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Who Cares ?
Le travail de soins et d’assistance (« care ») tiraillé entre le marché et la famille
Exposé présenté lors du 13e Congrès des femmes de l’USS
19 janvier 2018, Berne
Dr Sarah Schilliger, Institut pour la recherche en migration et les études interculturelles, Université d’Osnabrück
Structure de l’exposé
1. Aperçu des différentes modalités de care au quotidien
2. Organisation et spécificité du travail de care
3. Une crise du care ? Dynamiques actuelles dans l’organisation sociale du care
4. Résistances et combats de care
5. Perspectives et domaines d’intervention politique
1. Aperçu des différentes modalités de care au quotidien Les conflits en matière de
conciliation,
les services lacunaires,
le manque de temps, le stress,
la précarité financière et
les crises de surcharge, jusqu’aux crises d’épuisement
... apparaissent en tant que crises de care individuelles, privées, mais :
le privé est politique !
2. Organisation et spécificité du travail de care
Aspect institutionnel :État/public – marché/économie privée –ménage/familial – réseaux sociaux/intérêt général
Aspect intersectionnel :sexe – classe sociale – nationalité/provenance
Niveaux :ménage – voisinage/quartier – commune/ville –État – transnational
Qu’est-ce qui distingue le travail de care ?
Rationalisable seulement de manière limitée (avec perte de qualité)
Structure temporelle spécifique
Ne peut (presque) pas être « délocalisé »
La relation humaine est centrale, implication émotionnelle5
Industrie et secteur du care :
des « productivités divergentes »
« On peut produire des autos plus rapidement, mais pas élever des enfants plus rapidement. » (Madörin 2010)
Dans le secteur du care, les gains de productivité ne sont possibles que de manière limitée
3. Une crise du care ? Dynamiques actuelles dans l’organisation sociale du care
- (Nouvelle) répartition du travail de care
- « Familialisation » du travail de care
- Marchandisation du travail de care
- Rationalisation du travail de care
- Mondialisation du travail de care
(Nouvelle) répartition du travail de care
« La révolution étranglée » (Hochschild 2012)
L’augmentation de l’activité professionnelle des femmes n’a pas été accompagnée d’une augmentation comparable de l’engagement des hommes dans le domaine du travail de care non rémunéré
Nouvelle répartition du travail entre les femmesTransfert vers des travailleuses du care rémunérées, nouvelle répartition entre femmes selon la classe et la provenance ou la nationalité, expansion du secteur précaire des bas salaires dans le secteur « ménages »
« Familialisation » du travail de care
Relocalisation dans la sphère privée de travail de care autrefois organisé sur une base publique
Exemples :
Dans le domaine de la santé, les forfaits par cas entraînent des « renvois à la maison brutaux », la guérison devant se faire dans les ménages privés
Prise en charge durant 24 heures : le service de nuit n’est pas considéré comme du travail à rémunérer
Les femmes comme « airbags sociaux »
Le travail de care est dévalorisé et rendu invisible, le travail de care comme « service fourni par amour »
Marchandisation du travail de care
Le travail de care est délégué au marché privé et organisé en fonction de la logique de la concurrence et du profit
Le travail de care comme service pouvant être acheté selon son pouvoir d’achat
Le travail de care comme champ d’investissement, tout en étant peu considéré
Rationalisation du travail de care
Le travail de care est soumis à des stratégies de réduction des coûts
La qualité du travail de care est torpillée par une logique d’efficience
La pression est transférée sur le personnel
Recours à des technologies nouvelles, à la robotisation
Exemple : dans les soins à domicile, « chaque minute est
comptée »
« Dans les soins à domicile, on ne peut réellement faire que le strict
nécessaire. Les gens subissent tellement la pression du temps qu’ils
travaillent chronomètre en main. Chaque acte est enregistré et tout ce
qui est fait en plus doit être facturé séparément. La pression est
énorme. Il n’y a vraiment plus de place pour les contacts humains. »
(Interview de Madame Meyer)
Mondialisation du travail de care
L’importation, le recrutement de travailleuses du care depuis le Sud et l’Est mondialisés pour compenser les lacunes en care
Chaînes de vulnérabilité transnationales
Lacunes de services déplacées vers les pays d’origine du personnel recruté (« care drain »)
Effets des politiques en matière de care
Augmentation des contradictions entre logique d’efficience et éthique d’assistance
Valorisation et dévalorisation simultanées du travail de care
Inégalités nouvelles ou renforcées (intersectionnel/global)
4. Résistances et combats de care
« L’organisation du travail d’assistance n’est pas le résultat "naturel" de forces du marché et émotionnelles. Elle reflète bien plus des rapports de force et peut devenir l’objet de combats politiques durs.
(Power 2004)
4. Perspectives et domaines d’intervention politique
Changement de perspectiveL’économie doit « abandonner la logique de la spéculation pour celle de l’assistance » (Wichterich 2010). La logique du care avant celle du marché !
Développement de l’infrastructure du careorganisé démocratiquement, financé de manière solidaire, proche des besoins, avec de bonnes conditions de travail
Nouvelle politique du temps réduction progressive de la durée du plein temps, avec nouvelle organisation et répartition induites du travail de care
Plaidoyer pour une « société qui prend soin de ses membres »
Le travail de care a besoin de temps et ne peut pas être fait toujours plus vite. Sinon, la qualité en pâtit.
Dans une société qui prend soin de ses membres....
... les contacts humains et les aspects communicationnels devraient à nouveau se trouver au centre du travail de care. Ils ne doivent pas devenir des facteurs de coûts indésirables !
Plaidoyer pour une « société qui prend soin de ses membres »
Dans une société qui prend soin de ses membres ....
... nous créerons des structures temporelles qui permettent de
concilier activité professionnelle et travail de care, sans surmenage
chronique !
Dans notre société centrée sur le travail, nous devrions penser à un rapport fondamentalement nouveau entre activité professionnelle et travail de care
Frigga Haug, Vier-in-einem-Perspektive
Merci de m’avoir accordé de votre temps et de votre attention!
Une émancipation qui s’oriente uniquement sur l’activité professionnelle et continue à dévaloriser le travail de care ne peut être qu’une « révolution féministe inachevée » (Silvia Federici).
