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N°33 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE - AVRIL 2009

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SENOBLEUne centralisationréussie à Villeroy

Lorsque Senoble envisage dès 2002 deconstruire un entrepôt central àVilleroy, avec un magasin grande hau-teur et des processus de réception etde stockage automatiques, les pro-

duits pour les clients français sont stockés surl’un de ses principaux sites industriels à Jouy(à 15 km de Villeroy), et ceux destinés à l’ex-port sont traités dans de multiples entrepôts dedébord. Il est alors prévu de mettre en œuvreà Villeroy les techniques qui fonctionnent surJouy, à savoir un picking classique en Z (lecariste prend les produits de chaque côté, sonchariot étant au milieu de l’allée), dans desallées étroites (3,40 m), monodirectionnelleset monoclients (c'est-à-dire ne concernant lesproduits en marque distributeur que d’uneseule enseigne). Le dimensionnement du sitedécoule directement de ces choix : il compterasix quais de réception, avec un convoyeurd’entrée unique, un magasin grande hauteurentièrement automatisé de 6.000 m2 (22.800emplacements, sur 10 allées de stockage et 10 niveaux), une zone de 12.000 m2 de pic-king et 20 quais d’expédition. En parallèle, lamigration de l’activité logistique de Jouy vers

En novembre 2008, Senoble inaugure officiellement une extension de 6.000 m2 sur sa plate-forme de distribution de Villeroy, dans l’Yonne,livrée trois ans plus tôt. Véritable vitrine technologique de 26.000 m2,

la plate-forme centralise désormais l’ensemble de la logistique du groupe(y compris pour l’export) au barycentre des unités de production françaises. Elle expédie 550.000 tonnes de produits frais par an.

D’ailleurs, Senoble propose à présent à d’autres industriels de profiter de son savoir-faire logistique et transport en froid positif via sa nouvellefiliale Iris Logistique. Mais tout officiel qu’il soit, ce bref résumé ne laissepas du tout augurer des difficultés que le groupe a rencontrées en 2006

pour en arriver finalement à ce résultat, ni des enseignements qu’il en a tirés. Retour sur un « crash » qui finit bien.

Villeroy s’accompagnera d’une migrationinformatique du WMS, de la version GoldPMS (installée en 2002) à Gold LSP de l’édi-teur Aldata.

Un effet de prise en masseLe bâtiment est livré par Elcimaï Réalisationsen septembre 2005, puis Senoble y installe leséquipements. Le transfert des activités de

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Jouy est effectué par étapes. Le week-end des29 et 30 avril 2006, les derniers stocks quittentJouy. 40 % du personnel logistique qui tra-vaillait encore sur Jouy est transféré en uneseule fois sur Villeroy, après avoir reçu pen-dant quelques mois une formation théorique àla nouvelle version du WMS. Et là, mauvaisesurprise : entre le 2 et le 5 mai, l’entrepôt deVilleroy devient totalement saturé. « La capa-cité constatée sur 24 heures consécutives étaitde 170.000 colis et 1.000 palettes complètesalors que nous devions traiter 230.000 colis et2.200 palettes complètes », se souvient DavidBrissard, l’actuel Directeur du site, mais qui à l’époque venait à peine d’intégrer l’équipelogistique de Senoble. « Passé le point de satu-ration, on a eu un effet de prise en masse : pluson ajoutait de personnel et plus la productionbaissait ». Le lendemain, la direction décidede revenir en arrière, en transférant provisoi-rement une partie des flux vers Jouy.

Le contexte avait changé depuis 2002Malgré ce « crash » plutôt déstabilisant, per-sonne ne cède au découragement. DavidBrissard met rapidement en place une cellulede crise à laquelle participent activement Jean-Paul Sténac (Metis Consulting) et RobertHusset (Directeur des solutions logistiqueschez Aldata). Il s’agit de tout remettre à plat etd’analyser au plus vite les causes de cet échec. Conclusion de ces travaux : même si tout avaitété pensé en respectant les méthodes stan-dards, qui avaient fait leurs preuves ailleurs, ilapparaissait que l’activité de préparation decommandes de Villeroy était, malgré les appa-

rences, très différente de celle de l’entrepôt deJouy. Ce dernier se concentrait sur les princi-paux clients français, avec un picking à faiblerotation. « En rapatriant toutes les référencessur Villeroy, nous rassemblions les faibles etles fortes rotations dans le même entrepôt »,note David Brissard. Le contexte avaitchangé, mais la stratégie retenue pour Villeroys’appuyait sur une étude réalisée en 2002 etnon réactualisée en cours de route. Or, entre2002 et 2005, les flux s’étaient radicalementmodifiés. A une stratégie de flux stockés (deslivraisons de palettes complètes trois fois parsemaine), beaucoup de clients de Senoble (enl’occurrence les enseignes de la grande distri-bution) recouraient de plus en plus aux fluxtendus, ce qui requiert beaucoup plus d’assor-timents en picking. Et cette tendance se pour-suit depuis puisque le taux de palettes com-plètes, qui était de 55 % en 2002, est passé à40 % en 2006, et qu’il se situe aujourd’huiaux alentour de 35 % (soit quand même 2.800 palettes complètes expédiées par jour).

Des spécificités liées à l’activité de SenobleRésultat, le modèle des allées étroites, mono-clientes, n’était pas pertinent pour traiter desvolumes nettement plus importants qu’à Jouy :25.000 à 30.000 colis/heure. D’autant queVilleroy doit traiter des flux tendus aussi bienen réception qu’en expédition. En amont,comme il n’y a pas de dépôt usine, toutcamion qui se présente doit être réceptionné(une noria de camions fait la navette entre lessites de Jouy et Villeroy), et en aval, il faut res-pecter des contrats horaires très précis.Impossible de lisser l’activité en traitant unbatch de commandes la veille, les délais detraitement pouvant être très courts, parfoisinférieurs à une heure et demie, et la ponctua-lité d’expédition de ces produits frais étantimpérative. « On peut avoir des commandesexceptionnelles en milieu d’après-midi donton n’était pas au courant le matin même »,fait remarquer David Brissard. Sans oublier laparticularité liée à la forte activité MDD deSenoble (les Marques Distributeurs représen-tent près de 80 % de l’activité du groupe).Pour une référence MDD, le picking n’est pasétalé dans la journée, mais peut être aucontraire extrêmement élevé dans des picshoraires très courts, ce qui augmente lesrisques de saturation dans les allées. Pour cou-

David Brissard,Directeur de Gatilog :« La capacité constatée sur 24 heures consécutives était de 170.000 colis et1.000 palettes complètes alors quenous devions traiter230.000 colis et2.200 palettes complètes ».

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ronner le tout, beaucoup de flux ont descontrats dates très stricts, et peuvent mêmeimposer de faire des picking « multi DLC »pour une même référence.

Aérer le pickingC’est donc la méthode de picking choisie quiest considérée comme la principale cause duproblème de saturation, la mécanisation ayantensuite contribué à renforcer l’effet de priseen masse, car les palettes sortaient dans deszones déjà saturées. Autre facteur aggravant :le personnel n’avait été formé au nouveauWMS que de manière théorique, ce qui étaitdéstabilisant dans cette situation de crise. Encinq ou six mois, le plan de modification deVilleroy prend forme. Il s’agit avant tout d’aé-rer, de fluidifier la préparation de commandesen élargissant les allées, qui passent de 3,40 mà 4,60 m. Le picking en Z laisse la place aupicking en U : les caristes peuvent ainsi circu-ler dans les deux sens, avec un espace supplé-mentaire pour passer au milieu ou faire desmarches arrières pour optimiser le colisage (àla demande du WMS, qui tient compte de lafragilité des produits). Les références ont

deux adresses de picking, pour répartir alter-nativement les préparateurs. Toujours dans lebut de lisser la présence de personnel dans lesmêmes endroits, l’idée d’allées mono clientest abandonnée : chaque allée de pickingconcerne en moyenne quatre clients, àhoraires de préparation distincts. Par ailleurs,Senoble décide de mettre en place un systèmevocal à la fois pour gérer le réapprovisionne-ment et la préparation de commandes : en par-tenariat avec Aldata, 72 terminaux Talkmande Vocollect sont déployés par Nomadvancede mars à octobre 2007, avec une réductionspectaculaire de 40 % du taux d’erreur.

Pousser les mursPour avoir des allées larges et un double pic-king par référence, il faut pousser les murs :d’où la construction, commandée à Elcimaï,d’une extension picking de 4.800 m2. La placeainsi gagnée apporte quatre nouvelles zonestampons de 600 palettes au sol, pour éviter de rendre les processus interdépendants lesuns des autres. C’est le logiciel Gold qui gèreles mouvements de palettes entre ces zonestampons et les quais d’expédition. La zone de réception est également agrandie de 1.600 m2, avec l’ajout d’un système decontrôle automatique des charges et de ges-tion des destinations palettes. Au total, il aurafallu deux ans pour lancer la construction des

nouveaux bâtiments, remettre àplat l’organisation (l’implica-tion et la motivation des équipesa grandement contribué au suc-cès du projet), les implantationsdes allées et des convoyeurs.Les derniers transferts de mar-chandises depuis l’entrepôt deJouy ont lieu le 9 juin 2008.Mais cette fois, le résultat est à la hauteur des attentes. L’outilpeut désormais traiter despointes de 250.000 colis parjour. « Chez Senoble, il y avaitun savoir faire industriel dans

les relations avec la grande distribution, on ya ajouté le savoir-faire logistique », se féliciteDavid Brissard, désormais Directeur deGatilog (voir encadré). Avec un petit plus : lafaculté de se remettre en cause, sans tabous. « Tout ce qui ne me tue pas me rend plus fort », disait Nietsche…

Jean-Luc Rognon

Iris Logistique, un industriel qui fait de la logistique

Dès 2007, nous avons décidé de faireprofiter certains industriels de

notre expertise logistique », déclareAlain Perez, devenu Président d’IrisLogistique après avoir été pendant 28 ans Directeur financier de Senoble.Cette nouvelle holding détenue à 82 %par Senoble regroupe d’une part lesactivités transport du groupe (sociétéSTS, 55 véhicules en flotte propre, 75 conducteurs) et d’autre part la logis-tique, via sa filiale Gatilog, qui exploitela plate-forme logistique de Villeroy (300 salariés). Sans chercher la concurrence frontale avec STEF-TFE (qui assure toutde même 20 % des transports du groupe), Iris Logistique seprésente comme une alternative, avec une prestation com-plète pour des produits stockés à des températures comprisesentre 0 et 6° C maximum (stockage, préparation, expédition,transport), mutualisée avec ses propres processus bien rôdésd’expédition vers la grande distribution (pour le compte deSenoble). Iris compte déjà une dizaine de clients dont le choco-latier Gü ou la société Michel et Augustin, ce qui représentedéjà 10 % de l’activité de Villeroy.

Alain Perez, Présidentd’Iris Logistique

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