Transcript

Revue de synthèse : tome 132, 6e série, n° 1, 2011, p. 1-11. DOI: 10.1007/s11873-010-0139-7

PRÉSENTATION

Les formes de L’expertise artistique en europe (xive-xviiie siècLe)

Charlotte Guichard *

A pparues dans les controverses qui entourent les processus d’aide à la décision et le recours accru aux experts dans nos « démocraties techniques 1 », les réflexions

sur l’expertise ont été importées ces dernières années du champ des sciences politi-ques et de la sociologie dans le domaine de l’histoire 2. Les premiers travaux des histo-riens ont ainsi porté sur la naissance et la modernisation d’une administration étatique en Europe aux xviiie et xixe siècles. En France en particulier, la naissance d’un État moderne aux compétences et aux attributions élargies aurait favorisé la demande d’expertise : nouvelles institutions savantes et grandes écoles servent alors de vivier pour le recrutement des experts et des techniciens de l’administration 3.

Pourtant, l’intérêt des historiens pour cette notion échappe à la seule sphère des sciences politiques et touche à des domaines aussi différents que l’histoire de la méde-cine, l’histoire du droit ou l’histoire économique. Son succès s’explique essentiel-lement par sa capacité heuristique à faire émerger des objets d’études, qui relèvent généralement de cadres disciplinaires distincts. On peut définir l’expertise comme le fait pour une institution de mobiliser un individu, reconnu par une communauté savante ou professionnelle, au nom d’un savoir qu’il détient, afin d’aider à la prise de décision dans le cadre d’une décision judiciaire, d’un litige commercial ou d’une action politique. Forte de cette approche originale, l’expertise a donc permis de renouveler de nombreux travaux menés au carrefour de l’histoire des institutions, des savoirs et des professions, comme le montrent par exemple les travaux menés sur les enquêtes

1. Barthe, callon et lascoumes, 2001. 2. Ce dossier est issu d’un colloque qui s’est tenu au Centre Marc Bloch de Berlin les 9 et 10 juin

2008, avec la collaboration de Pascal Dubourg-Glatigny et Stéphane Van Damme. Il a bénéficié du soutien financier de l’Agence nationale de la recherche dans le cadre du programme jeunes chercheurs « Sciences et capitales européennes : revisiter l’espace public des savoirs », dirigé par Stéphane Van Damme que je remercie chaleureusement.

3. L’ouvrage de Brian, 1994, montre comment les liens entre économie, mathématique et administration en France au xviiie siècle ont conditionné la genèse de l’expertise technique et l’apparition de nouvelles figures d’experts techniciens. Pour une chronologie décalée dans la Chine prémoderne, voir lamouroux, dir., 2010.

* Charlotte Guichard, née en 1974, est chargée de recherches au CNRS, à l’Institut de recherches historiques du Septentrion. Ses travaux portent sur l’histoire du connoisseurship, le marché de l’art et les savoirs artistiques en Europe à l’époque moderne. Elle a notamment publié Les Amateurs d’art à Paris au xviiie siècle (Seyssel, Champ Vallon, 2008). Adresse : Université Lille-3, CNRS, UMR 8529, BP 60 149, F-59653 Villeneuve d’Ascq Cedex ([email protected]).

2 REVUE DE SyNthèSE : tOME 132, 6e SÉRIE, N° 1, 2011

et les procès au xixe siècle 4. L’attention que la notion d’expertise porte aux contextes sociaux, à la production de la norme, invite ainsi à relire le lien entre les institutions et leur capacité d’action, de production des savoirs et de transformation du social.

Parallèlement, l’expertise a participé au tournant d’une histoire des sciences, atten-tive aux processus empiriques de constitution des savoirs. Les travaux de Simon Shaeffer, Steven Shapin et Christian Licoppe ont montré pour l’époque moderne l’importance des procédés de validation sociale de la science, dans une voie ouverte par l’anthropologie des sciences. De l’atelier du peintre au laboratoire du chimiste et au cabinet du philosophe, les savoirs les plus théoriques sont inscrits dans des média-tions, des lieux et des territoires. Venue de l’histoire des sciences, cette approche a été élargie avec succès à d’autres types de savoirs, comme les savoirs économiques ou médicaux. Les savoirs experts du marchand de l’Ancien Régime participent ainsi à ce que William Reddy puis Jean-yves Grenier ont appelé une « économie du connais-seur », fondée sur l’identification des produits et sur l’expérience souvent autodidacte du marchand 5. Comme on le voit, l’expertise autorise et nécessite un changement de focale. Elle correspond à un intérêt pour une microhistoire, une « histoire en profon-deur 6 ». À l’encontre des grands récits, elle privilégie une autre échelle d’analyse, celle des épreuves, des litiges et des controverses, au cœur de la fabrication des savoirs et de la vie des institutions. De ce point de vue, elle rejoint les préoccupations d’une histoire socio-culturelle sensible aux formes et aux cadres de l’expérience 7.

L’expertise engage enfin la question du statut et de l’autorité des experts appelés à se prononcer, et de ce point de vue, elle recoupe l’intérêt pour la genèse des professions. On peut d’ores et déjà dire qu’il existe deux définitions de l’expert. Une définition large de l’expert renvoie à la figure du spécialiste (le connaisseur dans les mondes de l’art), dont les savoirs sont institutionnellement certifiés ou reconnus socialement – par la confiance, la cooptation ou la réputation. Il existe une autre définition plus restreinte ; l’expert est alors celui dont la compétence s’exerce hors de son lieu habituel : le médecin ou l’artiste au tribunal, l’économiste ou le biologiste au cœur de l’État. Dans cette définition, l’expert est toujours entre deux mondes, c’est un intermédiaire culturel entre sa propre discipline de spécialiste et la sphère où il est appelé à donner son avis ; il est donc à distance de son expérience ordinaire de praticien et de spécialiste. Comme l’ont montré les travaux de Michel Porret, l’expert médico-légal est une figure forte de cette seconde définition 8. Les savoirs mobilisés par l’expert sont eux-mêmes de nature différente, puisque le savoir doctrinal du juriste de l’époque moderne se distingue du jugement pragmatique du marchand d’Ancien Régime, dont la qualité repose sur son savoir-faire et des expériences cumulées.

Le succès de la notion montre donc l’importance du dialogue continué de l’histoire avec les sciences sociales et met a contrario en lumière la méfiance rarement démentie de l’histoire de l’art pour ces disciplines. Curieusement en effet, l’expertise artistique est restée un domaine peu exploré par les historiens, alors même que la figure de

4. Farcy, KaliFa et luc, dir., 2007.5. reddy, 1984 ; Grenier, 2003.6. Pestre, 2007, p. 307. lePetit, 1995.8. Porret, 2008.

3C. GUIChARD : PRÉSENtAtION

l’expert en peintures et en objets d’art est sans doute l’une des plus connues du grand public, et que les sociologues ont depuis longtemps déjà montré son importance dans le fonctionnement du marché de l’art 9. L’expert des mondes de l’art a donc été épargné par le soupçon qui pèse aujourd’hui sur les experts, dont la crise de légitimité actuelle est proportionnelle à leur rôle croissant dans nos sociétés. La « qualité de l’œil » voire le « flair » de l’expert en peintures continuent de fasciner. Une réflexion historique sur l’expertise artistique invite donc à reprendre une « histoire de l’œil 10 » en la confron-tant aux expériences concrètes de l’œuvre et de sa matérialité, mais en se défaisant de cette commode métaphorisation de l’œil, utilisée au sens de capacité visuelle, et dont l’histoire scientifique et culturelle a déjà été retracée 11.

À distance de cette apparente magie, nous avons voulu montrer comment l’expertise artistique résulte de la mise en œuvre de savoirs sur les tableaux dans des situations précises 12. Considérée à tort comme un « coup d’œil » ou une simple intuition, elle doit être envisagée comme une opération de savoir, même si les procédés en sont méconnus ou occultés. À la suite des travaux de Michel de Certeau, on peut dire que l’expertise artistique relève plutôt d’un « art de faire » : « Détaché de ses procédures, ce savoir passe pour un “goût”, un “tact” voire une “génialité”. On lui prête les caractères d’une intuition tour à tour artistique ou réflexe. C’est, dit-on, une connaissance qui ne se connaît pas 13. » L’expertise artistique reposerait donc sur un savoir-faire, ancré empi-riquement dans la pratique des œuvres. « Détaché de ses procédures », ce savoir faire n’est pas formalisé ni réflexif, il a une apparence – voulue ? – de facilité 14. Définie comme un procédé qui met en relation un objet pictural et un nom propre, en lui assi-gnant une valeur économique, l’expertise est étudiée ici à partir de trois opérations : l’attribution, l’authentification et l’évaluation économique d’une peinture.

CE qUE L’ExPERtISE FAIt À L’hIStOIRE DE L’ARt

À première vue, une telle définition de l’expertise artistique témoigne de l’écart qu’il existe entre deux traditions historiographiques bien distinctes : l’histoire du connoisseurship, qui appartient à l’histoire des savoirs artistiques et à l’histoire de l’histoire de l’art 15, et les études sur l’expertise, qui se sont déployées prioritairement dans les sciences politiques et économiques dans trois directions privilégiées : le cadre étatique, avec ses institutions et ses procédures d’enquête, le cadre des tribunaux où les experts sont appelés à témoigner, enfin le cadre des professions 16. Pourtant, l’écart est moins grand qu’il n’y paraît, entre une tradition marquée par une perspective inter-prétative, et une autre tournée plutôt vers les sciences sociales. Dans le domaine de la peinture, il convient de rappeler que la littérature du connoisseurship apparaît à Rome

9. moulin et Quemin, 1993. 10. Baxandall, 1985.11. crary, 1994 ; havelanGe, 1998 ; dias (Nélia), 2004.12. Bessy et chateauraynaud, 1995.13. de certeau, 1990, p. 110.14. Sur l’art du connaisseur comme sprezzatura, voir Griener, 2010.15. hasKell, 1988.16. Sur les cadres de l’expertise, voir raBier, dir., 2007, p. 4-8.

4 REVUE DE SyNthèSE : tOME 132, 6e SÉRIE, N° 1, 2011

au xviie siècle avec les Considerazioni sulla pittura, restées manuscrites, de Giulio Mancini. Elle s’impose comme discours théorique en Angleterre avec le Discours : An Argument in Behalf of the Science of a Connoisseur de Jonathan Richardson, publié en deux parties en 1715 et 1719 à Londres. Chez Richardson, la science du connoisseur est théorisée comme une branche de la connaissance humaine, au même titre que la morale ou la politique, et elle fait l’objet d’un discours patriotique puisque Richardson ambi-tionne de doter l’Angleterre d’une école nationale de peinture et de faire de Londres la nouvelle capitale artistique européenne 17. L’histoire du connoisseurship commence vraiment au xviiie siècle, lorsqu’elle s’incarne dans de grandes figures, comme Pierre-Jean Mariette ou Jonathan Richardson, et se perpétue jusqu’aux années 1950 avec Roberto Longhi ou Max Friedländer. Si l’histoire du connoisseurship, en relation avec l’histoire de l’histoire de l’art, connaît actuellement un essor important, elle reste limitée par son approche souvent monographique, qui n’étonne pas dans la discipline, encore dominée par la fascination pour « l’œil du connaisseur ». Et surtout, elle se fonde sur le corpus de la littérature artistique, et non pas sur les sources de la pratique. En dépit de certains travaux qui portent de manière connexe sur les usages politiques du connoisseurship 18, les savoirs artistiques restent cantonnés au seul domaine de l’art et de la littérature sur l’art, sans que les effets d’institution, de réseaux, de savoir y prennent leur part. Pourtant ceux-ci sont nombreux si on songe par exemple au moment 1815, marqué par la restitution des chefs-d’œuvre confisqués par les armées révolu-tionnaires et napoléoniennes en Europe. Ainsi, un Jugement dernier de Jan Van Eyck est réattribué à hans Memling lors de son retour à Berlin en 1815 dans le cadre de vifs débats patriotiques autour de l’école allemande de peinture 19. Les enjeux politiques de l’attribution sont à la fois urbains, pour les villes qui bâtissent leur attraction sur ce patrimoine, et nationaux voire nationalistes : les villes se construisent comme capitales politiques d’un État national en tenant un discours nouveau sur les écoles de peinture grâce à l’accumulation patrimoniale. Au cœur des réflexions sur l’expertise, la terri-torialisation des savoirs rejoint ainsi parfaitement les préoccupations récentes d’une histoire de l’art qui réfléchit à ses origines nationales voire nationalistes et à la consti-tution géographique des savoirs artistiques 20. Mais l’expertise engage aussi la question des lieux. Voici ce qu’écrit Alphonse thibaudeau en 1857 dans sa préface au livre de Charles Blanc : « L’original est-il à Paris, à Londres, à Florence, à Rome, à Munich, à Vienne, à Dresde ou à Berlin ? Il n’est pas jusqu’à Saint-Pétersbourg qui ne s’indigne de ne posséder qu’une copie. L’Europe entière se dispute les œuvres de quelques grands maîtres qui, malgré la fécondité de leur génie, n’ont que trop peu produit 21. » La ques-tion du lieu de l’expertise artistique n’est donc pas accessoire, et de ce point de vue, les experts comme Gustav Waagen, Charles Eastlake ou Giovanni Morelli participent à la naissance des capitales artistiques. Nouveau théâtre de la preuve, le musée participe à l’émergence des grandes capitales culturelles européennes, dont le statut est publié à travers les catalogues et les comptes rendus des expositions. La production – ou le

17. GiBson-Wood, 2000.18. anderson, 1999.19. savoy, 2003.20. michaud, 2004 ; dacosta KauFFmann, 2004.21. Blanc, 1857, t. 1, p. vi.

5C. GUIChARD : PRÉSENtAtION

déclassement – des capitales artistiques par l’expertise révèle ainsi les effets politiques et urbains de ces pratiques de savoir. Au sein même de l’espace urbain, l’expertise artistique donne lieu à une nouvelle distribution des lieux culturels. À Londres, par exemple, une polarisation s’opère dans les années 1780, entre les Salons de la Royal Academy à Somerset house et les expositions privées des artistes dans le quartier de Pall Mall, qui commande une nouvelle scénographie de l’exposition artistique 22. En voyageant dans des lieux et des espaces sociaux différents, l’expertise doit convaincre une multitude d’individus aux intérêts divergents (marchands, artistes, hommes de lettres, conservateurs).

Au-delà de la seule histoire du connoisseurship, ce dossier s’inscrit plus largement au croisement de nouvelles approches menées en histoire socio-culturelle et en histoire de l’art, qui portent sur l’émergence des savoirs artistiques et qui ont renouvelé notre compréhension des publics et de la construction de la valeur dans les mondes de l’art. La question de l’expertise artistique recoupe en effet celle du public et des consom-mations culturelles, qui a été posée dans une perspective habermassienne pour le xviiie siècle 23. En France, la naissance d’un espace public de la peinture repose sur l’essor des compétences artistiques, hors du milieu des professionnels – les artistes qui gravitent autour de l’Académie royale ou de la corporation. L’essor de la figure du connaisseur témoigne de la spécialisation et de la professionnalisation des savoirs sur l’art, liées au développement du marché de l’art et à la naissance du musée. L’expert appelé pour les ventes aux enchères est désormais le marchand, comme l’ont montré les travaux de Krzysztof Pomian, qui situe l’avènement du marchand expert dans la seconde moitié du xviiie siècle, lorsque le jugement d’attribution l’emporte dans les catalogues de vente sur le jugement artistique 24. De son côté, la catégorie de l’amateur, construite d’abord au sein de l’Académie royale comme la figure normative et légitime du public, est désor-mais associée à l’espace des sociabilités, dominé par une économie de la commande et de la protection, des valeurs condamnées par la critique politique de la fin de l’An-cien Régime et par l’essor du marché, qui refuse une telle hiérarchie des publics 25. C’est donc le connaisseur qui deviendra la figure légitime du savant dans les mondes de l’art. Dès lors, l’amateur est renvoyé aux seules opérations du jugement de goût, marqué au xixe siècle par une forte individualisation, en dépit de la forte dimension cognitive du goût qui prévalait au siècle des Lumières dans le monde des amateurs.

Liée à la consommation accrue de tableaux, la demande d’expertise dans les mondes de l’art se développe avec les institutions judiciaires, qui gèrent les conflits entre pein-tres et commanditaires, et avec l’essor d’un second marché pour les tableaux, qui se développe à une vitesse colossale au xviiie siècle, grâce aux ventes aux enchères. Car le connaisseur n’est pas l’expert. Si la figure du connaisseur renvoie, comme on l’a vu, à l’accumulation de compétences et de savoirs sur les œuvres, l’expert est celui qui est appelé à expertiser un tableau hors de son cadre habituel de travail : l’artiste au tribunal, ou le marchand au musée, comme y invitent les articles de Bénédicte Gady et de Charlotte Guichard.

22. dias (Rosie), 2004.23. croW, 2000 ; solKin, 1993.24. Pomian, 1987. 25. Guichard, 2008.

6 REVUE DE SyNthèSE : tOME 132, 6e SÉRIE, N° 1, 2011

L’adjectif fait son entrée dans le dictionnaire de l’Académie française en 1694 : « exPert. Fort versé, fort expérimenté en quelque art qui s’apprend par expérience. […] Il se met quelquefois au substantif. Si les parties ne s’accordent pas pour estimer la bonté de cet ouvrage, de cette besogne, qu’ils prennent des experts, le Juge a nommé des experts pour visiter l’ouvrage des Maçons, des Couvreurs, &c 26. » L’expertise est donc avant tout une spécification de qualité, et non pas d’authenticité, qui a son origine dans le domaine de l’architecture. Elle révèle l’importance des compétences juridiques ordinaires des architectes, comme des peintres, comme le montre l’article d’Étienne Anheim. Les critères d’évaluation de cette expertise de qualité doivent être quantifiables : sont ainsi régulièrement invoqués le temps de travail ou la qualité des matériaux employés, comme le confirment les contrats médiévaux étudiés par Michaël Baxandall ou les conflits portés devant le tribunal du Châtelet de Paris à l’époque moderne, et mis au jour par Georges Wildenstein. Par-delà ses compétences juridi-ques, l’artiste est donc appelé comme expert judiciaire, dans le cadre du tribunal, afin de donner son rapport sur la qualité d’un ouvrage. À ce titre, il est souvent affilié sous l’Ancien Régime à des institutions monarchiques, comme l’administration des Bâtiments, la corporation des maîtres peintres ou l’Académie royale de peinture 27. Les situations d’expertise sont donc différentes de celles auxquelles l’historiogra-phie nous a habitué, en distinguant l’histoire des jugements artistiques (« histoire du goût ») et l’histoire économique et sociale. Au contraire, les expertises de spéci-fication de qualité que les travaux de Michaël Baxandall ont données à voir, révè-lent l’interpénétration étendue des mondes de l’art et des mondes juridiques. Les contrats de commande médiévaux témoignent ainsi d’un premier espace de média-tion, dans lequel artistes et notaires participent ensemble à l’évaluation d’une œuvre et définissent, dans la pratique, les fondements d’une nouvelle valeur de l’art, hors de l’espace artisanal.

DE L’ExPERtISE À L’AttRIBUtIONNISME

Plutôt que d’éclairer la genèse des grandes institutions artistiques, l’expertise permet donc de comprendre comment le tableau, objet culturel nouveau à la Renais-sance, suscite un nouvel ensemble de compétences, inventées puis mobilisées dans le processus de l’expertise. Car les opérations de l’expertise affectent aussi les objets et les œuvres ainsi produits ou « révélés » par elle. Loin de seulement constater des hiérarchies esthétiques, elles les produisent en développant une fascination pour des valeurs spécifiques et historiquement situées, telles la singularité et l’unicité des œuvres 28. Ainsi, la touche et le détail en peinture deviennent des sites privilégiés où se construisent les idées nouvelles sur la singularité du créateur 29. En 1762, un auteur écrit :

26. Le terme d’expertise entre dans le dictionnaire en 1798 : « exPertise, s.f. terme de jurisprudence. Visite et opération des Experts ; ce qui a lieu dans un différend, lorsque le Juge ou les Arbitres nommés par les Parties, n’ayant pas une entière connoissance de l’objet ou de la contestation, ont recours aux lumières des gens de l’art, pour en faire l’examen, l’estimation ou l’appréciation. »

27. Guichard, 2002.28. heinich, 2005.29. Pour une histoire du détail, voir arasse, 1992.

7C. GUIChARD : PRÉSENtAtION

« Un coup de pinceau, une seule touche d’arbres dans un tableau, découvre son auteur 30. » Ce regard sur la fabrique du détail est historiquement daté : un siècle auparavant, Roland Fréart de Chambray critiquait encore les « curieux » qui s’intéressaient de trop près au détail de la peinture. Dans un contexte où la peinture n’était pas encore tout à fait considérée comme un art libéral, cet intérêt pour la matérialité de la toile la rapprochait dangereusement de l’artisanat. Au contraire, à la fin du xviiie siècle, le détail, matérialisé à travers la loupe, est devenu constitutif de l’art de l’expert. Au xixe siècle, l’intérêt qu’on lui porte correspond au « paradigme indiciaire » évoqué par Carlo Ginzburg 31. Ces éléments picturaux ou graphiques sont construits, plus que révélés, dans le processus de l’expertise artistique, comme des traces de la singu-larité et fonctionnent ensuite comme des ressources cognitives pour l’expert et de nouveaux éléments d’admiration pour l’amateur.

La notion d’expertise offre ainsi les conditions d’un dépaysement des savoirs, cher à Carlo Ginzburg, et invite à envisager les savoirs artistiques, dans leur dimension prag-matique : non pas universels et théoriques, mais bel et bien inscrits dans des dispositifs socio-culturels, juridiques, et économiques 32. Elle oblige enfin à dénaturaliser certaines catégories (l’amateur, le connaisseur, le goût) et à maintenir à distance les savoirs tacites de l’expert. qu’est-ce qu’un régime de savoir dominé par les noms propres ? Pourquoi un tel usage de l’attribution ? La notion d’expertise interroge ce qui est aujourd’hui encore considéré comme le fondement épistémologique majeur de l’histoire de l’art : le principe de l’attributionnisme, que lui a légué le connoisseurship.

Les situations d’expertise permettent également de mettre en évidence la diversité des professions où se recrutent les différents experts, selon les périodes envisagées. Si un simple bourgeois du xviie siècle peut être appelé comme expert judiciaire, il n’en est déjà plus rien au siècle suivant, où tous les experts sont des artistes profession-nels, avant d’être recrutés dans le cercle des marchands ou des membres de l’admi-nistration muséale. Le progressif déclassement des artistes praticiens devant l’essor des marchands et des professionnels des musées, invite enfin à interroger le rôle des savoirs experts dans la naissance des professions dans les mondes de l’art.

À l’encontre des maîtres écrivains experts étudiés par Anne Béroujon 33 qui objec-tivent leurs critères d’évaluation, l’expertise picturale reste encore peu réflexive à l’époque moderne. Mais les épreuves d’authenticité, liées au marché et au musée, révèlent l’émergence de nouveaux savoirs matériels et techniques, à l’écart des anciens critères théoriques ou savants portés par la tradition académique 34. Grâce à l’apport croisé de l’anthropologie des sciences et de l’histoire du connoisseurship, la matérialité de l’œuvre est devenue un champ de recherches fécond, contre le formalisme et l’esthétisme, dont témoigne l’essor de l’histoire de la restauration des peintures 35.

30. dezallier d’arGenville, 1762, t. 1, p. xxxix. 31. GinzBurG, 1989. 32. Pour une démarche comparable sur les savoirs techniques, voir hilaire-Pérez et théBaud-

sorGer, 2006.33. Béroujon, 2008.34. montèGre, 2006.35. Burlot, 2005 ; La restauration des œuvres d’art…, 2008.

8 REVUE DE SyNthèSE : tOME 132, 6e SÉRIE, N° 1, 2011

Consacrée aux contrats des peintres toscans aux xive et xve siècles, la contribution d’Étienne Anheim ouvre le dossier. Elle montre que l’expertise est alors une procédure commune, inscrite dans les mécanismes de la commande artistique ; elle témoigne des pratiques juridiques et scripturaires qui structurent les mondes de l’art. De nature contradictoire, indispensable à « la fondation et à la garantie d’une valeur difficile à saisir » dans des situations d’incertitude radicale sur les œuvres, cette expertise (« stima ») se déploie dans un milieu d’artistes professionnels (« magistri artis »), et non pas d’humanistes, encore moins d’amateurs ou de connaisseurs, comme l’ont pour-tant avancé Michael Baxandall et Édouard Pommier. Spécification de qualité, plutôt que d’authenticité, elle porte sur les matériaux utilisés, la qualité du travail artistique et de la réalisation esthétique, et participe donc à la construction d’une économie de produits « singuliers ».

Bénédicte Gady analyse ensuite l’expertise des peintres du roi sous le règne de Louis xIV. L’expertise artistique est-elle le monopole des peintres de l’Académie royale de peinture, engagée dans une lutte avec la corporation ? Si au xviie siècle, la diversité des statuts des artistes appelés comme experts est encore la règle, une différenciation des pratiques s’opère au siècle suivant, liée à la « connexion entre l’expertise et la vente ». Les artistes de l’Académie royale, qui continuent à jouer le rôle d’experts judiciaires lors des conflits entre peintres et commanditaires, disparaissent en revanche dans les inventaires après décès, où les fonctions d’expertise sont remplis par les maîtres pein-tres marchands. L’essor du marché de l’art entraîne alors une « subordination crois-sante de l’expertise au commerce en général, à la vente publique en particulier ».

Joachim Rees opte pour une perspective très différente, puisqu’il se concentre sur les opérations d’expertise et de manipulations (montage, inscriptions, facsimile) que suscite un objet graphique, en l’occurrence un dessin à l’encre attribué à Michel Ange, Étude d’une main en dessinant une autre. Il propose de voir dans le facsimile tiré de ce dessin un « mobile immuable », un lieu d’accumulation et de circulation de savoirs, exemplaire d’un certain type d’expertise dans les mondes de l’art, qui repose à la fois sur un savoir discursif, une fascination pour la culture écrite et un savoir pratique des œuvres. Le caractère auto-référentiel de ce dessin invite Joachim Rees à éclairer un aspect mal connu de l’histoire du connoisseurhip : l’importance de la « culture de la main » (manuality) dans les savoirs experts sur l’art. Ce rapport manuel, matériel à l’œuvre d’art, ainsi annotée et manipulée, produit des savoirs et fait savoir, grâce aux procédés de reproduction. Dans le cas de ce dessin, aujourd’hui attribué à Bartolomeo Passarotti, c’est la communauté des connaisseurs qui l’ont travaillé et inscrit dans un récit historique, pourtant faux, qui participe à l’aura de ce dessin. Les modalités techni-ques de l’expertise sont donc envisagées très finement, comme support de représenta-tion identitaire et comme opération de savoir.

L’article de Noémie Etienne étudie l’expertise des restaurateurs au moment de la naissance du musée. Leurs compétences reconnues dans le domaine de la matérialité des tableaux légitiment leur qualité d’experts dans l’institution muséale et contribuent ainsi à leur reconnaissance socio-professionnelle. La demande d’expertise qui émane du musée du Louvre est colossale au début du xixe siècle et fonde la légitimité du restaura-teur comme figure savante, et non plus seulement comme praticien. L’importance que les restaurateurs prennent au sein du musée consacre parallèlement une nouvelle forme

9C. GUIChARD : PRÉSENtAtION

d’expertise dans les mondes de l’art, fondée sur la matérialité de l’œuvre, qui était jusqu’alors essentiellement réservée à la disposition des collections, privées ou publiques.

Charlotte Guichard s’intéresse enfin au marchand d’art Jean-Baptiste Lebrun, qui joua un rôle crucial dans l’invention muséale, occulté dans l’historiographie par la figure de Dominique-Vivant Denon, plus conforme à la tradition des amateurs, héritée du siècle des Lumières. Sa position de polémiste dans l’espace public de la peinture éclaire ainsi les stratégies identitaires qui rendent possibles la naissance controversée du statut de l’expert, venu du marché, lors de la naissance du musée. Pendant dix ans, l’activité de ce marchand est au cœur de l’entreprise inouïe de collecte, de restauration, et d’identification des peintures menée au musée du Louvre. C’est lui qui choisit pour critères de l’objet muséifié des valeurs venues du marché, comme l’authenticité, la singularité et la qualité matérielle des œuvres, à distance de l’idéal pédagogique du musée voulu par les artistes académiciens, lié à l’ancienne tradition académique du moulage et de la copie. L’activité muséale de Lebrun éclaire l’importance des formes de l’expertise marchande dans la constitution des valeurs fondatrices du musée et invite donc à réinterroger l’opposition classique entre marché et musée.

Utilisée comme intervention méthodologique dans le domaine de l’histoire de l’art, la notion d’expertise permet de rester à distance des grands récits historiques sur la nais-sance des institutions, la libéralisation des arts et des artistes et de montrer au contraire l’importance des situations locales dans la constitution des savoirs sur l’art. Comme le montre le présent dossier, ces savoirs ne sont pas désintéressés ; ils résultent d’une praxis et non pas d’une théorie ; ils sont pris enfin dans des opérations de valeur. Ce dossier espère ainsi échapper à l’opposition traditionnelle entre posture esthétique et posture sociologique en comprenant autrement comment la singularité devient un des paradigmes majeurs des mondes de l’art, à la confluence de la matérialité de l’œuvre et des catégories du jugement artistique, dans des contextes multiples, juridiques, commerciaux, ou muséaux dans lesquels les œuvres sont mises à l’épreuve.

Utilisée comme intervention méthodologique dans le domaine de l’histoire de l’art, la notion d’expertise permet de rester à distance des grands récits sur la naissance des institutions, la libéralisation des arts et des artistes. Elle démontre au contraire l’importance des situations locales et empiriques dans la constitution des savoirs sur l’art. Comme le montre le présent dossier, ces savoirs ne sont pas désintéressés ; ils résultent d’une praxis et non pas d’une théorie ; ils sont pris enfin dans des valeurs venues du marché. Contre l’opposition traditionnelle entre posture esthétique et posture sociologique, ce dossier invite donc à comprendre autrement de quelle manière la singularité devient un des paradigmes majeurs des mondes de l’art, à la confluence de la matérialité de l’œuvre et des catégories du jugement artistique, dans des contextes multiples, juridiques, commerciaux, ou muséaux qui mettent les œuvres à l’épreuve.

LiSTE DES références

anderson (Jaynie), 1999, Collecting Connoisseurship and the Art Market in Risorgimento Italy. Giovanni Morelli’s Letters to Giovanni Melli and Pietro Zavaritt (1866-1872), Venise, Istituto veneto di scienze, Lettere ed Arti.

10 REVUE DE SyNthèSE : tOME 132, 6e SÉRIE, N° 1, 2011

arasse (Daniel), 1992, Le Détail. Pour une histoire rapprochée de la peinture, Paris, Flamma-rion, 1996.

Barthe (yannick), callon (Michel) et lascoumes (Pierre), 2001, Agir dans un monde incer-tain : essai sur la démocratie technique, Paris, Le Seuil.

Baxandall (Michael), 1985, L’Œil du Quattrocento. L’usage de la peinture dans l’Italie de la Renaissance, trad. franç. yvette delsaut, Paris, Gallimard.

Béroujon (Anne), 2008, « Comment la science vient aux experts. L’expertise d’écriture au xviie siècle à Lyon », Genèses. Sciences sociales et histoire, n° 70, p. 4-25.

Bessy (Christian) et chateauraynaud (Francis), 1995, Experts et faussaires. Pour une sociologie de la perception, Paris, Métailié.

Blanc (Charles), 1857, Le Trésor de la curiosité, Paris, Renouard.BreWer (John), 2009, The American Leonardo. A Tale of Obsession, Art and Money, Oxford,

Oxford University Press.Brian (Éric), 1994, La Mesure de l’État : administrateurs et géomètres au xviiie siècle, Paris,

Albin Michel. Burlot (Delphine), 2005, « Contrefaçons de peinture murale antique. “La scène égyptisante” du

Louvre et autres exemples », Revue du Louvre et des musées de France, n° 5, p. 54-63.crary (Jonathan), 1994, L’Art de l’observateur : vision et modernité au xixe siècle, Nîmes,

Jacqueline Chambon.croW (thomas), 2000, La Peinture et l’espace public à Paris au xviiie siècle, trad. franç. André

jacQuesson, Paris, Macula.dacosta KauFmann (thomas), 2004, Toward a Geography of Art, Chicago/Londres, the

University of Chicago Press.de certeau (Michel), 1990, L’Invention du quotidien. 1-Arts de faire, Paris, Gallimard.dezallier d’arGenville (Antoine-Joseph), 1762, Abrégé de la vie des plus fameux peintres,

Paris, De Bure l’aîné.dias (Nélia), 2004, La Mesure des sens : les anthropologues et le corps humain au xixe siècle,

Paris, Aubier.dias (Rosie), 2004, « A World of Pictures : Pall Mall and the topography of Display,

1780-1790 », dans oGBorn (Michael) et Withers (Charles), Georgian Geographies. Essays on Space, Place and Landscape in the Eighteenth-Century, Manchester, Manchester Univer-sity Press, p. 92-113.

Farcy (Jean-Claude), KaliFa (Dominique) et luc (Jean-Noël), dir., 2007, L’Enquête judiciaire en Europe au xixe siècle, Paris, Créaphis.

GiBson-Wood (Carol), 2000, Jonathan Richardson, Art Theorist of the English Enlightenment, New haven, yale University Press.

GinzBurG (Carlo), 1989, Morphologie et histoire, Paris, Flammarion.GinzBurG (C.), 2001, À distance : neuf essais sur le point de vue en histoire, trad. franç. Pierre-

Antoine FaBre, Paris, Gallimard.Grenier (Jean-yves), 2003, « Une économie de l’identification. Juste prix et ordre des marchan-

dises dans l’Ancien Régime », dans Stanziani (Alessandro), dir., La Qualité des produits en France (xviiie-xxe siècles), Paris, Belin, p. 25-53.

Griener (Pascal), 2010, La République de l’œil. L’expérience de l’art au siècle des Lumières, Paris, Odile Jacob.

Guichard (Charlotte), 2002, « Arts libéraux et arts libres à Paris au xviiie siècle : peintres et sculpteurs entre corporation et Académie royale », Revue d’histoire moderne et contempo-raine, n°49-3, p. 54-68.

11C. GUIChARD : PRÉSENtAtION

Guichard (C.), 2008, Les Amateurs d’art à Paris au xviiie siècle, Seyssel, Champ Vallon.hasKell (Francis), 1988, La Norme et le caprice. Redécouvertes en art, trad. franç. Robert

Fohr,Paris, Flammarion, havelanGe (Carl), 1998, De l’œil et du monde : une histoire du regard au seuil de la modernité,

Paris, Fayard.heinich (Nathalie), 2005, L’Élite artiste. Excellence et singularité en régime démocratique,

Paris, Gallimard.hilaire-Pérez (Liliane) et théBaud-sorGer (Marie), 2006, « Les techniques dans l’espace public.

Publicité des inventions et littérature d’usage au xviiie siècle (France, Angleterre », Revue de synthèse, t. 127, n° 2, p. 393-428.

lamouroux (christian), dir., 2010, Travail et savoirs techniques dans la Chine prémoderne : transmission et expertise lettrée, numéro spécial de la Revue de synthèse, t. 131, n° 2.

La Restauration des œuvres d’art, éléments d’une histoire oubliée xviiie-xixe siècle, 2008, numéro spécial de la revue Technè, n° 27-28.

latour (Bruno) et Woolgar (Steve), 1988, La Vie de laboratoire : la production des faits scien-tifiques, trad. franç. Michel BiezunsKi, Paris, La Découverte.

lePetit (Bernard), 1995, Les Formes de l’expérience : une autre histoire sociale, Paris, Albin Michel.

licoPPe (Christian), 1996, La Formation de la pratique scientifique. Le discours de l’expérience en France et en Angleterre (1630-1820), Paris, La Découverte.

michaud (Éric), 2004, Histoire de l’art : une discipline à ses frontières, Paris, hazan.montèGre (Gilles), 2006, « L’expertise artistique entre science et politique. Échanges et contro-

verses autour de l’origine des marbres antiques entre Rome et Paris (1773-1818) », Genèses. Sciences sociales et histoire, n° 65, p. 28-49.

moulin (Raymonde) et Quemin (Alain), 1993, « La certification de la valeur de l’art. Experts et expertises », Annales. Économies, sociétés, civilisations, n° 6, p. 1421-1445.

Pestre (Dominique), 2007, « L’analyse de controverses dans l’étude des sciences depuis trente ans. Entre outil méthodologique, garantie de neutralité axiologique et politique », Mil neuf cent, n°25, p. 9-43.

Pomian (Krzysztof), 1987, Collectionneurs, amateurs et curieux. Paris-Venise : xvie-xviiie siècle, Paris, Gallimard.

Porret (Michel), 2008, Sur la scène du crime. Pratique pénale, enquête et expertise judiciaires à Genève (xviiie-xixe siècle), Montréal, Presses Universitaires de Montréal.

reddy (William), 1984, The Rise of Market Culture. The Textile Trade and French society, 1750-1900, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme.

raBier (Christelle), dir., 2007, Fields of expertise : a comparative history of expert procedures in Paris and London 1600 to present, Newcastle, Cambridge Scholars Publishing.

savoy (Bénédicte), 2003, Patrimoine annexé : les biens culturels saisis par la France en Allemagne autour de 1800, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme.

shaPin (Steven) et schaFFer (Simon), 1993, Léviathan et la pompe à air : Hobbes et Boyle entre science et politique, trad. franç. thierry Piélat, Paris, La Découverte.

solKin (David h.), 1993, Painting for Money: the Visual Arts and the Public Sphere in Eighteenth-Century England, New haven/Londres, yale University Press.