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La communication publique écrite à Rome, sous la République et le Haut Empire

Claudia Moatti

Qu’est-ce que gouverner ? Faire croire, écrivait Hobbes. Et comment faire croire sinon

en communiquant ? La République romaine ni l’Empire n’ont échappé à cette règle. Chaque

régime avec des moyens différents, parce que les institutions se sont transformées, mais aussi

les dimensions de l’empire et les modes d’administration. Pour autant, Rome a-t-elle pensé en

tant que tel un système de communication, que ce soit à l’intention des citoyens ou des

pérégrins ? Ce qu’on peut dire, c’est qu’à partir de la fin de la République le souci de

communiquer s’est de plus en plus explicité et que la communication écrite s’est

considérablement accrue. Sous quelles formes ? Avec quelles conséquences ?

L’exposé qui suit concernera les formes écrites par lesquelles les institutions centrales

communiquent, c'est-à-dire transmettent leurs messages — ce qu’on peut appeler la

communication écrite publique. Le pouvoir n’existe qu’en acte, écrivait Foucault : mais écrire

est aussi un acte et c’est même en tant que tel qu’il nous intéresse. Cette définition ne prend

donc pas en compte tout l’écrit public, mais seulement l’écrit qui met en relation et contribue

par là au contrôle social, donc en premier lieu les inscriptions. C’est indubitablement là que

s’affirme d’abord le pouvoir — avant même d’être consacré empereur, dit Pline le Jeune à

Trajan, tu l’étais “ au témoignage des inscriptions (titulis)”1 — ou qu’on en condamne la

mémoire : la damnatio memoriae, qui s’en prend uniquement aux formes visibles du pouvoir

honni, se réalise principalement sur les inscriptions, par la rature du nom du mauvais

empereur2. Est-il besoin de préciser toutefois que la communication écrite publique ne se

réduit pas à l’épigraphie, et que cette dernière est, par ailleurs, une pratique sociale largement

partagée par toutes les couches de la société, à Rome comme dans les municipes3 et dans les

provinces4, et pour de multiples usages (auto-célébration, expression d’une opinion,

1 Pline, Panégyrique, 20 ; cf. Tac Hist. IV, 67. 2 Et par la suppression de son image visible dans le paysage urbain : sur ce processus, voir l'étude classique de F. Vittinghoff, 1936 ; plus récemment E.R. Varner, 2000. 3 Lex Irnitana, cap. 85 ; 86 ; 95 (AE, 1986, 333 ; G.Gonzalès, JRS 76, 1986, p.147-243) ; lex Malacitana 51 (= FIRA I, n° 24). 4 Cf. W. Eck, A. Caballos et F. Fernandez, 1996 B, p. 254 suiv.

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information privée…)5 ? Un pluralisme qui s’est maintenu sous l’Empire, bien que l’on

constate, dès l’époque d’Auguste, une tendance du prince à monopoliser certains espaces,

notamment dans la ville de Rome6.

Même ainsi réduit, le propos demeure complexe. Dans les sociétés antiques, l’écrit est

en effet rarement autonome. Il est souvent associé à l’oral, c'est-à-dire à la lecture publique,

qu’il s’agisse d’un édit destiné à être lu devant le peuple, ou d’un décret voté par une cité et lu

par une légation à un gouverneur, à l’Empereur ou au Sénat7. L’écrit est aussi parfois associé

aux images (portraits, statues, reliefs, monnaies), dont l’efficacité communicationnelle a été

bien démontrée par Paul Zanker notamment, et aux rituels : sous la République, les

informations sur la guerre étaient données non seulement au cours d’assemblées (contiones),

par des discours ou par la lecture publique des lettres des généraux, mais aussi par des actions

de grâces ou supplicationes, porteuses autant d’informations que d’expression du pouvoir8.

Ces rituels étaient de véritables actes de communication, comme pouvaient l’être le triomphe,

cérémonie de la victoire au cours de laquelle étaient diffusées par écrit, sous forme de

pancarte (les tituli) et de tableaux, des informations concrètes (nombre de captifs, montant du

butin, tableaux illustrant les pays soumis ou les batailles), autant que des représentations (la

toute-puissance romaine). Dans tout message, le contenu a autant d’importance que la forme,

le style et le fait même de communiquer. Nous y reviendrons.

L’autre problème lié à la communication écrite concerne la réception du message, qui

suppose un certain degré d’alphabétisation de la société. Sans tomber dans la polémique

chiffrée9, on peut sans aucun doute supposer un niveau assez élevé d’alphabétisation au

5 Voir l’article stimulant de G. Woolf, 1996. 6 Comme le remarque W. Eck, à partir de 22 av. J.-C, est progressivement enlevée à l’aristocratie sénatoriale toute tentative de se mettre en valeur, qu'il s'agisse de l’approvisionnement de la cité, de la gestion des incendies, des constructions et de la frappe de la monnaie. Mêmes les honneurs cultuels offerts, dans les provinces, aux gouverneurs ou autres personnages officiels disparaissent lentement au cours du principat d’Auguste. Ainsi se transforment rapidement les modes d’auto-représentation de l’aristocratie (1995, p. 272-273). Cela montre bien, s’il fallait encore le prouver, le rôle symbolique de la communication épigraphique. 7 Au point que les empereurs ont dû légiférer pour limiter les déplacements des légations, dont la réception constituait une de leurs principales tâches. Cf. F. Millar, 1977, p. 375 suiv. Sur le rôle de la lecture à voix haute ou recitatio, voir les remarques de E. Valette-Cagnac, 1997, p. 171-303 ; et E. Meyer, 2004, p. 73 - 90. 8 Sur les images, voir P. Zanker, 1987 ; S.R.F. Price, 1984 ; C. Ando, 2000, p.232 suiv. ; sur les supplicationes, voir l'article de G. Freyburger, 1978 ; sur le rôle des rituels comme moyens de commnication, voir aussi B. MacBain, 1984 à propos des prodiges comme moyens de communication entre Etats. 9 W. Harris, par exemple, parle de 20 à 30 % d’alphabétisés à Rome et en Italie à cette époque (1989, p.248 suiv.). Voir aussi le débat animé autour de ce livre par J.H. Humphrey, 1991.

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dernier siècle de la République. Alors que l’écrit était, dans ses origines, associé au secret10,

son usage s’est répandu de plus en plus dans le milieu de l’élite romaine comme mode

d’information, de gestion, mais aussi comme espace de sociabilité, comme lieu de débat

politique, comme moyen de penser même11. Sous l’Empire, cette pluralité ne disparaît pas

tandis que se multiplient les formes de l’écrit impérial. À cette époque, l’alphabétisation

concerne des couches plus larges de la population : en témoignent (outre l’apparition de

formes populaires de la littérature) les développements de l’épigraphie, y compris des

graffiti12, ou encore la quantité de documents révélés par les découvertes archéologiques :

transactions commerciales et bancaires, archives privées, militaires, publiques retrouvées sur

toutes sortes de support (papyri, tablettes de bois, ostraka13)... Cela ne nous dit pas grand-

chose sur la valeur réelle attribuée au document écrit (conservation d’une parole ou valeur

probatoire ?) mais cela en dit long sur l’accroissement des pratiques d’écriture dans le monde

romain : une situation qui se transforme dans l’Antiquité tardive où l’alphabétisation recule14,

10 Si l’écrit n’est pas la spécificité du pouvoir, elle lui est associée dès l’origine. Décrivant l’autorité vénérable du très antique roi Evandre, Tite-Live la disait “fondée sur la magie des lettres” — miraculo litterarum (I, 7, 8). Dans la connaissance de l’écriture se dit déjà le pouvoir de celui qui nomme, connaît la grammaire, l’éloquence, l’histoire, inscrit chaque chose à sa place. Tel fut aussi, au moins jusqu’au IIé s. avant notre ère, le prestige des Pontifes détenteurs de tous les savoirs de la cité (l’histoire, les fastes, le droit), dont la divulgation, à la fin du IVe siècle, fut perçue comme un acte utile mais subversif. Cette association entre le pouvoir et l’écrit repose sur le lien qu’ils entretiennent tous deux avec le secret, l’enfouissement. Du reste, on peut penser que les premières archives étaient conçues comme telles : elles tenaient, enfoui à l’intérieur du Trésor public ou gravé sur des tables d’airain souvent illisibles, le souvenir des actes politiques (sénatus-consultes, lois, traités, correspondance officielle etc.) et administratifs (les documents financiers, judiciaires, censitaires auxquels s’adjoignirent à la fin de la république les procès-verbaux des séances du Sénat ou de la ville). Ces documents bien gardés étaient avant tout et littéralement “ le trésor ” de la mémoire publique, éternelle et sacrée, du peuple romain — de la même manière que les commentarii, les registres des magistrats où étaient consignés leurs actes et qui étaient conservés dans les demeures privées, étaient une partie de leurs “ biens ancestraux ”, selon l’expression de Denys d’Halicarnasse (Antiquités Romaines, I, 74 : “ les registres censoriaux que le fils reçoit de son père et prend grand soin de transmettre à ses descendants comme des biens sacrés et ancestraux ; nombreux sont les hommes illustres issus de familles censoriales qui les conservent ”). Il y avait, bien sûr, à côté de ces documents considérés comme le patrimoine du peuple romain et symbole de son éternité, d’autres archives administratives, judiciaires, religieuses, qui servaient à la gestion quotidienne de la cité et qui, pourrait-on dire, n’avaient pas à voir avec l’éternité, mais avec le temps historique, passé et présent, des institutions. Sous l’Empire, ce sont par exemple les archives de la chancellerie impériale. 11 C. Moatti, 1997, ch. IV. 12 Cf.. J.L. Franklin Jr., 1991. 13 Sur les documents commerciaux et bancaires, voir J. Andreau, 1974 ; G. Camodeca, 1999 ; Id., 1993 ; L. Bove, 1984 ; sur les documents militaires, voir par exemple A.K. Bowman et J.D. Thomas, 1983 ; A.K. Bowman, 2003. Sur l'importance des documents écrits dans la pratique juridique romaine, voir désormais E. Meyer, 2004. 14 Cf. G. Cavallo, 1992 ; A. Petrucci, 1986, ch.1.

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où la communication écrite est monopolisée par le milieu ecclésiastique et par la

bureaucratie15.

L’essentiel de cet exposé portera sur la communication publique écrite à la fin de la

République et sous le Haut Empire, sur ses formes et sur ses fonctions16. La synthèse est

difficile, les pratiques étant très diversifiées, et nos sources n’étant ni uniformes ni originelles.

En effet, l’enquête se fait surtout à partir de témoignages secondaires (documents non

officiels), ou indirects (les sources juridiques et historiques). Ce qui ne nous permet donc pas

toujours de comprendre correctement certains aspects de la communication, par exemple les

vecteurs de la diffusion de l’information officielle dans le monde romain.

Qui communique par écrit ?

Sous la République, il n’existe pas de pouvoir unifié qui organise la communication.

L’époque est placée sous le signe de la pluralité et chaque institution a ses propres modes de

communication. Pour le Sénat, c’est l’oralité qui prime pour recevoir des demandes ou pour y

répondre. L’assemblée ne communique pas directement par écrit, ou très peu17, avec le peuple

ou les sujets, du moins jusqu’en 59, date à laquelle César crée les acta senatus, c'est-à-dire

fait afficher les sénatus-consultes et les procès-verbaux des séances sénatoriales. Une mesure

sur laquelle Auguste reviendra ensuite très vite18. L’autorité des décisions du Sénat n’est donc

en principe liée qu’à leur enregistrement aux archives, non à leur publication ; les sénatus-

consultes sont littéralement enfouis à l’Aerarium Populi, au Trésor public, dans le temple de

Saturne19. La transmission des décisions sénatoriales est assurée par des médiations multiples,

qui ne relèvent pas de l’assemblée elle-même, et même qui ne sont le plus souvent pas

15 Alphabétisme et codex deviennent donc les prérogatives de la gestion gouvernementale et du contrôle. La législation justinienne (Novelle 6,4, et 73, 8) en excluant de la vie civile et religieuse tous ceux qui ne peuvent écrire et lire, sanctionne une situation de fait. Voir par exemple, D. Feissel, 1999, p.265 ; H.C. Teitler, 1985. Même chose dans les cités de l’Empire, selon C. Lepelley, 1979, I, p. 223 suiv. Un détail en dit long sur la place consacrée de l’écrit : à cette époque, au IVe s., apparaissent, comme art de cour, les diptyques d’ivoire avec représentation de l’Empereur. Or les diptyques, formés de deux tablettes réunies par une charnière, étaient, entre autres, utilisés comme supports des décrets impériaux. Ces tablettes sont désormais offertes au début de l’année à un haut fonctionnaire ou à un magistrat, peut-être même à l’Empereur, au moment de leur entrée en charge. 16 Le sujet n’est évidemment pas neuf. On renverra principalement à l’article programmatique de M. Corbier (1985), uniquement consacré à Rome, et, plus proches de notre point de vue, aux travaux de W. Eck (1996 ; 1996 B ; 1999) et F. Millar (1977 ; 2000), ainsi qu’à C.Ando, 2000. 17 Un des rares décrets du Sénat qui ait été accompagné d’indications concernant sa diffusion est le sénatus-consulte sur la répression des Bacchanales en 181 av. J.-C. : ordre est donné d’en faire lecture publique aux jours de marché et d’afficher les prescriptions sur les tables de bronze dans un lieu facile d’accès (=FIRA, I, 30). 18 Sur ces acta senatus, voir M. Bats, 1994 et M. Coudry, 1994. Sur la signification de cette mesure, voir aussi C. Moatti, 1997, p.207-208. 19 Sur cette idée, voir ci-dessus note 10.

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suscitées par elle : les réseaux privés des sénateurs20, les représentants des communautés

municipales et provinciales, qui sont les porte-parole des réponses du Sénat et peuvent aussi

demander copies des décisions21, enfin les magistrats supérieurs (consuls, préteurs) qui, soit

spontanément22, soit sur ordre du Sénat23, soit à la demande des légations24, font connaître les

décisions par édit ou par lettre25, aux cités s’il s’agit d’un cas particulier, ou aux gouverneurs

de province26, s’il s’agit de répercuter l’information auprès de plusieurs communautés27. Sous

l’Empire, les sénatus-consultes sont pour une bonne part communiqués à l’initiative de

l’empereur28 ; il y a des exceptions (tel est le cas du décret sur les honneurs accordés à

20 Cicéron, ad Fam. 8, 8, 9. 21 FIRA I, n° 38 = Sherk, RDGE, p. 163, n. 28 ; Girard, 1977, p. 404 (VI, 9). Il s’agit de la lettre d’Octavien à Plarasa Aphrodisias, datée de 39 ou 42 av. J.-C. : “ votre messager non seulement a approuvé les décisions prises, mais m’a exhorté à vous envoyer des copies (ta antigrapha) tirées de nos archives publiques (ek tôn dèmosiôn deltôn) du décret qui vous a été rendu, des S.C., du serment et de la loi vous concernant […] Voici donc ci-dessous les copies des bienfaits qui vous ont été accordés. ” Cf. aussi SIG3, 679 II b = RDGE 7 = RGE 34 (lettre du préteur Marcus Aemilius avec un décret du Sénat concernant Magnésie et Priène : moitié du IIe s. av. J.-C.) ; ou encore OGIS 441 = Sherk, RDGE 18 = RGE 63 : lettre à Stratonicée, une cité qui resta loyale aux Romains dans la guerre contre Mithridate, lettre dans laquelle Sylla informe qu’il a transmis aux ambassadeurs de la cité, qui le demandait, le décret du Sénat la concernant (ligne 15). 22 FIRA I, 36 = Sherk, RDGE 23 : sc. de Oropii agris (73 av. J.-C.), décret concernant le règlement d'une querelle entre les publicains et la cité d'Oropos à propos des terres du dieu Amphaiareus. Les consuls envoient non seulement le s.c. mais aussi d'autres documents, notamment les décrets de Sylla attribuant l'immunité aux terres du dieu. 23 FIRA I, 35 = Sherk, RDGE 22 = RGE 66 : sc de Asclepiade (78 av. J.-C.) : décret concernant les privilèges (citoyenneté, privilèges fiscaux, droit d'ambassade) accordés à trois capitaines de navires qui ont rendu service à la République durant la guerre sociale : “ les consuls doivent envoyer des lettres à nos magistrats qui sont en charge de l’Asie et de la Macédoine et aux magistrats des cités pour leur dire que le Sénat souhaite et juge juste que cela soit exécuté de cette manière ” ; Cf. SIG3 611 = Sherk, RDGE 38 = RGE, 16 ; IG IV2 1.63 = Sherk, RGE, 51. 24 Voir note 21. 25 Cf. s.c. de Tiburtibus (FIRA, I, 33). 26 Cf. s.c. de Asclepiade, l.10 (FIRA, I, 35) = Sherk, RDGE,22 = RGE, 66. 27 Même chose pour les lois : la lex de 100 av. J.-C. (lex de Piratis dans FIRA I, 9 ou lex de provinciis praetoriis dans Crawford, RS, 12) avec ses deux exemplaires de Delphes et de Cnide (voir aussi M. Hassal, M. Crawford et J. Reynolds, 1974 et M. Crawford éd., 1996) confie aux consuls le soin de faire savoir aux alliés que Rome a agi pour leur sécurité (exemplaire de Cnide, col. III, ll.26-41) ; elle exhorte le gouverneur de la province d’Asie à envoyer des lettres portant la même information aux cités et aux royaumes concernés. Des indications sont ajoutées à la fin de la col.III sur la manière de faire graver le document. Ces indications ne sont pas isolées dans les sources : voir par exemple, SIG 694 de 129 B.-C.: résolution de la boulè de Pergame sur la manière de graver et de publier des documents qui arrivent de Rome. Cf. R. Haensh, 1992, p. 249 pour l’Empire. 28 Comme le montre déjà le 5e édit de Cyrène. Auguste y ordonne que le s.c. concernant la sécurité des alliés de Rome soit envoyé dans les provinces et rattaché à son édit pour rendre manifeste “ avec quel soin moi-même et le Sénat nous veillons à ce qu’aucun de nos sujets ne souffre indûment quelque tort et ne subisse quelque exaction ” (FIRA I, 68, 5, ll. 80-83) ; ou encore la lettre envoyée par Trajan à la cité de Pergame en 112, qui comporte un s. c. autorisant la cité à organiser des jeux quinquennaux en l’honneur de Trajan (CIL III 7086 = IGR IV 336 = F.F.Abott-A.C.Johnson, 1968, 73 ). Ce système de transmission des sénatus-consultes était-il aléatoire ou permettait-il aux habitants de l’empire de se tenir régulièrement informés ? Dans un rescrit, Septime Sévère et Caracalla, répondant à un sénateur

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Germanicus ou de celui concernant le procès de Pison père qui prévoient des règles précises

pour l’affichage)29, mais elles sont rares et surtout, dans ces cas, le prétexte de la publication

est moins la décision sénatoriale que le discours du prince qui l’accompagne.

À l’époque républicaine, la communication publique écrite relève donc principalement

des magistrats, aussi bien dans les rapports avec le monde extérieur (par le biais de la

correspondance, nous l’avons vu), qu’avec le peuple romain30 ; cette dernière leur est même si

bien réservée que Dion Cassius souligne comme un trait de républicanisme de la part de

Caligula, au début de son règne, le fait qu’il passait par les consuls pour s’exprimer (58.21.3)

et donc “ n’envoyait aucune communication écrite au peuple ni au Sénat ” (59.3.1).

L’un des principaux instruments de cette communication est l’édit. Lu à haute voix par

un crieur public (praeco), le plus souvent devant le peuple réuni en contio, puis affiché31,

l’édit peut diffuser un ordre, une information, une opinion même32, et fait partie des

qui se demande s’il est obligé de recevoir des hôtes officiels, s’étonnent que le sénateur ne connaisse pas le sénatus-consulte par lequel la question a été réglée : “ si tu consultes un expert (peritus), ajoutent les empereurs, tu apprendras qu’il n’est pas nécessaire à un sénateur de recevoir des hôtes malgré lui.” (C.P.Jones, 1984). Était-il donc plus simple pour un sénateur de consulter un juriste que d’avoir accès au texte du décret sénatorial ? Sur la question plus générale de savoir ce qu'était le degré de connaissance des lois et textes juridiques par les citoyens et les provinciaux, voir les remarques de M. Crawford, 1988 et de H. Galsterer, 1986. 29 Sur ces deux s. c. et leur transmission, voir les remarques de W. Eck, A. Caballos et F. Fernandez, 1996 B, p. 254 suiv. Dans le cas de Pison, le Sénat a réglé, par une résolution particulière, la publication (propositio) des résultats du procès contre lui-même, sa famille et ses comites à la fois à Rome et dans les provinces, où il est ordonné de publier le décret dans le lieu le plus fréquenté de la ville la plus fréquentée. Dans les deux cas, la publication sert autant à informer (et donc à assurer l’exécution d’un ordre) qu’à exalter le pouvoir central. Autre exemple dans Tac. Ann. III, 63 : pour les s.c. accordant le droit d'asile (asyleia) aux cités grecques, “ ordre fut donné de les graver dans le bronze, puis de les fixer dans chaque temple, pour que la mémoire en fût consacrée et que, sous prétexte de religion, on n’en arrivât pas à des complaisances coupables ”. 30 Les magistrats qui communiquent avec le peuple de Rome par édits ou avec les sujets par édits et par lettres sont les consuls, préteurs, édiles curules, censeurs, tribuns de la plèbe, ou encore les gouverneurs, qui ont développé, avec le temps, tout un système de communication écrite non seulement avec le centre, mais avec les communautés locales et les provinciaux : c’est un domaine très bien documenté (en Egypte ou ailleurs, par les sources épigraphiques et par les sources littéraires, la correspondance de Pline, par exemple). 31 Sur la voix comme moyen d’organiser la communauté politique, Cf. Aristote, Polit. IV (VII) 4, 1326a17-b24. Sur les édits, Cf. T. Mommsen, I, 1892, p.218 suiv. ; F. von Schwind, 1940, p.49 suiv. ; RE s.v. edictum, V, 1941 suiv. Sur le crieur public à Rome, le texte le plus intéressant à ce sujet, outre Cicéron, Pro Quinctio (11 ; 49 ; 95), est Apulée, Florides, 9 : Praeco proconsulis et ispe tribunal ascendit, et ispe togatus illic videtur, et quidem perdiu stat aut ambulat aut plerumque contentissime clamitat ; enimvero prconsul ipse moderata voce rarenter et sedens loquitur et plerumque de tabella legit,quippe praeconis vox garrula ministerium est, quae semel lecta neque augeri littera una neque autem minui potest, sed utcumque recitata est, ita provinciae instrumento refertur. 32 Suét., Div.Jul. 75. 5 : César fait savoir par édit qu’il est au courant d’une conspiration ; Dion Cassius, 44, 10, 2 : les tribuns, réprimés par César qui les accuse d’insolence, se plaignent par édit de perdre leur liberté de parole. Sur cet usage politique de l’édit sous l’Empire, cf. aussi M. Benner, 1975, p. 40 suiv.

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nombreuses publications éphémères qui scandent la vie publique du citoyen : listes de jurés,

convocations de tous ordres, ou encore, jusqu’au II e s avant notre ère au moins, table des

Pontifes présentant les principaux événements du moissur un support provisoire blanchi à la

chaux (l’album)33 ; lisibles, ces publications sont associées à la lecture orale et participent

donc d’un rapport direct avec les destinataires. Ils diffèrent en ce sens des affichages durables,

sur bronze ou pierre (pour les textes des lois, les traités, les listes d’amis du peuple Romain,

ses bienfaits …), qui ont pour fonction, plus que d’informer, de garder la mémoire de certains

actes et de symboliser le pouvoir romain, dont ils sont même l’énorme signifiant34 ; la

dimension symbolique de ces tables de bronze reste très forte sous l’Empire, notamment dans

les provinces où elles représentent le nom romain. Aussi peuvent-elles apparaître comme

garantes de la protection de Rome ou, au contraire, comme le signe de son oppression : lors

d’une rébellion, ce sont elles qu’on met à bas en premier35.

De manière générale, la fin de la République est marquée par un souci d’afficher plus

d’informations provisoires et de rendre plus visibles les procédures, que ce soit dans le

domaine judiciaire, comme l’attestent par exemple la loi épigraphique judiciaire de repetundis

de 123/122 av. J.-C.36 et la loi coloniale d'Urso d'époque césarienne37, ou dans le domaine

politique : tel est le sens de l’affichage, à partir du consulat de César, en 59, des acta senatus

et des acta urbis38. Cela fait-il partie de la démocratisation de la société romaine (liée à une

33 Cf. W. Frier, 1979 ; G. S. Bucher, 1995. Il faudrait en effet, dans une étude exhaustive sur la communication à l’époque républicaine, faire une place à celle des sacerdoces. 34 Dans le sénatus-consulte sur le procès de Cn. Pison, l’un des affichages avait pour but de faire connaître “ la modération exceptionnelle de Germanicus César et les crimes de Cn. Pison Père à la mémoire de la postérité (posterorum memoriae). ” (AE 1996, 885, ll.165 suiv. = CIL II2, 5, 900). Sur la valeur symbolique du bronze, voir Pline l'Ancien, Nat.Hist., 34, 99 ; Pline le Jeune, Panég. 75 ; et les remarques de C. Williamson, 1987. 35 Cf. Tac., Hist., I, 67 ; Jos., Bell.Jud. 7,110 : les gens d’Antioche demandent à Titus d’expulser les Juifs de leur ville. À son refus, ils lui demandent au moins d’enlever les tables où étaient inscrits les droits des Juifs. 36 Sont publiés la sélection du jury, le serment devant les rostres, au forum, la procédure de vote (par écrit mais ouvertement, en montrant au peuple le jeton qu’il met), la distribution d’argent, la récompense pour les accusateurs etc. Voir sur ce document les remarques d’A.Lintott, 1992 : une manière, selon lui, de remettre en cause l’autorité du Sénat. 37 Lex coloniae genetivae seu Ursonensis : CIL II (Suppl.1892) 5439 = FIRA I, 21 = Crawford, RS, I, 25 ; voir aussi le fragment de Tarente (Crawford, RS, 8) : texte mal identifié (peut-être une loi de repetundis, mais laquelle ?), qui, aux lignes 12-18, prévoit des modes de communication publique (enregistrement et affichage) concernant non le texte de la loi (à la différence de la loi épigraphique de 123), mais des listes de noms, peut-être selon M. Crawford, des bénéficiaires de citoyenneté. Comme il le rappelle (p. 216), la seule exigence qu’imposait Rome quand elle réclamait la publication d’un texte était que ce texte fût affiché dans un lieu où la publicité fût sûre : voir aussi la Lex de provinciis praetoriis, copie de Delphes, B, ll.24-6 (Crawford, RS, p.241). 38 Innovation sur laquelle Auguste reviendra en partie, en supprimant non la rédaction des acta senatus, mais leur publicité, rétablissant donc le secret qui entourait l'Assemblée. Traditionnellement,

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réaction anti-sénatoriale) ou de sa rationalisation39 ? Ces actes traduisent en tout cas une

volonté de renforcer la communication publique, un souci pédagogique, et surtout une

certaine confiance en la valeur du document public : dans le même sens, on rappellera les

mesures visant à lier davantage le préteur à son édit d’entrée en charge ou à protéger les

documents publics contre la falsification ou la destruction40.

César fut sans doute un des premiers à comprendre que la communication écrite

pouvait être également un mode d’action politique, sinon de gouvernement. Alors que les

bulletins de guerre des généraux devaient être adressés au Sénat dans une forme officielle et

transmis au peuple sous contrôle de la haute assemblée, César les diffusa par l'intermédiaire

de ses amis41 ; quant aux messages adressés au Sénat, il en abandonna la forme solennelle42.

en effet, au nom d'une solidarité de classe, les sénateurs étaient tenus à la réserve et étaient collectivement responsables de leurs décisions. La réforme de César mettait pour la première fois en lumière le déroulement même des séances et les en rendait individuellement responsables, puisque l’opinion de chacun était révélée. Déjà, en décembre 63, Cicéron, alors consul, avait recouru à ce procédé : il avait confié à des sénateurs "sachant écrire vite" la mission de noter toutes les dépositions des Gaulois Allobroges et leurs révélations sur la conjuration de Catilina (sans oublier les questions des sénateurs eux-mêmes) ; puis, au lieu de conserver ce document dans sa demeure, comme c'était l'usage, il l'avait largement diffusé, “à Rome, en Italie, dans toutes les provinces”, selon ses propres mots (pro Sulla, 45). Le document, écrit en quelque sorte sur le vif, constituait une preuve à jamais établie, une mémoire vraiment authentique, que nul ne pourrait l'accuser d'avoir falsifiée, mais aussi un moyen redoutable d'information. Pour la bibliographie concernant les acta, voir plus haut note 18. 39 Sur ce thème, voir C. Moatti, 1997, notamment p. 207-8. 40 La lex de peculatu punissait l’accès aux archives sans autorisation du responsable ou encore toute atteinte portée aux documents publics : voir D.48, 13.11.9.5 (Paul, lib.sing. de iudic.publ.) : “ Le Sénat a ordonné que tombent sous la lex de peculatu ceux qui, sans l’ordre de la personne en charge, ont donné la permission de consulter ou de copier des archives ”. ; 2) contre tout atteinte portée aux documents eux-mêmes : D.48, 13, 10 (Venuleius Saturninus, lib. tert .iudiciorum publicorum ) : “ Celui qui a décroché ou changé quelque chose à une table de bronze portant une loi ou à une carte des distributions de terres ou (à une table de bronze) portant quelque chose d’autre qu’il tombe sous la lex de peculatu. De même celui qui a retiré ou ajouté quelque chose aux archives publiques ”. ; sur la datation de la lex de peculatu, cf. F.Gnoli, 1979 ; sur les falsifications voir aussi Ph. Moreau, 1994. 41 Voir Plut., Ant.7. Après lui, la guerre civile va prendre la forme d’une guerre de communication : désinformation, propagande, information passent notamment par les affichages, la correspondance, la monnaie et la littérature. Cf. P. Jal, 1963. 42 Suet. Div. Jul. 56, 6 : selon Suétone, epistulae quoque eius ad senatum exstant quas primum videtur ad paginas et forma mmemorialis libelli convertisse, cum antea consules et duces non nisi transversa charta scriptas mitterent. Les spécialistes de codicologie et de papyrologie ont montré les premiers que transvera charta renvoyait à une écriture parallèle à l'axe du rouleau, qui devait être donc le mode de présentation traditionnel des lettres officielles au Sénat (voir E.G. Turner, 1978, p. 27-32). Reste à déterminer la double innovation de César : non seulement, changeant le sens de présentation des feuillets, il les divisa en colonnes (paginas), comme l'ont montré C.H. Roberts et T.C.Skeat, 1983, p. 19 ; mais, écrit Suétone, il transforma la présentation ad formam memorialis libri. La formule est obscure : renvoie-t-elle à la forme des lettres, par exemple à une forme de "note-book", comme la plupart des commentateurs l'ont supposé (Robert et Skeat, ibid.ï) ? Ou bien s'agit-il tout simplement du style de César ? Une lettre de Fronton adressée à Lucius Verus (II, 15) nous mettrait peut-être sur la voie. Fronton y oppose deux types de lettres officielles, l'une adressée au sénat de manière prudente (caute), l'autre écrite en racontant ses exploits —"selon le mode historique". La conjecture historico

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Suétone raconte aussi que, dictateur, il désignait ses candidats aux magistratures par le biais

de circulaires (libelli) adressées aux tribus et portant cette simple formule : “ le dictateur

César à telle tribu. Je vous recommande un tel et un tel afin qu’ils tiennent leur dignité de vos

suffrages. ”43 Le recours à l’écrit marque la distance d’un pouvoir centralisé et autoritaire,

bien différent des rapports directs que jadis les candidats entretenaient avec les tribus.

La communication impériale

Sous l’Empire, à Rome et dans les provinces, c’est d’abord l’empereur qui

communique (ainsi que les gouverneurs, ses délégués) et il crée ses propres réseaux de

communication44. On retrouve, comme chez les anciens magistrats, qui continuent à en faire

usage, le recours à l’édit : ce peut être soit une parole unilatérale (une information45 ou une

décision sans réplique46), soit une manière de dialoguer avec le peuple — une réaction à des

manifestations de rues (un blâme par exemple), à des graffiti, à des rumeurs, une réponse à

une demande, ou encore une explication47. À Rome, le prince étant moins visible que les

magistrats, l’écrit tend à remplacer le rapport direct qu’établissaient les contiones48 ; dans les

provinces, il constitue, avec le cérémonial, une importante part de la présence romaine49.

Sous le Haut Empire, la plupart des édits furent publiés sur supports fragiles, d’où le petit

nombre d’édits conservés par les inscriptions ; dans l’Antiquité tardive, en revanche, leur

exemplo apportée au texte de Fronton me semble bonne ; elle me paraît être une des solutions possibles pour comprendre la formule memorialis liber de Suétone. 43 Suét., Div.Jul. 41. 44 Auguste a dès le début montré un souci d’informer et de faire savoir le souci qu’il avait de ses sujets, ainsi que le montre par exemple la lettre concernant Seleukos de Rhosos (FIRA I, 55 = Sherk, RGE 86 ; cf. Suét., Aug. 86 suiv.). Voir les remarques de F. Millar, 1984. 45 Pour annoncer, par exemple, une réunion de comices, des enrôlements, des fêtes, des ventes publiques…(T. Mommsen, Droit Public, I, 1892, p.236). Il faut distinguer l’édit destiné à être lu en public, où l’Empereur s’adresse à la deuxième personne aux destinataires comme dans l'édit de Vespasien aux Vanacini (CIL X, 8038= FIRA I, 72), et l’édit destiné à être seulement affiché, à charge pour les destinataires d’en prendre copie, et où l’empereur s’adresse à la 3e personne (par exemple l’édit de Claude sur la cité des Anauni : CIL V, 5059 ; FIRA, I,71). 46 Par exemple l’édit de Claude sur les abus de provisions des vehicula à Tégée (ILS 214) ou l’édit de César ou d’Auguste sur la violation des sépulcres (FIRA I, 69). Sur ce sujet, voir les remarques de F. Millar, 1977, p. 255-56. 47 Suét., Aug. 53, 1 : Auguste blâme par un édit le peuple qui l’a appelé “ maître ” ; Tac., Ann. I, 78, 2 : le peuple demande à Tibère la suppression des taxes sur les ventes ; l’empereur explique par un édit pourquoi il ne peut le faire ; Tac., Ann. V, 5 : Tibère blâme la plèbe ; Suét., Galb. 15 : le peuple demande la tête de Tigelin ; Galba refuse et publie un édit où il blâme la cruauté du peuple ; Dion Cassius, 69, 16, 3 : à une demande du peuple concernant la liberté d’un charretier, Hadrien répond par un pittakion. Autres exemples : Suét., Aug.42, 1-2 ; Tac., Hist. I, 76 ; Pline, Pan. 65. Voir aussi M. Benner, 1975, p.158 -161 (exemples pour les gouverneurs). Une anecdote rapportée par Dion Cassius montre bien la valeur dialogique de l’édit : par un édit, Vespasien expulsa les astrologues de l’Italie ; eux répondirent par une affiche en lui demandant de quitter la vie avant tel jour. (65, 1,4) ! 48 On a peu d’exemples de contiones réunies par les empereurs : cf. F. Millar, 1977, p.369. 49 Cf. F. Millar, 1984, p. 41.

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texte, beaucoup plus long, fut gravé sur un support plus durable, signe, selon Fergus Millar,

de la valeur légale donnée aux décisions impériales. Tel est, par exemple, le cas de l’édit du

maximum de Dioclétien50.

Outre l’édit, les empereurs ont utilisé bien d’autres formes de communication écrite :

bornes milliaires ou cadastrales, monnaies qu’on a pu comparer à de véritables “ tracts

métalliques ”, sceaux, poids, mais aussi inscriptions monumentales destinées à figer la

mémoire publique (les Fastes par exemple), ou à pérenniser un acte particulier (tel est le cas

des elogia). Il faudrait faire une place aussi à la littérature, porteuse souvent des messages

impériaux, et pour une part collaboratrice du pouvoir51. Laissant toutefois de côté ces aspects

symboliques, concentrons l’exposé sur la transmission des mots de l’empereur.

Entendue ainsi, la communication est, comme l’ont montré F. Millar, et W. Eck52, à la

fois réactive (une réponse à une lettre, un décret de cité, une pétition) et active (un ordre sans

impulsion) ; de portée locale, plus que générale53, et surtout de plus en plus diversifiée et

spécialisée. Il y a d’abord tous les documents émanant de l’administration civile ou militaire,

et attestant par exemple une nomination à un poste ou un bienfait54 ; il y a les mandata, c'est-

à-dire l’ensemble des instructions données aux gouverneurs lors de leur départ vers leur

province, ainsi que les iussa, ordres ponctuels envoyés par lettre à un gouverneur ou à un

fonctionnaire en particulier, ou encore à tous55 ; il y a les rescrits (rescripta) réponses aux

pétitions et questions (libelli) émanant de cités, de gouverneurs, procurateurs, fonctionnaires

50 F. Millar, 1977, p. 257 suiv. 51 L’histoire, l’éloquence, la poésie ont par exemple théorisé, donc immortalisé l’image d’une cité dotée d’une ouverture exceptionnelle et destinée à unifier le monde habité : ces messages, d’abord communiqués en actes et en textes officiels (par le don de la citoyenneté romaine par exemple), ont été rappelés inlassablement selon les mêmes formules, avec les mêmes exempla, les mêmes arguments en latin (par exemple par Tite Live [I, 9,1suiv.] ou Tacite [discours de l’empereur Claude : Ann., XI, 23-24], mais aussi en grec : l'Éloge de Rome d’Aelius Aristide, un discours prononcé devant Antonin le Pieux, s’en fait l’écho le plus fidèle, signe de l’efficacité du message auprès des élites provinciales. Pour la collaboration avec le pouvoir, voir par exemple la préface de Quintilien au livre XII de l’Institution oratoire et les remarques de I. Lana, 1990, p.281 suiv. 52 F. Millar, 1967, p. 9 suiv. ; et 1966, p. 166 ; W.Eck, 1996, notamment p.332 ; 1999. 53 Réponse de valeur générale : ainsi à la suite d’ambassades de Juifs en 12 av. J.-C., qui revendiquaient la protection de leurs privilèges, Auguste, au lieu d’écrire à chaque gouverneur concerné, émit un édit général et ordonna que l’édit fût affiché par le concile d’Asie à l’endroit le plus fréquenté (Flavius Josèphe, Ant.Jud., XVI, 6, 1-2 ; cf. aussi XIX, 5, 3). 54 Sur les documents confirmant une nomination à un poste (les codicilli), voir en dernier lieu V.Marotta, 1999 ; sur les diplômes militaires, on renverra par exemple à M.Roxan, 1981 ; plus récemment, P.Weiss, 1997. 55 Sur les mandata, voir en dernier lieu V. Marotta, 1991, notamment p. 86 suiv. ; la correspondance de Pline le Jeune montre bien l’importance de ces ordres ponctuels : W. Eck (1996, p. 344) a calculé qu’en deux ans, Pline a envoyé 61 lettres à Trajan et Trajan a répondu 48 fois. L’ensemble de cette correspondance devait être encore plus volumineux.

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ou de particuliers : l’empereur y répond soit par lettres (epistula, en grec epistolè) 56, soit, si

les pétitionnaires sont des particuliers, ce qui est attesté dès le début de l’empire57, par

souscription (subscriptio)58, une note écrite sous la pétition ; le rescrit est dès lors

communiqué principalement par voie d’affichage (propositio), comme cela est très

régulièrement attesté par l’épigraphie ou la papyrologie. Nous y reviendrons59. Tous ces

documents sont également enregistrés dans les archives impériales, les commentarii60,

archives classées en partie par matière et chronologiquement61, et dont l’usage continu d’un

empereur à l’autre traduit la continuité de l’État : il est cependant plus difficile de savoir avec

quelle régularité et quelle fiabilité.

On remarquera que, si une partie de cette communication est destinée à être lue à haute

voix et éventuellement affichée (lettres, décrets, édits)62, une part de plus en plus importante

de l’activité impériale relève du simple domaine de l’écrit et de l’archive, et reflète

l’apparition de nouvelles méthodes de travail et de décision. Tel est par exemple le cas dans

les relations entre l’empereur et le Sénat. Outre que l’empereur peut s’informer, par les acta

senatus, de ce qui s’est passé à l’assemblée63, dès l’époque d’Auguste, une partie de ses

relations avec lui passe par l’écrit : non seulement certaines des orationes de l'Empereur sont

56 On connaît par le Digeste une epistula generalis, une circulaire envoyée à tous les fonctionnaires (D.11.4.1.2, cité par V. Marotta, 1991, p. 80, n. 28). Sur les rescrits, voir l'étude de T. Honoré, 1981. 57 Cf. Strabon, Geog, 10, 5, 3. 58 Une bonne analyse de tous ces moyens dans J.-P. Coriat, 1997, p 71 suiv. 59 Ce système se retrouve au niveau provincial. K. Hopkins rappelait, comme une chose courante et bien attestée, les 1804 pétitions reçues par un gouverneur en deux jours et demi de voyage (1991, p.137, n 91). 60 Ainsi Trajan ordonne-t-il, après une concession de citoyenneté, de reporter sa décision dans ses registres (Plin., Ep. 105) : “ je fais noter sur mes registres (in commentarios meos) que je donne droit des Quirites à ceux pour qui tu viens de le demander et je ferai de même pour les autres pour qui tu le demanderas ”. 61 On connaît par exemple le liber libellorum rescriptorum et propositorum, cité dans la pétition à Commode des colons du saltus Burunitanus (CIL VIII 10570 et 14464 = FIRA, I, 103), ou encore les commentarii civitate donatorum, cités dans la Tabula Banasitana (Girard, 1977, p. 478 suiv.). Le témoignage des juristes confirme ces données et montre notamment que les rescrits délivrés par l’Empereur étaient enregistrés dans ses commentarii de manière assez complète, et même en grec si c’était la langue du rescrit (D.14.2.9 ; 50.6.6.6). Un passage de la Collatio (I, 11, 1suiv.= FIRA II, p. 547), qui est une citation d’Ulpien, conserve ainsi une décision d’Hadrien (rescripsit) ainsi que les verba de la consultation. Comme le souligne E. Volterra, “ ce passage montre qu’un juriste du IIIe s pouvait consulter les rescrits d’empereurs du siècle précédent et que les recueils et les archives conservaient non seulement le rescrit lui-même mais les termes exacts de la consultation qui formait une part importante de la disposition impériale ” (1971, p. 856). 62 Sur l’affichage, voir plus bas, n. 84. 63 Suét., Tib. 73, 1 : “ Ayant lu dans les actes du Sénat qu’on avait renvoyé, et même sans les entendre, certains accusés au sujet desquels il s’était contenté d’écrire, sans autre explication, qu’ils étaient désignés par un dénonciateur, Tibère frémit de se voir méprisé et résolut de regagner son île à tout prix, car il n’osait rien entreprendre sans être en lieu sûr.”

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rédigées et lues par des tiers64, mais nombreuses sont les questions qu'il traite par écrit, même

s’il est présent à Rome : il envoie son avis par des messages écrits65, sollicite ou reçoit

spontanément, de la part de sénateurs, des mémoires sur les séances à venir66. Une

consultation d’expertise en quelque sorte : le recours à l’écrit favorise en effet, ou même dit la

séparation entre décision et délibération. On imagine aisément que les Sénateurs ne furent pas

dépaysés en recevant, à la mort d’Auguste, les bréviaires sur l’état de l’empire, sortes de

mémoires post-mortem67 : ainsi, après sa mort, l’empereur était toujours puissant puisqu’il

continuait de communiquer avec les Sénateurs. Tacite semble suggérer, dans une brève

allusion, que sous Trajan, ces relations écrites n’existaient plus lorsque l’empereur était

présent à Rome68. Mais on les retrouve sous Hadrien, et d’autres empereurs par la suite69. À

cela s’ajoutait toute la correspondance que s’échangeaient l’empereur et le Sénat, alors même

que l’empereur n’était pas, ou pas encore, à Rome70 : une pratique qui se développa

considérablement à partir du IIe s., lors des absences répétées des empereurs, si bien qu’on a

pu parler à propos de Trajan, par exemple, d’un véritable “ gouvernement par

correspondance ”71.

64 Cf. Suét. Aug. 85,4. À partir de Claude par un questeur : Dion Cassius, 60,2,2 ; cf. Suét. Ner.15 sur le choix des questeurs pour lire les libri principales ; D.I, 13,2-3 ; Vespasien, lui, les faisait lire ses communications par ses fils (Dion Cassius., 66, 10, 5-6 , cf. R.A.Talbert, 1984, p. 179). La question est d’autant plus centrale que leur importance croît considérablement à partir d’Hadrien. 65 Cf. Dion Cassius, 56, 26 : lecture d’un mémoire d’Auguste adressé au Sénat à propos de Germanicus ; voir aussi 53, 23, 6 ; 53,21, 3 (et Talbert, op.cit., p. 434) ; Suét. Aug. 65. 66 Cf. Dion Cassius, 56, 28 : où, à propos des consultations sur l’impôt, “ beaucoup de choses furent dites, quelques avis même furent communiqués à Auguste sur des tablettes (dia biblion) ”. Une procédure plus fréquente encore sous Tibère selon Dion Cassius, 55 (ou 56), 47 : “ au milieu des résolutions proposées par les uns et les autres, on décida que Tibère recevrait des Sénateurs des mémoires (biblia) écrits dans lesquels il choisirait qui il voudrait ”. De même, dans ses jeunes années, pendant sa campagne de Germanie, “ Tibère donnait tous ses ordres par écrit ”, dit Suétone (Tib. 18) ; ce que confirme Tacite (Ann IV, 39, 1 : “ Séjan, l’esprit égaré, compose à l’intention de César un placet (componit ad Caesarem codicillos). C’était alors la coutume de s’adresser à lui par écrit, même s’il était présent ” (moris quippe tum erat, quamquam praesentem scripto adire). Sur les libelli échangés entre Séjan et Tibère, voir aussi Ann., 4, 39 ; III, 68 ; Dion Cassius, 53, 23, 6. Même chose à propos de Néron dans Ann.XIII, 26-27 27 : les consuls écrivent à Néron pour l’avertir des dispositions du Sénat ; celui-ci consulte son consilium ; puis envoie sa réponse au Sénat (Ann.14,59). 67 Suét. Aug.101 (sur ces documents, C.Nicolet, 1988, p.192 suiv.). 68 Cf. Tac.Ann IV.39,1, cité n.62 ; et le commentaire de A.N.Sherwin White, 1966, p.578. 69 Marc Aurèle refuse d’être trop sévère avec la famille d’Avidius Cassius, et demande au Sénat “ par écrit ” la clémence. (SHA, Vit.Avidius Cassius, 11,4) ; cf. aussi Fronton, ad Ver.Imp. II, 16 : quid ad senatum quom debet loqui, epistulam scriberet ("pourquoi écrire une lettre au sénat, alors qu'on doit y parler ?"). 70 Ainsi, avant d’arriver à Rome en empereur, en 70, Vespasien prend de nombreuses décisions par lettres au Sénat ; par exemple, il rétablit dans leurs droits civils ceux qui en avaient été privés par Néron (Dion Cassius, 66, 9, 1). 71 F. Millar, 2000.

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L’accroissement de la communication impériale se mesure à d’autres indices : la

création, depuis Claude au moins, de postes administratifs spécialisés — ab epistulis, a

libellis, a studiis, a memoria etc.72— aux mains de lettrés qui, par leur connaissance en

grammaire73 et en rhétorique, en métrique aussi, tiennent la place de véritables experts en

communication, sur le modèle de la diplomatie hellénistique : rien n’exprime mieux les

rapports entre écrit et pouvoir que cette “ bureaucratie ” de lettrés autour d’un prince censé

être lui-même un homme de culture. Il y a aussi les nouvelles structures qui favorisent la

transmission des informations. Déjà César avait eu l’idée de faire connaître publiquement par

voie d’affichage les nouvelles de la capitale (avec, nous l’avons dit, la création des acta

urbis74). Il avait mis également en place, pour améliorer la communication en temps de

guerre, un réseau de cavaliers chargés de lui apporter les informations militaires, ce qui lui

avait évité des catastrophes (B.C. III, 101). Auguste reprit cette idée, ainsi que le rapporte

Suétone, avec la création de la vehiculatio, plus tard appelé cursus publicus : un relais de

jeunes gens, remplacé très vite par un relais de voitures, eut pour mission de transmettre au

plus vite à Auguste les nouvelles militaires venant des provinces75. Ce système,

progressivement étatisé dans son organisation, servait aussi au déplacement des officiels,

qu’ils vînssent du centre ou de la périphérie. Pour la transmission de l’information, plus

précisément, il faut imaginer, selon Boris Rankov, une double organisation, civile avec les

tabellarii au service de l’ensemble de l’administration impériale, et militaire avec les

frumentarii : utilisés par les empereurs et les gouverneurs, ces derniers servirent aussi bien de

messagers pour les cas d’urgence que de service de renseignements policier ; devenus

impopulaires au Bas-Empire, ils furent remplacés par les agentes in rebus76. La

communication écrite, c’est aussi, on le voit, tout un réseau de renseignements qui existe dans

l’empire comme à Rome, et fournit des rapports détaillés sur certains faits, sur certaines

personnes, sur certaines régions. C’est un instrument de contrôle. Cet aspect transparaît aussi

dans une autre mesure : la concentration entre les mains de l’empereur du droit d’émettre

certains documents officiels. Tel est le cas des diplomata (sauf-conduits permettant

72 Auguste et Tibère écrivaient eux-mêmes leurs lettres ou les dictaient à des secrétaires privés (des a manu ou librarii, (Suét., Aug.67), et ils avaient des courriers privés (tabellarii), un personnel qu’on trouve encore attesté après eux (Cf. G.Boulvert, 1970, p. 39 suiv. ; W.Eck, 1996, p. 111). 73 La grammaire est utile pour “ traiter des affaires, tenir sa maison, s’instruire et se livrer à de multiples activités politiques ” (Arist. Politique, VIII, 3,13338a15-17) ; cf. Diodore de Sicile XII, 13. 74 Voir note 18. 75 Suét. Aug 49, 5 ; cf. L. Di Paola, 1999. 76 Notamment B. Rankov, 1990 ; et 2002 ; sur les tabellarii, voir aussi G.Boulvert, 1970, p. 122 ; 191 suiv.

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l’utilisation du cursus publicus), qui, émis à l’origine par l’Empereur, le Sénat ou les

gouverneurs, relèvent exclusivement de l’Empereur à partir de Domitien77. La réforme de

Domitien est extrêmement importante car elle tend non seulement à établir un contrôle sur

cette mobilité si forte et si importante dans les liens entre le centre et la périphérie, mais à

unifier l’émission des documents publics. Le même constat s’impose à propos des mesures

prises sous Claude pour empêcher la falsification des documents émis par l’administration :

les diplômes militaires sur tables de bronze, puis les tabulae ceratae, ces tablettes conservées

par les particuliers, et dont l’usage, d’abord réservé aux actes privés et notamment aux

testaments, est attesté sous l’Empire pour toute sorte d’actes publics — déclarations de

naissance, locationes, societates etc.78. La protection des documents publics s’est ainsi

renforcée peu à peu, depuis le IIe siècle avant notre ère, époque à laquelle les Romains ont

pris conscience de la nécessité de constituer des archives précises79.

La diffusion des documents publics

Que la quantité des documents émis ait augmenté est une réalité incontestable. Les

sources nous informent parfaitement sur les “milliers d’audiences à donner, les milliers de

requêtes à classe, […] l’énorme chaos des affaires qui affluent de toutes les parties du

monde ” qu’il faut classer, “ afin de pouvoir les soumettre à l’examen du prince dans un ordre

méthodique ” 80. Le problème est d’estimer l’efficacité de leur diffusion. Mais les trois

moyens de transmettre la parole impériale — la correspondance, l’affichage, la délivrance de

copies — soulèvent chacun un problème particulier.

La correspondance pose principalement le problème de la lenteur des moyens des

communications, une lenteur liée à la technologie, bien sûr, mais aussi aux nombreux

77 IGLSyrie V, 1998 = A.MacCrum et A.G.Woodhead, 1966, n°466 = P.F.Girard et F.Senn, 1977, p. 435 suiv. ; cf. aussi Pline le Jeune, Ep. X, 46 ; X, 121. 78 Cf. L. Bove, 1984 ; et plus récemment, G. Camodeca, 1995. On peut citer aussi les nombreux règlements provinciaux, connus par l’épigraphie ou la papyrologie, portés contre la falsification des documents et les fraudes : par exemple le règlement impérial de Sibidunda (Bull.ép. 61, 750 et G.E. Bean, 1959, n°124) ou encore l’édit du préfet d’Égypte Mettius Rufus (P.Oxy. II, 237). 79 Sur cette question, voir C. Moatti, 1993 (notamment p.124 suiv.) ; Ead., 1994. On peut ainsi tout à fait suivre R.Haensh, selon qui, le gouvernement de Rome liait la légitimité des archives à leur intégrité et leur précision (1992, p. 217). 80 Sén, Ad Polyb.6,5 (Polybe fut a studiis, et a libellis) ; cf. aussi Stace, Silves, 5, 1, 75-100, notamment v. 86-88 : “ Envoyer dans le vaste univers en tout sens les ordres du chef de la cité romuléenne, diriger de sa main toutes les forces et les ressources de l’empire ”. Voir aussi Fronton, de eloquentia II, 6 : "il convient aux empereurs […] d'envoyer des lettres à travers le monde, de s'adresser aux rois de s nations extérieures à l'Empire, de réprimer par des édits les fautes des alliés, de louer leurs bonnes actions […] Toutes ces choses doivent être menées avec des mots et avec des lettres (verbis sunt ac litteris agenda)".

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déplacements impériaux (comment localiser précisément le princeps ?), enfin aux distances à

parcourir entre les provinces et Rome, entre les provinces et les lieux où se trouvait

l’empereur ou bien le gouverneur en déplacement : ainsi, Fergus Millar a calculé que lorsque

Pline le Jeune écrivit sa lettre 90 à Trajan à propos de la colonie de Sinope, il était distant de

2400 Km de l’empereur. Selon un calcul fait par l’historien anglais Richard Duncan -Jones81,

les édits des empereurs pouvaient mettre quatre mois ou plus pour parvenir en Afrique depuis

l’Est, un mois entre l’Illyrie et Rome, et la nouvelle de la mort d'un Empereur environ deux

mois de Rome à l’Egypte et même plus si l’Empereur était mort dans une province. Les

progrès de la navigation rapprochèrent les provinces et Pline l’Ancien énumérait les exploits :

sept jours seulement entre le détroit de Sicile et Alexandrie, entre Ostie et Gadès, trois jours

seulement entre la Narbonnaise et Ostie, deux jours avec l’Afrique (N.H. 19, 1,4). Toutefois

les communications restaient en général lentes et certains historiens, tout en reconnaissant le

maintien des communications en Méditerranée, tendent à penser qu’elles étaient encore plus

lentes dans l’Antiquité tardive82.

Une fois parvenu à son port, le document était parfois affiché83. Les empereurs

donnaient parfois des indications pour la propositio de leurs décisions84, mais de nombreux

historiens se sont interrogés sur la lisibilité de ces textes. En réalité, de nombreuses mesures

ont été prises au cours des siècles pour l’améliorer85, et d'un texte à l'autre les mêmes

formules rappellent la nécessité d'afficher dans un lieu fréquenté (in celeberrimo loco), en

gros caractères, parfois même dans la langue du lieu. Les solutions sont en quelque sorte

résumées dans un texte d’Ulpien qui rappelle la règle instaurée pour l’affichage judiciaire :

“ Ce qu’on entend par “ afficher clairement ”, c’est afficher en lettres lisibles, à un endroit

81 R. Duncan–Jones, 1990, p.7-29. 82 P. Brown, 1992, p. 12 ; cf. aussi M Tangheroni, 1992, p.319 suiv. 83 Il y a des documents dont il est spécifié qu’ils doivent être affichés, tels les édits d’Auguste à Cyrène (ci-dessus note 28), l’édit d’Alexandre Sévère de 222, supprimant le paiement de l’or coronaire dû comme cadeau d’avènement (P.Fay.20 = Hunt et Edgar, 216); et ceux qui sont destinés à être diffusés par lecture publique (ainsi la lettre de Claude aux Alexandrins n’est affichée qu’à l’initiative du préfet d’Egypte [Corp.Pap.Iud. 153]), ou même immédiatement conservés dans les archives des cités : la lettre d’Octave concernant la citoyenneté accordée à Seleukos de Rhosos est envoyée au conseil et au peuple de Rhosos pour qu’ils prennent connaissance de cette mesure et la conservent dans leurs archives publiques (FIRA, I, 55, I,l.7 : eis ta dèmosia grammata); mais elle fut sans doute affichée par Seleucos à des fins strictement personnelles. Cette dimension “ auto-représentative ” des affichages a été bien soulignée par W.Eck, 1998, p.357 (Je remercie Elio Lo Cascio de m’avoir indiqué cet article). 84 Par exemple à la fin de l’édit de Vespasien sur les privilèges des médecins et des autres professeurs (FIRA I, n°73), est ajoutée une subscription dans laquelle l’empereur confirme l’édit et ordonne que l’édit soit affiché sur album (autres exemples dans C. Ando, 2000, p. 110). 85 Outre la recitatio, on peut citer, pour les projets de loi, par exemple, l’instauration d’une durée d’affichage sur trois marchés : Macrobe, Saturnales 1, 16.34-35.

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d’où l’on puisse correctement lire de plain-pied, devant une boutique ou un des lieux où

s’exerce un commerce, dans un lieu visible, et non caché. Faut-il le faire en grec ou en latin ?

cela dépend de la région : il ne faut pas qu’on ne puisse alléguer l’ignorance de l’écriture

(ignorantia litterarum). Et si quelqu’un dit ne pas savoir lire ou n’avoir pas vu ce qui était

affiché, alors que nombreux sont ceux qui lisent et que l’affichage était visible, alors qu’il ne

soit pas écouté ”.86

Ces mesures étaient d’autant plus importantes que les affichages pouvaient avoir une

réelle efficacité pratique, comme le montre la Lettre de Claude aux Alexandrins, qui fut

publiée par le préfet d’Egypte parce que, lit-on, la cité étant trop grande, tout le monde n’avait

pas pu assister à la lecture publique87. L’affichage permettait aux particuliers de prendre

connaissance ou même copie d’une décision (comme c’est attesté pour les réponses

impériales aux pétitions) et aux praticiens (juristes, avocats notamment) de collecter les

décisions judiciaires88. L’anecdote racontée par Suétone à propos de Caligula, qui, sur la

pression populaire, aurait fait afficher une décision fiscale en tout petit caractère, dans un

endroit retiré pour que “ personne ne puisse en prendre copie ”, confirme encore a contrario la

régularité de la pratique89.

Ce système avait cependant ses limites. Comme l’a souligné Werner Eck, à propos du

sénatus-consulte sur les honneurs de Germanicus ou sur le jugement rendu lors du procès de

Pison, le soin apporté à la diffusion des informations variait selon qu’il s’agissait de Rome, de

l’Italie ou des provinces90 : ces textes nous apprennent que le pouvoir central n’assurait pas

toujours la communication en dehors de Rome, ou du moins qu’il ne la contrôlait pas.

86 Ulpien 28 ad edictum (D. XIV.3.11.3) : Proscribere palam sic accipimus claris litteris, unde de plano recte legi possit, ante tabernam scilicet vel ante eorum locum in quo negotio exercetur, non in loco remoto, sed in evidenti. Litteris utrum Graecis an Latinis ? puto secundum loci condicionem, ne quis causari possit ignorantiam litterarum. Certe si quis dicat ignorasse se litteras vel non observasse quod propositum erat, cum multi legerent cumque palam esset propositum, non audietur. Proscriptum autem perpetuo esse oportet. Sur les peines encourues pour avoir porté atteinte à un affichage officiel : cf. D.II.1.7 pr (Ulpien, 3 ed.) : si quis id, quod iurisdictionis perpetuae causa, non quod prout res incidit, in albo, vel in charta vel in alia materia propositum erit, dolo malo corruperit : datur in eum quinquentorum [aureorum] <milium sestertium>iudicium, quod populare est. 87 Référence note 83. 88 Comme ce fut le cas sans doute pour les rescrits (apokrimata) de Septime Sévère et Caracalla à Alexandrie en 200 (P.Columbia123, publiés par W.L.Westerman et A.A.Schiller, 1954). Sur ces textes, voir en dernier lieu J.P.Coriat, 1997, p.123 suiv. 89 Suét., Cal.,41 : “ Comme les impôts de ce genre avaient été annoncés (vectigalibus indictis) mais non affichés (neque propositis), il y eut beaucoup d’infractions à la loi parce qu’on en ignorait le texte, et, sur les réclamations du peuple, Caligula la fit enfin afficher mais en lettres toutes petites et dans un endroit très resserré, de façon que personne ne pût en prendre une copie . Cf. aussi Dion Cassius, 59,28.11; Pline, Pan. 2 (10) 3, 3-4. 90 W. Eck, 1996, p. 352 ; 1996 B, p. 208 suiv.

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L’initiative de la transmission en était laissée aux “ magistrats et légats des municipes et

colonies ” pour informer les municipes et colonies en Italie et dans les provinces ; aux

gouverneurs des provinces pour les cités de leur province91, parfois aux assemblées

provinciales92. L’Empire connaissait donc une diversité de pratiques et des médiations

multiples dans la diffusion des décisions. Un tel système ne permet pas d’estimer à sa juste

valeur la qualité de la transmission. Il ne permet pas non plus de comprendre comment se

transmettaient les décisions d’application locale d’une province à une autre ou d’une cité à

une autre. Il faut, semble-t-il, imaginer aussi des réseaux d’information privés, internes à

certaines professions : ce fut sans doute le cas pour la diffusion des décisions judiciaires. Mais

les modalités de cette transmission ne sont pas clairement établies93.

Le dernier moyen de communication des décisions impériales, la copie des documents

officiels, pose le même type de problèmes. On sait que les archives romaines (l’aerarium, les

commentarii du prince, le fiscus) en délivraient à ceux qui en faisaient la demande94. C’est ce

que laisse entendre le juriste Paul95 : “ Le fiscus délivre des copies de ses propres archives, à

condition que celui qui a reçu le droit de copier ne l’utilise pas contre le fiscus ou contre l’Etat

(Ipse fiscus actorum suorum exempla hac condictione edit, ut is, cui describendi fit potestas,

adversus se vel rem publicam his actis ne utatur) ”. Cela est aussi clairement attesté par la

formule rituelle descriptum et recognitum ex…(“ extrait de… et authentifié ”), que l’on trouve

dans de nombreux textes épigraphiques96, et par les indications archivistiques reportées97.

91 Tabula Siarensis, II, b = AE 1984, p. 143. 92 Comme sous la République : cf. R.K. Sherk, RDGE, 52 = RGE, 77. 93 Voir les remarques de H. Galsterer,1986. 94 Les attestations concernant les commentarii du prince sont toutefois rares. On peut citer par exemple le fragment d’une inscription d’Enez (Ainos) en Thrace : descr]iptum et recognit[um--- ex commen]tari(i)s Lu[ci(i) Septimi(i)i Severi Pii Per]tinacis..etc ; suiv.ent les noms de Caracalla et de Gèta (AE 1986, p. 221). 95 D. 49.14.45.6 (Paul 5 sent.). 96 Comme le souligne justement W. Williams (1975, p. 63), cette formule est celle des copies légalisées, certifiées conformes par la présence de témoins, qu’elles soient émises au centre ou à la périphérie, qu’il s’agisse d’un document enregistré aux archives ou affiché. Le terme exemplum ou exemplar (en grec antigraphon) désigne en revanche la copie non authentifiée d'un document original, ce qu’est par exemple l’inscription du Saltus Burunitanus (FIRA I, 103 et les remarques de T. Hauken, 1998, p. 27-28). Le terme est employé soit pour les copies de décisions tirées des archives romaines ou d'un affichage public qu'un magistrat envoie à une cité, comme l'atteste par exemple la lettre d’Octavien à Plarasa Aphrodisias, dans laquelle le triumvir envoie en 29 av. J.-C., à la cité, différents documents la concernant [FIRA I, 38 = Sherk, RDGE, 28 = RGE 87] ou la lettre d'Octavien sur Seleucos [FIRA I, 55 = RDGE 58 = RGE 86, l.6], soit pour la copie privée et non légalisée des documents affichés : ainsi la lettre d’Hadrien de bonorum possessione liberis militum danda, ll.1-9 (BGU I, 140 = FIRA I, 78) ; le rescrit de Septime Sévère et Caracalla de longae possessionis praescriptione (BGU I, 267 = FIRA I, 84), recopié à partir d’un affichage à Alexandrie (ll.12) et de manière générale des apokrimata du P.Col. 123, dont l’en-tête précise : antigrapha apokrimaton <pro>thenton en tè stoa tou gumansiou ; ou encore la copie (exemplum) de la lettre de Constantin et

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Toutefois on ne connaît pas de réglementation générale sur le sujet. On peut dire que, une fois

la période d’affichage achevée, particuliers ou communautés pouvaient demander copie d’une

décision les concernant, mais l’intéressé devait sans doute la faire exécuter à ses frais : c’est

une des hypothèses qui a été émise pour les diplômes militaires en bronze, qui, depuis Claude,

attestaient la concession de citoyenneté aux vétérans de l’armée. En ce qui concerne les

réponses aux pétitions, on ne sait pas de manière sûre comment elles étaient transmises. Trois

voies sont attestées, mais leur chronologie est mal établie : la transmission par l’intermédiaire

du gouverneur de province98, l’envoi direct aux intéressés99 ou l’affichage pour permettre la

copie100 — une communication en partie passive donc, ce qui a fait douter de l’efficacité de

l’administration101.

Licinius en 311 sur les privilèges des soldats et des vétérans (FIRA I, 93). Autres exemples dans D. Feissel, 1995. 97 Par exemple dans le decretum du proconsul de Sardaigne, Helvius Agrippa : ll. 2-4 (CIL X, 7852 = FIRA I, 59) : descriptum et recognitum ex codice ansato L. Helvi Agrippae procons(ulis), quem protulit Cn.Egnatius Fuscus scriba quaestorius, in quo scriptum fuit it quod infra scriptum est tabula V c(apitibus) VIII et VIIII et X. ; cf. aussi CIL III, 411 = FIRA I, 82 : rescrit d'Antonin aux gens de Smyrne. 98 Cf. Pline le Jeune, Ep. X, 107 (108), lettre de Trajan : “ J’ai lu la requête (libellum) de Publius Accius Aquila, centurion de la VIe cohorte de cavalerie, que tu m’as envoyée ; sensible à ses prières, j’accorde à sa fille la cité romaine. Je t’envoie la copie du rescrit (libellum rescripti) pour que tu la lui fasses tenir ”. Sur le rôle des gouverneurs dans la transmission des pétitions, et la réception des réponses : Cf. G.P. Burton, 1976, p.76 suiv. (voir aussi P. Brunt, 1961 et J.H. Oliver, 1979). 99 Confirmée à la fin du IIe siècle par la réponse de Commode à la pétition des colons du Saltus Burunitanus (référence note 93) : l’expression subscriptionem…quam ad libellum suum datam Lurius Lucullus [accepit] (IV, 13-15), indique bien que les colons ont reçu la pétition, ainsi que l’a souligné D. Nörr, 1981, p. 18. 100 Dans ce dernier cas, cependant, une fois que le document n’était plus affiché, le public pouvait-il en demander copie aux archives ? Selon W. Williams, cela n’était pas possible (1980, p. 294). Pourtant l’inscription de Smyrne, qui rapporte une demande faite par Sextililus Acutianus au nom de ses concitoyens à Antonin pour obtenir la copie d’une constitution d’Hadrien, prouve le contraire. Antonin donne son accord ; puis la réponse de l'Empereur est transférée à l’a commentariis qui demande à deux scribes de copier le document : Stasime, Dapeni, edite, ex forma sententiam vel constitutionem (CIL III, 411 = FIRA I, 82). Le seul fait de faire graver l’autorisation prouve, selon N. Purcell (1986), que obtenir une copie des commentarii était chose rare. C’est possible, mais d’une part, on a d’autres témoignages d’un accès au tabularium principis (voir plus haut n. 95), d’autre part, l’inscription de Smyrne peut simplement prouver que la copie était considérée non comme un droit du citoyen mais comme un bienfait, un privilège accordé par l’Empereur. Du reste, la difficulté d’accéder aux archives impériales se comprend si on les compare aux commentarii des magistrats : étant, comme le souligne J.-L. Mourgues (1998), des archives de référence, utilisables par les Empereurs, non des archives d’enregistrement, comme les registres contenant les s. c. ou les lois ou encore les recueils d’actes, ils ne pouvaient pas être facilement accessibles au public. 101 Ces deux dernières procédures se sont-elles succédé ou ont-elles été appliquées simultanément ? Rappelons que la propositio est la plus fréquemment attestée. La notion de propositio cependant n’est pas sans poser de problèmes, ainsi que l’illustre encore l’inscription de Skaptopara, dossier comportant la pétition de villageois présentée par l’un d’eux, Aurélius Pyrrus, à l’empereur Gordien III (ll.6-7) et la réponse de ce dernier. Le document est précédé, aux lignes 2-7, de la formule d’authentification : date, puis descriptum <e>t reco<g>nitum factum <e>x <l>ibro <l>ibellorum rescript<o>rum a

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Ce qu’on peut donc dire, c’est que l’empereur multiplie les signes, mais il ne se soucie

pas toujours de savoir s’ils parviendront aux destinataires. On opposera à cette réserve

l’image, rapportée par les sources littéraires, d’un empereur attaché à sa communication

écrite. Ainsi, selon Suétone, Vespasien n’admettait ses amis qu’après avoir lu les lettres et les

mémoires (breviaria) de ses ministres102 et au témoignage de l’Histoire Auguste, Marc Aurèle

répondait aux pétitions pendant les jeux du cirque103. Une activité qui est également mise en

relation avec la centralisation de l’empire et la capitalisation de Rome, comme cela est dit à

propos d’Antonin : “ il jouissait d’un prestige énorme auprès de toutes les nations, car, comme

il résidait à Rome, il pouvait, grâce à sa position centrale, recevoir plus rapidement les

nouvelles ”104. Dans son Eloge de Rome, Aelius Aristide aussi se fait le porteur de cette idée

(§ 33) : “ En cas de doute, si léger soit-il, à propos d’actions judiciaires et de requêtes,

publiques ou privées, engagées par leurs administrés, ils [les gouverneurs] envoient aussitôt

un message à l’empereur en demandant ce qu’il faut faire et attendent jusqu’à ce qu’il donne

une indication. […] Aussi l’empereur n’a-t-il nul besoin de vagabonder sur toute l’étendue de

l’Empire ni de séjourner successivement chez les différents peuples ni de fouler leur territoire

pour s’assurer du contrôle de chaque situation. Il lui est très facile de diriger le monde entier

sans se déplacer, au moyen de lettres qui arrivent presque sitôt écrites, comme portées sur des

ailes.”

Ce lien entre centralisation, contrôle et gouvernement par l’écrit pouvait aussi se

renverser : Hérodien écrivait quelques années plus tard que, “ là où est l’empereur, là est

Rome ”105. Mais, dans tous les cas, c’était la même idée d’un centre, fixe où mobile, vers où

tout convergeait, vers où affluaient les documents. L’écrit était en effet devenu le moyen par

excellence du gouvernement impérial.

domino n(ostro) imp(eratore) Ca<e>s(are) M(arco Antonio Gordiano Pio Felice Aug(usto) <e>t propo<s>it<o>rum <R>oma<e> in portic<u> <th>ermarum Trai<a>nar<u>m in ve<r>ba <q(uae)> i(nfra) s(cripta) s(unt. (CIL III 12336 = AE 1994, 1552= FIRA I, n°106= IGBulg. IV, 2236). Si l’on s’entend aujourd’hui à penser que le texte est une copie authentique, la question est de savoir d’où vient la copie : d’un affichage ou d’un registre ? La réponse varie en effet selon le sens que l’on donne à propositio : affichage (comme le pensent la plupart), ou simple mise à la disposition du public dans un lieu d’archivage (selon A.D’Ors et F.Martin, 1979, p.118) ? W.Williams, qui se rallie à la première hypothèse, a souligné que liber ou teuchos peuvent désigner un ensemble de pétitions, collées ensemble avant d’être affichées, et non nécessairement un registre. Selon D.Nörr (1981), il y a affichage, mais l’original est enregistré dans les archives. Pour un résumé de ces discussions, cf. T. Hauken, 2000, p. 305 suiv. 102 Suét. Vesp. 21 : in principatu maturius semper ac de nocte vigilabat ; dein perlectis epistulis officiorumque omnium breviarium, amicos admittebat. 103 SHA MarcAnt .15,1. Cf. aussi Suét. Aug.45,1, selon qui César, attaché à lire ses libelli et ses epistulae avant le début d’un spectacle, s’attira la réprobation du peuple. 104 SHA, Ant.P. 7, 12 ; même idée chez Amm.Marc. XV, 1, 2 .

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Un tel développement de l’écrit n’est pas resté sans effet. Il a indéniablement

contribué à modifier à la fois le rôle de l’Empereur et la nature de la société politique.

Les effets de la communication écrite : le renforcement de la fonction impériale

Le développement de l’écrit a indéniablement renforcé le contrôle de l’Empereur sur

le Sénat, les gouverneurs, la société. C’est ce que suggérait Dion Cassius, qui distinguait la

liberté et la pluralité de l’information sous la République, et le régime autoritaire de

l’Empire : à partir d’Auguste, écrivait-il, “ la majeure partie des événements commencèrent à

être tenus secrets et si une partie était rendue publique, ils n’étaient pas considérés comme

authentiques et ne pouvaient être vérifiés […] D’où de nombreuses choses qui ne furent

jamais arrivées furent publiées comme vraies et inversement ”106. Dion Cassius fait allusion

notamment à la confection des acta urbis, fortement contrôlée par les Empereurs. De ce

contrôle témoignent aussi l’existence d’un personnel destiné à informer le princeps107, les

rapports envoyés des provinces108 ; les manipulations ou destructions de documents109, la

censure sur la littérature comme sur les bibliothèques etc. Dans l’Éloge de Rome, cité ci-

dessus, Aelius Aristide confirme l’importance du contrôle : il évoque les gouverneurs

terrorisés par l’Empereur et soumis à sa moindre parole, comme les autres sujets (§32). Un

détail le confirme encore : dans le tribunal du gouverneur de chaque province, dès le IIe siècle

probablement, est exposé le liber mandatorum, le registre des instructions impériales ; il

devient vite, à côté du portrait de l’Empereur, le symbole de sa présence. Le liber incarne

ainsi la majesté de l’empire, au même titre que le portrait110. L’adoration, par proskynèse, des

décrets impériaux, qu’on trouve attestée dès le IIe siècle en Egypte111, en est un autre exemple.

105 Histoire des Empereurs romains de Marc-Aurèle à Gordien III, I, 6, 5. 106 Dion Cassius, 53, 19, 1-6. 107 Cf.par exemple B. Rankov, 1990. 108 Philo, ad Gaium, 165, évoque ainsi les hypomnematikas ephemeridas envoyés régulièrement d’Egypte à Caligula. 109 Ainsi, Tibère empêcha qu’on inscrive, dans les acta urbis, le nom d’un architecte qu’il jalousait (Dion Cassius, 58,21) ; en revanche, “ ce qui était dit en secret et à une seule personne, il le divulguait, en sorte qu’on le mettait dans les Actes publics ” (Id. 58, 23) ; Domitien tenta de cacher certaines de ses victimes en ne publiant pas leur nom dans les acta (Dion Cassius, 67, 11, 3). Sur la destruction de documents, voir par exemple Suét. Cal. 15. 110 Sur le rituel d’adoration des décrets impériaux dans l’Antiquité tardive, cf. C. Ando, 2000, p.106 suiv. 111 P.Tebt.II 286 ll. 21-24, où l’on voit un magistrat rendre ses jugements en se prosternant devant les rescrits de Trajan et Hadrien (cité par C.Ando, op.cit., p. 106). La prosternation est attestée à la même époque en Orient : un papyrus trouvé sur une rive de l’Euphrate (P.Euprhates 1), au nord de Doura, rapporte une plainte déposée auprès du gouverneur de la région par des villageois en 245 ; ceux-ci la

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La communication écrite, avec les pétitions notamment, a accru également le rôle

législatif du prince au détriment des autres sources du droit112. Ce dernier a été largement aidé

par les cités elles-mêmes, qui ont donné aux avis impériaux une valeur absolue113, et surtout

par les juristes : Eduardo Volterra a montré comment, par leur activité jurisprudentielle, par

leurs ouvrages, puis par la rédaction des codes, ils ont effectué un véritable travail

d’abstraction et transformé des décisions locales en règles de droit universellement valables.

Ce faisant, ils ont favorisé l’évolution vers l’unification du droit.

Enfin, le système des pétitions a imposé l’idée que l’Empereur (ou son délégué, le

gouverneur114) pouvait répondre à tous, arbitrer sur les moindres problèmes juridiques,

qu’entre l’Empereur et ses sujets, la communication était possible. La parole impériale est

devenue un moyen de se faire rendre justice et le document impérial une protection, une

“ divine providence ”. En témoigne le fait que la moindre lettre impériale fut affichée par les

cités, et même une simple lettre de remerciement à des vœux de provinciaux — par exemple

la lettre d’Auguste à Sardes pour répondre aux vœux envoyés par la cité à Rome lors de la

prise de toge virile de Caius César, en 5 avant notre ère115.

Etait-ce de la part des administrés une réaction irrationnelle, une foi de charbonnier ?

Disons plutôt que la communication a bien fonctionné et que les provinciaux ont cru ce qu’on

leur avait expliqué. Autrement dit, ils ont été persuadés par l’Empereur qu’il était leur

bienfaiteur.

Il faut dire que les Empereurs n’ont pas ménagé leurs moyens. Suivant les injonctions

que Cicéron avait adressées à son frère, en 59 avant notre ère, alors que ce dernier était en

charge de la province d’Asie116, ils ont fait savoir que le Sénat et l’Empereur gouvernaient

pour le bien de leurs sujets, et surtout ils ont fait publier partout ce message, sous prétexte

d’informer117. L’information a même été le meilleur moyen d’exprimer, de rendre visible le

déposent au nom, disent-ils, des divines constitutions “ que vous, gouverneur, vous connaissez et devant lesquelles vous vous prosternez ”. (cité par C.Ando, op.cit., p.73-74). 112 Voir J.-P. Coriat, 1997, p. 338 suiv.. 113 Cf. F. Millar, 1984, p. 52. 114 Nombreux exemples de pétitions au gouverneur dans D. Feissel et J. Gascou, 1989. 115 R.K. Sherk, RDGE, 68, et les remarques de C. Ando, 2000, p.169. 116 Ad Quint. fr. I, 1, 13 : “ La province entière doit savoir qu’il n’est rien qui te soit plus cher que la vie de tes administrés, que leurs enfants, leur réputation, leur fortune ”. 117 Faire afficher une décision du prince, c’est à la fois informer et célébrer la sagesse et la bienfaisance impériales. Témoin la dénégation si révélatrice d’Hadrien dans une lettre adressée au préfet d’Egypte (117-119) : “ il t’appartiendra de faire connaître à mes soldats et à mes vétérans cette faveur, non pas pour que je paraisse en faire un grand cas, mais afin qu’ils en bénéficient s’ils l’ignoraient” (BGU 140 = FIRA I, 78 = Hunt et Edgar, 1956, II, 213).

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pouvoir, aussi bien en province (tel est par exemple l’un des buts du 5 e édit de Cyrène118),

qu’à Rome même. La reddition des comptes financiers en est un bon exemple. Pline le Jeune

louait ainsi Trajan d’avoir exposé au Sénat l’état des frais occasionnés par ses déplacements et

d’avoir montré qu’il avait moins dépensé que Domitien : la reddition des comptes, qui était un

acte volontaire et donc bienfaisant, était une sorte de publicité pour l’Empereur, tout en ayant,

disait-il, un rôle moral à jouer, par la comparaison qu’elle suggérait entre un bon et un

mauvais dirigeant. De même, d’Antonin, modèle du bon prince, l'Histoire Auguste rapporte

que, “ de tout ce qu’il fit, il rendit compte aussi bien au Sénat que par des édits ”, c'est-à-dire

au peuple (et in senatu et per edicta rationem reddidit)119. Cette habitude avait commencé

avec Auguste, qui rendit ses comptes financiers régulièrement, et même après sa mort120. Ce

qu’on a appelé son testament, les Res Gestae, se présente en effet moins comme un auto-éloge

que comme une reddition de compte : preuve que cette dernière est avant tout une

communication symbolique, destinée à faire exemple et à dire, à elle seule, indépendamment

des informations réelles qu’elle véhicule, que l’Empereur veut le bien commun — et que, en

tant que tel, il mérite l'apothéose121. C’est en ce sens que la communication est un enjeu de

pouvoir.

Ainsi les messages impériaux disent-ils que la communication est un bienfait du prince

et que le prince transmet son information pour le bien de ses sujets122. Bien plus, ils visent à

souligner le bon fonctionnement de l’Etat, en exhibant non seulement l’histoire du prince (à

travers sa titulature123), mais aussi le fonctionnement du pouvoir, ses rouages (les rapports

entre prince et Sénat, la hiérarchie des pouvoirs entre prince et promagistrats, le respect des

décisions antérieures etc124…), sa continuité.

Enfin la forme même du texte, son style porte un message visible, pourrait-on dire,

mais non dit.

La négociation

118 Sur l’édit de Cyrène, voir note 28. Cf. aussi l’édit d’Alexandre Sévère sur la suppression du paiement de l’or coronaire (P.Fay. 20 = Hunt et Edgar, 1956, 216). Et les nombreux documents où il est ordonné aux cités d’afficher ou d’enregistrer les documents émanant du centre. J’emprunte à Paul Veyne (1976, p. 676 suiv.) la distinction entre information et expression. 119 SHA, Ant.P. 12, 3. 120 Une pratique abolie par Tibère puis restaurée par Caligula : Suét. Cal. 16. 121 Sur cette idée, voir les remarques suggestives de B. Bosworth, 1999. 122 Sur les bienfaits comme moyen de forger le consensus, cf. V. Scarano Ussani, 1992, p. 17 ; 22 123 Une idée développée par C.Ando, 2000, p.106. 124 Ainsi l’oratio principis dans le s. c. de Pisone, ll.30 suiv. (CIL II 2, 5, 900 = AE, 1996, p.288).

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Comme l’a remarqué Eduardo Volterra, les princes ont, au début de l’Empire, adopté

le style sobre des magistrats républicains, dont la légitimité dépendait du Sénat et du peuple125

; mais plus s'est affirmé leur pouvoir absolu, plus leur volonté s'est soustraite à tout contrôle et

a constitué une source de droit, et plus l'expression de cette volonté a pris un style

grandiloquent : il n’est qu’à lire les lettres de Dioclétien et Maximien126 ou celles de Julien127.

Qu’est-ce que cet empire autoritaire, dont l’Empereur veut persuader ou même se justifier ?

Peter Brown a bien rappelé dans un livre récent le rôle de la persuasion dans les rapports

entre gouverneurs et gouvernés128 : comme l’écrivait Fronton à Lucius Verus, le terme

imperium n’appartient pas seulement au vocabulaire du pouvoir, mais aussi du discours129. Et

il ne s’agissait pas seulement de flatter ou de tromper, mais de solliciter, en plus de la

contrainte, le consensus. Ce consensus était au bout du compte le fondement de l’auctoritas,

donc de la légitimité impériale, comme le proclamait très explicitement Auguste dans les Res

Gestae. De ce point de vue, on peut dire que ce message est passé. Non seulement les

provinciaux ont recouru aux Empereurs pour se protéger et obtenir justice, nous l’avons dit,

mais ils ont fini par s’exprimer comme le prince : les pétitions reprennent les mêmes modèles,

le même style que les édits et les mêmes thèmes130. Cela prouve aussi qu’il n’y a pas

seulement propagande, mais idéologie, c'est-à-dire opinions partagées. Peu importe ce que

pensent réellement les gens et que nous ne saurons jamais. L’essentiel est qu’ils partagent le

même vocabulaire, la même forme d’expression. Le recours à l’argumentation finit par

standardiser la relation dans l’espace et le temps, il crée l’apparence au moins d’une

125 Ainsi l’édit d’Auguste de aquaeductu Venafrano (CIL X 4842= FIRAI, 67) ; ou l’édit de Vespasien sur les privilèges des médecins et des professeurs (FIRA I, 73, 13-19 : “ Moi, Imperator Caesar Vespasianus, j’ai endossé cet édit (subscripsi et iussi) et ordonné qu’il soit affiché sur une table blanchie (in albo) ”. 126 Collatio VI,4 = FIRA, II, p. 559 (cité par E.Volterra, 1971, p. 1028-29) : Sed quaecumque antehac vel inperitia delinquentium vel pro ignorantia iuris barbaricae inmanitatis ritu ex inlicitis matrimoniis videntur admissa, quamquam essent severissime vindicanda, tamen contemplatione clementiae nostrae ad indulgentiam volumus pertinere, ita tamen, ut quicumque in ante actum tempus inlicitis incestisque se matrimoniis polluerunt, hactenus adeptos se esse nostram indulgentiam sciant, ut post tam nefaria facinora vitam quidem sibi gratulentur esse concessam, sciant tamen non legitimos se suscepisse liberos, quos tam nefaria coniunctione genuerunt. Ita enim fiet, ut de futuro quoque nemo audeat infrenatis cupiditatibus oboedire, cum et sciant ita praecedentes admissores istius modi criminum venia liberatos, ut liberorum quos inlicite genuerunt successione arceantur, quae iuxta vetustatem Romanis legibus negabatur. Et optassemus quidem nec ante quicquam eius modi esse commissum, quod esset aut clementia remittendum aut legibus corrigendum. 127 Par exemple, la lettre 25b (éd. Bidez, 75 b), à comparer avec le CTh. 13.3.4. 128 P. Brown, 1992 ; et M. Benner,1975, p. 176 suiv. 129 Fronton (ad Verum Imp. II, 12) : Imperium non potestatis tantum modo vocabulum sed etiam orationis est.

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24

communauté de culture, de langage, dans laquelle même l’autocensure prend le nom de

consensus131.

Mais la rhétorique persuasive dit encore autre chose : à savoir qu’elle s’adresse à des

hommes rationnels. Entendons par là non pas des hommes de raison, mais, au sens

étymologique de ratio, des hommes qui calculent, qui négocient. L’Empereur parle comme la

loi, mais en même temps il signifie par son style que tout est négociable ; et cela l’est. Les

pétitions et les réponses impériales en sont l’illustration. Aussi bien l’Empereur que les

particuliers, les cités négocient un privilège, un bienfait, une charge132. D’où l’importance du

rescrit non pas seulement, comme l’ont souligné de nombreux savants, comme source du

droit, mais comme indice révélateur de la place réelle de l’Empereur dans le système

politique. Par la communication écrite démultipliée et particulière, l’Empereur institue un

domaine qu’on peut appeler métalégal, sur lequel il construit son autorité, et dont l’effet

principal est en fait surtout de détruire la société politique, de transformer la définition de la

respublica. Celle-ci n’est plus au bout du compte “ la chose du peuple ”, c'est-à-dire, comme

la définissait Cicéron, “ le rassemblement d'une multitude, associée selon un ordre reconnu de

tous et une communauté d'intérêts ” (de rep.I, 25, 39) ; elle n’est plus référée à un populus,

c'est-à-dire à une communauté, mais, comme le suggère un Panégyrique de Constantin

précisément à propos des bienfaits de l’Empereur, elle est “ un agrégat d’individus (cum ex

singulis sit coagmentata res publica)”, en quelque sorte reliés au prince par de multiples liens

parallèles et de multiples intérêts particuliers : “ Je passe sous silence, écrit le Panégyriste, les

fortunes rendues [par toi] à tous les particuliers […], parce que mon discours est à peine

suffisant pour exposer ce qui a été fait dans l’intérêt commun (facta publicitus). Pourtant,

puisque l’Etat est un agrégat d’individus, tout ce que l’on fait pour lui rejaillit en proportion (

ad omnes pro portione) sur chacun, et il est inévitable que, inversement, les biens obtenus par

chaque individu (quod singillatim omnes adipiscuntur) rejaillissent sur la communauté (in

commune rei publicae redundare) ”133. Dans cette alchimie, on le voit, se dissout aussi la

notion de bien commun : alors que l’utilitas communis était considéré sous la République

130 Cf.T. Hauken, 1998, p. 267-8 ; p.149 suiv. : justification dans le préambule, explication, légitimation. Les gouverneurs aussi ont adopté le même style, comme le montre par exemple l'édit de Ti. Julius Alexander, préfet d’Égypte, en 68 : CIG III, p. 445, 4957, add. p.1236 = FIRA I,58 131 Cf. A. Wallace Hadrill, 1982, p. 32-48. 132 La négociation existait sous la République sous la forme de la recommandation (commendatio), mais elle n’était pas érigée en système de gouvernement. 133 Pan. 10 (4).33.7. Sur la définition de Cicéron, voir en dernier lieu, C. Moatti, 2001, 2, et la bibliographie citée. Sur l’utilitas publica, voir par exemple J. Gaudemet, 1951 ; J. Jossa, 1963.

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25

comme la valeur sous laquelle devaient être subsumés tous les intérêts particuliers, une idée

qu'on trouve encore au IIe siècle de notre ère134, elle leur est désormais indissociable.

Ce n’est pas seulement la concentration des pouvoirs dans les mains d’un seul qui a fait

disparaître la respublica et en a fait un simple assemblage d’individus ; c’est aussi ce lien si

particulier de l’Empereur à ses sujets, qui à la fois fonde le consensus et justifie les honneurs

dont il est l'objet.

Si la voix du crieur public, s’adressant à tous, organisait la communauté, selon le mot

d’Aristote, l’émiettement de la relation écrite entre le prince et des particuliers ou des groupes

revendiquant des privilèges a, pourrait-on dire, détruit par ricochet toute référence au populus

en tant qu’entité politique, au moment même où l’ensemble de l’Empire s’unifiait dans la

citoyenneté. Et révélé la fragilité de la légitimité impériale, destinée à être sans cesse

renouvelée par des proclamations, des bienfaits et donc des rituels — c'est-à-dire par de la

communication. De quoi ouvrir une large réflexion sur la place de la négociation en politique

et sur sa signification selon l’état de la société.

Claudia Moatti

Université de Paris 8 - University of Southern California

134 Marc Aurèle, Méditations V, 22 : ce qui ne nuit point à la cité, ne nuit point aux citoyens.

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