concertation institutionnalisés de type conseils de quartiers, certains territoires ont su renouveler leurs modes d’organisation de la participation citoyenne dans une logique qui relève d’avantage de la contribution, que de la concertation. Ces nouvelles formes de participation permettent de mobiliser les ressources des habitants et d’inscrire l’action publique dans une logique de « faire avec » plus propice à l’innovation territoriale.

Chacun à leur manière, trois dispositifs semblent particulièrement prometteurs : Unlimited Cities de l’agence d’architecture UFO, les Fabriques départementales l’innovation territoriale en Meurthe-et-Moselle et l’entreprise sociale Voisin Malin.

Unlimited Cities : « Faire la ville ensemble, c’est déjà vivre ensemble »

Le logiciel Unlimited Cities de l’agence d’architecture UFO permet de modéliser les transformations urbaines envisageables en faisant des simulations photographiques et donc d’engager la discussion avec les habitants. L’agence UFO part du principe que les techniques d’open innovation et d’intelligence collective ont permis de résoudre de bousculer les façons de faire dans une variété de domaines et qu’il est nécessaire d’utiliser ces techniques dans la construction de la ville.

Les habitants peuvent faire varier 6 paramètres (densité, nature, mobilité, vie de quartier, numérique, créativité) et voient apparaître en temps réel, à l’écran, le résultat de leur choix. Ils peuvent ensuite l’envoyer. L’ensemble des avis et des votes est assemblé dans un dossier remis à l’architecte sélectionné pour l’aménagement.

UFO est intervenu par exemple à Montpellier dans un quartier résidentiel. La tenue d’ateliers sur place, ainsi que la présence sur site des équipes d’UFO qui ont interrogé les habitants à l’aide d’une tablette équipée du logiciel Unlimited Cities a permis la remobilisation des habitants et la remontée des solutions très concrètes (création d’un endroit calme pour faire ses devoirs, déplacement de la salle du club à côté du terrain de basket). Par ailleurs, grâce à cet outil, les habitants sortent des postures habituelles (refus de la densité, demande de places de parking) et participent à une réelle intelligence collective.

Des Ateliers départementaux aux Fabriques départementales en Meurthe-et-Moselle

Le conseil général de Meurthe-et-Moselle a organisé en 2010 cinq ateliers départementaux et six conférences territorialisées sur des thématiques sociétales (Etre jeune aujourd’hui, Habiter durablement, Etre mobile raisonnablement, Entreprendre solidairement, Vivre fraternellement) avec au total plus d’un millier de participants et 501 propositions.

Ces propositions nourrissent aujourd’hui les Fabriques départementales, qui sont des « lieux où l’on construit en commun des projets concrets ». Ces Fabriques concernent tous les habitants volontaires pour s’impliquer dans une démarche expérimentale qui vise à résoudre des défis communs. Elles s’inscrivent dans la logique du « faire avec » ou du « faire ensemble » qui privilégie la coconstruction à la relation entre un opérateur et un donneur d’ordre (le conseil général). L’ambition est de construire une nouvelle forme d’action publique, appelée à devenir elle-même une marque de fabrique de la Meurthe-et-Moselle.

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Voisin Malin : Le porte à porte 2.0 pour faire participer tous les publics

Voisin Malin offre aux acteurs locaux (administrations, grandes entreprises délégataires de services publics notamment) les services de « Voisins Malins », habitants-ressources qu'elle emploie et forme, pour faciliter le lien avec les habitants-usagers : porte à porte pédagogique, traduction orale ou accompagnement des habitants dans leurs démarches, etc.

Un réseau de voisins compétents développe ainsi une interface nouvelle avec les habitants, dont ceux marginalisés par un handicap économique, linguistique ou culturel, créant de la valeur à la fois pour les services locaux et les habitants.

« Près de 8 portes sur 10 s'ouvrent au passage des Voisins qui se déploient auprès des habitants sur l'ensemble d'un quartier. Les Voisins font ainsi « le dernier km » en sachant créer la confiance avec leurs « pairs ».Ils peuvent ainsi recueillir un besoin, donner une information, expliquer un projet, mettre en lien avec un service ou accompagner dans une démarche en visant l'autonomie des habitants. Ensemble, les Voisins construisent une expertise à partir de ces nombreux contacts et deviennent in fine force de proposition pour les acteurs locaux. »26 Voisin Malin travaille pour un grand nombre de bailleurs sociaux et des municipalités, mais également d’entreprises comme Véolia ou La Poste. Voisin Malin participe ainsi à la mise en mouvement du territoire en s’adressant aux personnes les plus fragiles et les moins représentées dans des dispositifs traditionnels de participation citoyenne.

L’importance de la posture des élus : lâcher prise et mise en mouvement du territoire Le rôle de l’élu local dans le succès des innovations territoriales est fortement mis en avant pour le succès des innovations territoriales. Ainsi, comme l’exprime Armel Le Coz, cofondateur de Démocratie Ouverte, on n’attend plus « un élu visionnaire, mais un élu catalyseur d’un écosystème citoyen bouillonnant qui fait émerger et accompagner des solutions imaginées par les acteurs locaux ».

Ce nouveau rôle a été déterminant par exemple pour la réussite des démarches participatives d’urbanismes conduites par le cabinet d’architecture UFO. Dans une des villes où le dispositif a été mis en place, l’élu à l’urbanisme a défendu, quelques fois face à ses propres services, cette démarche de mise en mouvement du quartier, qui permet de mobiliser l’intelligence collective de ses habitants. Cela implique que l’élu soit prêt à « lâcher prise », c’est-à-dire à ne pas promouvoir en amont de la consultation une solution d’aménagement particulière issue de sa vision politique, mais de s’appuyer sur l’écosystème local pour coconstruire cette dernière.

L’existence de formes coopératives permettant une collaboration publique-privée souple Ali Mohammad, du Seinergy Lab, estime que « les supports juridiques qui permettent aux acteurs locaux de collaborer, dans le cadre de dispositions fiscales et financières de droits privés sont essentiels pour permettre la mise en œuvre des innovations territoriales ».

La mission a pu constater que les projets qu’elle a étudiés s’appuient ainsi en partie sur des associations, des sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC) ou encore des groupements d’intérêt public (GIP) pour opérationnaliser des innovations qui impliquent une multitude d’acteurs.

26 Site internet de Voisin Malin (http://www.voisin-malin.fr/, consulté le 18 mars 2015)

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EXPERIMENTER et savoir faire preuve d’agilité de mise en œuvre des règles

La possibilité de mener des expérimentations au cœur des territoires est une condition sine qua non pour permettre le test et le déploiement des innovations territoriales. Sans cela, les innovations ne peuvent qu’en rester au stade des idées. Or, ces expérimentations, par définition, bousculent l’ordre établi, nécessitant de faire évoluer certaines pratiques, voire certaines normes.

Les porteurs de projet mettent surtout en avant l’importance d’une forme d’autonomie locale et d’une souplesse dans la mise en œuvre des règles. Par ailleurs, certaines innovations de rupture nécessiteraient de pouvoir déroger ponctuellement à la législation nationale pour pouvoir être concrètement expérimentées.

Expérimenter à droit constant : la nécessité de faire évoluer les pratiques et les mentalités avant même les cadres juridiques Dans beaucoup de cas, les acteurs publics ont tendance à surestimer le niveau de contrainte qui leur est imposé par les normes juridiques. Cela les conduit à adopter des comportements trop prudents, en faisant porter l’essentiel du risque et des coûts induits sur les partenaires de l’administration, ou à ne pas réinterroger leurs propres pratiques par méconnaissance des alternatives. Une meilleure appréciation des risques juridiques et une volonté claire des élus et de l’encadrement supérieur dans l’administration permettent pourtant de simplifier les pratiques administratives, à droit constant. Les études de cas sont la preuve que certains acteurs publics volontaristes savent rester dans les règles tout en y trouvant de la souplesse, même sur des thématiques très règlementées comme les marchés publics.

Midi-Pyrénées : le Small Business Act, une expérimentation « à droit constant » Il est habituel d’entendre déplorer en France l’impossibilité de mettre en place des Small

Business Act comme aux États-Unis, pour privilégier l’accès des PME locales aux marchés publics, à cause des règles européennes sur la concurrence. Pourtant, certains acteurs publics ont réussi à expérimenter un dispositif de ce type, tout en respectant le droit existant. Ainsi, le Secrétaire Général pour les Affaires Régionales (SGAR) et les collectivités de la région Midi-Pyrénées ont joué un rôle moteur pour faciliter l’accès des entreprises locales à la commande publique au travers d’adaptations dans la mise en œuvre des règles, sans toucher au cadre législatif actuel. Ils ont par exemple fait passer les avances de 5 à 20 % pour les marchés inférieurs à 300 000 euros, pour que des PME ayant une faible capacité de trésorerie puissent se positionner plus facilement sur ces marchés. 20% est le plafond prévu par la loi, mais en pratique il n’est jamais appliqué. Le montant des clauses prudentielles a été revu à la baisse. Les documents administratifs à remplir par les entreprises soumissionnaires ont été largement simplifiés, passant de 45 à 9 pages. Beaucoup de redondances ont été éliminées. Ces documents types n’avaient jusqu’alors pas été remis en cause, par facilité, peur de commettre un impair ou parce que les services ne s’étaient pas posé la question de l’utilisateur final. Toutes ces modifications ont donc consisté dans des changements des pratiques des administrations grâce à une appréciation plus fine du risque et dans une évolution et de leur état d’esprit, mais elles n’ont nécessité aucune remise en cause du cadre juridique.

Facteur clé de succès n°3

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Une capacité à déroger temporairement à la législation nationale pour mener des expérimentations locales ? La révision constitutionnelle de 2003 ouvre un droit à l’expérimentation des collectivités territoriales. Celles-ci peuvent s’extraire de la législation nationale pour une période donnée dans le cadre d’une expérimentation. Pour cela, une loi d’expérimentation doit être adoptée par le Parlement, comme cela a été le cas pour l’expérimentation du RSA dans certains départements français.

Depuis sa création en 2003, l’expérimentation législative n’a été que rarement utilisée. Du fait de la nécessité à recourir à une loi, cette disposition est aujourd’hui très complexe à mettre en œuvre et son utilisation devrait être simplifiée. La possibilité de déroger à certaines lois pourrait en effet ouvrir des possibilités considérables pour l’innovation territoriale, sur des projets très en rupture avec les fonctionnements actuels. C’est le cas par exemple du projet Territoires Zéro Chômeur – déjà partiellement présenté.

Territoires Zéro Chômeur - ATD Quart-Monde

A ce jour, quatre territoires, issus du réseau d’ATD Quart Monde, sont candidats pour mener cette expérimentation. Toutefois, pour être mis en œuvre, le projet nécessite le vote d’une loi d’expérimentation, pour autoriser la réalisation de transferts budgétaires permettant de financer de nouveaux emplois à l’aide des prestations sociales versées aux chômeurs de longue durée.

Cette loi doit permettre de rassembler l’ensemble des aides liés au chômage de longue durée (minimas sociaux, accompagnement social et professionnel des personnes sans emploi, manques à gagner en impôts, cotisations, etc.) dans un fonds local et de créer un « CDI citoyen » qui inclut l’obligation d’examiner les propositions de Pôle Emploi.

Les cabinets ministériels rencontrés dans le cadre de l’éventuel dépôt d’un projet de loi d’expérimentation se montrent également favorables au projet. Néanmoins, la nécessité de passer par une étape législative au niveau national rallonge considérablement la durée d’incubation du projet du fait des contraintes du calendrier législatif. En effet, le lobbying parlementaire a débuté officiellement à l’été 2014 avec la publication du dossier de demande d’expérimentation. Le porteur de projet espère la mise à l’agenda d’une loi d’expérimentation en 2016. Mais il faut pour cela attendre la disponibilité d’une niche parlementaire (séance mensuelle où les parlementaires peuvent déposer des propositions de lois).

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GERER ET MANAGER différemment les ressources humaines et les projets au sein de l’administration publique

La posture et la culture des administrations publiques jouent un rôle déterminant pour l’innovation territoriale. Celles-ci peuvent être largement influencées par le renouvellement des modes de management, de gestion des ressources humaines et l’intégration de nouvelles méthodologies au sein du secteur public.

Les agents publics sont les fers de lance de l’intérêt général. Leur formation et les modes de management auxquels ils sont soumis doivent leur permettent d'être les coproducteurs des politiques publiques, en lien avec leur organisation mais aussi en concertation avec les usagers. Ces nouveaux « modes de faire » demandent à être ancrés dans les organisations publiques. L’une des conditions consiste à ne pas écraser les agents sous le poids de l’administration et de la bureaucratie. La pondération des organigrammes et la limitation du nombre de strates ouvrent, en ce sens, des pistes intéressantes pour les agents d'être totalement déconnectés du niveau stratégique, d’une part, et pour faciliter la mise en œuvre du mode « projet », d’autre part. Cet élément est essentiel, dans la mesure où il est lié à la capacité des agents de se mettre dans une position de coproducteurs des politiques qu'ils fournissent à nos concitoyens.

La diversité des parcours au sein des administrations, un levier pour mieux comprendre et accompagner les innovateurs territoriaux Les porteurs de projets soulignent l’importance d’avoir face à eux des agents avec des expériences multiples. Autant pour Seinergy Lab (la plateforme de recherche et de formation aux Mureaux), que pour Mutinerie Village (l’espace de coworking en milieu rural en Eure-et-Loir), la connaissance voire l’expérience des problématiques de l’entreprise par les agents publics semble avoir joué un rôle important.

De manière plus générale, la diversité des parcours et des expériences au sein de l’administration est facteur d’innovation. Un meilleur soutien de l’innovation territoriale passe donc certainement par la diversification du recrutement, la mobilité interne aux différentes fonctions publiques, la possibilité de recruter sur des durées courtes des profils différents (chercheurs, entrepreneurs, etc.).

Des modes de management qui rendent possible l’expérimentation et le droit à l’erreur Il s’agit de modes de management qui valorisent la prise de risque, l’innovation, l’échec comme source d’apprentissage et qui rendent possible l’expérimentation de solutions innovantes portées par les agents. La diffusion de cette culture passe notamment par la formation, la communication interne, la gestion des parcours professionnels, les relations instaurées entre les différents niveaux hiérarchiques et les processus de travail.

conseil général du Val d’Oise : un changement de culture soutenu au plus haut niveau

Le conseil général du Val d’Oise a créé en 2012 la Mission Innovation. À l’écoute de l’usager, la Mission Innovation s’appuie sur les compétences d’une équipe pluridisciplinaire appliquant les techniques et méthodes liées au design de service. Certains profils ont été recrutés pour l’occasion : un designer, un logisticien.

Facteur clé de succès n°4

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Ce service transversal travaille de concert avec les différentes Directions du conseil général et apporte un soutien méthodologique pour rendre possible la coconception et l’expérimentation des services publics de demain, en lien étroit avec les utilisateurs-bénéficiaires, les agents et les partenaires. La Mission Innovation compte ainsi à son actif des projets de refonte de services publics emblématiques comme la Maison Départementale des Personnes Handicapées ou la Maison des Jeunes.

Au-delà, le conseil général dissémine la culture de l’expérimentation et du droit à l’erreur en interne, grâce à la formation (création d’une école sur le management par l’innovation), la valorisation de la prise d’initiative (pépinière des jeunes cadres), un fonctionnement en « groupe projet » visant à prototyper rapidement des solutions et à faciliter leur expérimentation, ainsi que par la capitalisation des expérimentations déjà réalisées (chaque expérimentation ayant donné lieu à la publication d’un ouvrage).

Cette démarche a été rendue possible par un portage au plus haut niveau à la fois politique et administratif de la collectivité.

Sources : présentation de l’innovation publique sur le site du conseil général du Val d’Oise (http://www.valdoise.fr/11523-innovation-publique.htm, consulté 25 mars 2015)

Le design public : de nouvelles méthodes de conduite de projet qui permettent l’émergence d’innovations territoriales Les nouvelles méthodes du design public sont un levier puissant d’innovation territoriale, selon certains des porteurs de projet interviewés. Figure de proue de ce mouvement, l’association 27ème Région a fortement participé à leur adoption par plusieurs territoires (cf. page 22).

S’appuyant sur des analyses empathiques des usages, de la coconstruction avec les usagers et les agents publics et un prototypage rapide des solutions, ces méthodes permettent d’identifier de nouvelles pistes et de coconstruire des innovations avec l’ensemble des parties prenantes.

La Région PACA est l’une des premières collectivités en France à vouloir structurer en interne un laboratoire d’innovation publique pour repenser les services publics avec les utilisateurs finaux, avec l’appui de la 27ème Région.

Conseil régional de PACA : Mieux Manger au Lycée, un projet de design public pour imaginer collectivement un service de restauration alternatif

Lancée en septembre 2013 au lycée Claret de Toulon par l’élu en charge de la délégation « Santé, alimentation », le projet « Mieux Manger au Lycée » vise à créer un nouveau service de restauration.

L’équipe de la 27ème Région a pu tester à cette occasion un mode de fonctionnement nouveau, qui préfigure celui du futur laboratoire d’innovation publique voulu par la Région PACA. La 27ème Région a ainsi mobilisé des techniques de design public, en accompagnement des services de la Direction des Lycées, pour la définition du besoin et l’écriture d’un cahier des charges en conception créative de politiques publiques. Le processus se déroule en trois grandes étapes

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Rapport sur l’innovation territoriale

1. Un travail d’immersion sur site mené par les designers de la 27ème Région et l’équipe de management de l’établissement pour voir la réalité de l’activité du service de restauration

2. Une séance de travail collective pour préciser le cahier des charges pour le service de restauration alternatif à la suite de l’immersion

3. Des séances de coconstruction avec toutes les parties prenantes (lycéens, agents régionaux des lycées, enseignants, équipe direction du lycée, élus, designers, assistance à maîtrise d’ouvrage technique) pour proposer plusieurs scénarios, prototyper et tester de solutions d’organisation pour le service de restauration du lycée.

Gino Bontempelli, chef de service à la Région PACA, explique ainsi :

« La solution ne vient ni d’en haut, ni d’en bas. Elle vient du dialogue outillé par le prototypage, la mise en situation … L’expertise usager est partagée avec l’expertise des métiers : bâtiment, programmiste, spécialistes de la restauration collective, enseignants. Pour ouvrir le champ des possibles. Et si dans un lycée, les premiers utilisateurs sont les lycéens eux-mêmes, toutes les parties prenantes de la communauté éducative sont actrices du futur lieu de restauration : enseignants, agents régionaux des lycées, management du lycée ! Au cœur de la méthode, il y a donc bien la confrontation, organisée et bienveillante, des représentations et des certitudes des uns et des autres. Cette confrontation permet de faire émerger des solutions acceptables par tous, et non des compromis. Au Politique ensuite de trancher, de décider quelles hypothèses retenir pour développer in fine le service. »

La fin des « silos » L’innovation territoriale suppose bien souvent un décloisonnement entre les différentes politiques publiques d’un territoire. La capacité d’une collectivité à avoir une vision intégrée du développement de son territoire et à créer des passerelles entre ses différents services techniques via une organisation du travail en mode « projets » par exemple est l’une des conditions du succès. Réaménagement RD 590 : « Cela aurait pu être une banale rénovation de route »

La route nationale RN59 relie depuis 2007 Lunéville à Baccarat par une voie expresse en 2x2 voies. L’ancienne route a été déclassée en route départementale avec une enveloppe de l’Etat pour en assurer le réaménagement.

Au lieu de se limiter à refaire la couche de roulement de cette nouvelle RD, il a été proposé d’impliquer les habitants dans ce réaménagement en leur donnant la possibilité de se réapproprier cet axe autrefois craint pour son trafic dense. Le conseil général a soutenu financièrement ce projet. Un chantier d’insertion a été mis en place avec des partenaires et a permis à une douzaine de personnes en insertion d’engager une réflexion sur leur projet professionnel. Leur intervention sur la route départementale a consisté à repérer des points d’intérêt touristiques aux alentours et à proposer des supports (panneaux, vidéos) pour les mettre en valeur dans le cadre du réaménagement.

Cette innovation territoriale et le financement du conseil général pour un projet de réaménagement de route départementale, qui « aurait pu être une banale rénovation de route » d’après le directeur de territoire, a permis de mener une politique publique dépassant les silos traditionnels (tourisme, insertion, marketing territorial, voirie) et de renforcer l’attachement des habitants à cet axe routier.

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Rapport sur l’innovation territoriale

Le rôle des tiers-lieux pour favoriser l’ouverture de l’administration à son environnement extérieur Les tiers-lieux permettent de faire travailler sur un même lieu des personnes d’horizons différents et donc de favoriser les échanges et la fertilisation croisée. L’implantation d’agents publics au sein de ces tiers-lieux favorise l’interconnaissance et un meilleur dialogue entre agents publics et autres acteurs du territoire qui portent des projets d’intérêt général. L’incubateur territorial du Comptoir de l’innovation – mis en œuvre en Seine-Saint-Denis – accueille sous un même toit et fait collaborer des fonctionnaires du département et des entrepreneurs sociaux pour qu’ils développent une culture commune de l’innovation sociale.

Les tiers-lieux constituent néanmoins un cadre qui peut susciter des craintes, notamment pour les agents publics, tant il est éloigné des conditions habituelles de travail dans l’administration. Une illustration en a été rapportée à la Mission. Une équipe d’agents d’un opérateur public national qui devait intégrer un tiers-lieux dans le cadre d’un projet, n’a en définitive pas pu le faire, car le Comité d'Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT) de l’opérateur a demandé à ce que les agents disposent de bureaux individuels, en opposition à la philosophie de fonctionnement dudit lieu et à « l’esprit coworking ».

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Rapport sur l’innovation territoriale

ACCOMPAGNER les porteurs de projets avec une ingénierie territoriale, des outils

et compétences adaptés Les projets d’innovation territoriale qui réussissent ont la plupart du temps pu s’appuyer sur des compétences et des capacités d’ingénierie. Ces outils et compétences techniques ont pour objectif d’aider les porteurs de projets innovants depuis l’émergence de leur idée jusqu’au montage de leur projet, en passant par la mise en réseau avec des experts ou des partenaires et l’appui à l’obtention de financements.

Un nouveau métier, « catalyseur de l’innovation », pour faciliter l’émergence de projets Les porteurs de projet mettent en avant l’existence d’une fonction clé – le « catalyseur d’innovation » – pour faire émerger les projets d’innovation territoriale.

« Le « catalyseur d’innovation »27 est un concept développé par la Commission Européenne. Il s’agit d’un « médiateur ou coach créatif ». Il participe à l’émergence des projets en révélant les idées latentes ou en apportant lui-même des idées nouvelles. Il sait détecter des « acteurs pionniers » et des porteurs de projet en puissance. Il a enfin la capacité à connecter les bons acteurs, à les faire dialoguer, voire à faire converger leurs intérêts. Il joue un rôle de mise en relation des acteurs, non seulement au sein d’un territoire, mais également auprès des acteurs régionaux, nationaux, européens – qu’il s’agisse de réseaux, d’entreprises partenaires, d’administrations, d’experts, etc. Le « catalyseur » se distingue également par sa « neutralité » vis-à-vis des intérêts des acteurs locaux et il est souvent extérieur au territoire. »28

Projet Leader Seine Aval : illustration du rôle majeur joué par un catalyseur d’innovation Le dispositif LEADER, mis en œuvre à partir de 2009 sur le territoire de Seine Aval, a pour

objectif de servir d’incubateur de projets innovants autour de la complémentarité ville-campagne. Ainsi, parmi les projets développés : un magasin de vente directe, des logements étudiants à la ferme, l’insertion des travailleurs handicapés dans les métiers agricoles. Les projets doivent de préférence être portés en coopération par des agriculteurs et des acteurs des territoires urbains. Ce dispositif a donné lieu au développement de 40 projets sur 4 ans, ce qui est très important au regard du volume total d’agriculteurs sur la zone (30 agriculteurs) et du nombre de territoires (16 communes). La mobilisation des acteurs et le développement de nombreux projets tiennent avant tout à la capacité d’animation apportée par la Société d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) qui coordonne le projet pour le compte de l’ Établissement Public Aménagement Mantois Seine Aval (EPAMSA). Au sein de la SAFER, un chargé de projets joue le rôle de « catalyseur d’innovation ». Ce dernier passe beaucoup de temps sur le terrain avec les agriculteurs et les élus à dénicher de nouvelles idées et à proposer des projets aux partenaires. Il met en lien les acteurs, traduit leurs intérêts respectifs et les aide à négocier pour que les projets soient conformes aux intérêts des deux parties (agriculteurs et élus des villes alentours). Sa neutralité et le fait qu’il soit extérieur au territoire sont vus comme un facteur de légitimité supplémentaire pour jouer ce rôle d’intermédiaire. Enfin, il mobilise les compétences d’ingénierie nécessaire au montage des projets.

27 Le concept de « catalyseur d’innovation » s’appuie sur des réflexions qui ont conduit à la mise en place du Partenariat Européen pour l’Innovation. La dénomination définitive de ce concept n’est pas encore arrêté, le terme de broker de l’innovation a été cité à plusieurs reprises, mais ne semble pas adapté. 28 Etude CGET « Innovation et territoires de faible densité. Potentiel et condition du renforcement de l’innovation », 2014.

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Les réseaux de soutien aux porteurs de projet : des outils en faveur de l’innovation territoriale Certains des projets étudiés ont pu profiter de l’appui de réseaux de soutien aux porteurs de projet, comme le Groupement National d’Initiatives et d’Acteurs Citoyens (GNIAC) ou Bleu Blanc Zèbre.

Le Groupe d’Appui aux Initiatives (GAIN) du GNIAC : Coacher l’innovation territoriale

L’association GNIAC a pour objectif d'appuyer les porteurs de projets citoyens innovants grâce à un réseau de personnes d’origines professionnelles diverses disposant de compétences et de capacités complémentaires. Le groupe réunit pour cela des Groupes d’Appui aux Initiatives (GAIN) autour d’un porteur de projet pour repérer les facteurs de blocage et permettre l'accomplissement des projets à travers le conseil et l'accompagnement.

GNIAC développe actuellement une présence dans l’ensemble des régions de France pour pouvoir accompagner l’innovation territoriale au plus près du terrain.

D’une certaine manière, ces initiatives ressemblent à ce qu’on peut observer dans le monde de l’open source ou des makers29, où des personnes avec une compétence professionnelle de haut niveau se mobilisent en réseau et en dehors de leur activité principale pour soutenir des initiatives qui leur tiennent à cœur. De la même manière qu’il existe - dans l’écosystème des makers – des ingénieurs de Boeing qui travaillent le soir pour concevoir une voiture écologique open source, il existe - dans le monde de l’innovation territoriale – des acteurs d’horizons divers qui se mettent en réseaux pour soutenir des initiatives d’intérêt général dans les territoires.

Dans cette même optique, certaines collectivités comme la Région PACA se posent aujourd’hui la question de mettre en place un réseau régional d’appui à l’innovation territoriale (un peu sur le modèle des anciens « Réseaux de Diffusion technologique ») pour fédérer et mettre à disposition des porteurs de projets des compétences techniques en matière d’accompagnement des projets. A titre d’illustration, la Région PACA envisage notamment d’y associer les acteurs suivants : la Chambre Régionale de l’Économie Sociale et Solidaire (CRESS) de PACA, l’Association régionale pour le développement local en région Provence Alpes Côte d'Azur (ARDL), le laboratoire d'économie et de sociologie du travail de l'université d'Aix-Marseille, le réseau rural PACA, les Pays, certains comités d’expansion.

Par ailleurs, les collectivités commencent à développer en interne ou en s’appuyant sur de nouveaux types d’opérateurs, des compétences d’appui aux initiatives d’innovation territoriale.

29 Le mouvement des makers, de l'anglais make signifiant « fabriquer », est une culture (ou sous-culture) contemporaine constituant une branche de la culture Do it yourself (DIY) (en français « faites-le vous-même »), qui s’appuie notamment sur les nouveaux outils de conception numérique de type fab labs ou imprimantes 3D. Le seul dénominateur commun est l'envie de faire des choses soi-même. Chris Anderson leur a consacré un ouvrage : Makers, Pearson, 2012.

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Rapport sur l’innovation territoriale

La mise en place au sein de certaines collectivités d’une offre structurée de soutien à l’innovation territoriale Historiquement l’accompagnement proposé par les collectivités a surtout concerné l’appui au montage de projets innovants à finalité technologique ou économique, portés par des entreprises ou des laboratoires de recherche. Les collectivités ont ainsi développé des compétences spécifiques en la matière ou ont financé des opérateurs comme les pôles de compétitivité, les centres de ressources technologiques, les agences régionales de l’innovation, etc. pour réaliser ces missions.

L’innovation territoriale nécessite quant à elle une ingénierie spécifique – aujourd’hui encore peu développée au sein des collectivités – et des opérateurs nouveaux. L’une des difficultés est que l’innovation territoriale est un sujet transversal qui concerne aussi bien les services techniques en charge du développement économique et de l’innovation que les services chargés de l’aménagement du territoire ou bien de l’économie sociale et solidaire ou encore de la relation avec les usagers. Le caractère très transversal du sujet s’accommode mal du fonctionnement « en silo » des administrations publiques.

Néanmoins les porteurs de projets s’accordent à dire que le développement de nouveaux outils et compétences relatifs à l’innovation territoriale au sein des collectivités est un élément clé de la réussite des projets. Aujourd’hui, l’on voit apparaitre plusieurs dynamiques qui vont dans ce sens :

La création des laboratoires d’innovation publique Trois Régions sont en train d’en créer un (Champagne-Ardenne, PACA, Pays-de-la-Loire) avec l’aide de la 27ème Région, dans le cadre du programme « la Transfo »30. Il s’agit de structures internes aux collectivités qui auront pour but, sur le modèle du Mind Lab au Danemark, de questionner les politiques et services publics et de les améliorer en lien les usagers, ainsi que d’outiller et de soutenir l’expérimentation de nouveaux services publics sur le territoire.

Le LABO d’innovation de la Région Champagne-Ardenne ouvre ses portes La Région Champagne-Ardenne, s’est engagée, depuis 2009, dans une démarche expérimentale

de rénovation de son action publique. « La société bouge. La vague technologique a bouleversé notre rapport au monde. Les modes de vie et le rapport au temps changent. L’action publique doit s’adapter. Pas simple de réinterroger des modes de fonctionnement ou d’évaluer ses actions dans la gestion quotidienne. Mais le conseil régional a fait le choix de reposer la question de l’efficacité de son action sur le territoire, convaincu que l’innovation aujourd’hui passe par la co conception » Jean-Paul Bachy, Président du conseil régional Champagne-Ardenne. La région a tout d’abord conduit plusieurs expérimentations. De janvier 2009 à juin 2010, en partenariat avec la 27ème Région via leur programme Territoires en résidence, trois lycées champardennais ont fait l’expérience d’une nouvelle manière de dessiner la politique publique en mobilisant une équipe multidisciplinaire (architecte, designer, ingénieur, anthropologue, médiateur culturel, sociologue) pour réinventer et coconstruire l’environnement ou certains processus dans les lycées. En continuité, d’octobre 2011 à mai 2014, toujours avec la 27ème Région et via le programme Transfo, une nouvelle équipe pluridisciplinaire s’est embarquée, pendant dix semaines et sur trois ans au sein même de l’administration avec comme objectif d’être un laboratoire provisoire d’innovation publique, et d’aboutir, en cas de succès, à un laboratoire permanent.

30 http://www.la27eregion.fr/transfo/

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Après ces deux périodes expérimentales, la décision est prise de créer un laboratoire pérenne au sein de l’organisation. Cet espace, le LABO, dédié à l’innovation des politiques publiques, est donc l’aboutissement d’un travail de six années pendant lesquelles agents, élus et citoyens ont mis en pratique de nouvelles méthodologies. Le Labo est d’abord un lieu convivial, avec des espaces de travail, d’exposition, et de créativité, pour libérer l’imagination. Le LABO, c’est aussi une manière de travailler différente, inspiré du Design. Revenir à la source du problème, faire AVEC les usagers et plus seulement POUR, tester les solutions avant de les développer, mixer les équipes pour multiplier les points de vue… Au programme : - transversalité pour favoriser les échanges entre les agents des services ; - immersion pour mieux comprendre et vivre les problèmes des usagers ; - test et prototypage pour permettre l’expérimentation ou l’évolution de dispositif ; - coconception et participation pour impliquer les utilisateurs dans la définition des politiques publiques. Le LABO est une entité à la fois à la fois en dedans et en dehors, qui propose de nouvelles méthodes de travail, pour que les idées puissent naître plus librement.

La mise en place de cellules de soutien à l’expérimentation et au montage de « démonstrateurs »31

Il s’agit de permettre à des entreprises de tester leurs innovations dans l’espace public. Ces innovations ont la plupart du temps pour enjeu de répondre à une problématique du territoire, en termes de service, de mobilité, d’éclairage ou de gestion de l’énergie, etc. C’est pourquoi on peut les qualifier d’innovation territoriale. « Le soutien à l’expérimentation urbaine notamment est un nouveau service aux entreprises qui a été mis en place par plusieurs villes (Lyon, Paris, Barcelone). Il s’agit d’un « métier » nouveau qui suppose des compétences particulières (ingénierie de projets innovants, médiation public-privé, compétences juridiques) ainsi que la mise en place d’outils, de méthodologies et de procédures spécifiques, tant pour organiser la levée des barrières administratives liées à la mise à disposition du domaine public (conventions) que la médiation entre les acteurs publics et privés (processus de dialogues et d’intermédiation), mais aussi la sélection, le montage et l’accompagnement des projets (grilles d’évaluation, méthodologies d’accompagnement de projets). Un facteur de réussite consiste donc à mettre en place une organisation spécifique en charge de cette fonction, avec des moyens et profils adaptés, que cette organisation soit interne aux services de la collectivité, ou soit confiée à un opérateur externe » 32.

31 Un démonstrateur est une expérimentation en condition réelle de recherches amont, qui vise à développer des produits ou des procédés dont la preuve de concept scientifique a déjà été établie. Il doit permettre d'apporter plus rapidement la preuve de concept industrielle, étape indispensable entre la recherche fondamentale ou appliquée et la production de masse. Les démonstrateurs jouent également un rôle de vitrine des innovations de pointe dont ils testent le fonctionnement en conditions réelles. 32 Cf. Vademecum sur l’innovation urbaine, étude financée par le pôle de compétitivité Advancity, le MEDDE et la Caisse des Dépôts et parue en 2015, accessible sur ce lien http://www.advancity.eu/vademecum-innovations-et-villes-durables-reperes-pour-laction/

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La cellule de soutien à l’expérimentation de Paris / Ile-de-France

Une cellule de soutien à l’« expérimentation », rattachée à l’opérateur Paris Région Entreprises, a été créée avec le soutien de la Ville de Paris et de la Région Ile de France, pour appuyer ces deux collectivités dans la détection de projets d’expérimentation correspondant à leurs thèmes d’intérêts et dans le soutien à leur mise en œuvre. Les appels à projets portent ainsi sur des thématiques très variées telles que le mobilier urbain intelligent, l’aide à l’autonomie des personnes âgées à domicile ou en établissements, l’efficacité énergétique des bâtiments, ou la végétalisation innovante (biodiversité, agriculture urbaine, adaptation aux changements climatiques). Après la publication du cahier des charges d’un appel à projets, la cellule de soutien à l’expérimentation organise une réunion d’information à l’attention de toutes les entreprises de l’écosystème francilien pour expliquer et promouvoir les attendus de l’appel à projets. La mission de la cellule est ensuite d’appuyer les entreprises dans le montage concret de leur projet d’expérimentation : recherche des terrains d’expérimentation, aide au financement, appui dans la négociation et la contractualisation avec les gestionnaires de l’espace public. La cellule comprend 5 personnes (3 salariés permanents de formation ingénieurs, un stagiaire et un doctorant), qui possèdent des compétences spécifiques en matière de montage de projets complexes, de mise en réseau et d’alignement des intérêts des acteurs.

Le rôle des incubateurs d’innovation sociale et des clusters de l’économie sociale et solidaire Dans le domaine de l’innovation sociale, il peut y avoir un intérêt fort pour les territoires à s’appuyer sur des incubateurs d’innovation sociale et/ou des clusters de l’économie sociale et solidaire. C’est le cas de la ville de Nantes par exemple qui a historiquement été précurseur en matière d’innovation sociale territoriale, grâce à une collaboration très forte avec l’association des « Ecossolies » (voir encadré ci-dessous).

Une démarche structurée de soutien à l’innovation sociale grâce à un appui sur un opérateur de l’entrepreneuriat sociale et solidaire (ESS) et un incubateur spécialisé sur l’innovation sociale

Les objectifs de l’incubateur

• Renforcer l’animation territoriale thématique, par filière, pour faire émerger de nouveaux projets d’innovation sociale (projets individuels et collectifs)

• Renforcer la lisibilité de l’offre territoriale métropolitaine d’accompagnement et de financement des projets d’activité ou d’entreprise à finalité sociale

• Faciliter et mieux organiser les parcours des porteurs de projets

Les facteurs clés de succès de l’incubateur d’innovation sociale nantais

• Appui fort de la métropole sur un opérateur ESS : les Essolies, pôle nantais de soutien à l’innovation sociale

• Une association qui fédère aujourd’hui près de 230 membres, labellisée PTCE • Un lieu dédié à l’innovation sociale : Espaces de bureaux et de stockage, Espace

évènementiels, Magasin collectif, Cantine, Incubateur/pépinière spécialisés dans l’innovation sociale

• Un fonds de soutien à l’innovation socio-économique pour financer les projets

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Les actions mises en œuvre dans le cadre de l’incubateur

Une plateforme d’innovation socio-économique pour faire émerger des projets Des ateliers de pré-incubation pour mieux orienter les porteurs de projet

Des études d’opportunité et de repérage pour s’assurer de la faisabilité des projets Un incubateur de projets d’entreprises innovantes à finalité sociale pour coordonner

l’accompagnement autour des projets Une pépinière ESS pour favoriser la pérennisation de structures à finalité sociale

Exemples de projets soutenus par l’incubateur :

• Le projet de « Boulangerie Solidaire » qui a pour objectifs d’embaucher des personnes en insertion et de proposer des produits locaux, biologiques et équitables.

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FINANCER les démarches d’innovation territoriale et développer de nouveaux

modèles économiques Les freins les plus souvent cités par les porteurs de projets concernent le financement et le modèle économique des innovations. Des pratiques innovantes sur le terrain démontrent qu’il est possible de progresser dans ces domaines pour lever les freins à l’innovation territoriale.

Des critères de financements publics adaptés à l’innovation sous toutes ses formes Pour promouvoir l’innovation territoriale, il est essentiel que les financements publics ne se limitent pas uniquement aux innovations technologiques ou de marché. Des progrès ont été effectués très récemment pour faire évoluer les critères de financement, avec la mise en place du référentiel « Innovation Nouvelle Génération » en 2015, par Bpifrance et la Fondation Internet Nouvelle Génération. Cependant, pour faire évoluer les pratiques, il est nécessaire de pouvoir partager au niveau des territoires un vocabulaire et des représentations communes sur ce qu’est l’innovation, ainsi qu’une boîte à outils pour repérer les nouvelles formes d’innovation, les accompagner et les financer. La Région Languedoc-Roussillon fait figure de pionnière en la matière.

Noov’LR, une plateforme régionale de caractérisation de l’innovation sous toutes ses formes

L’outil Noov’LR a été conçu dans le but d’accompagner les acteurs de l’innovation à qualifier l’innovation sous toutes ses formes, pour bien orienter les porteurs de projets et/ou prescrire la bonne aide. Concrètement, il s’agit d’une plateforme comprenant : Une grille de caractérisation de l’innovation (voir illustration ci-dessous) Le développement d’un lexique commun pour expliciter précisément les différentes

terminologies, ce qui est un enjeu pour la prescription des aides régionales aux porteurs de projets innovants.

Une base d’une vingtaine de cas pour illustrer les définitions de l’innovation

Des sessions de formation des accompagnateurs de l’innovation pour les sensibiliser et les former à la manipulation de l’outil

La méthodologie a été imaginée en 2012 par le réseau Synersud, puis développée avec Transferts LR, Agence de l’Innovation du Languedoc-Roussillon. Elle caractérise l’innovation suivant : Sa nature : technologique, d’usage, sociale, autre nature ; Ses objets : produits ou services, procédés ou processus (production, servuction,

logistique, fonctions de soutien), marketing ou sa commercialisation (conception, conditionnement, méthode de vente, promotion, modèle économique, tarification), organisation (pratiques de l’entreprise, organisation du travail, relations externes) ;

Son intensité : rupture, incrémentale, assemblage, adaptation.

Facteur clé de succès n°6

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Les fonds territoriaux et le crowdfunding, de nouveaux outils de financement de l’innovation territoriale Sophie Keller, experte du financement de l’Economie Sociale et Solidaire, explique qu’au-delà de la banque publique d’investissement, d’autres outils de financement peuvent soutenir l’innovation territoriale.

Ainsi la mobilisation de l’épargne locale permet de financer un grand nombre de projets d’innovation territoriale. Des acteurs historiques comme France Active ont pu lever plusieurs millions d’euros pour alimenter un fonds territorial en Alsace. Les grandes plateformes de crowdfunding proposent déjà des déclinaisons territoriales à l’instar de l’opération portée par l’association Auvergne Nouveau Monde avec Ulule.fr. De manière générale, le crowdfunding est un levier clé du financement de l’innovation territoriale (même s’il porte sur de petits montants) : le projet Champ Commun a ainsi réussi à lever 36 340€ au travers d’une campagne sur le site Ulule.fr.

La possibilité pour les acteurs publics d’investir au capital de Sociétés Coopératives d’Intérêt Collectif Les structures juridiques de l’ESS, comme les Sociétés Coopératives d’Intérêt Collectif (SCIC), qui permettent de réunir un grand nombre d’actionnaires aux intérêts variés (entreprises, collectivités, salariés, bénéficiaires,…) permettent d’apporter les fonds propres nécessaires à la réussite du projet, tout en garantissant le maintien d’un objectif d’intérêt général. La coopérative Champ Commun réunit ainsi une centaine d’actionnaires qui garantissent un financement pérenne du projet. L’investissement d’une collectivité au capital d’une SCIC peut ainsi avoir un vrai effet de levier sur l’innovation territoriale, sans grever les budgets publics par des subventions récurrentes.

L’innovation territoriale permet de « faire mieux avec moins » et de faire gagner des marges de manœuvre financière Certains projets d’innovation sociale permettent de gagner des marges de manœuvre en mobilisant des ressources non financières (savoir-faire, main d’œuvre, ressources locales) ou en réalisant des économies sur des dépenses publiques. Le projet de Mobilité solidaire en Meurthe-et-Moselle où les bus du département sont partiellement remplacés par des chauffeurs bénévoles indemnisés est un exemple d’économies générées par l’innovation territoriale (cf. page 43). C’est également le cas pour la construction de la cabane « internationale » de Bertrichamps, où la mobilisation directe des citoyens a permis de faire baisser le coût du projet.

La cabane « internationale » de Bertrichamps : Faire mieux avec moins

La commune rurale de Bertrichamps dans le Lunévillois souhaitait reconstruire un abri forestier détruit par la tempête de 1999 pour accueillir les visiteurs de la tourbière voisine. Le cabinet d’architecture StudioLaba propose une structure bois de grande qualité, mais avec un coût de conception largement supérieur aux autres offres.

Les élus et la population souhaitant tout de même retenir ce projet, le cabinet a travaillé avec les acteurs locaux pour réduire considérablement les coûts de construction. Le chantier a ainsi été portée par la MJC de Bertrichamps et la fabrication des modules a été réalisée avec du bois de la forêt communale transformé sur place et grâce à l’aide de bénévoles, élus et employés communaux.

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Aujourd’hui, les habitants sont très fiers de cet abri forestier qu’ils ont contribué à construire. Surnommé « la cabane internationale de Bertrichamps », la cabane est intégrée dans les circuits touristiques régionaux. Le projet a reçu le deuxième prix du projet citoyen de l’Union de Architectes.

Le partenariat européen d’innovation : des marchés publics de R&D permettant à un acteur public de co-investir dans le développement d’une innovation et d’avoir un retour sur investissement Le partenariat pour l’innovation est un nouveau type de marché public créé fin 2014 par l’article 31 de la directive européenne 2014/24/UE afin de favoriser la recherche et l’innovation.

Le partenariat d’innovation permet à un acteur public de codévelopper une solution innovante avec un acteur privé de son choix (sélectionné par le biais d’une procédure de mise en concurrence) et de l’acquérir ultérieurement si les niveaux de performance et de coût convenus sont satisfaits. Le principal atout de cette nouvelle procédure est que l’acquisition de la solution innovante n’est pas précédée d’une remise en concurrence.

Par ailleurs, par cette procédure, l’acteur public devient partenaire d’un projet innovant qu’il contribue à développer. Il peut donc revendiquer un droit sur la propriété intellectuelle de la solution développée, ce qui peut se traduire concrètement par l’octroi de royalties en cas de diffusion large de la solution à d’autres territoires. Il s’agit donc d’une forme de « retour sur investissement », comme l’illustre le cas du tramway de Bordeaux.

Tramway de Bordeaux : un système gagnant-gagnant en matière de retour sur investissement 33

Suite à une collaboration avec Alstom ayant abouti à l’invention d’un nouveau système d’alimentation par le sol (APS) du tramway de Bordeaux, la Communauté Urbaine de Bordeaux a signé avec Alstom un accord qui prévoit que l’industriel verse à la collectivité des royalties pour chaque contrat qu’elle signera pour le déploiement dans une autre ville de ce système innovant. Alstom, dont la filiale, Innorail a conçu le procédé d’alimentation électrique par le sol, a rémunéré la CUB à hauteur de 12,50 euros HT pour chaque mètre linéaire vendu par les deux sociétés, entre avril 2006 et fin mars 2011. La somme a ensuite été dégressive de 20 % par an. Ainsi, à mesure que le système développé à Bordeaux gagne en fiabilité, la collectivité augmente ses revenus grâce à la vente de nouveaux kilomètres de réseaux à de nouveaux clients convaincus. Cette logique de co-intéressement permet de faire entrer les partenaires dans une dynamique vertueuse de codéveloppement.

33 Source : Vademecum sur l’innovation urbaine, 2015, étude CMI/Seban/IFSTTAR financée par le pôle de compétitivité Advancity, le MEDDE et la Caisse des Dépôts et Consignations.

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EVALUER les impacts de l’innovation territoriale

L’ensemble des porteurs de projet rencontrés soulignent que l’évaluation de l’impact des projets est un facteur clé de succès. En effet, l’évaluation systématique des innovations territoriales permet de les crédibiliser afin de les poursuivre (en convainquant les plus sceptiques), voire de permettre leur passage à l’échelle et de les dupliquer ailleurs.

Deux éléments ressortent comme particulièrement important pour garantir la qualité de cette évaluation : la définition d’un protocole d’expérimentation et l’existence de critères d’évaluation qui prennent en compte des indicateurs non-économiques de bien-être.

L’encadrement de la prise de risque par des protocoles d’expérimentation Le fait d’encadrer les expérimentations avec de véritables protocoles, qui définissent notamment leur durée, mais aussi les conditions de leur suivi et les modalités concrètes de leur évaluation (indicateurs, entité responsable, etc.), est un élément essentiel pour la crédibilisation des projets d’innovation territoriale. C’est la contrepartie nécessaire à une grande latitude laissée aux acteurs locaux pour tester de nouvelles règles ou de nouveaux concepts, qui n’ont pas encore fait la preuve de leur intérêt et qui comportent donc par définition une part de risque.

Dans le cas du projet Territoires Zéro Chômeur, un protocole d’expérimentation précis sur cinq ans a été prévu afin :

de vérifier si le projet a atteint ses objectifs, en particulier le principal : supprimer le chômage d’exclusion c’est-à-dire proposer un emploi adapté à toutes les personnes durablement privées d’emploi sans surcoût pour la collectivité, ni impact négatif sur l’économie locale ;

d’analyser le déroulement du projet (conditions de réussite, obstacles rencontrés, méthodologie mise en œuvre...) afin de pouvoir le transposer sur d’autres territoires ;

d’observer les effets du « plein emploi » sur le territoire (les entreprises locales ont-elles davantage d’activité ? La qualité de vie de la population dans son ensemble s’est-elle améliorée ?)

Ce protocole d’expérimentation, qui s’appuie sur l’expérience d’ATD Quart Monde en termes d’expérimentation dans le domaine social (RMI, CMU…), est conçu et outillé en amont du projet avec des indicateurs précis et un comité de suivi de l’expérimentation.

Pour mettre en place ces protocoles d’expérimentation, l’on peut ainsi s’appuyer sur des acteurs nationaux spécialisés qui disposent d’un outillage spécifique, mais aussi collaborer avec les laboratoires de recherche en sciences sociales, qui peuvent suivre les projets dans le cadre d’une mission de « recherches-action ». C’est notamment le choix qu’a fait le conseil régional de PACA pour tirer des enseignements de la mise en œuvre expérimentale d’un nouveau dispositif

Facteur clé de succès n°7

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La mise en place de nouvelles méthodologies d’évaluation des impacts Les innovations territoriales ont souvent un impact au-delà du seul aspect économique.

L’utilisation de nouvelles techniques évaluatives, notamment autour des notions de bien-être, est présentée par les porteurs de projets comme une condition importante pour la réalisation d’évaluations pertinentes et exhaustives des impacts des projets d’innovation territoriale, à l’image des travaux amorcés à Loos-en-Gohelle sur l’Indicateur Participatif de Bien-Etre (IPBE) par exemple.

Apporter la mesure de l’impact social de certaines innovations et de leur capacité à faire économiser de l’argent (essentiellement public) est également une préoccupation forte des entrepreneurs sociaux. Ils souhaitent monétiser leur impact afin de pouvoir l’intégrer à de nouveaux schémas de financement.

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DIFFUSER massivement et communiquer sur les bonnes initiatives

La communication sur les initiatives ayant réussi et le fait de donner accès à des retours d’expérience sont des leviers essentiels pour inspirer d’autres porteurs de projet et encourager la diffusion des innovations territoriales.

Communiquer sur les innovations territoriales Les porteurs de projet regrettent de n’avoir que peu accès à des retours d’expériences ou estiment que ceux-ci s’inscrivent dans une logique de promotion de projet et insistent insuffisamment sur les difficultés de l’innovation territoriale.

Le conseil général du Val d’Oise mène en cela une politique exemplaire en publiant un « carnet de mission » pour chaque projet engagé par la Mission Innovation. Les démarches de design public menées sur la promotion de la santé des jeunes ou sur la maison départementale des personnes handicapées sont chacune documentées dans un livret accessible au grand public.

Dans la même perspective, l’ONG Reporters d’Espoirs diffuse des informations sur des innovations territoriales dans les « grands » médias.

Reporters d’Espoirs : Une agence de presse de l’ « InfoSolution »

« ONG reconnue d’intérêt général, Reporters d’Espoirs a pour mission de promouvoir avec les médias une information qui donne envie d’agir. En mettant en lumière des initiatives innovantes et porteuses d’avenir dans les domaines économiques, sociaux et environnementaux, les journalistes et les médias peuvent donner envie d’agir au plus grand nombre. »34

Reporters d’Espoir travaille en partenariat avec les grands médias pour mettre en valeur des innovations territoriales. L’association réalise ainsi par exemple le « Libé des solutions », qui recense des initiatives concrètes en France et dans le monde. Par ailleurs, elle conduit une veille importante et recueille chaque année plusieurs centaines d’initiatives inédites et impactantes à travers le monde pour les porter à la connaissance des médias.

Permettre l’accès à des échanges d’expériences entre porteurs de projets Au-delà de la communication, les porteurs de projet estiment que les échanges d’expériences sont essentiels. C’est à partir de ce constat qu’a été créée la Coopérative des tiers-lieux en Aquitaine. Ce regroupement des tiers-lieux aquitain organise des actions collectives, dont notamment les « Petits Ramdam », une journée consacrée aux tiers-lieux dans chaque département aquitain pour développer les échanges entre porteurs de projet. Ces évènements ont permis à un grand nombre de

34 Présentation de Reporters d’Espoirs sur leur site internet (http://www.reportersdespoirs.org/qui-sommes-nous/, consulté le 25 mars 2015)

Facteur clé de succès n°8

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tiers-lieux, notamment dans les espaces ruraux, d’améliorer leurs modes de fonctionnement et de renforcer leur impact sur le territoire.

De la même manière, Biovallée, territoire pionnier de l’agriculture biologique dans la Drôme, a mis en place un observatoire des bonnes pratiques, qui qualifie et répertorie sur une carte les innovations en termes de développement durable mis en œuvre par des associations et les entreprises locales. Une fiche contact est associée à chaque innovation pour faciliter les rencontres entre porteurs de projet.

Organiser la diffusion des solutions innovantes déjà existantes Tout le monde s’accorde à dire que la diffusion massive des solutions ayant fait leur preuve serait une manière de développer l’impact global de chaque innovation territoriale. Par ailleurs, elle permettrait également à certains territoires en manque de porteurs de projets « d’importer » des innovations d’ailleurs, ce qui peut constituer une vraie réponse dans les espaces ruraux notamment, selon le chercheur André Torre de l’INRA. Cependant cette diffusion est loin d’aller de soi, le propre de l’innovation territoriale étant de répondre à des besoins locaux et de s’appuyer sur des configurations d’acteurs qui peuvent varier d’un territoire à l’autre. Il est possible néanmoins de s’appuyer sur certains acteurs nationaux comme les Zèbres, Ashoka, etc. qui s’appliquent à dupliquer ces solutions d’un territoire à l’autre. Packager l’innovation territoriale pour mieux la diffuser : les bouquets de services innovants

proposés par les Zèbres

Lancé par l’écrivain Alexandre Jardin en 2013, Bleu Blanc Zèbres est un mouvement citoyen, qui met en avant et diffuse des innovations sociales.

L’association a construit des « bouquets des services » qui permettent de centraliser et regrouper des solutions existantes, mais diffuses sur les territoires. Ces Bouquets des Zèbres rassemblent de manière cohérente des innovations sociales par grandes thématiques comme l’entrepreneuriat, l’éducation, l’environnement et le logement, pour faciliter leur mise en visibilité et leur diffusion, notamment auprès des villes. Chaque maire peut ainsi facilement « faire son marché » pour implanter des innovations sociales sur une thématique particulière, en partenariat avec des associations locales et grâce à l’accompagnement de BleuBlancZèbres.

Ce « packaging » de l’innovation sociale permet donc de faciliter la diffusion, dans une multitude de territoires, des innovations repérées par le réseau des Zèbres. Les bouquets des Zèbres sont aujourd’hui déployés dans près de 50 villes.

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L’ambition : 18 propositions pour faire de l’innovation territoriale un élément de dynamique économique

et démocratique

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De nombreuses propositions formulées en réponse aux enjeux de l’innovation territoriale ont été recueillies ou construites par la mission, puis débattues avec les contributeurs et avec les membres du Comité d’orientation.

La mission souhaite mettre en avant 18 recommandations qui sont autant de chantiers à ouvrir pour créer sur tout le territoire les conditions de succès de l’innovation. Elles permettent d’actionner de manière opérationnelle les facteurs clés de succès identifiés, et elles ont comme caractéristique de pouvoir être mises en chantier à court ou moyen termes à la condition d’une volonté politique affirmée et d’une prise en compte active des besoins des innovateurs territoriaux.

Ces propositions sont présentées autour de trois axes :

1. Donner le pouvoir (et des moyens) aux innovateurs 2. Décloisonner, rapprocher, organiser les acteurs 3. Tous innovateurs !

Elles sont décrites de manière plus détaillée dans l’une des annexes sous forme de « fiches-action ».

Plusieurs recommandations pourraient être lancées dans le cadre de la prochaine édition de la Semaine de l’innovation publique35, qui avait permis en novembre dernier d’organiser vingt-cinq événements dans les territoires.

Axe 1 : Donner le pouvoir (et des moyens) aux innovateurs

1. Constituer un réseau national « d’accélérateurs publics » dans le cadre d’une initiative nationale lancée par les pouvoirs publics, s’appuyant sur un label et cofinancée dans le cadre de l’acte III du Programme d’investissements d’avenir (PIA 3)

Le décloisonnement des acteurs sur les territoires, la mise en œuvre de nouvelles formes d’actions collectives, la mobilisation coordonnée des divers acteurs autour d’objectifs partagés et de projets communs constituent autant de conditions à l’émergence de l’innovation territoriale. Elles pourraient être réunies grâce à la création de plateformes territoriales d’innovation : les « accélérateurs publics » - des structures de partage de compétences et de moyens entre les administrations, les élus, les services de l’État, la société civile et les organisations privées d’un territoire, pour accélérer des projets innovants d’intérêt général. Ces réseaux pourraient s’appuyer, pour leur fonctionnement, sur les tiers-lieux existants ou à créer.

Pour permettre l’éclosion de tels réseaux dans l’ensemble du pays, la mission propose de lancer un programme national visant à faciliter leur émergence, ou leur mise en visibilité sur les territoires sur lesquels ils existent déjà.

35 http://www.modernisation.gouv.fr/semaine-innovation-publique

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Cette initiative, portée par le gouvernement, pourrait être appuyée par :

une cellule légère d’accompagnement au niveau national (5 personnes), mettant à disposition des méthodologies, des outils, de l’expertise technique et juridique, et favorisant la mise en réseau entre les acteurs ;

des financements dans le cadre de l’acte III du Programme d’investissements d’avenir (cf. recommandation n°13) à hauteur de 200 millions d’euros (un montant équivalent à l’appel à manifestation d’intérêt relatif aux accélérateurs de start-ups) ;

la définition d’un label associé contribuant à l’activation et à la structuration des dynamiques locales autour des écosystèmes existants (sur le modèle de la « French Tech »).

Ces « accélérateurs » pourraient accueillir des task-forces transversales constituées d’élus, d’agents de la collectivité et d’experts choisis par la collectivité, issus de tous horizons (entreprises, autres collectivités, associations, universités, grandes écoles, centres de recherche…) dans l’objectif de conduire des projets complexes ou d’améliorer une politique ou un service public. Ils permettraient un passage à l’échelle des initiatives innovantes grâce à la sensibilisation et à la formation massive d’acteurs, à la mise en réseau, aux effets d’apprentissage et au partage d’expériences.

2. « France en Résidence » : créer et lancer un programme national pluriannuel de résidences créatives permettant d’expérimenter des dispositifs d’action publique

La construction de modes d’action publique permettant aux dispositifs d’avoir un impact social significatif, à la hauteur des attentes citoyennes et de l’ambition politique du gouvernement, exige de renouveler les pratiques administratives et de remettre à plat la chaîne qui va de la décision politique à la délivrance d’un service au public.

Or certains formats et méthodes de travail – les « résidences » – permettent de repenser concrètement ces processus, de manière radicalement nouvelle et innovante, pour répondre à plusieurs objectifs : repartir des usagers-citoyens et des pratiques de terrain pour repenser nos politiques publiques et mieux articuler l’échelle locale et l’échelle nationale ; porter un regard neuf sur les réalités des français, pour développer ce qui fonctionne déjà et améliorer ce qui pourrait l’être ; diffuser les pratiques de coconception entre l’administration, le tissu associatif et social, et les entreprises ; dépasser le stade des idées et passer à des formes de « micro-tests in situ » et de « prototypages de politiques publiques ».

« La résidence fonctionne sur le principe de l’immersion, de l’imprégnation en profondeur des participants au contact du milieu spécifique dans lequel ils se trouvent pour en faire émerger, de manière participative, différents éléments : une vision collective à long terme, des préconisations, de projets à moyen terme, des maquettages de projets permettant d’enclencher un processus d’innovation, et des enseignements globaux pour les parties prenantes. »

La mission propose de lancer un programme public national de résidences : « France en Résidence ».

Ces résidences pourraient être menées sur l’ensemble du territoire, sur tous les thèmes jugés prioritaires du point de vue des citoyens (emploi, logement, mixité sociale, transports, insertion professionnelle …), selon un cadre défini en partenariat avec les associations d’élus et les acteurs intéressés, qui participent financièrement à la mise en place des résidences et fournissent un support méthodologique aux collectivités volontaires.

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France en Résidence pourrait être à la fois : un protocole et une méthode proposée en mode « open source » ; une organisation distribuée composée d’opérateurs, de collectivités, d’associations, d’intervenants professionnels organisés en réseau ; des modules de formation et de compagnonnage pour diffuser les méthodes de résidence ; un fonds de dotation public-privé visant à cofinancer les résidences.

Outre la création de connaissances partagées et « actionnables », France en Résidence alimenterait un processus d’apprentissage : il permettrait à des centaines d’agents publics et de professionnels de l’innovation de faire l’apprentissage de ces méthodes de façon concrète, par la pratique.

France en Résidence s’inspire d’opérations existantes : les 17 résidences déjà menées dans le cadre du programme « Territoires en Résidences » animé par la 27e Région, les résidences menées par le SGMAP avec ou sans la 27ème Région, les LUPI (Laboratoires des Usages et des Pratiques Innovantes) menés par la Cité du Design à Saint-Etienne, l’opération Parcs en Résidences (Parcs du Massif central), le programme anglais DOTT (Design of The Times), les doctorants en CIFRE dans les organisations publiques.

Cette mesure pourrait être cofinancée dans le cadre du PIA 3 (cf. recommandation n°3).

3. Faire de l’innovation territoriale l’un des axes de l’acte III du Programme d’investissements d’avenir (PIA 3) en créant un « Programme Innovation Territoriale », dans une double logique de financement et d’accompagnement

Ce programme pourrait comprendre plusieurs briques qui permettraient de financer la mise en œuvre de certaines recommandations du rapport et de certains dispositifs ouverts :

La constitution d’un réseau d’ « accélérateurs publics » dans les territoires (cf. recommandation n°1)

La création et le financement du programme « France en Résidence », un cycle pluriannuel de résidences créatives dans les territoires, selon des éléments de méthodes partagés (cf. recommandation n°2)

Le financement de démonstrateurs d’innovation territoriale, lieux et cadres d’expérimentations territoriales, notamment sur le champ de l’innovation sociale et citoyenne, pourrait également être prévu. Cette mesure permettrait de financer des projets et des initiatives qui, en raison de leur originalité et du statut des porteurs de projets (petites associations, start-ups, citoyens, association de fait, entrepreneurs sociaux…) bénéficient d’un accès limité aux mécanismes institutionnels de soutien à l’innovation.

4. Constituer des « fonds de garantie » sur les territoires pour aider, de manière très spécifique, les porteurs de projet d’innovation territoriale, sociale ou citoyenne, à lever les premiers fonds auprès des banques

Alors que de nombreux dispositifs financiers soutiennent la création d’entreprise et permettent aux entrepreneurs traditionnels d’accéder aux banques et aux investisseurs privés, le financement de l’amorçage de l’activité des projets d’innovation territoriale – qui peuvent être le fait d’entrepreneurs sociaux, d’association ou de citoyens – reste une étape délicate à franchir. Les

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banques sont plus réticentes à prêter à ces acteurs atypiques dont le risque est plus difficile à évaluer et qui, de plus, ne sont pas toujours suffisamment informés des mécanismes existants.

Pour cette raison, la mission souligne l’intérêt du développement d’outils diversifiés, adaptés aux spécificités des innovateurs territoriaux, notamment des fonds de garantie permettant aux investisseurs privés d’être remboursés en cas de défaillance du porteur. Ces fonds de garantie pourraient être alimentés par les collectivités, mais aussi par des financements privés issus de fondations, d’assureurs, de mutuelles, de banques mutualistes ainsi que par des financements participatifs (crowdfunding) ou de l’épargne citoyenne.

5. Assouplir certaines règles encadrant la dépense publique pour permettre une plus grande fongibilité dans la dépense des crédits d’intervention

Appuyer un projet innovant permettant de répondre à des besoins territoriaux – et comportant de ce fait une part d’expérimentation dans la conduite de la démarche – ne peut s’accommoder d’une anticipation rigide de la destination des crédits des différents contributeurs. Les pouvoirs publics doivent renoncer à un fléchage a priori de la totalité des concours qu'ils apportent, au bénéfice d'un suivi précis par destination des dépenses réellement exécutées, qui permet une traçabilité a posteriori de l'utilisation des crédits. C'est la qualité du pilotage qui doit assurer la bonne affectation des moyens et non la rigidité de lignes budgétaires alimentées a priori et de façon non fongible.

La mission propose de faire évoluer les règles de financement pour permettre une mutualisation accrue des crédits avec une comptabilité analytique claire dans le respect des aides à l’innovation européennes ; en corollaire, mettre en œuvre des dispositifs de pilotage assurant la bonne affectation des moyens pour soutenir, de façon transverse et efficace, les projets d’innovation émergents.

6. Assouplir le cadre légal du droit à l’expérimentation pour en faciliter l’usage

L’expérimentation législative locale est l’autorisation donnée par une loi à une collectivité territoriale d’appliquer une politique publique ne faisant pas partie de ses attributions légales ou de contrevenir à certaines règles nationales, pour une période donnée. Les acteurs rencontrés par la mission – élus locaux, agents des fonctions publiques, réseaux – témoignent de leur intérêt pour ce dispositif mais rendent compte de la technicité et de la lourdeur de sa mise en œuvre (adoption d’une loi), qui en limite fortement l’utilisation. La mission propose d’assouplir ce cadre pour lever l’un des principaux freins à l’expérimentation – et donc à l’innovation.

Cette recommandation, qui nécessite une modification législative, pourrait être mise en œuvre en deux temps. Tout d’abord, une phase de sensibilisation des parlementaires aux enjeux de l’innovation territoriale et du droit à l’expérimentation, par l’organisation de séminaires et d’événements, et par la création de deux clubs de parrains de l’innovation territoriale à l’Assemblée nationale et au Sénat ; puis une analyse juridique et une modification des textes pour faciliter le recours au droit à l’expérimentation.

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Axe 2 : Décloisonner, rapprocher, organiser les acteurs

7. Structurer une fonction « innovation » transversale au sein des collectivités et la professionnaliser

L’importance de structurer une fonction « innovation » au sein des collectivités est soulignée par de nombreux acteurs rencontrés par la mission. Elle permet d’ancrer cet objectif dans l’organisation de l’administration, de donner un espace et des moyens aux innovateurs et de faciliter la mise en réseau avec les partenaires. Plusieurs collectivités ont d’ailleurs déjà créé cette fonction en leur sein.

La mission invite donc les collectivités et les structures publiques à mettre en place cette fonction, qui peut comporter plusieurs composantes clés :

le catalyseur d’innovation (cf. page 54) ; les fonctions liées à la gestion des données ou data management : administration de

données (chief data officer), analyse de données (data analyst), élaboration de la politique de libération et d’exploitation des données ;

l’incubation de projets et l’accompagnement des « intrapreneurs » ; le design des politiques et services publiques et la relation avec l’usager.

Le succès de la mise en œuvre de cette mesure dans une collectivité est conditionné à un portage politique interne – par un ou plusieurs élus ou par le directeur général des services – et à la mobilisation de moyens suffisants. Pour procéder à moyens constants, les agents impliqués dans cette fonction peuvent être des agents particulièrement intéressés par le thème et qui basculeraient progressivement vers cette nouvelle mission.

8. Développer de nouvelles formes de collaboration entre pouvoirs publics et acteurs de la recherche en sciences sociales

De nombreux acteurs s’accordent sur la plus-value apportée par la recherche, aussi bien en sciences sociales que dans des domaines émergents, à la construction de dispositifs publics, à leur déploiement et à leur évaluation au service des usagers. En effet, les universitaires disposent d’un capital de connaissances dans des domaines complémentaires (géographie, sociologie, anthropologie, sciences politiques…) et de méthodes d’analyse qui éclairent et mettent en perspectives les politiques publiques, ils peuvent faire preuve d’indépendance par rapport aux décideurs politiques et disposent d’une autonomie dans leur travaux.

Aujourd’hui, ces ressources sont mobilisées de manière insuffisante en France par les pouvoirs publics. La mission appelle l’État et les collectivités territoriales à y recourir de manière plus fréquente, grâce à plusieurs actions : l’emploi de doctorants dans le cadre de Conventions Industrielles de Formation par la REcherche (CIFRE), la mobilisation de dispositifs de recherches-actions par des équipes composées d’acteurs publics et de chercheurs pour repenser les services publics, la mise en place d’une veille universitaire sur les sciences sociales et les technologies émergentes, la diffusion des pratiques interdisciplinaires, l’usage des outils d’analyse big data pour mieux comprendre les comportements des usagers, la création de chaires de recherche capables d’alimenter les cycles de formation professionnelle des agents publics, la construction de ponts, voire de structures, permettant un dialogue opérationnel entre la puissance publique et le monde universitaire au niveau local.

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9. Favoriser la mise en place, au sein de chaque territoire, d’un processus de coproduction des services publics avec des acteurs privés ou associatifs pertinents

La production de services d’intérêt général n’est pas – ou n’est plus – le monopole de la puissance publique. En outre, la coconstruction et la coproduction de ces services par des acteurs situés en dehors du secteur public peuvent permettre, sous conditions, de mobiliser les citoyens ou d’innover pour mieux répondre aux attentes des usagers.

Pour cette raison, la mission encourage les collectivités – notamment les intercommunalités – et les services de l’État à tester les mécanismes qui permettent d’associer les citoyens et la société civile à l’identification de besoins sociaux, à la conception de services publics, à la sélection d’opérateurs, au financement d’actions publiques, ou à l’évaluation de l’impact social des services innovants portés par des citoyens ou entrepreneurs sociaux..

La coproduction de services publics sur les territoires pourrait se concrétiser par plusieurs expérimentations à conduire :

La mise en place d’un « Community right to challenge » à la française (droit d’un acteur - association, entreprise sociale, ONG, structure publique - de proposer de gérer un service public local s’il estime pouvoir faire mieux et différemment), s’adressant à la société civile et aux entrepreneurs sociaux partageant les valeurs de solidarité et de développement local.

La conception d’un premier dispositif public en France financé par des « titres à impact social », associant des acteurs issus de la société civile ou du secteur de l’économie sociale et solidaire, les pouvoirs publics coordinateurs et des financeurs privés.

L’appui au développement par les collectivités de monnaies locales complémentaires (MLC) pour inciter les citoyens à s’investir dans des actions d’intérêt général et les récompenser matériellement de leur investissement individuel.

10. Instaurer de nouveaux modes de collaboration innovants entre territoires : mettre en œuvre et expérimenter les « contrats de réciprocité » entre villes et campagnes proposés lors du comité interministériel du 13 mars sur les ruralités

La volonté et l’énergie d’innover des territoires ruraux sont limitées par les moyens et la taille des collectivités rurales, qui disposent d’équipes réduites et ne peuvent faire appel ni à des compétences ni à des profils variés. Face à ce défi, de nouvelles formes de solidarités entre territoires sont à construire.

Pour cette raison, la mission adhère pleinement à l’idée de contrat de réciprocité entre territoires ruraux et métropoles, proposée par le député Alain Calmette, soutenue par la ministre Logement et de l’Égalité des territoires, Sylvia Pinel, et qui fait l’objet de la mesure n°44 adoptée à l’issue du Comité interministériel aux ruralités du 13 mars 2015.

La mission encourage donc la mise en œuvre d’une première expérimentation sur les quatre territoires pilotes identifiés.

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11. Pour faire du numérique un levier de transformation dans les territoires, organiser des hackathons territoriaux et capitaliser sur l’offre « start-up d’État » (à renommer pour l’occasion : « Start-up territoriale ») du SGMAP permettant de développer des services numériques locaux en mode start-up

Etalab (au sein du SGMAP) a mis en place deux offres de services à destination des collectivités qui peuvent catalyser l’innovation territoriale et que la mission souhaite promouvoir.

L’organisation du premier hackathon territorial – ou « Territoire Camp » – en Bourogne à l’automne 2014, à l’invitation du conseil général de Saône-et-Loire et avec la participation des services déconcentrés de l’État, a démontré l’intérêt d’un tel exercice. Sous la forme d’un atelier participatif et ouvert, il a permis de produire des idées et des solutions à des problèmes récurrents qui se posent aux usagers et aux agents publics dans un territoire, grâce à la mobilisation conjointe des administrations et d’innovateurs locaux. À titre d’exemples, plusieurs idées ont été structurées ou prototypées à cette occasion : un tableau de bord servant le repérage et la prévention des défaillances d’entreprises, la construction d’un agenda mutualisé des événements culturels du département, la mesure de l’intensité concurrentielle sur les marchés publics… Cette configuration de travail facilite également les rencontres, le décloisonnement et la mise en réseau sur le territoire. En cela, les hackathons contribuent à structurer les écosystèmes locaux.

Par ailleurs, le SGMAP offre aux administrations, collectivités et ministères qui en font la demande, la possibilité de lancer des expérimentations grandeur nature, sous la forme de « start-ups », déployant des outils numériques vers le public dans une contrainte fixe de 6 mois pour atteindre des usagers, quel que soit le sujet. Ce dispositif extrêmement simple repose sur deux principes : une mise en marché rapide par coconstruction et un design simple fondé sur la confiance. Il a fait ses preuves, comme l’illustrent les trois premiers produits élaborés dans ce cadre : data.gouv.fr, marchés publics simplifiés et mes-aides.gouv.fr.

La mission invite les collectivités à tester et à mettre en œuvre ces formats d’innovation. Plusieurs opérations territoriales pilotes pourraient être mises en place à l’occasion de l’édition 2015 de la Semaine de l’innovation publique (cf. recommandation n°14).

12. Intégrer l’innovation territoriale comme priorité des CPER dans le cadre de la clause de revoyure mise en œuvre en 2016 à l’occasion des fusions de régions

Les contrats de plan État-Régions (CPER) permettent de mobiliser et d’orienter des fonds publics de manière territorialisée. Sur la période 2015-2020, l’État contractualisera ainsi une enveloppe totale de 12,5 milliards d’euros. Six volets essentiels pour investir dans l’avenir ont été définis : mobilité multimodale - enseignement supérieur, recherche et innovation - transition écologique et énergétique - numérique - innovation, filières d’avenir et usine du futur - territoires. A ces six volets, s’ajoute une priorité transversale : l’emploi.

La mission propose d’intégrer l’innovation territoriale comme priorité transversale des CPER, dans le cadre de la clause de revoyure qui sera mise en œuvre en 2016 à l’occasion des fusions de régions.

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Axe 3 : Tous innovateurs ! 13. Développer un réseau social et une plateforme web nationale de référence pour les projets et les acteurs de l’innovation territoriale

Le passage à l’échelle de l’innovation territoriale et la démultiplication des projets ne se feront qu’à la condition d’une mise en réseau entre les innombrables acteurs impliqués, disséminés sur l’ensemble du territoire – cette mise en réseau étant nécessaire à la diffusion des idées, à la mobilisation effective d’une intelligence collective et à la création de synergies opérationnelles par la capitalisation et le partage des projets.

Pour cette raison, la mission propose qu’un réseau social reposant sur une plateforme web nationale de référence soit construit afin de recenser, de présenter et de diffuser les initiatives issues des territoires en fonction des besoins auxquels elles répondent, d’assurer un transfert de connaissances entre acteurs, et d’échanger les bonnes pratiques, au sein d’un territoire mais également au-delà.

Cet outil pourra être développé en mode « start-up » (cf. recommandation n°11), sur un délai court (6 mois) et de manière agile, en associant les utilisateurs et les parties prenantes.

Cette plateforme permettra à terme de constituer un réseau social, qui pourra s’appuyer sur une structure d’animation, de mise en relation et d’intermédiation entre les acteurs territoriaux, fonctionnant comme une « bourse » de l’innovation territoriale, entre l’offre constituée par les innovations territoriales existantes et la demande émanant d’autres collectivités et services déconcentrés ou d’administrations soucieuses de renouveler les politiques publiques.

14. Décliner la Semaine de l’innovation publique dans les territoires

Lors de la première édition de la Semaine de l’innovation publique en novembre 2014, vingt-cinq événements ont été organisés par des collectivités territoriales – soit la moitié du nombre total –, en lien avec Ré-Acteur Public (cf. page 33). Ce cadre offre une opportunité intéressante de structurer les écosystèmes locaux, de mettre les acteurs en réseaux et de leur permettre d’échanger les meilleures idées.

La mission propose qu’à l’occasion de la prochaine Semaine de l’innovation publique, des Universités d’automne de l’innovation territoriale soient programmées, dans, par et pour les territoires, accueillants différentes administrations et collectivités mais aussi des acteurs issus de la société civile ou privés, dans un cadre ouvert permettant à chaque territoire de s’appuyer sur ses spécificités.

Des « Territoires Camps » (cf. recommandation n°11) et le lancement de certaines des recommandations issues du rapport pourraient avoir lieu conjointement.

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15. Donner une autre ampleur à la place de l’innovation dans l’offre de formation, initiale et continue, destinée aux agents publics

La formation est un levier de la transformation des organisations. Elle constitue un moyen de faire évoluer la culture des acteurs, vers plus de transversalité et d’ouverture à des domaines et des pratiques nouvelles. Elle permet aussi de leur donner des outils et des méthodes sur lesquels s’appuyer. Elle offre une occasion de mettre en œuvre l’innovation, par des cas pratiques et par des démarches de recherche-action. Elle contribue au décloisonnement par la mise en réseau des étudiants et des professionnels venus d’horizons différents.

Pour ces raisons, la mission propose de faire évoluer les contenus et les modalités des formations, initiales et continues, des agents publics, pour y renforcer la place de l’innovation, pour l’ensemble des écoles et instituts de la fonction publique, dans le cadre de modules inter-écoles.

Les représentants des écoles rencontrés par la mission témoignent de leur engagement en faveur de l’innovation et expriment leur intérêt pour cette proposition. Pour accélérer ce mouvement et permettre un passage à l’échelle, la mission suggère de lancer une expérimentation visant à produire un premier module commun. Cette initiative serait contributive, associant notamment le CNFPT et l’INET, l’ENA, la DGAFP, en lien avec le Réseau des écoles de service public. Elle viserait à produire un module de plusieurs jours de formation au management de l’innovation dans le secteur public, dans un délai de 6 mois. D’autres acteurs pourraient participer en apportant moyens et/ou contenus : laboratoires de recherche en sciences sociales, institutions de formation « métier », écoles de design… Le tour de table pourrait être constitué d’ici à septembre 2015, pour une livraison au printemps 2016.

La méthode de conception pourrait être celle de la résidence créative (cf. recommandation n°2). Un groupe d’élèves et d’enseignants volontaires au sein des différentes organisations participantes pourrait élaborer ce module, dans le cadre de leur scolarité, au cours de plusieurs ateliers.

Cette expérimentation pourrait être conduite en coordination avec le projet « ré enchantez l’action publique », dans le cadre de Ré-acteur Publics (cf. page 33).

16. Développer une boîte à outils de référence destinée aux collectivités et aux services de l’État permettant de favoriser le développement des pratiques d’expérimentation à droit constant dans les territoires

Les acteurs expliquent que la complexité du droit et le niveau d’expertise requis pour le mettre en œuvre constituent un frein majeur à l’expérimentation et à l’innovation, tout autant que la peur liée à la prise de risque associée à l’innovation. Cette considération est susceptible d’étouffer les idées créatrices ou d’occulter certaines options existantes. Elle amène les acteurs à surévaluer le risque et adopter des comportements excessivement prudents.

Face à ce constat, la mission recommande la construction d’une boîte à outil de référence, certifiée par l’État, qui rende ces connaissances accessibles à l’ensemble des acteurs. Différentes catégories d’outils sont attendues. Des protocoles de coconstruction des expérimentations de l’État avec les services locaux répondraient à un besoin récurrent. Des outils techniques à destination de ceux qui mettent en œuvre les expérimentations dans les territoires – « bonnes questions à se poser », protocoles types, documents standardisés, outils d’évaluation – permettraient une diffusion des

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meilleures pratiques. Des kits de sensibilisation et de communication pourraient rassurer les responsables locaux et les services juridiques.

La diffusion de ce matériel pourrait s’appuyer sur des acteurs-relais comme les associations d’élus et des collectivités pionnières, qui auraient un rôle d’ « ambassadrices ».

17. Produire un guide de référence, destiné aux responsables RH du secteur public, présentant l’ensemble des dispositifs existants qui permettent de mobiliser ou de recruter des compétences extérieures sur des durées courtes ou de manière souple

La possibilité, pour l’administration, de mobiliser des profils spécifiques ou des métiers émergents – par exemple : analyste big data, animateur de communauté, designer, chercheurs, logisticiens – est un facteur d’innovation, tout comme le fait de faire appel à des personnes ayant des parcours variés, développés dans plusieurs types de structures ou dans le secteur privé.

Or de nombreux gestionnaires RH, notamment au sein des petites collectivités, font état de leur connaissance imparfaite des dispositifs, parfois très techniques, permettant d’accueillir et de mobiliser de manière souple ces profils : emploi de doctorants dans le cadre de Conventions Industrielles de Formation par la REcherche (CIFRE), « entrepreneurs en résidence », échanges de personnel entre administrations…

La mission propose donc qu’un guide RH de référence décrivant les dispositifs existants, avec des exemples à l’appui démontrant leur opérabilité, soit élaboré par la DGAFP, en lien avec des représentants des collectivités – le CNFPT par exemple.

18. Pour innover sans complexe, créer un « Prix du meilleur Essai » saluant les meilleures tentatives d’innover dans les territoires

Les acteurs partagent un constat : la création et l’innovation s’accompagnent inévitablement d’un certains nombres de tentatives, d’échecs, d’essais, de rebonds et d’améliorations, qui constituent autant d’étapes indispensables à la mise en œuvre effective et efficace d’une bonne idée, quelle qu’elle soit. Ces cycles d’apprentissage et de réussite, parfaitement nécessaires, sont parfois mal compris, mal acceptés, voire mal vécus, alors que l’absence totale de droit à l’erreur et à l’essai est un frein majeur à l’innovation.

Pour stimuler un changement de posture collective, pour « dédramatiser », pour valoriser la prise de risque et pour capitaliser sur des expérimentations ayant « échoué » mais qui contribuent au développement des connaissances, la mission propose qu’un « Prix du meilleur essai » soit attribué dès l’automne prochain à un projet non abouti mais riche d’énergie positive et d’enseignements.

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Éclairage : zoom sur 10 innovations territoriales

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Étude de cas n°1

SCIC Champ Commun Augan (Morbihan)

Présentation du projet

Le projet du Champ Commun a d’abord été créé pour contrer un « fatalisme ambiant »,

dénoncé par les fondateurs en montrant que des moyens existent pour développer des commerces dans les petites communes de France et proposer une alternative à la grande distribution. La Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC) Champ Commun voit donc le jour en 2009 à Augan et vise à créer une activité en milieu rural et à répondre aux besoins locaux en créant des emplois de manière coopérative.

Aujourd’hui la SCIC compte plus de 150 associés et emploie 6 ETP sur trois activités : l’épicerie qui offre aussi bien des produits issus des circuits courts et de l’agriculture biologique que des produits conventionnels, le café-concert et la microbrasserie.

Au cours de son développement, le projet a fait face à un certain nombre de difficultés. Les structures publiques (Communauté de Communes) et parapubliques (chambres de commerce et d’industrie) en charge du développement économique n’étaient pas familières des modalités juridiques du projet liées, notamment à la gouvernance et le fonctionnement coopératifs. Par ailleurs, les porteurs de projet ont eu beaucoup de difficultés à convaincre leurs interlocuteurs, qu’ils soient issus des organismes publics ou bancaires, du réalisme de leur projet d’ouverture d’un commerce dans une petite commune. Pour exemple, le projet d’auberge qui vise à faire face aux nombreuses demandes de visites liées à des formations est actuellement mis en difficulté, parce que la SCIC ne trouve pas de bonnes conditions de prêt bancaire. Une subvention européenne de 55 K€ octroyée au projet risque donc de ne pas pouvoir être mobilisée.

Rôle de la puissance publique dans le projet

Le projet a bénéficié d’un certain nombre de prix (Prix National des Jeunes Entrepreneurs

Solidaires en 2012) et de subventions spécifiques (AAP Tourisme Innovant du conseil régional de Bretagne) ou de droit commun (Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce du CG 56).

Pour autant, les acteurs publics ont pu avoir des difficultés pour accompagner le projet. Ainsi, la crainte d’une distorsion de la concurrence, notamment par rapport à des commerces

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conventionnels, a pu freiner certains fonctionnaires à soutenir davantage le projet. De la même manière, le manque de connaissance de la règlementation applicable aux structures coopératives, voire une certaine méfiance envers ces structures ont empêché un meilleur soutien de l’initiative par les acteurs publics. De manière plus globale, les porteurs de projet déplorent une culture administrative française qui ne s’inscrit pas suffisamment dans une logique de partage du risque et demande des garanties trop importantes aux porteurs de projet et cela tout particulièrement pour des projets de faible ampleur.

Leviers et facteurs clés de succès

Leviers et facteurs clés de succès ayant joué un rôle dans la réussite du projet

La structure coopérative de la SCIC a joué un rôle facilitateur aussi bien au niveau symbolique que fonctionnel. Elle permet de garantir l’inscription du projet dans une utilité sociale et donc de profiter de l’entraide des réseaux de l’économie sociale et solidaire. Elle favorise l’implication d’un grand nombre d’associés, qui ne sont pas forcément salariés de la structure comme c’est le cas dans les sociétés coopératives et participatives (SCOP). Ces associés ont pour certains une expertise métier indispensable sur les différentes activités du Champ Commun (épicerie, brasserie, débit de boissons). L’Assemblée Générale réunit ainsi tous les ans l’ensemble des sociétaires sur deux journées entières de travail.

Par ailleurs, l’existence d’une vie associative riche avec 40 associations pour 1400 habitants et d’un certain nombre de commerces déjà présents et donc des habitudes de chalandise des habitants a facilité le développement de ce projet.

Le projet a également bénéficié d’une forte couverture médiatique, qui lui a permis de recruter de nouveaux sociétaires et de lever 36 340 € par le biais de la plateforme de crowdfunding Ulule.

Enfin l’engagement personnel des participants, qui sont prêts à un certain nombre de sacrifices, notamment financiers, est clé pour la réussite du projet.

Leviers et facteurs clés de succès pouvant faciliter le déploiement d’autres initiatives de ce type

Un partage des risques entre structures publiques et porteurs de projet plus équitable avec des fonctionnaires et des élus qui « mouillent leur chemise » sans demander des garanties excessives.

Un financement des projets qui ne soit pas exclusivement fléché sur des projets innovants (au sens d’innovation technologique ou d’innovation de marché).

Une meilleure connaissance du monde de l’Economie Sociale et Solidaire et de ses modes de fonctionnement de la part des agents publics et du système bancaire.

Contacts et sources

Personnes interviewées :

Henry-George Madeleine, cogérant de la SCIC Champ Commun, [email protected] Sources mobilisées : Isabelle Darmon, Note de terrain : le champ commun/le garde-manger – Augan,

Morbihan (Bretagne), Université de Manchester, Novembre 2012. Dossier de constitution de la coopérative Champ Commun

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Rapport sur l’innovation territoriale

Étude de cas n°2

Mutinerie Village Saint-Victor-de-Buthon (Eure-et-Loir)

Présentation du projet

Mutinerie Village est un centre de coworking de 14 places dans un village rural d’Eure-et-Loir.

Il accueille principalement des personnes d’autres villes (notamment de Paris) qui viennent y travailler au calme pour un ou plusieurs jours.

Mutinerie Village est une émanation de Mutinerie, un des premiers centres de coworking créé à Paris et qui a aujourd’hui plus de 160 membres actifs. Le projet de Mutinerie Village voit le jour en 2014. Il s’inscrit dans une vision de long terme : répondre aux besoins d’une population grandissante de professionnels qui ont la possibilité de travailler depuis leur domicile, plutôt que dans un bureau traditionnel. Comme le prouve l’expérience de Mutinerie, ces professionnels accordent un rôle important à leur environnement de travail, autant sur le plan de l’espace que des relations qu’ils peuvent y tisser. Mutinerie Village vise à sortir ces personnes d’un cadre parisien trop trépidant et à leur permettre d’accéder pour plusieurs jours ou plusieurs mois au gré de leurs besoins à un lieu de travail dans un cadre rural.

A ce jour, le projet est dans une phase d’expérimentation avec un taux de remplissage de plus de 50% en moyenne. Un plan stratégique a été construit pour la suite avec trois types d’activités :

L’accueil de créateurs d’entreprises « en résidence » qui participent à la gestion du lieu et payent donc un prix réduit dans la période financièrement difficile de la création d’activité.

L’accueil d’autres travailleurs de manière plus ponctuelle L’organisation d’évènements et de séminaires

Par ailleurs, la construction d’un Makerspace (centre de fabrication et de prototypage rapide) est également prévue, mais ce projet est rendu difficile du fait des délais de versement des aides européennes, jusqu’à 2 ans après la demande.

Dès-à-présent, le projet a permis de renforcer l’attractivité du territoire et plusieurs travailleurs ayant réside à Mutinerie Village cherchent à s’installer dans les environs.

Rôle de la puissance publique

Les porteurs de projets ont rencontré un grand nombre d’interlocuteurs publics (commune,

communauté de communes, Pays, Région) et parapublics (Filière bois) pour leur expliquer le projet. Celui-ci a été très bien accueilli et les acteurs locaux ont bien compris l’intérêt que pouvait avoir le projet pour le territoire.

Alors que les acteurs publics à tous les échelons souhaitent globalement soutenir le projet, il n’a, à ce jour, reçu aucune aide publique. La structure juridique privée (SAS) de Mutinerie

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Rapport sur l’innovation territoriale

rend notamment difficile le versement de subvention. Une demande de financement LEADER36 est en cours, mais les procédures administratives associées demandent une implication très importante de l’équipe de Mutinerie et font que, dans le meilleur scénario, le versement ne pourra avoir lui qu’en 2017.

Leviers et facteurs clés de succès

Leviers et facteurs clés de succès ayant joué un rôle dans la réussite du projet

L’initiative du projet de Mutinerie Village est le fait d’une entreprise avec des règles de fonctionnements très souples et un esprit entrepreneurial. Il aurait été difficile d’envisager la mise en œuvre d’une innovation de ce type à l’initiative d’un acteur public.

Le projet a également bénéficié de l’image de marque de Mutinerie, reconnue dans le monde du coworking. De fait, il s’agit d’un essaimage de la part de Mutinerie « Paris » et la puissance du réseau déjà constitué de coworkers joue un rôle essentiel dans la réussite du projet.

Un positionnement indépendant qui ne concurrence pas les initiatives publiques : Au démarrage, les porteurs de projet ont été sollicités par la commune-centre de la Loupe pour les accompagner sur un projet de télé centre à proximité de la gare. Ce projet a été plus orienté sur des salariés d’entreprises parisiennes habitant sur place qui faisaient l’aller-retour La Loupe – Paris tous les jours, tandis que le projet de Mutinerie accueille d’avantage des parisiens qui souhaitent travailler temporairement à la campagne. Cette non-concurrence est essentielle pour s’assurer d’un soutien public de Mutinerie Village.

Une réactivité et une envie d’agir des acteurs locaux : Les acteurs politiques et les agents publics ont très vite compris l’intérêt du projet – la crédibilité de l’équipe Mutinerie aidant. Ils se sont donc mis au service du projet et continuent à accompagner l’équipe notamment sur la demande d’aide européenne.

Leviers et facteurs clés de succès pouvant faciliter le déploiement d’autres initiatives de ce type

Une aide publique qui est versée au stade de l’émergence du projet. L’éventuel soutien public à Mutinerie pourrait arriver en 2017, soit 4 ans après le démarrage du projet et donc à un moment où l’exploitation du lieu devrait être rentable. Ce soutien public est bien évidemment essentiel, car il permettra des dépenses d’investissement dans un Makerspace, néanmoins une aide précoce, même modeste, aurait été bienvenue.

Des dispositifs de soutien financier adaptés aux entreprises et pas uniquement aux associations. En effet, malgré la remarquable volonté d’agir des acteurs publics locaux, une grande partie des dispositifs envisageables sont applicables qu’aux associations, SCOP ou SCIC. D’après les porteurs de projet, le clivage entre entreprise et association est aujourd’hui dépassé, certaines entreprises œuvrant également pour l’intérêt général. Mutinerie Village par exemple permet de lutter contre la désertification du monde rural et agit pour la création de richesse sur le territoire. Le projet peut représenter en cela un retour sur investissement intéressant pour le territoire, qu’il s’agit de soutenir.

Des agents publics avec une expérience du privé ou acquise dans d’autres types d’organisation.

36 http://www.europe-centre.eu/fr/42/Le_programme_LEADER.html

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Rapport sur l’innovation territoriale

Contacts et sources

Personnes interviewées : William Van Den Broek, cofondateur de Mutinerie, [email protected]

Sources : Site internet de Mutinerie : http://www.mutinerie.org/

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Rapport sur l’innovation territoriale

Étude de cas n°3

SEINERGY LAB Les Mureaux (Yvelines)

Présentation du projet

SEINERGY LAB est un pôle d’innovation collaborative combinant formation, recherche,

expérimentation et sensibilisation sur l’énergie et les territoires de demain. Le pôle d’innovation a pour objectif de participer au développement économique et de l’emploi sur le territoire. Association loi 1901 créée en 2013 aux Mureaux, Seinergy Lab rassemble la plupart des grands industriels de l’énergie et de la mobilité (ERDF, Schneider Electric, Legrand, Veolia, Suez, GRDF, Airbus Defense & Space, etc.), des start-ups dans le domaine énergétique, des PME/TPE, des acteurs publics et des organismes de formation et recherche sur un spectre large de Bac -5 à Bac + 8 (universités, écoles d’ingénieurs, Centre de formation du BTP, Centre d’apprentissage de l’IUMM, lycée professionnel, etc.). Seinergy Lab pense son action dans une logique multidimensionnelle et il innove à plusieurs niveaux: Une approche par les technologies et les usages Une mixité des matières et des niveaux entre les sciences exactes et les sciences

sociales Un territoire d’expérimentation d’une richesse et d’une diversité exceptionnelle pour

les acteurs: « une mini-France » Les résultats des expérimentations seront stockés sous forme de bases de données,

agrégées dans le temps et dont la valeur sera exponentielle. La rencontre et la collaboration de personnes et structures qui ne se rencontrent pas

naturellement Une gouvernance collaborative qui responsabilise et implique l’ensemble des acteurs

Le projet a été initié par les élus de la ville des Mureaux dans une logique de développement économique et d’insertion professionnelle des jeunes. Face au fleurissement des zones d’activité commerciale dans le département, les élus ont préféré créer les conditions d’émergence de nouvelles activités industrielles dans le domaine de l’énergie et de la Smart City. L’originalité du pôle est sa volonté de s’appuyer sur le marché de la ville durable pour développer l’emploi des jeunes et l’égalité des chances. A ce jour, le pôle, qui dispose de 450K€ de budget de fonctionnement et de 4 salariés permanents, rassemble 33 partenaires, a financé 700K€ d’équipement technologique et a lancé 7 projets. Parmi ces projets, Seinergy Lab a notamment porté le test de borne de charge rapide en voirie publique avec stockage énergétique (projet labellisé par le pôle de compétitivité Mov’eo). Il a été promu dans l’appel à projet des Investissements d’Avenir « culture scientifique et technique et égalité des chances ». Au cours de son développement, le projet a fait face à un certain nombre de difficultés. Il a fallu

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Rapport sur l’innovation territoriale

dépasser l’image très négative de la ville des Mureaux (désindustrialisation, fort chômage des jeunes) pour convaincre les industriels du potentiel économique du territoire. Le projet a également été ralenti dans sa phase d’incubation du fait d’un financement initial limité.

Rôle de la puissance publique

Le portage par la ville des Mureaux a été déterminant au début du projet. Même si

aujourd’hui le projet s’oriente vers une gouvernance plus partenariale avec un rôle limité de la commune, l’initiative du projet est publique. Au début du projet, ce portage public a aussi pu être à l’origine d’un certain nombre de freins, notamment autour des enjeux politiques et de concurrence avec des communes voisines positionnées sur des thématiques similaires. Par ailleurs, les collectivités jouent un rôle de facilitateur et mettent à disposition leurs espaces et bâtiments publics et autorisent les membres de Seinergy Lab à y mener leurs expérimentations. De la même manière, l’établissement public d’aménagement (EPAMSA) permet aux membres de Seinergy Lab de mener des projets dans le cadre de ses opérations d’aménagement. Par contre, pour Ali Mohammad, président de Seinergy Lab, la puissance publique ne peut pas tout faire seule. L’innovation demande notamment une « certaine capacité à désobéir » qui est très complexe à gérer pour un acteur public. L’acteur public doit donc s’appuyer sur la société civile et créer les conditions de l’intelligence collective sur un territoire. Il peut pour cela s’appuyer sur sa posture de neutralité et de tiers de confiance capable de discuter avec l’ensemble des acteurs d’un territoire.

Leviers et facteurs clés de succès

Leviers et facteurs clés de succès ayant joué un rôle dans la réussite du projet

La connaissance fine du territoire qu’avaient les porteurs du projet, de ses forces (présence d’industriels de premier plan, diversité de profils de territoire propice à des expérimentations) et des faiblesses (image et marketing territorial) a été essentielle pour la définition du projet stratégique.

La création de relations de confiance et de connaissance interpersonnelle au travers de lieux de rencontre neutres est déterminante pour monter des projets associant différents industriels, qui ne se connaissent pas ou peuvent être concurrents sur une partie de leur activité. C’est ainsi qu’une des premières actions préalables au montage de Seinergy Lab a été de relancer la dynamique autour de l’association locale des chefs d’entreprises.

La présence d’un objectif d’intérêt général partagé par tous : la volonté partagée de former et de trouver un emploi aux jeunes des Mureaux a permis d’intéresser l’ensemble des parties prenantes et de dépasser certaines réticences. La volonté de « casser des barrières » pour répondre à cet enjeu a permis aux différents acteurs de se connaître et surtout de développer des projets ensemble.

La présence d’un chargé de mission dédié avec des expériences multiples dans les domaines public et privé comme cheville ouvrière du projet a été essentielle pour pouvoir mettre tous les acteurs autour de la table.

Le rôle de tiers de confiance ou la posture de neutralité de la collectivité : ce positionnement a permis de mettre tous les acteurs pertinents autour du projet, mais aussi de conduire plus facilement des expérimentations in situ. En effet, la présence des acteurs publics dans le cadre des expérimentations rassure les habitants.

Enfin, la capacité de la collectivité à « lâcher prise » et à laisser, au-delà de la phase d’incubation, les autres partenaires s’emparer du projet, voire à volontairement

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Rapport sur l’innovation territoriale

s’effacer : Ce « lâcher prise » est essentiel pour permettre un fonctionnement dans la durée de ces dynamiques collectives mêlant public et privé.

Leviers et facteurs clés de succès pouvant faciliter le déploiement d’autres initiatives de ce type La création de structures juridiques à la carte pour l’ingénierie territoriale : Des

projets tels que Seinergy Lab nécessiteraient une structure juridique qui soit suffisamment souple, notamment dans la gouvernance, mais permette également l’investissement de capitaux publics ou privés.

Un décloisonnement entre la sphère publique et privée, soit par le biais de personnes ayant une double expérience, soit au travers d’évènements ou de lieux de rencontre neutres qui permettent aux gens de travailler ensemble. Pour le porteur de projet, les sphères publiques et privées doivent s’enrichir mutuellement.

Contacts et sources

Personne(s) interviewée(s)

Ali Mohammad, président de Seinergy Lab, [email protected]

Source(s) mobilisée(s) :

Rapport d’activité 2014 de Seinergy Lab

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Rapport sur l’innovation territoriale

Étude de cas n°4

APPEL A PROJETS PACA LIGHT

Présentation du projet

L’appel à projets « PACA Lights », porté par la Région PACA et la Fondation Internet Nouvelle Génération (FING), mise sur les compétences de l’écosystème régional pour apporter des réponses innovantes à des problèmes de politiques publiques.

Ainsi ce dispositif expérimental « vise à soutenir l’émergence et la réalisation de projet d'innovations hétérodoxes, « disruptifs », émanant de tout type d’innovateur (citoyens, étudiants, petits entrepreneurs), en réponse à des challenges émis par la Région ou des territoires infra-régionaux.

A titre d’exemple, le défi lancé en 2014 était « En 2020, ZERO kilowatt-heure gaspillé & TOUS producteurs d’énergie renouvelable ! ».

PACA Lights est l’un des rares appels à projets de ce type en France qui s’adresse non à des entreprises professionnelles, mais à tous les porteurs d’idées du territoire depuis l’étudiant jusqu’au simple citoyen. Renversant la logique traditionnelle des appels à projet, PACA Lights permet à une vingtaine de porteurs d’idées innovantes de bénéficier de 2000€ et d’être accompagnés dans le cadre d’ateliers collectifs pour transformer leur idée en démonstrateur. Les cinq premiers lauréats gagnent ensuite 10 000€ et bénéficient d’un réel accompagnement par les structures d’appui locales (agence régionale d’innovation, incubateurs, pépinières...) pour mettre en œuvre et expérimenter leur projet.

A ce stade, le premier défi a été lancé en novembre 2014. Des « défis camps » ont été menés dans cinq villes du territoire (Digne, Gap, Sophia, Marseille, Toulon) en janvier 2015, en s’appuyant sur les acteurs d’innovation pour réunir des acteurs pouvant répondre au défi. Il y a eu environ 50 personnes par défis camps. Une soixantaine de réponses ont été reçues par la Région et sont en cours d’examen.

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Rapport sur l’innovation territoriale

Rôle de la puissance publique

Les acteurs publics ont joué un rôle majeur dans ce projet. L’idée est née suite aux échanges

entre des individus impliqués au niveau régional dans le soutien à l’innovation (service innovation du conseil régional et opérateurs partenaires). La Région finance 100% des primes accordées aux porteurs. Le concours bénéficie d’un appui de Bpifrance et de l’Agence Régionale d’Innovation. Cependant, cet appel à projet illustre une nouvelle posture de la puissance publique : Une posture d’accompagnatrice des solutions proposées par les acteurs locaux, plutôt

que censeur, puisqu’il s’agit de sélectionner des idées et les aider à grandir, en construisant des prototypes réalistes avec des équipes projets.

Une posture de « lâcher prise » et de coopération « horizontale » avec les acteurs locaux, car selon les porteurs du dispositif, une des clés du succès a été de ne pas le présenter comme une « initiative publique ». Un processus « décalé » a été mis en place par la FING, dans le cadre de ses missions de recherche – action, qui fait appel à l’intelligence collective et à de l’envie individuelle, sous la forme de la réponse à un challenge en équipes (Défiscamps, ateliers). La puissance publique a mis en place des modes de coopération et d’interaction innovants avec les porteurs de projets (travail collaboratif, usage de drop box, dossiers très allégés, etc.). Enfin, le jury est constitué d’un mix entre des acteurs de la société civile ayant des regards plus décalés (Inspire, FING).

Malgré tout, des freins liés au fonctionnement de l’administration ont pu être rencontrés : Certains processus administratifs sont source de lourdeurs (par exemple, obligation de

faire voter la liste des lauréats par la Commission permanente du conseil régional), alors même qu’un élu préside le jury et que Bpifrance est associée au choix des lauréats.

L’organisation interne des collectivités ne se prête pas à la transversalité et à la nécessité d’associer dans un temps court différents services, notamment ceux qui ne sont pas maîtres d’ouvrage de la démarche.

Leviers et facteurs clés de succès

Leviers et facteurs clés de succès ayant joué un rôle dans la réussite du projet

Un dispositif peu coûteux et original, qui a suscité l’adhésion des élus pour son caractère « communiquant », comme l’intérêt des porteurs de projets, pour qui la promesse n’est pas tant financière que celle de bénéficier d’un véritable accompagnement au montage du projet (ateliers avec des designers, atelier sur les modèles économiques, …).

Le fonctionnement interne de la Région PACA : un contexte favorable à l’émergence d’initiatives portées par des individus créatifs au niveau du service innovation et économie numérique. Cela a été en partie rendu possible par un encadrement disposant d’une vraie fibre entrepreneuriale.

Une vraie logique de travail en partenariat avec des structures extérieures au conseil régional. Cela se traduit par une gouvernance plurielle des dispositifs, avec les partenaires institutionnels, mais aussi des pôles de compétitivité et des laboratoires de recherche (laboratoires de sociologie). Cela permet aussi d’associer d’autres « points de vue » au jury de sélection des projets pour garantir une « ouverture d’esprit maximale ».

Un dispositif « léger », permettant de faire rapidement émerger quelques

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Rapport sur l’innovation territoriale

« réussites ». Un dossier de candidature très léger (4 à 5 pages), permettant une lecture rapide. L’accent est davantage mis sur le potentiel de l’idée, les compétences manquantes pour le réaliser pouvant être réunies dans un deuxième temps. L’objectif est de trouver rapidement 5 idées qui ont du potentiel et à qui on peut faire prendre corps rapidement.

La mise en place d’un processus expérimental « encadré » sur ce type de dispositifs nouveaux, afin de les analyser en continu pour une amélioration constante. Un véritable protocole d’expérimentation a été défini, ainsi qu’un programme de recherche-action porté par des sociologues, qui permettront de dire ce qu’a réellement produit ce dispositif et de se prononcer sur l’intérêt de le poursuivre. L’expérimentation est documentée par la FING, pour pouvoir être éventuellement dupliquée dans d’autres Régions de France.

Leviers et facteurs clés de succès pouvant faciliter le déploiement d’autres initiatives de ce type Une forte envie des agents et une vraie possibilité pour ceux qui portent ce dispositif

au sein d’une administration de « sortir des logiques habituelles », en s’appuyant notamment sur des partenaires extérieurs de type FING, 27ème Région ou laboratoires de recherche pour solidifier ce processus expérimental et déployer une « animation » propre à stimuler les initiatives individuelles.

Une communication beaucoup plus large auprès du grand public pour renforcer le nombre de candidatures portées par de simples citoyens.

Un appui fort sur des relais au sein des territoires infra-régionaux (villes et campagnes), tant pour identifier des défis à lancer sur certaines problématiques rencontrées par ces territoires, que pour mettre en œuvre les « défis camps » et organiser la remontée des projets.

La mise en place d’une coopération entre les différents services de la collectivité (innovation, eau, déchet, énergie, mobilité, …) pour élaborer les défis et analyser les candidatures.

Contacts et sources

Personne(s) interviewée(s) :

Brice Lacomette, Chef de projet Innovation Numérique – PACA Labs, conseil régional PACA

Caroline Ville, chargée de mission Stratégie Régionale d’innovation, conseil régional PACA

Gino Bontempelli, Chef de Service, Innovation et Economie Numériques, conseil régional PACA

Source(s) mobilisée(s) :

Site internet de PACA Light : http://emergences-numeriques.regionpaca.fr/innovation-et-economie-numeriques/programme-paca-labs-2014-2020/pacalights.html

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Rapport sur l’innovation territoriale

Étude de cas n°5

GARAGE SOLIDAIRE DU HAINAUT Valenciennes

Présentation du projet

Le projet Garage Solidaire du Hainaut est né d’une initiative portée par des jeunes engagés du

valenciennois – Soufiane Iquioussen et Nejma Lazregh –, déjà bénévoles depuis plusieurs années au sein d'une association d'éducation populaire (Actions Citoyennes) qui visait à sensibiliser la population locale à la vie politique et à animer un café citoyen à Denain. Le projet Garage Solidaire, porté par l’association « Convergences Plurielles », a une double vocation sociale. Tout d’abord, il propose un service de vente et de maintenance de véhicules, à bas

coût, pour les personnes défavorisées, pour qui le manque ou l’absence de mobilité constituent un frein dans l’accès à l’emploi. Ainsi dans le Valenciennois, il y a plus de 17500 demandeurs d’emploi inscrits depuis plus d’un an (chiffre de mars 2015) et 50% ont un véhicule.

Par ailleurs, le projet permet également d’accompagner des personnes du territoire dans leur parcours d’insertion sociale et professionnelle. Elles sont embauchées en contrat à durée indéterminée au garage dans le cadre d’un agrément « Atelier Chantier d’Insertion ».

L’initiative a été lauréate du concours national « Talents des Cités ». En 2014, le premier garage a ouvert. Il comprend maintenant 13 salariés, dont 8 salariés en insertion et en octobre 2015, un nouveau garage sera ouvert avec 10 salariés. Sur cinq personnes en réinsertion qui ont quitté le garage à l’issue de leur contrat, deux ont été remises sur le chemin de l’emploi et une est en formation. Par ailleurs, le concept de garage solidaire répond localement à un vrai besoin, avec 500 bénéficiaires sur 9 mois et une moyenne de 2,2 réparations par personne. Soixante dossiers sont en attente pour la vente d’un véhicule à bas coût. Enfin, l’implantation du garage dans un quartier « politique de la ville » a permis de redynamiser le quartier, en créant du lien avec les habitants, notamment grâce à une mise à disposition gracieuse des locaux à une association locale et l’activité de self garage le samedi. Les porteurs de projet ont rencontré de nombreuses difficultés au cours du montage du projet. Ils évoquent notamment : La difficulté d’avoir accès aux bons interlocuteurs et aux financeurs quand on est jeunes,

sans réseau et en l’absence de guichet unique.

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Rapport sur l’innovation territoriale

L’obtention des premiers financements et le manque de confiance des banques. Idem pour les assurances. Une seule assurance a bien voulu les assurer pour un tarif prohibitif (850€/mois).

La difficulté des administrations à s’adapter et à accepter de sortir des cadres administratifs habituels pour trouver des solutions. Alors même que la sous-préfecture avait soutenu l’initiative, il y a eu de gros problèmes au moment de la délivrance de l’autorisation de vente de véhicules, qui a pris 9 mois au total. Le statut « associatif » de la structure posait problème pour l’obtention de cette autorisation. La sous-préfecture a commencé par exiger que la structure prenne un statut d’entreprise, ce qui lui aurait fait perdre l’agrément « atelier chantier d’insertion » et la possibilité de défiscaliser. Elle a ensuite demandé à ce que l’association s’inscrive à la CCI, ce qui n’était pas possible. Après l’envoi de plusieurs courriers et après avoir fait appel au réseau national que les porteurs de projet ont acquis grâce au concours Talent des Cités (notamment le Sénat), le sous-préfet a finalement donné une dérogation.

L’opposition initiale des garagistes et concessionnaires locaux, qui avaient peur de la concurrence déloyale.

Certaines tentatives de « récupération politique » associées à un brusque arrêt du soutien des élus, en cas de refus des porteurs de projet de venir s’installer dans telle ou telle ville ou de s’afficher médiatiquement avec tel ou tel élu.

Rôle de la puissance publique

Les pouvoirs publics ont joué un rôle clé dans la mise en œuvre de ce projet, quand bien même ils

ont également été à l’origine de freins d’ordre administratif et politique (voir ci-dessus). Les porteurs de projet ont eu accès à des dispositifs de financement et d’accompagnement:

dispositifs du conseil général et de l’Etat dans le cadre de la politique de lutte contre les exclusions ou de la politique de la ville, aides au conseil pour le montage de la structure d’insertion, dispositif « Cité Lab » (créé par la BGE et la CDC) et agrément « Ateliers Chantiers d’Insertion » délivré par la DIRECCTE notamment.

Un fort soutien de la mairie de Denain, qui s’est portée caution pour permettre aux porteurs d’obtenir les premiers financements, des locaux et qui facilite la mise en réseau.

La mise en place de clauses d’insertion dans les marchés publics pour l’entretien du parc automobile public. Un technicien de la Maison de l’emploi de Valenciennes est à disposition pour aider à répondre aux marchés publics.

Un parrainage essentiel du Sénat et une médiatisation de l’initiative, dans le cadre du concours national « Talents des cités » (organisé par le ministère de la ville, le Sénat et la BGE).

Un parrainage par plusieurs élus engagés en faveur du projet, et ce quelques soient les sensibilités politiques

Dons de voiture par des collectivités

Leviers et facteurs clés de succès

Leviers et facteurs clés de succès ayant joué un rôle dans la réussite du projet

Une forte volonté d’un groupe de citoyens, fortement engagés en faveur du territoire.

L’engagement initial des porteurs de projet au sein de l’association « Actions citoyennes » a permis de forger un réseau et de faciliter le premier contact avec les collectivités qui étaient partenaires de l’association.

L’engagement moral de la mairie de Denain, qui avait foi dans le projet et qui s’est portée garante pour le porteur auprès d’un organisme de caution de prêts bancaires, a été

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Rapport sur l’innovation territoriale

clairement déterminant pour lever les premiers fonds bancaires. Ainsi, la structure Nord Actif (qui propose des produits de caution de prêts bancaires) a accepté de débloquer 30 000€ de prêt à taux zéro grâce à la mairie qui s’est portée garante.

Des dispositifs permettant d’éviter la concurrence des structures de l’ESS aux entreprises du secteur conventionnel. Afin d’éviter de faire concurrence aux garagistes locaux, il a fallu établir un comité de sélection pour définir précisément et annuellement la liste des personnes pouvant bénéficier du service « garage solidaire » (en fonction de critères de revenus et de la difficulté à trouver un emploi).

Le soutien d’une collectivité territoriale, grâce à un portage politique fort et le fait de bénéficier de dispositifs de financement pour amorcer le projet.

Un appui à l’ingénierie technique de la part des pouvoirs publics ou d’autres associations spécialisées dans l’aide aux porteurs de projets innovants (sur des aspects juridiques, montage de dossiers de financement, obtention des autorisations règlementaires). Ainsi, au-delà de l’appui des collectivités, Garage Solidaire a également bénéficié de l’appui de GNIAC, qui fédère un réseau de compétences qui offrent du temps et des conseils à des porteurs de projets.

Leviers et facteurs clés de succès pouvant faciliter le déploiement d’autres initiatives de ce type Un changement de posture de l’administration et des élus territoriaux :

o Capacité à s’adapter et à prendre des risques au sein des administrations pour défendre un projet et trouver des solutions aux freins juridiques.

o Des élus qui ont une vision et qui jouent un rôle de « parrain », ouvrent leurs réseaux, s’engagent auprès des financeurs (notion de « caution morale »).

L’enjeu d’identifier des porteurs de projets qui soient vraiment ancrés dans des territoires et des partenaires financeurs. Au-delà des collectivités, les fondations d’entreprises peuvent également être de bons partenaires.

Un rôle de l’Etat pour repérer les bonnes initiatives, mettre un coup de projecteur sur ces projets, puis se doter des moyens nécessaires pour les dupliquer (par exemple en s’appuyant sur des agences spécialisées au niveau local, comme la fédération des garages solidaires du Nord Pas de Calais).

Le développement à grande échelle de formations spécialisées dans la gestion des structures de l’Economie Sociale et Solidaire. Garage Solidaire a ainsi pu bénéficier des compétences clés d’une salariée titulaire d’un master professionnel en développement local.

Contacts et sources

Personne(s) interviewée(s) : Soufiane Iquiiussen, Directeur de la structure

Source(s) mobilisée(s) :

Site internet de Garage Solidaire du Hainaut : http://www.garage-solidaire-hainaut.fr/

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Rapport sur l’innovation territoriale

Étude de cas n°6

Territoires Zéro Chômeur 4 Territoires en France

Présentation du projet

« L’expérimentation « Territoires Zéro Chômeur de longue durée » lancée par ATD Quart

Monde consiste à financer des emplois utiles, de proximité, non délocalisables, par le transfert des charges que le chômage de longue durée occasionne. Autrement dit, produire des emplois en fonction des compétences et besoins présents sur le territoire et non pas seulement en fonction de la croissance économique ». Une première expérimentation similaire à ce projet avait été étudiée à Sèches-sur-le-Loir en 1995, mais n’avait pas pu voir le jour du fait de freins règlementaires (impossibilité de réaffecter les allocations sociales).

Le projet fonctionnerait de la manière suivante :

1/ Chaque chômeur de longue durée est rencontré individuellement pour identifier avec lui le travail qu’il pourrait réaliser. Souvent, il s’agit de travaux semi-solvables dont le chiffre d’affaire ne suffit pas pour créer un emploi durable (ex : services à la personne, tri des déchets, etc.).

2/ Une entreprise volontaire engage le chômeur de longue durée en CDI et au SMIC. Elle refacture le coût de la création d’emploi à un fonds local qui a rassemblé l’ensemble des charges liées au chômage de longue durée (minimas sociaux, accompagnement social et professionnel des personnes sans emploi, manques à gagner en impôts, cotisations, etc.). Ces charges correspondant, d’après une étude d’ATD Quart Monde, à 15 k€ par an.

3/ Le chômeur de longue durée reste accompagné par Pôle Emploi et a l’obligation d’examiner les propositions de Pôle Emploi pour permettre à terme un retour à l’emploi conventionnel.

A ce jour, quatre territoires, issus du réseau d’ATD Quart Monde, sont candidats pour mener cette expérimentation. Toutefois, pour être mis en œuvre, le projet nécessite le vote d’une loi d’expérimentation. Cette loi doit permettre de rassembler l’ensemble des charges liées au chômage de longue durée dans un fonds local et de créer un « CDI citoyen » qui inclut l’obligation d’examiner les propositions de Pôle Emploi.

Rôle de la puissance publique

La puissance publique joue un rôle essentiel dans ce projet du fait de la nécessité de trouver

des territoires d’expérimentation et de faire adopter une loi d’expérimentation.

Ainsi, le projet nécessite de pouvoir s’appuyer sur un certain consensus local (notamment avec les entreprises locales) et des acteurs politiques engagés. C’est le cas pour les quatre

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Rapport sur l’innovation territoriale

territoires qui se sont présentés à ATD Quart Monde pour participer à l’expérimentation. Le rôle et l’engagement du maire sont particulièrement importants du fait de sa capacité à mobiliser l’ensemble des acteurs associatifs et économiques locaux, voire à sensibiliser directement les bénéficiaires. A ce jour, les quatre territoires sont en attente de la loi d’expérimentation, mais ont déjà constitué la gouvernance du projet et communiqué autour de leur engagement dans la démarche.

Les cabinets ministériels rencontrés dans le cadre de l’éventuel dépôt d’un projet de loi d’expérimentation se montrent également favorables au projet. Néanmoins, la nécessité de passer par une étape législative au niveau national rallonge considérablement la durée d’incubation du projet du fait des contraintes du calendrier législatif.

Leviers et facteurs clés de succès

Leviers et facteurs clés de succès ayant joué un rôle dans la réussite du projet

Le caractère expérimental du projet : Territoires Zéro Chômeur est aujourd’hui encore à l’état de projet. Les craintes exprimées concernent principalement les effets d’opportunité pour l’employeur ou le risque de créer des emplois aidés à vie. Le fait de recourir à une expérimentation permet de tester la validité de ces craintes et donc d’éviter d’enterrer le projet a priori. Ce caractère expérimental est essentiel pour mener des projets très innovants qui comportent forcément un certain nombre de risques.

Une expertise dans l’expérimentation de nouvelles politiques sociales et dans les politiques d’insertion : ATD est à l’origine de la CMU et du RMI37, qui ont tous deux été mis en place à la suite d’expérimentations. Son expertise lui permet de concevoir des protocoles d’expérimentation robustes, mais également de bénéficier de la légitimité nécessaire pour porter des innovations sociales disruptives. Par ailleurs, ATD a une forte expérience dans l’insertion au travers du projet pilote d’entreprise d’insertion « Travailler et Apprendre Ensemble » (TAE). Cette expérience cumulée permet aujourd’hui à ATD d’avoir les compétences pour mettre en emploi, c’est-à-dire « mettre en œuvre les conditions qui permettent à la personne réputée « inemployable » d’entrer dans une démarche de salariée », toute personne désireuse, même si elle est réputée « inemployable ».

Une capacité de lobbying de haut niveau : une ONG comme ATD est en capacité de mobiliser des ministères et des parlementaires pour l’inscription d’un projet de loi d’expérimentation. Ce lobbying a débuté officiellement à l’été 2014 avec la publication du dossier de demande d’expérimentation. Le porteur de projet espère la mise à l’agenda d’une loi d’expérimentation en 2016. En effet, il faut pour cela attendre la disponibilité d’une niche parlementaire (séance mensuelle où les parlementaires peuvent déposer des propositions de lois).

Une organisation capable de porter des projets sur le long terme : ATD a les ressources financières et humaines qui permettent de porter des projets de ce type sur le long terme. Cela est essentiel pour un projet qui comprend nécessairement une phase de développement de plusieurs années.

Leviers et facteurs clés de succès pouvant faciliter le déploiement d’autres initiatives de ce type

Un renforcement de l’autonomie locale de l’administration pour trouver des solutions innovantes sur mesure : les politiques publiques et notamment les politiques sociales

37 Respectivement couverture maladie universelle et revenu minimum d'insertion

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Rapport sur l’innovation territoriale

sont souvent basées sur un grand nombre de critères pour définir la population cible. Ce fonctionnement crée un certain nombre d’interstices où les citoyens ne sont pas pris en charge. L’autonomie locale de l’administration devrait permettre d’identifier ces interstices, d’assouplir les critères et de développer des dispositifs innovants pour les citoyens qui sont « entre deux cases ».

Un recours à l’expérimentation législative facilité : depuis sa création en 2003, l’expérimentation législative n’a été utilisée que rarement (notamment pour l’expérimentation du RSA). Du fait de la nécessité à recourir à une loi, cette disposition est aujourd’hui trop complexe à mettre en œuvre et son utilisation devrait être simplifiée.

Contacts et sources

Personne(s) interviewée(s) : Patrick Valentin, responsable de projet « Territoires Zéro Chômeur de longue durée »,

[email protected]

Source(s) mobilisée(s) : Dossier de demande d’expérimentation ATD Quart Monde : Territoires Zéro Chômeur

de longue durée, 1er juin 2014 Présentation du projet sur le site d’ATD Quart Monde

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Rapport sur l’innovation territoriale

Étude de cas n°7

Loos-en-Gohelle Loos-en-Gohelle (Pas-de-Calais)

Présentation du projet

La ville de Loos-en-Gohelle (7000 habitants) a lancé sa démarche d’innovation urbaine à la fin

des années 1990 et a fait le choix d’infléchir la trajectoire du territoire en proposant une voie alternative tournée vers la préparation du futur et le développement durable. Cette démarche se concentre sur trois objectifs porteurs s’inspirant de la déclaration de Brundtland38 : responsabilisation des habitants (sortir le territoire et ses habitants d’un modèle paternaliste hérité de l’ère de l’industrie minière), élaboration d’une stratégie résiliente de développement durable et relance de l’activité économique. La mise en œuvre de cette stratégie s’articule autour de trois volets : Un volet participatif qui se rapporte aux nombreux dispositifs mis en place par la

collectivité pour renforcer l’implication des citoyens dans les processus de prise de décision.

Un volet développement social et citoyen à partir de démarches relatives à l’innovation sociale et l’économie sociale et solidaire, devenues les modes d’action privilégiés pour la ville et ses acteurs.

Un volet urbanisme et écoconstruction qui se concentre sur les innovations liées à la planification urbaine (via les documents d’urbanisme) et le développement de méthodes innovantes et écologiques de construction.

Ces volets sont portés par la mairie dont les services sont mobilisés de manière transversale sur les trois sujets. Elle s’appuie par ailleurs sur l’ensemble des acteurs locaux, qu’il s’agisse d’entreprises, d’associations, de citoyens, d’institutionnels, etc., pour mener à bien les projets qui émergent grâce à cette stratégie. Malgré un certain nombre de difficultés liées notamment à la défiance des populations peu sensibilisées aux enjeux de développement durable, cette démarche expérimentale a permis de régénérer la ville de Loos-en-Gohelle et d’en faire une ville pilote du développement durable. La ville reçoit chaque année des centaines de visiteurs attirés par ce modèle alternatif. L’emploi progresse (+28% de 1999 à 2008) grâce notamment à l’implantation de plusieurs éco-entreprises (238 entreprises ont été créée de 2001 à 2013) sur le territoire et le nombre d’actifs dépasse aujourd’hui la moyenne observée dans la communauté d’agglomération Lens-Liévin.

Rôle de la puissance publique

Le leadership et la légitimité politiques du maire et son équipe ont été des facteurs

déterminants pour garantir la réussite et la durabilité de la stratégie Loossoise de ville pilote du développement durable appliqué. La collectivité s’est par ailleurs fortement impliquée dans le développement de cette stratégie en faisant notamment de la commande publique l’un des ressorts de développement. Par ailleurs, la municipalité a largement bénéficié des dispositifs d’appel à projets du conseil régional, de l’Etat et de ses agences (ADEME, ANR, BPI, etc.) et de l’Europe (Interreg notamment).

38 Rapport fondateur de l’écologie, rédigé en 1987 par la Commission mondiale sur l’environnement et le développement de l'Organisation des Nations unies, le rapport Brundtland utilise pour la première fois l’expression « développement durable ».

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Rapport sur l’innovation territoriale

Leviers et facteurs clés de succès

Leviers et facteurs clés de succès ayant joué un rôle dans la réussite du projet

Le portage politique et la personnalité du maire : un maire écologiste très engagé qui porte un projet de territoire et dispose d’une forte légitimité locale. Il a ainsi été réélu maire de Loos-en-Gohelle au premier tour, face à une liste divers droite, avec 82,09 % des suffrages exprimés (pour 63,18 % de votants) en 2008 et à nouveau réélu au 1er tour en 2014 avec 81,07 % des suffrages exprimés (pour 55,67 % de votants)).

L’intégration aux dispositifs régionaux, nationaux et européens de financement ont été des critères décisifs pour mobiliser les fonds nécessaires au développement de cette stratégie d’innovation urbaine.

Une forte ambition : la volonté de devenir un « laboratoire » du développement durable est apparue comme un signal fort aux yeux des acteurs locaux, régionaux et nationaux. Elle a constitué une fenêtre d’opportunité pour la création de nouveaux projets. « La commune est une échelle pertinente pour servir de laboratoire et permettre, une fois les actions validées, d’étendre les bonnes pratiques à une échelle plus large. Loos-en-Gohelle n’est pas une île : elle s’enrichit de ce qui s’est fait ailleurs et contribue elle-même à la qualification de la communauté. » (source : Loos-en-Gohelle, ville pilote du Développement Durable).

Le soin et l’attention apportés aux démarches d’implication et de concertation des citoyens sont des éléments qui ont garanti l’acceptabilité sociale des projets et favorisé l’engagement des citoyens dans leur mise en en œuvre. Le maire a ainsi accepté de passer quatre ans à faire un diagnostic territorial en mobilisant toute la population et en faisant appel à des sociologues (techniques mobilisées : questionnaire, écoute sociale, audit culturel, etc.). Les habitants sont impliqués dans un comité de pilotage participatif pour élaborer le document « charte du cadre de vie », qui sert de stratégie cadre au projet de territoire.

Des nouvelles modalités de coproduction des services publics avec les citoyens : Le programme « fifty-fifty » propose par exemple à des groupes d’habitants le souhaitant de mettre en place des services pour améliorer la qualité de vie avec le soutien financier et technique de la collectivité (un budget spécifique a été mis en place). La gestion sera quant à elle effectuée par les habitants eux-mêmes ce qui réduira l’impact sur les finances de la ville à long terme. Ces démarches ont rencontré un vif succès auprès des habitants et la commune qui est régulièrement sollicitée par les habitants pour des projets d’aménagement à l’échelle de leur quartier (jardins publics, voierie, etc.).

La ville de Loos-en-Gohelle a tiré parti d’un maillage citoyen et associatif solide. La société civile a en effet été un relai essentiel pour les politiques engagées par la mairie.

Un fonctionnement par équipe-projet organisé autour de la figure du cadre de la municipalité. La taille limitée de l’administration loossoise (150 à 200 agents) permet aux cadres qui portent des projets (une vingtaine d’ETP) de travailler transversalement sous la forme d’équipes projets.

Une politique de formation du personnel municipal pour répondre à l’enjeu d’acculturation des pratiques innovantes notamment autour du développement durable, de la démocratie participative et du management par la coopération.

Leviers et facteurs clés de succès pouvant faciliter le déploiement d’autres initiatives de ce type

Ce type de démarche souffre parfois d’un manque de soutien au niveau national, tant sur le plan financier que juridique, ce qui limite les moyens d’action des acteurs publics locaux.

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Rapport sur l’innovation territoriale

Contacts et sources

Personne(s) interviewée(s) :

Julian PERDRIGEAT, Directeur de cabinet de Jean-François CARON, [email protected] Source(s) mobilisée(s) : Etude de cas réalisée par le cabinet CMI en 2014 dans le cadre de la mission

« Vademecum de l’innovation urbaine » commanditée par la Caisse des Dépôts et Consignations, le pôle Advancity et le Ministère de l’Environnement, du Développement Durable et de l’Energie.

Julian Perdrigeat, « La résilience de Loos-en-Gohelle » Loos-en-Gohelle, Loos-en-Gohelle, ville pilote du développement durable, janvier 2011, Mairie de Loos-en-Gohelle, « L’indicateur participatif de bien être appliqué sur la

Commune de Loos-en-Gohelle, IAUL, 2006-2007 Mairie de Loos-en-Gohelle, Chiffre et résultats Loos Ville Pilote

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Rapport sur l’innovation territoriale

Étude de cas n°8

Autosuffisance 2025 Communautés de Communes du Méné (Côtes d’Armor)

Présentation du projet

Autosuffisance 2025 est le projet de territoire de la Communauté de Communes du Mené, dont

l’objectif est le développement des énergies renouvelables pour être autosuffisant sur le plan énergétique. Ce projet est issu d’une réflexion sur les perspectives de développement du territoire, engagée en 2004 par les élus de la Communauté de Communes. Le projet de territoire se décline en plusieurs projets collectifs : méthanisation, réseaux de chaleur, huiles carburants, pépinière d’entreprises, éolien participatif.

En s’appuyant sur des réseaux et des partenaires (publics, industriels) qui ont apporté des compétences pour définir le cadre méthodologique et mettre en œuvre les projets, les acteurs locaux ont engagé les premiers projets collectifs à partir de 2004. Ces projets sont des initiatives collectives publiques ou privées, portées par des porteurs de projet distincts (agriculteurs, citoyens, etc.) et qui s’inscrivent dans la stratégie de la Communauté de Communes qui leur apporte ingénierie technique, financière, soutien en termes de foncier, etc. Parmi ces projets : Geotexia, usine de méthanisation qui a ouvert en 2011. Le parc éolien participatif Les Landes du Mené a vu le jour en 2013, imaginé au sein

d’un groupe de réflexion de la Communauté de Communes. Le capital est détenu à 30% par 147 familles du territoire et à 70% par la SICAP, société coopérative qui assure la distribution électrique sur le nord Loiret.

L’huilerie Ménergol, créée en 2007, produit de l’huile de colza pour alimenter des machines agricoles. Elle est gérée par la Coopérative Ménergol (environ 65 exploitants agricoles) et est financée par le fonds Feoga, la Cuma, la Région et le département.

Des réseaux de chaleur qui desservent en chauffage des bâtiments publics et particuliers, qui ont reçu des financements PER, ADEME, Région et des investissements des communes.

La construction d’une pépinière d’entreprises Ménerpôle, dédiée aux économies d’énergie.

Aujourd’hui, les projets sont en cours, mais la dynamique semble fragilisée, notamment car le consensus et le portage politique ne sont pas égaux d’une mandature à l’autre, et car la dynamique associative est fragilisée suite à la disparition de l’association Mené Initiatives Rurales.

Rôle de la puissance publique

Les acteurs publics ont joué un rôle important grâce à une volonté forte des élus à l’origine du

projet. Les compétences techniques, de conduite de projet et d’animation de la collectivité sont assurées par le directeur des services et un ingénieur-chef de projet recruté en janvier 2007 à la communauté de communes. Ceux-ci ont permis une animation de la stratégie et un apport d’ingénierie aux acteurs locaux pour le développement des projets. Par ailleurs, de nombreux financements publics ont été mobilisés (Région, Département, ADEME, FEDER). La communauté de communes a également bénéficié du label de pôle d’excellence rural en 2006 et 2010, qui a joué un rôle pour le financement et la communication autour du projet Autosuffisance 2025.

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Rapport sur l’innovation territoriale

Leviers et facteurs clés de succès

Leviers et facteurs clés de succès ayant joué un rôle dans la réussite du projet

L’adhésion des citoyens au projet, et même leur appropriation de la stratégie (participation à l’émergence des idées, au financement des projets) sont exemplaires. Les acteurs publics et associatifs ont été particulièrement actifs pour créer les conditions de cette adhésion. De fait, la vitalité du tissu associatif local a été déterminante pour mobiliser largement la population.

Un noyau dur interne « multi-compétences » et une complémentarité entre acteurs, grâce aux liens forts unissant acteurs publics, associatifs et socio-économiques. Le développement du projet a reposé sur les compétences et les ressources locales, notamment au travers d’élus moteurs et de citoyens du territoire impliqués dans les réseaux locaux.

Les acteurs locaux ont aussi fait appel à des apports d’expertise extérieurs, notamment auprès de réseaux associatifs et institutionnels comme CLER, TANARIS ou AILE, pour faciliter la mise en place de la stratégie et le développement des projets.

Une stratégie claire et un programme d’actions défini, qui ont permis de créer un fil conducteur à l’action des acteurs locaux entre 2004 et 2013/2014. L’intervention de Solagro – une association nationale spécialisée dans les projets territoriaux d’énergie – a permis de définir ce cadre commun, dans lequel se sont inscrits les acteurs du territoire pour développer leurs projets.

Une communication en interne et en externe, portée par la collectivité, qui participe à la mobilisation des acteurs locaux et à la reconnaissance du territoire à l’extérieur.

Leviers et facteurs clés de succès pouvant faciliter le déploiement d’autres initiatives de ce type

La levée de certaines contraintes règlementaires qui rendent le développement de projets très long : Les blocages administratifs et règlementaires sont nombreux et freinent le développement des projets (10 ans entre la réflexion sur le projet méthanisation et la mise en route de Géotexia ; 6 ans pour l’éolien participatif). La comparaison internationale réalisée au cours de ce projet prouve la spécificité française de ces délais.

Par ailleurs, en matière d’énergies, les grands industriels du secteur pèsent fortement sur la définition des normes et règlementations techniques. Les projets locaux ou portés par des TPE / PME, pour certains innovants, ne rentrent souvent pas dans les cases règlementaires.

Le financement des réseaux nationaux qui diffusent des solutions innovantes : Le réseau TARANIS par exemple (réseau de porteurs de projets citoyens en matière d’énergie) a permis un transfert de méthode, d’expériences et d’expertise. Un financement public de ce type de réseaux permettrait d’augmenter leur impact auprès des territoires.

Contacts et sources

Personne(s) interviewée(s) :

AIGNIEL, Gilles, Parc Eolien Les Landes du Mené / FABLET, Michel, Maire du Gouray / GALMARD, Alain, chef d’entreprise, Bernier Energies / GAUDICHEAU, Laurent, DGS, CC du Mené / RAULT, Gilles, Parc Eolien Les Landes du Mené / THERY, Marc, ingénieur, CC du Mené

Source(s) mobilisée(s) : Etude de cas réalisée par le cabinet CMI en 2014 dans le cadre de la mission « Innovation et Territoires de Faible Densité » commanditée par le Commissariat Général à l’Egalité des Territoires.

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Rapport sur l’innovation territoriale

Étude de cas n°9

Unlimited Cities Montpellier

Présentation du projet

L‘application Unlimited Cities de la start-up UFO permet de modéliser des transformations urbaines grâce à trois photographies d’un quartier prises depuis trois points de vue différents et d’engager une discussion avec les habitants. UFO part du principe que les techniques d’open innovation et d’intelligence collective ont permis de bousculer les façons de faire dans une variété de domaines professionnels et qu’il est nécessaire de penser et d’utiliser ces techniques dans la construction de la ville.

Les habitants peuvent faire varier six paramètres (densité, nature, mobilité, vie de quartier, numérique, créativité) et voir apparaître en temps réel leur arbitrage. Ils peuvent ensuite valider leur image agrémentée d’un commentaire sur la plateforme où l’ensemble des avis sont recensés pour enrichir l’analyse qui sera remise à l’architecte choisi pour l’aménagement.

A ce jour, UFO est intervenu par exemple à Montpellier dans un quartier résidentiel. La tenue d’ateliers et la présence sur site des équipes d’UFO - qui ont interrogé les habitants à l’aide d’une tablette équipée de l’application Unlimited Cities - a permis la remobilisation des habitants et l’émergence de solutions très concrètes (création d’un endroit calme pour faire ses devoirs, déplacement de la salle pour les jeunes à côté du terrain de basket). Par ailleurs, grâce à cet outil, les habitants sortent de certaines postures (refus de la densité, demande de places de parking) et participent à une réelle intelligence collective. A chaque nouvelle intervention, les équipes d’UFO font face à certaines difficultés. Par exemple, certains services administratifs peuvent faire preuve de scepticisme quant à l’apport de cet outil. Par ailleurs, il y a une crainte que la prise en compte l’avis des habitants amène à un « consensus mou » sans audace architecturale, bien que cela ne se soit pas vérifié dans les expériences de projets de la start-up.

Rôle de la puissance publique

La mise en œuvre de cette initiative est dépendante du bon vouloir des services techniques et élus locaux. C’est la collectivité qui commande au cabinet UFO la mise en œuvre d’une démarche de concertation utilisant l’application Unlimited Cities. Les services techniques du numérique et de la communication sont souvent les instigateurs du projet et en parlent aux élus concernés. Il est plus difficile de convaincre les services de l’urbanisme, même s’ils savent que les méthodes de concertation qu’ils utilisent ne fonctionnent pas. Pour UFO, les élus sont beaucoup plus sensibles que leurs services techniques à ces démarches et sont bien conscients « qu’il n’est plus possible de faire comme avant ». Ils sont souvent sensibles à l’argument suivant : embarquer les citoyens dans les problèmes du politique est un moyen de montrer que les problématiques publiques sont complexes et que les solutions actuelles doivent prendre en compte un certain nombre de contraintes.

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Rapport sur l’innovation territoriale

Leviers et facteurs clés de succès

Leviers et facteurs clés de succès ayant joué un rôle dans la réussite du projet L’existence de réelles marges de manœuvre dans le projet en concertation : La

concertation doit s’appuyer sur une « demande sérieuse d’aide » et pouvoir déboucher sur des amendements en amont du projet, sinon elle crée forcément des frustrations.

Une mobilisation des techniques de médiation en support du logiciel : L’outil numérique ne suffit pas, s’il n’est pas mobilisé par des personnes disposant d’un savoir-faire en matière de médiation. L’échange entre le médiateur et le citoyen permet de faire émerger des propositions très intéressantes pour le projet urbain.

L’outillage de l’expertise citoyenne et la dimension pédagogique des outils : L’utilisation du logiciel, qui fait comprendre de manière pédagogique aux citoyens les conséquences urbaines de leurs préférences, leur permet d’émettre un avis raisonné et « raisonnable ». Par exemple, un habitant qui voudra plus de nature verra apparaître sur le logiciel des arbres sur des emplacements actuels de parking. Il pourra ainsi saisir la difficulté à aménager un quartier « vert » tout en garantissant deux places de parking par ménage.

Les références et success stories accumulées : Au début du projet, les architectes d’UFO n’arrivaient pas à convaincre les services techniques, qui étaient très méfiants vis-à-vis des procédures de participation citoyenne. L’existence de premières réussites est essentielle pour convaincre de nouvelles municipalités à mettre en œuvre ces nouvelles méthodes de concertation.

L’attrait pour le numérique et l’esthétique de l’outil a joué un rôle clé pour convaincre les élus et pour faire participer les habitants.

Leviers et facteurs clés de succès pouvant faciliter le déploiement d’autres initiatives de ce type Une consultation citoyenne qui doit intervenir en amont du projet : La consultation

des habitants a lieu une fois que le marché est attribué et qu’un grand nombre d’études ont été réalisées. A ce stade, trop d’argent public a été engagé et un changement substantiel du projet serait vu comme un échec. Ainsi, pour être dans une logique de « demande sérieuse d’aide », il faut consulter les citoyens le plus en amont possible.

La reconnaissance de la valeur ajoutée des démarches de concertation : Au-delà du fait qu’elle permet de limiter les risques d’opposition éventuelle au projet, la consultation des habitants a une réelle valeur ajoutée technique pour le projet. Cette valeur ajoutée doit être reconnue par les élus et les services techniques pour qu’ils acceptent de prendre le temps nécessaire au début du projet pour conduire ces démarches

Contacts et sources

Personne(s) interviewée(s) : - Alain Renk, architecte-urbaniste, cofondateur d’UFO, [email protected]

Source(s) mobilisée(s) :

- Présentation du projet sur le site d’Unlimited Cities

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Rapport sur l’innovation territoriale

Étude de cas n°10

Gare de la Ferté sous Jouarre La-Ferté-sous-Jouarre (Seine-et-Marne)

Présentation du projet

La gare de La-Ferté-Sous-Jouarre dispose actuellement de 200 m² de locaux inexploités. Afin de

valoriser économiquement cet espace, SNCF a mandaté la société Call for team pour imaginer de nouveaux services en faisant émerger les idées des citoyens lors d’un atelier citoyen. La population et les forces vives du territoire ont été mobilisées. Accompagnées par les équipes de Call for team pendant une soirée, elles ont esquissé la gare du futur. Afin de mieux intégrer la gare dans le territoire et d’articuler les différents services entre eux de façon optimale, 5 enjeux clés ont été choisis comme point de départ : les services de mobilité / travailler et entreprendre autrement / les commerces innovants / la valorisation du recyclage / la valorisation du patrimoine local. Une des difficultés du projet a été de mobiliser la population et l’écosystème local. En effet, le projet s’est déroulé sur un temps très court avec un lancement en novembre 2014 pour une première réunion en janvier 2015. Par ailleurs, il s’agit de la première expérimentation de ce type et il n’a pas été évident pour les porteurs de projet de faire comprendre l’intérêt de leur démarche sans avoir de références sur le sujet. A la suite du 1er atelier du 27 janvier, plus de 100 idées ont été collectées et ont permis de formuler 40 solutions concrètes à mettre en place dans la gare et ses alentours. Les citoyens ont par exemple proposé de développer : un relais repas (espace permettant aux personnes travaillant à Paris de revenir chez eux avec un repas, prêt à consommer et de fabrication artisanale), un système d’auto-partage, un espace dédié à la rénovation et à la réparation d’objets cassés ou encore « Les Petits Fertois » (espace d’accueil où les enfants seraient surveillés pour une courte durée, en attendant leurs parents retardés par leur travail ou dans les transports). Au-delà des idées générées, le projet a permis de recréer de l’engagement citoyen dans la commune. Toutes les solutions ne seront pas sélectionnées mais elles constituent une photographie précise des besoins des habitants du territoire. Une nouvelle réunion est prévue le 30 mai pour constituer des équipes projets mêlant citoyens et professionnels et amorcer le développement effectif d’une partie des 40 solutions. SCNF et Call for Team espèrent pouvoir appliquer la même démarche à d’autres gares ou espaces inutilisés en France.

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Rapport sur l’innovation territoriale

Rôle de la puissance publique

Le projet a été proposé par SNCF Développement à la commune de la Ferté sous Jouarre à la suite de l’arrêt du projet précédent de co-working dans la gare. La commune a permis de mobiliser les citoyens pour le premier atelier et a apporté un soutien logistique, mais les équipes municipales ont eu des difficultés légitimes à comprendre les tenants et aboutissants de la démarche. Le premier atelier a permis de mieux faire comprendre l’intérêt de la démarche et de renforcer ainsi le partenariat entre Call for Team et la commune, qui aujourd’hui collaborent de manière rapprochée. La mairie a ainsi rencontré Guillaume Pépy, le président de la SCNF, pour soutenir la démarche portée par Call For Team. Par ailleurs, le fort soutien de SNCF Développement, qui a réellement « cru au projet » et l’a soutenu notamment lors des débuts compliqués, a été déterminant pour la réussite de la démarche. SNCF Développement a ainsi pu crédibiliser et promouvoir la démarche localement, mais également la diffuser plus largement au sein du groupe SNCF.

Leviers et facteurs clés de succès

Leviers et facteurs clés de succès ayant joué un rôle dans la réussite du projet

Une consultation publique qui intervient en amont de la définition du projet : Dans de

trop nombreux cas, la consultation publique intervient quand le projet a déjà été défini et que les marges de manœuvre sont très faibles. Dans le cas présent, les citoyens ont eu une influence réelle sur le projet.

Des techniques d’animation des consultations publiques très pointues : Call For Team a développé des modalités d’animation très cadrées pour éviter une appropriation du débat par certaines personnes et permettre d’avancer sur les sujets prévus sans être « pollué » par d’autres revendications, notamment liées à la politique locale. Il y avait donc un mur d’expression libre pour exprimer l’ensemble des idées et se « décharger d’un fardeau », mais les tables étaient chacune animée par un membre de Call For Team qui imposait les sujets et un temps limité par question. Chaque personne est intervenue en tant que citoyen et n’était pas censée donner sa profession pour éviter d’apparaître comme un expert du sujet et de décourager ainsi d’autres prises de parole « moins autorisées ». Enfin, Call For Team a réalisé un buffet avec uniquement de la cuisine fait maison pour renforcer la convivialité de l’échange et prouver l’engagement réel des animateurs.

Un modèle économique innovant de Call For Team qui valorise la constitution d’un réseau de citoyens engagés comme un investissement : Call For Team est également une communauté en ligne qui développe et teste des idées de produits ou de services (ex : poussette pliable en sac à dos). Une démarche comme La-Ferté-Sous-Jouarre amène de nouvelles personnes vers la communauté en ligne, qui codévelopperont de nouveaux produits et génèreront donc indirectement à terme du chiffre d’affaire pour Call For Team. C’est une autre façon de valoriser la mobilisation des citoyens.

La conviction et l’engagement personnels des équipes de Call For Team : La démarche mobilise fortement les équipes de Call For Team. Leur conviction en faveur du renforcement de l’engagement citoyen et d’un système plus collaboratif (à différencier de l’économie collaborative) est essentielle pour leur implication dans leur travail.

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Rapport sur l’innovation territoriale

Leviers et facteurs clés de succès pouvant faciliter le déploiement d’autres initiatives de ce type

L’existence de réseaux de mise en relation entre le monde politique et les associations et entreprises engagées en faveur de l’innovation citoyenne : ces réseaux pourraient faciliter la rencontre informelle entre les porteurs d’initiatives citoyennes et les élus. En effet, ces deux mondes se connaissent trop peu, alors qu’ils poursuivent souvent des objectifs similaires.

Le développement d’appels à projet (AAP) sur l’innovation territoriale : Les projets comme ceux portés par Call For Team ont souvent du mal à « rentrer dans les cases » des appels à projets. Des AAP spécifiques sur l’innovation territoriale permettraient de soutenir d’avantage de projets de ce type. Par ailleurs, le porteur de projet estime que la dénomination « innovation territoriale » lui facilite l’explication de son projet. D’après lui, ce terme mériterait d’être d’avantage utilisé et reconnu.

Contacts et sources

Personne(s) interviewée(s) : - Sokha Hin, Dirigeant et cofondateur de Call for Team, [email protected] Source(s) mobilisée(s) : - Banderole de présentation du projet, janvier 2015

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Rapport sur l’innovation territoriale

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Rapport sur l’innovation territoriale

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L'innovation au pouvoir ! Pour une action publique reinventée au service des Territoires

Rapport établi par Akim Oural avec l’appui du secrétariat général pour la

modernisation de l’action publique

annexes

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L’innovation au pouvoir – Annexes

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L’innovation au pouvoir – Annexes

SOMMAIRE

I. Lettre de mission 5

II. Principes de mise en œuvre des recommandations – Fiches Action 7

Axe 1 : Donner le pouvoir (et des moyens) aux innovateurs 7

Axe 2 : Décloisonner, rapprocher, organiser les acteurs 11

Axe 3 : Tous innovateurs ! 16

III. Contributions 21

27e Région 21

Agence le Hub 28

Association des Petites Villes de France (APVF) 31

Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) et Institut CDC pour la recherche 36

Commissariat Général à l’Egalité des territoires (CGET) 45

Maurice Baslé, Chaire ACT-TER, Connaissance et action territoriale, Fondation Université de Bretagne-Sud 48

Stratégie Régionale d’Innovation de Midi-Pyrénées 55

Le comptoir de l’innovation 70

IV. Participants aux travaux de la mission 75

Liste des membres de l’équipe mission 75

Liste des membres du Comité d’orientation 76

Liste des personnalités auditionnées 79

Ateliers – Thèmes et participants 89

UP Conférences - Cycle « Territoires : nous sommes innovations » 93

Page 114: Rapport innovation territoriale

4

L’innovation au pouvoir – Annexes

Page 115: Rapport innovation territoriale

5

L’innovation au pouvoir – Annexes

I. Lettre de mission

Page 116: Rapport innovation territoriale

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L’innovation au pouvoir – Annexes

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L’innovation au pouvoir – Annexes

II. Principes de mise en œuvre des recommandations – Fiches Action

Axe 1 : Donner le pouvoir (et des moyens) aux innovateurs

Recommandation n°1

Constituer un réseau national « d’accélérateurs publics » dans le cadre d’une initiative nationale lancée par les pouvoirs publics, s’appuyant sur un label et cofinancée dans le cadre du PIA 3

Éléments de mise en œuvre

Problème résolu / valeur ajoutée

Au niveau des territoires : structuration des écosystèmes locaux ; accélération de la mise en œuvre de projets complexes d’innovation territoriale, en mettant autour de la table les bons acteurs et en utilisant des méthodes agiles de co-conception

Au niveau national : structuration d’un réseau d’innovateurs territoriaux capable de diffuser les initiatives, dotation en moyens d’innovateurs territoriaux, développement d’une capacité nationale à développer des projets complexes

Modalités possibles de mise en œuvre et éléments de coûts

- Une structure légère d’accompagnement pourra être mise en place dans une administration – qui reste à identifier.

- La logique de labellisation et d’accompagnement pourra s’inspirer des principes mis en œuvre dans le cadre de la French Tech, notamment la labellisation d’écosystèmes et de dynamiques.

- Les critères de sélection et de labellisation des structures pourront inclure : un tour de table initial d’au moins 10 partenaires locaux, la participation d’au moins cinq partenaires de droit privé dont des entreprises de l’économie sociale et solidaire, de collectivités adjacentes, d’une université ou institution de recherche ou enseignement ; l’existence d’un lieu partagé et ouvert comprenant un espace de coworking ; la mise en œuvre d’outils et méthodes d’implication des citoyens ; l’existence d’une dynamique locale ; l’existence ou la mise en projet de protocoles d’innovation (résidence, recherches-actions….).

- Des discussions et travaux sont à conduire avec le CGI concernant la mobilisation du PIA 3. Le montant alloué pourrait s’élever à 200 millions d’euros (un montant équivalent à l’appel à manifestation d’intérêt relatif aux accélérateurs de start-ups).

Calendrier proposé

- Septembre 2015 : désignation d’un préfigurateur du label et de la structure légère

- Avant la fin 2015 : mise en place de la structure d’accompagnement

- Calendrier à articuler avec le CGI dans le cas d’un financement PIA 3

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L’innovation au pouvoir – Annexes

Recommandation n°2

« France en Résidence » : créer et lancer un programme national pluriannuel de résidences créatives permettant d’expérimenter des dispositifs d’action publique

Éléments de mise en œuvre Problème résolu / valeur ajoutée

Diffusion et mise en œuvre de méthodes d’innovation à grande échelle dans les territoires ; création de connaissances partagées et “actionnables”

Création d’une méthode et d’outils partagés proposés aux acteurs en open source

Structuration d’un réseau national d’acteurs innovants composé d’opérateurs, de collectivités, d’associations, d’intervenants professionnels organisés en réseau

Modalités possibles de mise en œuvre et éléments de coûts

- Le concept de « résidence » doit être ouvert et doit laisser aux territoires une liberté dans la définition des méthodes, sur un socle commun construit en « open source », autour d’un objectif commun : améliorer les modes d’intervention publique sur des sujets prioritaires grâce à une écoute active et à une implication des citoyens. Chaque territoire pourrait en proposer une définition locale dans le cadre d’un « appel à idées » nationale.

- Cette mesure pourrait être cofinancée dans le cadre de l’acte III du PIA (cf. recommandation 3). Un fonds de dotation public-privé visant à cofinancer les résidences pourrait être créé.

- France en Résidence s’inspire d’opérations existantes : les 17 résidences déjà menées dans le cadre du programme « Territoires en Résidences » animé par la 27e Région, les résidences menées par le SGMAP avec ou sans la 27ème Région, les LUPI (Laboratoires des Usages et des Pratiques Innovantes) menés par la Cité du Design à Saint-Etienne, l’opération Parcs en Résidences (Parcs du Massif central), le programme anglais DOTT (Design of The Times), les doctorants en CIFRE dans les organisations publiques.

Calendrier proposé

- Avant octobre 2015 : lancement d’un « appel à idées » pour construire une approche partagée

- Automne 2015 : lancement du concept à l’occasion de la Semaine de l’innovation publique

- Calendrier à articuler avec le CGI dans le cas d’un financement PIA 3

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L’innovation au pouvoir – Annexes

Recommandation n°3

Faire de l’innovation territoriale l’un des axes de l’acte III du Programme d’investissements d’avenir (PIA 3) en créant un « Programme Innovation Territoriale », dans une double logique de financement et d’accompagnement

Éléments de mise en œuvre Problème résolu / valeur ajoutée

Faciliter le financement des projets d’innovation territoriale Inciter la création de dynamiques locales et le partage de

compétences en faveurs d’acteurs motivés et innovants

Modalités possibles de mise en œuvre et éléments de coûts

- Une réunion de cadrage associant le CGI et le cabinet de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique pourrait être organisée.

Calendrier proposé

- Réunion à organiser à la suite de la remise du rapport

Recommandation n°4

Constituer des « fonds de garantie » sur les territoires pour aider, de manière très spécifique, les porteurs de projet d’innovation territoriale, sociale ou citoyenne, à lever les premiers fonds auprès des banques

Éléments de mise en œuvre Problème résolu / valeur ajoutée

Amorçage facilité des projets d’innovation territoriale et sociale Meilleur partage du risque entre collectivités et porteurs de projet Création de nouveaux modèles économiques au service de

l’intérêt général

Modalités possibles de mise en œuvre et éléments de coûts

- A l’initiative de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, cette proposition pourra être expertisée en lien avec des réseaux de bénéficiaires potentiels : AVISE, Ashoka…

- Il conviendra de réunir un tour de table d’investisseurs potentiels : mutuelles et banques coopératives, fondations, entreprises privées dans le cadre de leurs actions en responsabilité sociale et environnementales)

Calendrier proposé

- Avant la fin d ‘année 2016 : constituer un tour de table

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L’innovation au pouvoir – Annexes

Recommandation n°5

Assouplir certaines règles encadrant la dépense publique pour permettre une plus grande fongibilité dans la dépense des crédits d’intervention

Éléments de mise en œuvre Problème résolu / valeur ajoutée

Utilisation plus souple des crédits versés à des porteurs de projets Meilleure adaptation de l’utilisation des subventions aux finalités des

projets subventionnés Allègement, pour les porteurs de projets, des coûts de gestion liés à

l’utilisation d’une subvention

Modalités possibles de mise en œuvre et éléments de coûts

- Une étude juridique et technique pourrait être conduite.

Calendrier proposé

- Une administration disposant des compétences juridique pourrait être missionnée à la suite de la remise du rapport.

- Avant la fin d’année 2015 : réalisation de l’étude

Recommandation n°6

Assouplir le cadre légal du droit à l’expérimentation pour en faciliter l’usage

Éléments de mise en œuvre Problème résolu / valeur ajoutée

Possibilité de lever les freins juridiques et règlementaires à l’expérimentation

Possibilité d’augmenter le nombre d’expérimentations conduite dans les territoires

Modalités possibles de mise en œuvre et éléments de coûts

- Des actions de sensibilisation pourront être conduites auprès de parlementaires, dans le but d’identifier des promoteurs qui pourraient créer des clubs de l’innovation territoriale au sein de l’Assemblée nationale et du Sénat puis proposer des évolutions législatives. Les parlementaires les plus intéressés pourraient être des élus des territoires confrontés à des défis majeurs.

- La modification du cadre légal implique une étude juridique et la modification de textes.

Calendrier proposé

- Les actions de sensibilisation pourraient être initiées à partir de la publication du présent rapport

- Des clubs de parlementaires pourraient être créés au cours de l’année 2015-2016.

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L’innovation au pouvoir – Annexes

Axe 2 : Décloisonner, rapprocher, organiser les acteurs

Recommandation n°7

Structurer une fonction « innovation » transversale au sein des collectivités et la professionnaliser

Éléments de mise en œuvre Problème résolu / valeur ajoutée

Développement d’une ingénierie permettant de faire émerger et d’accompagner des projets d’innovation territoriale

Changement de la culture des administrations publiques locales Capitalisation sur le potentiel de créativité des agents pour améliorer les

services publics, le dialogue avec les usagers ou le fonctionnement interne de la collectivité

Appel aux méthodes d’analyse big data pour comprendre les besoins des usagers et réinventer l’action publique

Modalités possibles de mise en œuvre et éléments de coûts

Il n’existe pas de « recette » de la fonction « innovation » ou de l’incubateur interne. Chaque collectivité doit la construire en fonction de ses propres enjeux et spécificités. On peut néanmoins tirer quelques enseignements des cas étudiés par la mission.

- La mise en place d’une telle fonction au sein d’une collectivité nécessite l’appui de l’exécutif politique et administratif, ce qui est généralement possible quand un processus d’acculturation a eu lieu et que le niveau décisionnaire accepte l’idée de droit à l’essai-erreur et accorde une autonomie suffisante aux équipes. Des actions de sensibilisation, des échanges avec d’autres collectivités, et des tests grandeur nature – par exemple, le développement d’un premier projet en mode start up – peuvent faciliter cette évolution culturelle, susceptible de prendre plusieurs années pour une collectivité qui démarre sa réflexion sur le sujet.

- La fonction innovation doit être positionnée de manière transverse, pour pouvoir travailler avec l’ensemble des directions métier des collectivités. Elle est apporteuse de méthodes (dans divers domaines) mais ne se positionne pas sur la décision stratégique ni sur « l’expertise métier », qui restent de la compétence des autres directions.

- Si la motivation des participants est essentielle, les moyens mobilisés doivent être suffisants – l’innovation ne consiste pas dans une action de communication.

- L’enjeu est de créer les conditions pour que les gens créatifs puissent aller au bout de leurs idées, et pas du tout de leur donner des « objectifs » d’innovation.

- Certains métiers prennent une importance critique : o le catalyseur d’innovation ; o les fonctions liées à la gestion des données ou data management :

administration de données (chief data officer), analyse de données (data analyst), élaboration de la politique de libération et d’exploitation des données;

o l’incubation de projets et l’accompagnement des « intrapreneurs ; o le design des politiques et services publiques et la relation avec

l’usager. Calendrier proposé

- A construire pour chaque collectivité

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L’innovation au pouvoir – Annexes

Recommandation n°8

Développer de nouvelles formes de collaboration entre pouvoirs publics et acteurs de la recherche en sciences sociales

Éléments de mise en œuvre Problème résolu / valeur ajoutée

Meilleure compréhension des processus spécifiques d’innovation dans l’action publique grâce à des travaux de recherche

Diffusion et mise en œuvre de méthodes nouvelles au sein des administrations

Contribution à l’effort de formation visant à la fois à acculturer les cadres de l’action publique aux principes de management de l’innovation publique et à produire les compétences nécessaires à la diffusion des modes d’innovation dans les administrations publiques

Mobilisation plus aisée et à un coût raisonnable des ressources des écoles

Modalités possibles de mise en œuvre et éléments de coûts

Différentes modalités permettent de faciliter la prise en compte par les pouvoirs publics des apports des sciences sociales et humaines :

- L’emploi de doctorants CIFRE mérite d’être mis en avant car la mise en œuvre est simple, l’employeur public reçoit une subvention de 14 000 euros de l’Association Nationale de la Recherche et de la Technologie (ANRT) pendant 3 ans, et ce type de poste s’intègre de manière opérationnelle aux organisations publiques.

- La mise en place des dispositifs de recherche-action dans l’administration nécessite une collaboration entre services administratifs et laboratoires de recherche. Plusieurs services de l’Etat ou collectivités ont déjà initié des projets de ce type (SGMAP notamment).

- L’organisation d’événements communs à des collectivités ou administrations, et à des universités ou institutions de recherche, peut naître de rencontres informelles au niveau local.

- La mise en place de structures communes (comme les CRREAT ; cf. contribution page 42 des annexes) est une action complexe car demandeuse de moyens importants, mais ambitieuse. Elle ne peut intervenir que dans un environnement mature avec des acteurs acculturés aux enjeux.

- La recherche peut permettre à l’administration de mettre en œuvre une part de réflexivité et de questionnement dans son fonctionnement, vecteur d’amélioration. Elle peut aussi avantageusement remplacer des prestations de conseils dans des domaines d’expertise comme le big data, la conduite d’enquêtes et d’entretien, l’analyse juridique, dans le cadre d’une relation économiquement avantageuse pour les deux parties.

Calendrier proposé

- A construire pour chaque collectivité ou territoire

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L’innovation au pouvoir – Annexes

Recommandation n°9

Favoriser la mise en place, au sein de chaque territoire, d’un processus de coproduction des services publics avec des acteurs privés ou associatifs pertinents

Éléments de mise en œuvre Problème résolu / valeur ajoutée

Renforcement de la qualité des services publics, réalisation éventuelle d’économies

Maintien, création, adaptation rapides de services au public là où les contraintes de l’administration sont une cause de lenteur ou d’inadaptation

Incitation à l’implication citoyenne, renforcement du lien social, création de nouvelles solidarités porteuses de sens et de bien-être

Modalités possibles de mise en œuvre et éléments de coûts

Plusieurs modalités, à tester, sont évoquées dans la recommandation, sans que cette liste soit exclusive, et sans que les modalités de mise en œuvre soient uniques. Apportons quelques éclairages opérationnels.

- Une réflexion sur un Community Right to Challenge – venu d’Angleterre, connoté politiquement et dont le bilan à ce stade est discuté – mérite d’être conduite en France. L’un des principaux reproches formulés à l’encontre du modèle anglais est la prépondérance des grandes sociétés dans la gestion des services publics locaux : l’administration privée a remplacé l’administration publique. Pour autant, on peut imaginer une version française, qui mobiliserait les acteurs et entrepreneurs de l’économie sociale et solidaire, déjà nombreux à service le public et l’intérêt général dans les territoires.

- La mise en œuvre de dispositifs publics financés par des « titres à impact social », fait débat et suscite intérêt et espoirs depuis la remise d’un rapport au gouvernement par Hugues Sibille. Il soulève également des réticences liées au développement d’une ingénierie financière – voire à un jugement de valeur. La nouveauté du dispositif, son ambition de compléter les mécanismes existants et non de les remplacer, les enjeux, les enseignements tirés des projets à l’étranger méritent pourtant qu’une expérience soient conduite en France, au niveau d’une commune ou d’une intercommunalité, puis qu’un bilan soit réalisé.

- La mise en place de MLC est dans une phase de croissance en France. Ils serait intéressant que les structures de mutualisation permettent une diffusion des outils et pratiques auprès des collectivités demandeuses, de plus en plus nombreuses.

Dans tous les cas, la mission recommande à la puissance publique de construire un dialogue ouvert et régulier avec les acteurs qui émergent et qui organisent l’action de citoyens.

Calendrier proposé

- Concernant l’expérimentation des titres à impact social, un tour de table autour d’une collectivité pilote pourrait être constitué d’ici à la fin de l’année 2016.

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L’innovation au pouvoir – Annexes

Recommandation n°10

Instaurer de nouveaux modes de collaboration innovants entre territoires : mettre en œuvre et expérimenter les « contrats de réciprocité » entre villes et campagnes proposés lors du comité interministériel du 13 mars sur les ruralités

Éléments de mise en œuvre Les modalités d’expérimentation sont décrites dans la mesure n°44 adoptée à l’issue du Comité interministériel aux ruralités du 13 mars 2015.

http://www.gouvernement.fr/partage/3671-comite-interministeriel-aux-ruralites-nos-ruralites-une-chance-pour-la-fance

Recommandation n°11

Pour faire du numérique un levier de transformation dans les territoires, organiser des hackathons territoriaux et capitaliser sur l’offre « start-up d’État » (à renommer pour l’occasion: « Start-up territoriale ») du SGMAP permettant de développer des services numériques locaux en mode start up

Éléments de mise en œuvre Recommandation 11.A

Pour les collectivités, organiser des hackathons territoriaux ou « Territoires Camps »

Problème résolu / valeur ajoutée

Production de services et d’outils numériques en réponse à des problèmes récurrents

Décloisonnement des acteurs publics participants sur un territoire et mise en commun des compétences

Identification d’acteurs – les participants au hackathon – susceptibles d’être des moteurs d’innovation sur le territoire

Meilleure compréhension des enjeux d’un territoire grâce aux analyses réalisées lors du hackathon

Modalités de mise en œuvre et éléments de coûts

Une communication pourrait être diffusée dans les réseaux de collectivités (associations d’élus) pour identifier de 1 à 5 territoires intéressés par l’organisation d’un Territoire Camp. Le processus existant est le suivant :

- Au sein de chaque collectivité participante, une personne motivée gère le projet, mobilise les acteurs locaux, assure la communication

- L’équipe Etalab du SGMAP coache ce chef de projet dans ses différentes missions

Calendrier proposé

- D’ici au moins de juillet 2015 : indentification de 1 à 5 territoires volontaires pour organiser un Territoire Camp

- Automne 2015 : Organisation des événements, idéalement à l’occasion de la prochaine Semaine de l’innovation publique

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L’innovation au pouvoir – Annexes

Éléments de mise en œuvre Recommandation 11.B

Pour les collectivités, développer des projets de services numériques pilotes en mode « start-up territoriale »

Problème résolu / valeur ajoutée

Mise en marché rapide par co-construction et design simple fondé sur la confiance

Construction d’un outil au contact de ses usagers

Modalités de mise en œuvre et éléments de coûts

Une communication pourrait être diffusée dans les réseaux de collectivités (associations d’élus) pour identifier 1 projet à développer Le processus existant est le suivant :

- La collectivité participante identifie un agent motivé par la résolution d’un problème ou sélectionne un chef de projet lors d’un hackathon (ou Territoire Camp)

- La collectivité finance le recrutement de l’équipe technique nécessaire à la construction de l’actif numérique, soit 2 informaticiens senior sur 6 mois (salaire brut moyen 50k€ / an)

- Le SGMAP conduit le recrutement de l’équipe, qui pourra également et avantageusement être constituée d’informaticiens volontaires dans la collectivité concernée

- Le SGMAP coache le chef de projet. - Le projet est développé en mode start-up dans un délai de 6

mois

Calendrier proposé - D’ici au moins de juillet 2015 : indentification du chef de projet - Juillet-septembre 2015 : recrutement de l’équipe technique - Octobre 2015 – Mars 2016 : développement du service

numérique

Recommandation n°12

Intégrer l’innovation territoriale comme priorité des CPER dans le cadre de la clause de revoyure

Éléments de mise en œuvre Problème résolu / valeur ajoutée

Mise en visibilité politique de l’innovation territoriale en tant que priorité partagée par les acteurs

Accroissement du volume de financements accessibles aux innovateurs territoriaux

Modalités possibles de mise en œuvre et éléments de coûts

- Une réunion de cadrage associant le CGET et le cabinet de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique pourrait être organisée.

Calendrier proposé

- Réunion à organiser à la suite de la remise du rapport ; calendrier à construire avec le CGET en fonction de la mise en œuvre de la clause de revoyure prévue en 2016-2017

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L’innovation au pouvoir – Annexes

Axe 3 : Tous innovateurs !

Recommandation n°13

Développer un réseau social et une plateforme web nationale de référence pour les projets et les acteurs de l’innovation territoriale

Éléments de mise en œuvre Problème résolu / valeur ajoutée

Synergies et capitalisation des initiatives innovantes au sein des territoires et entre territoires

Mise en place de réseaux permettant la diffusion coordonnée des pratiques et des outils, et identification des besoins méthodologiques des territoires

Modalités possibles de mise en œuvre et éléments de coûts

- La plus-value de cette plateforme viendra de sa capacité à devenir un outil de référence, simple à utiliser, qui apporte plus que les sites web existant de mise en valeur des projets

- La validité de ce concept (qui correspond à une attente exprimée par de nombreux acteurs) et sa faisabilité restent à expérimenter. Pour cette raison, la plateforme doit être développée en mode start up, au contact de ses utilisateurs, par une structure publique ou privée intéressée au résultat au sein de laquelle un « intrapreneur » résolu portera le projet.

- L’identification de la structure porteuse de l’outil après sa création pourra avoir lieu pendant la conception.

- Cette plateforme permettra à terme de constituer un réseau social, qui pourra s’appuyer sur une structure d’animation, de mise en relation et d’intermédiation entre les acteurs territoriaux, fonctionnant comme une « bourse » de l’innovation territoriale, entre l’offre constituée par les innovations territoriales existantes et la demande émanant d’autres collectivités et services déconcentrés ou d’administrations soucieuses de renouveler les politiques publiques.

Calendrier proposé

- Une action de réseautage d’ici à la fin d’année 2015 pourrait permettre d’identifier une structure capable de conduire le projet entre janvier et juin 2016.

Recommandation n°14

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L’innovation au pouvoir – Annexes

Décliner la Semaine de l’innovation publique dans les territoires

Éléments de mise en œuvre Problème résolu / valeur ajoutée

Synergies et capitalisation des initiatives innovantes au sein des territoires et entre territoires

Encouragement des dynamiques existantes

Modalités possibles de mise en œuvre et éléments de coûts

- Une action de communication, notamment auprès des réseaux consultés par la mission (association d’élus, réseaux d’innovateurs, entrepreneurs sociaux…) pourrait être lancée à court terme pour identifier des territoires intéressés et faire remonter des projets.

- Sur la forme, les universités d’automne de l’innovation territoriale comme les différents événements à organiser dans le cadre ou en lien avec la Semaine de l’innovation publique sont à organiser dans un cadre souple à définir sur chaque territoire.

- Ces événements pourraient permettre de préfigurer les tours de tables d’acteurs territoriaux en mesure d’être labellisés ou de créer des accélérateurs territoriaux (cf. recommandation 1).

Calendrier proposé

- Dès que possible : lancement de la préparation de la prochaine édition de la Semaine de l’innovation publique

Recommandation n°15

Donner une autre ampleur à la place de l’innovation dans l’offre de formation, initiale et continue, destinée aux agents publics territoriaux et d’État

Éléments de mise en œuvre Problème résolu / valeur ajoutée

Sensibilisation et formation des cadres de la fonction publique aux apports de l’interdisciplinarité dans le pilotage des politiques publiques

Contribution à la mise en réseau des innovateurs au sein des administrations et parmi les étudiants

Modalités possibles de mise en œuvre et éléments de coûts

- Une impulsion politique forte pourrait permettre de constituer un premier cercle d’écoles et d’institutions participantes et d’administrations : CNFPT/INET, ENA, DGAFP, SGMAP par exemple, et de mobiliser une enveloppe 50 à 100 k€ permettant de travailler de faire intervenir des experts au sein des administrations ou en externe.

Calendrier proposé

- Avant juillet 2015 : organisation d’une réunion avec les acteurs cités - Septembre 2015 : démarrage de l’expérimentation - Printemps 2016 : livraison d’un module de formation

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L’innovation au pouvoir – Annexes

Recommandation n°16

Développer une boîte à outils de référence destinée aux collectivités et aux services de l’État permettant de favoriser le développement des pratiques d’expérimentation à droit constant dans les territoires

Éléments de mise en œuvre Problème résolu / valeur ajoutée

Prise de conscience des possibilités offertes par le droit Meilleure appréciation du risque Élaboration de modes d’emplois et d’outils (documents types,

procédures, check list…) assortis de cas concrets qui démontrent que « c’est possible »

Modalités possibles de mise en œuvre et éléments de coûts

- L’élaboration de cette boîte à outil suppose d’identifier un porteur suffisamment transverse et légitime pour être reconnu par l’ensemble des utilisateurs potentiels, et qui dispose de moyens.

- La construction des outils ne peut être réalisée qu’en impliquant des utilisateurs : des collectivités, des associations d’élus, le CNFPT, le SGMAP.

- La validité de cet outillage doit être garantie par l’État, notamment d’un point du vue juridique.

- De nombreux thèmes sont susceptibles d’être détaillés. Ils pourraient faire l’objet d’un traitement et de parutions successives, dans le cadre d’une collection d’ouvrages dédiés à l’innovation territoriale. Le premier thème pourrait être celui des small business acts territoriaux, qui peut être documenté sur la base de plusieurs cas concrets et de documents de marchés publics ayant été utilisés.

- Le projet pourrait être financé par crowdfunding.

Calendrier proposé

- Avant juillet 2015 : organisation d’une rencontre entre les principaux acteurs concernés

- Septembre 2015 : désignation d’un porteur - Avant le printemps 2016 : conception du premier ouvrage

Recommandation n°17

Produire un guide de référence, destiné aux responsables RH du secteur public, présentant l’ensemble des dispositifs existants qui permettent de mobiliser ou de recruter des compétences extérieures sur des durées courtes ou de manière souple

Éléments de mise en œuvre Problème résolu / valeur ajoutée

Pour les collectivités, possibilité de mobiliser des compétences sur projet ou pour une durée limitée et des compétences nouvelles et de profils « atypique » par l’administration (designers, logisticiens, chercheurs, entrepreneurs, etc.)

Modalités possibles de mise en œuvre et éléments de coûts

- La réalisation de ce guide pourrait être confiée à une équipe composée de représentants de la DGAFP, d’une ou plusieurs collectivités, d’un structure ou laboratoire d’innovation

- Ce guide pourrait être produit dans le cadre d’une collection dédiée à l’innovation territoriale et en lien avec Ré acteurs publics

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Calendrier proposé

- Avant juillet 2015 : organisation d’une rencontre entre la DGAFP et les associations d’élus

- Septembre 2015 : désignation d’un porteur - Avant le printemps 2016 : publication de l’ouvrage

Recommandation n°18

Pour innover sans complexe, créer un « Prix du meilleur Essai » saluant les meilleures tentatives d’innover dans les territoires

Éléments de mise en œuvre Problème résolu / valeur ajoutée

Valorisation de la prise de risque et du droit à l’erreur Capitalisation sur des expérimentations ayant « échoué » mais dont

on peut tirer des enseignements

Modalités possibles de mise en œuvre et éléments de coûts

- Un tour de table d’acteurs sensibles à la démarche et associant les associations d’élus, des personnalités médiatiques ou des structures privées ou associatives porteuses d’un discours sur la promotion d’une culture du risque et de l’essai erreur pourrait être constitué avec l’appui de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.

- Le cabinet de la ministre pourrait identifier une structure administrative ou privée capable de porter l’initiative, de mobiliser un chargé de mission et de mettre à disposition un budget de 20 k€ (organisation de l’événement, communication).

- Le « prix » pourrait être récompensé par un accompagnement et par du coaching d’équipe délivré par une structure bénévole.

Calendrier proposé

- Avant août 2015 : constitution d’un tour de table - Septembre 2015 – Janvier2016 : Identification de projets,

candidature, organisation du prix - Automne 2015 : mise en débat et promotion à l’occasion de la

Semaine de l’innovation publique - Janvier 2016 : remise du prix

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III. Contributions

27e Région

15 avril 2015, Paris

Contribution de l’association la 27e Région au rapport sur l’innovation territoriale confié par Marylise Lebranchu, Ministre de la Décentralisation et de la Fonction Publique, à Akim Oural,

adjoint au Maire de Lille.

Présentation

A travers ce rapport consacré à l’innovation territoriale, le Gouvernement reconnaît que les acteurs des territoires pourraient être à l’origine d’une dynamique portant en elle le renouveau de l’action publique dans son ensemble. C’est précisément l’hypothèse à partir de laquelle l’association la 27e Région a été créée en janvier 2012, sur une idée et des premières réalisations initiées avec l’Association des Régions de France dès 2009. Aujourd’hui nous sommes heureux de pouvoir participer à la démarche lancée par Marylise Lebranchu à travers la présente contribution. Cette dernière tient en 10 points, comme autant de contributions sur la base des questions posées par la lettre de mission dont s’est saisi Akim Oural. Les points relevant spécifiquement de pistes et de propositions concrètes sont mentionnés en italique.

1. D’où partons-nous ?

La 27e Région est née de l’initiative spontanée d’un petit groupe de passionnés, élus, fonctionnaires, consultants, citoyens, tous désireux de réinterroger la façon dont sont conçues et mises en œuvre les politiques publiques – en particulier dans les Régions françaises. Elle s’est concrétisée par une alliance passée avec l’Association des Régions de France (ARF) en 2008.

Depuis sa création, La 27e Région conduit des programmes de recherche-action (Territoires en résidences, La Transfo) visant à tester de nouvelles méthodes avec les acteurs publics. Elle fait le pari de la pluridisciplinarité en mobilisant des compétences issues du design et de la conception créative, des sciences sociales (ethnologie, sociologie de terrain, observation participante) ou encore des pratiques amateurs (do it yourself, éducation populaire etc). Le point commun de ces approches est qu’elles privilégient l’expérience vécue par les utilisateurs, agents et citoyens, comme un point de départ pour réinterroger les politiques publiques.

D’abord incubée à titre de test au sein de la FING, La 27e Région est devenue une association indépendante en janvier 2012. Ni agence de lobbying, ni cabinet de conseil privé, elle est soutenue depuis ses débuts par l’ARF, la Caisse des Dépôts et neuf Régions membres (Aquitaine, Bourgogne, Bretagne, Centre, Champagne-Ardenne, Nord-Pas de

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Calais, Pays de la Loire, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Rhône-Alpes) et a bénéficié de financements européens (Europ’Act).

La 27e Région est au cœur d’un écosystème constitué au fil de ses programmes, et composé de professionnels junior et senior, basés dans toute la France : ils sont designers de services, sociologues de terrain, innovateurs sociaux, vidéastes, comédiens, architectes et urbanistes participatifs, etc.

La 27e Région est également active et reconnue à l’international ; elle fait notamment partie des 20 expériences jugées les plus inspirantes dans le monde par le rapport iTeams publié en 2014 par Bloomberg Philantropies (USA) et le Nesta (GB).

Aujourd’hui, ses expériences inspirent au-delà des Régions. Villes, agglomérations, Départements, Etat, dans le monde entier : un mouvement général émerge pour partager ces nouvelles approches et transformer la culture de gestion publique. Il prend forme en France à travers le programme partenarial Re•acteur Public (2014-2017) lancé avec le SGMAP, décrit à la fin du présent document.

2. Innovation territoriale : de quoi parlons-nous ?

Si l’on considère que l’innovation territoriale porte les ferments d’une action publique post-industrielle, à quoi pourrait ressembler cette dernière ? Dans notre expérience et celle des partenaires français et internationaux avec lesquels nous travaillons, la transformation à opérer est de nature culturelle, et s’organise autour d’une série de thèmes en tension dont les suivants :

Excellence > Réflexivité et ingéniosité

Résoudre > Reformuler

Besoins > Pratiques

Problèmes > Opportunités

Marketing public > Ethnologie territoriale

Silos > Système

Expertise des experts > Expertise des utilisateurs

Comprendre avant de faire > Pratiquer l’essai-erreur, le prototypage rapide

Faire pour > Faire ensemble

Compétition > Coopération

Sciences ou arts > Arts et sciences

Collectionner les bonnes pratiques > Documenter

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Cette grille ne constitue en rien un modèle unique et exhaustif, mais elle donne une idée du cadre de référence qui émerge actuellement, en tension avec les cadres du passé. Elle ne s’applique pas qu’aux seules collectivités locales et aux services de l’Etat, mais à l’ensemble des institutions – dans l’Education et l’enseignement supérieur, les établissements de recherche, les grandes entreprises, etc.

3. Comment passer de l’innovation à la conception créative des politiques publiques ?

La fabrique des politiques publiques et de l’action publique est en panne. Comment réussir le passage d’une conception industrielle à une conception post-industrielle de l’action publique ? Depuis des dizaines d’années, cette question a été massivement explorée, notamment par les chercheurs en sciences politiques et les économistes. Mais ce sont les sciences humaines et sociales qui, les premières, s’y sont intéressées du point de vue des populations : comment les politiques publiques sont-elles réellement utilisées, détournées, non-utilisées par les bénéficiaires supposés ? Et comment repartir de cette nouvelle compréhension des pratiques pour repenser en continu la fabrique des politiques publiques ? Cette conception de l’innovation « par les usages » serait de nature à réduire les risques d’échecs actuels et futurs des politiques publiques.

L’hypothèse que nous faisons est que l’action publique échoue à chaque fois qu’elle n’intègre pas l’usager dès en amont et qu’elle omet de prendre en compte les réalités humaines et « sensibles ». Il manque à l’action publique des cadres, des méthodes, des moyens, des espaces encourageant une conception pluridisciplinaire des politiques publiques, capable de réinterroger, concevoir et mettre en œuvre collectivement des politiques publiques en considérant d’abord leurs usages. L’action publique est trop empreinte de culture juridique et gestionnaire, pas assez de cultures issues de la sociologie et de l’ethnologie, de la conception créative et du design, mais aussi des pratiques amateurs, de l’entrepreneuriat social, des mouvements participatifs issus de l’architecture, de l’urbanisme et de la programmation, etc.

4. Peut-on accélérer le développement de l’innovation territoriale ?

Si développer l’innovation territoriale signifie développer la capacité de conception créative qui fait défaut à l’action publique, alors il nous faut l’inventer et investir dans cette nouvelle fonction – exactement comme lorsque les groupes industriels investissent un pourcentage de leur chiffre d’affaire en recherche & développement, pour fabriquer des produits ou services qui rencontreront leurs publics.

Les « laboratoires d’innovation publique » représentent l’une des formes d’institutionnalisation de l’innovation les plus inspirantes ces dernières années. A l’image du MindLab danois créé en 2008, en France comme dans le monde entier des administrations et des collectivités inventent des fonctions hybrides pour répondre à un besoin croissant de recherche-utilisateur et de prototypage rapide par le design, la conception créative et l’innovation sociale : en Val d’Oise, Loire-Atlantique, Pays de la Loire, Provence-Alpes Côte d’Azur, Champagne-Ardenne, au CHU de Strasbourg – sans compter les collectivités qui investissent dans des moyens similaires sans leur donner la forme de « laboratoires ». Cette tendance est prometteuse mais fragile car encore largement contre-culturelle. Il faut également explorer les meilleures façons de « protéger » les initiatives existantes à l’approche des prochaines échéances électorales.

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De nombreuses pistes existent pour inscrire ces initiatives dans la durée :

- Consacrer un certain pourcentage du budget de la collectivité dans une « R&D » de l’action publique (le Nesta britannique proposait le 1% recherche-action publique)

- Faire suivre à ces laboratoires une trajectoire graduelle, d’abord « sous le radar », en vue de faire la « preuve du concept » jusqu’à des formes de pérennisation ;

- Lancer une nouvelle édition de la Transfo, programme de création de laboratoires d’innovation publique mené par La 27e Région dans 4 Régions entre 2011 et 2014 ;

- Les faire monter en qualité, en pertinence et leur confier des projets plus en amont, jusqu’au niveau politique et délibératif ;

- Inscrire ces laboratoires comme des composantes essentielles des nouvelles grandes Régions, comme un moyen de remettre les usagers au centre du processus ;

- Développer leur pluridisciplinarité : les consolider en les faisant converger avec des initiatives similaires issues du numérique, des cultures « makers » de type Fablabs, de l’architecture et de l’urbanisme participatif, de la vidéo, du théâtre forum, etc ;

- Articuler le travail de ces laboratoires avec les démarches existantes de participation citoyenne ;

- Etendre leur domaine d’intervention à l’espace inter-territorial et inter-collectivités ;

- Développer la communauté professionnelle inter-labs (dans le prolongement d’Entrelabs en France, ou de l’initiative LabWorks par le Nesta anglais)

5. Quel projet politique pour l’innovation territoriale ?

Définir l’innovation territoriale par ses processus est nécessaire mais pas suffisant. Quelles valeurs et quelle vision l’innovation territoriale doit-elle porter ?

- L’innovation territoriale représente-t-elle une simple évolution à l’intérieur de l’action publique telle que nous la connaissons déjà, ou constitue-t-elle une transformation plus radicale ?

- Doit-elle plutôt encourager la coopération, ou bien la compétition entre les territoires ? Par exemple, appliquer les théories du « gouvernement ouvert » ne sera pas aisé là où la compétition aura été exacerbée (entre collectivités, entre territoires, entre identités culturelles)

- Doit-elle concerner en priorité certaines populations, par exemples les populations péri-urbaines, et/ou rurales, en retrait ?

- Comment s’assurer qu’elle produit du bien commun et de la démocratie, plutôt qu’elle ne serve les intérêts marchands ? Cf. le consulting de masse, la marchandisation du savoir, la privatisation de l’espace public, etc.

Penser le projet politique de ces formes d’innovation doit également permettre de sortir de l’équation simpliste « faire mieux avec moins », qui ne constitue pas un projet politique.

Nous pensons que le succès de l’innovation territoriale repose sur une combinaison entre des

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critères hétérogènes, par exemple que la politique publique génère plus d’impact, une meilleure expérience du point de vue des citoyens, une meilleure rentabilité de l’euro investi, plus de démocratie dans le système, plus de coopération, etc. C’est la combinaison entre ces critères – et éventuellement d’autres – qui fera que l’innovation sera productrice de plus de sens.

Proposition pour populariser cette question : un « manifeste des collectivités ingénieuses », inspiré du « manifeste des Régions ingénieuses » créé lors du « off » du congrès de l’ARF à Tours en 2011, et organisé autour de 6 valeurs : l’empathie, l’astuce, la qualité, l’intégrité, la frugalité, le désir.

Voir sur http://www.la27eregion.fr/publications/manifeste-des-regions-ingenieuses/

6. Comment mettre en place des écosystèmes d’innovation territoriale ?

Dans bien des cas, ces écosystèmes existent déjà « sous le radar » des institutions. Dans la plupart des grandes régions, il existe des compétences et des expériences de l’ordre de l’innovation territoriale – qu’il s’agisse d’équipes et de quelques « laboratoires d’innovation » au sein de collectivités et d’administrations, d’un secteur professionnel émergent (qui va des collectifs d’intervention urbaine jusqu’aux sociologues de terrain et à une nouvelle génération de designers), de certaines universités et laboratoires académiques, de certaines écoles supérieures d’administration ou de commerce.

Certaines régions présentent des dynamiques plus fortes que d’autres : elles regroupent entre dix et douze acteurs publics et privés en Pays de la Loire, à peu près autant en Rhône Alpes. Les pistes sont à rechercher du côté des alliances et des coopérations locales : en général, les dynamiques ont débuté par des rencontres informelles, devenues des partenariats plus formels – par exemple entre le CHU de Strasbourg et le DSAA Insitu Lab du lycée Le Corbusier à Illkirch, entre le Département de Loire-Atlantique et l’école de Design Nantes Atlantique, ou encore entre le Master design de l’Université de Nîmes et la Région PACA voisine. Des événements comme la 1ère Semaine de l’innovation publique ont permis de donner un peu plus de visibilité à ces acteurs. Il faudrait également opérer un rapprochement entre des communautés proches pour grossir les rangs : design social, collectifs d’intervention urbaine, acteurs de la démocratie participative… A noter que le marché local n’est pas toujours suffisant, ou que favoriser son développement n’est pas toujours compatible avec le code des marchés publics.

Cet angle est prometteur mais nous ne croyons pas à une démarche qui concentrerait d’abord les moyens sur la communication plutôt que sur un travail fin de rencontres et de mises en relation. Par ailleurs, il faut parallèlement penser l’écosystème à une échelle plus vaste, et essayer d’aligner les stratégies des acteurs locaux, nationaux, mais aussi internationaux.

7. Comment incorporer ces approches aux formations classiques de nos agents publics ?

La demande de formation est très forte, en particulier dans les collectivités. Or les premières expériences commencent tout juste à être transformées en savoir-faire transférables et pour l’heure, au-delà même du thème (très) général de l’innovation, aucune école d’administration ne propose d’apprentissage à la « conception créative des politiques

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publiques ». Par ailleurs, le niveau de coopération entre les établissements est très faible, chacun porte sa stratégie dans ce domaine. Enfin, si l’on exclut le savoir théorique ou académique, ou les simples formations à la créativité, l’offre de formation venant de praticiens et professionnels de l’innovation est rare ou éclatée.

Dans le cadre de Re•Acteur Public, plusieurs projets sont à l’étude et des programmes de recherche sont en cours ou en préparation pour, à moyen terme, produire des contenus de formation (Programme FIP pour « Nouvelles Formes d’Innovation Publique » porté par Mines ParisTech, ou encore un projet de chaire à l’ENSCI-Les Ateliers).

Dans l’immédiat, nous préconisons de concentrer les efforts sur la production de contenus de qualité, et la constitution d’un réseau de formateurs.

Parmi les suites données au présent rapport, nous proposons la réalisation d’un test en quelques mois, sur un mode expérimental et à partir d’un groupe de partenaires pilotes, qui s’appuierait sur les principes suivants :

- la création d’un référentiel des apprentissages de l’innovation territoriale

- la mise en réseau de praticiens-formateurs, dans une logique pluridisciplinaire

- la production de contenus pédagogiques sur un modèle distribué et coopératif

- un banc d’essai annuel, pour renouveler les thèmes et contenus de formation et monter collectivement en qualité

Une réflexion de ce type est déjà menée dans le cadre de Re•Acteur Public en liaison avec le projet « iSchool for the public sector » initié par l’agence nationale d’innovation britannique, le Nesta, en partenariat avec l’OCDE.

8. Comment développer l’apport du design et de disciplines voisines ?

L’institution est en retard sur la pratique. En France comme dans la plupart des pays étrangers, quelques pionniers (élèves, enseignants-praticiens et professionnels) ont pris les premières initiatives, et aujourd’hui encore pratiquement aucun enseignement en école de design ne concerne le secteur public. Le « design dans l’action publique » n’est pas considéré comme une spécialité, et fait souvent partie d’un ensemble plus flou (tel le design thinking enseigné dans les écoles de commerce). Pourtant plusieurs initiatives récentes considèrent le design comme un levier crucial pour renouveler l’action publique – qu’il s’agisse du rapport « Powering public sector innovation » publié en 2014 par la Commission européenne, ou de la plateforme Design for Europe confiée au Design Council.

Récemment, plusieurs formations ont pris des initiatives dans ce sens et intègrent progressivement l’action publique dans le cursus des élèves : il s’agit par exemple du DSAA InSitu Lab du lycée Le Corbusier à Strasbourg, de l’Université de Nîmes, ou encore de l’Ecole de design Nantes Atlantique… Nous pensons qu’il faut maintenant installer une coopération entre les écoles volontaires, afin de développer des modules communs, mais aussi de travailler sur les perspectives d’emploi des futurs designers, et ouvrir à d’autres disciplines.

9. De quelle façon développer le droit à l’expérimentation ?

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Il faut aller au-delà du terme « expérimentation », car l’expérimentation fait déjà partie du processus institutionnel des politiques publiques. Si l’enjeu est d’introduire une culture de l’essai-erreur, voire du « tâtonnement » dans la fabrique des politiques publiques, alors il s’agit d’avantage d’introduire le concept de « prototypage rapide des politiques publiques », c’est à dire une phase nouvelle permettant de tester des hypothèses, en liaison directe avec des utilisateurs (citoyens, agents, mais aussi élus), avant de renouveler ou de lancer une nouvelle politique publique.

L’inscription du principe de « prototypage » dans le droit ne semble pas être un préalable. Il faut d’abord s’assurer qu’une culture existe et voir si elle gagnerait à être institutionnalisée. Pour qu’une dynamique soit possible, nous pensons que le principe de « prototypage » doit apporter une valeur ajoutée à tous les acteurs de la chaîne : il doit permettre à des citoyens de participer en amont au processus des politiques publiques ; il doit permettre à des agents de travailler de façon transversale et en direct avec leurs publics ; il doit permettre aux acteurs nationaux de partir de « prototypes » locaux avant de déployer des politiques nationales ; il doit aussi permettre à des professionnels de faire l’apprentissage de ces méthodes, etc.

C’est pourquoi nous proposons le lancement d’un nouveau programme pluriannuel intitulé « France en Résidences ». Il s’agit à la fois d’un protocole et d’une méthode proposée en mode “open source”, à partir de démarches existantes (Territoires en Résidences, les LUPI, Parcs en résidences, DOTT, etc) ; une organisation distribuée composée d’opérateurs, de collectivités, d’associations, d’intervenants professionnels organisés en réseau ; des modules de formation et de compagnonnage pour diffuser les méthodes de résidence ; un fonds de dotation visant à co-financer les résidences, par exemple dans le cadre du PIA et de co-financements privés (dont certaines mutuelles).

10. Quelle approche budgétaire et financière spécifique à la mise en œuvre d’innovations territoriales ?

Lorsqu’elles flèchent des crédits vers l’innovation, les programmations budgétaires de toutes sortes confondent en général le soutien à des « infrastructures, projets, services innovants » et celui à la recherche-utilisateur et au prototypage. Alors que le Programme d’Investissements d’Avenir (PIA) a prévu un fonds de 150 M€ consacré à l’innovation publique, l’essentiel de ces crédits est allé vers des projets et des infrastructures déjà existants, et aucun vers des programmes, des fonctions R&D, des laboratoires d’innovation publique. La situation est la même dans les collectivités territoriales, où aucun budget de recherche-utilisateur n’est prévu, et où la norme reste l’externalisation vers des cabinets de conseil classiques. Pourquoi les acteurs publics incitent tous les acteurs privés à investir une part de leur chiffre d’affaires en R&D, mais ne s’appliquent pas ce principe à eux-mêmes ?

Nous proposons que des lignes de crédits soient ouvertes rapidement (en particulier dans la prochaine vague du PIA, mais pas seulement) pour soutenir les projets de type « laboratoire d’innovation » et plus généralement l’investissement en recherche-action, recherche-utilisateur, prototypage rapide, ethnologie, etc.

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L’innovation au pouvoir – Annexes

Agence le Hub Bruno Caillet

[email protected] Coordinateur programme Hubservatoire

14 avril 2015

Vers une culture de l’innovation fondée sur le commun La mission confiée par Marylise Lebranchu, Ministre de la Décentralisation et de la Fonction publique à Akim Oural est intéressante car elle pose dans son orientation la nécessaire définition des termes de ce que pourrait être une politique publique d’innovation coproduite (entreprises / collectivités territoriales/usagers). Ainsi la mission interroge judicieusement : Qu’est ce qui fait innovation engageant la puissance publique ? Peut-on parler de foisonnement de l’innovation sur les territoires ? En quoi une politique d’innovation participerait-elle à de nouveaux ferments démocratiques ? Quel intérêt d’investir sur une solidarité humaine et territoriale ? Qu’est-ce-que serait un écosystème innovant ? Comment la puissance publique se positionne-t-elle dans ce principe de coproduction du point de vue financier et juridique notamment ? Il y a un an, nous avons initié le programme de recherche « hubservatoire1 » avec pour intuition initiale que, si les fonds publics existaient bien pour aider l’innovation, si une relation public / privé était souvent essentielle dans un tel cadre, un manque de méthodologie concertée faisait défaut aux parties prenantes et précipitait l’échec de nombreux projets d’innovation. Nous reprenons ici quelques termes de la mission qui appellent, de notre point de vue, de premiers commentaires. Innovation : de quelle innovation parle-t-on ? Toute innovation est-elle équivalente dans sa capacité à créer un meilleur « vivre ensemble » - ce qui nous semble l’enjeu de telles coproductions ? En effet, à l’heure où de nombreux rapports mettent en doute le ratio création / destruction d’emplois opérés par les innovations numériques ou par les premiers exemples de sharing economy, tous les principes d’innovation sont-ils équivalents ? Qu’est ce qui justifie l’investissement conjoint de la puissance publique, des usagers et des entreprises d’innovation si rien ne garantit un mieux-être social ? Ne peut-on poser un préalable d’équilibre social tel que défini par Bernard Stiegler dans sa critique des politiques d’innovation2 ? Ne peut-on d’abord mesurer ce qui fait croissance ou même mécroissance dans les dits projets innovants ? Définir les conditions de coproduction d’une innovation nous semble un préalable. « Foisonnement d’innovations » : Sans doute, de nombreuses pratiques innovantes émergent, pourtant les récents rapports publiés par Claudy Lebreton dans « Les territoires numériques innovants de la France de demain »3 et par Rémi Chaintron4 sont pessimistes sur la capacité des territoires à être vecteur d’innovations. Si en effet de nombreux projets portés par la puissance publique sont en cours de développement, peu d’entre eux accèdent durablement à une économie pérenne. La puissance publique n’est pas dans une culture de l’innovation car la segmentation de son action, l’absence de monitoring, la mutualisation limitée, la veille non structurante et l’absence de culture du résultat sont des freins puissants pour parler d’un « foisonnement » efficient.

1 www.hubservatoire.fr 2 http://arsindustrialis.org/manifeste-2010 3 http://www.courrierdesmaires.fr/wp-content/uploads/2013/09/numerique-rapport-c-lebreton2013.pdf 4 http://www.departements.fr/sites/default/files/rapport-mission-innovation-complet.pdf

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« Solidarité humaine et territoriale » : un objectif semble ainsi définir la politique d’innovation. Les rapports précédemment cités confirment aussi la nécessité d’une innovation sociale. Si la coproduction de l’innovation est effectivement associée à un équilibre social, elle visera certainement une approche de service, de développement durable, d’économie sociale et solidaire. La mission confirmera-t-elle ce préalable pour engager la coproduction ? Les nouveaux ferments démocratiques posés en introduction de la lettre de mission sont certainement un enjeu essentiel d’un tel équilibre social. Pourtant l’expertise qui préside aux politiques d’innovation et à l’engagement de projets de recherche est généralement excluante. Les représentations associées à la plupart des innovations sont souvent sidérantes pour le « grand public ». Et les injonctions user centric imposées par les mêmes experts, peinent à cacher qu’il n’y a pas réellement de pratiques démocratiques associées aux politiques d’innovation. Par exemple, il n’existe pas de débat citoyen sur le futur de la ville numérique ; seule une fascination techno-centrée semble unanimement agiter le (non) débat. L’innovation co-construite réconciliant les citoyens avec l’action publique est pourtant certainement un levier d’innovation durable. Se satisfera-t-on de quelques fablabs où poserons-nous au fond les conditions de tels développements ? Le rapport « Projet négocié dans un contexte de développement durable : méthodes et outils collaboratifs » réalisé par Jean-Jacques Terrin et Burcu Ozdirlik5 met bien en évidence le fait que si nombre de pratiques politiques participatives sont mises en oeuvre, la plupart des administrations peinent à se remettre en cause pour initier une méthodologie de concertation sincère, durable et donc pérenne dans un échange renouvelé avec les citoyens. Ainsi sans développement d’un réel écosystème fondé sur de nouvelles dynamiques d’échange, un débat citoyen durable est peu probable. Si la production d’écosystèmes innovants est bien ce que visent aujourd’hui des politiques telles que celles initiées par la French tech, par exemple, on voit néanmoins plus émerger, derrière ces projets, le développement « de lieux totémiques » (hardware) que l’investissement dans la constitution et l’animation permanente de tels réseaux (software). Il faut changer de logiciel pour réconcilier les citoyens avec l’action publique ; d’abord en impulsant une réflexion qui vise à protéger pratiques et organisations innovantes d’une souvent trop rapide institutionnalisation. La mise en place d’écosystèmes d’innovation telle qu’énoncée dans le document de mission est certainement l’action prioritaire à mettre en œuvre. Une telle dynamique doit se penser en relation avec l’initiation d’une culture de l’innovation. Celle-ci remettra en question les façons de conduire tout ou partie des politiques publiques, de manière moins descendante et plus transverse. Une politique d’innovation doit trouver les outils de nouvelles formes d’accompagnement et d’intervention qui valoriseront d’abord la créativité plus que la (nécessaire) réglementation. Dans cette perspective, il apparaît prioritaire de laisser une part plus importante à l’art (aux artistes), au design de services (aux designers) et à une intégration plus avant des sciences humaines (des sociologues, des philosophes...). Ainsi l’innovation pourrait être un authentique projet culturel, l’espace d’un débat citoyen qui chercherait ses nouvelles agoras. Ces écosystèmes d’innovations coproduits interrogeraient alors bien différemment la notion d’intérêt général que seule gère aujourd’hui la puissance publique, substituant à l’intérêt général, le « bien commun » qui dans son acception contemporaine - et anglo-saxonne - ménage une place possible aux interventions privées, autorisant de fait toutes formes de coproductions mais aussi de privatisation des dits biens (communs). C’est bien le danger de cette privatisation / confiscation qui peut encore une fois ravir l’appropriation démocratique. Une culture coproduite de l’innovation doit ainsi aller plus loin et substituer à la notion de « bien commun », susceptible donc de privatiser toute chose, celle d’ « agir commun », instituant la praxis comme levier possible d’une culture de l’innovation soutenable.6 5 http://terrin.net/wp-content/uploads/2012/12/projet_partag%C3%A9-publi_V3.pdf 6 Essai sur la révolution au XXIe siècle, Pierre DARDOT, Christian LAVAL, Editions La découverte, Paris, 2014

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Sur les moyens budgétaires et juridiques enfin : travaillant sur la constitution d’écosystèmes, les politiques d’innovation ne devraient-elles pas motiver plus de pratiques de mutualisation ? Mutualisation entendue autrement qu’à l’aune des politiques d’austérité mais conçues pour l’émergence des transversalités propices au développement de schémas réellement créatifs et innovants. Ainsi, plus que de créer de nouvelles organisations, une telle politique ne pourrait-elle par exemple engager certains projets d’institutions culturelles (Espaces Publics Numériques, Centres culturels de rencontres, Scènes nationales, Centre d’arts…) dans ces nouvelles agoras alors même que leur mission « culturelle » cherche de nouveaux modèles de développement et qu’elles ont à apporter dans la créativité et le lien aux publics des méthodes, une éthique et des points de vue essentiels sur ce qui pourrait faire politique coproduite d’innovation. En investissant d’autres acteurs, en favorisant les synergies, en valorisant une sincère créativité, de nouveaux modèles d’évaluation des politiques publiques et notamment d’aide à l’innovation, pourraient accompagner certains projets, sans conduire comme la puissance publique le fait souvent, à reproduire du même et à motiver une concurrence entre projets, acteurs publics et collectivités territoriales... Du point de vue juridique, le périmètre des marchés publics, alors qu’il autorise des ouvertures pour la mise en œuvre d’innovations est encore jugé trop contraignant. L’article 35.2 du code des marchés publics porte trop à interprétations pour engager les parties prenantes dans un cadre serein et sécurisé. Pourtant ce périmètre réglementaire est essentiel au fonctionnement démocratique. Le problème est en fait l’absence de structure de « droit intermédiaire » : dans le cadre d’une coproduction entre acteurs publics et acteurs privés, les obligations de moyens et de résultats ne sont généralement pas équitables et empêchent toute coproduction sincère et efficiente, générant de la défiance de part et d’autre. Du point de vue du droit public l’administration est la plus protégée. Dans la même logique, les acteurs publics ne savent généralement pas penser en termes de suite contractuelle, sur un modèle de schéma conventionnel itératif, hors duquel, une innovation nécessairement construite par ses doutes et ses échecs, est généralement impossible. Des écosystèmes où le process serait au cœur des enjeux de coproduction - plus que les résultats attendus - permettraient d’inscrire une culture et des méthodes communes entre parties prenantes. Les cadres d’organisation pourraient alors essentiellement se résoudre à la définition de labels de coproductions de l’innovation et plus encore à un management partagé fondé sur un système de tiers de confiance veillant à l’animation et à la sécurisation du dit système. Ce dispositif pourrait présider à l’invention de ces nouvelles agoras, laboratoires d’une culture commune de l’innovation.

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Association des Petites Villes de France (APVF)

Note de contribution 20/01/2015

Introduction générale

L’Association des petites villes de France (APVF) souhaite prendre toute sa part à la Mission d’études confiée à Monsieur Akim OURAL, Adjoint au Maire de Lille, sur l’innovation territoriale. Elle regrette de ne pas avoir été associée plus en amont à une initiative dont les axes de réflexion et d’action sont déjà déterminés ; si les collectivités ne sont pas des acteurs exclusifs des dynamiques territoriales, elles en constituent cependant des acteurs majeurs et reconnus. Le calendrier présenté, de l’ordre de quelques semaines, limite également la concertation entre les différents acteurs comme la place laissée aux remontées du terrain, ce qui nous semble dommageable.

Vouloir définir l’innovation territoriale peut apparaître contre-productif. Cela reviendrait soit à débattre de manière théorique d’un concept abstrait, soit à restreindre la portée ou à figer dans des schémas préétablis, un concept qui par nature est ouvert et surtout imprévisible. C’est hors des sentiers battus (« outside the box ») qu’apparaît le plus souvent l’innovation ; elle ne peut ni se planifier, ni se décréter du sommet vers la base, émergeant généralement du terrain (logique ascendante, « bottom up ») pour apporter des réponses concrètes et adaptées à une problématique concernant un bassin de vie.

L’APVF souligne que recourir à de telles initiatives, non prévues dans le cadre général du fonctionnement des collectivités territoriales devient presque un passage quasi obligé pour les élus s’ils veulent réellement contribuer à rendre leurs territoires plus dynamiques et solidaires afin d’atténuer les conséquences d’un environnement de plus en plus contraint, tant pour les collectivités que les citoyens.

Il nous semble essentiel de focaliser la mission sur l’identification des freins et leviers pouvant faciliter ou à contrario empêcher ou contraindre l’innovation, en basant cette analyse sur des retours d’expériences concrets, afin d’aborder leurs conditions de reproductibilité éventuelles, et de suivre la lettre de mission de la ministre.

I. L’adaptation comme maître-mot dans un contexte contraint

L’APVF souligne la difficulté dans laquelle se trouvent actuellement les collectivités, qui doivent apporter des réponses concrètes et en temps réel à l’accélération et à la multiplication des mutations en cours dans un contexte de forte contrainte budgétaire actuel, qui les laisse, notamment les petites villes, exsangues.

La problématique centrale à laquelle sont confrontées les collectivités pourrait se résumer très simplement : comment gagner en agilité, réactivité, solidarité et durabilité avec des ressources moindres et des contraintes supplémentaires ?

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Remontées du terrain

Depuis de nombreuses années, notre association, dans chaque numéro de sa Tribune mensuelle, consacre un dossier à une initiative locale. Notre constat est clair : le fait d’innover concerne tous les domaines de la vie quotidienne et tous les types de collectivités, jusqu’aux plus petites. L’innovation est partout, permanente, et on ne peut se réduire aux seules avancées du numérique ou à des mesures « communicantes» ; elle est source de mieux être pour les habitants.

Point commun aux différents exemples collectés, le lien direct à un territoire. Un élu local est avant tout une sentinelle de proximité, dont une des missions pour agir est d’initier, mobiliser, mettre en relation, quelquefois en tension les acteurs locaux, qu’ils soient institutionnels (autres collectivités, services de l’Etat) ou non, en tenant compte du contexte local (potentialités, contraintes) afin d’améliorer la vie quotidienne de ses habitants.

La commune de Trilport en Seine-et-Marne s’est dotée d’un télé-centre, récompensée par la région Ile-de-France dans le cadre de son premier appel à projet «Co-working». Ce recours à des tiers-lieux permet de combattre le désenclavement et la fracture numérique, de limiter les déplacements, de diminuer les émissions de gaz à effet de serre, d’atténuer les besoins en transports en commun lors des heures de pointe mais aussi de créer du lien et d’apporter de nouvelles opportunités d’action aux acteurs économiques et sociaux.

La question écologique est également au centre des préoccupations des élus. A Montmélian (Savoie), la commune a entamé depuis trente ans une politique énergétique verte par le recours à l’énergie solaire. 2000 m² de capteurs ont été installés sur le territoire, un éco-quartier solaire (le Triangle Sud) de 800 logements est en projet et un PLU environnemental très ambitieux a été adopté en 2012. Cette démarche a été récompensée par l’Agence internationale de l’Energie en 2014.

On assiste ainsi à une prolifération de solutions alternatives provenant de l’imagination des acteurs locaux en fonction de la nature de leur territoire, de leurs habitants mais aussi de leurs moyens. Par exemple, la redynamisation d’un centre-ville en difficulté est un des enjeux forts des petites villes. A Valréas (Vaucluse), celle-ci s’opère autour d’une réappropriation de l’espace urbain et du patrimoine (embellissement, rénovation du château, arrachage de l’affichage sauvage) et de l’installation de boutiques éphémères pour redynamiser le commerce. A l’inverse, la commune de Lure, en Franche-Comté, a choisi de le redynamiser grâce au programme européen Innocité. Si cette atomisation est positive, en ce qu’elle peut redynamiser des territoires par des solutions adaptées, elle pose la question de la diffusion de l’information, alors que certaines solutions pourraient correspondre à d’autres territoires, et du rapport avec l’Etat.

Ces initiatives s’observent également en matière de promotion de la culture et de conservation du patrimoine. Alors que la possession, l’existence d’une salle de cinéma dans les petites villes reste un enjeu fort, en raison de son coût et de ses exigences de fréquentation, la commune d’Eysines a décidé de faire de sa salle de projection un élément essentiel de son dispositif culturel. Ainsi, en plus d’un coût des places réduit, une véritable politique de proximité est organisée autour des diffusions, avec la tenue régulière de « Ciné-goûters » pour les familles ou de « Cinés-thés » pour les séniors. D’autres opérations prennent place pour des publics plus vastes, comme les « Cinés-débats » ou les « Cinés-mémoire ». A Aigues-Morte (Gard), l’accent a été mis sur la préservation du patrimoine et l’organisation d’un tourisme ciblé autour de celui-ci.

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Dans le domaine de la solidarité et de la santé, la commune de Caumont-sur-Durance (Vaucluse) a mis en place, pour la première fois en France, une mutuelle communale qui bénéficie à tous les citoyens. L’importance prise par le numérique mais aussi le besoin de se retrouver et de créer du lien est à l’origine de nombreuses initiatives. De son côté, la ville de Saint-Flour (Cantal) a mis un contrat social en place à l’issue d’une concertation avec l’ensemble des acteurs locaux. Ce dispositif doit dépasser l’analyse des besoins sociaux annuelle réalisée par les CCAS afin de ne pas prendre en compte que le critère de richesse mais également ceux de la cohésion sociale et du lien social. L’objectif est d’améliorer le bien-être de l’ensemble de la population.

Un contexte inédit

Les collectivités doivent s’adapter à un contexte inédit, particulièrement difficile, où se cumulent la perte drastique de ressources financières consécutive aux baisses successives de dotations de l’Etat, la situation de plus en plus préoccupante de l’économie et de l’emploi local, l’augmentation des difficultés sociales des administrés, l’abandon des services de l’Etat, l’accélération des mutations techniques mais aussi l’aggravation des fractures territoriales.

Pour l’APVF, les territoires doivent être considérés comme des espaces de solidarité. Les habitants attendent des élus non seulement de maintenir la qualité des services publics de proximité, mais aussi de s’adapter à de nouvelles demandes, en s’affranchissant de leurs difficultés budgétaires. La situation est particulièrement difficile pour les centre-bourgs qui doivent animer un territoire sans disposer des ressources adéquates et les communes, urbaines, péri-urbaines et rurales, où les difficultés économiques et sociales des administrés sont amplifiées par la crise. Ces territoires sont confrontés à la diminution des services de l’Etat et à la captation des ressources financières par les collectivités ou territoires mieux lotis. Innover est aujourd’hui une figure quasi imposée pour les élus désirant garder une réelle capacité d’action et améliorer la vie quotidienne de leurs habitants.

Si l’action publique se déroulait autrefois dans un contexte régulé, hiérarchisé, structuré, aux repères pérennes et stables, celui est depuis totalement bouleversé. Nous sommes en présence de véritables écosystèmes, soumis à des tensions multiples, des dynamiques quelquefois divergentes, des contraintes nouvelles à surmonter, entrainant de nécessaires régulations s’effectuant en temps réel afin d’arriver à un nouvel équilibre plus ou moins durable et fragile.

Confronté à ce nouvel environnement mouvant et incertain, les collectivités, afin d’être en capacité d’innover, doivent faire appel à une certaine forme de résilience de leurs territoires, en s’appuyant sur les contextes locaux, potentiels comme contraintes, pour trouver des points d’inflexion, des effets levier et des lignes de force. Chaque territoire est unique, la contextualisation constitue un élément clé de l’innovation territoriale, y compris si des facteurs de reproductibilité peuvent exister, pour être adapter à d’autres contextes locaux.

Chaque éco système a ses points de blocage, ses jeux d’acteurs, est confronté au poids de lobbys locaux qui peuvent mettre en péril innovations locales ou « jeunes pousses » prometteuses. Dans les remontées du terrain que nous avons collecté, deux types de motivations, pouvant d’ailleurs être complémentaires, animent les porteurs d’innovation :

o la volonté de faire progresser son territoire, le rendre plus solidaire, plus dynamique, faire évoluer les pratiques ;

o surmonter les contraintes rencontrées au quotidien, qu’elles soient économiques, sociales ou financières, afin de préserver les dynamiques territoriales et améliorer la vie

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L’innovation au pouvoir – Annexes

quotidienne des habitants. Ce qui repose principalement sur la compréhension des enjeux et besoins sociaux des territoires et des moyens dont ils disposent ou non pour y répondre.

II. Le rôle de l’Etat

L’Etat et ses services déconcentrés peuvent jouer un rôle essentiel dans cette dynamisation. Il doit pour cela effectuer une véritable révolution culturelle en inscrivant son action dans le cadre de la démarche ascendante déjà évoquée : partir des territoires en leur donnant les clés de l’information, les accompagnant dans leurs initiatives, limitant l’inflation normative qui paralyse les acteurs locaux dans leurs initiatives et en facilitant l’expérimentation.

Le partage d’information nous apparaît essentiel : échanger sur les retours d’expérience (« learn funding) afin d’analyser les conditions de reproductibilité éventuelles de telle ou telle innovation. L’Etat, encore présent dans tous les territoires doit être en capacité de contribuer à cette mission, à l’image de ce qu’il a entrepris au lancement de la démarche des éco quartiers (4D du Ministère de l’Environnement). Certaines initiatives peuvent être envisagées dans ce cadre en partenariat avec les associations d’élus, chambres consulaires ou autres : observatoire des pratiques innovantes, organisation de carrefours territoriaux de l’innovation, labels, aides financières, prix de l’innovation territoriale …

Rappelons que les petites villes ne disposent pas du personnel nécessaire pouvant faire de la veille documentaire ou défricher le champ de certaines contraintes principalement juridiques, réglementaires ou normatives. Pour l’exemple, de nombreuses communes du littoral ont été touchées par des inondations et se sont retrouvées démunies face à celles-ci. La commune de Quimperlé (Finistère) a mis en place un système de prévention permettant l’information rapide des riverains et une coopération accrue entre la mairie et les services déconcentrés de l’Etat (Préfecture, gendarmerie). Une expérience locale qui mérite d’être partagée et étendue à d’autres territoires.

Favoriser l’innovation nous semble antinomique avec la volonté de la planifier, de la normaliser ou de l’imposer. Chaque écosystème local répond à des enjeux et à des dynamiques propres. La volonté descendante d’imposer telle ou telle innovation se heurtera aux réalités du terrain que ne peut pressentir un Etat central. Un accompagnement bienveillant et actif des services de l’Etat déconcentrés serait en revanche utile et nécessaire pour les démarches innovatrices, pour appuyer les maires, particulièrement ceux des petites villes : droit, démarches, contacts, expertises ... Le droit à l’expérimentation locale doit également être renforcé.

En soulignant que les jeunes pousses doivent être aidées pour être en capacité de se développer et donner des fruits. Les modèles économiques nouveaux ont besoin de temps pour s’équilibrer, les premiers mois sont cruciaux. L’émergence de tiers lieux par exemple, piste sérieuse de mutualisation des ressources et d’économies futures, doivent se confronter à un marché pas encore tout à fait mûr et des règlements autour du travail à distance pas encore compatibles. C’est un paramètre à intégrer, l’Etat peut accompagner une démarche innovante lorsqu’elle est vertueuse et le modèle économique maitrisé.

L’innovation territoriale doit être encouragée par la levée de certains blocages. L’Etat doit limiter l’inflation normative qui accroît les contraintes financières pesant sur les communes et limitant d’autant leurs possibilités d’action. A la place des normes, lorsque celles-ci ne s’imposent pas, l’administration centrale peut recourir à des guides des bonnes pratiques.

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L’innovation au pouvoir – Annexes

Des exemples nombreux sont à signaler, surtout dans l’éco construction et l’utilisation de matériaux bio sourcés (le chanvre) ou le poids des lobbies du béton et du verre se fait encore sentir et tente de neutraliser cette concurrence émergente. Le CSTB étant sur ce point encore trop peu réactif, nous pourrions également aborder la question de l’utilisation de l’eau de pluie dans les sanitaires …

Vouloir favoriser l’innovation territoriale c’est privilégier une approche ascendante (logique « bottom up ») s’inscrivant dans l’évolution de l’économie mondiale avec l’émergence de l’économie circulaire et des circuits courts, et abandonner l’approche descendante qui a toujours depuis Colbert caractérisé l’Etat français. Cela passe par le passage d’un modèle centralisé (dit en « pastèque ») à un modèle plus systémique et neuronal (dit en « groseilles »), ou la dynamique territoriale repose sur la qualité des liens noués entre les différents acteurs et surtout les dynamiques territoriales.

Conclusion

Nous considérons le champ de l’innovation territoriale comme une piste essentielle pour contribuer au développement équilibré et équitable des territoires du pays, il nous semble important d’indiquer quelle ne doit pas se limiter à des opérations communicantes, ou à des avancées uniquement technologiques ou « participatives » mais bien répondre à des priorités sociale permettant d’améliorer la vie quotidienne des habitants de tous les territoires et pas simplement ceux des métropoles.

Sur ces bases, notre association sera partie prenante de la démarche initiée et prête à y contribuer activement en faisant des propositions concrètes de pistes d’actions. Nous voulons souligner cependant qu’innover est avant tout un état d’esprit qui s’il s’entretient peut aussi se susciter ; l’Etat à notre sens doit intégrer trois priorités : privilégier une démarche ascendante basée sur les initiatives locales, créer un nouvel état de confiance avec les acteurs locaux et en première ligne les collectivités, adopter la nécessité d’intégrer une réelle souplesse au niveau des normes, des droits à l’expérimentation.

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L’innovation au pouvoir – Annexes

Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) et Institut CDC pour la recherche

Paris, le 20 mars 2015

La CDC est sollicitée dans le cadre d’une mission visant à élaborer un rapport sur l’innovation territoriale. Cette mission a été confiée par Madame la Ministre de la Décentralisation et de la Fonction publique, Marylise Lebranchu, à Akim Oural, Adjoint au Maire de Lille. La lettre de mission met en avant deux objectifs :

- préciser le concept d’innovation territoriale à travers des dynamiques à l’œuvre ; - identifier les conditions qui permettent de favoriser et de pérenniser les projets au

service de l’intérêt général, catalyseurs d’une croissance durable et d’une réconciliation des citoyens avec la chose publique et l’action politique.

La CDC, en tant qu’acteur central du développement et de l’innovation des territoires, est sollicitée pour fournir des propositions, idéalement basées sur des projets concrets issus d’expériences dans les territoires. Ont été sollicités à ce titre la Direction du Réseau et des Territoires, la Direction des Investissement du Développement local et la Direction de la stratégie. La conviction partagée de l’ensemble de ces directions est que le territoire est l’échelle privilégiée de mise en œuvre de l’innovation.

La Caisse des Dépôts propose, pour discussion :

- en première partie, des éléments de définition de l’innovation territoriale ; - en deuxième partie, les principaux freins identifiés par les contributeurs de la CDC ; - en troisième partie, des propositions visant à favoriser le développement de

l’innovation territoriale.

ELEMENTS DE DEFINITION Le concept d’innovation territoriale n’est pas clairement établi. Nous avons tenté, pour discussion et alimentation du rapport, d’apporter quelques éléments de définition :

- L’innovation territoriale correspond à l’innovation par tous les acteurs du territoire, au service de son développement.

- A ce titre, elle doit être vue comme l’affaire de tous et ne se résume pas aux actions des spécialistes des politiques publiques : l’innovation territoriale est plus large que l’innovation « publique » territoriale. Elle englobe le secteur privé (entreprises marchandes et acteurs de l’Economie sociale et solidaire), le monde entrepreneurial, les initiatives individuelles et citoyennes.

- Elle vise le développement durable et inclusif du territoire et de ses populations, s’attachant à trouver des réponses aux enjeux de développement économique et de cohésion sociale ainsi qu’aux enjeux liés aux transitions (transition démographique, transition écologique et énergétique, transition numérique).

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L’innovation au pouvoir – Annexes

- L’innovation territoriale englobe l’innovation sous toutes ces formes et correspond ainsi à toutes les réponses nouvelles, technologiques ou non, apportées à des besoins s’exprimant sur un territoire donné.

1. QUELQUES ELEMENTS DE CONTEXTE : LES PRINCIPAUX FREINS IDENTIFIES

Les éléments de contexte suivants émergent des retours d’expérience et convictions des contributeurs. Ils ne constituent pas une base exhaustive mais bien une perception partagée des principaux freins au développement de l’innovation au service des territoires.

- Au niveau territorial, l’innovation est portée par une multitude d’acteurs qui évoluent dans des sphères différentes et relativement cloisonnées. Ce cloisonnement constitue un frein important au développement des territoires dont les besoins sont souvent systémiques et parfois difficiles à appréhender.

- Les cultures différentes, les contraintes et intérêts variés, la complexité des dynamiques de coopération sont autant de facteurs de ce cloisonnement. Les lieux de rencontre, physiques ou virtuels, permettant aux citoyens, entrepreneurs et fonctionnaires d’œuvrer ensemble au développement et à l’innovation des territoires, sont des atouts indéniables pour contribuer au développement d’innovations

- Alors qu’un grand nombre de citoyens et de structures présents sur le territoire pourraient ou voudraient contribuer à l’innovation territoriale, ceux-ci :

o ne se sentent pas concernés ou encouragés ; o ne savent pas comment s’y prendre ou n’osent pas se lancer ; o ne disposent pas des ressources nécessaires à leur échelle ou se sentent isolés ; o ne connaissent ou ne comprennent pas la multitude de dispositifs

d’accompagnement (ingénierie, financement, etc.) à leur disposition. - Les territoires regorgent d’initiatives intéressantes mais leurs connaissances reste

fractionnée et globalement insuffisante. Cela freine la capitalisation et favorise la reproduction de micro-modèles plutôt qu’une dynamique de changement d’échelle profitable au territoire sur lequel elles se développent mais également à tous les territoires sur lesquels elles pourraient potentiellement être essaimées.

- Enfin, la rigidité de certains cadres d’action territoriaux et de certaines réglementations publiques (ex : code des marchés publics) freine l’émergence de projets d’expérimentation d’envergure. Les modalités de passation de marché public sont sources de défiance entre acteurs publics et privés et ne facilitent pas la co-construction des projets en amont de la commande publique.

2. PROPOSITIONS Les propositions présentées dans cette partie correspondent à la synthèse des contributions émises par la CDC. Elles ont en commun un certain nombre de prérequis, essentiels à leur mise en œuvre effective :

- une évolution culturelle – évolution des postures et des compétences des acteurs locaux, en particulier publics, pour favoriser l’entrepreneuriat, l’initiative, le passage à l’acte, le droit à l’expérimentation et à l’erreur ;

- une évolution organisationnelle – évolution de la place et du rôle de la puissance publique au niveau de territoire, se positionnant :

o en facilitateur et en impulsion de l’innovation, notamment via la création des conditions permettant aux acteurs publics et privés du territoire d’innover ensemble ;

o en animateur et coordinateur d’écosystèmes innovants et ouverts, réunissant des acteurs très divers des territoires afin de permettre leur rencontre, leur compréhension réciproque et leur coopération ;

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L’innovation au pouvoir – Annexes

o en mettant en cohérence l’ensemble des dispositifs territoriaux dédiés à l’innovation qui sont issus des différentes vagues de politiques publiques. Ceci aboutira à une mutualisation des compétences clés à la suppression de redondances.

o en organisant la cohérence des dynamiques de politique publique nationale et celles des pôles territoriaux par exemple quand il s’agit de structuration de filière industrielle à l’échelle nationale puisant dans les écosystèmes territoriaux (ex aéronautique avec les bassins d’emploi de Midi Pyrénées, de PACA et d’Ile de France).

- une évolution des dynamiques portées par les acteurs locaux – évolution favorisant le « travailler ensemble » et la co-construction, les climats de confiance, les systèmes ouverts et transversaux, l’hybridation des modèles et des ressources.

A. Améliorer la connaissance des besoins des territoires et appréhender la complexité des systèmes locaux

Convictions :

Les territoires sont par nature et dans leur fonctionnement essentiellement systémiques. Les systèmes territoriaux sont de plus en plus complexes car de moins en moins réductibles à des périmètres donnés, relevant davantage de combinatoires de flux. Cette complexité les rend difficile à appréhender ; favoriser leur développement requiert pourtant de prendre en compte cette complexité, de la comprendre, d’y répondre.

Dans ce contexte, les enjeux de développement et besoins prioritaires des territoires sont parfois difficiles à cerner et à appréhender. La multiplication des démarches de diagnostic à tous les échelons territoriaux témoigne du besoin de comprendre le territoire pour éclairer l’action publique. Les diagnostics produits ne sont cependant pas toujours exploitables ni cohérents entre eux à l’échelle d’un même territoire.

Propositions :

- Rationnaliser et tirer parti des démarches de diagnostic et de prospective territoriale de façon à ce qu’ils puissent faciliter la compréhension des spécificités locales, des dynamiques à l’œuvre, des jeux d’acteurs ainsi que des enjeux de développement et besoins prioritaires ; valoriser les diagnostics permettant une approche systémique des territoires, restant au bon niveau d’analyse pour servir l’action, reposant sur des perceptions plus larges que celles des seuls experts ou politiques.

- Diffuser, partager et mettre en débat ces diagnostics à l’échelle du territoire, y compris auprès des citoyens – un organe dédié peut jouer ce rôle de garant de la cohérence des démarches programmatiques sur un territoire donné, de recueil des avis et réactions des acteurs, d’orientation de la décision et de l’action.

- Mettre l’ensemble des acteurs locaux en position de veille et surveillance du territoire, de façon à détecter ses besoins, et celui de ses populations, de façon proactive.

- De positionner les territoires vis-à-vis des autres régions et ou territoires à l’échelle nationale voire européenne afin d’identifier les coopérations potentielles et/ou les concurrences induites

- Se doter d’un appareil statistique et d’indicateurs permettant de mesurer l’efficacité des choix et actions de développement territorial, pouvant appréhender l’ensemble des flux internes et externes ainsi que les externalités positives et négatives des actions, notamment d’un point de vue environnemental et social.

Exemples de projets :

- Projet CDC relatif à la mise en œuvre d’une démarche de diagnostic territorial pragmatique au sein du réseau de Directions Régionales, de façon à renforcer la territorialisation de l’action du Groupe, avec des objectifs à 3 niveaux :

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L’innovation au pouvoir – Annexes

o 1. reconnecter les acteurs du Groupe aux territoires et aux écosystèmes qui les composent,

o 2. favoriser le partage des informations et de bonnes pratiques sur les territoires, entre directions régionales et filiales,

o 3. alimenter une réflexion autour du positionnement des entités en région ainsi que sur le niveau d’adéquation des offres actuelles aux besoins locaux pour faire évoluer l’action du Groupe, en réponse aux besoins des territoires.

o 4 mettre en lumière les forces/faiblesses d’un territoire à l’échelle d’un diagnostic européen.

- Organe de pilotage, centralisation et mise en débat de l’ensemble des démarches programmatiques et diagnostiques réalisées à l’échelle du territoire d’Est Ensemble (territoire du Grand Paris) – organe appelé La Fabrique, en cours de mise en œuvre

- Travaux de définition d’appareils statistiques en cours de réalisation par l’INSEE et plusieurs structures de développement territorial. NB : la mesure des externalités des systèmes territoriaux et leur consolidation est un enjeu de recherche à part entière.

B. Adapter les dispositifs d’appui au développement existants et mieux organiser

leur maillage territorial Convictions : Au cours des trente dernières années, de nombreux dispositifs d’accompagnement et structures au service du développement territorial ont vu le jour : Agences de développement, PTCE (pôle territorial de coopération économique), SATT (société d'accélération du transfert de technologies), PLIE (Plan Local pour l'Insertion et l'Emploi), CBE (Comité de Bassin d'Emploi), Conseils de développement, Maisons de l’emploi, IRT (Institut de recherche technologique), etc. A l’échelle d’un territoire, cette chaîne de l’accompagnement apparaît parfois peu lisible, chaque échelon territorial apportant son propre dispositif, gérant ses propres appels à projets / candidatures, sans réelle coordination. Cette situation a pour effet de morceler les actions d’appui aux projets innovants qui ont pourtant besoin d’un accompagnement transversal combinant des actions complémentaires. A noter que ces structures côtoient sur le terrain l’ensemble des entités dédiées à la compétitivité économique– dans une optique générale de diffusion de l’innovation technologique, sans vocation directe au développement territorial : Pôles de compétitivité, clusters, IRT, UTE, SATT, PRES, etc. L’utilisation optimale de cette catégorie d’acteurs au niveau des territoires est d’ailleurs un enjeu en soi. Tous les dispositifs n’appréhendent pas l’innovation de la même façon et certains apparaissent peu équipés pour accompagner des projets nouveaux au service des territoires, souvent plus risqués et reposant sur des modèles économiques atypiques. L’émergence d’initiatives innovantes se trouve même parfois contrariée par l’exercice de démarches planifiées qui formatent par anticipation les projets « éligibles ». Propositions :

- Tirer parti des dispositifs existants pour soutenir l’innovation territoriale plutôt que définir de nouveaux dispositifs dédiés, mal articulés avec l’existant et s’ajoutant aux multiples structures d’accompagnement déjà implantées dans les territoires.

- S’alimenter des retours d’expériences et des évaluations de politiques publiques déjà éprouvées en particulier celle de la politique de pôles de compétitivité. Analyser ce qui relève de l’aménagement du territoire et/ou de la structuration d’une filière industrielle qui passe nécessairement par une mise en réseau des différents territoires.

- Capitaliser sur les dispositifs d’appui à l’innovation les plus performants –notamment ceux organisés en mode projet, valorisant une démarche d’appui globale des initiatives innovantes ; développer ces dispositifs et en comprendre les fondements de

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sorte de les transmettre à des structures moins bien équipées pour soutenir l’innovation territoriale.

- Faire évoluer les dispositifs existants pour qu’ils soient davantage en mesure de soutenir l’innovation territoriale : évolution des pratiques, de la culture, des compétences, des critères d’intervention.

- Favoriser la mise en réseau de ces dispositifs à l’échelle de chaque territoire pour améliorer la complémentarité des actions (sensibilisation, ingénierie, financement, etc.) ainsi que leur coordination, la lisibilité des dispositifs à disposition des acteurs du territoire, leur efficacité.

- Rationnaliser le nombre de dispositifs existants pour favoriser une approche globale des projets d’innovation à soutenir en s’appuyant sur des compétences et actions complémentaires et intégrées.

- Equilibrer le maillage territorial et veiller à ce qu’un territoire ne soit pas dépourvu de structures d’accompagnement ou d’impulsion de l’innovation, ce qui pourrait être le cas de certains territoires ruraux enclavés.

Exemples de projets :

- Dispositif Le Rameau-Avise-Mouvement Associatif, soutenu par la Caisse des Dépôts. - Revue des critères d’intervention de BpiFrance pour s’adapter aux spécificités des

projets des entrepreneurs sociaux.

C. Envisager un cadre de financement nouveau pour soutenir l’innovation territoriale

Convictions :

- Appuyer un projet innovant permettant de répondre à des besoins territoriaux - et comportant de ce fait une part d’expérimentation dans la conduite de la démarche - ne peut s’accommoder d’une anticipation rigide de la destination des crédits des différents contributeurs. Les partenaires publics doivent renoncer à une traçabilité stricte de la totalité des concours qu’ils apportent, et à un fléchage reflétant une orthodoxie par rapport à leurs compétences institutionnelles et aux délégations des différents services techniques contributeurs. C’est la qualité du pilotage qui doit assurer la bonne affectation des moyens. Sur ce point, les projets de territoire apparaissent encore marqués par le principe des « financements croisés », qui peuvent avoir des effets pervers pénalisants.

- Le financement participatif s’impose peu à peu comme un canal de financement

privilégié par les citoyens – épargnants au service de projets de proximité. Cette nouvelle forme de financement semble à même de répondre à plusieurs besoins :

o Une volonté croissante des citoyens d’épargner utilement o Un relatif désamour des canaux d’épargne traditionnels et des banques

depuis 2008 o Un élément de réponse au contexte d’attrition des financements publics o L'adhésion des usagers dans des projets de territoires (ex : énergies

renouvelables) est encouragée par les évolutions règlementaires (loi sur transition énergétique pour la croissance verte et réglementation sur le financement participatif).

Propositions :

- Faire évoluer les dispositifs de financement pour permettre une mutualisation accrue des crédits avec une comptabilité analytique claire dans le respect des aides à l’innovation européennes; en corollaire, mettre en œuvre des dispositifs de pilotage assurant la bonne affectation des moyens pour soutenir, de façon transverse et efficace, les projets d’innovation émergents

- Faire évoluer les critères de financement ainsi que les pratiques et compétences autour de l’évaluation des projets pour y intégrer toutes les formes d’innovation, au-delà de l’innovation technologique, notamment l’innovation sociale, l’innovation

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dans le modèles d’affaires, l’organisation, etc. D’une manière plus générale, l’innovation financière dans le domaine du développement territorial passe par l’admission dans l’expertise de nouveaux critères d’évaluation du risque relatifs à la cohésion et à la résilience territoriale, en plus des critères technico-financiers classiques, de nature à sécuriser sur le long terme les fonds investis.

- Favoriser l’émergence du financement participatif, en s’appuyant sur les plateformes existantes, aux côtés de financement traditionnels (collectivités, fonds régionaux, investisseurs institutionnels au service du développement économique local).

Exemples de projets :

- BPIfrance a fait évoluer son référentiel portant sur l’innovation en ayant une acceptation élargie de l’innovation (modèles d’affaires, organisation, dans les usages, etc.)

D. Valoriser les initiatives territoriales et en tirer parti Convictions : Plusieurs structures observent des territoires afin d’y détecter des initiatives nouvelles, porteuses de valeur pour le territoire et les promouvoir. De nombreuses plateformes existent : elles sont souvent ciblées sur un domaine d’activités ou un type d’innovation donné, peu coordonnées entre elles et pour certaines peu utilisées. Le foisonnement d’initiatives est donc mal connu, en particulier des structures qui ne se trouvent pas sur le territoire ou des organes de décision nationaux. Valoriser les initiatives existantes permettrait de susciter des vocations dans les territoires, de donner de la visibilité aux initiatives les plus prometteuses, de favoriser un changement d’échelle des structures répondant à des besoins territoriaux prégnants, de capitaliser sur ces structures pour essaimer leurs actions sur des territoires présentant des besoins similaires. Propositions :

- Utiliser les potentialités des usages du numérique pour systématiser la connaissance réciproque des initiatives et sa remontée « bottom up » (cf la proposition de Urbanwiki en prolongement du vademecum Innovation et villes durables)

- Faire un bilan et un retour d’expérience des investissements de la CDC dans les plates formes mutualisées d’innovation depuis 2008.

- Mettre en synergie les efforts de veille existants via un méta outil, permettant de recenser les initiatives issues des territoires et les besoins auxquelles elles répondent, d’assurer du transfert de connaissances et d’échanger de bonnes pratiques, au sein d’un territoire mais également au-delà, sans pour autant créer une nouvelle plateforme. Sur ce sujet, il conviendra de préciser quel pourra être le rôle de l’Institut pour la Ville durable en cours de préfiguration.

- Ecouter les besoins des futurs usagers de cette veille consolidée pour orienter le recensement et l’organisation des initiatives recensées de façon à ce qu’ils puissent en tirer parti facilement.

E. Structurer une gouvernance au service de l’innovation territoriale

Convictions : - Penser et structurer une gouvernance au service de l’innovation territoriale est un

prérequis nécessaire au développement d’une innovation réellement inclusive. « Décloisonner », « tendre vers la transversalité » et « expérimenter », bien qu’appelés des vœux de tous les acteurs du territoire quand il est question de développement et d’innovation territoriale, ne se décrètent pas. Ils sont les conséquences d’une stratégie et d’une gouvernance à l’échelle du territoire qui permet finalement ces réalisations.

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- Il apparait de plus en plus essentiel de faire évoluer l’approche de l’’innovation sur le territoire et de passer à une vision écosystémique où les initiatives et projets sont plus partagés entre les acteurs concernés.

- Une action publique mieux adaptée à l’accompagnement des projets suppose une organisation plus transversale des services concernés

- Une action publique mieux adaptée à l’accompagnement des projets suppose une organisation plus transversale des services concernés

Propositions

- A l’instar du développement de système de gouvernance dédiées à l’innovation dans les organisations mais aussi sur de premiers territoires à l’étranger (ex : Curitiba au Brésil), penser ou repenser, en s’appuyant sur des ressources existantes, un système de gouvernance au service de l’innovation territoriale capable de favoriser la mise en réseaux des parties prenantes (ex : chercheurs, universités, écoles, entreprises). Il n’est pas question ici de centraliser l’innovation mais plutôt de stimuler l’innovation territoriale et jouer un rôle de catalyseur et de mise en synergie - quand cela est utile - des différentes énergies sur le territoire.

- Créer, dans un premier temps à l’échelle d’un territoire pilote, les conditions de création d’un véritable écosystème innovant.

- Favoriser un mode de gouvernance et une organisation transversale, intégrant la co-construction, la complémentarité des acteurs, et le droit à l’expérimentation.

Exemples de projets Les exemples de pôle territorial de coopération économique

- Voir les expériences de la Communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise et de la Communauté Urbaine de Strasbourg).

- L’enjeu de gouvernance pour les collectivités incite à une plus grande transversalité entre les actions publiques et les initiatives économiques, se traduisant par des stratégies co-construites (voir l’exemple du Pays de Vitré, ou du Choletais depuis plusieurs décennies et le GPRA du Thône médian, co-construit entre la Région et les intercommunalités sur la base de l’économie circulaire).

- Les exemples de pôle territorial de coopération économique les plus performants sont ceux de pôles qui ont su le mieux concilier les complémentarités entre économie « classique » et ESS (Voir Archer-Romans et PTCE Sud-Aquitaine).

- Voir également les propositions du rapport MAAME au Premier Ministre (novembre 2014, proposant une mutation vers le « bottom up des dispositifs de mutation économique, s’appuyant sur les dynamiques locales (principe des Espaces d’Initiative Territoriale –ETI).

- L’exemple brésilien de Curitiba et de son Centre International de l’Innovation est un exemple remarquable de gouvernance en matière d’innovation territoriale http://hubservatoire.fr/articles/felipe-cassapo-le-mot-ecosysteme-prend-tout-son-sens-au-bresil

F. Favoriser l’émergence des lieux et des méthodes d’innovation permettant l’hybridation des acteurs et l’émergence rapide des projets

Convictions :

- Nombreux sont les lieux d’innovation existant sur les territoires. En revanche, ces lieux sont souvent dédiés à un type d’innovation, une typologie d’acteurs ou un secteur d’activités donné. Rares sont les véritables lieux permettant :

- La rencontre des différents acteurs du territoire au service du développement et de l’innovation territoriale ce qui est regrettable dans la mesure où on sait que les innovations de rupture viennent le plus souvent d’une hybridation des équipes projets et de la rencontre de différents types d’acteurs ;

- L’émergence de projets de territoire complexes nécessitant l’animation d’un jeu d’acteurs sur le territoire et une véritable concertation de l’ensemble des acteurs.

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Propositions

- Créer des plateformes d’innovation7 territoriales multithématiques au service de projets de territoires complexes. Ces plateformes prendraient la forme d’un lieu physique et/ou virtuel animé par un tiers de confiance et permettraient aux différentes parties prenantes de partager une réflexion stratégique sur des projets de territoires complexes8. Ces réflexions en amont sont habituellement très structurantes et complexes. Elles nécessitent d’y incorporer un nombre important de parties prenantes aux intérêts parfois différents. Ces rencontres permettraient d’enrichir la réflexion stratégique sur une problématique..

- Structurer des modes de travail renouvelés entre les acteurs d’un projet urbain pour faciliter la co-construction et éviter les réponses en silos fractionnées. Il s’agit de revoir la place des acteurs dans les processus de fabrication de la ville et de permettre une approche transversale dès l’amont des projets, incluant l’ensemble des parties prenantes du projet. Cette approche implique de sécuriser les outils juridiques utilisés par les maitres d’ouvrage et d’accompagner les évolutions de modèles économiques induits par le positionnement innovant des acteurs.

- Créer des incubateurs (Labs) territoriaux favorisant le mode projet. Il s’agirait de disposer de lieux et de moyens dédiés au passage à l’acte rapide et favorisant la rencontre d’acteurs du territoire (public, privés, les acteurs – recherche, entreprises, etc.) trop souvent cloisonnés.

- Favoriser l’expérimentation et les approches de lean start-up favorisant une dynamique d’innovation dans un cadre frugal et néanmoins pragmatique. Ces dynamiques sont de plus en plus présentes dans les organisations et des stratégies opérationnelles au service de la prise d’initiative dans un cadre budgétaire contraint.

- Accompagner le développement des tiers-lieux (coworking, fablab, makerspaces,…) et leur ancrage dans le territoire

o Aider les collectivités à se positionner pour favoriser l'émergence de ces lieux (quelle intervention et quel soutien ?)

o Aider les acteurs gestionnaires de tiers-lieux à se fédérer au niveau national (pour donner de la visibilité et de la lisibilité à leurs offres)

Exemples de projets

- Le Lab Silver Economie à Limoges qui mêle les start-ups et TPEs, aux administrations locales et aux programmes de recherche

- Lab territoriaux : le projet Darwin, à Bordeaux, la Fabrique à Entreprendre ou encore le Tuba à Lyon.

- Institut pour la ville durable : trois sites pilotes en cours d’identification, accompagnées sur les freins juridiques et sur les modèles économiques

- PIA Ville de demain - Quartier Hammarby Sjostad à Stockholm - Projet porté par le Comptoir de l’innovation consistant à créer un incubateur territorial

de projets à fort impact social co-construits avec des agents de la fonction publique et des entrepreneurs (notamment sociaux)

- Etablissement publics (SNCF, La Poste, Caisse des Dépôts – Lab CDC), entreprises privées (Orange, Pernod-Ricard, BNP), territoires à l’étranger (ex : modèle de Curitiba au Brésil).

- Quelques exemples de plates-formes d’innovation dans lesquelles la Caisse a investi : o NOUVELLES VAGUES (Pôle Aquimer / Boulogne-Sur-Mer) : outil mutualisé de

R&D pour la filière aquacole, pour accompagner la mutation de la pêche vers l’aquaculture. Société au capital de 1,152 M€ - 30 actionnaires : entreprises locales, CCI, université… - CDC à 20,83% - 28 ETP

7 Une réflexion sur le sujet est actuellement en cours à la CDC. 8 Elles se différencieraient de ce que les pôles de compétitivité font de par leur caractère universel en termes de sujets et secteurs d’activité abordés.

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o PHILOLAO (Pôle Valorial / Surgères): plateforme d’innovation dans le domaine du traitement des matières grasses laitières et leurs coproduits. Société au capital de 0.85M€ - 6 actionnaires (coopératives laitières et école d’ingénieurs agro-alimentaires) – CDC à 23,53% – 4 ETP

o IMPROVE (Pôle Industries&Agro-Ressources / Amiens) : plate-forme

d’innovation sur les protéines végétales. Société créée le 23 juillet 2013 - capital de 2,579 M€ - 13 actionnaires – CDC/PIA à 21.15% – 10 ETP

o STREET LAB (Pôle Cap Digital / Paris) : plateforme de mobilité urbaine pour tester de nouvelles solutions techniques adaptées aux déplacements des personnes malvoyantes, avec l’Institut de la Vision et la fondation Voir et Entendre. Société au capital de 2,986 M€ - 6 actionnaires – CDC à 15,07% – 12 ETP 700 k€ de CA en 2013.

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L’innovation au pouvoir – Annexes

Commissariat Général à l’Egalité des territoires (CGET)

PREMIER MINISTRE

Paris, le 23 mars 3015

Monsieur,

Je tiens tout d’abord à vous remercier très sincèrement pour avoir associé le CGET aux travaux de réflexion menés dans le cadre de la mission sur l’innovation territoriale, qui vous a été confiée par la ministre Marylise Lebranchu.

Notre participation au comité d’orientation de la mission constitue une occasion d’échanges d’idées et de recueil d’expériences venues des acteurs locaux, particulièrement précieuse pour le CGET qui doit savoir repenser ses activités, à la lumière des attentes mais aussi des potentialités des territoires.

Comme vous l’avez souhaité, vous trouverez ci-joint une série de propositions en vue de la rédaction de votre rapport, dont la reprise reste bien sûr à votre entière discrétion. Ces propositions s’appuient tant sur l’expérience accumulée par le CGET (et les entités qui l’ont précédé) dans l’observation et l’encouragement du développement socio-économique sur les territoires, que sur sa pratique de la mise en œuvre de certains programmes en partenariat avec les collectivités locales.

En souhaitant que votre rapport puisse être fondateur pour une politique ambitieuse de développement de l’innovation territoriale, je vous prie d’agréer, Monsieur, l’expression de ma considération distinguée.

Marie-Caroline BONNET-GALZY

Commissaire Générale à l’Egalité des Territoires

Monsieur Akim OURAL

S/C SGMAP

75 PARIS

Direction des stratégies

territoriales

Dossier suivi par : Marjorie Jouen

Direction des stratégies

territoriales

Tél. :01 85 58 62 07 Courriel :

[email protected]

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L’innovation au pouvoir – Annexes

PROPOSITIONS DU CGET DANS LE CADRE DU COMITE D’ORIENTATION DE LA MISSION SUR L’INNOVATION TERRITORIALE

- Mettre en place un écosystème de valorisation des innovations territoriales : o En créant une plateforme numérique permettant d’accueillir le produit

du recensement des innovations effectué dans le cadre de la mission, mais surtout en prévoyant sa pérennisation afin de pouvoir suivre leur évolution, d’entretenir des échanges entre praticiens, de collecter des ressources documentaires sur le sujet, d’orienter vers des plateformes similaires des associations de collectivités, des administrations, des acteurs du développement local, des réseaux spécialisés, etc.

o En étudiant la faisabilité (et son portage, si possible sur un mode partenarial collectivités / Etat)) d’un mécanisme d’intermédiation entre l’offre constituée par les innovations existantes et la demande émanant, d’une part, d’autres collectivités ou administrations déconcentrées confrontées à des problèmes similaires (à des fins de transfert d’expériences) et, d’autre part, des administrations centrales soucieuses de renouveler les politiques publiques (à des fins de généralisation ou de transformation de la norme). L’étude de faisabilité s’appuierait sur la mise en place d’une expérimentation « grandeur nature » concernant deux ou trois innovations, afin de tester tant les méthodes de diffusion de l’innovation que le fonctionnement d’un dispositif de soutien.

- Ancrer le soutien à l’innovation dans les politiques publiques, en particulier celles visant la fourniture des services au public :

o En prévoyant, dans chaque nouveau dispositif visant la modernisation ou l’adaptation des services au public, une réserve obligatoire (par exemple 5 % budget alloué) dédiée au soutien à des méthodes innovantes, alternatives, atypiques, etc

L’expérience des mesures de soutien au développement local par les acteurs locaux, dans le cadre des fonds européens, montre que lorsque l’obligation est faite aux autorités de gestion nationales ou régionales de consacrer un pourcentage à ce type de mesures atypiques, celles-ci peuvent se développer – à l’image du programme LEADER depuis 1991 financé par le FEADER – et redonner vie et attractivité aux zones rurales. A l’inverse, en l’absence d’obligation et même avec des incitations financières (augmentation possible du taux de cofinancement européen), le caractère dérogatoire de ces mesures par rapport à la norme et une certaine prise de risque s’avèrent dissuasifs pour les gestionnaires de programme – c’est ce qui s’est passé en France pour le FEDER et le FSE dans les zones urbaines ou périurbaines.

o En rédigeant les circulaires administratives ou autres textes d’application, de manière à encourager la « prise de risque » liée au soutien à des pratiques innovantes, en s’assurant préalablement que le principe de proportionnalité sera respecté lors du contrôle financier et juridique.

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L’innovation au pouvoir – Annexes

- Réduire les obstacles à l’innovation liés à la non-application de textes législatifs récents « progressistes » et les délais d’adaptation du cadre juridique :

o En instaurant un mécanisme de suivi des délais d’adoption des textes d’application des lois, sur le modèle de la procédure existant pour la transposition des textes européens dans le droit national, et en médiatisant les constats de retard

- Développer les formations et actions de sensibilisation à destination des agents des collectivités et de l’Etat à tous les niveaux de responsabilité hiérarchique :

o En insérant des modules dans les cycles de formation des écoles spécialisées des agents de la fonction publique et de la fonction territoriale (finances publiques, architecture, santé, éducation, magistrature, etc) en plus de ce qui est fait dans les écoles généralistes

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L’innovation au pouvoir – Annexes

Maurice Baslé, Chaire ACT-TER, Connaissance et action territoriale, Fondation Université de Bretagne-Sud

Emeritus professeur, CREM-CNRS-Université de Rennes1. Maurice.basle(at)univ-ubs.fr

Mémorandum pour une meilleure société numérique locale et régionale

Audition de la Chaire ACT-TER dans l'atelier à Rennes d'échanges autour de l'open innovation et des leviers de l'action publique pour transformer les politiques publiques.

1. Le constat. La société devient numérique.

Elle vit aujourd’hui une grande transformation : les nouvelles technologies de l’information et de la communication ne sont pas seulement des outils, elles transforment les usages, la vie quotidienne, l’organisation, la vie des entreprises et des administrations et fondamentalement les connaissances au service de l’action privée et publique. Les adopter conduit inévitablement à une révolution dans la gouvernance, les relations avec les citoyens, la production et l’usage des services publics. A une révolution où l’être humain est remodelé (« The Fourth Revolution: How the Infosphere is Reshaping Human Reality”) et « augmenté » (« the augmented human in the infosphere ») ce qui signifie que la société, son organisation, ses routines, ses acteurs publics sont bousculés.

La nouvelle société numérique s’organise dans les proximités, les bassins de vie (le bassin de vie constitue le plus petit territoire sur lequel les habitants ont accès aux équipements et services les plus courants) et plus largement dans les réseaux de déploiement des activités humaines (réseaux sociaux, réseaux d’entreprise etc…). Elle devient numérique pour tout ce qui organise les liens sociétaux aux premiers rangs desquels figurent les services publics locaux (mobilité, transports, accessibilité, connaissances, culture…). En ce sens, les villes, agglos, métropoles et les intercommunalités en milieu rural sont les premiers foyers de l’innovation radicale en cours.

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L’innovation au pouvoir – Annexes

2. Un des leviers de l’action publique territoriale innovante aujourd’hui est l’action de révision de la théorie de l’action publique territoriale au profit d’une vision plus transversale et plus ouverte de la gouvernance.

Les innovations ouvertes déployées au niveau national (open data, open gov partnership) peuvent être déployées à l’échelle des villes : elles fabriquent alors de l’intelligence territoriale au service de la modernisation de l’action publique et d’une nouvelle gouvernance au niveau infrarégional (communes, intercommunalités, nouveaux périmètres d’action territoriale). Pour ce qui est de la théorie de l’action, tout ce qui se fait doit entrer dans une stratégie plus globale et plus concertée en phase avec la philosophie, les concepts et le mode opératoire de la société numérique.

Les élus peuvent laisser au marché le foisonnement d’initiatives de moissonnage de données et attendre que les applications orientées vers des usages-clients se développent de manière spontanée. Les élus peuvent aussi accompagner la réunion de données open data multi-sources et les nouveaux usages en reconnaissant et stimulant des clubs d’usagers (experts ou citoyens) sur des plateformes publiques de données multi-sources rendues interopérables.

3. S’appuyer sur la segmentation avec une plateforme publique ACT-TER-DC de type Datathèque-services et des clubs thématiques d’usages et de retours d’usagers, c’est possible.

Il est technologiquement et économiquement faisable de mettre en place de telles plateformes concertées, participatives d’intérêt pour la connaissance territoriale en vue de développer des usages de ces plateformes et des applications publiques ou privées de services rendus aux citoyens demandeurs. Seront rendus aussi possibles les retours d’information de l’usager et la co-production de services intermédiaires de connaissances (aux normes européennes) conformément à la volonté MAP (modernisation de l’action publique).

Une réalisation opérationnelle publique est aujourd’hui la création de la plateforme ACT-TER-DC (DC comme données et connaissances). La chaire académique partenariale ACT-TER est aujourd’hui un lieu d’innovation ouverte où les services sont co-construits sur la base d’une plateforme opérationnelle depuis juillet 2014, ACT-TER-DC, qui est une véritable Datathèque-Servies fonctionnant en mode Club.

Un club Habitat a déjà été constitué avec des utilisateurs qui commencent à se saisir des services offerts par la plateforme ACT-TER-DC. Est envisagée la poursuite des rencontres du club Habitat avec notamment un travail sur les données originales sur le logement social, les besoins des locataires et les équipements de proximité. Un nouveau club thématique verra le jour à l’horizon 2015 sur la thématique « autonomie, accessibilité, mobilité réduite ». Entre autres livrables et sur la base de la prise en compte des applications déjà existantes, est prévue la création, à partir d’ACT-TER-DC, d’un nouvel ensemble de services pérennes d’inclusion sociale pour les personnes à mobilité réduite. D’autres thématiques seront développées à un horizon plus lointain (« foncier – fiscal » avec le concours de la DGFIP, « Transition énergétique », « Universités et territoires »). Des nouveaux services seront aussi issus du traitement de données couvertes soit par le secret statistique (par exemple données issues de la Direction Générale des Finances Publiques) soit par la confidentialité de données : gestion de cluster fermé d’utilisateur.

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L’innovation au pouvoir – Annexes

Est prévu un accompagnement des démarches de réutilisation des données de la plateforme. Interopérabilité des services avec les autres plateformes de données ouvertes : départementale, régionale, nationale, européenne. En appui à cette opération, des réalisations de « cours du soir » pourront permettre de développer les usages des plateformes de données territoriales.

Toujours en appui de cette opération un club Recherche-Innovation-Smarter Territorial Data sera organisé. Ses travaux seront ceux d’un séminaire recherche, d’une aide au doctorat et d’un WICRI spécifique qui offrirait une mise à jour permanente et publique de type WIKI Recherche des publications sur les expérimentations de même type visibles et analysables. Ce club constituera un véritable front uni des chercheurs et experts au service d’une meilleure société numérique locale.

De l’échelle locale à l’échelle régionale.

La nouvelle société numérique locale doit être organisée en premier lieu par les élus et les services. Ceux-ci peuvent s’appuyer localement sur la recherche et l’expertise de proximité des chercheurs spécialisés sur la Société numérique et l’expertise des responsables de systèmes d’information, de services d’information statistique publique et de services de communication. Ils doivent aussi s’appuyer sur le mode des clubs thématiques des datathèques-services. Ce sont les produits de ces clubs qui pourront donner la meilleure image multidimensionnelle de l’échelle régionale et justifier le caractère innovant d’une Datathèque-services régionale.

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L’innovation au pouvoir – Annexes

Grégoire FEYT, enseignant-chercheur au laboratoire PACTE (Grenoble), responsable scientifique de l’inTERface

Université-Territoires Rhône-Alpes

Des plates-formes partenariales pour favoriser, valoriser et essaimer l’hybridation entre recherche et action publique au service de l’innovation territoriale : vers des Centres Régionaux de Ressource et d’Expérimentation pour l’Action Territoriale (CRREAT) ?

Contexte

Le chantier de l’innovation dans l’action publique territoriale pointe la nécessité du lien avec la recherche ainsi qu’avec une approche pluridisciplinaire intégrant à la fois les SHS et les disciplines relatives à l’énergie, à la santé, au numérique…

Mettre en œuvre cette synergie entre recherche et action suppose l’existence de cadres et de dispositifs spécifiques permettant la coopération entre des acteurs et des chercheurs volontaires et motivés, tant pour la co-construction des problématiques et l’expérimentation in vivo et in situ que pour l’analyse, la conceptualisation et le transfert.

Or, un autre chantier de l’action publique est actuellement en cours, en fonction de logiques et d’objectifs certes justifiés mais dont les effets risquent de fortement pénaliser le développement voire le maintien de la collaboration entre recherche et action publique. En effet, en matière de recherche finalisée, les institutions finançant la recherche publique (Europe, Etat, régions) tendent à privilégier les domaines et les partenariats susceptibles de contribuer à la compétitivité et au développement économiques. Cette évolution se traduit très concrètement par un souci de mieux coordonner les thématiques de recherche et les dispositifs de financement (H2020, FEDER, PIA, CPER, SRESR…). Dans cette perspective, les référentiels utilisés pour évaluer –à l’amont comme à l’aval– les programmes sont de plus en plus exclusivement ceux relevant du transfert de technologie, en imposant par exemple de positionner les projets par rapport à l’échelle TRL (Technology Readiness Level) ou ses équivalents9.

Dans ce contexte, on peut s’attendre à ce qu’il devienne de plus en plus difficile pour les disciplines relevant de l’appui à l’action publique de s’inscrire dans les dispositifs de financement de la recherche finalisée, tant les contenus, attendus et modalités du recours à la recherche diffèrent entre acteurs industriels et acteurs territoriaux.

Principe

Si les institutions et acteurs de l’action publique entendent tirer parti du potentiel que représentent la multiplicité et la diversité des chercheurs et laboratoires travaillant sur les

9 Voir par ex. : http://fr.wikipedia.org/wiki/Technology_Readiness_Level http://www.horizon2020.gouv.fr/cid79154/publication-sur-l-utilisation-de-l-echelle-t.r.l.-en-recherche-et-innovation.html http://www.entreprises.gouv.fr/files/files/directions_services/politique-et-enjeux/innovation/tc2015/technologies-cles-2015-annexes.pdf

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L’innovation au pouvoir – Annexes

problématiques en rapport avec leurs préoccupations, il convient donc qu’elles se dotent de cadres et de modalités spécifiques.

En faisant le parallèle avec la recherche finalisée dans le champ technologique et industriel, ces cadres doivent viser, à l’instar des incubateurs ou des plates-formes de R&D, à une collaboration effective entre des chercheurs et des praticiens –motivés, identifiés et reconnus– autour de problématiques voire de projets concrets et de résultats intelligibles et transférables. En favorisant une acculturation mutuelle, cet espace de confrontation doit également se donner comme objectif de produire des « hybrides » ou des « passeurs » à même de disséminer non la culture mais également les concepts et méthodes de l’innovation au service de l’action dans leurs sphères respectives.

Proposition

Dans cette perspective, une proposition pourrait consister mettre en place, au niveau de chaque région, un Centre Régional de Ressource et d’Expérimentation pour l’Action Territoriale (CRREAT), prenant par exemple la forme d’un Groupement d’Intérêt Scientifique ou d’un Groupement d’Intérêt Public.

Seraient associées à la gouvernance et au financement de ces structures :

De manière obligatoire : - Les services déconcentrés de l’Etat à caractère territorial ; - La Région ; - Les Universités (COMUE) et établissements publics de recherche ou d’études

concernés par les problématiques territoriales ; - Les organismes publics en charge de la formation des praticiens territoriaux présents

sur le territoire régional (CNFPT, ENACT, IRA…).

De manière facultative : - Les collectivités locales et territoriales qui le souhaitent (départements, EPCI,

métropoles…) ; - Les structures d’appui à l’action publique (agences d’urbanisme, CAUE, association

socio-professionnelles…) ; - Les associations à caractère thématique ou territorial qui le souhaitent ; - Les GIS ou GIP thématiques préexistants concernés.

En termes de moyens humains et financiers :

Les CRREAT doivent être des structures légères s’agissant des personnels permanents (5 à 10 permanents). En revanche, l’essentiel de leurs ressources humaines et de leur expertise sera le fait :

- d’agents de l’Etat et des collectivités détachés à temps plein ou partiel pour une durée déterminée, notamment au titre de la formation tout au long de la vie ;

- de chercheurs ou d’enseignants-chercheurs, soit détachés à temps plein ou partiel par leur établissement, soit dans le cadre d’une délégation de recherche ou d’un CRCT (congé pour reconversion thématique) ;

- de doctorants ; - de salariés des associations ou organismes impliqués dans la gouvernance, au titre de

la formation continue (les CRREAT étant agréés pour ce faire).

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L’innovation au pouvoir – Annexes

Le turn-over devra être important de manière à faire bénéficier le plus grand nombre possible de praticiens ou de chercheurs de cette « acculturation » et « capacitation » à l’innovation. Néanmoins, les personnes passées par le CRREAT pourront conserver un statut d’associé et continuer à bénéficier ou à faire bénéficier le centre de leurs ressources et expériences.

De part l’implication des universités, les travaux et formations réalisés dans le cadre du CRREAT pourront avoir un caractère diplômant.

Au chapitre des moyens, les CRREAT devront viser à un équilibre économique grâce à des recettes provenant des actions de recherche-formation et de recherche appliquée, de réponses à des appels à projets européens… élaborées et conduites en partenariat avec des partenaires territoriaux et/ou scientifiques.

Dans l’objectif de pérenniser, consolider et essaimer une capacité d’innovation liant culture de l’action et culture de la recherche, on peut imaginer que les CRREAT offrent la possibilité d’expérimenter ce qui existe depuis bien longtemps dans la fonction publique hospitalière, à savoir le statut « hybride » d’hospitalo-universitaire (MCU ou PU-PH), transposé à des agents de l’Etat ou des collectivités, aussi bien qu’à des chercheurs ou enseignants-chercheurs volontaires, même à titre temporaire.

En termes de missions :

Les CRREAT n’ont à substituer ou à se superposer ni aux structures de recherche ni aux centres de formation ; ce sont d’abord et avant tout des plates-formes partenariales visibles et lisibles d’une part par les structures et acteurs territoriaux et d’autre part par les laboratoires de recherche. Leur vocation est de susciter et de faciliter des démarches exploratoires et expérimentales; les acquis fonctionnels et scientifiques seront exploités par les parties prenantes en fonction de leurs objectifs et champs d’intervention respectifs.

Les projets et thématiques d’expérimentation ou de recherche appliquée pourront schématiquement procéder de trois démarches différentes :

- « descendante », en visant à expérimenter in vivo et in situ des politiques publiques conçues au niveau national ou régional ;

- « ascendante », en mutualisant des questionnements similaires posés par des acteurs territoriaux divers et en les convertissant en une problématique commune et partagée permettant de donner lieu à conceptualisation et expérimentation ;

- « opportuniste » en répondant à des appels d’offres nationaux ou européens en rapport les problématiques posées par l’une ou l’autre de ces démarches.

Les équipes projet constituées à façon devront nécessairement associer des chercheurs, des agents de collectivités et/ou de l’Etat ou des acteurs territoriaux. Elles intégreront dans la mesure du possible des agents issus des structures ou des territoires pilote ou donnant lieu à expérimentation.

Ces projets donneront lieu à des formes de transfert et de valorisation diverses, en fonction des partenaires impliqués :

• articles scientifiques pour les chercheurs, • contenus pédagogiques exploitables par les organismes de formation, • des présentations et groupes de travail largement ouvert aux acteurs territoriaux • …

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L’innovation au pouvoir – Annexes

Les CRREAT devront garantir la capitalisation mais également la visibilité et la lisibilité des actions de recherche et des expérimentations partenariales réalisées.

La conception et la mise en place des CRREAT pourront elles-mêmes s’envisager de manière expérimentale en identifiant des régions pilote bénéficiant déjà de pratiques ou de dispositifs de collaboration entre recherche et acteurs territoriaux. On peut par exemple penser à des initiatives tel que l’Institut National de Développement Territorial (INDL) pour le Grand Sud-Ouest, l’Institut D’Auvergne du Développement des Territoires, ou l’InTERface Universités-Territoires mise en place par les Universités de Grenoble et de Lyon avec le soutien de la Région Rhône-Alpes.

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Stratégie Régionale d’Innovation de Midi-Pyrénées

« INNOVATION TERRITORIALE COHESIVE »

Pierre LARROUY, Economiste

Pierre BENAIM, Secrétaire général SRI (Stratégie Régionale d’Innovation de Midi-Pyrénées)

La question de l’innovation est au centre de multiples réflexions qui tentent de répondre aux nouveaux enjeux du développement économique contemporain.

L’innovation a constitué une tentative de réponse à la crise de notre modèle de production, aux problèmes de délocalisation. Elle est effectivement stratégique, mais ne doit pas devenir un slogan. Car l’innovation, elle-même, sous les effets de la concurrence internationale et des rapports de force du marché, a tendance à son tour à se délocaliser.

Dans son actualité, l’innovation apparaît de plus en plus corrélée à la notion de territoire qui semble devenir le terrain privilégié de sa mise en place opérationnelle.

L’importance de la dimension « innovation territoriale » provient de plusieurs facteurs qui se renforcent :

le temps est de plus en plus repéré comme un facteur de compétitivité. Le calendrier de l’innovation de rupture ne peut donc suffire aux objectifs stratégiques de développement économique ;

les effets multiplicateurs de l’investissement sont favorisés par les circuits courts et la proximité. Ils répondent aux impératifs de compétitivité par le temps, et doivent donc être traités de manière complémentaire avec les investissements d’avenir ;

les grands enjeux économiques stratégiques sont aussi des enjeux sociétaux. Ils nécessitent l’implication des citoyens et des territoires ;

c’est un vecteur essentiel de confiance.

Nous sommes dans une période de profonde mutation paradigmatique :

transformation énergétique ; transformation démographique ; transformation numérique.

Ce que nous pourrions synthétiser par période d’une transformation productive.

Les caractéristiques de cette transformation :

être des symptômes d’enjeux sociétaux ; dès lors d’impliquer l’adhésion des citoyens que l’on retrouve dans l’univers du « co ».

Du collaboratif, du co voiturage au co branding. Le préfixe s’impose comme une utopie mais aussi comme une réalité d’organisation nouvelle de l’économie dite de partage ;

ces tentatives induisent, par ailleurs, de nouvelles nécessités d’impliquer les citoyens, de choisir des méthodes bottom up seules en mesure d’obtenir la légitimité et l’adhésion ;

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L’innovation au pouvoir – Annexes

ceci se traduit par un retour de la proximité du territoire, au risque du communautarisme et de son marketing. Ce qui peut paraître paradoxal, tant la rupture est rapide avec les tendances homogénéisatrices du global et de la mondialisation de la période récente.

Cela traduit simultanément besoins nouveaux des infrastructures économiques et profonds bouleversements dans les superstructures.

Les réflexions sur l’économie cohésive entendent s’inscrire dans ce contexte. Le Pacte d’économie cohésive a été proposé pour nommer et organiser cette dynamique fusionnelle entre investissement et cohésion sociale (nous l’avons appliqué à la transition démographique et à la recherche d’un modèle de déploiement pour la Silver Economie).

L’économie cohésive est seulement un « process » d’agrégation, de nomination et d’innovation dans l’organisation et la gouvernance. Elle englobe donc des initiatives plus spécifiques et fortes comme l’ESS, mais aussi les notions d’économie circulaire ou d’économie des circuits courts…

Pour être plus souple, elle n’impose pas ces spécificités, mais au contraire les package, les agrège pour les rendre plus lisibles, plus opérationnelles, plus sensibles aux attentes et aussi aux pertes de repères.

L’économie cohésive est une offre souple de processus d’agrégation et de nomination qui ne heurte, ni se substitue, aux diverses offres spécifiques. Elle vient ouvrir, fluidifier une manière de faire ensemble avec une visibilité d’action, et donc un engagement générateur de confiance.

« Pour survivre, nos organisations doivent évoluer : États, villes, entreprises, universités, syndicats, associations sont condamnés à sortir de l’homéostasie pour s’adapter, se fluidifier, s’horizontaliser. Le pouvoir pyramidal doit laisser place à des organisations plus transversales. Ces mutations sont déjà en marche : il suffit désormais de les saisir et de les accompagner pour en amplifier la résonance. Sur le plan sociétal et politique, l’émergence de l’intelligence collaborative offre l’opportunité d’équilibrer la société plus efficacement : en trouvant un compromis entre la régulation par le haut et la co création par le bas. Dans ce nouveau contexte participatif et contributif, il est nécessaire de réfléchir aux relations entre les citoyens et l’État, pour inventer une cyberdémocratie et engager un dialogue sincère entre le politique et le citoyen… »

(Joël de Rosnay, Le Monde, 03.06.2013, « Inventons une cyberdémocratie pour accompagner la civilisation du numérique »)

1. Confiance et risques de déception

Notre modèle économique est confronté à une nécessaire mutation, à un changement de paradigme. Intuitivement, au fil des rapports, par le biais d’expérimentations ou d’initiatives, des éléments sont identifiés comme les conditions socle de cette transformation. Ils s’appellent : proximité, décentralisation, territoires, énergie citoyenne, démarches collaboratives, partage, mode « bottom up », initiatives créatives citoyennes…

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Notre réflexion, sur ces bases, s’inscrit dans une problématique de confiance. Confiance réaliste, car les atouts existent. Confiance comme exigence, car c’est toute un mode de comportement individuel et collectif qui est visé. « La confiance est un lubrifiant social », disait Kenneth Arrow, prix Nobel d’économie. Confiance comme un terreau rare pour une société et qui, comme tel, doit être protégé.

Si la confiance est une condition nécessaire, sa préservation doit être prise en compte dans toute réflexion sur les nouvelles organisations sociales à faire émerger.

Insistons sur ce point. Si un consensus semble se faire sur la nécessité de s’appuyer sur l’énergie citoyenne, sur l’innovation du terrain, il faut prendre en compte que le pire en la matière est de décevoir ces initiatives généreuses. Les conséquences de telles déceptions dépassent le cadre factuel pour constituer les bases de phénomènes comme la déprime sociale collective durable.

Soyons honnêtes, cet aspect est d’autant plus prégnant que la société contemporaine a fait montre de beaucoup d’accommodements sur une exagérée tendance citoyenne à s’autoriser hors des facteurs stabilisants traditionnels. Un droit nouveau, souvent bâti sur l’émotion et la compromission qui l’accompagne, s’est imposé contre toute rationalité d’un compromis constructif entre un tout vertical, hiérarchique et « jacobin » et un horizontalisme qui s’imposerait dans une appropriation végétale de la société.

Hélas, l’actualité récente éclaire plus crûment ce diagnostic qui, soudain, semble se partager. Comme la sortie d’un déni, d’une facilité, d’un aveu. De la pyramide au réseau, l’immanence l’a emporté sur la transcendance, chacun a son avis et les places sont équivalentes…

Cette précaution est le garde-fou des espoirs de l’économie du partage pour qu’ils ne deviennent pas des illusions destructrices. Une société en mutation ne peut pas trahir la mobilisation, l’énergie et la créativité de ses citoyens et de ses territoires.

Mais au-delà des mots, il faut traduire ce risque et cette précaution dans le cahier des charges de base des projets innovants d’organisation. Il ne faut pas y voir de la frilosité mais, au contraire de la responsabilité.

C’est pour cela que nous retenons l’idée centrale de la citation de Joël De Rosnay mise en exergue, celle de recherche d’un équilibre, pas d’un basculement utopique ou (et) démagogique d’un tout pyramidal à un tout horizontal.

2. Nomination, incarnation et confiance

Disposons-nous des bons mots pour penser les mutations en cours ou à venir ? Alain Etchegoyen parle « d’une sémantique immobilisante d’un monde bien rangé, d’un monde de l’ordre » qui ne nous aide pas à penser les contours des mutations, et plus encore qui trahit des soubassements de réflexions peu en phase avec un langage de la rue, du « terrain » qui invente sa propre sémantique en adéquation avec ses aspirations et la perception qu’il révèle, au contraire, des bouleversements en cours.

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L’innovation dans l’organisation dans les territoires nécessite de penser le discontinu (objet fractal), là où la structuration administrative tend naturellement à imposer la continuité, l’agrégation statique et non évolutive. Comment penser le temps qui devient pourtant un facteur essentiel de compétitivité (vitesse d’adaptation et d’intégration) dans ce contexte ?

La temporalité est une question stratégique. Le monde s’est accéléré, son organisation s’est-elle adaptée ? N’est-il pas de bons sens que d’équilibrer investissement d’avenir, innovation de rupture, long terme et concurrence internationale avec proximité, innovation d’adaptation, court terme, circuits courts, implication citoyenne ?

Nommer, c’est aller plus loin dans la compréhension par l’émetteur de sa véritable intention à l’encontre d’une objectivation démobilisante de celle-ci. Le récepteur ne s’y trompera pas. Le pacte et la politique, au sens plein, commencent là.

Le pacte d’économie cohésive

Beaucoup de dispositifs existent. Peut-être trop ? Il semble, en tous cas, qu’ils partagent certaines faiblesses :

le manque de visibilité et d’adhésion par manque de nomination ; leur trop grande précision de périmètre qui les rend complexes, car finalement souvent

en décalage avec les cas concrets ; leur caractère excluant les meilleures complémentarités par une trop grande

spécialisation. Une mention spéciale doit être faite à l’ESS, secteur très porteur, mais qui gagnerait à être mieux intégré à ces logiques de complémentarité.

Il ne s’agit pas de réinventer mais sans doute plus :

d’intégrer ; de nommer ; d’incarner ; de simplifier ; de responsabiliser et de faire adhérer.

Le « pacte d’économie cohésive » tente d’apporter une réponse.

La terminologie est volontairement nouvelle et dit beaucoup sur l’intention :

le pacte répond à l’engagement, et donc à la recherche de la confiance ; le cohésif est à la cohésion ce que l’adhésif est à l’adhésion ; cohésive ; c’est à la fois cohésion et cohésivité ; la cohésion est dans le projet commun, partagé ; la cohésivité est le ciment qui permet de travailler ensemble sans perdre ses spécificités ; Le temps est directement introduit dans cette dialectique de la cohésion et de la

cohésivité.

Le PEC est adapté pour l’économie de proximité et les enjeux sociétaux.

Ce qui doit pouvoir fonctionner en complémentarité des axes stratégiques nationaux et internationaux :

transition énergétique ;

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L’innovation au pouvoir – Annexes

transition démographique ; transition numérique.

Ces enjeux sont les incubateurs du « saut créatif » nécessaire et le socle pour bâtir, dans leur déploiement, de nouveaux axes industriels porteurs (le numérique est un sujet central mais c’est, dans cette innovation et dans un qualitatif « culturel » qu’il pourra nous faire conquérir des niches commerciales. La santé et la Silver Economie sont des exemples tests comme la transition énergétique. La créativité est au cœur des problématiques du « big data »).

La nomination et l’intégration permettent de faciliter l’efficacité et l’attractivité, car malléables pour répondre à la créativité territoriale tout en bénéficiant d’effets de mutualisation, d’échelle, d’accès à des dispositifs coordonnés.

3. Les champs prioritaires concernés

Notre démarche concerne tout particulièrement les axes économiques qui sont aussi des enjeux sociétaux :

les diverses applications du numérique, en particulier dans les territoires ; la transition énergétique, et, plus largement, le développement durable ; le thème essentiel, socle du « saut créatif », de l’usage du numérique sur l’enjeu

transversal de la créativité culturelle et de la créativité industrielle (Creative Issue Model).

Il faut souligner que ces thématiques se caractérisent par la transversalité et la multiplicité d’acteurs aux règles de fonctionnement différents.

Ce sont les défis industriels en construction. Pour que la révolution industrielle du numérique s’apparente à celle de l’électricité ou du transport, les usages sont une gare de péage. C’est la base d’un enchevêtrement complexe qui met l’innovation dans l’organisation territoriale, et donc de la proximité au centre du défi.

Il faut bâtir des grands « industriels de la proximité ». La Poste, par exemple, semble avoir une vocation naturelle à remplir ce rôle.

(Nous nous appuierons sur un cas concret des applications du numérique que constitue la « Silver Economie »).

4. Une organisation innovante

Nous devons répondre à une double contrainte :

s’appuyer sur l’énergie créative des citoyens ; éviter les fausses pistes, les initiatives qui ne trouveront ni soutien ni capacité de

déploiement.

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L’innovation au pouvoir – Annexes

Il faut ainsi prendre en compte que les dispositifs qui préservent d’un échec programmé ne doivent pas être ressentis comme un manque d’écoute ou de réceptivité.

L’énergie citoyenne doit s’inscrire dans un processus qui part de l’écoute, mais qui se projette également dans le temps. Il faut trouver une sorte de « creative issue model » à l’instar d’un « business model ».

L’organisation innovante correspondante doit être souple, proche du terrain et doit installer un véritable dialogue co-constructif entre un axe d’écosystème local et un axe correspondant à une vision structurelle (nationale ou d’expertise régionale).

Les acteurs locaux du projet sont confrontés à des acteurs privés (consortium) ou institutionnels. Les acteurs privés peuvent y trouver une expérimentation de leur modèle de déploiement en le confrontant à un territoire d’expérimentation et en le nourrissant de la créativité de l’énergie terrain. Les acteurs institutionnels doivent être formés à cette fertilisation croisée.

De manière générale, la créativité, voire les économies créatives ou culturelles, ne sont pas culturellement et spontanément intégrées. Il est pourtant largement reconnu aujourd’hui qu’il s’agit là d’un facteur clé de notre stratégie de compétitivité industrielle dans un monde ou l’usage est au cœur du produit industriel.

Ainsi le « saut créatif », énergie du développement économique de demain, invite à repenser la chaîne de valeur en intégrant mieux la dimension de la création. Elle est un facteur de production de plein exercice. Ceci nécessite, aussi, d’innover dans le mode de rémunération de ce facteur (droit d’auteur, droit de création ?).

Le facteur de production « création » doit être identifié, nommé, soutenu et financé. C’est un enjeu amont et transversal de l’innovation et de ses structures de pilotage en région.

Il y a une véritable politique d’aménagement du territoire à mettre en place (un éco système fertile) autour de la mise en valeur de la relation inter active, création/innovation/production, avec une attention particulière portée à l’industrie culturelle dont il faut mieux apprendre à l’intégrer dans le processus de valorisation évoqué.

A cette fin, l’organisation mise en place doit éviter les périmètres projets flous, à trop long terme, associant des acteurs non réellement impliqués dans l’action. La gouvernance doit être publique, mais idéalement déléguée à une structure opérationnelle, tout en restant extérieure au cœur de métier de celle-ci.

Le Pacte d’économie cohésive répond à ces attentes. Il assure l’énergie de la cohésion autour d’un projet sur un territoire et la cohésivité d’un mode de « faire ensemble » pragmatique et efficace.

Notons que, dans le même esprit, le territoire concerné n’est pas forcément symétrique à une logique de continuité administrative. On est proche d’une notion de « bassin d’expérience », comme il existe des « bassins de vie ».

La forme juridique de l’organisation dépend d’une décision locale adaptée aux spécificités du projet. Le plus simple et le plus souple peut être de démarrer la structuration du projet par une association de préfiguration qui peut évoluer rapidement en fonction des avancées du projet.

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L’innovation au pouvoir – Annexes

La forme d’organisation et de gouvernance donne la priorité à un équilibre entre valorisation de l’initiative et données structurantes du projet.

Notre description répond au contexte de projets qui ont vocation à déploiement minimal hors du territoire d’expérimentation. Certains projets peuvent avoir des enjeux de cohésion factuelle et de terrains spécifiques. Ils ne se situent pas dans le champ de réflexion des pactes d’économie cohésive.

L’action publique est, dans le contexte décrit, un véritable facteur de production par la visibilité qu’il apporte (et qui est essentielle pour l’implication des acteurs privés), et les dispositifs qu’il est susceptible de mettre en place pour créer des effets de levier.

5. Les leviers de financement

C’est une constante, les problèmes de financement sont autant des questions d’information et d’innovation dans les dispositifs que de disponibilité.

Il conviendrait de travailler sur une assistance amont que les financeurs habituels ont tendance à sous-estimer. Les questions d’organisation et de gouvernance sont essentielles.

La phase d’amorçage et d’écriture des projets est un élément essentiel pour la confiance et l’avenir des projets.

Mais il faut sans doute aller plus loin. Sans créer de nouveaux dispositifs, il faudrait trouver des agrégations de ceux-ci qui facilitent la lisibilité, mais aussi la mise en place. Les territoires devraient se doter de sortes d’incubateurs. Ils sont une brique du modèle des Pactes d’économie cohésive qui reposent sur cet équilibre entre initiative et énergie terrain et expertise des acteurs du déploiement (industries nationaux ou structures d’assistance régionales adaptées).

Nous préconisons de retenir, d’emblée, deux axes :

La mobilisation de l’épargne territoriale ; l’effet levier.

Les projets d’économie cohésive devraient pouvoir mobiliser de l’épargne locale, sur des projets identifiés par les citoyens (pacte de confiance) en l’adossant à des dispositifs BPI ou CDC. Cette mobilisation pourrait s’accompagner de mise en place systématisée d’une organisation de tours de table favorisant les effets leviers.

Il s’agit de donner une visibilité et une réassurance claire à une chaîne identifiée : subvention, co financements publics, mobilisation de l’épargne locale, financements privés.

Dans le cadre de la réforme territoriale, la Région semble être dans son rôle économique ainsi que de cohésion territoriale en portant la coordination territoire projet/Etat autour des thèmes d’économie cohésive identifiés.

C’est une véritable démarche de marketing projet que l’on évoque, de la nomination au déploiement. La plupart des dispositifs existent mais ils ne sont pas (ou mal) packagés.

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Il faut aussi, sans doute, que acteurs publics fassent preuve de plus de souplesse qu’aujourd’hui avec des modèles qui sont, bien souvent, atypiques et qui nécessitent de s’adapter. L’exigence de rentrer dans « les cases » est une vision fortement entropique et doit être nuancée.

Les Pactes d’économie cohésive doivent privilégier le liant, éviter le morcellement ou la division. Le pilotage projet, son adaptabilité sont essentiels. Pour cette raison le périmétrage des projets et la temporalité de ceux-ci permettent d’éviter des précautions inutiles et de se montrer plus ouverts à la novation.

La proximité est un enjeu dans la proposition de « saut créatif » proposé.

Le temps devient un enjeu décisif.

Les effets de multiplicateur et d’accélérateur y sont déterminants. C’est un des enjeux des politiques de l’innovation : comment, soit restreindre les temps de développement, soit agir de manière complémentaire entre effets immédiats et stratégies durables ? Nous retrouvons les notions de circuits courts ou d’économie circulaire qui en sont des illustrations.

Pour résumer, le Pacte d’économie cohésive :

propose de se reposer sur une organisation et une gouvernance innovantes qui déplacent les postures habituelles des acteurs ;

fait de l’action publique un véritable facteur de production qui apporte visibilité, confiance et animation des acteurs ;

constitue un guichet unique, non générique, mais en lien avec le projet concerné ; repose sur le lien entre le niveau terrain et le niveau déploiement potentiel du projet ; place la temporalité au cœur de ses préoccupations.

Une réflexion spécifique doit porter sur l’avantage comparatif pour les acteurs privés de financer des démonstrateurs dans une future logique de déploiement. On peut, particulièrement, penser à un élargissement des procédures de SIEG (Services d’intérêt économique général).

6. L’exemple de la Silver économie en Midi-Pyrénées

L’économie du vieillissement est un exemple très démonstratif des remarques précédentes. Par essence, c’est un sujet transversal qui se doit d’être proche des vraies attentes et besoins, et donc du terrain. Mais c’est aussi un enjeu économique et d’emplois.

L’axe économique s’est fourvoyé depuis des années dans les innovations inadaptées ou sans modèle économique. L’exemple de Midi-Pyrénées s’est développé à partir de ces prises en compte.

Une démarche structurante a été lancée dans le cadre de la Stratégie Régionale d’Innovation par une lettre de mission confiée à deux experts : Pierre Larrouy, économiste, et Jean Pierre Madier, chef d’entreprise.

Dans la continuité, un groupe de travail constitué de l’ensemble des acteurs pouvant intervenir dans le développement de cette filière a été mis en place (pôles de compétitivité Aerospace Valley et Cancer-Bio-Santé, les clusters : Robotics Place, Digital Place, Bio Medical

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L’innovation au pouvoir – Annexes

Alliance), les dynamiques hospitalo-universitaires, avec en particulier le Gérontopôle de Toulouse et les Sciences Sociales, les sciences de l’information, mais également les dynamiques territoriales avec les expérimentations portées par les départements du Gers, de l’Ariège, du Tarn, des Hautes-Pyrénées et la Maison Intelligente de Blagnac, ou encore les réflexions de stations thermales.

La diversité du territoire permet ainsi d’aborder toutes les complexités liées aux spécificités du rural, des zones de montagne ou de l’urbain.

C’est donc un exemple symbolique de la nécessité de croiser cohésion sociale et investissement économique.

Très souvent, cela se traduit par la nécessité de tiers lieux de proximité susceptibles de créer et d’incarner les chaînes de confiance structurantes.

C’est ainsi que, pour la Silver Economie, le projet de Midi-Pyrénées est construit autour du concept d’ESPASS, Espace Parcours Santé Social, conçu par Pierre Larrouy.

La définition d’un Espass répond à plusieurs préoccupations :

créer du lien social ; informer ; orienter ; prendre en charge la détection de fragilité des personnes âgées, des aidants, en

proximité, qu’elles soient de nature de santé, sociales ou psycho sociologiques ; prendre en compte la problématique des coûts, et donc tester la dématérialisation,

la mutualisation, en association avec les financeurs publics et privés du système ; proposer un espace d’accueil intermédiaire entre structures dédiées et habitat

conservant une exigence de socialisation ; constituer une brique structurante et progressive de la Silver Economie ; faire découvrir et former aux gérontechnologies ; promouvoir la Silver Economie dans une relation de confiance favorisant

l’acceptabilité et donc le déploiement industriel.

Par définition, un Espass est un lieu innovant qui nécessite de la part des acteurs des adaptations par rapport aux fonctionnements traditionnels : modèle économique, technologies, types de ressources humaines.

Parfois, des projets de terrain ont anesthésié les énergies créatives et d’implication par manque de visibilité plus large que la zone test ou d’ouverture sur la transversalité du sujet, et donc des contraintes liées.

L’économie cohésive vient coller les morceaux, tracer un cadre géographique de projet, de dimensionnement, d’intégration dans une logique d’échange des bonnes pratiques et de définition de limites de calendrier.

C’est ce que met en exergue le rapport de l’Avise. Il souligne la nécessité de cette inter activité entre la culture terrain et la modélisation de déploiement. Elle indique le besoin d’une co-construction.

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Rapport AVISE Silver économie

Extrait de la note de synthèse

« Constatant que le contrat de filière Silver économie repose sur une ambiguïté initiale en organisant séparément avancées technologiques et besoins des âgés, l'Agence d'ingénierie et de services pour entreprendre autrement (Avise) élabore plusieurs pistes d'actions. Elles sont ancrées au plus près du terrain et impliquent nécessairement l'ESS.

Présentée en avril 2013 par le Gouvernement comme l'espoir à un sursaut économique français, la Silver économie entend repositionner les entreprises innovantes sur le devant de la scène internationale tout en assurant en corollaire une politique de prévention et de prise en charge de la dépendance. Dans une note de synthèse réalisée en début d'année, l'Agence d'ingénierie et de services pour entreprendre autrement (Avise)* - en partenariat avec l'Association des régions de France (ARF) et la Caisse des dépôts - le rappelle cependant, pour s'assurer d'une réponse adaptée aux besoins des personnes âgées, innovation technologique et innovation sociale sont indissociables. L'implication des acteurs de l'économie sociale et solidaire (ESS) auprès des comités de filière régionaux est, elle, jugée indispensable. Et pour cause. Derrière les cadors Legrand ou Orange, le secteur met lui aussi son expertise au service des gérontechnologies. Carte maîtresse du secteur de l'ESS, sa capacité à expérimenter et innover sur les territoires de proximité. Dans ce contexte, l'Avise identifie plusieurs pistes d'actions avec un double enjeu pour les conseils régionaux : répondre aux besoins des personnes âgées tout en favorisant la création d’activités locales.

Travailler la cohérence par le biais de schémas Silver-économiques

"Le contrat de filière Silver économie repose sur une ambiguïté initiale en axant les actions proposées sur le développement de dispositifs technologiques sans l’associer étroitement aux besoins des personnes âgées. Or, cet enjeu est crucial."Ainsi est-il proposé de s'appuyer sur des "schémas régionaux Silver-économiques" pour que les stratégies territoriales aillent de pair avec l'individualisation de la prise en charge et la mise en cohérence, par exemple, de l'intervention d'acteurs divers au domicile. Encouragée par le Gouvernement au lancement de la filière, " cette formalisation ne semble toutefois pas être à l’ordre du jour dans les conseils régionaux, exception faite de Midi-Pyrénées qui a élaboré son plan Silver économie 2014-2020".

Observant par ailleurs "la création de produits technologiquement innovants mais inadaptés aux besoins des bénéficiaires finaux et/ou au pouvoir d’achat réduit des personnes âgées", la note invite à co-construire des solutions innovantes entre PME, grands groupes et acteurs de l'ESS. Enfin, les auteurs conseillent d'accompagner l'expérimentation de nouveaux modèles économiques en s'appuyant sur les assureurs et mutuelles.

*Agence d'ingénierie et de services pour entreprendre autrement, l'Avise a été créée par la Caisse des dépôts en 2002. La note de synthèse a été réalisée sur la base de retours d'expérience des premières Silver régions et de témoignages de l'Una et l'Uniopss. »

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La Silver Economie en 3 schémas

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7. Intégrer la dimension culturelle

Les réflexions sur l’économie cohésive doivent permettre de mieux intégrer la dimension culturelle et artistique dans la problématique de l’innovation territoriale. Le Pacte d’économie cohésive entend nommer et organiser la dynamique fusionnelle entre investissement et cohésion sociale. Nous l’avons appliqué à la transition démographique et à la recherche d’un modèle de déploiement pour la Silver Economie.

La seconde étape, aller en amont de l’innovation, retrouver ce qui est au cœur de cette rencontre entre besoin de cohésion sociale et manière de traduire ce besoin en mode de production et de réalité économique, n’est-ce pas l’enjeu de la culture, de la création culturelle et artistique ?

Telle est la recherche de formalisation d’un tel nouveau mode de production visant à affronter les Business Model à un « Creative Issue Model ».

Il n’est qu’une nomination spécifique au rôle de la création culturelle comme facteur de production d’un nouveau modèle de production. Il pourrait tout aussi bien se fondre dans la terminologie plus générique de MODELE D’ECONOMIE COHESIVE.

En effet, fidèle à l’esprit de l’économie cohésive, il s’agit plus de systématiser, d’agréger que d’inventer.

Le « C.RI.M » entend frictionner, percuter la création culturelle et artistique à la créativité industrielle. Cela existe, mais il s’agit d’organiser, de coordonner, de systématiser la relation pour lui donner une chance de faire sens.

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L’innovation au pouvoir – Annexes

Cela s’inscrit dans les stratégies bottom up, dans l’implication de proximité, dans les enjeux de confiance, dans la recherche de nouveaux avantages comparatifs du modèle de production.

Cette énergie territorialisée, partagée, caractérise aussi bien les territoires ruraux que les quartiers qui auraient beaucoup à gagner à croiser cette animation des énergies et des problématiques économiques, et donc d’emploi.

« Creative Issue Model »

(Modèle d’Economie Cohésive)

Le modèle économique industriel a longtemps fonctionné sur la notion de facteurs de production, d’avantage comparatif…

La mondialisation a conduit à une vision différente de la compétitivité. L’extrême concurrence, au niveau de ces facteurs initiaux, exige de construire son propre caractère discriminant et donc son nouvel avantage comparatif, au-delà des recettes traditionnelles du protectionnisme.

Cela s’est principalement fait :

par un mélange de divers dispositifs ;

surtout par la promotion de la notion d’innovation.

Mais il faut admettre que le gain, notamment en temporalité, apporté par l’innovation est progressivement rattrapé par la vitesse d’adaptation de la concurrence et les rapports de force du marché mondial (parts de délocalisation conditionnant le business).

Il est, sans doute, temps d’aller plus loin encore et d’adosser l’innovation à l’étape antérieure à celle-ci. Cette étape est dans les réflexions communes, dans le bon sens populaire.

Nous sommes censés disposer d’éléments de créativité, de création qui demeurent un atout amont insuffisamment exploité. Nous n’avons pas l’apanage de ces qualités, mais le cumul d’une vie culturelle récente structurée, d’un modèle républicain facilitateur et de la non priorisation par d’autres, en raison de leur avantage comparatif provenant d’autres atouts actuellement, nous permet de conserver une avance.

Mais cet avantage ne peut être considéré comme un stock, une matière première. Il est un flux à entretenir. Surtout il conviendrait de mieux l’intégrer au nouveau modèle de production concurrentiel que nous cherchons. Un modèle nécessite une systématisation des processus et la création d’un cercle vertueux.

Le « Creative Issue Model » entend poser la question de la complémentarité création culturelle et artistique et création industrielle. A l’instar de la Guerre du Feu, il fait l’hypothèse que la friction entre ces deux éléments peut produire une énergie nouvelle (un saut créatif).

Il n’invente rien, et les exemples sont très nombreux de tels échanges fructueux.

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Mais personne n’a créé les conditions d’une systématisation de cette richesse potentielle. Où est la plateforme collaborative, organisée, soutenue fonctionnellement voire financièrement pour créer le cercle vertueux de ces échanges ?

Par essence, la création est largement une part de hasard. Les véritables fruits attendus ne peuvent donc que marginalement provenir d’un travail collaboratif sur un descriptif déjà très précis en amont.

Le projet est donc de bâtir un démonstrateur sur une région d’une telle plateforme systématisée. Il s’agit d’organiser cela comme un filtre transversal des axes en silo de l’innovation.

Il faut souligner qu’on traite simultanément des questions de cohésion sociale et d’affirmation des valeurs républicaines en remettant la culture et l’art à une place stratégique dans une période de difficultés budgétaires qui impactent gravement le tissu culturel local.

Dès aujourd’hui, la démarche a été mise en place dans le Grand Auch avec l’Ecole nationale de cirque, Circa.

Le cirque contemporain expose de plus en plus son imaginaire à celui des technologies, du virtuel, de la réalité augmentée. C’est en particulier le cas des magiciens.

Le terrain est donc propice et il existe déjà des projets entre artistes et Cnes, Airbus etc.…La Recherche et Développement de ces grandes sociétés apprécie ces partages avec les artistes. Le projet peut provenir d’une attente d’un côté ou de l’autre mais le plus intéressant provient de démarches itératives dans lesquelles le hasard tient une place et où l’on débouche sur des perspectives non perçues en amont.

C’est tout l’intérêt d’une systématisation de tels échanges qui peut s’avérer aussi fructueuse pour l’industrie et l’innovation que pour la cohésion sociale et l’animation positive du tissu culturel territorial.

Le projet a vocation à devenir un Fab Lab régional (avec une dimension politique de ville et quartiers). Chaque territoire porte des spécificités, ses axes culturels ou artistiques prioritaires. L’industrie est concernée sur plusieurs axes :

numérique, réalité augmentée ; robotique ; nouveaux textiles intelligents ; matières innovantes ; etc.

Il s’agit de décloisonner tout en coordonnant et systématisant le processus de partage.

Ce sera l’objet du projet de démonstrateur «Creactive Lab».

UN CAS PARTICULIER : BIG DATA ET CR.I.M

Le big data apparaît comme un sujet en soi pour le Creative Issue Model.

Tous les projets industriels autour des données reposent sur :

la créativité ;

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L’innovation au pouvoir – Annexes

la méthodologie, le classement et l’analyse.

C’est, presque, la définition du CR.I.M. Imaginaire ouvrant la voie à des applications, optimisation de relations avec un marché (versus un public), diffusion d’une émotion (goût, odeur, services…), le champ est vaste.

Le numérique invite aujourd’hui à la création d’applications autour du tourisme, une « intelligence augmentée », permettant la valorisation marginale recherchée de chaque touriste.

La culture, l’activité artistique, l’art sont les décrypteurs des données qui sont l’enjeu de cette nouvelle filière économique prometteuse des données (du big data).

Le projet de plan d’action de « CR.I.M » s’appellera « Creactive Lab », et a vocation à devenir un exemple de modélisation duplicable.

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Le comptoir de l’innovation

Un incubateur territorial dédié à l’innovation sociale publique/privée

Il est indispensable, pour la dynamique d’un territoire, que celui-ci voit régulièrement naître puis se développer, des projets porteurs d’innovation sociale, aussi bien dans le champ économique que dans celui des services publics. L’existence d’une dynamique d’innovation conditionne en effet tant l’existence de services d’intérêt collectifs performants et adaptés aux besoins des territoires, que la création d’activité économique et d’emplois répondant aux besoins des populations. Le projet de réforme territoriale va par ailleurs renforcer la responsabilité des collectivités territoriales, dans le soutien au développement de l’innovation socio-économique sur leur territoire.

L’incubateur territorial, en mêlant acteurs privés et publics innovants, est une réponse à ce besoin de soutenir la créativité dans la sphère socio-économique et dans la sphère publique, et d’accélérer les projets porteurs d’innovation sociale sur les territoires, tant dans les entreprises que dans les administrations. Les projets soutenus seront en résonnance avec les problématiques territoriales puisqu’ils émaneront de dynamiques locales.

Un partenariat public/privé

FAIRE EMERGER DES PROJETS INNOVANTS

L’incubateur territorial est un dispositif dédié à faciliter l’émergence de projets innovants, porteurs d’un fort impact en termes de développement socio-économique d’un territoire. L’objectif final : dynamiser un territoire en créant de l’emploi et en développant de nouvelles formes d’innovation dans le secteur privé comme dans le secteur public. UN COMPTOIR DE L’INNOVATION TERRITORIALE…

…ET UN ACCÉLÉRATEUR D’INITIATIVES LOCALES

Dédié à accueillir les entrepreneurs innovants, porteurs de projets à fort potentiel d’impact socio-économique pour le territoire, et les fonctionnaires territoriaux porteurs d’idées ou de projets d’intérêt général innovants (sur le plan social, économique, culturel….).

Proposant un accompagnement en partie en « tronc commun », et en partie dédié à chacun de ces publics dans le but de faire émerger des entreprises créatrices d’emploi et à fort impact social, et des solutions innovantes permettant à l’Etat et/ou aux

Dédié à héberger et accompagner le décollage et le développement de projets innovants (dans tous les domaines d’innovation : de service, de distribution, d’organisation, mobilisant les nouvelles technologies numériques…). Les entreprises incubées sont déjà créées, et leur projet est à fort potentiel d’impact social, et de création d’emploi. Mettant à disposition une culture entrepreneuriale et des outils du secteur privé, pour favoriser l’innovation dans le

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Collectivités de produire un service de meilleure qualité, voire de réaliser des économies

Un comptoir pariant sur la fertilisation croisée entre innovateurs d’horizons différents, valorisant l’esprit entrepreneurial, mais aussi l’expertise développée par ceux qui travaillent au quotidien sur la mise en place et les transformations des politiques sociales.

secteur public – et vice-versa. Et créant de synergies entre privé et public à l’heure où l’amélioration des conditions de vie sur les territoires est un enjeu autant pour les collectivités publiques que pour les entreprises qui y sont implantées : l’attractivité des territoires en dépend.

L'OBJECTIF EST DE REALISER LE POTENTIEL D’INNOVATION SUR UN TERRITOIRE (AGGLOMERATION OU DEPARTEMENT) :

En créant au sein de l’incubateur une mixité entre projets entrepreneuriaux porteurs d'innovation à fort impact social, qu’elle soit technologique, d’usage, de produit, culturelle…

Et en ouvrant l’hébergement et l’accélération au sein de cet incubateur, à des projets d’ « innovations publiques territoriales » dédiées à l’amélioration de la qualité et de la performance des administrations et services publics. Une « mixité » intéressante est assurée entre ces porteurs de projets d’innovation publique, et les entrepreneurs hébergés dans l’incubateur.

Les services de l’incubateur

UN LIEU Des locaux de 150m² comprenant des bureaux, un espace de co-working et des salles de réunion pour héberger 5 entrepreneurs du secteur privé en phase de décollage et 5 fonctionnaires territoriaux porteurs d’innovations publiques.

UN ACCOMPAGNEMENT UNIQUE Un chargé d’affaire sera responsable de la gestion de l’incubateur et de l’accompagnement de tous les porteurs de projets publics ou privés. Pour les entrepreneurs, l’accompagnement sera dédié au développement de leurs entreprises (mise en réseau, appui stratégique, développement commercial, financement), et de leur impact social. Pour les fonctionnaires territoriaux, l’ambition sera de leur fournir un appui propre au contexte du service public, et un apprentissage des outils de l’entrepreneuriat classique pour trouver des améliorations aux services publics. Le modèle s’inspirera du modèle du GROUPE SOS qui utilise des outils du privé pour faire émerger des solutions MISE EN RESEAU ET COMMUNICATION

CARACTÉRISTIQUES:

5 entreprises socialement innovantes

5 projets publics et territoriaux innovants

1 lieu dédié de 150m²

1 chargé d’affaires, appuyé par des

spécialistes marketing/numérique/finance et

« solutions publiques » mobilisés par le

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Le programme sera un véritable tremplin pour les entrepreneurs incubés, il leur permettra de se constituer un réseau. Le programme mettra également les incubés en relation avec des experts, des financeurs et des partenaires commerciaux potentiels.

d’entrepreneuriat social. Seront également organisées des formations collectives et « brainstormings » dont les thèmes varieront selon les besoins des uns et des autres. En fonction des thématiques, elles pourront être spécifiquement dédiées à l’un des publics (entrepreneurs ou agents publics) L’objectif sera de sortir de l’incubation :

o pour les entrepreneurs, avec une entreprise définitivement viable et finançable, sur le chemin de l’équilibre économique, avec un impact social mesurable et une capacité à changer d’échelle.

o Pour les agents du service public, avec un projet opérationnel, validé par des tests en situation réelle, et implémentable soit au sein du service public, soit par lancement d’une entreprise sociale

LA FORCE DE L’INCUBATEUR TERRITORIAL RESIDERA DANS :

Son implantation au cœur d’une zone à fort enjeu social et économique,

métropole dynamique décidée à faire face à ses enjeux sociaux, et mettant le soutien à l’innovation au cœur de son projet de territoire

La singularité et la qualité de son programme d’accompagnement destiné à des entrepreneurs et fonctionnaires d’horizons divers (issu des grandes écoles, en reconversion, sans qualification, et donc également à des porteurs d’idée du secteur public...) souhaitant accélérer le développement de son projet quel que soit la forme d’innovation qu’il porte (privée ou publique, sociale, technologique, d’usage ou de marché)

L’interaction et l’émulation entre entrepreneurs et porteurs de projets innovants issus de la sphère publique.

Une mobilisation et un financement « mixtes »

Dans un premier temps, nous sommes à la recherche d’une collectivité territoriale partenaire, pour créer avec son appui et sur son territoire, un incubateur territorial « pilote », sur une

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durée de 2 ans. L’objectif premier étant d’inover socialement au service d’un territoire, il est nécessaire de trouver des partenaires dont le souci principal est le développement socio-économique par l’impulsion locale.

Un appui de la Caisse des Dépôts sera également recherché, celle-ci mettant l’appui aux projets socio-économiques des collectivités et l’innovation au cœur de sa stratégie de service public, notamment à travers le « CDC Lab », incubateur de projets « intrapreneuriaux porté par l’établissement public.

Un financement mixte Caisse des Dépôts/Collectivité(s) territoriale(s), pourra ainsi être recherché sur les deux premières années.

A terme des 2 ans de financement, le financement de l’incubateur de territoire se diversifiera et des financements privés seront recherchés, sur le modèle de l’incubateur Le Comptoir. Aujourd’hui l’incubateur a été financé à la fois par des fonds privées de la fondation JP Morgan, des fonds de revitalisation de SFR et des fonds de SNCF Développement.

LES COLLECTIVITES TERRITORIALES (COMMUNAUTE D’AGGLO OU REGION) - Dans le cadre de leur action d’appui à l’innovation et au développement socio-économique de leur territoire - Impliquer des fonctionnaires territoriaux porteurs d’idées innovantes au sein de l’incubateur , pour demain innover dans les services publics et d’intérêt général

LA CAISSE DES DEPOTS - A la pointe des problématiques d’innovation sociale, tant dans le secteur public (avec le CDC lab, premier incubateur de projets « intrapreneuriaux » au sein d’un établissement public), que dans le secteur privé (appui constant à la structuration de l’ESS sur les territoires) - Partenaire « naturel » des collectivités territoriales, dans leurs projets à fort contenu socio-économique

DE GRANDES ENTREPRISES PRIVEES DU TERRITOIRE - Dans le cadre des plans de revitalisation - Une solution d’essaimage pour les salariés des grandes entreprises souhaitant se dédier à l’entrepreneuriat - Une participation dans le « club du comptoir de l’innovation » sur le territoire, qui leur offre un accès privilégié aux entrepreneurs incubés et accompagnés, mais les mobilise aussi dans des actions de mentorat

La mobilisation des compétences contribuant au succès de l’incubation, pourra elle aussi être mixte : des mentors ou « coachs » entrepreneurs d’une part, et cadres dirigeants au sein des services de l’Etat et/ou de collectivités territoriales, seront mobilisés.

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IV. Participants aux travaux de la mission

Liste des membres de l’équipe mission

M. Akim OURAL, Adjoint au Maire de Lille, chargé de mission par Mme Marylise Lebranchu, Ministre de la décentralisation et de la fonction publique

Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique (SGMAP)

Mme Ariane CRONEL, Directrice de projet

M. David MARQUES, Chef de projet

Mme Chloé PAQUE, Chargée de mission

Ministères économiques et financiers, Institut de la gestion publique et du développement économique (IGPDE)

Dr Nicolas MATYJASIK, Conseiller scientifique, Maître de conférences associé à Sciences-Po Lille, Directeur du Master "Management des politiques publiques"

CMI Stratégies

M. Philippe BASSOT, Partner

Mme Vanessa CORDOBA, Manager

M. Christophe PANNETIER, Expert innovation numérique

M. David ROTTMAN, Consultant

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L’innovation au pouvoir – Annexes

Liste des membres du Comité d’orientation

Assemblée des communautés de France (AdCF)

M. Christophe BERNARD, Secrétaire général

Association des communautés urbaines de France (ACUF)

M. Jean DEYSSON, Chargé de mission

Mme Eloise FOUCAULT, Chargée de mission

M. Olivier LANDEL, Délégué général

Association des départements de France (ADF)

M. Jean-Pierre QUIGNAUX, Conseiller innovation, anticipation, valorisation

Association des petites villes de France (APVF)

M. Erwann CALVEZ, Chargé de mission

M. Jean-Michel MORER, Membre du conseil d’administration, Maire de Trilport

Association des Maires de France (AMF)

Mme Nathalie DOTRES, Chargée de mission

Association des Maires Ruraux de France (AMRF)

M. Cédric SZABO, Directeur

Cabinet de la Ministre de la Décentralisation et de la Fonction Publique

Mme Séverine LEGUILLON, Conseillère pour l’innovation publique territoriale

Groupe Caisse des Dépôts et Consignations (CDC)

Mme Anne-Cécile ROUCHETTE, Consultante externe

M. John TANGUY, Directeur de projets Innovation

Page 187: Rapport innovation territoriale

77

L’innovation au pouvoir – Annexes

Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET)

Mme Marjorie JOUEN, Direction des Stratégies Territoriales

EVS Conseil

M. Philippe PARMANTIER, Consultant stratégies TIC

Fédération Nationale des Collectivités Concédantes et Régies (FNCCR)

M. David BEAUVISAGE, Chef du Département stratégie, moyens et formation professionnelle

M. Francis KUHN, Directeur Général du SICTIAM

Mme Violaine LANNEAU, Adjointe au Chef du Département « Élus, consommateurs, adhérents et formation »

Groupe La Poste

Mme Blandine ALGLAVE, Déléguée au Développement Régional en Ile-de-France

M. Frédéric DUPRAT, Maisons de services au public

M. Denis HAMEAU, Délégué à l’Innovation Territoriale

Groupe SNCF

M. Cyril GARNIER, Directeur général SNCF Développement

Mme Raphaëlle SIMOUNET, Responsable communication et partenariats

Métropole Européenne de Lille

M. Jean-Paul LEROY, Directeur de l’innovation numérique

Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE)

Mme Claire CHARBIT, Responsable du Dialogue avec les Gouvernements Infranationaux

Page 188: Rapport innovation territoriale

78

L’innovation au pouvoir – Annexes

Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique (SGMAP)

M. Maxime BARBIER, Chef de projet à la Mission Méthodes d'écoute et d'innovation

Mme Céline FAIVRE, Adjointe au chef de la mission Développement de l'administration numérique

27ème Région

M. Stéphane VINCENT, Président

Mme Nadège GUIRAUD, Directrice des programmes et des projets

Organisations invitées n’ayant pas participé aux travaux du Comité

Association des Régions de France (ARF) Centre National de la Fonction Publique Territoriale (CNFPT) Villes de France

Page 189: Rapport innovation territoriale

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L’innovation au pouvoir – Annexes

Liste des personnalités auditionnées (hors membres du Comité d’orientation)

Aida team

M. Bernard THUMEREL, Directeur

Agence du Service civique

M. François CHEREQUE, Président

Agence France Locale

M. Yves MILLARDET, Président

Agence Nationale de Rénovation Urbaine (ANRU) - Institut de la ville durable

Mme Kim CHIUSANO, Chargée de mission innovation et excellence environnementale

M. Franck FAUCHEUX, Mission de préfiguration Institut de la Ville Durable

Agglomération Sud Pays Basque

M. Manuel DE LARA, Vice-Président délégué au développement économique, au numérique et à la recherche

Aquitaine Europe Communication (AECOM)

M. Laurent-Pierre GILLIARD, Directeur adjoint

Ashoka Europe

M. Arnaud MOUROT, Co-directeur

AVISE et Crédit coopératif

Mme Cécile LECLAIR, Directrice générale de l’AVISE

M. Hugues SIBILLE, Vice-président du Crédit Coopératif, président de l'AVISE

Page 190: Rapport innovation territoriale

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L’innovation au pouvoir – Annexes

Bleu Blanc Zèbre

M. Guillaume VILLEMOT, Président

Caisse des dépôts et consignations (CDC)

M. Marc ABADIE, Directeur du réseau et des territoires

M. Nicolas BLANC, Responsable innovation et développement durable

Mme Karen LE CHENADEC, Directrice du Département Développement Numérique des Territoires

M. Jean-Marc MAURY, Directeur du Département Développement économique et de l'Economie sociale

Mme Elisa VALL, Directrice du département appui aux territoires

Call for team

M. Kamal BOUHOUCH, Associé et co-fondateur

M. Sokha HIN, Associé et co-fondateur

Cap Digital

M. Stéphane SINGIER, Conseiller études, veille technologique et Grand Paris numérique

Cap Sciences

M. Bernard ALAUX, Directeur

M. Nicolas de LAITRE, Directeur adjoint

M. Jean-Alain PIGEARIAS, Ingénieur

CERAPS - Université de Lille II

M. Julien TALPIN, Chercheur

CEREMA

M. Laurent DAVID, Services numériques émergents & SIG

Page 191: Rapport innovation territoriale

81

L’innovation au pouvoir – Annexes

Co-city

M. Guillaume DESMOULINS, Co-fondateur

Collectif Bruit du Frigo

Mme Jeanette RUGGERI, Administratrice

Commissariat Général à l’Egalité des Territoires (CGET)

Mme Marie-Caroline BONNET-GALZY, Commissaire générale à l'égalité des territoires

M. Thierry du BOUËTIEZ, Conseiller spécial auprès de la commissaire générale, membre du réseau GNIAC

Commissariat Général à l’Investissement (CGI)

M. Frédéric BOURTHOUMIEU, Conseiller Education, Jeunesse, Economie Sociale et Solidaire

Mme Severine CHAPUS, Directrice de programme Urbanisme et Jeunesse

M. Thierry FRANCQ, Commissaire général adjoint

M. Michel GUILLOT, Préfet, Directeur du pôle territorial

Commission Nationale du Débat Public (CNDP)

Mme Laurence MONNOYER-SMITH, Vice-Présidente

Communauté urbaine de Dunkerque (CUD)

M. Jean-Pierre TRIQUET, Directeur de la communication et des TIC

Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE)

M. Jean-Paul DELEVOYE, Président

M. Thibaut DERNONCOURT, Chef de cabinet du Président

Conseil général de Gironde

Mme Marianne BAUDOIN, Chef de projet Usages numériques

Page 192: Rapport innovation territoriale

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L’innovation au pouvoir – Annexes

M. Sylvain GAUTIER, Directeur de la culture et de la citoyenneté

Conseil général de Meurthe-et-Moselle

M. Mathieu KLEIN, Président

M. Denis VALLANCE, Directeur général des Services

M. Vincent MALNOURY, Directeur général adjoint à l'éducation

Conseil général de Seine-Saint-Denis

M. Guillaume SCHMIDT, Chargé d'actions Promotion du Territoire

Conseil lillois de la jeunesse (CLJ)

Mme Juliette ALLEGRAUD, Coordinatrice

Mme Fanny PIRODON, Coordinatrice

Six membres du CLJ

Conseil régional Midi-Pyrénées

M. Pierre BENAÏM, Secrétaire général à la Stratégie régionale de l'innovation

M. Pierre LARROUY, Economiste

Conseil régional des Pays de la Loire

M. Jean-Philippe MAGNEN, 3ème vice-président du Conseil Régional, auteur d’un rapport sur les monnaies locales complémentaires (MLC)

Conseil régional Provence-Alpes-Côte-D’azur

M. Gino BONTEMPELLI, Chef du Service Innovation et économique numérique

Coopérative des Tiers-Lieux en Aquitaine

Mme Marie-Laure CUVELIER, Co-fondatrice

Darwin

Page 193: Rapport innovation territoriale

83

L’innovation au pouvoir – Annexes

M. Jean-Marc GANCILLE, Co-fondateur

Démocratie ouverte

M. Armel LE COZ, Co-fondateur et Président

École des citoyens

Mme Marie-Claude DREYER, Directrice

École Nationale d’Administration (ENA)

Dr Fabrice LARAT, Directeur du centre d’expertise et de recherche administrative

M. Eric PELISSON, Directeur de la formation

Mme Laurence SARTON, Chargée de mission de haut niveau en charge du développement et de la promotion de la formation continue

eGOV-Solutions

M. Gilles Moutet, Président

Empreintes citoyennes

M. Julien GOUPIL, Président, Auteur de l’enquête « Citoyenneté et territoires »

FA-FPT

M. Bruno COLLIGNON, Président

M. Pascal KESSLER, Président du syndicat FA FPT de Mulhouse

Fabrique POLA

M. Blaise MERCIER, Directeur

Mme Magali NOVION, Chargée de développement

Fédération nationale des Clubs Régionaux d'Entreprises Partenaires de l'Insertion (CREPI)

M. Patrick BONY, Président

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L’innovation au pouvoir – Annexes

Mme Florence EMMANUELLI, Responsable

Fondation Internet Nouvelle Génération (FING)

Mme Marine ALBEREDE, Chargée de mission M. Jacques-François MARCHANDISE, Co-fondateur, Directeur de la recherche et de la

prospective

Forum Modernités

Mme Marjorie CARRE, Chargée du développement, Directrice éditoriale

France Stratégie

M. Benoît LAJUDIE, Chargé de mission

M. Gautier MAIGNE, Chef du Département Société, Institutions et Politiques sociales

M. Jean PISANI-FERRY, Président

Grand Lyon

Mme Karine DOGNIN-SAUZE, Vice-Présidente à l’Innovation et la Métropole intelligente

Mme Marie-Anne GOBERT, Conseillère technique Développement Durable auprès du Président

M. Herve GROLEAS, Directeur des systèmes informatiques

Groupe SOS

M. William ELLAND-GOLDSMITH, Responsable Plaidoyer

M. Nicolas FROISSARD, Vice-Président

Hubservatoire

M. Bruno CAILLET, Directeur associé et responsable des pôles culture et territoire

Ici Montreuil

M. Nicolas BARD, Co-fondateur

Page 195: Rapport innovation territoriale

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L’innovation au pouvoir – Annexes

Institut National des Etudes Territoriales (INET)

Mme Véronique ROBITAILLIE, Directrice

M. Dominique LAGRANGE, Directeur adjoint chargé de la formation

Inovane

M. Patrick BEAUVILLARD, Conseiller régional d'Aquitaine

Mme Anne BEAUVILLARD, Coach professionnelle

Institut national de l'information géographique et forestière (IGN)

M. Claude PENICAND, Directeur de la stratégie

M. Nicolas PAPARODITIS, Directeur scientifique

La Chaîne du Cœur

Mme Laure DREVILLON, Présidente

La Ruche (Bordeaux)

Mme Camille PANCZER, Chargée de mission

La Ruche (Paris)

M. Bruno HUMBERT, Président

Mme Flore BLONDEL, Chargée de l'animation de la communauté - Vie de la Ruche

Le Comptoir de l’Innovation

M. Romain BUQUET, Secrétaire général

M. Jean-Michel LECUYER, Directeur général

Le Mouvement associatif

Mme Claire BIZET, Directrice adjointe

Page 196: Rapport innovation territoriale

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L’innovation au pouvoir – Annexes

M. Michel MACHICOANE, Secrétaire général

Mme Stéphanie RIZET, Conseillère technique

Mairie de Bordeaux

Mme Pascale AVARGEUS, Directrice Générale adjointe à l’Innovation Numérique

Ministère du Logement, de l’Egalité des territoires et de la ruralité

Mme Aline CREIGNOU, Conseillère auprès de la ministre

Mme Sophie DUVAL, Directrice de cabinet adjointe de la ministre

Mouvement des entrepreneurs sociaux (MOUVES)

M. Jacques DASNOY, Délégué général

Mutinerie Village

M. William VAN DEN BROEK, Co-fondateur

Odyssem

M. Romain SLITINE, Fondateur

Mme Elisa LEWIS

Observatoire national de l’innovation publique (TERRITORIA)

M. Alain GOURNAC, Sénateur, Président

Mme Marie-Christine JUNG, Déléguée générale

Orange

M. Ludovic CENTONZE, Directeur de Projet chez Orange for Development

Pôle Emploi

M. Jules STEPHAN, Directeur territorial de Pôle emploi Alpes du Sud

Reporters d'espoir

Page 197: Rapport innovation territoriale

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L’innovation au pouvoir – Annexes

M. Gilles VANDERPOOTEN, Directeur

SCIC Champ Commun

M. Henry-George MADELEINE, Co-gérant

Secrétariat Général pour la Modernisation de l'Action Publique (SGMAP)

Mme Françoise WAINTROP, Chef de la mission Méthodes d'écoute et d'innovation

Mme Céline PELLETIER, Chef de projet - Mission Méthodes d'écoute et d'innovation

M. Tanguy DENNIELOU, Chef de projet - Mission Méthodes d'écoute et d'innovation

Secrétariat Général pour la Modernisation de l'Action Publique (SGMAP) / Etalab

M. Henri VERDIER, Administrateur général des données et chef de la mission Etalab

M. Pierre PEZZIARDI, Entrepreneur en résidence

Seinergy Lab

M. Ali MOHAMMAD, Président

SNCF

M. Stéphane VOLANT, Secrétaire général

M. Jean-Luc BOURGET, Délégué à l'Action Territoriale

SNCF Développement

M. Dominique CHUFFART, Responsable Missions Territoriales

TUBA

Mme Léthicia RANCUREL, Directrice

UFO

M. Alain RENK, Architecte

Page 198: Rapport innovation territoriale

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L’innovation au pouvoir – Annexes

UNSA

M. Patrick CAMPAGNOLO, Membre titulaire du CSFPT

Mme Claudie COSTE, Membre titulaire du CSFPT

Veolia

M. Philippe LAGRANGE, Directeur adjoint de la délégation France

Voisin Malin

Mme Anne CHARPY, Fondatrice

Thalès

M. Pascal PEYRONNET, Chef de projet Etudes amont, projet Terra X

Page 199: Rapport innovation territoriale

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L’innovation au pouvoir – Annexes

Ateliers – Thèmes et participants

Cinq ateliers ont été organisés par la mission :

• Un atelier à Nancy avec des porteurs de projet innovants (27/02/15) • Un atelier à Grenoble avec des chercheurs du PACTE (04/03/15) • Un atelier à Paris sur le droit à l’expérimentation (10/03/15) • Un atelier à Nantes avec des étudiants en design (17/03/15) • Un atelier à Rennes sur l’innovation publique et l’Open Data (19/03/15)

NANCY – Projets innovants (27/02/15)

***

Conseil général de Meurthe-et-Moselle

M. Mathieu KLEIN, Président

M. Denis VALLANCE, Directeur général des Services

M. Vincent MALNOURY, Directeur général adjoint à l'éducation

Territoire de Nancy & Couronne

Comenus Regios : Mme Anne BEJOT et M. Jacky FREDERIC (Collège Claude de Lorrain), Catherine RICHOUX (Collège Albert Camus)

P’tit Plato : G. FRAGONARD, Mme Marie-Hélène POUREL, F. SCHERRER, A. WALLIS

Pépinière de projets Idée Cap : Mme Catherine MENGEL, M. Etienne POIZAT

Territoire du Lunévillois

Maison des savoirs et de la formation : M. Jean PAYEUR

Cabane de Bertrichamps : M. Christophe AUBERTIN

Fabrique RD 590 : M.Yannick APY

Territoire TDL

M. Cédric BERNARD, Directeur territorial adjoint aux solidarités, M. Benoit GUERARD, Directeur Pays TDL, M. Olivier MANGEAT, Directeur territorial adjoint à l’aménagement, Mme Nicole PETIFOUR, Responsable territoriale Economie solidaire et insertion.

Circuits courts : Mme Nathalie JOLIOT

Projet Ecologie Industrielle et Territoriale / Insertion : Mme Hanane MARCHKOUR, M. Eric MARION

Mobilité solidaire : Mme Agnès MARCHAND, M. Alain LEFEVRE

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L’innovation au pouvoir – Annexes

***

GRENOBLE – Les défis territoriaux (04/03/15)

Laboratoire PACTE, Politiques publiques, ACtion politique, TErritoires

M. Alain FAURE, Enseignant chercheur

M. Grégoire FEYT, Enseignant chercheur, membre du CNFPT

M. Jean-Charles FROMENT, Directeur et professeur de droit

Mme Marina LAABI, Doctorante

M. Yoann MORIN, Doctorant

Mme Manon PESLE, Doctorante

M. Philippe TEILLET, Enseignant chercheur

M. Philippe ZITTOUN, Enseignant chercheur

***

PARIS – Droit à l’expérimentation (10/03/15)

ATD Quart-monde

M. Patrick VALENTIN, Président du réseau Emploi-Formation

Cabinet Seban & Associés

Mme Cécile FONTAINE, Avocat associé du cabinet

Conseil général du Val d'Oise

Mme Florence BANNERMANN, Directrice de la mission Innovation

M. Guy KAUFFMANN, Directeur général des services

Cour des Comptes

Mme Isabelle GRAVIERE-TROADEC, Conseillère maître, Deuxième chambre, ancienne SGAR Bretagne

Inspection Générale des Finances (IGF)

M. Jean-François VERDIER, Inspecteur général des finances, Ancien directeur général de l'administration et de la fonction publique

SGAR Midi Pyrénées

M. Renaud FOUNALES, SGAR adjoint

***

Page 201: Rapport innovation territoriale

91

L’innovation au pouvoir – Annexes

NANTES – Design d’un rapport administratif (17/03/15)

***

Audencia, Mastère Spécialisé Marketing, Design et Création

M. Nicolas MATYJASIK, Maître de conférences associé à Sciences-Po Lille, Directeur du Master Management des politiques publiques, Chercheur/Conseiller scientifique au sein des Ministères économiques et financiers

M. Nicolas MINVIELLE, Professeur associé, Responsable du Mastère, ainsi que l’ensemble des étudiants du Mastère

RENNES – Innovation publique et open data (19/03/15)

***

Association BUG

M. Richard DELOGU, Community manager

CISCO

M. Jean-Francois BALCON, Business Development Smart cities

Keolis Rennes

M. Christophe MILLOT, Community Manager

Les champs libres

M. Lilian MADELON, Responsable du Service communication et numérique

Orange Ouest

Mme Laurence FOSSE, Directrice des projets innovants

Rennes Métropole

Mme Isabelle PELLERIN, Vice-Présidente déléguée à l’enseignement supérieur, recherche et innovation

Mme Bernadette KESSLER, Responsable du service innovation numérique

Mme Cécile TAMOUDI, Responsable Service Information Géographique

SGMAP

Mme Céline FAIVRE, Adjointe au chef de la mission Développement de l’administration numérique

Société de conseil Décision publique

M. Benjamin RIVALLAND, Fondateur associé - Consultant

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L’innovation au pouvoir – Annexes

Université de Bretagne-Sud

M. Maurice BASLE, Chaire connaissance et action territoriale

Ville de Rennes

M. Laurent HAMON, Conseiller municipal délégué aux T.I.C

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L’innovation au pouvoir – Annexes

UP Conférences - Cycle « Territoires : nous sommes

innovations »

Organisateurs :

Groupe SOS

M. William ELLAND-GOLDSMITH, Responsable plaidoyer - Relations extérieures et communication

MOUVES

M. Jacques DASNOY, Délégué général

Mme Anne-Cécile MAILFERT, Directrice du Développement

Première UP Conférence du cycle

***

Lieu : Café Monde et Médias, Paris

Date : 17 février 2015

Intervenants :

M. Jean-Marc BORELLO, Président du Groupe SOS

M. André DUPON, Président du MOUVES

M. Franck FAUCHEUX, Chargé de la Mission de préfiguration de l’Institut de la Ville Durable

M. Denis GRIPONNE, Project Manager chez Voisin Malin

Mme Sophie KELLER, Experte associée à l’Institut de l’Innovation et de l’Entreprenariat Social de l’ESSEC

Mme Marylise LEBRANCHU, Ministre de la Décentralisation et de la Fonction Publique

M. Armel LE COZ, Co-fondateur et Président de Démocratie ouverte

M. Vincent MALNOURY, Directeur général adjoint à l’éducation au Conseil Général de Meurthe-et-Moselle

M. Akim OURAL, Maire-adjoint de Lille, Chargé de la Mission Innovation Territoriale

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L’innovation au pouvoir – Annexes

Deuxième UP Conférence du cycle

***

Lieu : Woopa, Vaulx-en-Velin

Date : 17 mars 2015

M. Maurice CHARRIER, Président de l’INTA, Vice-Président honoraire du Grand Lyon

Mme Ericka COGNE, Directrice générale de la Fondation Accenture

M. Sylvain HUISSIER, Président de Chantiers-Passerelles

M. Philippe IMBERT, Président du PIMMS Lyon Agglomération

M. Julien MAURY, Fondateur de COAB

M. Akim OURAL, Maire-adjoint de Lille, Chargé de la Mission Innovation Territoriale

M. Romain THEVENET, Designer au Collectif Design-Territoire-Alternative