Exposé de criminologie
Les politiques publiques de lutte contre le tabagisme
« Votre cigarette, ce sont aussi les autres qui la fument ». Cette phrase est le nouveau
slogan d’une campagne de sensibilisation sur les méfaits du tabagisme passif. Pourtant, les
premiers consommateurs de tabac étaient loin d’imaginer la nocivité de la plante de tabac. En
effet, les indiens d’Amérique, il y a 3000 ans, en utilisaient les feuilles, auxquelles ils
attribuaient une vertu curative et sacrée.
Dans un premier temps, le tabac est une plante cultivée dans le monde entier. 1492
s’est révélée être l’année des découvertes. En effet, Christophe Colomb importa en Europe de
nombreuses richesses du nouveau monde parmi lesquelles figurait le tabac. Apprécié par la
Cour espagnole et au Portugal comme simple plante d’ornement, le tabac fut diffusé comme
médicament à partir du 16e siècle. Il fit son entrée en France en 1556, avant de triompher en
1560 grâce à Jean Nicot qui en révéla à la Reine Catherine de Médicis les vertus médicinales.
Consommé comme médicament en poudre, il commença à être fumé à la pipe juste par plaisir.
Richelieu fut le premier homme d’État à instaurer en 1629 une taxe, plus précisément un droit
de douane sur le tabac, produit encore importé du continent américain. Cette décision entraîna
sept ans plus tard la première plantation de tabac en France (Clairac, Lot et Garonne),
exploitations qui se développeront au 17e siècle sur le territoire. Sous louis XVI, Colbert
décrète « le privilège de fabrication et de vente », autrement dit, la tabaculture devient un
monopole, concédé à la seule compagnie des Indes. Il faudra attendre 1791, pour que
l’Assemblée Nationale déclare la liberté de cultiver, débiter et fabriquer le tabac. Cette liberté
fut de courte durée puisque dès 1810 Napoléon 1er rétablit le monopole exploité par l’État. A
partir de 1816, l’autorisation de culture du tabac est accordée à quelques départements, de
telle sorte qu’en 1950, 105 000 producteurs sur 28 000 hectares furent recensés.
A la même période, les premières études épidémiologiques prouvent indiscutablement la
nocivité du tabac, toxicité qui sera confirmée par de nombreuses recherches postérieures.
Paradoxalement, c’est également dans l’immédiat après guerre que se développe de manière
extraordinaire l’industrie du tabac, gagnant peu à peu toutes les classes de la société. C’est
ainsi qu’aujourd’hui, on dénombre 13 millions de fumeurs en France.
Politiquement, l’abolition du monopole intervient suite au règlement de la Communauté
Européenne du 21 avril 1970 portant sur l’établissement d’une organisation commune des
marchés dans le secteur du tabac brut.
Ce n’est qu’en 2000, que l’Etat s’est désengagé de la SEITA, alors que la loi Veil du 9
juillet 1976 interdisait déjà de fumer dans des lieux à usage public. Il faudra pourtant attendre
la loi Evin du 10 janvier 1991 et son décret d’application du 29 mai 1992 pour que soit posé le
principe d’un espace public non-fumeur. Ces deux législations marquent les premiers pas
d’une politique publique de lutte contre le tabagisme. Les politiques publiques se réfèrent à
l’action de l’État relayée par les acteurs de la sphère publique et privée (associations, centre
de recherche…) dans le domaine de la lutte contre le tabagisme sur un volet aussi bien
préventif que répressif.
Concernant la loi Veil de 1976, elle réglementait notamment la publicité et les parrainages, les
manifestations sportives. Par ailleurs, elle interdisait de fumer dans les lieux publics où cette
pratique pouvait avoir des conséquences dangereuses pour la santé. Elle prévoyait des
mesures visant à informer le consommateur des risques liés au tabac. Malgré l’antériorité de
la loi Veil, c’est bien la loi Evin qui constitue un véritable tournant dans les politiques
publiques de lutte contre le tabagisme impulsées par l’État et qui apparaîtra comme une loi
pionnière en Europe. Cette législation pose le principe d’une interdiction de fumer dans les
lieux à usage collectif, sauf dans les emplacements expressément réservés aux fumeurs de
plus de 16 ans, et mis à disposition à l’intérieur des lieux publics. A coté d’un volet préventif
se composant notamment de l’affichage d’avertissements sanitaires sur les emballages de
paquets de cigarettes, l’interdiction de toute propagande ou publicité directe ou indirecte ainsi
que la distribution gratuite de tabac…, la loi de 1991 prévoit une sanction au non-respect du
régime d’interdiction (l’exploitant encourt ainsi, une amende prévue pour la contravention de
5e classe, contre une amende de 3e classe pour le fumeur). Enfin, une loi du 31 juillet 2003 est
venue interdire la vente de tabac à des mineurs de moins de 16 ans.
Face au constat de la mauvaise application de la loi de 1991 et du décret de 1992, couplé aux
avancées scientifiques établissant avec certitude la nocivité du tabac, et particulièrement celle
du tabagisme passif, la nécessité de réformer le régime juridique actuel a conduit à la
rédaction d’un rapport enregistré le 4 octobre 2006. Ce rapport a constitué une base de
réflexion permettant l’adoption du décret du 15 novembre 2006. Ce décret répond à une
demande de l’opinion publique d’un durcissement des mesures d’interdiction, même s’il
intervient surtout pour pallier à une carence dans l’applicabilité et l’efficacité du régime
d’interdiction.
Dans quelle mesure ces politiques publiques, notamment le décret du 15 novembre
2006, manifestent la nécessité de considérer le tabagisme comme un enjeu de santé publique,
tant dans son aspect préventif que répressif?
Quelles sont les conditions d’applicabilité et d’efficacité de ces mesures de lutte contre le
tabagisme?
I – Les politiques publiques de lutte contre le tabagisme : une action guidée par des
impératifs de santé publique
A - Les enjeux et la légitimité sous tendus par les politiques de lutte contre le
tabagisme
1. Le tabac, un enjeu de santé publique
Le président de la mission d’information sur l’interdiction de fumer dans les lieux publics
souligne qu’« autrefois, la cohabitation fumeur, non-fumeur était principalement un problème
social, une gêne occasionnée par la fumée ». Aujourd’hui, précise-t-il, la nocivité du
tabagisme passif impose qu’on mette fin à la cohabitation forcée. En effet, les avancées
scientifiques sur les effets du tabac ont, non seulement, pu confirmer la nocivité du tabagisme
sur la population des fumeurs, mais ont également avéré la dangerosité de l’exposition des
non-fumeurs à la fumée.
L’une des composantes les plus connues de la cigarette est la nicotine. Cette substance
dite psycho active agit sur le cerveau du fumeur. En plus de la dépendance physique, elle
procure à son consommateur une sensation de calme, de plaisir, d’excitation mais également,
on lui assigne une action anti-dépressive et coupe-faim. En cas de manque, le fumeur peut
connaître une phase d’irritation, de trouble de la concentration, d’insomnie… Cependant, la
réelle nocivité du tabagisme réside dans la fumée de cigarette. En effet, lors de sa combustion,
la cigarette se transforme en une petite « usine chimique ». On dénombre pas moins de quatre
mille substances chimiques dont cinquante sont considérées cancérigènes par le Comité
International de Recherche sur le Cancer (benzène, monoxyde de carbone, formaldéhyde,
goudrons…).
Toutes ces recherches sur les éléments présents lors de la combustion du tabac ont été
confirmées par d’autres recherches établissant aujourd’hui avec certitude une corrélation entre
le tabagisme et l’apparition de certains cancers. Ainsi, le tabac serait responsable de la
multiplication des cancers du poumon, mais également du larynx, de la gorge, du col de
l’utérus et du sein. Les non-fumeurs, subissant le tabagisme à domicile, sur leur lieu de travail
ou dans la rue ne sont pas à l’abri du cancer. En effet, selon le rapport de l’Académie de
Médecine de 1997, environ cent cinquante décès dus au cancer du poumon sont recensés sur
des individus ne consommant pas de tabac. Alors qu‘un cancer lié au tabagisme peut mettre
plusieurs années, voire plusieurs décennies à se déclarer, la consommation et l’exposition au
tabac peuvent avoir des conséquences quasi immédiates sur le fonctionnement cardio-
vasculaire. Ce risque a été établi dans le rapport TUBINA de l’Académie de Médecine entre
1990 et 2000. Aujourd’hui, il est clairement démontré que la fumée de tabac provoque un
effet vasoconstricteur, une hausse de la tension artérielle, une accélération du rythme
cardiaque, etc. Toutes ces circonstances peuvent causer de manière rapide des angines de
poitrine, des infarctus du myocarde et des accidents vasculaires cérébraux.
Certaines maladies respiratoires, moins graves mais résultant également de la
consommation de tabac peuvent survenir comme des bronchites chroniques, des
rhinopharyngites, asthme…
Enfin, le tabagisme peut engendrer, en particulier chez la femme, de graves troubles de
la fécondité et de multiples problèmes au cours du déroulement de la grossesse. Ainsi, il est
probable que la consommation de tabac occasionne une baisse de la fertilité, un dérèglement
du cycle menstruel et, pendant la grossesse, des avortements spontanés. Chez la femme
enceinte, l’accent a été mis sur la nécessité de ne pas fumer, ou ne pas s’exposer au tabagisme
pour plusieurs raisons désormais établies avec certitude par les scientifiques. En effet, le
tabagisme peut provoquer des accouchements prématurés, une diminution du poids du bébé à
la naissance et, plus sérieusement, il est une cause prouvée de la mort subite du nourrisson.
Enfin, selon une étude de Paris-Match, le risque de devenir fumeur pour un enfant qui a subi
le tabagisme de sa mère in utero est trois fois plus élevé que pour un enfant d’une mère non
fumeuse. Cette étude australienne fondée sur l’analyse de 7200 couples mère/enfant, souligne
que ce risque est majeur et indépendant des autres facteurs.
Certaines de ces relations causales méritent d’être approfondies et affinées mais elles
ont déjà suscité l’inquiétude de l’opinion publique, des pouvoirs publics et de la Communauté
Internationale. En effet, si la question de la commercialisation du tabac était posée
aujourd’hui, certains experts affirment qu’il serait probablement interdit du fait du grave
danger que ce produit représente. De nos jours, il est possible de dénombrer les victimes du
tabac. Selon le rapport de la mission parlementaire, 66 000 décès seraient attribués au tabac,
dont 3000 à 5000 seraient dus au tabagisme passif. Selon l’Organisation Mondiale de la
Santé, 60 millions de personnes seraient mortes du tabac dans la première moitié du 20e
siècle. Dans quelques années, toujours selon l’OMS, le tabagisme serait la première cause
d’incapacité évitable dans le monde.
2. Le tabac, un enjeu économique
Si la question du tabac et de sa consommation est une question épineuse, c’est qu’en
plus des enjeux de santé publique, des implications économiques s’incorporent dans les
débats. L’industrie du tabac est une activité en plein essor. ALTADIS, anciennement SEITA
voit, malgré toutes les campagnes de sensibilisation et toutes les mesures gouvernementales,
son chiffre d’affaire augmenter de 3.2% en 2004. La mécanisation de la fabrication du tabac
entraîne une production de masse: 7000 cigarettes et 4000 paquets peuvent être produits par
minute.
Mais la véritable question est celle-ci: quelles sont les sommes perçues par l’État grâce
à la commercialisation du tabac? L’État, comme pour l’essence, est le principal bénéficiaire
de la vente de tabac (cf. tableau). Ainsi, environ 82% du prix du paquet est reversé à l’État
soit 3.78€ pour un paquet à 5€. Pour une brève comparaison, seul 8% soit 0.40€ revient au
buraliste. L’existence de cette forte taxation favorise la contrebande de cigarettes en France.
En guise d’exemple, chaque paquet de cigarettes vendu en contrebande représente un manque
de 2.6€ pour l’État. Conséquences problématiques pour les pouvoirs publiques qui ne
s’arrogent pas la totalité des profits liés à la vente de tabac. En effet, selon le Pr. Héron,
chargé du service de cancérologie de Caen, 52 % des recettes de l’État sont versés au budget
annexe des prestations sociales agricoles, 21% à la Caisse Nationale d’Assurance Maladie des
travailleurs salariés, 0.31% au fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de
l’amiante, etc.…En définitive, le budget général de l’État ne perçoit que 26% de ces droits.
Aussi, faut-il nuancer ces propos en tenant compte du coût social du tabac et du budget
voté en faveur de la lutte contre le tabagisme. A cet égard, Xavier Bertrand, ministre de la
Santé et des Solidarités affirme vouloir développer son action de prévention ciblée sur
l’éducation à la santé et la sensibilisation. A cette fin, le rapport de la mission présidée par
Claude Evin estime ce coût à 0.8% du P.I.B de la France soit 10 milliards d’euros dont 3
milliards d’euros sont consacrés aux dépenses médicales directes (hospitalisation, soins
ambulatoires…). Concernant les actions anti-tabagiques, la Direction Générale de la Santé
évoque une dépense chiffrée à 20 à 25 millions d’euros, dépense excluant le coût des
consultations en tabacologie et les charges dues au fonctionnement des centres de tabacologie.
3. Interdiction du tabac dans les lieux publics et droit comparé
Enfin, de nombreux Etats ont récemment légiféré en faveur d’une hausse de la
protection contre le tabagisme et, plus particulièrement le tabagisme passif.
Les pays anglo-saxons ont opté pour une logique stricte, imposant une interdiction totale de
fumer. Ainsi, la Grande Bretagne et l’Irlande du Nord ont proclamé l‘interdiction de fumer
dans tous les lieux publics- y compris bars, restaurants, … à compter du second trimestre
2007. L’Écosse aura, à cette date, déjà appliqué sa législation restrictive entrée en vigueur fin
mars 2006. L’Irlande a devancé ses grands États voisins par l’institution en 2002 d’une loi
interdisant le tabac dans les lieux clos constituant des lieux de travail… Certaines exceptions
spécifiques sont créées pour « des substituts de domicile » que sont les hôpitaux
psychiatriques et les prisons.
Certains pays, du fait de leur structure étatique particulière, ont laissé à leur province la liberté
de régler la question de l’interdiction du tabac dans les lieux publics. Certaines normes locales
admettent la mise en place de fumoirs. Le Québec, autrefois considéré comme le paradis des
fumeurs, a adopté des règles restrictives. Le fait de fumer est interdit dans la majorité des
lieux publics depuis janvier 1999 (bars, restaurants jusqu’à un rayon de neufs mètres de la
porte…). En septembre 2006, a été instaurée l’interdiction de fumer dans l’enceinte des
établissements scolaires. Enfin, 2008 sera l’année où le Québec mettra fin à la possibilité
d’installer des fumoirs. Les États-Unis, comme le Canada, n’imposent pas aux états fédérés
une réglementation à suivre, ce qui implique une multitude de dispositions plus ou moins
sévères suivant la région. New York nous montre l’exemple d’un des lieux les mieux protégés
contre l’exposition à la fumée de tabac en interdisant le tabac dans les bars, restaurants,
discothèques.
Enfin, d’autres États ont interdit la consommation de tabac, tout en admettant la
possibilité de créer des fumoirs. La Belgique a aussi durci sa législation sur le tabac. Tout
débuta par des arrêtés royaux du 15 mai 1990 et du 2 juin 1991 qui proclamèrent l’interdiction
de fumer dans les lieux accessibles au public à l’exception des hôtels, restaurants et cafés. Le
1er janvier 2006, le fait de fumer sur le lieu de travail devient prohibé. Dernier acte, le 1er
janvier 2007 où il sera interdit de fumer dans les restaurants. Cependant, la particularité, par
rapport aux autres États étudiés, est que l’idée d’étendre cette interdiction aux cafés a fait son
chemin mais n’a pas été adoptée en raison de la contestation dont elle fait preuve de la part
des professionnels
La Suède a, depuis le 31 mai 2005, interdit la consommation de tabac dans les restaurants,
bars, boites de nuit sauf si l'établissement dispose de salles fermées et ventilées spécialement
réservées aux fumeurs. En Espagne, une loi du 15 décembre 2005, entrée en vigueur le 1 er
janvier 2006, impose l'interdiction totale de fumer sur les lieux de travail, mais aussi pour les
bars, restaurants et lieux de loisirs d'une superficie supérieure à 100 m2 qui n'auraient pas de
zones non-fumeurs. Les établissements de moins de 100m2 ont une réglementation
particulière. Ces derniers pourront en effet choisir entre être fumeur ou non-fumeur mais ils
devront en informer le consommateur. Dans la majorité des cas, les établissements qui avaient
gardé la faculté de choisir ont souhaité rester fumeurs. En Finlande, si la cigarette doit être
proscrite en juin 2007, des espaces fumeurs hermétiques pourront être aménagés. Au
Danemark, les lieux de plus de 100 m2 seront non-fumeurs à compter du 1er avril 2007, mais il
sera possible d'y établir des espaces fermés. Même constat en Italie où une loi de décembre
2002 entrée en application en 2005, prohibe le fait de fumer dans les lieux publics, y compris
dans les bars-tabac, sauf pour les emplacements spécifiques.
Ce changement de législation, plus restrictive à l’égard des fumeurs, créa un vent de
renouveau qui permit en France de durcir le ton. Régler la question du tabagisme se révélait
être essentiel au regard d’impératifs conventionnels, politiques et économiques.
Premièrement, la France a ratifié la Convention cadre de l’OMS qui impose aux États, à
l’article 4-1, que « des mesures législatives, exécutives, administratives ou autres mesures
efficaces doivent être envisagées au niveau gouvernemental approprié pour protéger tous les
individus contre l'exposition à la fumée de tabac ». Aussi, l’article 5 relatif aux obligations
des parties insiste sur le fait que « chaque partie met en œuvre, actualise et examine
périodiquement les stratégies et des plans et programmes nationaux de lutte anti-tabac. »
Enfin, l'article 8, portant sur la protection contre l'exposition à la fumée du tabac, dispose que
« chaque Partie adopte et applique, dans le domaine relevant de la compétence de l'État en
vertu de la législation nationale, et encourage activement, dans les domaines où une autre
compétence s'exerce, l'adoption et l'application des mesures législatives, exécutives,
administratives et/ou autres mesures efficaces prévoyant une protection contre l'exposition à
la fumée du tabac sur les lieux de travail intérieurs, dans les transports publics, les lieux
publics intérieurs et, le cas échéant, d'autres lieux publics ».
Cette évolution sur le plan international peut, en outre, provoquer des conséquences autrefois
inattendues dans le domaine touristique. A ce sujet, Mme Bernadette Roussille, membre de
l'Inspection des Affaires Sociales (IGAS) a « appelé l'attention du ministre sur le risque de
baisse de la fréquentation touristique de notre pays par les visiteurs étrangers qui n'aiment
pas les lieux enfumés ». Dans le même sens, la mission parlementaire a évoqué une lettre
signée par un certain nombre de scientifiques étrangers à l'occasion du Congrès de juillet 2006
de l'Union internationale contre le cancer à Washington, soulignant le fait que la France risque
ne pas rester la première destination touristique au monde si l'on continue à y exposer à la
fumée des touristes dorénavant protégés dans leur pays d'origine.
B – Le volet préventif des politiques publiques de lutte contre la tabagisme : un
moyen de maintenir et restaurer la santé publique
Pour assurer une mise en œuvre effective et efficace de la politique de santé publique définie,
en premier lieu, par l’Etat, ce dernier se doit de mettre en place et développer des partenariats
avec les différents acteurs sociaux intervenant en la matière notamment au niveau local. Ce
n’est qu’à cette condition que seront atteints les objectifs gouvernementaux de lutte contre le
tabagisme qui tendent, d’une part, à préserver la santé publique grâce à des actions visant à
décourager et repousser l’âge des premières expériences ainsi qu’à protéger les non fumeurs
des méfaits du tabagisme passif (1) et, d’autre part, à restaurer la santé publique par des
mesures de soutien destinées à encourager et aider l’arrêt (2).
1. La sauvegarde de la santé publique
Parmi le large éventail de dispositifs imaginés par le gouvernement pour lutter contre le
tabagisme, se trouve au premier plan, l’augmentation du prix du tabac. Par exemple, selon les
statistiques de l’INSEE de décembre 2005, le prix du paquet de cigarettes a été doublé entre
1991 et 1996. Au final, il apparaît qu’entre 1960 et 2005, le prix du tabac a connu une
augmentation de 103, 2% : alors que les prix avaient régulièrement diminué entre 1960 et
1993, depuis 1994, le prix du tabac a augmenté de 100, 2%.
Tabac – Base 100=1960
Indice de prix
relatif
Indice de
volume
1960 100,0 100,0
1961 98,6 103,5
1962 102,9 104,8
1963 105,0 108,2
1964 105,5 108,8
1965 102,8 115,9
1966 99,7 120,2
1967 96,6 127,2
1968 95,9 133,0
1969 93,8 137,8
1970 89,2 145,4
1971 84,4 151,8
1972 84,6 151,5
1973 83,8 158,9
1974 73,9 170,2
1975 67,0 180,7
1976 66,2 181,6
1977 65,0 191,2
1978 65,4 190,8
1979 64,5 201,9
1980 64,3 206,9
1981 64,8 209,8
1982 69,7 214,4
1983 69,5 220,7
1984 68,3 228,6
1985 63,5 241,2
1986 65,8 241,4
1987 67,1 243,6
1988 71,5 242,4
1989 71,5 246,6
1990 70,3 252,1
1991 69,1 257,9
1992 74,7 256,3
1993 87,5 244,8
1994 100,6 238,4
1995 108,2 234,6
1996 114,6 230,6
1997 122,7 222,5
1998 126,2 227,2
1999 132,6 228,3
2000 135,6 229,7
2001 140,2 232,0
2002 150,3 223,9
2003 168,9 194,3
2004 206,4 158,9
2005 203,2 158,0
Source : Comptes nationaux, base2000, Insee.
Source : http://www.insee.fr/fr/ffc/ipweb/ip1110/ip1110.html#encadre1
Le plan gouvernemental de lutte contre les drogues illicites, le tabac et l’alcool 2004-2008 a,
ensuite, au titre des mesures de prévention, mis l’accent sur les campagnes d’information et
de communication (point 3 du plan). En effet, les politiques publiques en matière de tabac
affectent les consommations et plus généralement les modes de vie. Elles ont aussi de grands
enjeux économiques et conduisent à une évolution des pratiques professionnelles dans de
nombreux secteurs. En conséquence, les bases des choix politiques doivent être expliquées et
débattues. A cette fin, elles doivent faire l’objet d’un effort important de communication afin
que chacun dispose d’une information actualisée et facilement accessible. Elle doit également
contribuer à une évolution des représentations des produits, de la perception des risques et des
changements des normes sociales face à la consommation.
En matière de lutte contre le tabagisme, les enjeux de ces campagnes sont d’élever la
perception du risque tabagique comme exposition active ou passive, de faire évoluer les
représentations sociales en s’adressant aux groupes dont la consommation tend à augmenter
c'est-à-dire les jeunes, les jeunes filles et les femmes, d’inciter et d’accompagner la démarche
d’arrêt. Ces communications utilisent un certain nombre de ressorts tels que la toxicité
cancérigène du tabac, le risque pour la grossesse, la contradiction entre séduction et effets du
tabac sur la beauté ou entre dépendance et recherche de liberté.
Il a pu être observé que l’efficacité de ces campagnes d’information et de communication
nécessite qu’elles soient ciblées (sur un usage, un risque ou un sous-groupe particulier),
qu’elles aient une périodicité régulière et, compte tenu de l’intrication des usages et des
groupes concernés, qu’il soit veillé à la cohérence des diverses campagnes entre elles. Le
gouvernement ne fait que reprendre ici l’un des éléments de la convention cadre de l’OMS qui
affirme, dans son préambule, la nécessité de mettre au point des stratégies préventives
sexospécifiques. En France, l’Institut National de Prévention et d’Education pour la Santé
(INPES) est chargé de mettre en œuvre les grandes campagnes en lien avec la Mission
Interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT) et les administrations
concernées.
L’effectivité de ces campagnes informatives dépend aussi de l’articulation entre les
différentes composantes des programmes et leur mise en œuvre à tous les niveaux : ainsi la
MILDT prend garde à l’actualisation des connaissances scientifiques en s’appuyant sur des
organismes de recherche tels que l’INSERM (la dépendance aux addictions sans substances
psychotropes fera d’ailleurs l’objet en 2007 d’une expertise de l’INSERM). Ensuite, l’INPES
prépare une large variété de supports de diffusion des informations adaptés aux différents
publics. De plus, le réseau des Centres d’information et de ressources sur les drogues et les
dépendances (CIRDD) et Toxibase fournissent des ressources documentaires. Enfin, le
gouvernement, tenant compte de l’évolution des technologies et moyens de communication, a
cherché à développer les services d’information et de conseil par téléphone et sur Internet.
Parmi ces services, nous trouvons Drogues Alcool Tabac Info Service (DATIS) ainsi que
Tabac Info Service.
Par exemple, au titre des mesures de prévention récentes, peuvent être signalées :
- la parution d’un livre « Drogues et dépendance » qui est un livre d’information sur
les drogues et qui peut être commandé gratuitement en appelant le numéro de Drogues Info
Services ou téléchargé sur le site de la MILDT (http://www.drogues.gouv.fr/rubrique23.html)
- des affiches-choc destinées à marquer les esprits
- des dépliants relatifs à la loi Evin différents selon le public de destination
(établissements scolaires, entreprises, lieux à usage collectif, restaurants, …) :
http://www.drogues.gouv.fr/article3020.html
- des spots TV et radio : http://www.drogues.gouv.fr/article77.html
Les spots télévisés dernièrement diffusés entre le 16 novembre et le 6 décembre 2006
concernaient la prévention du tabagisme passif : http://www.drogues.gouv.fr/article5056.html
- des brochures de l’INPES sur les méfaits du tabagisme passif :
http://www.inpes.sante.fr/CFESBases/catalogue/pdf/434.pdf
- la parution d’un numéro spécial du magazine « Okapi » issue d’une collaboration
entre l’équipe du magazine et l’INPES :
http://www.inpes.sante.fr/CFESBases/catalogue/pdf/772.pdf
Des actions de prévention sont également menées sur le terrain : par exemple, des actions de
prévention contre le tabac vont être conduites dès janvier 2007 dans les classes de sixième des
collèges publics parisiens. L’académie de Paris, le préfecture de Paris avec le soutien de la
MILDT inaugurent une action pilote « PrevADDICT » qui instaure et généralise les actions
préventives contre le tabagisme.
L’un des autres moyens préventifs consiste dans l’inscription sanitaire sur les paquets de
cigarettes. L’article 9-2 de la loi Evin de 1991 prévoyait l’inscription de la mention « Nuit
gravement à la santé » sur les paquets (Article L 3511-6 Code de la santé publique). L’arrêté
du 5 mars 2003 a ensuite imposé l’inscription des teneurs en goudron et nicotine ainsi que les
nombreux avertissements figurant désormais sur les paquets tels que « Fumer tue » ou
« Fumer nuit gravement à votre santé et à celle de votre entourage ». Un avertissement
spécifique (extrait d’une liste de 14 avertissements établis par arrêté) est apposé sur l’autre
côté du paquet, tel que « Fumer peut nuire aux spermatozoïdes et réduit la fertilité » ou
« Fumer provoque un vieillissement de la peau »... Le numéro de téléphone de Tabac Info
Service est également inscrit sur les paquets. Ces mesures s’inscrivent dans l’application des
directives européennes.
Enfin, le décret du 28 avril 1991 a fixé au 31 mai la date de la journée sans tabac. Placée sous
l’égide de l’OMS, elle avait pour thème en 2006 « Le tabac : mortel sous toutes ses formes ».
Nous venons de voir que toutes les mesures énumérées tendaient à préserver la santé
publique. Mais l’Etat a également mis en place une stratégie tendant à restaurer la santé
publique dont l’objet est d’encourager et d’aider les fumeurs à abandonner leur addiction au
tabac.
2. La restauration de la santé publique : les mécanismes de soutien et d’aide à
l’arrêt
Si DATIS et Tabac Info Service ont un rôle à jouer en matière de prévention du tabagisme, ils
fournissent également une aide précieuse aux fumeurs désireux d’arrêter de fumer. Par
exemple, en vous rendant sur le site de Tabac Info Service, un coaching personnalisé vous
sera proposé pour vous aider à vivre sans tabac. Depuis le 6 février 2004, les appelants
peuvent même recevoir des SMS d’encouragement sur leur téléphone portable.
Le gouvernement a ensuite pris diverses mesures de prise en charge des addictions. Ainsi le
plan cancer 2003-2007 prévoit dans sa mesure n°9 l’expérimentation du remboursement
partiel des substituts nicotiniques par la CNAM et des consultations hospitalières de
tabacologie dans chaque département. Il existe plus de 500 consultations de tabacologie
hospitalières et non hospitalières sur tout le territoire. Le plan 2007-2011 de prise en charge et
de prévention des addictions cherche à apporter au patient une réponse médicale mais aussi
médico-sociale. Ce plan prévoit donc des consultations d’addictologies, des équipes
hospitalières de liaison, des services d’addictologie, des pôles d’addictologie dans les CHU
(en 2007, 5 pôles seront constitués et d’ici 2011, chaque CHU soit 26 établissements auront
un de ces pôles). L’aide médico-sociale comprend quant à elle la mise en place de centres de
soins d’accompagnement et de prévention en addictologie, des places d’accueil en
hébergement, une plus grande implication de la médecine de ville. Enfin, tout un cursus de
formation sera proposé aux professionnels afin de mieux repérer les conduites addictives
(filière d’enseignement en addictologie, un enseignement pour les professions paramédicales
et les travailleurs sociaux, l’addictologie dans la formation continue). Ce plan bénéficiera
d’un budget de 77 millions d’euros par an pendant 5 ans.
En ce qui concerne les actions menées sur le terrain, une enquête sur la santé des entrants en
prison menée au printemps 1997 sur l’ensemble des maisons d’arrêt et quartiers maison
d’arrêt des centres pénitentiaires avait fait apparaître que 70% des entrants âgés de moins de
18 ans fumaient de 1 à 20 cigarettes par jour, 20% étant non fumeurs, et 10% fumant plus de
20 cigarettes par jour (Source : Collection Etudes et Statistiques,
http://www.sante.gouv.fr/drees/etude-resultat/er-pdf/er004.pdf ). Devant cet état de fait, le
plan gouvernemental 2004-2008 a alors prévu le développement d’un programme de
prévention en milieu pénitentiaire comprenant certaines mesures telles que l’inclusion des
personnes détenues ayant des conduites addictives dans des programmes d’éducation pour la
santé.
II – La nécessité de sanctionner les violations du régime d’interdictions en vue
d’en assurer l’efficacité
Même si les mesures préventives connaissent un certain succès en terme de réduction
du nombre de fumeurs, il n’en reste pas moins que la diffusion de l’information n’est pas
encore suffisante pour dissuader totalement les fumeurs : des mesures pénales ont donc été
prises (A). Enfin, en guise de conclusion pour cette étude et même s’il est difficile de mesurer
l’effectivité d’une politique donnée car l’Etat utilise en général tous les outils en même temps,
il conviendra d’évaluer l’efficacité des chacun des volets (préventif et répressif) des politiques
publiques de lutte contre le tabagisme (B).
A - Le volet répressif des politiques publiques de lutte contre le tabagisme
1. L’interdiction de publicité en faveur du tabac
Au nombre de ces mesures figure d’abord l’interdiction de publicité en faveur du tabac. Cette
prohibition résulte de la loi du 9 juillet 1976 dite loi Veil. L’article 3 de cette loi punit la
violation de cette interdiction de 30000 à 300 000 francs d’amende. Ensuite, la loi Barzac de
1989 a étendu cette interdiction de publicité à tous les produits du tabac (c'est-à-dire les
produits liés à la consommation du tabac). La loi Evin du 10 janvier 1991 avait renforcé les
amendes sanctionnant la publicité ou propagande en faveur du tabac et avait apporté certaines
précisions terminologiques afin de prévenir tout contournement de la loi. Au sujet de cette loi,
le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 8 janvier 1991 relative au contrôle de
constitutionnalité de la loi Evin avait affirmé que la protection de la santé étant un principe
constitutionnel, justifiait l’atteinte à la liberté d’expression et à la propriété d’une marque.
Cette interdiction figure aujourd’hui à l’article L 3511-3 et L 3511-4 du code de la santé
publique tels que modifiés par l’ordonnance du 23 mai 2006.
Des illustrations jurisprudentielles démontrent l’interprétation extensive des notions de
publicité. Par exemple, deux arrêts de la cour d’appel de Paris de 1997 et 1998 assimilaient le
mécénat au parrainage pour permettre la sanction de la publicité en faveur du tabac. Dans un
arrêt en date du 29 juin 1999, la chambre criminelle de la cour de cassation a défini largement
la publicité comme étant « tout message à destination du public, quelle que soit la finalité et
quel que soit l’auteur ». Plus récemment, la cour d’appel de Rennes, dans un arrêt du 23 juin
2005, a estimé que la mise en vente de paquets de cigarettes décorés constituait une mesure de
publicité ou propagande en faveur du tabac. Cette interdiction permet de contrôler
efficacement la propagande des fabricants et marques de tabac pour augmenter leur vente : ils
sont par empêchés de véhiculer une image trop positive du tabac.
2. L’interdiction de vente aux mineurs de 16 ans
Nous trouvons ensuite l’interdiction de vente aux mineurs de 16 ans : la loi du 31 juillet 2003,
qui s’inspire d’une recommandation européenne du 2 décembre 2002, a introduit cette
interdiction à l’article L 3512-1-1 du CSP. Cette mesure s’inspirait directement de la
législation relative à l’interdiction de vendre de l’alcool aux mineurs. Il ne s’agit pas ici d’une
interdiction de fumer pour les jeunes mais bien d’une interdiction de vente. La sanction
initialement prévue (amende de 3750 euros passant à 7000 euros en cas de récidive, peine
portée à un an d’emprisonnement, perte du droit d’exercer leur activité pour les débitants de
tabac) ayant été jugée trop sévère par les députés, elle a été ramenée à une contravention de
2ème classe en accord avec le Ministre de la santé qui a pris soin de rappeler que « la guerre
contre le tabac n’est pas la guerre contre les buralistes ». Cette même loi prévoyait aussi
l’interdiction de vente des petits paquets de cigarettes de moins de 20 cigarettes.
Nous allons voir que cette interdiction n’est pas la seule à avoir des répercussions sur d’autres
personnes que le consommateur : ainsi en est-il de l’interdiction de fumer dans les lieux
publics qui s’inscrit directement dans la lignée des politiques pénales actuelles qui cherchent à
prévenir les risques causés à autrui, en l’espèce, les risques encourus par les non fumeurs lors
de l’exposition à la fumée des autres.
3. L’interdiction de fumer dans les lieux publics
L’interdiction de fumer dans les lieux publics est sans nul doute la mesure faisant le plus
débat actuellement dans le cadre de la lutte contre le tabagisme. Pourtant cette mesure est loin
d’être nouvelle puisque l’article 16 de la loi Veil prévoyait déjà que des décrets en conseil
d’Etat détermineraient les conditions de l’interdiction de fumer dans les lieux affectés à
l’usage collectif où cette pratique pouvait avoir des conséquences dangereuses pour la santé.
La loi Evin de 1991 a généralisé l’interdiction de fumer et le décret du 29 mai 1992 a précisé
les modalités pratiques de la prohibition de fumer dans les lieux publics et les sanctions
afférentes : cette interdiction concernait les lieux affectés à l’usage collectif comme les
entreprises, les bars, les restaurants, les établissements scolaires, les transports collectifs.
Toutefois, la loi prévoit la possibilité d’établir dans ces lieux des espaces réservés aux
fumeurs devant répondre à des normes de ventilation et être signalés de manière apparente.
Par exemple, les TGV sont totalement non fumeurs depuis le 12 décembre 2004. En ce qui
concerne les établissements scolaires, devant les difficultés d’application de la loi Evin, le
ministère de l’Education nationale a pris deux circulaires en 2000 pour intégrer les
dispositions de la loi dans le règlement intérieur des établissements scolaires. La dernière
réforme en la matière date du décret du 16 novembre 2006 fixant les conditions d’application
de l’interdiction de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif. Cette interdiction
s’appliquera en deux temps : dès le 1er février 2007, elle concernera tous les lieux fermés et
couverts accueillant du public ou qui constituent des lieux de travail, les établissements de
santé, l’ensemble des transports en commun et toute l’enceinte (y compris les endroits ouverts
tels que les cours d’école) des écoles, collèges et lycées publics ou privés ainsi que les
établissements destinés à l’accueil, la formation ou l’hébergement des mineurs. A partir de
janvier 2008, l’interdiction vaudra pour les débits de boissons, hôtels, restaurants, débits de
tabac, casinos, cercles de jeux et discothèques. Ce délai a été prévu afin de leur permettre
l’aménagement, éventuel, d’un emplacement fumeurs. Le fait de fumer hors des
emplacements réservés sera passible d’une amende forfaitaire de 68 euros (contravention de
3e classe). Le fait de ne pas avoir mis en place les normes applicables aux emplacements
réservés ou la signalisation y afférant, sera sanctionné par une amende forfaitaire de 135 euros
(contravention de 4e classe). Le fait d’avoir sciemment favorisé la violation de l’interdiction
de fumer sera également sanctionné par une contravention de 4ème classe, mais non
forfaitisée, car cette infraction doit être caractérisée. Elle donnera lieu à un procès-verbal
transmis au ministère public qui décidera ou non de lancer des poursuites pénales.
Par exemple, une circulaire du 29 novembre 2006 relative à l’interdiction de fumer pour les
personnels et les élèves dans les établissements d’enseignement et de formation a d’ores et
déjà été prise.
Cette interdiction de fumer est appréciée de manière très rigoureuse par la jurisprudence
notamment en droit du travail. Par exemple, la cour de cassation, dans un arrêt du 29 juin
2005, a affirmé que l’employeur est tenu d’une obligation de sécurité de résultat vis-à-vis de
ses salariés en ce qui concerne leur protection contre le tabagisme dans l’entreprise. Au sujet
de cette interdiction, l’Etat a crée un site Internet destiné aux professionnels qui leur explique
précisément les mesures à prendre pour être en conformité avec les dispositions du décret : ils
ont même la possibilité de télécharger la signalétique « Interdiction de fumer » ou « Espaces
fumeurs » (http://www.tabac.gouv.fr/rubrique.php?id_rubrique=9).
B – Les outils d’évaluation au service de l’efficacité des politiques publiques de lutte
contre le tabagisme
1. Un souci d'efficacité
Dans son discours du 27 septembre 2006, préalable à l'enregistrement à la présidence de
l'Assemblée nationale le 4 octobre 2006 du rapport sur l'interdiction du tabac dans les lieux
publics, le ministre de la santé, M. Xavier Bertrand, a insisté sur la nécessité d'une réforme en
la matière, mais surtout sur le choix d'une approche pragmatique et réaliste du problème de
santé publique que constitue la cohabitation entre fumeurs et non fumeurs, derrière laquelle se
profile le danger du tabagisme passif. Ce souci d'efficacité, d'effectivité dans la mise en
oeuvre des politiques atteste d'un déplacement du débat autour de cet enjeu de santé publique.
En effet, comme le constate le ministre, le principe d'interdiction fait à l'heure actuelle l'objet
d'un consensus, consensus au sein de l'opinion publique en majorité favorable à une
interdiction totale de fumer dans les lieux publiques (70% à 80% des français selon différents
sondages publiés( sondage IFOPdu 19 septembre 2006 publié dans la revue des comptoirs et
sondage Eurobaromêtre commandité par la Direction Générale de la Commission européenne
sur l'attitude des européens à l'égard du tabac ) mais également consensus entre les différents
acteurs économiques concernés (principalement dans le secteur CHRD) comme cela semble
ressortir des différentes tables rondes qui ont conduit à l'élaboration du rapport en 2006.
2. L'efficacité des campagnes de sensibilisation
L'émergence d'un tel consensus peut témoigner de l'efficacité des campagnes de
communication, d'information, notamment impulsées par les associations de lutte contre le
tabagisme, qui ont conduit, en s'appuyant sur les avancées scientifiques autour de la nocivité
du tabagisme passif et sur l'apparition de nouvelles législations étrangères plus protectrices, à
une prise de conscience.
Si l'on ne peut évaluer avec précision l'impact des différentes campagnes de sensibilisation
(deux campagnes grand public par an depuis 2002 selon le ministre de la santé), auprès des
différents acteurs et de l'opinion publique, on peut légitimement penser que la diffusion de
messages simples, clairs et forts, a participé à leur responsabilisation et à une prise de
conscience. D'ailleurs, il ressort du rapport que la première des conditions de réussite de la
réforme réside dans les mesures d'accompagnement et notamment dans l'information, la
sensibilisation et la mobilisation de l'opinion publique , « pour que la volonté politique puisse
s'appuyer sur un consensus ».
Derrière ces campagnes de communication se dessine un objectif de diminution du coût
économique de la mise en oeuvre des mesures d'interdiction, l'adhésion publique appelant à
une autodiscipline , conduisant elle même à une diminution des coûts de mise en application
de la législation.
Ainsi, dés janvier 2007, une campagne d'information sur les modalités effectives de
l'interdiction va être lancée suivie au deuxième semestre d'une préparation à la mise en place
de l'interdiction de fumer dans le secteur CHRD. Toutefois, ce seul consensus semble
insuffisant pour garantir un respect effectif de cette interdiction comme en atteste déjà la
mauvaise application de la loi Evin de 1991 et de son décret d'application de 1992, mauvaise
application constatée par la majorité des acteurs publics et associatifs
La plupart des associations (comme l'association Droit à l'air pur) constatent l'échec de la
prévention du tabagisme en France, notamment au vu de l'augmentation de la consommation
et des débuts de plus en plus précoce du tabagisme, et ce malgré des politiques constantes
d'augmentation du prix du paquet de cigarettes, et de l'interdiction de la vente aux mineurs de
16 ans, deux politiques publiques qui n'auraient pas véritablement fait leurs preuves.
Pourtant, le ministre de la santé et des solidarités, dans son discours constate que grâce aux
politiques volontaristes menées depuis 2002, le nombre de fumeurs a chuté de 1,4 million en 3
ans, malgré une nouvelle augmentation de la consommation début 2006.
Cette évolution ressortait déjà de l'enquête barométrique menée par l' INPES/ IPSOS en 2003
après que M. JF Mattéi, alors ministre de la santé de la famille et des personnes handicapées
ait annoncé, le 27 mai 2003 son objectif de diminution du tabagisme de 30 pour cent chez les
jeunes et celui des adultes de 20 pour cent, sur 5 ans.
L'enquête constate une diminution sans précédent de la consommation de tabac en France
entre 1999 et 2003 et de la vente de cigarettes (-13,5 pour cent en 2003).
Si la première raison invoquée par les fumeurs pour justifier leur volonté d'arrêter restait les
conséquences sur la santé, ce qui témoigne d'un certain impact des campagnes d'information
et d'une prise de conscience, l'augmentation du prix des cigarettes vient en second plan. C'est
également ce qui ressort de l'enquête IPSOS rendue publique le 2 février 2004 constatant que
le nombre de fumeurs a baissé de 1,8 Million entre 1999 et 2004 et que la principale mesure à
l'origine de ce succès est le prix des cigarettes.
Cependant, il ne faut pas négliger l’influence des intervenants extérieurs que sont les groupes
de pression. Récemment, le film « Thank you for smoking » nous a livré une vision satirique
du lobbying américain. Le slogan du personnage principal (chargé de défendre les fabricants
de tabac contre toute menace, qu’elle vienne de la législation sur la santé publique ou des
associations anti-fumeurs) a choisi comme slogan « Jordan jouait au basket, Charles Manson
tuait, moi, je parle. » Il tire d’ailleurs toute sa philosophie de la fameuse phrase de Barnum
« chaque minute un femme met au monde un nouveau pigeon ». Cela ne demeure bien sûr
qu’un film, mais il n’en reste pas moins qu’il constitue malgré tout une charge contre une
réalité bien connue : depuis des décennies, des sociétés dites de relations publiques faussent le
processus démocratique et influencent le législateur. Pour prendre un exemple concret, en
France, suite à la prise du décret du 15 novembre 2006 précité, British American Tobacco
France, fabricant entre autres des cigarettes Lucky Strike, a convié les élus à un dîner dans les
salons de la présidence du Sénat. Le courrier précisait d’ailleurs que le dîner était organisé à
l’invitation de M. Christian Poncelet, président du Sénat, par le club des parlementaires
amateurs de Havane présidé par M. André Santini, député UDF des Hauts de Seine et BAT. Il
apparaît donc évident que les lobbyistes ont infiltré le cœur du système et touché les plus
hautes instances. Le Comité National contre le Tabagisme a mis en ligne sur son site les
documents suivants qui expliquent la stratégie de grands cigarettiers pour contourner la loi
française :
- la stratégie de Philip Morris pour contrer la législation française
- la stratégie d’avenir de P Morris applicable pour la France et autres pays
- le tabagisme passif et infiltration/lobby pour empêcher les interdictions de fumer
Parallèlement à cette diminution de la consommation, il a également été constaté une
augmentation des personnes sous traitement de sevrage tabagique et une multiplication par
deux des appels quotidiens à tabac info service. Même si elle demeure insuffisante on ne peut
donc nier l'efficacité des politiques publiques de lutte contre le tabagisme, tout du moins sur le
volet de la prévention et de la prise en charge.
Une des propositions de la réforme qui a été retenue par le législateur est le remboursement
des procédés nicotiniques par la caisse nationale d'assurance maladie. Toutefois, au vu des
expérimentations menées dans quelques départements, on peut douter de son efficacité , les
membres de la mission concluant que « le remboursement des substituts nicotiniques serait
moins incitatif et efficace qu'une politique de sensibilisation renforcée ».D'ailleurs dans un
sondage IFOP du 4 octobre 2006, interrogés sur leur utilisation des substituts nicotiniques 63
pour cent des fumeurs considèrent qu'il ne leur est pas nécessaire de recourir à de tels
procédés. Il s'agit, toutefois de relativiser l'efficacité des seules campagnes d'information
notamment chez les fumeurs étant donné qu'elles s'appuient essentiellement sur leur volonté
alors que l'on peut penser que le phénomène d'addiction diminue leur libre arbitre.
3. le problème d'applicabilité de la loi Evin
Le volet répressif de la loi Evin pouvait à l'époque de son adoption laisser présager une mise
en oeuvre effective du régime juridique d'interdiction de fumer, régime innovant qui prévoyait
que: .le fumeur qui ne respecterait pas la législation encourrait une amende prévue pour les
contraventions de troisième classe (450euros) (art R3512-1). Le propriétaire ou le gérant d'un
établissement qui ferait le choix d'offrir un emplacement fumeur à ses clients mais qui ne
respecterait pas les normes prévues notamment en matière de ventilation, commettrait une
contravention de cinquième classe (amende de 1500 euros). C'était sans compter le manque de
volonté politique des différents gouvernements qui se sont succédés, le Conseil scientifique de
l'évaluation, dans un rapport d'évaluation de la loi de 1991 et de son décret d'application,
constatant leur mauvaise application surtout dans les établissements publics et sur les lieux de
travail, la logique de répartition des espaces ( zones fumeurs/non fumeurs), faisant d'ailleurs
l'impasse sur la protection des salariés.
Au delà de certaines faiblesses intrinsèques à (de) la loi et à son décret d'application qui ne
peuvent, à l'aune des nouvelles connaissances scientifiques, que venir relativiser le principe
d'interdiction (des séparations entre zones fumeurs et non fumeurs souvent purement
virtuelles, des normes de ventilation insuffisantes...), il faut surtout insister sur la faiblesse, le
manque de moyens de contrôle mis en place par les gouvernements successifs.
Un volet répressif efficace suppose:
- la mise en place d'un dispositif renforcé de contrôle. Après un premier avis en 1997 sur
l'étude des aspects juridiques et de la façon dont les services de l' État contrôlent les
dispositions de la loi de 1991 , le Conseil scientifique de l'évaluation n'a pu que conclure en
1999 à l'absence d'autorité spécifique désignée pour veiller au respect dans l'application de la
loi, c'est à dire à la recherche des infractions.
Si la loi de 2004 relative à la santé publique est venue élargir la liste des agents susceptibles
d'exercer ce contrôle, la procédure d'habilitation et d'assermentation de ces derniers n'a jamais
été mise en oeuvre! Ceux ci ne pouvaient dresser les procès verbaux faisant foi et permettant
aux procureurs de poursuivre les infractions.
Le décret du 15 novembre 2006 a conservé comme le préconisait le rapport, la liste des
différents agents susceptibles de constater ces infractions :
- OPJ et APJ
- fonctionnaires et agents du ministère de la santé
- collectivités territoriales habilitées
- médecins et inspecteurs de santé publique
- ingénieurs du génie sanitaire
- inspecteurs de l'action sanitaire et sociale
- inspecteurs du travail...
La charge des différentes actions de contrôle sera donc répartie selon la sphère d'activité
professionnelle des différents agents.
Une telle répartition permettrait de contribuer à une meilleure effectivité du principe
d'interdiction en ce qu'elle garantirait la proximité de ces agents avec les milieux contrôlés
(lieux de travail...) qu'ils fréquentent notamment, à l'occasion de la réalisation d'autres
missions.
Face à la multiplicité et à la diversité de ces acteurs on peut espérer qu'elles seront le gage
d'une plus grande efficacité du contrôle, même si on peut se demander si cette polyvalence
permettra réellement de satisfaire les attentes importantes des professionnels en terme de
disponibilité(ex: permanence de nuit dans les discothèques) qui pourraient conduire les agents
de contrôle à faire l'impasse sur leurs autres missions.
M. Evin constate dans le rapport qu'il « ne servira à rien de durcir le dispositif d'interdiction si
à coté des campagnes d'information, le gouvernement ne mobilise pas les moyens de contrôle
indispensables à sa réussite », notamment en faisant l'impasse sur les procédures
d'assermentation et d'habilitation des agents de contrôle.
On attend toujours le décret annoncé par la circulaire du 29 novembre 2006 relative à
l'interdiction de fumer dans les lieux à usage collectif pour le mois de décembre, décret
permettant la mise en place des mécanismes d'assermentation et d'habilitation des agents de
contrôle. Sans la mise en place de cette procédure les mécanismes de contrôle risquent de
rester à nouveau inhibés.
La mobilisation de ces différents corps de contrôle doit passer par leur sensibilisation qui peut
prendre la forme de circulaires des ministères respectifs « préconisant des contrôles massifs et
immédiats ». Cette impulsion politique permettrait de responsabiliser les différents agents en
bouleversant les ordre de priorité de leurs actions. C'est d'ailleurs ce qui ressort de la circulaire
du 29 novembre 2006: « Les ministères disposant de corps de contrôle doivent mobiliser, sans
délai, leurs services déconcentrés sur la nécessité de placer de façon prioritaire le contrôle
du respect des nouvelles prescriptions liées au tabac au nombre de leurs thèmes d'actions. »
Celle ci prévoit également la mise en place de mécanismes de formation de ces agents de
contrôle: « Des formations ou des actions d'informations seront organisées dans les
ministères concernés pour leurs corps de contrôles respectifs. Elles insisteront sur l'urgence
de la mise en oeuvre de l'interdiction de fumer dans les lieux accueillant du public au regard
des enjeux de santé publique et initieront, si besoin est, au relevé des infractions par voie de
procès-verbal ou de timbre-amende. »
Un module d'auto formation sera également mis en place sur internet.
L'optimisation du contrôle par ces agents passe également par une extension de leurs sources
d'information qui a notamment conduit à la mise en place d'un numéro vert, même si son
efficacité présuppose là encore une implication et donc une responsabilisation des citoyens.
Le travail des corps de contrôle sera également facilité par une meilleure détermination des
responsables de l'infraction et par la création d'un autre niveau de contrôle au sein même de
l'entreprise. L'évolution jurisprudentielle amorcée avec l'arrêt de la chambre sociale du 29 juin
2005 ne pouvait qu'annoncer une plus grande implication de l'employeur, tenu à une
obligation de sécurité de résultat, dans la lutte contre le tabagisme. En effet, son rôle et sa
responsabilité ainsi précisés, il est érigé en organe de contrôle disposant de moyens y compris
disciplinaires de faire respecter l'interdiction de fumer au sein de l'entreprise, interdiction qui
pourra être consacrée dans le règlement intérieur de l'entreprise.
Face à la hiérarchisation des différents corps de contrôle qui semble se dessiner, leur
multiplicité et leur diversité, il ressort de la circulaire du 29 novembre 2006 la nécessité d'une
coordination entre les différents agents afin de garantir l'efficacité de ce mécanisme de
contrôle.
.un baromètre mensuel comme outils d'évaluation du contrôle:
Le texte prévoit également, toujours dans le souci d'assurer l'effectivité dans l'application du
principe d'interdiction, un mécanisme d'évaluation des opérations de contrôle des agents. Un
système harmonisé de remontée d'informations sur les opérations de contrôle menées
permettra d'alimenter un baromètre mensuel « à destination du grand public et des
professionnels de la santé publique » qui devrait être effectif à compter du 1er mars 2007.
Cette mesure s'inscrit dans un mouvement plus global d'évaluation des politiques publiques,
évolution contemporaine (ex avec les politiques publiques de lutte contre l'insécurité routière),
qui traduit: .un souci de pédagogie qui participe à l'effort de sensibilisation de l'opinion
publique
.un effort de transparence, ce bilan des actions menées conférant à l'opinion publique un droit
de regard sur leur efficacité.
Ce baromètre, si il est élaboré de manière sérieuse, si les agents jouent le jeu (en ne se servant
pas de cet instrument pour y faire refléter la cote de popularité du ministre comme c'est
parfois le cas pour les chiffres de la criminalité), et si les mécanismes de remontée de
l'information fonctionnent, il pourrait devenir un des meilleurs outils pour garantir l'effectivité
du respect de ce principe d'interdiction.
Toutefois, comme pour toute évaluation, pour qu'elle garde toute sa pertinence, il s'agira de
manier et de présenter les chiffres avec toute la précaution et la précision, en donnant à
l'opinion publique les outils essentiels d'interprétation et d'analyse. Il reviendra aux politiques
mais surtout aux médias de replacer les chiffres dans leur contexte en attirant l'attention sur
les différences de variables, d'autant plus qu'il a déjà été établi que l'on ne pouvait pas tirer
grand chose d'une comparaison de statistiques mensuelles du fait du manque de recul.
. la procédure simplifiée et accélérée des amendes forfaitaires
Face à la demande de l'opinion publique d'un durcissement de la répression et des règles
d'interdiction la mission envisage la mise en place « d'un dispositif renforcé de contrôle ».
Toutefois, si le rapport a pu relever le « caractère peu dissuasif des sanctions encourues » sous
le régime de la loi de 1991 et de son décret d'application de 1992, ce n'est pas tant au regard
du quantum des peines prévues qu'au regard de la grande incertitude dans le prononcé des
sanctions.
Au delà du problème de l'habilitation et de l'assermentation des agents de contrôle, la lourdeur
de la procédure devant le tribunal de police, qui aurait pu être mise en oeuvre par le ministère
public sur le fondement des articles R3512-1 et R3511-2 du code de la santé publique, aurait
constitué, toujours selon le rapport, un frein à l'applicabilité de la loi faisant naître chez
l'auteur de l'infraction un sentiment d'impunité. C'est ainsi que le décret, dans la lignée des
préconisations du rapport, prévoit que l'ensemble des infractions relatives à l'interdiction de
fumer dans les lieux publics affectés à un usage collectif pourront être sanctionnées par des
amendes à caractère forfaitaires. Cela a d'ailleurs engendré un déclassement, le responsable
des lieux ne respectant pas les normes prévues par le régime d'interdiction, encourant non plus
une amende prévue pour les contraventions de cinquième classe mais de quatrième classe, ce
qui a permis de la faire entrer dans la liste des amendes forfaitaires (art R 48 du CPP). Cette
procédure permettra un recouvrement beaucoup plus facile et rapide de l'amende, ce qui va
sans aucun doute dans le sens d'une plus grande application du régime d'interdiction.
. le choix de la voie réglementaire offrant de meilleures garanties en terme d'efficacité
C'est « dans le seul souci de l'efficacité opérationnelle » que face à l'encombrement de l'ordre
du jour parlementaire et aux échéances électorales de 2007, que la voie du décret a été
privilégiée. On a pu reprocher au décret de ne pas offrir une solennité comparable à celle de
l'outil législatif et de ne pas permettre la consécration d'une interdiction absolue de fumer en
laissant subsister dans la loi de 1991 la possibilité d'aménager des emplacements réservés aux
fumeurs, quels qu'ils soient. Le choix de la voie de la voie réglementaire permet également
d’éviter le débat public. Le règlement ne va permettre d'intervenir que sur les conditions
d'application de la loi Evin, sans modifier en profondeur le régime d'interdiction. Toutefois,
comme il l'a déjà été souligné, ce n'est pas tant une carence au niveau de l'affirmation de
l'interdiction même de fumer qu'il s'agissait de pallier, mais bien un problème d'applicabilité
de la législation. C 'est d'ailleurs encore ce souci d'efficacité dans l'application du principe
d'interdiction, qui va pousser le législateur, dans la lignée des préconisations du rapport et
malgré les protestations de plusieurs associations de lutte contre le tabagisme, accordé au
secteur CHRD un délai dérogatoire pour la mise en application du nouveau régime:
Toutefois, compte tenu de leur activité et de la nécessité de tenir compte de la possible
évolution de leur clientèle, certains établissements, débits permanents de boissons à
consommer sur place, casinos, cercles de jeux, discothèques, hôtels et restaurants, disposent
d'un délai supplémentaire jusqu'au 1er janvier 2008 pour appliquer la nouvelle
réglementation.
Les associations s'indignent notamment sur le fait que c'est aux établissements ou le risque du
tabagisme passif est le plus élevé que l'on accorde un sursis dans l'application de la loi. Cette
première dérogation, même si elle n'est que temporaire, pourrait ouvrir la porte à de nouvelles
remises en cause de l'application du régime d'interdiction, mettant de nouveau à mal son
efficacité.
Pour autant, toujours en raisonnant suivant une approche pragmatique du problème ce délai
doit permettre la mise en place de mesures d'accompagnement particulières, sur le plan de la
sensibilisation des professionnels et de l'opinion publique, mais surtout sur le plan financier
afin de limiter l'impact économique de la réforme qui pourrait être préjudiciable à ces
professions. Il s'agit de leur laisser le temps d'adapter les prestations et les services en
conséquence afin de garantir à terme l'efficacité de l'interdiction, en prenant l'exemple des
législations étrangères.
Pour conclure, même si l'objectif premier de la réforme est la lutte contre les dangers du
tabagisme passif, elle va également contribuer à la mise en place d'un environnement
favorable à l'arrêt de la consommation de tabac, sans risquer de stigmatiser les fumeurs. C'est
d'ailleurs ce qui ressort d'un sondage IFOP du 4 octobre 2006, prés d'un fumeur sur deux
déclarant que l'interdiction totale de fumer va l'inciter à arrêter (13%) ou à réduire sa
consommation.
Sur l'efficacité de ce nouveau régime d'interdiction repose donc également l'espoir d'une
meilleure protection de la santé des fumeurs eux même.
Pour aller plus loin…
I – Les textes :
1. Les textes nationaux :
Loi Veil n° 76-616 du 9 juillet 1976 relative à la lutte contre le tabagisme
Décret 77 – 1042 du 12 septembre 1977 relatif aux interdictions de fumer dans certains lieux
affectés à un usage collectif où cette pratique peut avoir des conséquences dangereuses pour
la santé
Loi Barzac n° 89-18 du 13 janvier 1989 portant diverses mesures d’ordre social
Loi Evin n° 91-32 du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme
Décret n° 91 – 410 du 26 avril 1991 fixant au 31 mai la date de la manifestation annuelle
« Journée sans tabac »
Décret n° 92 – 478 du 29 mai 1992 fixant les conditions d'application de l'interdiction de
fumer dans les lieux affectés à un usage collectif et modifiant le code de la santé publique
Arrêté du 5 mars 2003 relatif aux teneurs maximales en goudron, nicotine et monoxyde de
carbone des cigarettes, aux méthodes d'analyse, aux modalités d'inscription de ces teneurs et
de vérification de l'exactitude des mentions portées sur les conditionnements ainsi qu'aux
modalités d'inscription des avertissements de caractère sanitaire sur les unités de
conditionnement des produits du tabac
Loi n° 2003 – 715 du 31 juillet 2003 visant à restreindre la consommation de tabac chez les
jeunes
Décret n° 2004 – 949 du 6 septembre 2004 relatif à l’interdiction de vente de tabac aux
mineurs de moins de 16 ans
Loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique
Décret no 2006-1386 du 15 novembre 2006 fixant les conditions d’application de
l’interdiction de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif
Circulaire du 29 novembre 2006 relative à l'interdiction de fumer dans les lieux à usage
collectif
2. Les textes internationaux :
Convention-cadre de l’O.M.S. du 21 mai 2003 de lutte contre le tabac : http://www.tabac-
info.net/NAVBAR/ACCUEIL/CCOMS.pdf
Recommandation du Conseil du 2 décembre 2002 relative à la prévention du tabagisme et à
des initiatives visant à renforcer la lutte antitabac :
http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/site/fr/oj/2003/l_022/l_02220030125fr00310034.pdf
3. Les plans gouvernementaux
- Plan Cancer 2003 – 2007:
http://www.sante.gouv.fr/htm/dossiers/cancer/plaquette_cancer.pdf
- Plan gouvernemental de lutte contre les drogues illicites, le tabac et l’alcool 2004-2008 :
http://www.drogues.gouv.fr/IMG/pdf/Plan_gouvernemental_du_27_juillet_2004__2_.pdf
- Plan gouvernemental 2007 – 2011 pour la prise en charge et la prévention des addictions
http://www.drogues.gouv.fr/IMG/pdf/plan_addictions_2007_2011.pdf
- Rapport de la mission d’information sur l’interdiction du tabac dans les lieux publics
enregistré le 4 octobre 2006
II – Quelques sites utiles
www.drogues.gouv.fr
www.cnct.org
www.sante.gouv.fr
www.tabac-info.net
www.dnf.asso.fr
www.toxico.info
www.senat.fr
www.infotabac.com
www.tabac.gouv.fr
http:/www./social.gouv.fr
http://ifop.com
http://inpes.santé.fr
http://www.ofdt.fr
http://www.tabac-info-service.fr
http://wikipedia.org/wiki/Tabagisme
http://www.France-tabac.com/histoire.htm
http://www.oncoprof.net/General2000/g02_Prevention/Index/Index_pr06a.html