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Par Corentin de SALLE*
*Licencié en droit et Docteur en Philosophie, Professeur à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes
Commerciales, Conseiller à la Présidence du Mouvement Réformateur
Le capitalismede connivence
L’actuelle crise économique européenne est avant tout une
crise de la dette publique. Au XXe siècle, dans les divers Etats
européens, les dépenses publiques ont été multipliées entre trois
à six fois. Cette augmentation démesurée,
principalement motivée par des poli-
tiques d’inspiration socialiste, a causé
une augmentation continuelle de l’endet-
tement ces dernières décennies jusqu’à
parvenir à la situation préoccupante
d’aujourd’hui. Alors que les Etats-Unis, dont l’endette-
ment massif est justement pointé du doigt, ont une dette
correspondant à environ 60% de leur PIB, les pays de la
zone Euro supportent une dette équi-
valente à 75% de leur PIB. Il faut d’ailleurs se
garder ici de confondre cause et consé-
quence : ce n’est pas la spéculation finan-
cière qui ruine les Etats : s’il y spéculation
financière sur la dette, c’est en raison de
l’endettement abyssal de nombreux Etats européens.
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Cela dit, il serait malhonnête
d’ignorer que l’Union Euro-
péenne subit également le
contre-coup de la crise finan-
cière de 2008 qui, elle, est
d’origine américaine. La violence et l’am-
pleur inouïe de cette crise ont poussé un
grand nombre de gens à imputer la
responsabilité de la crise au capitalisme.
Pourtant, rares sont ceux qui, encore
aujourd’hui, défendent l’idée selon
laquelle le capitalisme est condamné à
s’autodétruire. Depuis deux siècles, on a
tellement annoncé son décès, on a telle-
ment célébré, ex ante, de messes mor-
tuaires que ce discours ne fait plus
recette. Le discours dominant consiste
plutôt à affirmer qu’il faut contenir, régu-
ler, domestiquer cette force, certes salu-
taire, mais sauvage et destructrice.
Pourtant, c’est ce que l’on fait habituelle-
ment au lendemain de chaque crise :
réguler, réglementer, légiférer, mettre en
place des codes de conduite, des ins-
tances de régulation, des organes de
contrôle, etc. Mais, à chaque nouvelle
crise, on reproduit ce discours et on part
toujours du principe que le système qui a
défailli n’était pas ou pas assez régulé.
En réalité, il se pourrait bien que la crise
plonge précisément ses racines dans une
application un peu trop zélée de ces
mêmes recettes néo-keynésiennes de
relance qui sont aujourd’hui proposées
comme la panacée.
Friedrich Hayek disait que la seule chose
qu’on peut faire face à une crise, c’est de
la laisser mourir de sa belle mort. Le prin-
cipal problème, ce n’est pas nécessaire-
ment la crise elle-même, mais les
mesures que, croyant bien faire, on
adopte dans son sillage, c’est-à-dire une
multitude de plans de relance aussi ineffi-
caces que ruineux. C’est l’erreur que fit
Roosevelt et c’est à cause d’elle que la
crise de 1929 se prolongea et s’amplifia
dans des proportions inouïes avec des
conséquences dramatiques pour l’en-
semble du monde.
Dans le même ordre d’idée, il importe
également d’éviter que l’intervention
d’aujourd’hui ne renforce l’aléa moral,
c’est-à-dire cette probabilité d’une prise
de risques inconsidérée d’un acteur en
raison de la relative assurance dont il jouit
dans une situation donnée (par rapport à
une autre situation où il devrait supporter
seul et intégralement les conséquences
de ses actes). En clair : l’Etat intervient
aujourd’hui pour éviter un cataclysme de
l’amplitude de la crise de 1929. Il importe
évidemment de ne pas répéter l’erreur
qui consista – à cette époque – à laisser
s’effondrer plusieurs milliers de banques.
On sait ce qu’il est advenu par la suite.
Mais, le risque est aussi, ce faisant, que
les autorités (américaines, européennes,
etc.), faute de convaincre le marché du
caractère exceptionnel et non reproducti-
ble de leur intervention, laissent se déve-
lopper l’idée que, de toute façon, l’Etat
est toujours là pour sauver la mise (et de
faire abandonner toute prudence au
monde des entreprises). A ce sujet, le fait
de ne pas avoir sauvé Lheman Brothers
fut sans doute une erreur, mais le climat
d’incertitude que ce non-sauvetage a
entraîné n’est pas nécessairement négatif
sur le long terme, même s’il bouleverse
aujourd’hui la plupart des anticipations
des acteurs économiques.
Plutôt que de céder aux slogans qui
réclament “plus” de régulation, l’enjeu
consiste sans doute aujourd’hui à régu-
ler “mieux” et à envisager, sans précipi-
tation, un modèle qui, sans rigidifier le
monde financier ou en ralentir les flux,
permette de juguler la propagation
des crises futures. Cela tout aussi
bien au niveau national et européen que
mondial.
Proposer des solutions, c’est évidem-
ment s’obliger à analyser les causes de la
crise financière. Ces causes, elles sont
multiples. Nombre de commentateurs ont
pointé, à juste titre, le caractère irrespon-
sable des décisions de certains acteurs.
Outre le devoir de faire des bénéfices, un
investisseur a aussi celui de ne pas faire
faillite. Pour notre malheur, voilà une évi-
dence qui semble avoir été perdue de vue
par l’establishment financier. Les cour-
tiers, les agences de notation, les
conseils d’administration, les Hedge
Funds, les paradis fiscaux, les normes
comptables, etc., autant de responsables
pointés légitimement du doigt. D’une cer-
taine façon, certains actionnaires, en
confortant les conseils d’administration,
ont aussi leur part de responsabilité. On
peut aussi citer les épargnants qui ont
exigé un rendement maximum au lieu
d’un rendement normal.
Cela dit, parmi tous ces accusés cités à
comparaître, on oublie presque toujours
un acteur de taille : l’Etat. L’Etat a failli
dans sa mission de régulateur de l’éco-
nomie. Si l’on regarde de plus près l’ori-
gine de la crise, ainsi que sa propagation,
force est de reconnaître que ce dernier
doit, lui aussi, rendre des comptes.
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Posons-nous huit questions.
Première question. Qui a, en 1977, via le
Community Reinvestment Act (CRA),
incité des millions de ménages peu solva-
bles à s’endetter pour devenir proprié-
taires ? Qui, par une politique visant à lut-
ter contre la discrimination – absurde par
son radicalisme – imposa aux banquiers
de fournir des prêts hypothécaires aux
membres des communautés pauvres,
donnant ainsi naissance aux prêts sub-
prime ? Qui a créé les Governement
Sponsored Entreprises Fanny Mae
(Federal National Mortgage Association) et
Freddie Mac (Federal Home Loan
Mortgage Corporation) qui représentent
près de la moitié des emprunts du marché
immobilier américain ? Qui leur a accordé
une multitude de privilèges étatiques
(notamment l’exemption de certaines
taxes) totalisant environ 13,6 milliards de
dollars de cadeaux fiscaux par an ? Qui a
ainsi constitué une sorte de duopole doté
d’avantages concurrentiels empêchant
l’apparition d’acteurs immobiliers alterna-
tifs, détruisant la solidité et la diversité du
marché immobilier américain, faisant coïn-
cider la faillite de ces institutions avec la
faillite de ce marché ? Qui les a délestées
d’un grand nombre d’obligations compta-
bles et prudentielles s’appliquant pourtant
à tous les autres acteurs économiques ?
Réponse : l’Etat.
Seconde question. Qui a créé, en 1992,
l’US Department of Housing and Urban
Development doté d’un pouvoir de tutelle
sur Fannie et Freddie et qui, au nom du
sacro-saint principe d’accès de tous à la
propriété, obligea ces dernières à octroyer
minimum 42% de prêts subprime en
1995, puis 50% en 2000 et 56% en 2004 ?
Qui, ce faisant, a incité banques et cour-
tiers à récolter fiévreusement du subprime
auprès de personnes insolvables avec
l’assurance de pouvoir les refourguer à
Fannie et Freddie soucieuses de remplir
leur quota ? Qui a ainsi conféré à ces
créances hypothécaires une sorte de label
étatique implicite ? Qui a casé une multi-
tude d’amis et des créatures politiques à
tous les étages de ces deux institutions ?
Qui a fermé les yeux lorsque ces ver-
tueuses entreprises passèrent, entre 1990
et 2008, de 740 à 5400 milliards de prêts
octroyés sans posséder plus d’ 1/66 des
liquidités de ces derniers (alors qu’une
banque doit généralement disposer
d’1/10 de ceux-ci) ? Réponse : l’Etat.
Troisième question. Qui empêcha systé-
matiquement toute tentative de réforme
du marché immobilier, notamment celle du
sénateur républicain Baker en 2000, le
Free Housing Enhancement Act de Ron
Paul en 2002 (destiné à restaurer le libre
marché dans le secteur immobilier et à
abolir les privilèges de Fannie et Freddie),
le plan Hagel de réforme de tutelle de
Fannie et Freddie (supporté par McCain
en 2006, adopté par la Chambre mais blo-
qué au Sénat) ? Réponse : les Démocrates
en bloc et certains Républicains. Il est vrai
que Fannie et Freddie ont permis de loger
9 millions d’électeurs reconnaissants
(jusqu’alors) et comptent parmi les princi-
paux donateurs des campagnes présiden-
tielles des deux partis.
Quatrième question. Qui est à l’origine de
cette hyperréglementation en matière fon-
cière et urbanistique gangrenant nombre
d’Etats américains et principalement
responsable de la flambée des prix de
l’immobilier (et ce, contrairement à nom-
bre de villes – Dallas, Atlanta, Houston,
Cleveland, etc. – où ce secteur est peu
réglementé et, dès lors, très stable et bon
marché, lien très clairement établi par une
étude menée sur 227 marchés immobiliers
répartis dans plusieurs pays de l’OCDE et
confirmée par les travaux du pourtant peu
libéral Prix Nobel d’économie Paul
Krugman) ? Qui, ce faisant, a créé de
toute pièce les conditions d’émergence
– et d’explosion inéluctable – de la bulle
spéculative qui incita nombre de ménages
à acheter avec l’assurance de pouvoir
revendre leur bien avec une plus-value
dans l’hypothèse où ils ne pourraient
plus honorer le remboursement de leur
emprunt ? Qui, dès lors, est responsable,
selon les estimations de la Heritage
Foundation, d’une surévaluation du stock
des logements de l’ordre de 4 000
milliards de dollars (chiffre démentiel si
l’on sait que l’encours du crédit immobilier
aux Etats-Unis est de 10 500 milliards) ?
Réponse : l’Etat.
Cinquième question. Qui, par une poli-
tique monétaire, a maintenu artificielle-
ment bas les taux d’intérêt (en-dessous
de l’inflation) pendant des années avec
pour conséquence de pousser les
banques à prêter au-delà de toute
mesure, d’encourager l’emprunt hypothé-
caire et la consommation, alimentant l’illu-
sion de richesse ? Qui, plutôt que de lais-
ser les citoyens – via une taxation
raisonnable – accumuler du capital, pré-
fère les inciter à vivre constamment à cré-
dit ? Qui, ce faisant, a perturbé le marché
plutôt que de laisser jouer l’offre et la
demande ? Qui, par la suite, fut contraint
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de relever en très peu de temps le taux
d’intérêt directeur de la Réserve Fédérale
de 1 à 5,25%, créant ainsi ce désastre
pour tous les ménages qui avaient
emprunté à un taux variable, soit la quasi-
totalité des emprunteurs en subprime ?
Réponse : l’Etat.
Sixième question. Le secteur financier
américain est-il dérégulé ? Le nombre de
régulateurs financiers travaillant dans les
agences fédérales (dont les dépenses ont
crû de 43% de 1990 à 2007) est de
12 000. Depuis la loi Sarbanes Oxley (de
2002), les textes réglementant le secteur
financier ont gonflé de… 70 000 pages.
Encore heureux que ce secteur soit réputé
“dérégulé”.
Septième question. Les normes assurant la
transparence patrimoniale de l’entreprise
ont-elles permis de juguler la crise ? La
norme comptable Mark to Market (Fair
Value Accounting), votée dans le sillage des
scandales Enron et Worldcom, oblige
– sanctions sévères à l’appui – les entre-
prises à signaler toute variation significative
de la valeur de leurs actifs (c’est-à-dire le
prix qu’elles en tireraient si elles devaient les
revendre au moment même). Or, au cœur
d’une crise, les échanges peuvent parfois
provisoirement s’arrêter. Comme les entre-
prises sont tenues de signaler instantané-
ment la dévalorisation, cela revient à consi-
dérer comme nulle la valeur de cet actif (ce
qui est faux puisqu’il suffirait d’un peu de
temps pour qu’il recouvre une valeur appré-
ciable sur le marché). Du coup, le rating de
l’entreprise s’écroule lui aussi et, comme on
le voit aujourd’hui, contamine tous les bilans
de proche en proche : l’hyperréglementa-
tion amplifie la crise au lieu de la stopper.
Huitième question. L’harmonisation inter-
nationale des normes comptables assure-
t-elle réellement une meilleure transpa-
rence ? Non. Quoique simplifiant la
communication, cette centralisation
monopolistique nuit fortement à la qualité
de l’information. En effet, la multiplication
d’artifices comptables enjolivant la situa-
tion patrimoniale des entreprises est une
réaction à cette hyperréglementation des
normes comptables. Pour le dire briève-
ment, l’imposition, au niveau américain et
au niveau européen, d’un modèle unique
extrêmement détaillé a rendu les entre-
prises légalistes et hypocrites, se conten-
tant de respecter à la lettre le prescrit légal
plutôt que de créer, comme par le passé,
leurs propres normes. L’ancien système
les contraignait pourtant à rester pru-
dentes et à s’améliorer constamment sous
peine d’être sanctionnées, par le marché
et en justice, si ces normes étaient de
mauvaise qualité. Il serait plus sain et plus
responsabilisant de laisser aux entreprises
le choix des méthodes les plus adaptées
pour remplir un objectif général de l’infor-
mation financière, déterminé et sanc-
tionné par la loi : refléter le plus fidèlement
la situation patrimoniale de l’entreprise.
Ce qui suppose non pas plus mais moins
de régulation. C’est-à-dire une régulation
basée sur des principes simples : respon-
sabilité, honnêteté, sincérité des contrats,
etc.
En conclusion, l’Etat joue nécessairement
un rôle important dans l’économie. C’est à
lui qu’incombe la responsabilité de fournir
un cadre normatif et régulateur adapté de
manière à structurer le marché et à éviter,
à l’avenir, que des crises de ce genre se
reproduisent.
L’intervention étatique dans la crise
actuelle – causée par l’Etat américain – est
également nécessaire. Ce n’est pas se
mettre en marge de la doctrine libérale
que d’affirmer la nécessité de ce sauve-
tage. Pourquoi ? Comme on vient de le
voir, il est évidemment faux d’affirmer
– comme le soutient le discours ambiant –
que l’Etat arrive heureusement à la res-
cousse du marché qui, livré à lui-même,
aurait perdu la tête. Au contraire, c’est
bien le moins, pourrait-on dire, que l’Etat
intervienne pour solutionner un problème
dont il est en grande partie la cause. Cela
dit, ce sauvetage de banques privées par
des fonds publics pose évidemment un
problème éthique : on a dénoncé à juste
titre ce mécanisme qui poussait à collecti-
viser les pertes alors que les bénéfices
sont privés. Mais ce sauvetage – pour
injuste qu’il soit sur le plan éthique – était
un moindre mal. Il fallait éviter que des fail-
lites bancaires en cascade ne conduisent
à l’effondrement de tout le système éco-
nomique et à des licenciements massifs.
C’est ce qu’on a appelé le “risque systé-
mique”, phénomène qui a justifié le sauve-
tage public de banques, organismes et
établissements financiers “too big to fail”
(“trop gros pour faire faillite”, c’est-à-dire
dont la faillite entraînerait des consé-
quences cataclysmiques).
La vraie question est de savoir comment
éviter que l’Etat ne soit une nouvelle fois
pris en otage par ces entreprises d’une
taille démesurée. La réponse est qu’une
entreprise “too big to fail” est une entre-
prise “too big to exist”. A proprement
parler, ce n’est pas tant la taille de l’entre-
prise qui pose problème, mais le fait
qu’une entreprise de ce type est incitée à
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se comporter de manière irresponsable
parce qu’elle sait que, quoi qu’elle fasse,
elle sera, en dernier ressort, sauvée de la
faillite par l’Etat.
Ce qui est critiquable, ce n’est pas la spé-
culation en tant que telle mais la spécula-
tion irresponsable. Par spéculation irres-
ponsable, on ne vise pas ici certains
spéculateurs qui n’auraient pas d’éthique :
un spéculateur veut toujours, comme
tout le monde, maximiser son bénéfice
(comme la jeune fille toute heureuse
d’avoir fait “une affaire” en achetant des
chaussures en solde). Le problème ne se
pose pas au niveau individuel. Non, par
spéculation irresponsable, on parle d’une
situation qui existe depuis quelques
décennies et qui se caractérise par le fait
que le monde de la finance est devenu
irresponsable.
Le problème ne se situe donc pas dans la
dérégulation mais, on l’a vu, dans l’hyper-
réglementation. C’est cette hyperrégle-
mentation qui a rendu les banques et le
secteur de la finance irresponsable. Il faut
empêcher que de telles faillites se repro-
duisent. Pour cela, il faut empêcher la
formation artificielle de ces organismes
monstrueusement grands. Ce n’est pas
parce qu’elles sont grandes qu’il faut
condamner des entreprises. Ce qui est
condamnable, ce sont des entreprises qui
ont bénéficié et qui continuent à bénéficier
de faveurs de la part de l’Etat, qui bénéfi-
cient de rentes de situation et qui ont pu
influencer l’Etat pour adopter des règle-
mentations qui pénalisent surtout leurs
concurrents plus petits (par exemple :des
normes extrêmement exigeantes en
matière environnementale que ces entre-
prises peuvent supporter mais pas leurs
concurrentes). Par ailleurs, ces entreprises
ont souvent été aidées par le passé. Elles
ne sont donc plus réellement “privées”
mais, d’une certaine manière, publiques.
C’est d’ailleurs parce que l’Etat a injecté
énormément d’argent pour les renflouer
qu’il ne veut pas qu’elles tombent en fail-
lite et que, en conséquence, la justice
américaine ne poursuit pas un certain
nombre de dirigeants qui ont ouvertement
violé la loi.
Derrière tout cela, ce qu’il faut dénoncer,
ce n’est pas le capitalisme mais le “croony
capitalism” ou “capitalisme de conni-
vence”, cette collusion, cette complicité
coupable et malsaine entre des élites éta-
tiques et les patrons de ces grands
groupes bénéficiaires d’avantages éta-
tiques. Il faut cesser de faire bénéficier ces
monstres financiers des avantages dont
ils jouissent et poursuivre en justice les
abus. Il faut, si nécessaire, pouvoir mettre
en faillite ces entreprises quand elles vien-
dront demander une nouvelle fois à l’Etat
d’être secourues et cela en les scindant,
en organisant les faillites de manière intel-
ligente, sans mettre en péril les dépo-
sants. C’est dans ce sens-là que le sys-
tème doit être réformé : non pas en
réglementant davantage mais en respon-
sabilisant davantage les acteurs finan-
ciers.
Plusieurs formules sont possibles comme
celles consistant à obliger les banques à
cotiser chaque année pour un fonds de
garantie d’une taille significative ou encore
en mettant en place un mécanisme dit
“échange dette-capital” : la banque serait
forcée de convertir un pourcentage de ses
dettes en actions qui seraient données à
ses créanciers. Faute de le faire, l’Etat
refuserait d’intervenir. Grâce à un tel
mécanisme, les faillites impacteraient
d’abord les créanciers avant les déten-
teurs de compte, ce qui devrait réduire les
prises de risque inconsidérées des
banques.
Bref, il faut impérativement rendre respon-
sables les banques et établissements
financiers. Pour ce faire, il faut leur redon-
ner une certaine liberté, ce qui implique
évidemment qu’ils assument seuls les
conséquences de leurs actes. Quand on
veut qu’un adolescent s’autonomise, on
lui dit de faire des petits jobs pour se
payer l’essence de sa voiture et sa
consommation d’alcool. Ce que le gou-
vernement fait actuellement, c’est un peu
comme des parents qui financeraient sans
limite l’essence, l’alcool, qui donneraient
les clés de leur voiture aux adolescents
mais qui, dans le même temps, s’assoi-
raient sur les sièges arrière de la voiture
pour surveiller leurs moindres faits et
gestes. Il faut, bien plutôt, restaurer en la
matière cette valeur qui est la plus fonda-
mentale : la liberté et son corollaire obligé :
la responsabilité.