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dans les Fleurs du Mal de Charles Baudelaire

Vocabulaire Des Sensations

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Page 1: Vocabulaire Des Sensations

dans les Fleurs du Mal

deCharles Baudelaire

******Introduction******

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Chez Baudelaire un même mot peut avoir plusieurs sens très différents ou renvoyer à plusieurs choses ou notions diverses. Ainsi en étudiant le vocabulaire des sensations on verra comment un simple mot peut faire ressentir des sentiments différents selon le contexte. Pour commencer, rappelons la définition de sensation : « ce que l’on ressent physiquement ou mentalement». Il y donc plusieurs types de sensations : les sensations olfactives, visuelles, auditives, corporelles et le goût.

1. Les sensations olfactives

A/ Les « bonnes » odeurs Le lexique des bonnes odeurs n’est pas très vaste, cependant des mots comme « odeur » ou « parfum » renvoient vers différentes idées dans différents contextes. Commençons avec le poème : « La muse malade ». Dans ce poème Baudelaire souhaite la guérison de sa muse, de sa bien-aimée : « Je voudrais qu’en exhalant l’odeur de la santé/ Ton sein » (v.9-10). On peut le déceler grâce au mot « santé » qui suit celui d’odeur ; on voit donc bien que c’est le contexte qui permet de connaître la portée de la sensation olfactive ici. Dans le poème « Invitation au voyage » ; la sensation olfactive a une portée séductrice car Baudelaire cherche ici à persuader sa bien aimée

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de partir avec lui : « Les plus rares fleurs/ Mêlant leur odeur » (v. 19-20). C’est un paradis de fleurs qui attend la femme si elle se décide à suivre son amant. Les sensations olfactives ont une place très importante dans la description des amours de Baudelaire et de ses relations avec les femmes. Par exemple dans le poème « Le Parfum exotique », Baudelaire se dit être « guidé par l’odeur » (v.9) de sa bien-aimée. Il l’aime tellement qu’une bouffée de son parfum lui suffit pour savoir que c’est elle. Dans ce même poème Baudelaire nous montre sa proximité corporelle avec cette femme : « Je respire l’odeur de ton sein chaleureux » (v.2). Dans « Hymne à la Beauté », Baudelaire montre également l’importance de la sensation olfactive dans l’amour : « Tu répands des parfums comme un soir orageux » (v. 6). Dans « La chevelure », la sensation olfactive prend une place primordiale. Le parfum de la chevelure de la femme correspond à une richesse : « O parfum chargé de nonchaloir » (v.2). Le parfum correspond également à une mer, un océan, puisque Baudelaire dit que son esprit « nage sur ton parfum » (v.10), c'est-à-dire le parfum de la femme. Une nouvelle expression de la sensation olfactive est introduite avec la « forêt aromatique » (v.8) qui correspond encore une fois à la chevelure et à un univers riche et vaste. On voit également cette métaphore de la chevelure qui devient une mer dans le « Serpent

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qui danse », avec notamment la citation suivante : « Aux âcres parfums, / Mer odorante » (v.6-7). L’image du parfum de la chevelure est observée une dernière fois dans la 3ème partie du poème « Le fantôme » qui s’intitule « Le Parfum ». Le titre est ici un titre éponyme puisque le thème principal en est le parfum et la sensation olfactive. Tout d’abord, Baudelaire, par une question adressée au lecteur, lui propose une manière originale pour respirer : «respiré/ avec ivresse et  lente gourmandise » (v.1-2). Enfin, l’expression « parfum de fourrure » (v.14) renvoie bien évidemment à la sensation olfactive de la chevelure et permet une comparaison implicite de la femme et du chat. D’ailleurs un poème tout entier est destiné à cette comparaison : « Le chat ». La sensation olfactive est ici présentée comme une arme de séduction dangereuse : « Un air subtil, un dangereux parfum » (v. 13). Cependant dans le poème « A une mendiante rousse «, Baudelaire dit clairement que le parfum n’est pas nécessaire pour la beauté car c’est la beauté réelle, naturelle qui est la véritable : « Va donc, sans autre ornement, / Parfum, perles, diamant, / Que ta maigre nudité, / O ma beauté ! » (v.53- 56). Le parfum a donc ici une connotation négative. Dans le poème « V », le « ses parfums » (v. 40) renvoie au parfum de la jeunesse qui est bon et délicieux. Cette description positive de la jeunesse et de son parfum contraste beaucoup

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avec la description, de la vieillesse, qui la précède. Dans le poème « Correspondances », la sensation olfactive devient un symbole qui permet de déceler la personnalité d’un individu : « Les parfums […] se répondent » (v.8) comme des êtres vivants. La citation suivante montre clairement que le parfum est un trait de caractère de notre personnalité : « Il est des parfums frais […]/ -Et d’autres corrompus, riches et triomphants » (v. 9-11). Dans le poème « Le Guignon », Baudelaire va jusqu’à se comparer lui-même à un parfum : « Mainte fleur épanche à regret/ Son parfum doux » (v. 12-13). Baudelaire est comme la fleur, il écrit des livres, mais tout cela à regret puisqu’ils ne sont approuvés que par une minorité (procès divers…). C’est le désespoir qui envahie notre auteur, d’où le titre : « le guignon » qui signifie malchance durable. Il y a également désespoir dans « Le goût du Néant » : cette fois le désespoir est du à la disparition de la sensation olfactive. « Le Printemps adorable a perdu son odeur ! «  (v. 10). Baudelaire n’a donc plus envie de vivre. On voit grâce à ce poème combien est importante la sensation olfactive pour Baudelaire. Dans le poème « Une Martyre » on assiste au processus d’agonie de la sensation olfactive : « Où des bouquets mourants dans leurs cercueils de verre/ Exhalant leur soupir final » (v.7-8). Le « soupir final » est le parfum.

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B/ Les sensations olfactives garantes des souvenirs Cette idée est récurrente dans le recueil : l’odeur, marquée par le passé, fait souvenir Baudelaire. Ceci peut être prouvé par plusieurs poèmes du recueil. Par exemple le poème « A une dame créole », où le « pays parfumé que le soleil caresse » (v. 1) est l’Inde où Baudelaire passa quelques années de son adolescence. Cela montre que le « parfum » est une caractéristique importante de ce pays et qu’en se rappelant le pays l est impossible de ne pas s’en rappeler le parfum. Dans le « Flacon » on voit explicitement que la vieille odeur est garante des souvenirs du passé. Voici quelques expressions qui en témoignent :_ « Il est de forts parfums » (v.1) pour montrer que même le temps, le plus grand ennemi de Baudelaire, n’arrive pas à les tuer. « Parfum » peut être considéré ici comme une périphrase de « souvenir »._ « Pleine de l’âcre odeur des temps » (v.6). C’est le parfum du passé._ « un vieux flacon » (v.7) renvoie bien évidemment à une vieille odeur, à un vieux souvenir et à un fait ancien. L’histoire du vieux flacon se retrouve également dans le poème « Spleen » où la vieille odeur rappelle également des souvenir personnels à l’auteur : « l’odeur d’un flacon débouché » (v.14).

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Dans le « Balcon », le « ces parfums » (v.26) renvoie à des souvenirs qui s’effacent avec le temps… « La vie antérieur » peut être un autre exemple du parfum-souvenir. Ici la mauvaise odeur rappelle un fait ancien : « Et les esclaves nus, tout imprégnés d’odeurs » (v.11). En tant que dernier exemple de cette sous partie, on peut citer le très joli poème : « Harmonie du soir ». Une fois encore le parfum correspond à un souvenir, cette fois un souvenir mélancolique d’un amour passé : « les sons et les parfums tournent dans l’air du soir » (v.3). C’est comme un tourbillon qui fait dérouler toute notre vie.

C/ Les « mauvaises » odeurs On trouve la première marque de ce type d’odeur dans le poème liminaire, c'est-à-dire le premier poème de tout l’ouvrage. En effet dans le poème « Au lecteur », Baudelaire nous présente la réalité avec un accent sur la puanteur : « des ténèbres qui puent » (v.16). D’ailleurs le mot « puanteur » (et tous ses dérivés) est un nouveau à introduire dans le vocabulaire des sensations olfactives, c’est un mot « dégoûtant » mais qui sert souvent à Baudelaire à ouvrir les yeux de son lecteur sur la réalité. Dans son poème très célèbre « Une charogne », Baudelaire dénonce encore une fois la réalité atroce à l’aide de la sensation olfactive : « La puanteur était si forte, que sur l’herbe/ Vous crûtes vous évanouir. » (v.15-16).

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Le lecteur s’identifie ici à la bien-aimée de Baudelaire et ressent d’une façon ou d’une autre cette « puanteur ». Dans « L’irrémédiable » le contexte déjà atroce est mis encore plus en valeur par l’horrible odeur : « Au bord d'un gouffre dont l'odeur/ Trahit l'humide profondeur » (v.18-19). Enfin, dans le poème « Le vin des Chiffonniers » l‘antithèse créée par les mots « parfum » (quelque chose de bon) et « futaille » (tonneau pour l’alcool) sert à montrer la réalité de la vie des Chiffonniers : « reviennent parfumés d’une odeur de futailles » (v.17). La sensation olfactive sert donc ici à éclaircir la réalité.

2. Les sensations auditives

A/ Les sensations des bruits Dans le poème « La chevelure », cette dernière est présentée comme « un port retentissant » (v.16), c'est-à-dire un port plein de souvenirs car ici le mot « retentissant » renvoie à la grande dimension du port, c'est-à-dire une multitude de souvenirs. Baudelaire éprouve une satisfaction extrême en caressant la chevelure de sa bien-aimée car pour lui c’est tout un monde qui s’y est imprégné c’est pour cela qu’il lui demande d’ailleurs de na pas changer car sinon il deviendrait malheureux : « Afin qu’à mon désir tu ne sois jamais sourde »(v.33). L’expression « ne sois jamais sourde » signifie ici « comprenne

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toujours ». L’utilisation de la sensation auditive dans ce cas précis renvoie au champ lexical du bruit déjà fortement présent dans le poème entier. « Le crépuscule du Soir » nous offre une opportunité intéressante pour étudier les sensations auditives. Ce poème métamorphose les bruits d’une ville le soir en des « démons malsains dans l’atmosphère [qui] s’éveillent lourdement » (v. 11-12). L’utilisation ici de la sensation auditive et de son contexte sert à renforcer le côté négatif et dangereux de la ville le soir. Dans la première partie du « Chat d’automne », Baudelaire nous fait part de son amour pour l’été et de sa haine de l’hiver. Pour souligner cela il utilise les sensations auditives, en montrant que les coups de marteau qu’il entend correspondent à des exécutions réalisées par un bourreau. Il s’agit de la mort de l’été : « J’écoute en frémissant chaque bûche qui tombe » (v.9). « Ce bruit mystérieux sonne comme un départ » (v.16) : le départ correspond à la fin de l’été et du départ vers les saisons froides. Dans le « Reniement de Saint Pierre », Baudelaire dénonce l’impassibilité de Dieu pour les malheurs des hommes. Grâce aux sensations auditives, il arrive à instaurer une image de Dieu très négative en le qualifiant de « tyran » (v.3) et les hommes pour lui sont des victimes de ces injustices : « Il s’endort au doux bruit de nos affreux blasphèmes. / Les sanglot des martyrs et

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des suppliciés. » (v.4-5). L’antithèse du vers 4 créée par les sensations auditives contradictoires mettent un accent important sur l’injustice de Dieu. B/ Les sensations de la musique Dans le « Beau Navire », la femme est comparée avec le navire qui a une marche lente, gracieuse et harmonisée avec la musique, on croit même entendre le bruit des pas : « suivant un rythme doux et paresseux et lent » (v.28). Dans la « Danse macabre », le « chat des violons » (v.25) renvoie au chant plaintif des âmes mortes. On voit dans ce poème comment les sensations auditives servent le titre : « danse macabre ».

C/ Les sensations auditives font renaître les souvenirs du passé Dans le poème « Harmonie du Soir », « les sons et les parfums [qui] tournent dans l’air du soir » (v.3) ainsi que la « valse mélancolique » (v.4) renvoient aux souvenirs heureux du passé. Cette nostalgie redoutable se fait d’autant plus sentir quand on entend la « valse mélancolique ». Un autre poème qui correspond au thème du souvenir provoqué par une sensation auditive est « La cloche fêlée ». Ici le souvenir est généré par une cloche : « D'écouter, près du feu qui palpite et qui fume, / Les souvenirs lointains lentement s'élever / Au bruit des carillons qui chantent dans la brume. » (v.2-4). Le « bruit des carillons » est

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le bruit des cloches. Remarquer le verbe « chanter » utilisé pour les cloches et qui permet de les personnifier. L’analyse de cet élément et également de l’expression suivante : « Jette fidèlement son cri religieux » (v.7), nous amène à conclure que ce sont des cloches d’un cloître mais également que les souvenirs en questions ne sont pas « innocents » et que l’individu a besoin de se confesser. D/ Les sensations du silence Eh oui le silence provoque également des sensations. Dans le poème « Le Revenant », l’atmosphère générée par le silence absolu et la nuit laisse l’impression d’un cambrioleur ou d’un assassin qui essayerait de dérober un trésor. Or le trésor est la femme et le revenant est son amant fou : « Et vers toi glissera sans bruit/ Avec les ombres de la nuit » (v. 3-4). Le poème suivant laisse une sensation totalement contraire au poème précédant tout en gardant une atmosphère de silence. Ce poème s’intitule « Le Soleil » et nous montre le coté majestueux et supérieur du Soleil : « Et s’introduit en roi, sans bruit et sans valets » (v. 19). On a l’impression d’un individu qui surveille et qui a le contrôle parfait de la ville.

3. Les sensations visuelles

Il est difficile de parler de sensations visuelles et de dire par quoi ces dernières ont été

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provoquées, car une toute simple description est d »jà susceptible d’avoir une sensation visuelle. Mais ce qui l’on ressent le plus n’est ce pas les couleurs ? Parfois le contraste de celles-ci peut nous influencer dans la pensée. Nous allons donc plutôt nous intéresser dans cette partie aux couleurs et non aux descriptions. Commençons avec le poème « La chevelure » où Baudelaire se sert du bleu pour décrire la chevelure de sa bien-aimée : « Cheveux bleus » (v.26). Il en use à fin de nous faire comprendre la métaphore des cheveux et de l’océan utilisée pour mettre en valeur la richesse de celui-ci et donc par conséquent la richesse de la chevelure en souvenirs. Dans le poème « XXVII », Baudelaire se prête à la critique d’une femme stérile en dévaluant sa préciosité qui est sa stérilité même. Pour ce faire il utilise le vocabulaire des couleurs pour montrer, grâce à une énumération d’objets précieux, que la stérilité est inutile par rapport à toutes ces pierreries : « Où tout n’est qu’or, acier, lumière et diamants/ Resplendit à jamais, comme un astre inutile » (v. 12-13). Dans le poème le « Serpent qui danse » on retrouve la métaphore de la chevelure et de l’océan : « aux flots bleus et bruns » (v. 8). La description de cette femme par ailleurs : « ton corps si beau » (v.2) montre que Baudelaire en est amoureux. On retrouve cette sensation d’amour dans le « Balcon » ou Baudelaire écrit : « Et mes yeux dans le noir devinaient tes prunelles » (v.17). Le

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noir sert ici à montrer la proximité corporelle des deux amants. Cependant est-ce possible de voir dans le noir ? Logiquement non, mais l’amour peut tout et c’est d’ailleurs ce que démontre la sensation visuelle ici. Dans le poème « Toute entière », Baudelaire compare sa bien-aimée avec l‘Aurore pour spécifier son côté charmant et joyeux : « Elle éblouit comme l’Aurore » (v. 15). Une autre comparaison très raffinée marquée par la sensation visuelle se trouve dans le poème « Causerie », où Baudelaire compare la femme avec le ciel : « Vous êtes un beau ciel d’automne, clair et rose ! » (v.1). Le côté féminin est mit en valeur par la couleur « rose ». Le coté visuelle prédomine la partie du recueil nommée : « Tableaux parisiens » car c’est là qu’ont lieu les grandes descriptions. En voici quelques uns qui se rapportent au thème des sensations visuelles. Dans les « Sept vieillards », la pauvreté et la médiocrité du vieillard sont mises en valeur par la couleur de ses vêtements : « un vieillard dont les guenilles jaunes/ Imitaient la couleur de ce ciel pluvieux » (v.13-14). Le contraste de lumières dans « A une passante » met en valeur le fait que Baudelaire ne la reverra plus et le hasard de cette rencontre : « Un éclair… puis la nuit ! » (v.9). Enfin il est intéressant d’étudier une dernière expression se situant dans « Le crépuscule du Soir » et qui est : « La prostitution s’allume dans les rues » (v.15). Le verbe « s’allumer » renvoie

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ici aux lampes que l’on allume le soir quand il fait noir. Cela montre également que la prostitution est très répandue puisque le nombre de lampes qui s’allument le soir est énorme.

4. Les sensations physiques

A/ Le toucher Le toucher chez Baudelaire est surtout présenté comme ses relations charnelles avec les femmes. Nous allons étudier le vocabulaire utilisé pour le touché dans trois poèmes du recueil. « Chevelure » : Ici Baudelaire montre surtout son amour acharné pour la chevelure de sa bien-aimée qui est pour lui un élément très séduisant de cette femme. « Je plongerai ma tête amoureuse » (v.21). Le verbe « plonger » signifierait ici plutôt « embrasser » mais comme on l’a vu déjà avant la chevelure est présentée comme un océan et qu’est-ce que l’on fait dans un océan ? On « plonge » dans l’eau, voilà comment on pourrait justifier l’emploi de ce verbe. Baudelaire montre également que la chevelure est agréable à toucher : « Bords duvetés de vos mèches tordues » (v.28). Le duvet est quelque chose de très doux et agréable au touché. « Le chat » : dans ce poème on assiste à une comparaison du chat et de la femme. En montrant combien il est agréable de caresser un chat Baudelaire démontre donc combien il est agréable de caresser une femme : « Lorsque mes

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doigts caressant à loisir […]/ ma main s’enivre du plaisir/ de palper ton corps » (v.5-7). La description du touché avec les verbes « s’enivrer » et « palper », mais aussi le mot « plaisir » nous laissent imaginer à quel point Baudelaire doit être amoureux au moment de la réalisation de ce poème. « Le balcon » : dans ce poème Baudelaire met en évidence la proximité corporelle avec sa bien-aimée avec des phrases comme : « tes pieds s’endormaient dans mes mains fraternelle » (v.19). La douceur du touché est encore une fois mise en valeur : « Que ton sein m'était doux! » (v.8). Leur amour est également notifié par les termes : « baisers infinis » (v. 26) et « caresses » (v.3). Si on regarde à l’échelle du recueil, on s’aperçoit que les termes qui reviennent le plus sont :_ « baiser » (19 fois)_ « caresse » (10 fois)_ pour le toucher les différents membres du corps son également importants : _ « main » (16 fois) _ « pied » (23 fois) _ « tête » (20 fois) _ « corps » (34 fois). Même si ces termes ne renvoient pas au touché dans tous les cas , la plupart le font._ également des verbes comme : _ « embrasser » (4 fois) _ « sentir » (ne renvoie pas souvent au touché)

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Il faut préciser et comme nous l’avons d’ailleurs vu dans les poèmes ci-dessus, que Baudelaire utilise souvent des métaphores et des comparaisons pour exposer ses relations avec les femmes.

B/ Le goût C’est surtout dans la partie « Le vin » que ce type de sensation peut être remarqué. C’est la sensation de l’ivresse, le paradis artificiel de Baudelaire. Mais voici un poème, qui ne fait pourtant pas partie de la section « Le vin », mais où le goût d’ivresse est cependant présent, c’est le « Beau Navire ». Ce sont les vers 22 et 23 qui renvoient à cet état d’ivresse : « Armoire à doux secrets, pleine de bonnes choses/ de vins, de parfums, de liqueurs ». Les mots qui se rapportent le plus au goût sont :_ « la soif » (7 fois)_ « boire » (5 fois)_ « liqueur » (5 fois)… C’est bien sûr dans la section du Vin que la densité de ces mots est la plus forte.

5. La fusion des sensations

Chez Baudelaire un sens ne suffit pas pour faire ressentir le lecteur ce que ressent le poète, ce dernier mêlent donc dans beaucoup de ses

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poèmes de sens totalement différents et que l’on réuniraient difficilement. La parfaite synthèse de sens baudelairienne se trouve dans le poème : « Toute entière » ou il avoue lui-même cette confusion de sensations olfactive et auditive. D’ailleurs si on regarde bien on voit que c’est un chiasme qui réunit les deux sensations :« De tous mes sens fondus en un!Son haleine fait la musique,Comme sa voix fait le parfum! » (v. 22-24) Dans « Hymne à la beauté », l’image de la femme parfaite est donnée grâce à la synthèse des sensations auditive, olfactive et visuelle : « Rythme, parfum, lueur, ô mon unique reine ! » (v. 27). Dans le « Balcon » une confusion de sensations est créée avec l’expression : « le parfum de ton sang » (v. 14). En réalité le sang n’a pas de parfum mais c’est lui qui véhicule le corps. On en déduit que c’est le parfum de ton corps qui se cache derrière cette expression. Dans « La chevelure » on peut également remarquer une synthèse de sensations olfactive, auditive et visuelle : « mon âme peut boire/ A grands flots le parfum, le son et la couleur » (v. 16-17). Finalement, on peut citer un dernier poème « A celle qui est trop gaie » où le mélange de sensations est présent dans les vers 3-4 : « Le rire joue en ton visage/ Comme un vent frais dans un ciel clair. ». Ici, les sensations auditive

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(« rire »), visuelle (« ciel clair ») et le touché (« frais ») sont mélangées.

****** Conclusion******

Les sensations sont la base du recueil de Charles Baudelaire : Les Fleurs du Mal (1857). C’est pour cela que l’on y trouve un si vaste vocabulaire des sensations qui a fait l’étude de ce dossier. Il faut

distinguer les différents types de sensations, mais cependant pour se rapprocher au maximum de

son but, c'est-à-dire de faire en sorte que le lecteur ressente la même chose que l’auteur, Baudelaire devra parfois mêler les différentes

sensations pour aboutir à une synthèse extravagante mais originale.