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Né à Dahmani, Tunisie, en 1985, Nidhal Chamekh a étudié les beaux-arts à Tunis et Paris où il
habite actuellement. Chamekh expose deux œuvres dans All the World’s Futures à la Biennale de
Vénise (commissaire : Okwui Enwezor) : De quoi rêvent les martyrs ? (2012), une série de douze
dessins élaborés au cours de deux années, et The Anti-Clock Project (2015), une nouvelle œuvre
comptant une maquette 3D et onze dessins, créée à l’occasion de l’exposition.
Emma Chubb (EC) : Pourriez-vous nous parler des deux œuvres que vous exposez dans All the
World’s Futures ?
Nidhal Chamekh (NC): Il s'agit, dans la première œuvre, d'un ensemble de douze dessins,
construits à l'image de planches d'études. Chaque dessin représente une page à part entière,
mais certains éléments renvoient à d'autres et le tout crée une série. Ces éléments, images et
autres formes, pris ici et là, sur internet, via les réseaux sociaux, les journaux ainsi que des bases
d'archives, sont agencés de manières différentes. La transposition même diffère d'un élément
à l’autre en faisant appel à différentes techniques graphiques et divers "styles". Ainsi, chaque
dessin représente un tissu complexe d'images, de signes, de références et de temporalités. Un
seul fil conducteur relie et consolide chaque dessin : la question posée par son titre.
The Anti-Clock Project est un travail beaucoup plus récent, il a été réalisé spécifiquement pour
la Biennale, même si l'idée me travaillait depuis presque deux ans. La maquette, centrale,
illustre le projet de détruire un monument urbain à partir d'un autre élément architectural se
trouvant à l'autre bout de l'espace. L'intervention prend place au cœur de Tunis et la maquette
reproduit les endroits qui me semblaient importants dans cette partie de la ville. Les 11 dessins
accrochés sur le mur d'en face introduisent l’étendue symbolique, historique et formelle du
projet. D'autres parties viennent s'ajouter à la maquette, notamment des textes, des dessins,
des photos ou encore des études de construction.
EC : Votre travail témoigne d’une grande maitrise technique de dessin, de composition, etc.
Quelle a été votre formation artistique ?
NC : J'ai poursuivi une formation à l'école des beaux-arts de Tunis et des études supérieures à
l'Université de Paris 1. Les études m'ont surtout permis d'intensifier le rythme de ma pratique,
et de rencontrer d'autres personnes aussi intéressées par cette pratique. Mais réellement,
l'école des beaux-arts est un endroit austère, régi par une pédagogie archaïque et
castratrice...les disciplines se résument à celles instaurés par la colonisation française il y a plus
d'un siècle, avec quelques "réformes" modernisantes. Je suis reconnaissante de la présence de
quelques professeurs à mon époque qui ont essayé de donner un autre goût à ces cours
académiques. Ce qui m'a réellement sauvé c’est une pratique incessante du dessin, et le fait
que nous étions plusieurs à dessiner partout et tout le temps, grâce au partage de ce moment.
EC : Vous faites la distinction entre figuration et représentation, en disant que votre travail est
figuratif et non pas représentatif. Pourriez-vous expliquer ce que vous voulez dire par cette
distinction ?
NC : Il est très difficile d'exprimer en si peu de lignes le rapport de mon travail à la figuration et
à la représentation. Il s'agit d'un regard très subjectif, d'autant plus, les deux termes sont
largement connotés, parfois confondus, ce qui a enrichi certes les interprétations mais les a
aussi rendues complexes. L'héritage aristotélicien et celui de l'histoire de l'art occidental a fait
que les deux termes se sont petit à petit confondus sous le seul terme de Mimésis. La figure est
ainsi dissoute dans le concept de représentation, elle est se qui se donne à penser suivant un
processus mimétique, une narration qui rendra visible l'historia.
La figure, la figuration est au cœur même de mon travail, je travaille à partir d'images réelles et
pourtant je n'y vois en aucun cas un mimétisme du réel, une narration ou encore une forme de
représentation. Si j'insiste donc sur cette distinction, c'est pour tenter d'autres rapports à la
figuration, notamment celles explicitées par Jean-François Lyotard ou Georges Didi-Huberman
qui renvoient plutôt vers la Figura et la tentative de "représenter" l'irreprésentable par
oscillation entre le manque et le surplus, le trop peu, et le trop de figures. Cela, sans s'attacher
à une quelconque idée fermée de la figuration contre la représentation, surtout que ce dernier
est perçu différemment dans l'héritage culturel arabo-musulman (l'étrangeté de l'idée même
de représentation chez les arabes).
Je renvoie surtout ici à deux références pour le développement de ces idées de Figuration /
Témoignage / Représentation : L'image ouverte : Motifs de l'incarnation dans les arts visuels de
Didi-Huberman et les textes du jeune philosophe Arafat Sadallah [1].
EC : Quelles difficultés avez-vous rencontré lors de la création de la maquette dans The Anti-
Clock Project, et comment avez-vous pu les dépasser ou les résoudre ?
NC : En effet, le plus grand problème était de trouver un plan numérique de Tunis assez détaillé
pour permettre de visualiser les parties les plus infimes de l'espace. On savait que les images
de Google Maps et Google Earth étaient de mauvaise qualité pour un pays du dit “tiers monde”
comme la Tunisie ; il n'existe pas de balayage laser des rues et donc pas de "Street View" qui
permettrait de voir les bâtiments un par un et d'arpenter virtuellement les rues. Sur le net, il
n'existe aucune carte de haute résolution en libre d'accès, encore moins actualisée. Lors d'un
passage à Tunis, j'ai contacté le ministère de l'équipement et de l'aménagement, et le
gouvernorat de Tunis ainsi que d'autres structures publiques mais il n'y a rien...aucun plan
actualisé. Il ne s'agit que de plans numérisés, datant d'au moins 10 ans...et c'est le matériel
avec lesquels travaillaient les architectes et les urbanistes de l'État ! J'ai aussi essayé d'obtenir
des photos aériennes de la part du centre de cartographie qui détenait la totalité des plans HD
du pays. Il faut savoir que ce centre est affilié au Ministère de la défense. Quelques gendarmes
ont voulu m'aider en me fournissant des photos et un plan, mais dès qu'il s'agit de photos de
haute résolution, il faut l'autorisation du ministère de l'intérieur (ce qui veut dire un
questionnaire et des mois d’attentes) ...Bref tout cela n'a servi qu'à trouver une partie de la
matière, ce qui restait vraiment insuffisant. Enfin j’ai dû faire les choses par moi-même,
parcourir l'espace en prenant des photos de chaque élément architectural. Grâce au seul
soutien des ami-e-s (et des ami-e-s d’ami-e-s) on a pu avoir un plan utilisable et la modélisation
3D a pu démarrer.
EC : J’imagine que de temps en temps, certaines interprétations de votre travail n’y voient
qu’un engagement avec l’histoire récente et très médiatisée du dit “printemps arabe”.
Pourriez-vous expliquer comment vous intégrez l’histoire récente avec celle qui est plus longue,
généralement moins connue et éventuellement plus difficile à saisir ?
NC : Il est vrai que cette tendance est constante, dès que la politique est en jeu dans des travaux
artistiques. Le "printemps arabe" en est exemplaire mais je crois que de telles lectures
simplistes existent plus globalement. Il y a un abrutissement général des esprits par la réduction
du politique à de simples événements et anecdotes, des vannes et des masses d'informations.
D'ailleurs l'art contemporain joue un rôle dans cette tendance vers la simplification, par la
réduction de l'œuvre à l'absorption rapide et directe d'une idée (souvent sarcastique).
La question de la complexité des images est centrale dans mon travail, il s'agit toujours d'ouvrir
des formes a priori "directes" vers leur irréductible profondeur, en les reliant à d'autres formes,
d'autres contextes et d'autres espaces temps. Je crois, à mon sens, que c'est le cheminement
naturel de l'esprit, un esprit libre qui cherche, observe, analyse, projette et crée des liens entre
les réalités actuelles et l'archive, le personnel et l'étendu de l'histoire humaine… et c'est en ce
sens que The Anti-Clock Project peut être aperçu, non pas comme une chose à consommer à
l'instant mais à travers laquelle, chaque spectateur peut projeter son regard, sa culture et sa
sensibilité. L'effort de saisir est ce qui définit à mon sens une certaine intelligence du regard.
Plus précisément, et comme toute autre ville, Tunis est une concentration d'histoires et de
signes ; chaque élément urbain renvoie à la complexité historique de la vie humaine, à la
domination et le contrôle de la cité, mais aussi aux tentatives de libération et
d'émancipation...etc. Ainsi, dans l'Anti-Clock Project, il y a un défilement de ces éléments
architecturaux et politiques: Les banques nationales, La banque centrale, la place de l'Afrique,
le jardin des droits de l'homme cohabitant avec le siège de l'ancien régime, les hôtels délabrés
témoignant d'une politique économique en faillite, la cité de la Culture et son architecture
conservatrice, la statue d'Ibn Khaldoun, précurseur de la sociologie et l'histoire moderne,
entourée par une fil barbelé de l'autre côté du centre-ville, face à l'horloge du 7
novembre...autant d'éléments qui font d'une rue le témoignage d'une société.
EC : Tout comme l’histoire, l’archive est fondamentale dans votre travail. Comment utilisez-
vous les archives ainsi que les images trouvées pour “composer en fragments”, comme vous le
décrivez, et comment concevez-vous votre rôle d’artiste par rapport à celui d’un historien ou
d’un architecte ? L’art peut-il proposer d’autres méthodes pour comprendre le passé et sa
narration ?
NC : Je n'ai vraiment pas de méthode spécifique dans mon travail...car j'arpente à chaque fois
un chemin différent. Mais je pars souvent d'une première image ou d'un élément spécifique,
disons un fragment, car, puisqu’il est amputé de sa source, il est plus ouvert à d'autres
associations. C'est dans la pratique même que tout s'opère, dans le sens où je n'ai ni esquisse
préalable ni un ensemble d'images déjà préparé. Les éléments se rajoutent au fur et à mesure
du temps, au gré des idées du moment ou de ce qu'un détail, un motif m'inspire. Il m'arrive
souvent d'arrêter de dessiner pour aller chercher des références, des textes ou des photos, et
puisque chaque détail renvoie à un monde de références, cela crée beaucoup mondes.
Je crois que le rôle d'un artiste c'est avant tout de créer des formes d'incertitude, des gestes
qui rompent avec une certaine assurance méthodologique et s’ouvrent sur l’errance. En un
certain sens, une place primordiale est accordée au pouvoir de l'imaginaire et à la richesse des
associations et des combinaisons. Au bord du naturalisme, l’art et la nature sont représentés
par des associations presque hallucinatoires. Indéterminés, comme une esquisse, ils laissent
libre cours à l'imagination, côtoyant l'irréalité de l'ébauche, et affirment ainsi la priorité de
l'imaginaire dans toute observation et saisie du monde.
EC : Quels sont vos projets actuels ou futurs, et les questions qui vous préoccupent en ce
moment ?
NC : Je travaille en ce moment sur une série de dessins que j'ai débuté il y a quelques mois. Je
reprends des paysages pour le moins étranges et je pousse la recherche graphique vers un
rapport immédiat et désintéressé aux choses du monde. Je poursuis en parallèle des recherches
sur l'image médiatisée et les rapports constitutifs de ses propres éléments internes, ce qui peut
servir à fonder un point de vue libéré.
Notes: Voir Georges Didi-Huberman, (Paris: Gallimard, 2007); Arafat Sadallah, Emma Chubb Presidential Fellow et doctorante en histoire de l’art à l’université de Northwestern (Evanston, IL USA) et chercheuse en résidence à la Fondation Camargo en 2016. Editing : Caroline M. Vial
Conversation with the Tunisian artist about his drawings and installation exhibited at All the World’s Futures, 56th Venice Biennale 2015, curated by Okwui Enwezor.
Born in Dahmani, Tunisia, in 1985, Nidhal Chamekh studied fine arts in Tunis and Paris, where
he now lives. Chamekh exhibits two works in All the World’s Futures, curated by Okwui Enwezor
for the 56th Venice Biennale 2015: De quoi rêvent les martyrs? (What do martyrs dream
about?) 2012, a series of twelve drawings completed over two years, and The Anti-Clock
Project (2015), a new work produced for the exhibition and comprised of a three-dimensional
model and eleven drawings.
Emma Chubb (EC): Can you tell us about the two works that you are exhibiting in All the World’s
Futures?
Nidhal Chamekh (NC): De quoi rêvent les martyrs? is a group of twelve drawings made in the
form of studies. Each is a drawing in its own right but elements in it refer to the others such
that together they make a series. These elements —images and other forms— are taken from
here and there, from the Internet via social networks, from newspapers as well as from
archives, and then arranged in different ways. Even the transposition varies and refers to
different graphic techniques and many “styles.” As a result, each drawing is a complex fabric of
images, signs, references, and temporalities, with only one thread that connects and
consolidates each drawing: the question posed by its title.
The Anti-Clock Project is a much more recent work that was produced specifically for the
Biennale, although I was working with the idea behind it for almost two years. Central to it is
the model, which illustrates the project to destroy an urban monument using another
architectural element found at the other end of the space. The intervention takes place in the
center of Tunis and the model reproduces places from this part of town that seemed important
to me. The eleven drawings, hung on the facing wall, extend the project symbolically,
historically, and formally. Other elements, such as texts, drawings, photographs, or even
construction studies, will certainly be added in the future.
EC: Your work displays great technical mastery. What was your training as an artist?
NC: I studied at the School of the Fine Arts in Tunis and then continued at the University of Paris
1. Above all, my studies allowed me to intensify the rhythm of my practice and to meet others
who are also interested by it. But in reality, the School of the Fine Arts in Tunis is an austere
place, ruled by an archaic and castrating pedagogy… the disciplines are the same as those put
into place more than a century ago by French colonization with some modernizing “reforms.”
Luckily during my time there, there were several professors who tried to give these academic
courses another flavor. What really saved me was drawing endlessly, because at this particular
moment, there were several of us who drew everywhere and all the time.
EC: You distinguish between figuration and representation, saying that your work is figurative
but not representative. Can you explain what you mean by this distinction?
NC: It is very difficult to express succinctly the relationship my work has to figuration and
representation. It comes from a very subjective understanding, even more so because the two
terms largely imply one another and are sometimes confused, which has certainly enriched
interpretation while rendering these terms so complex. The Aristotelian heritage and that of
Western art history have made it such that these two words are confused under the single term
of mimesis. Thus the figure dissolves into the concept of representation; it is that which gives
itself to be thought of according to a mimetic process, a narrative that makes history visible.
The figure and figuration are at the heart of my work, and I work from real images. Yet I don’t
see any imitation of the real, nor do I see narrative or a form of representation. If I insist on this
distinction, it is to attempt other relationships to figuration, such as those explained by Jean-
François Lyotard or Georges Didi-Huberman who return to the figura and the attempt to
“represent” the unrepresentable by oscillating between lack and surplus, between too few and
too many figures. Of course this is without attaching oneself to another closed idea: that of
figuration in opposition to representation, especially because the latter is perceived differently
in Arab-Muslim cultural heritage in which the very idea of representation is strange. There are
two texts on the development of these ideas of figuration, witnessing, and representation that
for me are key: Didi-Huberman’s L'image ouverte: Motifs de l'incarnation dans les arts
visuels and the work of the young philosopher Arafat Sadallah, notably “Le témoinage du
trait” [1].
EC: What difficulties did you encounter when making the model in The Anti-Clock Project, and
how were you able to resolve these challenges?
NC: The biggest problem was finding a digital map of Tunis detailed enough to visualize the
most minute details. Google Map and Google Earth images of so-called “Third World” countries
like Tunisia are of poor quality and there is no “Street View” that allows surveying the streets
virtually. Nor are there any accessible high-resolution maps, even out-of-date ones. In Tunis, I
contacted the Minister of Facilities and Planning as well as the city’s Wilaya (governorate) and
the only digitized maps they had —maps that state architects and planners use— were at least
ten years old. Nor was it possible to obtain aerial photographs from the Center for Cartography,
part of the Ministry of Defense, which would have required permission from the Ministry of the
Interior, questioning, and months of waiting. These efforts only got me one part of the material
but it was really insufficient. So I had to do it myself: scan the space for the model by
photographing each architectural element and with the help of friends and friends of friends,
it was possible to have a useable plan and begin the 3D modeling.
EC: I imagine that sometimes interpretations of your work see its engagement only in terms of
the very recent history of the highly mediatized and so-called Arab Spring. Could you explain
how you integrate this recent history into a longer one that is generally less well known and
perhaps harder to grasp?
NC: It’s true that it’s a constant ever since politics have been at stake in artwork. The fact of the
“Arab Spring” is exemplary but I think that such simplistic readings are more global. There is a
general dumbing down of the spirit with the reduction of politics to simple events or anecdotes,
to ribbing and bundles of information. At the same time, contemporary art plays its part in this
simplifying tendency by reducing the artwork to the rapid and direct absorption of an often
sarcastic idea. In my work, the question of the complexity of images is central. It is always about
opening a priori “direct” forms to the irreducible depths by connecting them to one another
and to other forms, contexts, and space-times. I believe that it is the natural progression of the
spirit, a free spirit that searches, observes, analyzes, projects, and creates links between
contemporary realities and the archive, between the personal and the sprawling nature of
human history. And its in this sense that The Anti-Clock Project could be understood: not as
something to be instantly consumed but through which each viewer can project his or her gaze,
culture, and sensibility. The effort to seize it, which, for me, defines a certain intelligence of
looking. More precisely, Tunis, like any other city, is a concentration of histories and signs, with
each urban element referring to the historical complexity of human life, to the domination and
control of the city as well as to attempts at liberation and emancipation. As a result, in The Anti-
Clock Project, there is this unfurling of architectural and political elements: national banks, the
central bank, the Place de l’Afrique [Africa Plaza], the Jardin des droits de l’homme [Garden of
Human Rights] cohabitating with the seat of the former regime, run-down hotels that bear
witness to failing economic politics, the Cité de la Culture [Culture City] with its conservative
architecture, the statue of Ibn Khaldun, the precursor of modern sociology and history, here
hemmed in by the other side of the downtown, facing the Clock of November 7… together,
these elements make a street that is witness to a society.
EC: Like history, the archive is fundamental to your work. How do you use archives and found
images to “compose in fragments,” as you describe it, and how do you see your role as an artist
compared to that of a historian or architect? Might art be able to propose other methods for
understanding the past and its recounting?
NC: I don’t have a specific method in my work because each time I take a different path. But
often I begin with an image or a specific element —call it a fragment— because amputated
from its source, it is more open to other associations. It’s in the practice itself that everything
takes place, in the sense that I don’t have a preliminary sketch nor a selection of already
prepared images. Elements are added little by little over time, according to ideas I have or a
detail or motif that inspires me. It often happens that I stop drawing in order to find references,
texts, or photographs, and since these details refer to this world of references, it creates many
worlds.
I think that the artist’s role is above all to create forms of uncertainty, gestures that break with
a certain methodological assurance and that are open to wandering. In a way, a primordial
place is given to the power of the imagination and to the richness of associations and
combinations. At the border of naturalism, art and nature find themselves meeting within
almost hallucinatory associations. Undetermined like a sketch, they allow the imagination to
roam freely, mixing with the irreality of the sketch and affirming the imagination’s priority in
every observation and capture of the world.
EC: What are your current and future projects?
NC: Right now I’m continuing a series of drawings that I began a few months ago. I’m returning
to some landscapes that are strange, to say the least, and advancing my graphic research
towards an immediate and disinterested relationship to the things of the world. At the same
time, I’m conducting research on the mediatized image and on the relationships of its own
internal components, of what might found a liberated point of view.
Note:
1. See Georges Didi-Huberman, L'image ouverte: Motifs de l'incarnation dans les arts visuels (Paris: Gallimard, 2007); Arafat Sadallah, Le témoinage du trait.
Emma Chubb
Presidential Fellow and Ph.D. Candidate in art history at Northwestern University (Evanston, IL USA) and a 2016 Camargo Foundation Fellow.
Gespräch mit dem tunesischen Künstler über seine Zeichnungen und Installation, gezeigt in All the World’s Futures, 56. Biennale Venedig 2015, kuratiert von Okwui Enwezor.
Nidhal Chamekh wurde 1985 in Dahmani, Tunesien, geboren. Er studierte Kunst in Tunis und
Paris, wo er jetzt lebt. In All the World’s Futures, der zentralen internationalen Ausstellung der
56. Biennale Venedig, kuratiert von Okwui Enwezor, zeigt er zwei Werke: De quoi rêvent les
martyrs? (Wovon träumen Märtyrer? 2012), eine Serie von zwölf Zeichnungen, entstanden im
Verlauf von zwei Jahren, und The Anti-Clock Project (2015), eine neue Arbeit, bestehend aus
einem dreidimensionalen Modell und elf Zeichnungen, geschaffen für diese Ausstellung.
Emma Chubb (EC): Können sie uns etwas über die beiden Werke sagen, die sie in All the World’s
Futures zeigen?
Nidhal Chamekh (NC): De quoi rêvent les martyrs? (Wovon träumen Märtyrer? 2012) ist eine
Gruppe von zwölf Zeichnungen in der Art von Studien. Jede ist eine Zeichnung für sich, aber
Elemente in einer jeden beziehen sich auf solche in den anderen, so dass sie zusammen eine
Serie ergeben. Diese Elemente - Bilder und andere Formen - sind aus diversen Quellen
genommen - aus dem Internet über soziale Netzwerke, aus Zeitungen sowie aus Archiven - und
dann auf verschiedene Weise arrangiert. Selbst die Ausführung variiert und bezieht
unterschiedliche grafischen Techniken und viele "Stile" ein. Im Ergebnis ist jede Zeichnung ein
komplexes Gefüge aus Bildern, Zeichen, Bezügen und Zeitlichkeiten mit nur einem Strang, der
sie alle verknüpft und konsolidiert: die im Titel der Serie aufgeworfene Frage.
The Anti-Clock Project (2015) ist ein viel jüngeres Werk, das ich speziell für die Biennale
geschaffen habe, obwohl ich an der Idee dahinter schon fast zwei Jahre arbeitete. Von zentraler
Bedeutung ist das Modell, bei dem es um das Projekt der Zerstörung eines urbanen
Monuments geht, wozu ein am anderen Ende des Raumes gefundenes architektonisches
Element benutzt wird. Die Intervention findet im Zentrum von Tunis statt, und das Modell
reproduziert Plätze in diesem Teil der Stadt, die mir wichtig erschienen. Die elf Zeichnungen an
der Wand daneben erweitern das Projekt symbolisch, historisch und formal. Andere Elemente,
wie Texte, Zeichnungen, Fotografien oder sogar Konstruktionsstudien, werden in der Zukunft
gewiss hinzukommen.
EC: Ihre Werke belegen großes technisches Können. Welche künstlerische Ausbildung haben
sie absolviert?
NC: Ich studierte an der Schule der Schönen Künste in Tunis und setzte mein Studium dann an
der Universität von Paris 1 fort. Vor allem erlaubten mir meine Studien, den Rhythmus meiner
Arbeitsweise zu intensivieren und andere zu treffen, die sich auch dafür interessieren. Aber im
Grunde ist die Schule der Schönen Künste in Tunis ein karger Ort, beherrscht von einer
archaischen und kastrierenden Pädagogik… Die Disziplinen sind dieselben wie jene, die dort vor
über einem Jahrhundert während der französischen Kolonialzeit eingeführt wurden, mit
einigen modernisierenden "Reformen". Glücklicherweise gab es in meiner Zeit dort einige
Professoren, die sich bemühten, diesen akademischen Kursen andere Nuancen zu geben. Was
mich tatsächlich rettete, war endlos zu zeichnen, denn genau in dem Moment gab es einige
von uns, die überall und zu jedem Zeitpunkt zeichneten.
EC: Sie unterscheiden zwischen Figuration und Darstellung und sagen, dass ihr Werk zwar
figurative, aber nicht darstellend ist. Könnten sie bitte erläutern, was sie mit dieser
Unterscheidung meinen?
NC: Es ist nicht sonderlich schwer, die Beziehung meines Schaffens zur Figuration und
Darstellung kurz und bündig auszudrücken. Das kommt von einem sehr subjektiven Verständnis
her, und sogar noch mehr, weil die beiden Begriffe einander im Allgemeinen implizieren und
manchmal durcheinandergebracht werden, was gewiss deren Interpretation bereichert hat,
weshalb diese Begriffe so komplex gefasst werden. Das aristotelische Erbe und das der
westlichen Kunstgeschichte haben dazu geführt, dass diese beiden Worte in dem einzelnen
Begriff der Nachahmung vermischt werden. Deshalb ist die Figur im Konzept der Darstellung
aufgelöst. Das ist es, worüber angesichts eines mimetischen Prozesses nachgedacht werden
sollte, ein Narrativ, das Geschichte sichtbar macht.
Die Figur und Figuration sind der Kern meines Schaffens, und ich arbeite ausgehend von realen
Bildern. Doch sehe ich keinerlei Imitation des Realen und auch keine Erzählung oder eine Form
der Wiedergabe. Wenn ich auf dieser Unterscheidung bestehe, dann deshalb, um andere
Beziehungen zur Figuration zu bemühen, wie etwa die von Jean-François Lyotard oder Georges
Didi-Huberman erläuterten, die zur figura und dem Bemühen zurückkehren, das nicht
Darstellbare "wiederzugeben", indem sie zwischen Knappheit und Überfluss, zwischen zu
wenigen und zu vielen Figuren pendeln. Das geschieht natürlich, ohne dass man sich an eine
andere naheliegende Idee klammert: die der Figuration im Gegensatz zur Darstellung,
besonders weil letztere in dem arabisch-muslimischen Kulturerbe, in dem der Gedanke der
Darstellung an sich fremd ist, anders wahrgenommen wird. Es gibt zwei Texte über die
Entwicklung dieser Vorstellungen von Figuration, Zeugnis und Darstellung, die für mich ein
Schlüssel sind: Didi-Hubermans L'image ouverte: Motifs de l'incarnation dans les arts
visuels und die Schriften des jungen Philosophen Arafat Sadallah, insbesondere Le témoinage
du trait [1].
EC: Auf welche Schwierigkeiten sind sie gestoßen, als sie das Modell für The Anti-Clock
Project anfertigten, und wie haben sie es geschafft, diese Herausforderungen zu meistern?
NC: Das größte Problem bestand darin, eine digitale Karte von Tunis zu finden, die detailliert
genug ist, um die kleinsten Einzelheiten zu visualisieren. Die Bilder in Google Maps and Google
Earth von Ländern der sogenannten "Dritten Welt", wie Tunesien, sind von geringer Qualität,
und es gibt keine "Street Views", die virtuelle Erkundungen der Straßen erlauben. Es sind auch
keine hochauflösenden Karten auf Papier zugänglich, nicht einmal veraltete. In Tunis
kontaktierte ich den Minister für Raumordnung und Planung sowie das Wilaya (Gouvernement)
der Stadt, doch die einzigen digitalisierten Karten, die sie hatten - und die staatliche Architekten
und Planer benutzen - waren mindestens zehn Jahre alt. Auch ist es nicht möglich gewesen,
vom Zentrum für Kartographie, das dem Verteidigungsministerium untersteht, Luftaufnahmen
zu bekommen, wozu die Erlaubnis des Innenministeriums, Befragungen und Monate des
Wartens notwendig gewesen wären. Durch diese Bemühungen habe ich nur einen Teil des
Materials erhalten, aber das war wirklich nicht genug. So musste ich mir selbst helfen: den
Raum für das Modell scannen, indem ich jedes architektonische Element fotografierte, und mit
Hilfe von Freunden und Freunden von Freunden war es möglich, einen brauchbaren Plan zu
erhalten und mit dem 3D Modell zu beginnen.
EC: Ich kann mir vorstellen, dass manche Interpretationen ihres Schaffens ihr Engagement nur
im Zusammenhang mit der jüngsten Geschichte des in den Medien so stark präsenten,
sogenannten Arabischen Frühlings sehen. Können sie erläutern, wie sie diese jüngere
Geschichte in eine weiter gefasste integrieren, die im Allgemeinen weniger bekannt und wohl
auch schwieriger zu fassen ist?
NC: Das stimmt, das ist eine Konstante seit es in Kunstwerken um Politik geht. Die Tatsache des
"Arabischen Frühlings" ist exemplarisch, aber ich denke, solch vereinfachende
Betrachtungsweisen sind global verbreitet. Es findet eine allgemeine Verblödung des Geistes
statt, wenn Politik einfach nur auf Ereignisse oder Anekdoten reduziert wird, auf das Aufsplitten
und Bündeln von Informationen. Und die zeitgenössische Kunst trägt ihren Teil zu dieser
simplifizierenden Tendenz bei, indem sie das Kunstwerk auf die schnelle und direkte Absorption
einer oft sarkastischen Idee reduziert.
In meinem Schaffen ist die Frage der Komplexität von Bildern von zentraler Bedeutung. Es geht
immer um das Öffnen von a priori "direkten" Formen hin zu den nicht reduzierbaren Tiefen,
indem sie miteinander und mit anderen Formen, Kontexten und Raum-Zeiten verbunden
werden. Ich glaube, das ist die natürliche Entwicklung des Geistes, eines freien Geistes, der
Verknüpfungen zwischen den heutigen Realitäten und dem Archiv, zwischen dem Persönlichen
und dem sich ausbreitenden Charakter der Menschheitsgeschichte sucht, beobachtet,
analysiert, projektiert und erschafft. Und in diesem Sinne kann The Anti-Clock
Project verstanden werden: nicht als etwas sofort zu Konsumierendes, sondern etwas, durch
das jede Betrachterin und jeder Betrachter ihren bzw. seinen Blick, Kultur und Sensibilität
darauf projizieren kann. Die Anstrengung, das Projekt zu erfassen, definiert nach meiner
Auffassung eine gewisse Intelligenz des Sehens. Genauer gesagt, Tunis, wie jede andere Stadt,
ist eine Konzentration von Geschichten und Zeichen, wobei sich jedes urbane Element auf die
historische Komplexität des menschlichen Lebens, auf die Beherrschung und Kontrolle der
Stadt sowie auf die Bemühungen um Befreiung und Emanzipation bezieht. Als ein Ergebnis gibt
es in The Anti-Clock Project diese Ausbreitung architektonischer und politischer Elemente:
Nationalbanken, die Zentralbank, die Place de l’Afrique [Afrika-Platz], den Jardin des droits de
l’homme [Garten der Menschenrechte], die neben dem Sitz des früheren Regimes existieren,
neben heruntergekommenen Hotels als den Zeugnissen einer verfehlten Wirtschaftspolitik, der
Cité de la Culture [Kulturstadt] mit ihrer konservativen Architektur, der Statue von Ibn Khaldun,
einem Vorreiter moderner Soziologie und Geschichte, hier eingeklemmt durch die andere Seite
des Stadtzentrums, gegenüber der Uhr des 7. November … alle diese Elemente ergeben
zusammen eine Straße, die ein Zeugnis der Gesellschaft ist.
EC: So wie die Geschichte, ist auch das Archiv von fundamentaler Bedeutung für ihr Schaffen.
Wie nutzen sie Archive und finden Bilder, um mit Fragmenten zu komponieren, wie sie es
beschreiben, und wie sehen sie Ihre Rolle als ein Künstler, verglichen mit der eines Historikers
oder Architekten? Kann Kunst in der Lage sein, andere Methoden für das Verständnis der
Vergangenheit und die Berichte darüber darzubieten?
NC: In meinem Schaffen habe ich keine spezifische Methode, denn jedes Mal schlage ich einen
anderen Weg ein. Aber oft beginne ich mit einem Bild oder einem spezifischen Element -
nennen wir es Fragment -, weil es, seiner Quelle entledigt, offener für andere Assoziationen ist.
Durch diese Praxis selbst findet das alles statt, in dem Sinne, dass ich keine vorausgehenden
Skizzen habe und auch keine Auswahl schon vorbereiteter Bilder. Mit der Zeit werden die
Elemente nach und nach hinzugefügt, meinen Ideen oder einem Detail oder Motiv
entsprechend, die mich inspirieren. Oft passiert es, dass ich mit dem Zeichnen aufhöre, um
Bezüge, Texte oder Fotografien zu finden, und weil sich diese Details auf eine Welt aus
Referenzen beziehen, entstehen viele Welten.
Ich denke, dass die Rolle des Künstlers vor allem darin besteht, Formen der Ungewissheit zu
schaffen, Gesten, die mit einer gewissen methodologischen Vergewisserung brechen und die
für das Umherstreifen offen sind. Auf gewisse Weise ist der Kraft der Imagination und dem
Reichtum von Assoziationen und Kombinationen ein ureigener Platz eingeräumt. An der Grenze
zum Naturalismus treffen sich Kunst und Natur innerhalb nahezu halluzinatorischer
Assoziationen. Undeterminiert wie eine Skizze erlauben sie der Imagination, frei
umherzustreifen, sich mit der Irrealität der Skizze zu vermischen und die Priorität der
Imagination in jeder Beobachtung und Erfassung der Welt zu bestätigen.
EC: Welches sind ihre gegenwärtigen und künftigen Projekte?
NC: Jetzt gerade setze ich eine Serie von Zeichnungen fort, die ich vor ein paar Monaten
begonnen habe. Ich kehre zu einigen Landschaften zurück, die gelinde gesagt merkwürdig sind,
und mache Fortschritte mit meiner grafischen Forschung über eine unmittelbare und
unbefangene Beziehung zu den Dingen der Welt. Gleichzeitig beschäftige ich mich mit
Recherchen über das mediatisierte Bild und die internen Beziehungen seiner eigenen
Komponenten, über etwas, das für eine befreite Betrachtungsweise gehalten werden könnte.
Anmerkung:
1. Siehe: Georges Didi-Huberman, L'image ouverte: Motifs de l'incarnation dans les arts visuels (Paris: Gallimard, 2007); Arafat Sadallah, Le témoinage du trait.
Emma Chubb
Presidential Fellow und Doktorandin in Kunstgeschichte an der Northwestern University (Evanston, IL USA) und ein 2016 Camargo Foundation Fellow.
(Das Interview wurde von Emma Chubb aus dem Französischen ins Englische übersetzt und editiert. Aus dem Englischen: Haupt & Binder)