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LA PAGE DU HERISSON
PAR YU WEI
Spéciale Dédicace ! C’est à Georges CHARLES, Cha Li Shi que nous dédions cette première PAGE DU HERISSON
en espérant ne pas le décevoir. Georges qui sait impulser, donner envie de découvrir par
soi-même et d’approfondir.
Le proverbe du mois « On polit du jade, pas un hérisson » - Wang Ze Min (1909-2002)
La lettre du mois
4ème jour de la période Rosée blanche. Mois du Coq. Sous l’auspice de l’hexagramme 20
Guan : la Contemplation. Année du Lièvre de Métal du 28e cycle xin mao.
Voici la première lettre mensuelle du Hérisson. Que dire ? Que taire ? Il m’a toujours semblé
difficile d’écrire, non seulement car les écrits restent et que « tout ce que vous direz pourra être
retenu contre vous », mais aussi parce que depuis qu’on écrit tout a déjà été fait.
Pourtant, une lettre mensuelle dans laquelle on n’écrit rien est de peu d’intérêt (ou un
extraordinaire tour de force !). « Celui qui sait ne parle pas, celui qui parle ne sait pas. » (Chap.
56) nous apprend le vieux sage ; lui-même n’a-t-il pas produit 81 chapitres sur ce dont on ne peut
parler ? Loin de nous l’idée de nous mesurer à l’aune de Laozi, mais si par hasard nous pouvons
contribuer humblement de par notre petite compréhension à apporter quelque chose sur des
sujets dont certains, sages ou sots, ont alimenté pendant des siècles les places des villages, les
bibliothèques universitaires, les salles profondes des monastères et pourquoi pas le zinc luisant
des bistrots, nous serions satisfaits.
Je ne peux ici m’empêcher de reprendre à mon compte bien que cela ait été fait dans un ouvrage
de grande valeur par des personnages bien plus illustres que je ne le suis, la préface de Wang
Xing Qing en tête de son commentaire du Classique des trois caractères : « Quant à moi, sans
tenir compte du peu de culture de mon intelligence, du peu de développement de mes facultés,
j’ai, témérairement, entrepris d’ajouter un commentaire qui m’est personnel, lequel je ne puis en
douter un instant attirera infailliblement sur moi les critiques d’anciens mandarins autrefois les
plus réputés. Toutefois, comme il est destiné à aider la compréhension des plus jeunes dans leurs
Etudes, il sera peut être reconnu utile à un certain degré. ».
PhotoYu Wei
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L’innovation dans le cadre traditionnel n’est pas une recherche en soi, bien au contraire, vue
plutôt comme une anomalie voire une hérésie, à la différence des sociétés modernes dans
lesquelles on tente de « créer » du neuf dans tous les domaines de l’activité humaine. La
conservation des données originelles est un élément essentiel comme critère de légitimité.
Précisons tout de suite que cela n’exclut ni l’adaptation, faculté propre de l’intelligence ni la
synthèse, tout à fait différente du syncrétisme dont nous reparlerons un peu plus tard.
« Ce que je dis vient de quelque part » affirme le sage. Kong zi, quant à lui, dit : «Je transmets
(les enseignements des anciens) et n’invente rien de nouveau. » (Les Entretiens Chou eul
chap.7/1). On voit là l’opposition entre l’idée de progrès et d’évolution chers aux idéologies
modernes, et la notion de principe fondamental, unique, qui, issu du haut, par des changements
successifs engendre l’harmonie au sein de la multiplicité, telle qu’elle est exprimée dans toutes
les doctrines traditionnelles. Ainsi en est-il, de la théorie des Yugas hindoue ou de la succession
des différents âges que l’on trouve même chez les Grecs anciens. Le symbolisme de la chute
originelle n’étant qu’une autre façon de décrire cet aspect de la réalité.
En fait, la rencontre de la verticale (Ciel) et de l’horizontale (Terre), de cet influx qualitatif sur la
quantité, permet « l’influence des souffles médians » (Lao Zi ; Dao De Jing 42) qui vont
manifester l’Harmonie de la Vie (cf.hexagramme 11).
C’est aussi Qian (hexagramme 1) la vigueur dynamique, l’activité du Ciel venant en contact avec
Kun (hexagramme 2) la douceur malléable, la réceptivité de la Terre, mais c’est aussi le Zhong
(s’élever) et le Shu (s’étendre vers les autres) que Wang Bi explicite à propos de la doctrine de
Kong zi (cf. Entretiens Ki Cheu chap.16/10 et Wei Ling Koung, chap.15/23).
Le rapport ici étant inversé entre le point de vue cosmologique voire métaphysique et celui
propre à l’ordre humain, c’est-à-dire entre le taoïsme et le confucianisme.
Amphisbène Aglyphe.
La pratique Depuis 2007 le Hérisson de jade- Yu Wei- propose des pratiques énergétiques
traditionnelles chinoises dans le cadre de cours hebdomadaires et de stages saisonniers.
Avant de présenter notre principale activité, faisons un détour par l’étymologie de
Yu Wei…
Yu, (rac. 95), la pierre précieuse, le jade ; beau, excellent, parfait. [Couvreur]
« Les minéraux semi-translucides laiteux ou colorés, jade et autres dont les chinois raffolent. Le
caractère représente trois (les horizontales) morceaux de jade enfilés (la verticale). L’addition
d’un point est moderne et faite pour distinguer yu de wang. » [Wieger]
A l’intérieur de Yu, Wang, le roi : la verticale qui relie en leur centre les trois horizontales Terre-
Homme-Ciel. « L’un qui joint les trois, c’est le roi » (cf. Kong Fu Zi), comme une invitation à se
réaliser (au sens « être réalisé » Cheng Ren) par la double expansion ; expansion sur les deux
plans, celui de la verticalité et de l’horizontalité et expansion dans les trois dimensions haut/bas,
devant/derrière et sur les côtés…croix, carré, triangle, cercle, sphère…
On remarque ici encore ces trois-un (san yi) que nous retrouverons constamment dans le
déroulement de nos réflexions et de nos pratiques, sous différentes formes.
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Wei (rac.142), hérisson, hérissé, nombreux, difficile.[Couvreur]
Caractère composé de :
- Wei : « figure du mouvement vermiculaire, serpentin. Tous les êtres qui rampent, serpent,
vers, larves, insectes, etc. »,
- Tian (Rac.102) « champ, campagne. Image d’une pièce de terre traversée par les sillons,
d’une rizière avec ses rigoles » et de
- Yue (Rac.74) : « croissant lunaire entièrement visible. » [Wieger]
Il s’agit donc de l’animal sympathique mais piquant qui, à la faveur de la lune, se goberge dans
les champs d’insectes et de vermines rampantes de tout genre …pour le plus grand bonheur de
tous.
Yu Wei :
Une intention : mouvement manifeste vers le parfait.
Un changement : sillonnant (épousant) la terre, éclairé par l’astre céleste il est possible à chaque
être d’atteindre son orient. (clarté-pureté)
Une unité : la concorde procure l’harmonie et conduit à la joie.
« c’est en empruntant la voie que le chemin se trace » (cf. Zhuang zi)
Encore les san yi.
Les activités du Hérisson de jade dans le cadre de l’école San Yiquan, selon
l’enseignement de Georges CHARLES :
Dao Yin Fa Qi Gong
Xing Yi quan et Tai Ji quan
Gong Fu Wu Shu
Ci-après une présentation (très !) succincte des cours que nous proposons. Il est inutile de
préciser que les informations délivrées ici ne sont qu’une ombre fugace en comparaison de la
somme de renseignements que vous trouvez sur les pages dédiées du site tao-yin.com !
Daoyin fa Qi Gong : La gymnastique taoïste est une pratique d’entretien de la santé. Elle tend
par la recherche d’unité entre respiration et mouvement à harmoniser l’individu dans son milieu,
à favoriser vitalité et longévité, et à garder les pieds sur terre tout en éveillant l’esprit. Elle vise à
renforcer la structure corporelle, à nourrir les sens, à harmoniser l’énergie et à éveiller l’esprit
par le biais d’exercices accessibles à tous organisés en petite, moyenne et grande formes. Avec
ses méthodes de régénération du souffle qui associent intention, sensation, visualisation,
mouvement corporel et posture, la gymnastique énergétique est une pratique de santé et d’éveil
qui place l’homme entre le ciel et la terre.
Xing Yi Quan et TaiJi Quan : Art chevaleresque « interne » est une application de
l’énergétique classique. Sun Lu Tang précise qu’« en pratiquant l’art interne du poing nous
avons pour but de consolider notre santé, d’améliorer notre condition physique, d’accroître la
capacité d’auto-défense, d’éveiller l’esprit et, éventuellement, d’agir sur le cours du destin.». Le
Xing Yi dont l’origine remonte à Yue Fei (12 ème siècle) est basé sur l’enchainement des 5
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éléments. On pratique seul et avec partenaire des applications sur poussées (Tui Shou), sur
saisies et sur frappes.
Gong Fu Wu Shu : Art chevaleresque « externe » est issu du célèbre monastère de Shaolin et
se compose de l’apprentissage de Taolu soit l’étude de formes de combat avec armes (bâton,
épée, sabre, éventail) ou à mains nues.
Nous étudions les formes de Tang Lang (boxe de la mante religieuse), de Hung Gar (boxe de la
famille Hung) et de Wing Chun (boxe du printemps radieux) ainsi que leurs applications.
Pour connaître les jours et heures des cours et des stages rendez-vous plus bas dans cette Page
du Hérisson à la rubrique « Les infos… »
Quelques photos
Lance de Yao Fei, Georges et Xavier
Maniement de la lance
Stage en Italie, avec Yves
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Atelier d’éventail à la Villa Salta, 2010
Pratique de Dao Yin Fa Qi Gong
A Athis-Mons, stage de printemps 2011 conduit par Georges Charles
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Bâton. Stage 2011. Samuel s’en sortira-t-il ?
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ème forme de Métal pour se tirer de l’embarras…
Dao Yin Fa Qi Gong à Paris.
Chacun pratique en fonction de ses possibilités du moment : « Qui ne peut galoper, qu’il
trotte ! »
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Forme Kai Men Shi : ouvrir les portes de la pratique. Cours à Paris.
Forme du Singe, Vaires-sur-Marne
La technique du mois
Titigre en posture typique …du singe ?????
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Ce matin, alors qu’il venait de procéder à sa toilette matinale, laquelle faisait suite à un déjeuner
apprécié à en croire l’expression apparente de contentement qui était la sienne, ce matin, donc,
au moment qui me semblait propice pour solliciter l’attention de notre ami-expert, je demandais
à Titigre de me révéler la clef de cette technique si particulière dont il nous a fait maintes fois
l’honneur de la démonstration (et dont on peut voir une photographie plus haut).
Nonchalamment assis sur le capot de la R5 chauffé par le soleil, il me confia : «avant tout
mouvement il y a un temps de non-mouvement …qui est déjà mouvement mais sur un autre plan,
évidemment»…puis il tourna les coussinets et poursuivit ses activités. Comme je le relançais sur
la technique en question voulant en savoir plus, à commencer par son nom, il lâcha avec un air
de malice : « Surgissement de nulle part. Ouvrir pour accueillir le nouveau. Disponibilité
sourainte». Sourainte ? Qu’a-t-il voulu dire ? Souriante, souveraine…Arrgghhh il nous faudra
faire avec ! Après tout, n’est-ce pas à chacun de faire son chemin. Méditons cet enseignement.
Anne Pamanquet
L’herbier du Hérisson Dans cette rubrique il est question de plantes sauvages issues de deux milieux
géographiques distincts : les petites montagnes de la Margeride pour l’un -haut lieu de
stage d’été de l’école San Yiquan depuis une douzaine d’années- et les berges de l’Orge
pour l’autre.
Quelle plante pour cette première Page du Hérisson ? C’est le bleuet qui s’impose à nous !
Accueillons donc ce casse-lunettes et voyons la suite…
Le bleuet comme toutes les centaurées tient son nom de Chiron, le sage et bon Centaure,
éducateur d’Achille, et précepteur d’Esculape à qui il révéla le pouvoir et l’usage des simples.
Le bleuet (Centaurea Cyanus. L) qui peut se faire appeler bluet, blavette, barbeau, casse-lunettes
et aubifoin appartient à la famille des composées.
Habitat : Europe, dans les champs, les sols riches et légers situés jusqu’à 1800 m d’altitude.
Hauteur : 30 à 80 cm.
Annuel ou bisannuel. Floraison de mai à septembre.
Saveur amère.
La plante entière est utilisée. Séchage rapide au grand air.
Propriétés : adoucissant, astringent, dépuratif, diurétique, purgatif, anti-inflammatoire.
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L’eau florale de bleuet est reconnue comme un soin de beauté d’une extrême douceur
particulièrement favorable à la zone oculaire.
Il est conseillé de cultiver cette plante en raison de sa rareté.
Le bleuet est peu utilisé en pharmacopée chinoise que cela ne nous empêche pas de préciser son
nom : Shi Che Ju.
Pour le plaisir des yeux !
Canard Fulgurant et Langoustine Intrépide
Les infos… Les cours
Rendez-vous à Athis-Mons (Essonne –91)
Dojo du Gymnase Carpentier ; Avenue de la terrasse prolongée
mardi de 20h15 à 21h30
vendredi de 18h à 19h30
et
10 rue Lebeau (proche centre-ville)
jeudi de 19h30 à 21h
Rendez-vous à Paris (14ème
)
Centre socio-culturel Maurice Noguès, 5 avenue de la porte de Vanves
jeudi de 10h30 à 12h
Rendez-vous à Vaires-sur-Marne (Seine et Marne-77)
Au centre d’Arts et loisirs
jeudi de 14h30 à 16h et de 16h15 à 17h15
10
et
Salle des pêcheurs
lundi de 18h à 19h00 et de 19h15 à 20h30
Les stages
5 stages
Stage d’automne le 16 octobre 2011
Stage d’hiver le 11 décembre 2011
Stage de printemps le 26 février 2012
Stages d’été le 29 avril 2012
Stage de solstice d’été le 24 juin 2012
Chaque année le Hérisson de Jade invite Georges CHARLES à diriger un stage.
La preuve en image.
Contacts et renseignements :
Message électronique : leherissondejade@orange .fr
Message téléphoné : 01 69 57 03 72
Présence aux fêtes des associations des communes de Vaires-sur-Marne le 4 septembre 2011
et d’Athis-Mons le 17 septembre 2011
Astrologie
Le calendrier luni-solaire 2011
Pour celles et ceux qui auraient été étonnés de lire que notre stage de printemps est programmé le
26 février prochain, rappelons que nous nous conformons à un calendrier luni-solaire. Le début
de l’année étant déterminé en fonction des lunaisons, la première lune marquant le début du
printemps.
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Pour 2011 par exemple (cf. le calendrier ci-dessous), l’année a débuté le 3 février, date d’entrée
dans le printemps. C’est la première lune considérée. Elle est placée sous la bienveillance de
l’hexagramme Tai, le onzième des 64 hexagrammes du Yi-king. A chaque lune correspond un
hexagramme. 3 lunes par saison. Trois hexagrammes par saison et un quatrième qui chapote la
période. Ainsi pour l’ouverture du cycle des saisons c’est Kan, l’hexagramme 29 qui officie.
CALENDRIER SEMI-TRADITIONNEL CHINOIS
Année du Lièvre de métal Xin Mao
Période Mois
Hexagramme Kan (29)
LI CHUN début de printemps 3/02-17/02
TIGRE (11)
tai
YU SHUI eau de pluie 18/02-3/03
JING HE réveil des insectes 4/03-18/03
-------------------------------------------------------------- LIEVRE (34)
da zhuang
CHUN FEN equinoxe 19/03-2/04
QING MING limpidité clarté 3/04- 17/04
DRAGON (43)
guai
GU YU pluies des céréales 18/04-2/05
Zhen(51)
LI XIA début d’été 3/05-16/05
SERPENT (1)
qian
XIAO MAN formation des épis 17/05-31/05
MANG ZHONG les céréales ont de la barbe 1/06-14/06
-------------------------------------------------------------- CHEVAL (44)
gou
XIA ZHI solstice 15/06-30/06
XIAO SHU petite chaleur 1/07-14/07
MOUTON (33)
dun
DA SHU grande chaleur 15/07-29/07
Li (30)
LI QIU début de l’automne 30/07-12/08
SINGE (12)
pi
CHU SHU fin de la chaleur 13/08-28/08
BAI LU rosée blanche 29/08-11/09
-------------------------------------------------------------- COQ (20)
guan
QIU FEN equinoxe 12/09-26/09
12
HAN LU rosée froide 27/09-11/10
CHIEN (23)
po
SHUANG JIANG descente des gelées 12/10-25/10
Dui (58)
LI DONG début de l’hiver 26/10-9/11
PORC (2)
kun
XIAO XUE petite neige 10/11-24/11
DA XUE grande neige 25/11-9/12
----------------------------------------------------------------------- RAT (24)
fu
DONG ZHI solstice 10/12-23/12
Kan (29)
XIAO HAN petit froid 24/12-9/01
BŒUF (19)
lin
DA HAN grand froid 10/01-22/01
Philomène Placide et Gus Taupin
L’hexagramme du mois Dans cette rubrique nous nous proposons de présenter l’hexagramme qui correspond au
mois de parution de la Page du Hérisson ; c’est l’occasion d’un aperçu sur le livre sacré
du taoïsme traditionnel et d’une évocation des rapports possibles avec nos pratiques
énergétiques et/ou les arts classiques du Tao.
Aperçu sur le Yi Jing
Le Yi King ou Yi Jing en pinyin, Classique du taoïsme, est à la même enseigne que tout ce qui est
manifesté : Il est une expression de l’Unité.
L’Unité produit le Yin et le Yang, représentés par 1 trait ou monogramme. A eux deux ils
génèrent quatre : le jeune yang, le grand yang, le jeune yin et le grand yin, représentés par deux
traits superposés ou bigrammes. 4 bigrammes donnent 8 trigrammes (par ajout d’un trait yin ou
yang) : Dui (le lac), Qian (la force dynamique), Zhen (le tonnerre, l’éveilleur), Li (l’éclair), Sun
(le vent), Kan (l’insondable), Ken (la montagne) et Kun (la terre, le réceptif).
Chaque hexagramme se compose de deux trigrammes. L’inférieur est yin par rapport au
trigramme supérieur qui lui est yang.
8 fois 8 font 64, 64 hexagrammes.
Deux types de traits manifestent les deux versants des choses : l’adret et l’ubac, la profondeur et
la surface, l’arrière et l’avant, le bas et le haut, la concentration et l’expansion, etc. : un trait yang
continu et un trait yin coupé en son milieu.
Un yin, un yang, c’est le Tao !
Les hexagrammes sont des figures. Comme l’explicite Han Fei zi : « Les hommes voient
rarement un éléphant (xiang) mais quand ils trouvent la carcasse d’un éléphant mort, ils se
fondent sur cette vision pour se le figurer vivant. Voilà pourquoi tout ce qui sert à se former une
idée ou une figure est appelé xiang. Or donc les mutations sont des figures au sens où elles sont
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la ressemblance des choses. Les traits des hexagrammes reproduisent les mouvements du
monde » (cf. les livrets techniques de l’école San Yiquan)
C’est du seul agencement des traits, du jeu des figures et de leur possible transformation que
survient un sens. « Voici donc un « livre » qui ne vise pas, dans son principe, à communiquer un
sens, n’est fait que de cas de figure et d’indications à « observer », ne donne à « consulter »
autant qu’à « lire » et ne nous fournit pas de plan ou d’ordre arrêtés.» (cf. F. Jullien, Figures de
l’immanence).
Une précision : l’hexagramme se développant de bas en haut, il se déchiffre donc de sa base
jusqu’à son faîte, de fond en comble. Par groupe de deux, les premières places correspondent à la
Terre, les suivantes à l’Homme et les dernières, les supérieures au Ciel.
Kuan, Kouan, Kwân, ou Guan, hexagramme 20 : la contemplation.
En bas la Terre. En haut le Vent.
Le vent souffle sur la terre : image de la contemplation.
« Le vent souffle partout sur la terre et manifeste toutes choses. Ainsi le trigramme Souen, le
vent, symbolise le voyage des anciens rois et le trigramme K’ouen, la terre, les régions du
monde. La contemplation est ce que prend l’hexagramme ; l’enseignement ce qu’il donne. » (cf.
Richard Wilhelm, traduction de Etienne Perrot, Yi King, le livre des transformations).
« Le grand observateur figuré par le trigramme du vent se tient en haut lieu ; l’homme
bienveillant et conciliant représenté par le trigramme de la terre se tient au milieu pour
contempler le monde » (cf. Charles de Harlez, Le yi-king, texte primitif.)
L’hexagramme ressemble à une tour.
C’est une tour qui permet une vision panoramique, complète, (en long, en large et en profond
pourrait-on dire, et autre chose encore !) et qui fait office de point de repère. Le groupe de traits,
en effet, évoque un point de mire, un belvédère, une montagne (le trigramme Ken -la montagne-
se trouve dans l’hexagramme) qui offre une vue au loin et peut-être également une vision de
l’esprit. « Les maîtres de l’hexagramme sont le 9 à la 5ème
place et le 9 supérieur. C’est à eux
que se rapporte la phrase du commentaire sur la décision : « Au-dessus est une grande
vision. » » A la cinquième place : un homme s’examinant lui-même à travers ce qu’il a produit ;
et à la sixième place : « un sage hors de l’agitation du monde et libéré du moi, contemple la loi
de la vie et reconnaît que le bien suprême est de demeurer exempt de blâme ». (cf.
Wilhelm/Perrot).
Exemplarité
« Tsheng Tse : « J’ai entendu rapporter que le vénérable Hou Tshi a dit : « l’homme doué qui
occupe un rang supérieur est comme un phare qui attire l’attention des hommes ; il doit les
exciter à la dignité et à la gravité, de sorte que les inférieurs fixent leurs yeux sur lui, le
contemplent et se transforment en s’améliorant. Il est donc le point de mire des regards de
l’univers. Il convient donc qu’il soit comme dans le cas de sacrifices dans le temple des ancêtres,
et non pas comme après l’offrande. Alors les inférieurs et le peuple sont amenés à la plus
parfaite sincérité de sentiment, et le contemplent en levant les yeux sur lui avec une attitude
recueillie. » (cf. Paul-Louis-Felix Philastre, Le Yi king)
Tsou Hi, précise que le mot Kouan est « ce qui est capable de servir d’exemple et que les
hommes contemplent » et que le caractère Kouan indique « la purification des mains au moment
d’accomplir un sacrifice ».
Le lavage des mains, c’est le commencement de la cérémonie. « Le cœur s’absorbe dans la
pureté de la pensée ; c’est le moment de l’extrême gravité du recueillement (…).Le recueillement
c’est l’attente les yeux fixés sur l’objet. » (Tsheng Tse ; cf. Philastre)
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Le recueillement pour Tsou Hi : « apparence de gravité respectueuse. Il s’agit de
l’accomplissement parfait des soins de purification, sans attention aux choses accessoires, de
telle sorte que la foi et la sincérité sont au dedans de soi, et que les assistants peuvent
contempler avec recueillement » (cf. Philastre).
L’apparence extérieure, le maintien, l’attitude, la contenance…de quelqu’un qui, purifié, est prêt
à offrir le sacrifice et ne fait pas l’offrande. Droiture, dignité et sévérité sont observables. Il est
un modèle et le contempler modèle. Et lui-même, contemplant, est source d’enseignement…
Contemplation, transformation, élévation.
Contemplation et regard intérieur
Assurément on trouve un lien avec Kuan (Rac.147 ; Ricci 2785) : voir, observer, regarder.
Le caractère se compose de :
A droite, un grand œil et en dessous un homme. Homme qui regarde du haut de sa taille
A gauche, un héron : oiseau à deux bouches portant une aigrette. Animal grave et digne. [cf.
Wieger, Caractères chinois]
D’après J.Lavier, au sujet de l’hexagramme 20, « Kouan est la dignité que l’on regarde » (cf. Le
livre de la terre et du Ciel ; les secrets du Yi King)
Dans le Ricci, il est précisé à propos du 20 ème hexagramme toujours : « Perception de
l’invisible, moment où l’on saisit l’influx des énergies cachées ».
Et si l’on tourne une page, on découvre un lien avec Kuan Yin, la déesse de la Miséricorde « qui
prête attention aux voies du monde ».
Comtemplation, du latin, cum (en soi), templum : (un espace circonscrit ; un espace tracé dans
l’air par le bâton de l’augure comme champ d’observation des auspices) [Dico. Gaffiot]. En soi
un espace. Du grec, temno, couper ; temenos, réserver un enclos, une portion de territoire avec
un autel ou un temple dédié à une divinité. Par extension, tout endroit consacré, lieu sacré. [Dico.
Bailly]
La contemplation conduirait-elle à un lieu sacré ?
Dans le texte de Lie Zi dans lequel il rapporte une discussion avec son maître, il est dit que si la
méditation est extérieure, la contemplation, quant à elle, est intérieure. « Le méditatif tire son
plaisir des êtres, le contemplatif de soi. Tirer de soi, c’est la promenade parfaite, tirer des êtres
c’est la promenade imparfaite. ». Marcher sans savoir où l’on va, regarder sans se rendre compte
de ce que l’on voit ; « aller partout et regarder tout dans cette disposition mentale (abstraction
totale, vue globale, rien en détail), voilà la promenade et la contemplation parfaites ». (chap.4,
dans lequel est mentionné 7 fois le terme guan)
Les rapports avec les pratiques énergétiques traditionnelles chinoises
Microcosme et macrocosme se correspondent, se reflètent l’un l’autre. Au niveau du cycle des
lunaisons la succession des hexagrammes suit un cycle «macrocosmique» (pourrait-on dire) :
l’hexagramme Guan en 8ème
lune, puis l’hexagramme Po en 9ème
lune puis Kun en 10ème
, etc. (cf.
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la rubrique astrologie). On trouve le même ordre, le même enchainement des hexagrammes au
niveau de cycles «microcosmiques» comme dans celui de la respiration (cycle inspir/expir).
Dans les travaux d’alchimie interne et de méditation taoïste, comme par exemple «la petite
révolution céleste», sont associés les 12 hexagrammes à certains endroits du corps ; lesquels
reflètent le circuit énergétique et sont en liaison avec les organes. Guan correspond à la zone du
champ de cinabre médian, le palais écarlate de l’homme, le siège des énergies sensorielles et
artistiques. Il se situe à mi-parcours de l’expir, côté yin, dans la zone du cœur. De par sa place il
est en rapport avec Tai (hexagramme 11, la paix) également en zone médiane, côté yang.
Contemplation et paix…la paix dans le vide, la grande paix : la « présence divine » est invoquée.
Présence représentée symboliquement, traditionnellement par le cœur…
«La vraie raison des choses est invisible, insaisissable, indéfinissable, indéterminable. Seul,
l’esprit rétabli dans l’état de simplicité parfaite peut l’atteindre dans la contemplation profonde »
(cf. Lie Zi chap.4).
« Pensée et action ne font qu’un ! » Wang Yang Ming (1472 Ŕ 1529)
sœur Marie-Cordélia et Isore de Kerden
La rubrique de caractère
Afin que cette rubrique de caractère ne se transforme pas à l’usage en rubrique à brac, il est bon
de préciser quelque peu les choses. Il s’agit de présenter ici quelques idéogrammes que l’on
rencontre d’une façon ou l’autre dans la pratique des arts classiques du Tao.
Il va sans dire que les concepts que nous aborderons à travers ces idéogrammes recouvrent des
notions très vastes issues de la Tradition ; par la suite les exemples et les références utilisées dans
le but d’illustrer ou de faire comprendre ces idéogrammes sont multiples et peuvent eux-mêmes
être compris à différents niveaux.
Tout d’abord, nous verrons ZHONG (Rad.61/4) et SHU (Rad.61/6) évoqués plus haut et dont
l’influence a présidée, en quelque sorte au stage d’été de Pauhlac cette année.
Zhong se présente avec le cœur en bas et le centre (la représentation d’une flèche traversant une
cible) en haut. Le cœur doit être vu tel que dans l’occident il existait au moyen-âge. Il est le siège
de l’esprit et le domaine de l’empereur. D’emblée, il correspond au centre : le cœur de la
pratique, le cœur de l’arbre…sont des exemples flagrants de ce que la langue parlée peut donner
comme image allant dans ce sens. Le cœur est en rapport avec l’élément Feu (combustion,
ignition, sublimation) qui produit de la chaleur et de la lumière. La première correspondant au
sang, la seconde à l’intelligence (cf. cœur rayonnant et cœur flamboyant dans les représentations
occidentales). C’est là un centre vivant, qui fait naître (les sentiments), qui produit (les vertus),
qui nourrit et qui gouverne. On remarque l’analogie entre les fonctions vitales d’un corps et la
fonction sociale. Périodiquement, l’empereur effectue une visite des huit régions avant de revenir
dans le palais central, le Ming Tang. Cette visite se déroule dans le sens solaire à l’image du
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soleil visitant les différentes constellations durant l’année. Cœur et soleil sont souvent liés, mais
nous en reparlerons ultérieurement …
Au niveau de la pratique c’est l’élément central qui permet la communication entre le maître ou
le professeur et le disciple ou l’élève : la transmission de cœur à cœur. On est loin, d’une part des
concepts scientistes et mécanistes qui ne traitent du cœur que comme une pompe et d’autre part
des néo-spiritualistes (mystico-gélatineux dirait Georges), et autres psychologistes qui ne voient
dans le cœur qu’un centre affectif de l’être humain.
Concernant le caractère supérieur zhong qui donne son nom à l’idéogramme, on peut rappeler
que le centre revêt une importance considérable tant chez les confucianistes (l’invariable milieu)
que chez les taoïstes ou (même) les bouddhistes. On en est peu surpris d’ailleurs, quand on sait
que c’est, dans toutes les traditions, l’origine de l’unité principielle, mais aussi un repère
incontournable, une séparation douloureuse et une recherche longue et difficile afin de le
retrouver. C’est le centre de la roue (Chap.11 Laozi), le point immuable et indivisible, hors du
temps et de l’espace qui réunit la plénitude et la vacuité. Qu’il soit représenté par une roue
(extrême orient) ou par un arbre (Yggdrasil des scandinaves ou l’Arbre de Vie des judéo-
chrétiens) il représente sur Terre, sous la forme d’un palais ou d’une ville, et au Ciel dans
l’image du paradis, le Lieu du départ et du retour. Le centre autour duquel tout tourne (le soleil
ou l’étoile polaire au niveau cosmologique). Ici, c’est le cœur centré qui n’est pas agité par des
passions (sentiments excessifs), mais qui n’est pas non plus endormi. Un cœur véritablement
centré peut l’être autant sur soi (contemplation) que sur l’autre (concorde : cum cordia), c’est à
dire sur l’intérieur et sur l’extérieur. C’est la tendance à l’élévation dans l’explication que donne
Georges Charles sur le commentaire de Wang Bi de la doctrine de Kong Zi ; Donc la verticale
qui, cette fois, n’est plus l’influx descendant du Ciel mais comme sa réponse venant de l’être
humain vers le ciel. «L’important c’est de s’élever » dit Guo Yun Shen. Dans les Entretiens
(Chap.7/24), il est dit : « Le Maître enseignait spécialement quatre choses : wen, les Lettres (les
textes), xing, les arts libéraux (l’action), zhong, la morale, et xin la sincérité. ». Pour finir, voici
une citation tirée du Qianziwen, le classique des mille caractères (32) : « Un sujet fidèle (zhong)
pourra sacrifier sa vie pour son roi.» car par son sacrifice, il va s’élever et, par cela même,
élever son roi …par réciprocité. (cf. A K Coomaraswamy, La doctrine du sacrifice).
Shu est le second caractère qui nous occupe. Il est lui aussi représenté avec le cœur en
bas dont nous avons déjà parlé, surmonté de la représentation d’une femme accolée à celle d’une
bouche. Cette association (femme et bouche) signifie conforme, semblable, égal. C’est la
réciprocité, l’égalité ou la conformité du cœur. C’est-à-dire non seulement des sentiments mais
aussi de l’émanation de l’intelligence. Alors qu’avec zhong il y a verticalité, avec shu vient son
corolaire l’horizontalité, l’ouverture vers le large.
Dans la pratique il s’agit du même travail : on respire profondément à partir du bas ventre (des
talons dirait Zhuang zi) en faisant remonter le souffle jusque dans le crâne (vertical) ; dans le
même temps, on gonfle les 5 palais, du centre vers la périphérie (horizontal). Il ne sert à rien, et
c’est même dangereux, de chercher à s’élever sans une bonne assise au sol. On ne peut se tenir
longtemps sur la pointe des pieds (chap. 24. Laozi). Prenons garde au sixième dragon ! A la
question de Zi Gong sur l’existence d’un précepte fondamental Kong Zi répond en utilisant le
caractère Shu : « N’est-ce pas le précepte d’aimer tous les hommes comme soi-même ? »
(Entretiens chap.15/23).
N’importe quel arbre sait s’élever et s’étendre (zhong et shu), pourquoi donc l’être humain
aurait-il tant de difficultés à réaliser ce qu’un arbre fait naturellement ? Notre nature est-elle si
différente ?
17
Canard Plastic
Révélations artistiques du Hérisson Nous ouvrons une rubrique qui accueille les zélés élans artistiques.
Espace d’expression libre bien que contrôlé par le comité de rédaction.
C’est l’occasion de remercier chaleureusement Frédéric Gayral qui a conçu et réalisé les
premières représentations logoïfiées du Hérisson de Jade.
Une charade en prim’
Mon premier se dit d’un novice
Mon second marque la liaison
Mon tout est une simple des champs.
La réponse à la charade proposée par Pheydora Inpetto dans les notes additionnelles
Au prochain numéro
Le véritable calendrier traditionnel !
Une nouvelle plante très sauvage GRRR !
La technique du mois …A ne pas manquer !
Et bientôt, la rubrique de charmes !!!!
Notes additionnelles
(1) Concernant les transcriptions du chinois, nous utilisons dans la mesure du possible le pinyin
zimu, officiel depuis les années 50 en Chine. Cependant, dans certains cas de citations tirées
d’ouvrages un peu anciens, nous conservons la transcription utilisée par l’auteur.
(2) Ce numéro a été réalisé avec la franche collaboration de :
Amphisbène Aglyphe, Anne Pamanquet, Canard Fulgurant, Canard Plastic, Dam’oiselle
Gersande, Gus Taupin, Isore de Kerden, Langoustine Intrépide, Pheydora Inpetto, Philomène
Placide, Sœur Marie-Cordélia… et Gemges Sharks !
(3)
Couchée parmis les bleuets
D’azur en azur
Encore un ciel étoilé
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Dam’oiselle Gersande
Un cadeau de Georges Charles et de Patrice Vaidie pour La Première Page du
Hérisson de Jade. Avec la participation involontaire de Wang Zeming.