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Réflexions sur la manifestation des « grammaires multiples » : exemples de description syntaxique à partir de corpus diversifiés Christophe Benzitoun Université de Lorraine et CNRS ATILF (UMR 7118) [email protected] Paul Cappeau Université de Poitiers et FoReLL (EA 3816) [email protected] Gilles Corminbœuf Université de Bâle [email protected] La manière d’aborder et de concevoir l’articulation entre la dimension orale et écrite de la langue intéresse les linguistes depuis de nombreuses années (voir une synthèse récente, centrée sur l’anglais, dans Carter & McCarthy 2015). Mais faut-il y voir une invitation à dissocier les deux médiums ou, au contraire, à en proposer une description unifiée, en syntaxe du moins ? Selon Gadet & Mazière (1986 : 57), « traiter différemment oral et écrit, c’est courir le risque de dissocier l’unité de la langue : il n’est évidemment pas question de dire que l’un et l’autre ne relèvent pas du même système ». Cette conception de l’unicité de la langue est partagée par de nombreux linguistes spécialistes du français parlé, Blanche-Benveniste en tête, comme en attestent ses derniers travaux (Blanche-Benveniste & Martin 2010) ou le titre de l’un de ses articles : « L’importance du ‘français parlé’ pour l’étude du ‘français tout court’ » (1983). Se pose alors de façon sensible la question des outils descriptifs et des données. En ce qui concerne les concepts utilisés, on peut mentionner classiquement ceux de « phrase » de « coordination » ou de « subordination » qui ont été forgés pour analyser l’écrit et qui, lorsqu’ils doivent s’appliquer à l’oral, semblent souvent soit inadaptés, soit en renvoyer une image de production déficiente ou mal structurée (voir le caractère connoté des « disfluences » par exemple). En ce qui concerne les données, la prise en compte de productions langagières non planifiées peut entraîner des raccourcis ou des erreurs d’analyse dommageables. Ainsi, le fait que l’on trouve peu de pronoms relatifs du genre dont, auquel, lequel, etc. dans les conversations peut-il être attribué à un déficit de performance ? L’appui sur des données diversifiées permet de défendre la vision d’une grammaire dans laquelle plusieurs sous-systèmes coexistent : les locuteurs exploitent de façon différenciée certaines formes ou certaines tournures selon les types de productions (Bilger & Cappeau 2004), ce qui rejoint les préoccupations de Biber & Conrad (2009) à propos de l’analyse en fonction des genres. Si l’on adopte ce point de vue, il nous semble primordial de réfléchir d’une part aux modalités de l’intégration de ces sous-systèmes dans les modèles linguistiques et dans les ouvrages de référence, d’autre part à la question des données : Sur quelle base constituer des sous-corpus pour observer des “grammaires” différentes sollicitées par des usages variés ? Est-il possible d’instaurer une hiérarchie entre les sous-corpus en considérant, par exemple, que les données les plus spontanées seraient les plus centrales car elles livrent des attestations de la grammaire la mieux partagée ? Autant de préoccupations qui sont au centre de la réflexion que nous souhaitons mener. Notre présentation, appuyée sur la description des phénomènes lexico-syntaxiques observables dans des corpus, se veut aussi méthodologique. Dans un premier temps, nous

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Réflexions sur la manifestation des « grammaires multiples » : exemples de description syntaxique à partir de corpus diversifiés

Christophe Benzitoun

Université de Lorraine et CNRS ATILF (UMR 7118) [email protected]

Paul Cappeau

Université de Poitiers et FoReLL (EA 3816) [email protected]

Gilles Corminbœuf Université de Bâle

[email protected]

La manière d’aborder et de concevoir l’articulation entre la dimension orale et écrite de la langue intéresse les linguistes depuis de nombreuses années (voir une synthèse récente, centrée sur l’anglais, dans Carter & McCarthy 2015). Mais faut-il y voir une invitation à dissocier les deux médiums ou, au contraire, à en proposer une description unifiée, en syntaxe du moins ? Selon Gadet & Mazière (1986 : 57), « traiter différemment oral et écrit, c’est courir le risque de dissocier l’unité de la langue : il n’est évidemment pas question de dire que l’un et l’autre ne relèvent pas du même système ». Cette conception de l’unicité de la langue est partagée par de nombreux linguistes spécialistes du français parlé, Blanche-Benveniste en tête, comme en attestent ses derniers travaux (Blanche-Benveniste & Martin 2010) ou le titre de l’un de ses articles : « L’importance du ‘français parlé’ pour l’étude du ‘français tout court’ » (1983). Se pose alors de façon sensible la question des outils descriptifs et des données. En ce qui concerne les concepts utilisés, on peut mentionner classiquement ceux de « phrase » de « coordination » ou de « subordination » qui ont été forgés pour analyser l’écrit et qui, lorsqu’ils doivent s’appliquer à l’oral, semblent souvent soit inadaptés, soit en renvoyer une image de production déficiente ou mal structurée (voir le caractère connoté des « disfluences » par exemple). En ce qui concerne les données, la prise en compte de productions langagières non planifiées peut entraîner des raccourcis ou des erreurs d’analyse dommageables. Ainsi, le fait que l’on trouve peu de pronoms relatifs du genre dont, auquel, lequel, etc. dans les conversations peut-il être attribué à un déficit de performance ? L’appui sur des données diversifiées permet de défendre la vision d’une grammaire dans laquelle plusieurs sous-systèmes coexistent : les locuteurs exploitent de façon différenciée certaines formes ou certaines tournures selon les types de productions (Bilger & Cappeau 2004), ce qui rejoint les préoccupations de Biber & Conrad (2009) à propos de l’analyse en fonction des genres. Si l’on adopte ce point de vue, il nous semble primordial de réfléchir d’une part aux modalités de l’intégration de ces sous-systèmes dans les modèles linguistiques et dans les ouvrages de référence, d’autre part à la question des données : Sur quelle base constituer des sous-corpus pour observer des “grammaires” différentes sollicitées par des usages variés ? Est-il possible d’instaurer une hiérarchie entre les sous-corpus en considérant, par exemple, que les données les plus spontanées seraient les plus centrales car elles livrent des attestations de la grammaire la mieux partagée ? Autant de préoccupations qui sont au centre de la réflexion que nous souhaitons mener. Notre présentation, appuyée sur la description des phénomènes lexico-syntaxiques observables dans des corpus, se veut aussi méthodologique. Dans un premier temps, nous

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exposerons les résultats de deux analyses basées sur le français contemporain : l’une portant sur l’unité lexicale justement et l’autre sur la construction syntaxique du type il y en a (beaucoup) qui dansent. Ces analyses s’appuient sur des données diversifiées, relevant aussi bien de l’immédiateté que de la distance communicative (Koch & Osterreicher 2001), l’objectif étant de mettre en lumière les phénomènes variationnels observables d’un corpus à l’autre. Ces deux faits linguistiques ont été choisis car ils illustrent pour l’un des spectres d’emplois plus ou moins larges en fonction du corpus et pour l’autre une tournure bien représentée à l’oral, mais que l’on retrouve sous une forme différente dans les corpus d’écrits normés. Les sous-corpus oraux sont pour l’un de la parole privée et pour l’autre de la parole publique. Les sous-corpus écrits émanent pour l’un de la presse écrite et pour l’autre d’œuvres romanesques du début du vingtième siècle. Dans un deuxième temps, nous comparerons nos analyses sur corpus avec les traitements proposés dans des grammaires et des dictionnaires. Nous évaluerons la manière dont le français réellement pratiqué par les locuteurs est pris en compte dans les ouvrages de référence. Nous conclurons sur des réflexions méthodologiques portant sur le statut des données, la manière d’articuler les résultats issus de corpus diversifiés (en lien avec l’idée des “grammaires multiples”) et l’intégration de ces résultats dans les ouvrages de grande consultation. Nous proposerons de suivre une piste suggérée par Deulofeu (2013) :

Ainsi l’étude des corpus de langue spontanée nous amène à la fois à établir des régularités de « performance » observées dans les énoncés authentiques et à dégager des structures de « langue ». (…) Je soutiens que l’objectif, désormais réalisable, de la description linguistique doit être de construire un modèle de compétence compatible avec les régularités de performance (Sag & Wasow 2011).

Références bibliographiques BIBER D. & CONRAD S. (2009) Register, Gender and Style, Cambridge, Cambridge U.P. BILGER M. & CAPPEAU P. (2004), L'oral ou la multiplication des styles, Langage et Société n° 109, 13-30. BLANCHE-BENVENISTE C. (1983), L’importance du ‘français parlé’ pour l’étude du ‘français tout court’, Recherches sur le français parlé n° 5, Presses Universitaires de Provence. BLANCHE-BENVENISTE C. & MARTIN P. (2010), Le français. Usages de la langue parlée, Leuven/Paris, Peeters. CARTER R. & McCARTHY M. (2015), Spoken Grammar: Where are we and where are we going?, Applied Linguistics, Oxford University Press, 1-21. DEULOFEU H.-J. (2013), De l’inutilité de la notion de ‘fragment’ pour la description des énoncés ‘fragmentés’, Ellipse & fragment. Morceaux choisis, P. Hadermann & al. (éds), Bruxelles, P. Lang, 157-179. GADET F. & MAZIÈRE F. (1986), Effets de langue orale, Langages n° 81, pp. 57-73. KOCH P. & OESTERREICHER W. (2001), Langage parlé et langage écrit, in G. Holtus & al. (eds), Lexikon der Romanistischen Linguistik, vol. I-2, Tübingen, Max Niemeyer Verlag, 584-627.

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Résultats d’une enquête sur la variation syntaxique en Suisse romande

Mathieu Avanzi Universités de Zurich et de Genève

[email protected]

Federica Diémoz

Université de Neuchâtel [email protected]

Dans cette communication, nous présentons les résultats d’une enquête dont le but était de documenter la variation géographique et sociale de quelques tournures syntaxiques qui sont inconnues du français « de référence » (i.e. du français que l’on décrit dans les ouvrages de grande consultation), et que l’on qualifie traditionnellement dans la littérature comme étant « propres » au français parlé en Suisse romande (FS)1. Les exemples (1)-(6) illustrent les tournures sur lesquelles nous avons travaillé :

(1) je ça regarde [< Bürgi 1999 : 149] (2) j’ai personne vu [< Redard 1958 : 74] (3) attendre sur quelqu’un [< Knecht 2000 : 62] (4) il veut pleuvoir [< Redard 1971 : 3] (5) C'est droit ce que je voulais dire [< BDLP] (6) je le ferai déjà [< Buchi 2007 : 259]

De ces tours, qui sont décrits tantôt comme des germanismes, tantôt comme des archaïsmes, tantôt comme des héritages du substrat franco-provençal (Voillat 1971 ; Knecht & Rubbatel 1984), on ne sait que peu de choses. D’un point de vue diatopique, l’usage de certains de ces phénomènes semble être répandu sur l’ensemble de la Suisse romande, voire même au-delà (comme le verbe vouloir pour exprimer le futur, v. Rézeau 2001), alors que d’autres ne sont pas connus en dehors de certaines régions bien spécifiques (l’antéposition de ça est généralement décrite comme un phénomène typiquement vaudois, Bürgi (1999)). En ce qui concerne leur vitalité, on peut lire dans la Base de données lexicographiques de la Suisse (Knecht & Kristol 2012) p. ex. au sujet de l’usage auxiliaire du futur du verbe vouloir qu’il est « très fréquent à oral », dans Violin & Rubattel (2000) que l’antéposition de ça est en voie de disparition. Ces remarques sur la répartition dans l’espace et la vitalité (que l’on retrouve dans d’autres glossaires – v. p. ex. Pierrehumbert (1926) et les ouvrages dits de cacologie – v. p. ex. Hadacek (1983)), sont en général basées sur le jugement de quelques informateurs. A ce jour, aucune étude systématique visant à vérifier la validité empirique de ces remarques sur un échantillon d’informateurs plus large (qui permettrait de tenir compte non seulement de l’origine géographique des informateurs, mais aussi de leur âge, de leur sexe, et de leur statut socio-éducatif), n’a jamais été conduite. Dans un travail sous presse (Avanzi, Béguelin & Diémoz 2015), nous avons cherché à pallier cette lacune en faisant une recherche des structures syntaxiques comme celles qui figurent sous (1)-(6) dans la base de données OFROM, qui comprend un peu moins de 900.000 mots de français romand conversationnel. De façon malheureuse, notre recherche n’a pas donné de !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!1!Sur le plan syntaxique, il n’existe pas de spécificités du français qui soient propres à l’ensemble de la Suisse romande, puisque les particularités régionales du français que l’on parle dans cette région sont soient restreintes à certains cantons, soit se retrouvent en France voisine ou dans d’autres régions périphériques du domaine gallo-roman (Knecht & Rubattel 1984). !

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résultats vraiment concluants. Nous n’avons en effet trouvé que quelques exemples pour chacune des catégories ci-dessus. Est-ce que cela veut dire qu’il s’agit de formes archaïques ? Nous ne le croyons pas. On sait en effet que des tournures syntaxiques pourtant fréquentes dans les conversations de tous les jours ne le sont pas forcément dans les corpus oraux. C’est pourquoi afin de documenter la vitalité et la répartition effectives de ces tournures dans les variétés de FS, nous avons mis en place une enquête faisant appel à la méthode du crowdsourcing2. Dans cette enquête, après avoir renseigné quelques informations personnelles destinées à l’exploitation sociolinguistique des données, les internautes participants étaient appelés soit à cocher dans une liste la ou les tournures qu’ils utilisent pour nommer le référent ou la situation présentée sur une image, soit à indiquer, sur une échelle de 0 (=jamais) à 10 (=très souvent), à quelle fréquence ils utilisaient telle ou telle tournure. Il était demandé aux participants de répondre le plus naturellement possible, comme dans le cadre d’une conversation informelle avec des pairs vivant dans l’endroit où ils ont passé la plus grande partie de leur vie. A ce jour, près de 6’000 participants ont pris part à cette enquête. Différents packages du logiciel R (ggmaps, ggplot2, etc.) ont été utilisés pour visualiser les résultats des différentes questions sous la forme de cartes. Ensuite, les réponses fournies par les participants ont été analysées à l’aide de régressions linéaires et logistiques, avec la réponse (utilisation de la tournure ou non ; fréquence sur une échelle de 0 à 10) comme variable dépendante. Les critères sociologiques classiques que constituent l’âge, le sexe, le niveau socio-économique et l’origine géographique des participants, ont été entrés comme variables indépendantes. En ce qui concerne la variation diatopique, nos résultats montrent que l’antéposition de ça (1) n’est pas restreinte au canton de Vaud, mais qu’elle ne semble pas usitée non plus au-delà des frontières de la Romandie. Quant à l’antéposition de l’indéfini personne (2), il s’agit une tournure commune à toute la Suisse romande et au domaine franco-provençal central, avec des différences notables entre certains départements et cantons, voire à l’intérieur d’un même canton. L’usage du verbe vouloir (3) est également connu sur l’ensemble de la Suisse romande et en France dite voisine, mais sa fréquence d’usage diffère significativement entre les deux pays. L’usage de la préposition après à la suite du verbe attendre (4), que l’on qualifie de germanisme (Manno 2002), en est peut-être bien un, puisque cette préposition n’est pas utilisée en France voisine (où c’est le morphème sur qui est préféré quand le verbe attendre se construit avec un SPrép). Enfin, l’adverbe droit (5) présente une fréquence plus élevée sur l’arc jurassien qu’ailleurs, alors que l’adverbe déjà (6) est essentiellement employé dans le canton de Fribourg. Références Avanzi, M., M.-J. Béguelin & F. Diémoz (2015, à par.). "De l’archive de parole au corpus de

référence. La base de données orale du français de Suisse romande (OFROM)". Cahiers Corpus.

Buchi, E. (2007). "Approche diachronique de la (poly)pragmaticalisation de français 'déjà' ('quand le grammème est devenu pragmatème, déjà?')." In Actes du XXIVe Congrès International de Linguistique et de Philologie Romane, edited by D. Trotter, 251-264. Tübingen: Niemeyer.

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!2 Soit littéralement « approvisionnement par la foule ». Cette méthode récente, de plus en plus utilisée en linguistique (Cook, Barker & Lecumberri 2013), consiste à s’appuyer sur de larges réseaux d’internautes pour réaliser une enquête. Elle permet ainsi d’obtenir les jugements d’un grand nombre de participants présentant des profils socioéconomiques variés (notamment en regard de leur origine géographique, de leur âge et de leur niveau socio-éducatif), sur une période relativement courte.

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Bürgi, A. (1999). "Le pronom 'ça' en français vaudois". Vox Romanica, 58, 149-171. Cook, M., J. Barker & M. L. G. Lecumberri. (2013). "Crowdsourcing in Speech Perception".

In Crowdsourcing for Speech Processing: Applications to Data Collection, Transcription and Assessment, eds. Maxine Eskénazi, Gina-Anne Levow, Helen Meng, G. Parent & D. Suendermann, 137-172. John Wiley & Sons, Ltd.

Hadacek, C. (1983). Le suisse romand tel qu'on le parle. Lexique romand-français. Lausanne: P.-M. Favre.

Knecht, P. & C. Rubattel (1984). "A propos de la dimension sociolinguistique du français en Suisse romande". Le français moderne, 52, 138-150.

Knecht, P. & A. Kristol, sous la dir. de. (2000-2012). "Base de Données Lexicographique Panfrancophone (la Suisse romande)", www.bdlp.org

Manno, G. (2002). "La dynamique interne propre au français régional de Suisse romande. Une analyse quantitative du Dictionnaire suisse romand." Moderne Sprachen 46 (1):40-80.

Pierrehumbert, W. (1926). Dictionnaire historique du parler neuchâtelois et suisse romand. Neuchâtel: Attinger.

Rézeau, P. 2001. Le Dictionnaire des régionalismes de France. Louvain: De Boeck/Duculot. Vinet, M.-Th. & Ch. Rubattel. (2000). "Propriétés configurationnelles et contraintes

aspectuelles : Un ça objet déficient." Lingua 110:891-929. Voillat, F. (1971). "Aspects du français régional actuel". In Colloque de dialectologie

francoprovençale organisé par le Glossaire des patois de la Suisse romande, éds. Z. Marzys & F. Voillat, Genève: Droz, 216-246.

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Les statalismes - particularismes lexicaux du français de la Suisse dans la traduction assermentée

Maria Emília Pereira Chanut Université de l’état de São Paulo

[email protected]

Cette étude relève d'une recherche sur le français de la Suisse concernant les particularismes lexicaux employés dans la langue administrative officielle de textes et documents civils et scolaires soumis à la traduction assermentée français>< portugais. On aborde les différences socioculturelles entre la France et la Suisse à la recherche des termes en usage dans les domaines étudiés, identifiés à partir d'un corpus de traductions assermentées. Une partie des résultats de cette étude a été présentée dans le Colloque Traduction, terminologie, rédaction technique : des ponts entre le français et le portugais, réalisé dans le Maison de l´Europe, Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3, du 13 au 14 janvier 2011. Certains des termes sont présentés ici comme une illustration de la problématique, mettant l’accent sur les particularismes suisses appelés « statalismes », ou « romandismes institutionnels », en tenant compte du français « standard » de la France. Pour mieux préciser la nature et l'objet de cette étude, il ne s'agit pas de « parlers régionaux », puisque ceux-ci, selon Tânia Maria Alkmin (2001), relèvent de la variation sociale, constituant l’un des types de variation linguistique à laquelle les parlants sont soumis. Ceux-ci évoquent, donc, plutôt les différences entre les niveaux socioculturels (niveau cultivé, niveau populaire, langue officielle ou formelle), c'est-à-dire, ce sont les variations qui existent entre un groupe social et un autre. Le présent travail étudie précisément la terminologie relevée dans des documents « écrits », dont l'utilisation officielle est établie par les administrations et les institutions. Quand les « régionalismes » sont propres à un État, on parle de « statalismes ». Notre critère de sélection des particularismes trouvés dans les documents mentionnés relève de cette notion peu connue appelée statalisme. Ce terme désigne, selon Jacques Pohl (1985 :10), « tout fait de signification ou de comportement, observable dans un pays, quand il est arrêté ou nettement raréfié au passage d'une frontière ». Ce sont des termes qui, en leur usage, ne sont perçus qu’à l'intérieur d'un État, parce qu'ils renvoient à des institutions qui appartiennent à cet État et à une réalité qui lui est propre, donc, différente ; leurs équivalences sont établies par l'administration locale et quand nous en dépassons la frontière politique, il est naturel que le sens usuel du terme change. Cette notion nous est utile, surtout, comme critère pour différencier et analyser les termes dont la forme renvoie au français de référence, mais dont les utilisations répertoriées en Suisse romande sont différentes. La plupart des particularismes lexicaux appartenant au vocabulaire politique, juridique et administratif de la Suisse se distinguent du « français standard » de la France dans leur utilisation. Nous avons, par exemple, le terme syndic (= maire) qui, en Suisse romande, est considéré comme un statalisme et fait partie d'une terminologie officielle.i La notion de ce que l’on appelle français de référence se trouve actuellement bien établie : elle a fait l’objet d’un important colloque à Louvain-la-Neuve (Belgique), en novembre 1999ii. Ces renseignements se trouvent dans le texte de présentation de la BDLP – Base de données lexicographiques panfrancophone.

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Bibliographie

Alkmim, Tânia Maria. “Sociolingüística”. In: Introdução à lingüística: domínios e fronteiras, v.1/Fernanda Mussalim, Anna Cristina Bentes (orgs.) – São Paulo: Cortez, 2001.

BDLP – Base de données lexicographiques panfrancophone. Disponible sur: http://www.tlfq.ulaval.ca/bdlp/transv.asp?base=bdlp_suisse

Cabré, M. T. La terminología: representación y comunicación. Barcelona: Institut Universitari de Lingüística Aplicada, 1999.

Chanut, Maria Emília Pereira. A questão da equivalência funcional em tradução juramentada - O caso do francês da Suíça. São Paulo: Tradução & Comunicação, n.17, p. 105-120, 2008. (Disponível em: http://sare.unianhanguera.edu.br/index.php/rtcom/article/view/151/150)

Chanut, Maria Emília Pereira. A tradução juramentada de documentos suíços: Resultados parciais em torno dos termos estudados. TRADTERM 15 - Revista do Centro Interdepartamental de Tradução e Terminologia FFLCH/USP. São Paulo, 2009, p. 155-171. ISSN 0104-639X.

Dubuc, Robert. Manuel pratique de terminologie. Québec: Linguatech Éditeur, 1985.

Faulstich, E. Variação Terminológica: algumas tendências no português do Brasil. In: Cicle de conferències 96-97: lèxic, corpus i diccionaris. Barcelona: IULA, 1997.

Gaudin, François. Socioterminologie. Des problèmes semantiques aux pratiques institutionnelles. Rouen, Université de Rouen, 1993. Le Petit Robert. Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française. Dictionnaires Le Robert, 1996-1997. CD-ROM.

Pohl, Jacques. Phonologie et frontière. Observations sur quelques faits phonologiques de part et d'autre de la frontière franco-belge. Studia Neolatina. Aix-la-Chapelle: Mayer, pp. 164-177, 1985.

Thibault, André. (ed.) Dictionnaire Suisse Romand: Particularités lexicales du français contemporain. Genève: Éditions Zoé, 1997. i Une étude spécifique autour de ce terme a été divulguée dans un article du même auteur publié au numéro 15 de la revue TRADTERM - Revista do Centro Interdepartamental de Tradução e Terminologia FFLCH/USP. São Paulo, 2009, p. 155-171. ISSN 0104-639X. ii Dont les Actes viennent de paraître dans les Cahiers de l’Institut de linguistique de Louvain, vol. 26 et 27, 2000 et 2001 (édités par Michel Francard avec la collaboration de Geneviève Geron et Régine Wilme (disponible sur http://www.bdlp.org/bdlp.pdf).

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L’alternance futur simple / futur périphrastique : de la variation dans les ESLOs

Lotfi Abouda Université d’Orléans (LLL, UMR 7270)

[email protected]

Marie Skrovec Université d’Orléans (LLL, UMR 7270)

[email protected]

Le corpus ESLO (Enquêtes Sociolinguistiques à Orléans) constitue une importante ressource pour l’étude de la variation en français oral. Désormais disponibles en ligne, les données sont assorties de métadonnées et exploitables grâce aux outils développés pour le traitement de données de masse. Elles présentent l’avantage d’avoir été collectées de telle sorte qu’elles permettent d’appréhender plusieurs dimensions des diasystèmes, notamment les dimensions diastratique, diaphasique, et micro-diachronique, puisqu’il s’agit d’un corpus en deux volets, collectés à 40 ans d’intervalle, ESLO1 (1968-1971) et ESLO2 (2008-), sur la base d’un panel de locuteurs sociologiquement différencié et documentant différents genres interactionnels. La présente étude traite du rapport synchronique et micro-diachronique entre les formes synthétique et analytique du futur en français moderne, sur la base d’un sous-corpus d’ESLO d’un million de mots, équilibré en termes de types d’interaction (entretiens, conférences et repas en famille) et de profil de locuteurs (une centaine environ), choisis selon les variables de sexe, d’âge et de niveau socio-culturel. Les données permettent d’interroger les différentes hypothèses sur la variabilité FS/FP : celle d’un changement en cours selon laquelle le FS cèderait à terme la place à la forme périphrastique (Mauger (1968), Togeby (1982), Fleischman (1983), etc.), opposée à l’hypothèse d’une complémentarité entre deux tiroirs imputée à différents facteurs de différentiation : aspectuo-temporel chez Jeanjean (1988) et Bilger (2001), modal chez Confais (1990), Maingueneau (1994) et Laurendeau (2000), ou diaphasique chez Arrivé, Gadet & Galmiche (1986), Rocchetti (2004), ou Collier (2013). Nous montrerons pourquoi il ne nous semble pas souhaitable d’adopter une seule de ces hypothèses à l’exclusion des autres, chacune d’entre elles ne parvenant à expliquer qu’une facette d’un rapport qui s’avère complexe. Les 3370 occurrences de futur identifiées ont été annotées, afin de déterminer le type d’emploi (modal, futural et mixte) ainsi que la sous-spécification sémantique modale (atténuation, typicalisation, modalisation du dire, etc.). Si les tendances quantitatives montrent d’ESLO1 à ESLO2 une forte augmentation du FP et un affaissement du FS, l’examen plus précis du rapport de force entre les deux tiroirs à la lumière de la variable modale nous fait découvrir une situation contrastée où coexistent différents cas de figure, allant de la concurrence diachronique ayant abouti à une stabilisation du FP dans certains emplois, à la complémentarité, garantissant à chacun des deux tiroirs un domaine réservé (variation systémique et diasystémique), voire à une évolution indépendante montrant un FP qui s’impose non pas au détriment du FS mais au dépens d’autres formes linguistiques. La présentation des résultats sera suivie d’une analyse critique de la description grammaticale des deux futurs dans plusieurs ouvrages de référence (notamment les grammaires et les référentiels pour l’enseignement du FLE), et d’une réflexion sur les modalités d’une utilisation de nos résultats dans ces ouvrages et plus généralement sur les possibilités d’exploitation des corpus de vernaculaire pour l’enseignement.

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Abouda, L. & Baude, O. (2007). « Constituer et exploiter un grand corpus oral : choix et enjeux théoriques. Le cas des Eslo », in F. Rastier et M. Ballabriga (dir.), Corpus en Lettres et Sciences sociales. Des documents numériques à l’interprétation, Actes du XXVIIe Colloque d’Albi « Langages et Signification » : 161-168. Barcelo, G. J. (2007). “Le(s) futur(s) dans les langues romanes : évolution linéaire ou cyclique ?”, Sémantique et diachronie du système verbal français, Cahiers Chronos, 16, Amsterdam, New York, NY, 47-62.

Biber, D. (2009): “Corpus-Based and Corpus-driven Analyses of Language Variation and Use” in: Bernd Heine and Heiko Narrog (ed.), The Oxford Handbook of Linguistic Analysis, Oxford University Press. Bilger, M. (2001). « Retour sur le futur dans les corpus de français parlé », RSFP 16, Université de Provence : 177-189. Debaisieux, Jeanne-Marie, (2008). « Corpus oraux et didactique des langues : un rendez-vous à ne pas manquer. » Le français dans le monde : recherches et applications. Quel oral enseigner, cinquante ans après le Français fondamental ? Paris : CLE international FIPF, p. 102-114. Delahaie, Juliette, 2010, "La grammaire du français parlé en classe de FLE, un problème d'enseignement ou un problème de contenu". In: Galatanu, Olga et al. (dir.), Enseigner les structures langagières en FLE. Bruxelles : Peter Lang, 183-192.

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Une diglossie en français ? Une analyse de deux corpus de la Suisse romande

Aurélia Robert-Tissot Université de Zurich

[email protected]

Mathieu Avanzi Université de Zurich

[email protected]

Elisabeth Stark Université de Zurich [email protected]

Le but de cette communication est de présenter les résultats d’études menées à partir de deux corpus de français de Suisse romande (sms4science.ch, OFROM), dont le but est de discuter l’hypothèse ‘diglossique’ du français moderne (cf. p.ex. Massot 2008, 2010, Zribi-Hertz 2011,). Selon l’hypothèse diglossique, il y aurait en français deux grammaires différentes, l’une pour le français « démotique » (FD), à savoir la ou les variété(s) vernaculaire(s) du français, acquise comme langue maternelle et utilisée en contextes informels ; l’autre pour le français dit « classique tardif » (FCT), qui s’apprend à l’école, suit des normes prescriptives et est utilisée en contextes plus formels (cf. Massot 2010 : 89s.). Selon ce modèle, il existerait « certains faits catégoriels de covariation », c’est-à-dire « que certaines formes grammaticales n’apparaissent jamais ensemble : le FD et le FCT sont deux ensembles avec une intersection et chacun un sous-ensemble de formes grammaticales exclusives » (Massot/Rowlett 2013: 8). Les variables discutées dans le cadre de la diglossie française sont, entre autres, les suivantes : le redoublement du sujet lexical (cf. (1)), l’allomorphie on – nous pour exprimer la première personne du pluriel (cf. (2)), l’omission du il explétif (cf. (3)) ou encore l’absence du ne de négation (cf. (4)). Ces mêmes variables sont également considérées comme des marqueurs diaphasiques, notamment chez Blanche-Benveniste (2000) ou Koch/Oesterreicher (22011). Ces derniers auteurs ajoutent en outre l’absence du marquage de l’accord du participe passé comme marque de l’immédiat communicatif (cf. (5)).

(1) […] mais mon papa il était très intelligent à l'école […] (OFROM) (2) On commence seulement le resto. Je te rappelle dès qu'on part. […] (SMS) (3) […] bon de toute façon faut faire une formation d'éducatrice sociale avant […] (OFROM) (4) […] Je suis vraiment pas très bien. J'espère que j'ai pas la grippe […] (5) j'avais des bottes rouges aussi [...] je sais même pas où je les ai mis (OFROM)

Cependant, notre analyse des corpus sms4science.ch et OFROM suggère que les phénomènes discutés ne relèvent pas tous d’une différence entre deux grammaires distinctes du français, mais qu’ils dépendent dans leur majeure partie plutôt de facteurs spécifiques intra- et/ou extralinguistiques. Quant à on vs. nous (cf. (2) vs. (6)) ou l’omission vs le maintien du sujet explétif, une explication diglossique se basant sur un différent marquage d’ordre diaphasique semble concevable. En revanche, la réalisation du ne dépend principalement des propriétés prosodiques du sujet qui le précède (clitique vs. lexical, cf. (4) vs. (7) ; cf. Stark 2012), le redoublement du sujet est motivé au niveau intralinguistique par des contextes contrastifs dans nos corpus et l’absence de l’accord du participe passé (cf. (5) s’explique par des régularités syntaxiques : l’accord avec les compléments précédents et l’auxiliaire avoir est incompatible avec la grammaire du français et n’existe qu’en français standard (il s’agit en fait d’un artifice normatif, cf. Stark 2015a et b).

(6) […] j'ai acheté ton pass pour le week end rock garage dont nous avons parlé hier. […] (SMS) (7) Ah ben c'est la merde, j'espère que tes chefs ne t'enguelent pas trop. […] (SMS)

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Dans cette communication, nous nous attacherons à montrer que la covariation des phénomènes parfois observée dans des corpus n’est qu’un épiphénomène de la coïncidence de différents facteurs intra- et extralinguistiques qui caractérisent une certaine situation de communication, et que cette covariation ne peut donc pas être prise comme une preuve de l’existence de deux grammaires en français pour les trois variables discutées ci-dessus. Références Blanche-Benveniste, C. (2000). Approches de la langue parlée en français, Gap: Ophrys. Koch, P. & W. Oesterreicher, ([1990]22011). Gesprochene Sprache in der Romania. Französisch –

Italienisch – Spanisch, Mouton de Gruyter: Berlin. Massot, B. (2008). Français et diglossie. Décrire la situation linguistique française contemporaine

comme une diglossie: arguments morphosyntaxiques. Université Paris VIII Vincennes-Saint Denis.

Massot, B. (2010). "Le patron diglossique de variation grammaticale en français", Langue française 168, 87–106.

Massot, B. & P. Rowlett (2013). "Le débat sur la diglossie en France: aspects scientifiques et politiques", Journal of French Language Studies 23, 1–16.

Stark, E. (2012). “Negation marking in French text messages”, Lingvisticæ Investigationes 35-2, 341-366

Stark, E. (2015a). « L’accord du participe passé dans la langue standard et en français vernaculaire ». Notice FRACOV : http://www.univ-paris3.fr/index-des-fiches-227311.kjsp?RH=1373703153287

Stark, E. (2015b). « La grammaire normative face à la réalité d’usage – l’accord du participe passé dans les corpus oraux du français contemporain“. Conférence invitée aux Journées PFC à Vienne, 17/18 juillet 2015.!

Zribi-Hertz, A. (2011). "Pour un modèle diglossique de description du français: quelques implications théoriques, didactiques et méthodologiques", Journal of French Language Studies 21, 231–256.

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Un demi-siècle de conceptions du traitement de la variation

dans la lexicographie française

Pierre Corbin Université Lille 3 et CNRS (UMR 8163 “Savoirs, Textes, Langage”)

[email protected]

Nathalie Gasiglia Université Lille 3 et CNRS (UMR 8163 “Savoirs, Textes, Langage”)

[email protected] Si cela semble au comité de sélection s’intégrer dans la logique du colloque, nous pourrions revenir sur un demi-siècle de conceptions du traitement de la variation dans la lexicographie d’expression française telles qu’elles se sont exprimées jusqu’à nos jours dans les paratextes des dictionnaires et dans des publications métalexicographiques, avec ou sans écho à des considéra-tions émanant des champs de la linguistique et de la didactique, pour ensuite envisager d’autres perspectives, peut-être destinées à rester spéculatives, l’avenir de la production lexicographique professionnelle étant, sinon compromis, du moins incertain et indistinct. Sans préjuger de ce que pourrait être l’organisation de la communication si elle est retenue, quelques repères chronologiques peuvent être considérés comme constituant des jalons perti-nents pour notre propos. Pour les paratextes de dictionnaires, le point de départ pourrait être à trouver dans la première édition du Petit Robert, avec sa « Présentation » (Rey 1967) qui cadre les principes du marquage des emplois selon cinq variables (temps, espace, société, fréquence et style) dont les valeurs sont explicitées dans la table des abréviations : ce dispositif à la fois donne les clés de la pratique déjà à l’œuvre dans la première édition du Grand Robert (1953-1964) et constitue une matrice déclinée ensuite, avec des variations et adaptations (qui pourront être décrites et analysées), dans l’en-semble de la production dictionnairique de l’éditeur. Sinon dans le principe, la grille de classement des usages présentée dans la « Préface » du Trésor de la langue française (Imbs 1971) se distinguait de celle des dictionnaires Robert au moins par son architecture et sa terminologie, les « niveaux de langue » y étant intégrés dans un « adjuvant stylistique » au sein d’« adjuvants démarcatifs de sens » dont les « domaines » cons-tituaient l’autre composante. La représentation de la variable dite « sociale » s’est modifiée dans la décennie suivante par le primat désormais donné aux variations situationnelles (typées comme familières) sur celles qui seraient imputables à l’origine sociale (typées comme populaires), d’abord dans la « Préface de la deuxième édition » du Grand Robert (Rey 1985), puis dans d’autres répertoires (par exemple la « Présentation » du Dictionnaire général Larousse de 1993). On peut rapprocher de ce dépla-cement les indices fournis à partir des années 1980 par les titres de dictionnaires dédiés à des mots et expressions trouvant mal leur place dans les répertoires généraux pour cerner ceux-ci sans les nommer de manière trop idéologisée : « non conventionnel » (Cellard & Rey 1980), « parlé » (Bernet & Rézeau 1988), « quotidien » (Bernet & Rézeau 2008, 2010), à quoi « ordi-naire » faisait écho dans le champ des recherches linguistiques (Gadet 1989). C’est à la même époque que remontent, concernant la variable dite « spatiale », les discours paratextuels expliquant les raisons de l’élargissement de la prise en compte dans les diction-naires généraux français de faits lexicaux propres à des aires régionales ou francophones (Rey 1985, présentation du Petit Larousse illustré et du Dictionnaire de notre temps Hachette millé-simés 1989 (Guérard 1988 pour ce dernier)), en écho à la dynamique propre de la francophonie et de ses institutions (création de l’Agence de coopération culturelle et technique en 1970) mais aussi en relation avec les pays ciblés par les éditeurs pour la diffusion de leurs ouvrages. Cor-rélativement, l’introduction du Dictionnaire québécois d’aujourd’hui (Boulanger & al. 1992)

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exposait la logique de changement d’axage présidant à la notation des variations spatiales dans ce répertoire, dans lequel les francismes étaient le pendant des québécismes ou canadianismes des dictionnaires hexagonaux, ce que prolongerait deux décennies plus tard le dictionnaire Usito (2013, cf. https://www.usito.com/dnadf.html). Parmi les écrits métalexicographiques, une première vague, ancrée vers 1970, fut le fait de lexicographes théorisant la pratique en dehors des paratextes de dictionnaires particuliers (Imbs 1969, J. & C. Dubois 1971, Rey-Debove 1971). La variation des usages était pensée, comme dans la didactique de la même époque, en termes de « niveaux » ou « registres de langue » et de « valeurs d’emploi », avec des approches différenciées : coloration sociale pour J. & C. Dubois (chap. XI), description de la « déstructuration des nomenclatures » induite par la prise en charge des variations (régionales, sociales, thématiques, diachroniques) dans les dictionnaires par Rey-Debove (chap. 4), sur laquelle Boulanger (1986) rebondit à sa manière en désignant comme autant d’« interdictions » les manques observables dans les dictionnaires français au titre de telle ou telle variable. Une typologie des variables élargie à huit, puis onze paramètres fut le fait de Hausmann (1977, 1989), avec, dans cette dernière publication, une référence explicite au « diasystème » de Weinreich (1954), également pris en considération (sans cependant être mentionné), dans le champ linguistique, par Gadet (2003). De possibles axes de discussion des modèles hausman-niens ne furent qu’évoqués par Corbin & Gasiglia (2011). Les grilles de variables utilisées dans les dictionnaires (spécialement ceux du Robert, parce que les plus explicites sur leur pratique) furent critiqués dans leurs principes comme dans leur mise en œuvre par D. & P. Corbin (1980, en corrélation avec des analyses parallèles de Corbin (1980) concernant des écrits didactiques de la même époque), puis par Corbin (1989), qui, en ré-férence à Bourdieu (1977, 1982), problématisa la possibilité de rendre compte adéquatement de variations sociolinguistiques au moyen de systèmes de marques. Seraient encore à prendre en compte les prises de position plus récentes en faveur d’un remo-dèlement, spécialement en France, de la perception de l’espace francophone passant par la dési-dentification d’un français “de référence” aux variétés hexagonales de français (par exemple Poirier 2003). En matière lexicographique comme ailleurs, l’art est plus difficile que la critique, même si celle-ci demande de la rigueur. Peut-on modifier les manières de faire actuelles, qui suivent une sorte de cahier des charges tacite plus ou moins adopté par l’ensemble de la production diction-nairique ? Avec mesure et prudence, nous aimerions, à la suite de notre état de l’art, explorer des voies par lesquelles il pourrait être envisageable d’introduire davantage de pluralité dans le point de vue sur les faits de variation (en particulier ceux qui ressortissent aux variables diastratique et diaphasique) dans l’environnement d’un potentiel dictionnaire électronique natif à visée descrip-tive.

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Références Anonyme (1993), « Présentation » du Dictionnaire général ● Anonyme, « Le dictionnaire nord-américain du français » (Usito) ● Bernet C. & Rézeau P. (1988), Dictionnaire du français parlé. Le monde des expressions familières ● Bernet C. & Rézeau P. (2008), On va le dire comme ça. Dictionnaire des expressions quotidiennes ● Bernet C. & Rézeau P. (2010), C’est comme les cheveux d’Éléonore. Expressions du français quotidien ● Boulanger (1986), Aspects de l’inter-diction dans la lexicographie française contemporaine ● Boulanger J.-C., Rey A., Dugas J.-Y. & De Bessé B. (1992), « Introduction » du Dictionnaire québécois d’aujourd’hui ● Bourdieu P. (1977), « L’économie des échanges linguistiques » ● Bourdieu P. (1982), Ce que parler veut dire ● Cellard J. & Rey A. (1980), Dictionnaire du français non conventionnel ● Corbin D. & Corbin P. (1980), « Le monde étrange des dictionnaires (1). Les “marques d’usage” dans le Micro Robert » ● Corbin P. (1980), « “Niveaux de langue” : pèlerinage chez un archétype » ● Corbin P. (1989), « Les marques stylistiques / diastratiques dans le dictionnaire monolingue » ● Corbin P. & Gasiglia N. (2011), « Éléments pour un état de la description de la variété des usa-ges lexicaux dans les dictionnaires français monolingues (1980-2008) » ● Dubois J. & Dubois C. (1971), Introduction à la lexicographie : le dictionnaire ● Gadet F. (1989), Le français ordinaire ● Gadet F. (2003), La variation sociale en français ● Guérard F. (1988), « Note de l’éditeur » du Dictionnaire de notre temps ● Hausmann F.J. (1977), Einführung in die Benutzung der neufranzösischen Wörterbücher ● Hausmann F.J. (1989), « Die Markierung im allgemeinen einsprachigen Wörterbuch: eine Übersicht » ● Imbs P. (1969), « Les niveaux de langue dans le dictionnaire » ● Imbs P. (1971), « Préface » du Trésor de la langue française ● Poirier C. (2003), « Variation du français en francophonie et cohérence de la description lexicographique » ● Rey A. (1967), « Présentation » de la 1e éd. du Petit Robert ● Rey A. (1985), « Préface de la deuxième édition » du Grand Robert ● Rey-Debove J. (1971), Étude linguistique et sémiotique des dictionnaires français contemporains ● Weinreich U. (1954), « Is a structural dialectology possible? ».

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La variation en FLE : premières analyses de la situation en Flandre

Pascale Hadermann Université de Gand

[email protected]! 1. Contexte Alors que dans le passé, les cours de français étaient souvent confinés à l’enseignement de la littérature et s’appuyaient principalement sur la norme parisienne, l’on assiste aujourd’hui à un intérêt croissant pour d’autres normes et registres de langue. Dans les nouvelles directives pour l’enseignement des langues étrangères, dont le français (désormais FLE), les approches qui intègrent la variation linguistique sont promues. Ces approches devraient idéalement prendre en compte trois paramètres : 1. des paramètres sociolinguistiques : apprendre les variantes les plus courantes ; 2. des paramètres épilinguistiques : répondre aux attentes concernant la norme la plus

appropriée pour les différents profils d’apprenants ; 3. des paramètres acquisitionnels : proposer des variantes simples à apprendre. Les didacticiens soulignent la valeur ajoutée de l’interaction verbale dans la classe de langue lorsque celle-ci intègre la variation linguistique, mais ils insistent aussi sur la nécessité de présenter les effets pragmatiques liés au choix des variantes. Selon les consignes européennes (voir le CECR), les étudiants avancés devraient être en mesure de s’exprimer clairement et précisément dans des conversations formelles et informelles, en d’autres termes ils devraient apprendre à maîtriser différents registres de langue. Ce point de vue sur l’importance des registres de langue (ou variation diaphasique) est partagé par l’approche « variationniste », qui souligne l’utilité de « faire découvrir » la variation afin d’accroître la conscience linguistique des élèves et d’encourager le développement d’une attitude libre de tout préjugé linguistique. Le succès de l’enseignement des langues dépendrait du degré d’attention accordée d’une part aux réalités socio-culturelles et d’autre part aux contacts extrascolaires avec la langue cible, contacts qui faciliteraient l’apprentissage de variantes non standard. Notons que ces variantes ne relèvent pas nécessairement du diaphasique ; elles peuvent également concerner la variation diatopique et diastratique. 2. Objectif : la variation en FLE dans le contexte éducatif flamand Notre contribution vise à étudier la place qui est accordée à la variation dans l’enseignement du FLE en Flandre. Il est vrai que les approches normatives y prédominent largement, ce qui explique le peu d’intérêt et de recherches sur la variation telle qu’elle pourrait se manifester par ex. dans les programmes d’étude. Le but de notre étude est de combler cette lacune en analysant quels aspects de la variation linguistique sont (ou ne sont pas) pris en considération dans les directives ministérielles, dans les programmes et dans le matériel pédagogique en Flandre. Cette région offre un riche champ d’étude puisque le FLE y est enseigné de la 5ème année du primaire à la 6ème année du secondaire (donc pendant 8 ans). Concrètement, nous examinerons les questions suivantes : 1. sur quelles normes les programmes FLE s’appuient-ils ? 2. quel genre de « français de référence » est offert aux apprenants ? 3. quels paramètres « dia » sont privilégiés lorsque la variation est abordée ?

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Notre analyse nous permettra de formuler des conseils pour les concepteurs de programmes en Flandre et il sera également intéressant de comparer, dans une étude ultérieure, nos résultats obtenus pour la Flandre à ceux d’autres régions/pays. Mots clés : variation, norme, FLE Références w.coe.int/t/dg4/linguistic/Source/Framework_FR.pdf Barra-Jover, M. (éd., 2010), Le(s) français : formaliser la variation, Langue française 168. Bertucci, M., Corblin, C. (éds, 2004), Quel français à l’école ? Les programmes de français

face à la diversité linguistique, Paris : L’Harmattan. Coleman, J.A., Crawshaw, R. (éds, 1994), Discourse variety in contemporary French :

Descriptive and pedagogical approaches, London : Association for French Language Studies and Centre for Information on Language Teaching.

Delahaie, J. (2010), Français parlés et français enseignés, Etudes universitaires européennes. Delahaie, J., Flamant, D. (2013), Corpus et enseignants de français L2 en Flandre : une

histoire réussie, Bulletin suisse de linguistique appliquée 97, 77-96. Gadet, F. (2004), Quelle place pour la variation dans l’enseignement du français langue

étrangère ou seconde ?, Prétextes franco-danois 4, 17-28. Mougeon, R., Nadasdi, T., Rehner, K. (2002), Etat de la recherche sur l’appropriation de la

variation par les apprenants avancés du FL2 ou LFE, AILE 17, 7-50. Tyne, H. (2012), La variation dans l’enseignement-apprentissage d’une langue 2, Le français

aujourd’hui 176, 103-112. Tyne, H. (2013), Corpus et apprentissage-enseignement des langues, Bulletin suisse de

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Entre volonté d’anglicisation et hétérogénéité linguistique : enquête ethnolinguistique dans une entreprise belge (Bpost)

Sophie Collonval Université de Namur

[email protected]

Mener une recherche ethnographique dans une entreprise afin d’observer les phénomènes de variation ne constitue pas un lieu de recherche inexploré, loin s’en faut. Souvenons-nous du travail de William Labov sur les productions de la variable phonologique /r/ par les employés de grands magasins new-yorkais. Outre l’analyse des pratiques langagières, d’autres scientifiques s’efforcent de comprendre les normes en vigueur au sein du milieu professionnel observé par l’étude des discours épilinguistiques de membres d’une entreprise, comme les chercheurs belges Emmanuelle Dardenne et Alain Eraly1. Nous souhaitons, lors de cet exposé, aborder la corrélation entre l’usage de termes anglais par des locuteurs-employés et la dimension sociale au sein d’une entreprise belge : Bpost.

Quand nous observons les pratiques langagières d’un locuteur « au sein d’un même pays ou d’une même communauté linguistique, [voire d’une même entreprise] […] [nous pouvons constater] que des différences existent dans les façons de parler une même langue [sic] » (Boutet, 1997 : 352). Nous nous efforcerons de décrire et de comprendre l’usage de termes anglais par les locuteurs-employés ainsi que les valeurs qui leur sont attribuées (légitimité, neutralité, prestige, identité, etc.). Choisir d’étudier des termes anglais en milieu professionnel belge n’est pas anodin. En effet, non seulement l’anglais et ses variétés sont de plus en plus utilisés dans de nombreux domaines, et particulièrement dans les domaines financier, professionnel et économique, mais aussi l’anglais pourrait être qualifié de « langue de compromis » dans la situation politico-linguistique belge. La Belgique est un pays où règne l’hétérogénéité : linguistique, sociale, économique, politique, etc. L’hétérogénéité linguistique se comprend constitutionnellement puisque trois langues sont reconnues comme officielles (l’allemand, le français et le néerlandais), et quotidiennement étant donné que sont parlées les langues officielles, régionales, véhiculaires, de migrants, etc. Toutes ces variétés linguistiques, régionales, issues de l’immigration (ou d’un autre phénomène) sont donc en contact lors d’échanges langagiers entre les locuteurs-employés observés, possédant des répertoires verbaux différents (Jucquois, 1997 : 1633). Dans un tel contexte, nous ne tenterons pas de découvrir quelles sont les langues porteuses de valeurs économiques dans la société postale, mais de comprendre l’usage des termes anglais au sein de Bpost ? Leur usage est-il contraint politiquement ou économiquement ? 1 Dardenne, E. et Eraly, A. 1995. L’usage du français dans les grandes entreprises. Une étude en Belgique francophone. Bruxelles : Service de la langue française (Français et Société, 8). Eloy, J. – M. 2006. La problématique du plurilinguisme en entreprise. Une enquête exploratoire. Dans LESCLaP. Repéré dans http://www.u-picardie.fr/Lesclap/IMG/pdf/A2006_f_entreprises_cle819111.pdf (page consultée le 2 février 2013). Heller, M. 2002. Éléments d’une sociolinguistique critique. Paris : Éditions Didier (Langues et Apprentissage des Langues). Labov, W. 1976. Sociolinguistique. Trad. de l’anglais par A. Kihm. Paris : Minuit (Le Sens commun). 2 Boutet, J. 1997. Langage et société. Paris : Seuil (Mémo). 3 Jucquois, G. 1997. « Contacts ou conflits ? Des règles d’échanges à la dérégulation des échanges ». Dans Labrie, N. (éd.). 1997. Études récentes en linguistique de contact. Bonn : Dümmler. 163-173. Pour plus d’informations, veuillez consulter : Blampain, D. e.a. (éd.). 1997. Le français en Belgique. Une langue, une communauté. Louvain-la-Neuve : Duculot.

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Toute cette réflexion trouve son origine non seulement dans le fait que l’anglais pourrait être perçu, à l’heure actuelle, comme une lingua franca nova (Dakhlia, 2008 : 124), mais aussi dans un évènement au sein de l’entreprise elle-même : l’anglicisation5 des titres, des services, etc. Depuis 2011, La Poste/De Post/Die Post laisse place à Bpost. L’anglicisation n’entraîne pas pour autant une homogénéisation linguistique des pratiques des employés et des cadres (Collonval, 2012-20136). Même si des régularités sont observées, la variation caractérise les productions langagières de chaque locuteur interrogé. Ainsi, lorsque nous observons leurs pratiques linguistiques, nous constatons qu’au lieu d’utiliser le titre anglais, ils emploient son équivalent français :

- L’Operational Platform Manager est nommé par la plupart des locuteurs le percepteur,

- Les Teamleaders ne sont que peu appelés comme tel. Les employés préfèrent recourir à chef ou chef-facteur.

Afin de décrire l’ampleur des variétés anglaises et de comprendre les valeurs sociales qu’elles véhiculent, nous étudions, lors de notre enquête, l’emploi des termes anglais utilisés par les employés et les cadres. Nous tenons à souligner que notre objectif n’est pas de dénombrer, ni de compter les items anglais dans l’ensemble des pratiques linguistiques enregistrées et observées. Au moyen d’entretiens semi-directifs et de l’observation participante, l’ensemble des termes anglais d’ordres financier, économique et quotidien sont collectés en vue de les étudier selon trois variables extralinguistiques : le secteur, les fonctions et le sexe. Nous décidons délibérément de ne pas tenir compte de la variable de l’âge étant donné que nous ne disposons pas de cette information pour l’ensemble des informateurs. Quels « bénéfices », quelles valeurs se cachent – si nous pouvons l’écrire de la sorte – derrière les termes anglais ? Certes, ils sont de plus en plus omniprésents graphiquement au sein de l’entreprise, mais qu’en est-il dans les pratiques des postiers, des guichetiers, des teamleaders, des managers, du clustermanager, etc. ?

4 Dakhlia, J. 2008. Lingua franca. Histoire d'une langue métisse en Méditerranée. Arles : Actes Sud. 5 Ce phénomène touche également la SNCB et la STIB en Belgique. Veuillez consulter les articles suivants :

- Peignois. A., 25-26 août 2012. ≪ La stricte parité linguistique poussée au ridicule à la Stib ≫. Dans Le Soir. 25-26 août 2012. 42.

- Renette, É. 25-26 août 2012. « Les langues de la SNCB à l’heure de l’automatisation ». Dans Le Soir. 25-26 août 2012. 42.

6 Collonval, S. 2012-2013. Comprendre la corrélation entre la dimension linguistique et la dimension sociale au sein d’une commmunauté professionnelle hiérarchisée : enquête ethnographique dans l’entreprise Bpost. Louvain-la-Neuve : Université Catholique de Louvain. Mémoire de master.

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Usage des marqueurs de haut degré dans les conversations spontanées entre locuteurs québécois :

à la croisée du lexique familier et du lexique neutre

Gaétane Dostie Université de Sherbrooke

[email protected] Le domaine des quantifieurs / intensifieurs est réputé pour sa capacité à accueillir de nouvelles formes (notamment, par le biais d’un processus de grammaticalisation) et à être soumis à de constants réaménagements (entre autres, Marchello-Nizia 2006 ; Ghesquière et Davidse, 2011 ; Zribi-Hertz 2015). Nous proposons d’examiner, dans cette communication, le cas particulier des quantifieurs / intensifieurs axés sur le haut degré en français québécois spontané. La zone d’étude sera délimitée en prenant comme point de repère très / beaucoup / vraiment, qui font office de marqueurs prototypes dans leur catégorie. À ces marqueurs, perçus comme neutres du point de vue des registres de langue, nous y ajouterons une quinzaine de leurs substituts familiers. Un coup de sonde dans le Corpus de français parlé au Québec (CFPQ), qui est propice pour prendre le pouls de la variété diatopique / diaphasique de langue considérée, révèle ici l’existence d’une cohabitation intéressante entre marqueurs neutres et familiers. Ainsi, à côté de très / beaucoup / vraiment, on y trouve des unités telles ben, ben ben (à polarité négative), (ben) gros, (ben) raide, full, au bout, au coton, à l’os… En voici quelques exemples :

(1) je trouve ça ben drôle (‘très drôle’ / ‘vraiment drôle’) (2) t’sais je connais pas ben ben ça (‘pas beaucoup’) (3) elle l’aime ben gros (‘beaucoup’) (4) ça c’est fou raide (‘vraiment fou’) (5) c’est genre une critique que tout le monde dit depuis full longtemps (‘depuis très

longtemps’) (6) c’est drôle au bout là (‘très drôle’ ; ‘vraiment drôle’) (7) t’es tout le temps en formation là-bas t’a- ta- t’apprends au coton (‘beaucoup’) (8) on est FAITS à l’os (‘on est très mal en point’ / ‘vraiment mal en point’)

À la liste précédente, on peut encore ajouter l’importante série de marqueurs construits selon le schéma « en + sacres / formes euphémisées de sacres », illustrée ci-dessous1.

(9) ça va être long en tabarouette (‘très long’) (10) elle est belle en tabarnouche (‘très belle’) (11) c’est dur en maudit de clouer ça (‘très dur’ / ‘vraiment dur’) (12) c’est beau en mautadit aussi du bardeau (‘très beau’ / ‘vraiment beau’) (13) ça fait beau en ostie (‘très beau’ / ‘vraiment beau’)

Les marqueurs précités ont des origines diverses. À titre illustratif, ben serait un archaïsme (Waltereit 2007 : 98) au sens de Poirier 1995 et l’emprunt à l’anglo-américain full se serait

1 Notre relevé n’est pas encore tout à fait définitif. Nous pensons prendre également en compte plein, qui est

relativement neutre sur le plan des registres, en vue d’une comparaison plus spécifique avec full.

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développé récemment dans la zone des quantifieurs / intensifieurs, sous la possible influence de son homophone, foule, aussi axé sur la grande quantité dans certains contextes. Cela dit, les marqueurs neutres susmentionnés ont été l’objet d’un examen soutenu depuis plusieurs décennies (à titre indicatif, Sacks 1971 ; Sini 1989 ; Doetjes 2001, 2007 et 2008 ; Vogeleer 2003 ; Lescano 2005 ; Carlier et Melis 2005 ; Gaatone 1981 ; 2007, 2008 et 2013 ; Larrivée 2013). Au contraire, les marqueurs familiers listés plus haut ont été plutôt négligés, à l’exception de l’incontournable tandem ben / ben ben (Léard 1995 ; Junker et Vinet 1995 ; Vinet 1996 ; Dostie 2013). Dans ce cadre, nous comptons tout d’abord : - brosser un portrait global du domaine à partir des données prélevées dans notre corpus. En

particulier, il s’agira de proposer un inventaire de ses principaux marqueurs, selon leur ordre décroissant de fréquence ;

- établir, pour les marqueurs dont le nombre d’occurrences sera suffisant, quelles sont i) leurs particularités distributionnelles (par exemple, emploi dans le groupe nominal, dans le groupe verbal, avant ou après N, avant ou après ADV, etc.) et ii) leurs spécificités sémantiques (ex. : agissent-ils uniquement comme quantifieurs, comme intensifieurs ou bien les deux ? Sont-ils systématiquement substituables les uns aux autres et si oui, sont-ils strictement équivalents ?, etc.).

Par la suite, nous chercherons à déterminer si les marqueurs neutres examinés s’emploient en tous points de manière semblable en français québécois spontané et dans d’autres variétés diatopiques / diaphasiques de langue. Pour ce faire, nous scruterons l’usage qui en est fait dans des corpus aptes à soutenir une telle investigation, dont le CFPP2000, ESLO et OFROM. En outre, une hypothèse à vérifier sera celle selon laquelle les marqueurs neutres à l’étude occuperaient une zone d’emploi limitée en français québécois spontané (eu égard à la polyvalence qu’on leur connaît dans la langue plus formelle), sous le poids des marqueurs familiers. Enfin, nous observerons le traitement réservé aux marqueurs de haut degré dans quelques grammaires descriptives, dont la Grammaire québécoise d’aujourd’hui (Léard 1995), la Grammaire critique du français (Wilmet 2003) et la Grammaire méthodique du français (Riegel et al. 2009). Cela nous conduira à réfléchir au type de grammaire qui serait le mieux à même de refléter les faits de variation dans une zone sensible comme celle qui aura été examinée et à statuer sur les informations qui devraient y figurer.

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Références

Carlier, Anne et Ludo Melis, 2005, « De la quantification adverbale à la quantification adnominale ? Perspectives diachroniques », Verbum, 4, p. 361-382.

Doetjes, Jenny, 2001, « La distribution des expressions quantificatrices et le statut des noms non-comptables, in : Georges Kleiber et al. (éds), Typologie des groupes nominaux, Rennes : Presses Universitaires de Rennes, p. 119-142.

Doetjes, Jenny, 2007, « Adverbs and quantification : Degrees versus frequency », Lingua, 117 : 4, p. 685-720.

Doetjes, Jenny, 2008, « Counting and Degree Modification », Recherches linguistiques de Vincennes, 37, p. 139-160.

Dostie, Gaétane, 2013, « Réduplication et négation dans le domaine des quantifieurs/intensifieurs. BEN/BEN BEN et [BEN BEN]

NÉG en français québécois », in : Jacques François et al. (éds), La linguistique de la contradiction, Bern : Peter Lang, collection Gramm-R, p. 123-141.

Gaatone, David, 1981, « Observations sur l’opposition très – beaucoup », RLiR, 45, p. 74-95. Gaatone, David 2007, « Les marqueurs d’intensité et les locutions verbales : quelques

réflexions », Travaux de linguistique, 55 : 2, 93-105. Gaatone, David, 2008, « Un ensemble hétéroclite : les adverbes de degré en français », in :

Jacques Durand et al. (éds), Congrès Mondial de Linguistique Française (CMLF) 08, 2495-2504.

Gaatone, David, 2013, « Esquisse d’un guide des perplexes : problèmes de définition et de classification des adverbes de degré en français », Langue française, 177, p. 37-50.

Ghesquière, Lobke et Kristin Davidse, 2011, « The Development of Intensification Scales in Noun-Intensifiying Uses of Adjectives: Source, Paths and Mechanisms of Change », English Language and Linguistics, 15 : 2, p. 251-277.

Junker, Marie-Odile et Marie-Thérèse Vinet, 1995, « Les propriétés lexicales et syntaxiques de benben en français québécois », Revue canadienne de linguistique, 40 : 1, p. 77-97.

Larrivée, Pierre, 2013, « Focus sur la quantité », Langue française, 177, p. 51-61. Léard, Jean-Marcel, 1995, Grammaire québécoise d’aujourd’hui, Montréal : Guérin

Universitaire. Lescano, Alfredo M., 2005, « Lorsque très ne renforce pas : le cas des adjectifs épithètes et

relationnels », Revue romane, 40 : 1, p. 98-110. Marchello-Nizia, Christiane, 2006, Grammaticalisation et changement linguistique, Bruxelles :

De Boeck. Poirier, Claude, 1995, « Les variantes topolectales du lexique français », in : Michel Francard et

Danièle Latin (éds), Le régionalisme lexical, Louvain-la-Neuve : Duculot : p. 13-56. Riegel, Martin et al., 2009 (7e édition), Grammaire méthodique du français, Paris : PUF. Sacks, Norman P., 1971, « English very, French très, and Spanish muy: A Structural Comparison

and its Significance for Bilingual Lexicography », PMLA : Publications of the Modern Language Association of America, 86 : 2, p. 190-201.

Sini, Lorella, 1989, « Beaucoup et très dans la traduction de l’italien molto, Studi Italiani di Linguistica Teorica ed Applicata, 18 : 1-2, p. 179-184.

Vinet, Marie-Thérèse, 1996, « Adverbes de quantification, négation et phénomènes d’accentuation », Recherches linguistiques de Vincennes, 25, p. 129-140.

Vogeleer, Svetiana, 2003, « Les quatre lectures du quantifieur beaucoup de », Langages, 151, p. 43-65.

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Waltereit, Richard, 2007, « À propos de la genèse diachronique des combinaisons de marqueurs. L’exemple de bon ben et enfin bref, Langue française, 154, p. 94-109.

Wilmet, Marc, 2003 (3e édition), Grammaire critique du français, Bruxelles : Duculot. Zribi-Hertz, Anne, 2015, « De l’évolution des propriétés du mot grave en français européen

moderne », in : Gaétane Dostie et Pascale Hadermann (éds), La dia-variation en français actuel. Études sur corpus, approches croisées et ouvrages de référence, Peter Lang, coll. Sciences pour la communication, p. 63-98.

Corpus CFPP2000 (Corpus de français parisien des années 2000), Université Paris 3 – Sorbonne

nouvelle. Site : http://recherche.flsh.usherbrooke.ca/cfpq/. CFPQ (Corpus de français parlé au Québec), CATIFQ, Université de Sherbrooke. Site : http://recherche.flsh.usherbrooke.ca/cfpq/ ESLO (Enquêtes sociolinguistiques à Orléans, Université d’Orléans. Site : http://eslo.huma-num.fr/ OFROM (Corpus oral de français parlé en Suisse romande), Université de Neuchâtel. Site : http://www11.unine.ch/

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La représentation des marqueurs discursifs de variétés africaines

dans les inventaires différentiels : comment s’est fait et comment on pourrait faire mieux

Sabine Diao-Klaeger

Université de Koblenz-Landau [email protected]

Les marqueurs discursifs dans deux variétés du français parlé en Afrique, celles du Burkina Faso et du Cameroun, m’intéresseront dans cette communication. Dans les deux pays, le français est en contact avec des langues africaines, au Cameroun s’y ajoute l’anglais et le Kamtok, le Cameroon Pidgin English. L’on sait que les marqueurs discursifs se situent à un niveau élevé de la « borrowability hierarchy » (cf. par exemple Matras 2009), ils sont donc parmi les premiers éléments affectés dans une situation de contact de langues (International Journal of Bilingualism 2000/4). L’on trouve donc dans ces variétés burkinabè et camerounaise d’abord des marqueurs empruntés à différentes langues africaines. Par rapport aux langues sources, ceux-ci ont parfois sémantiquement changé ou changé de « registre » (notion à manier avec prudence pour le français parlé en Afrique, cf. Prignitz 1993). On y rencontre ensuite des éléments français (conjonctions, adverbes, phrasèmes…) qui ont subi un processus de grammaticalisation / pragmaticalisation ou bien de cooptation (Heine 2013) – ceci sont des concepts à discuter – qui n’a pas eu lieu en français hexagonal. Ces éléments ont changé de fonction et sont employés comme marqueurs discursifs en français burkinabè et/ou camerounais (cf. Diao-Klaeger à paraître, Calamaro 2012). Dans les inventaires différentiels (comme par exemple Lafage 1986, Équipe IFA 32004) qui existent pour les variétés du français en Afrique, l’on trouve un certain nombre des marqueurs discursifs que j’ai pu relever dans différents corpus du français parlé en Afrique. Dans cette communication, j’aimerais présenter un échantillon de marqueurs discursifs en français burkinabè et camerounais et l’analyse interactionnelle que j’en fais. Je donnerai ensuite des exemples de la représentation de ces marqueurs discursifs dans les ouvrages différentiels et discuterai les problèmes qui s’y posent. Pour résoudre ces problèmes, je proposerais la constitution d’un ouvrage de référence ciblant les marqueurs discursifs en Afrique francophone. Références : Diao-Klaeger, Sabine (à paraître) : Diskursmarker. Eine Studie zum gesprochenen Französisch in Burkina Faso. Tübingen : Stauffenburg. Calamaro, Francesca (2012) : L’adverbe déjà en français camerounais : Analyse d’un corpus radiophonique. Mémoire de maitrise, Université de Bayreuth. Équipe IFA (32004), Inventaire des particularités lexicales du français en Afrique noire, Vanves, EDICEF/AUF. Heine, Bernd (2013) : « On discourse markers : Grammaticalization, pragmaticalization, or something else ? ». In : Linguistics, 51(6) : 1205-1247. International Journal of Bilingualism (2000/4). Lafage, Suzanne (1985-86) : Premier inventaire des particularités lexicales du français en Haute-Volta (1977-1980) = Le français en Afrique, 6. Matras, Yaron (2009) : Language Contact. Cambridge : Cambridge University Press.

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Prignitz, Gisèle (1993) : « Problèmes de délimitation du corpus et registres de langue ». In : AUPELF-UREF (éd.) : Inventaire des usages de la francophonie : nomenclatures et méthodologies. Paris : John Libbey Eurotext, 137-143.

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Cela n’est-il qu’une question de style ? L’inversion du sujet clitique et sa (non) représentation dans les ouvrages de référence

Alexander Guryev

Université de Neuchâtel [email protected]

Géraldine Zumwald Küster

Université de Fribourg [email protected]

En français, les sujets dits « clitiques », appartenant au paradigme de la série [je, tu, il, elle, on, ce, nous, vous, ils, elles], peuvent apparaître avant le verbe tensé ou directement après lui. On parle, dans ce deuxième cas, « d’inversion du sujet clitique » (désormais inv-scl). La construction à inv-scl est souvent envisagée dans ses rapports avec d’autres formes concurrentes (ou « variantes »), étant donné, comme le rappellent Riegel et al., que « la langue, surtout dans ses variétés orales, dispose pour toute construction à inversion du sujet d’une ou plusieurs solutions de remplacement plus conformes à l’ordre canonique des constituants de la phrase de base » (2014 : 252).

Les descriptions de l’inv-scl données par les grammaires et autres manuels de référence tendent à rester assez sommaires : très souvent, l’inv-scl est abordée à travers ses emplois les plus standard, et sa fonction est réduite et assimilée à sa valeur socio-stylistique. Ainsi, l’inv-scl est généralement décrite, dans les grammaires comme dans les manuels de FLE (cf. Valdman 2000), comme une variante « characteristic of fairly formal styles » (Jones 2005 : 480), employée « dans un niveau de langue plus soutenu » (Gardes-Tamine 2008 : 38) ou même absente du français spontané (cf. Rowlett 2007 : 224).

En considérant des emplois de l’inv-scl attestés, provenant de sources orales et écrites variées1 (laissant de côté les inv-scl enchâssées du type si grande soit-elle,… fût-il arrivé plus tôt,…qui recourent typiquement au subjonctif), nous tenterons dans un premier temps de définir précisément les caractéristiques socio-stylistiques de l’inv-scl qui, comme le montrent les exemples suivants, est loin d’être réservée aux contextes formels et peut alterner avec d’autres constructions (cf. l’ordre SV en 2) à l’intérieur d’une même situation de parole:

(1) Alors prêt pr ta raclee ? A combien seras tu compatibles ac <PRE_5> [nom anonymisé] ? Mdr :-P [Corpus de Montpellier « 88milSMS »]

(2) Yo Baboun,la forme?Jmapprète a te poster ma feuille APG et comme tu me connais g d question.1)dois-je a nouveau la filer au SPO ou puis-je me contenter de cocher la case "aucune modif par rapport..."2)si jte l'envoi aujourdhui je serai riche quand? [Corpus suisse de SMS]

Dans un second temps, nous nous attacherons à préciser la valeur sémantico-pragmatique de l’inv-scl, et à en expliquer les spécificités par rapport aux constructions qui sont généralement désignées comme ses « variantes », à savoir l’ordre SV et est-ce que dans le cas des interrogatives (ex. 3), l’ordre SV et que dans le cas des P à adverbe initial (ex. 4) :

(3) a. Viendra-t-il ? b. Il viendra ? c. Est-ce qu’il viendra ? (4) a. Peut-être viendra-t-il. b. Peut-être il viendra c. Peut-être qu’il viendra

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!1 Nous nous baserons notamment sur les données récoltées dans deux projets FNS récents : « L’inversion du sujet clitique en français moderne : variations et fonctions » (2010-2014) et « SMS communication in Switzerland » (2012-2015)

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Bien que la majorité des grammaires restent muettes quant à une éventuelle valeur sémantico-pragmatique globale de l’inv-scl, certaines (par ex. Jones 2005 : 470) tentent de l’apparenter à une valeur modale de doute, de non assertion ou encore de « mise en discussion » (Le Goffic 1993 : 158). L’idée de non assertion semble convenir à des exemples prototypiques comme (3)a et (4)a, mais elle est loin de s’appliquer à toutes les occurrences de l’inv-scl et sa généralité doit donc être réfutée : en effet, comme le montrent les exemples suivants, l’inv-scl est parfaitement compatible avec des contextes non modaux:

(5) Plus loin rebondissaient-ils même encore, en tonnerre ses « garde-à-vous ! » [Céline, 1932, frantext] (6) Par là, me donnait-on à penser que mes pareils et moi nous formions sur la terre un objet de scandale, une malpropreté. [Guilloux, 1942, frantext] (7) Souvent a-t-on entendu les humoristes décrire le péril de la blague lancée pour la première fois. Rarement en a-t-on entendu un exprimer avec tant de limpidité le pincement d’un punch qui fait patate. [web]

En suivant les réflexions récentes des linguistes du Groupe de Fribourg, nous proposerons une analyse de l’inv-scl qui permet de rendre compte de ses différents emplois, des plus assertifs aux plus interrogatifs. Grâce à la caractérisation précise du rôle de l’inv-scl, nous serons également en mesure d’expliquer les disparités de comportement entre les différentes constructions permettant de former des questions : en effet, comme le montrent notamment les exemples (8)-(10), et bien que l’inv-scl, est-ce que et l’ordre SV soient souvent présentés comme trois « variantes » de même niveau, leur interchangeabilité n’est pas régulière :

(8) Tu coupes un peu le magnétophone ? [< Coveney 2002] * Coupes-tu un peu le magnétophone ? *Est-ce que tu coupes un peu le

magnétophone ? (9) Une bêtise il a fait ? [< Rossari & Gachet 2013]

*Une bêtise a-t-il fait ? *Une bêtise est-ce qu’il a fait ? (10) Ce soir, eh bien, on va essayer de répondre à cette grande question : peut-on vivre dans un monde sans frontières ? [émission tv]

Est-ce qu’on peut vivre dans un monde sans frontières ? *On peut vivre dans un monde sans frontières ?

Si l’inv-scl et est-ce que partagent les mêmes possibilités d’occurrences, c’est parce qu’ils constituent deux réalisations possibles d’une même opération syntactico-sémantique2. En revanche, l’ordre SV ne partage pas les mêmes propriétés syntactico-sémantiques et ne peut donc pas être considéré comme une « variante » de l’inv-scl au même titre qu’est-ce que. De même, les constructions de l’exemple 4 supra se distinguent chacune par des caractéristiques syntactico-sémantiques particulières et ne sont pas toujours interchangeables.

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!2 Cela explique, en outre, qu’est-ce que soit également disponible dans les propositions à adverbe initial, là où l’inv-scl a l’habitude d’apparaître : cf. les exemples suivants, où l’on peut exclure toute interprétation interrogative des énoncés :

Toutefois, à peine est-ce que je suis seul dans Briganne que l’envie de m’en remettre à la famille est là. Je ne peux pas m’en éloigner en restant si près. [web] Dans l’ensemble ils ne faisaient rien, ou peut-être est-ce qu’ils méditaient à leur manière – beaucoup avaient les paumes ouvertes, et le regard tourné vers les étoiles. [Houellebecq, La Possibilité d’une île]

!!

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Notre contribution plaidera donc pour une amélioration de la représentation de l’inv-scl dans les ouvrages de référence sur au moins deux points : i) la description de la valeur socio-stylistique de l’inv-scl, qui devrait être décrite plus précisément et reposer sur des études quantitatives impliquant divers types de corpus et ii) la représentation des domaines de variation où est impliquée l’inv-scl, qui devrait faire apparaître clairement les divergences et/ou les similitudes dans le statut syntactico-sémantique des constructions impliquées. GARDES-TAMINE, J., La Grammaire - t2 Syntaxe, Paris, Armand Colin, 2008 JONES, M. A., Foundations of French Syntax, Cambridge, CUP, 2005 LE GOFFIC, P., Grammaire de la Phrase Française, Hachette Livre, 1993 RIEGEL, M., PELLAT, J.-C. et RIOUL, R., Grammaire méthodique du français, Paris, PUF, 2014 ROWLETT, P., The Syntax of French, Cambridge, CUP, 2007 VALDMAN, A., « Comment gérer la variation dans l'enseignement du français langue étrangère aux Etats-Unis », The French Review, 73, 2000

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Les interrogatives indirectes (ou « percontatives ») en discours informel

Florence Lefeuvre Université Paris 3 – Sorbonne nouvelle

[email protected] L’objet de cette communication est de poursuivre l’analyse des interrogatives indirectes ou « percontatives » (Le Goffic 1993) qui a pu être faite dans un discours informel (par exemple dans Defrancq 2000, Ledegen 2007, Lefeuvre à paraître). Nous observerons plus exactement les percontatives introduites par le verbe savoir dans les discours informels. Pour ce faire, nous axerons notre relevé d’exemples avec des occurrences qui comportent un paramètre relevant de ce type de discours, notamment l’absence du discordantiel ne. Nous relèverons ainsi les occurrences de percontatives introduites par je sais pas / je sais plus dans plusieurs types de corpus oraux, le Corpus de français parlé québécois, le Corpus de français parlé parisien des années 2000, Eslo 2, OFROM. Un premier aperçu montre que l’on peut relever 4 types de percontatives : 1) Les percontatives attendues selon les grammaires : sans inversion, sans est-ce que, avec le mot en qu- en début de subordonnée : Sujet -Verbe je sais pas où c'est chez (CFPP2000, [03-01]) Postposition du GN sujet je sais pas où est la préfecture (CFPP2000, [12-01]) 2) Les percontatives qui renferment est-ce que mais c'est vrai que si nous on était euh si on revenait dix ans en arrière maintenant euh j'sais pas où est-ce qu'on irait jouer au foot + dans Paris (CFPP2000, [KB-01]) 3) Les percontatives qui renferment deux mots en qu- je sais pas comment que ça se passe dans les autres pays + mais je trouve qu'en (CFPP2000, [12-03]) 4) Les percontatives avec le mot en qu- in situ euh il m' dit "ben écoute t'as encore trois trois autres entretiens entretien médical psychologique et un autre entretien j'sais plus c’était quoi la fin et plus un test un test [mm] euh + un test un questionnaire (CFPP2000, [SO-02]) Nous verrons ce qu’il en est dans les autres corpus oraux cités et proposerons comme hypothèse que les percontatives en discours informel peuvent construire leur lien de subordination à une structure de phrase non pas par un subordonnant en qu-, comme dans les percontatives reconnues dans les grammaires (exemples de type 1) mais en discours sans subordonnant proprement dit (exemples de type 2 et 4). D’autres facteurs interviennent (contexte, prosodie) qui montrent qu’il s’agit bien d’une subordination. Cette hypothèse permettra de se demander si les percontatives du type 1 sont bien introduites par un subordonnant. Quant aux percontatives de type 3 nous les analyserons comme des structures découlant des clivées (c’est comment que ça se passe). Nous verrons enfin que certaines de ces percontatives ont toujours existé (notamment du type 2, avec des exemples du 17e siècle et du 18e siècle, cf. Lefeuvre 2014) et nous proposerons la possibilité de les référencer et de les analyser dans les grammaires en invoquant un cadre

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théorique qui permette d’analyser l’ensemble des percontatives de façon cohérente, y compris celles qui semblent propres au discours informel. Références Corpus CFPP2000 http://cfpp2000.univ-paris3.fr (Branca, Fleury, Lefeuvre, Pirès) CFPQ (Dostie) Eslo 2 http://eslo.huma-num.fr (Baude) OFROM http://www11.unine.ch/ (Avanzy, Béguelin, Diémoz) Bibiographie Branca-Rosoff, S., Fleury, S., Lefeuvre, F., Pires, M., 2012, Discours sur la ville. Présentation du Corpus de Français Parlé Parisien des années 2000 (CFPP2000). Coveney Aidan, 1995, «␣The Use of the QU- final interrogative struc- ture in spoken french␣», Journal of franch language studies, vol 5, n° 2, p.␣143–171. Defrancq 2000 : Un aspect de la subordination en français parlé : l’interrogation indirecte, Etudes romanes, 47, 131-141 Ledegen G. 2007, « L’interrogative indirecte in situ à la Réunion : elle connaît elle veut quoi », Le français parlé du 21ième siècle : normes et variations géographiques et sociales (Abecassis, Ayosso et al. eds) Lefeuvre F. 2014 : Etude grammaticale du français classique à partir de textes, PSN Lefeuvre, Florence, à paraître, « Analyse grammaticale et sur corpus de l’expression c’est quoi (?) » dans : Gaétane Dostie et Pascale Hadermann (éds), La dia-variation en français actuel. Études sur corpus, approches croisées et ouvrages de référence, Bern : Peter Lang, coll. Sciences pour la communication. Le Goffic, P., 1993, Grammaire de la phrase française, Paris, Hachette. Martin R. 1985 : L’interrogation comme universel du langage Pierrard M. 1989 : La relative sans antécédent Serbat G.1985 : Le verbe introducteur de la subordonnée interrogative en latin

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L’interrogation directe : la variation est où dans les grammaires ?

Sophie Piron Université du Québec à Montréal

[email protected] Cette communication portera sur l’interrogation directe, la présentation qu’en font les grammaires contemporaines du français et les pistes envisageables pour une meilleure prise en compte de la variation. Il s’agira d’abord de décrire le fonctionnement de l’interrogation directe (totale, partielle; avec ou sans est-ce que, etc.) et la variation qui y existe (mot interrogatif in situ en français oral courant, emploi du -tu en français québécois oral familier, etc.). Il s’agira ensuite d’analyser comment l’interrogation directe est présentée dans un corpus d’une quarantaine de grammaires publiées depuis les années 1970 essentiellement en France, mais aussi au Québec, en Belgique et en Suisse. Nous proposerons ainsi un portrait de la place que ces grammaires du français réservent à la variation diatopique (par exemple, le cas de la présence du -tu en français québécois), à la variation diastratique et diaphasique (l’emploi du est-ce que, la position in situ du mot interrogatif, etc.). Le corpus permettra de constater que les grammaires, en particulier de type scolaire, passent très rapidement sur une bonne part du système de l’interrogation, voire l’occultent totalement. Or, nous pensons que la mise en parallèle des microsystèmes interrogatifs dans les différentes variétés de langue est essentielle à la compréhension du fonctionnement de l’interrogation, en particulier dans la variété écrite normée, mais aussi à son appropriation. À la suite de ce panorama de grammaires, nous proposerons des pistes pour un traitement plus adéquat de la variation dans le domaine de l’interrogation directe dans les ouvrages grammaticaux. Nous verrons aussi dans quelle(s) partie(s) des ouvrages l’interrogation est présentée. Nous constaterons une certaine variété dans la position choisie : l’interrogation est présentée tantôt au sein des classes de mots (avec les pronoms, les déterminants et les adverbes interrogatifs), tantôt dans une section consacrée aux types et aux formes de phrases. Selon l’angle d’approche adopté, la question de l’ordre des mots peut être plus aisément abordée. Au-delà de la position de l’interrogation au sein des grammaires, on constate l’existence de trois classes de mots interrogatifs : des déterminants, des pronoms et des adverbes. La catégorisation des adverbes en général a parfois été remise en cause (Creissels 1988, 1995), plus rarement celle des adverbes interrogatifs (Choi-Jonin 2001, Riegel et al. 2014 [1994]). Dans le classement traditionnel, les notions sémantiques de circonstances (lieu, temps, etc.) justifient un classement des mots où, quand, comment, combien et pourquoi en adverbes et l’emportent sur le fonctionnement référentiel de ces mots interrogatifs. Au-delà de l’enjeu théorique que constitue un éventuel reclassement des adverbes interrogatifs en pronoms, le classement traditionnel présente le désavantage de fractionner le processus de formation de l’interrogation et empêche encore davantage d’appréhender la variation en jeu.

Références Arrivé, M., Gadet, F. & Galmiche, M. (1986). La grammaire d'aujourd'hui. Guide alphabétique de linguistique

française. Paris, Flammarion. Aslanides, S. (2001). Grammaire du français. Du mot au texte. Paris, Honoré Champion, Unichamp-Essentiel. Bayol, M.-C., Bavencoffe, M.-J. (1995). La grammaire française. Rééditée en 2013. Paris, Nathan. Bescherelle (2006). La grammaire pour tous. Montréal, Hurtubise HMH.

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Bescherelle (2006). La grammaire pour tous. Paris, Didier Hatier. Bled, É. & Bled, O. (2007). Bled. Orthographe. Grammaire. Nouvelle édition assurée par Berlion, D. Paris, Hachette

éducation. Boivin, M.-C. & Pinsonneault, R. (2008). La grammaire moderne. Description et éléments pour sa didactique.

Montréal, Beauchemin-Chenelière éducation. Bonenfant, Ch., avec la collaboration de Turcotte, G. (2008). Boite à outils. Nouvelle grammaire. Mont-Royal,

Modulo. Bosquart, M. (1998). Nouvelle grammaire française. Montréal, Guérin. Breckx, M. (2012). Grammaire française. 4e édition revue et actualisée par Ch. Cherdon & B. Wautelet. Bruxelles,

De Boeck. Cellier, M., Dorange, Ph., Garcia-Debanc, C. & al. (2010). Français. Épreuve écrite d’admissibilité. Paris, Hatier

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2011. Montréal, Chenelière éducation. Cherdon, Ch. (1985). Guide de grammaire française. Réédité en 2005. Bruxelles, De Boeck. Chevalier, J.-C., Blanche-Benveniste, C., Arrivé, M. & al. (1964). Grammaire du français contemporain. Rééditée

en 2002. Paris, Larousse, Références. Choi-Jonin, I. (2001). « Pronom ou adverbe : où situer les interrogatifs spatio-temporels ? » In Colombat, B. et

Savelli, M. Métalangage et terminologie linguistique. Paris-Louvain, Peeters, Orbis / Supplementa 17, p. 977-991. Clamageran, S., Clerc, I., Grenier, M. & al. (2001). Le français apprivoisé. Réédité en 2011. Montréal. Modulo. Creissels, D. (1988) « Quelques propositions pour une clarification de la notion d'adverbe. » In: Annexes des

Cahiers de linguistique hispanique médiévale, volume 7, 1988. Hommage à Bernard Pottier. pp. 207-216. Creissels, D. (1995) Éléments de syntaxe générale. Paris, Presses Universitaires de France. Delatour, Y., Jennepin, D., Léon-Dufour, M. & al. (2004). Nouvelle grammaire du français. Paris, Hachette –

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Saint-Laurent, Éditions du renouveau pédagogique. Lefrançois, P. (2013). Français écrit pour futurs enseignants. Théorie et exercices. Montréal. JFD. Maingueneau, D. (1991). Précis de grammaire pour les concours. Réédité en 2007. Paris, Armand Colin, Lettres

supérieures. Maisonneuve, H. (2003). Vade-mecum de la nouvelle grammaire. Montréal, CCDMD. Piron, S. (2013). Grammaire française. Mise à niveau – Supérieur et formation continue. Bruxelles, de Boeck. Poisson-Quinton, S., Mimran, R., Mahéo-Le Coadic, M. (2002) Grammaire expliquée du français. Niveau

intermédiaire. Rééditée en 2007. CLE international. Porée, M.-D. (2011). La grammaire française pour les nuls. Paris, First-Gründ. Riegel, M., Pellat, J.-Ch., Rioul, R. (1994). Grammaire méthodique du français. Rééditée en 2014. Paris, PUF,

Quadrige. Struve-Debeaux, A. (2010). Maîtriser la grammaire française. Paris, Belin. Vassevière, J. (2009). Bien écrire pour réussir ses études. Orthographe – Lexique – Syntaxe. Réédité en 2013. Paris,

Armand Colin. Wagner, R.-L. et Pinchon, J. (1962). Grammaire du français classique et moderne. Rééditée en 1991. Paris, Hachette

supérieur.

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La flexion adverbiale en français

Martin Hummel Université de Graz

[email protected]

La flexion de l’adverbe de manière est systématique dans les dialectes centre-méridionaux de l’Italie (Ledgeway 2011) et bien présente dans la diachronie de l’espagnol ainsi que dans synchronie de ses variétés américaines actuelles. Dans le domaine francophone, la flexion « illogique » a fait couler beaucoup d’encre dans de cas comme elle est toute contente, où tout est considéré adverbe (cf. fenêtres grandes ouvertes). Selon le dépouillement d’un corpus diachronique par Hummel (2014), la flexion de l’adverbe espagnol a une longue tradition qui a cependant été interrompue, du moins pour l’écriture, par le purisme linguistique au 17e siècle. En effet, si Montaigne pouvait écrire « les oreilles pures françaises » au sens de ‘purement françaises’, il est peu probable que ceci se répète aujourd’hui. Évidemment, la flexion concerne uniquement l’adjectif-adverbe du type parler haut. De ce point de vue, la canonisation de l’adverbe en –ment a contribué à l’image d’une classe de mots invariable. Mais là où l’adjectif assume des fonctions d’adverbe, la flexion peut se produire. Le français ayant été négligé par l’essor récent des études sur la flexion adverbiale, nous nous proposons de combler cette lacune. Pour ce faire, nous combinons l’exploration d’un corpus de 13 000 exemples contenant un adjectif adverbialisé avec une recherche portant sur l’écriture spontanée dans les blogs et forums sur Internet. Le seul nombre de 13 000 exemples avec adjectif-adverbe montre que la vision traditionnelle d’une petite liste d’adjectifs-adverbes peu significative ne correspond pas à la réalité. Parmi ces exemples, on trouve près de 500 cas où l’adverbe est fléchi. Citons quelques exemples :

(1) As penons de noz lances les lierons estrois, (12e s.) (2) Chascuns y œuvre à sa devise, Luxure y est si haute mise, Que s’elle yert royne ou

contesse; (13e s.) (3) tandis qu'en bas le bedeau ouvrait toutes larges les portes de l'église, (1832) (4) La lampe brûlait très haute (1878) (5) la cloche est revenue à toute volée dessus et l’a coupée nette comme un rasoir (1891) (6) la pluie qui tombe nette (1938) Dans certains cas, la flexion rapproche les syntagmes à la prédication seconde, mais la banque de données contient aussi des exemples du même syntagme sans accord morphologique. Qu’on l’aborde donc du côté de la modification du verbe, qui ne justifie pas la flexion selon la doctrine reçue (la pluie tombe nette), ou qu’on l’envisage du côté de la prédication seconde, qui l’exigerait (cf. mordre serré), la conclusion est la même: les frontières entre adjectif fléchi et adverbe invariable se brouillent d’une façon ou d’une autre. Sur Internet on trouve (L’orthographe correspond à l’original): (7) Je passerai les détails sur les critiques virulentes et destructives que vous allez vous

adresser, à la suite de cette apparition, les flagellations que vous allez vous infliger, les auto-censures que vous vous prescrivez ; c'est la descente aux enfers avec un impact cuisant sur votre progression, qui va s'arrêter nette.

(8) Je suis sur le point d'arrêter nette ma conso de cannabis, dans l'attente de vos réflexion, vos interrogation, vos exeperiences, attention ce qui ne tue pas ne t'épargne pas pour autant alors bannissons le mot douce après drogue c'est ma conviction il n'y a que des drogues nuisible pour notre santé moral et physique [Orthographe de l’original]

(9) L’entraîneur des Black Stars du Ghana, Kwesi Appiah, exhorte les joueurs de l’équipe nationale à ne pas se contenter de leur large victoire 6-1 en match aller contre l’Egypte

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mais à continuer par se battre durs pour le match retour en vue de se qualifier pour le mondial 2014.

(10) Aucune personne n'a été blessée forte heureusement. (10.02.2014) (11) Il existe de nombreuses raisons pourquoi les gens préfèrent à la séance d’entraînement

sur un elliptiques plus qu’ils le feraient sur un tapis roulant. Ainsi que de garder le corps en forme et le tonus des muscles, ce sont des machines de faible impact cardio vasculaire d’entraînement. Cela signifie qu’ils vont faciles sur les articulations des jambes et des genoux.

(12) Belle composition d'un paysage d'hiver, j'aime bien les traces dans la neige qui nous amène droits vers les maisons ou chalets.

(13) Qui peux m'expliquer pourquoi les ogives de la munition F5 de chez IMI que nous (militaires) utilisons dans les FAMAS arrivent droites dans les cibles à 25m (et bien sûr plus loin).

(14) Thomas Lélu, page 45. Je manque de m'endormir, fatigue passagère. Les flammes ont crépité tout ce temps. La danse s'est arrêtée courte, empêchement soudain. J'ai essayé d'être crédible à ses yeux, essayé d'être sérieuse et moi-même.

On peut évidemment en discuter les motifs, par exemple l’impact de l’oral dans arrêter net (le –t final est prononcé) et la liaison dans fort heureusement. Mais il faut se demander également s’il n’y pas continuité avec une tradition orale ancienne supprimée dans l’écriture standard mais peut-être encore présente dans la communication spontanée. En tout cas, on ne saurait nier que variation il y ait. La communication systématisera les motifs phonétiques, syntaxiques, sémantiques et normatifs (hypercorrection) de la flexion et départira les cas qu’on peut situer dans la tradition diachroniquement attestée de ceux qui relèvent de l’actualité, et notamment de la culture linguistique sur Internet. Ledgeway, Adam (2011): «Adverb agreement and split intransitivity: Evidence from Southern

Italy». Archivio glottologico italiano 96, págs. 31–66. Hummel, Martin (2014), “Los adjetivos adverbiales”, in: Company, Concepción (dir.).

Sintaxis histórica de la lengua española. Tercera parte: Adverbios, preposiciones y conjunciones. Relaciones interoracionales, 3 vols., México (Universidad Nacional Autónoma de México-Fondo de Cultura Económica): 615-733.

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Variations linguistiques et dictionnaires: la représentation de la variation linguistique

-Cas de la variation diatopique-

Ibtissem Leila Benaissa Université Abou Bakr Belkaid Tlemcen

[email protected]

Toutes les langues normées connaissent des changements et des variations qui se manifestent sous plusieurs formes et qui résultent de l'influence d'un ou de plusieurs paramètres qui font des locuteurs et des phénomènes qui leurs sont inhérents un centre d’intérêt majeur pour des recherches axées sur la représentation de la variation linguistique notamment dans les dictionnaires où les lexicographes tentent de situer chaque mot et sa signification en se basant sur les marques d'usage traditionnellement connues ainsi que sur les critères de chaque domaine en relation directe avec la langue de spécialité .Cependant il serait souhaitable ,au préalable, de distinguer les grands types de variations linguistiques pour cerner que c’est une affaire de spécificités et de traits définitoires .

Les pratiques des lexicographes pour situer le mot français et sa signification font appel à une réflexion quant aux marques et aux indicateurs car les locuteurs d’une même communauté linguistique peuvent ne pas avoir les mêmes usages linguistiques.

Les phénomènes langagiers qui se produisent dans la société et la diversité qui caractérise l’intérieur de la langue même et qui seraient transcrits sur le plan lexicographique sont soumis :

-au facteur situationnel où le locuteur emploie différents styles et registres de la même langue : familier ou soutenu , littéraire voire vulgaire .

-au facteur socioprofessionnel qui s’impose par les usages des locuteurs et qui varient selon les classes sociales auxquelles ils appartiennent ainsi que les domaines dans lesquels ils exercent .

-au facteur temporel et au facteur géographique appelé aussi régional où la langue est répartie selon les différents usages qui en sont faits d’une région à une autre.

Nous allons nous servir de la variation diatopique qui se révèle pertinente pour suivre de près la conception lexicographique où la description des diatopismes pourrait présenter l’objet d’une étude irréprochable sur le français régional , sa description scientifique et la représentation de la variation diatopique dans deux régions délimitées géographiquement, la France et le Maghreb où les statuts du français sont complètement différents en mettant en exergue l’influence régionale ainsi que la conception lexicographique basée sur une étude comparative.

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Conclusion :

En guise de conclusion et d’après la méthodologie adoptée ; les nouveaux régionalismes recensées et analysés apporteraient un énorme enrichissement pour la lexicographie francophone.

L’apport de la description de la variation diatopique du français renforcerait davantage les nomenclatures.

Une différence entre les dictionnaires de la langue générale et les ouvrages spécialisés exigerait une application approfondie des pratiques lexicographiques.

Il serait fructueux d’appliquer une certaine adéquation du discours lexicographique aux attentes du public de régions précises.

Références bibliographiques :

-Bélisle, L.-A. 1957 [1971, 1974], Dictionnaire général de la langue française au

Canada, Bélisle éditeur, Québec

-Chambon, J.-P. 2005, “Après le Dictionnaire des régionalismes de France : bilan et

perspectives”, dans Gleßgen & Thibault (éds) 2005.

-Cormier, Y. 1999, Dictionnaire du français acadien, Fides, Montréal.

-Diki-Kidiri,M ,1999, « Le signifié et le concept dans la dénomination »,Meta XLIV ,4

-Maria Teresa Cabré.1999 .Terminology: Theory, Methods, and Applications

John Benjamins Publishing

Références électroniques :

- andre.thibault.pagesperso-orange.fr

-www.archipel.uqam.ca

-www.riofil.org

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Analyse sémantique et traitement lexicographique des unités lexicales fuck, fucker, fucké et fucking usitées en français québécois familier

Roxane Ducharme

Université de Sherbrooke [email protected]

Il est connu que les gros mots tirent leur origine de domaines tabous et qu’ils reflètent certaines valeurs socioculturelles propres à un groupe donné (entre autres, Kasparian et Gérin 2005; Dostie 2015). Par exemple, bloody (qui renvoie au sang du Christ) est richement développé en anglo-australien, mais non en anglais nord-américain (Wierzbiecka 2002 : 1172). Malgré la difficulté que représente, pour les locuteurs, le décryptage des gros mots peu fréquents dans leur communauté d’appartenance, ceux-ci sont peu ou mal décrits dans les dictionnaires.

Nous examinerons, dans cette communication, une série de gros mots, empruntés à l’anglais, dans leur usage en français québécois : il s’agit de fuck, fucké(e), fucker et fucking. La démarche consistera à analyser tous leurs sens, afin de dresser un portrait, aussi fidèle que possible, du microsystème ici constitué. En guise d’exemple, fuck se comporte comme un marqueur discursif (ex. : fuck! grosso modo ‘zut!’, ‘ah non!’) et comme un nom (ex. : cherche pas le fuck, grosso modo ‘cherche pas le trouble’, ‘ne cherche pas la querelle’). L’adjectif, fucké, et le verbe, fucker, ne partagent que quelques sèmes avec le nom fuck et présentent des sens inconnus de ce dernier (ex : cette toile est fuckée signifie qu’elle est originale et hors norme sans faire allusion aux sens du nom fuck). Enfin, fucking se comporte comme un intensifieur vulgaire interchangeable avec l’intensifieur familier vraiment (Lapointe 2005). En se grammaticalisant, fucking agit en tant qu’intensifieur dans cette soupe est fucking bonne sans référer au nom fuck.

L’étude prendra appui sur le cadre méthodologique de la lexicologie explicative et combinatoire (Mel’čuk et al. 1995; Mel’čuk et al. 1984-1999) et débouchera sur une proposition d’articles de dictionnaire pour les 4 unités lexicales précitées. Pour atteindre cet objectif, nous exploiterons des données provenant principalement de médias écrits dans lesquels on trouve des traces du français parlé au Québec (notamment, la revue Urbania). De plus, nous prélèverons des exemples dans SMS4SCIENCE, qui donne accès à des messages textes de jeunes Montréalais présentant également un certain nombre d’occurrences relatives aux gros mots examinés. Le corpus d’étude que nous parviendrons ainsi à constituer nous permettra d’observer des traits innovants de la langue qui ne sont pas nécessairement présents dans les médias écrits conventionnels. Enfin, de manière complémentaire, nous exploiterons les données contenues dans la Banque de données textuelles de Sherbrooke (BDTS). La BDTS est une base de données composite (par ses époques et ses genres) de français québécois d’environ 37 millions de mots (ex. : textes journalistiques, émissions de télévision, pièces de théâtre, romans, enquêtes sociolinguistiques effectuées dans diverses régions du Québec dans les années 70). Bien que le français québécois qu’on y trouve ne puisse pas spécifiquement être qualifié de français actuel, nous pourrons tout de même éventuellement y repérer quelques emplois, bien implantés depuis plusieurs décennies, propres à certains des vocables à l’étude.

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En terminant, les observations que nous avons pu faire jusqu’à maintenant vont dans le sens d’une variation, au sein des vocables examinés, en fonction de l’âge. Ainsi, fucking semble davantage appartenir au « parlé jeune », alors que fuck, fucké et fucker sont attestés plus largement, indépendamment de l’âge (Murphy 2009). Cela dit, certains sens exprimés par ces trois derniers vocables sont toutefois eux-mêmes en émergence et, donc, d’une utilisation plus restreinte que d’autres. En conséquence, tous ces faits de variation devront être reflétés adéquatement dans les articles de dictionnaire élaborés.

Références / Sélection

Dostie, Gaétane, 2015, à paraître, « La dérivation verbale dans le domaine des sacres en français québécois. Sens, positionnement dans le diasystème et synonymes proches », Cahiers de lexicologie, 105, 1, 34 p.

Lapointe, Francis, 2005, Analyse sémantique et description lexicographique de marqueurs pragmatiques construits avec VRAI en français québécois. Vraiment, pas vraiment, pour de vrai, pour dire vrai, à vrai dire et à dire vrai, Mémoire (M.A.) Université de Sherbrooke, 114 p.

Kasparian, Sylvia et Pierre M. Gérin, 2005, « Une forme de purification de la langue : Étude des jurons et des gros mots chez les minoritaires francophones, le cas des Acadiens », Francophonies d’Amérique, 19, p. 125-138.

Mel’čuk, I. A. et al., 1995, Introduction à la lexicologie explicative et combinatoire, Louvain-la-Neuve : Duculot.

Mel’čuk, I. A. et al., 1984-1999, Dictionnaire explicatif et combinatoire du français contemporain, Recherches lexico-sémantiques, 4 volumes, Montréal : PUM.

Murphy, B., 2009, « ‘She’s a fucking ticket’ : the pragmatics of f**k in Irish English- an age and gender perspective », Corpora, 4, 1, p. 85-106.

Wierzbicka, Anna, 2002, « Australian cultural scripts – bloody revisited », Journal of Pragmatics, 34, p. 1167-1209. Corpus

Banque de données textuelles de Sherbrooke (BDTS), Université de Sherbrooke, [En ligne], (accès limité), http://catfran.flsh.usherbrooke.ca/catifq/bdts/index.htm

CORPUS SMS4SCIENCE, Université d’Ottawa (Usage restreint), 2010-. http ://www.sms4science.org.

REVUE URBANIA, 2009-., http://urbania.ca

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Des dictionnaires aux ressources lexicales électroniques intégrant des corpus multilingues pour la traduction de la langue non-normée

Valeria Zotti Université de Bologne [email protected]

Dans les dictionnaires actuellement disponibles, « la question de la norme occupe souvent toute la place, au détriment de la description des usages » (Poirier 2014 : 1). Très peu d’informations y sont présentées sur la connotation sociale des mots (encore limitées à la simple apposition d’une marque d’usage), sur leur emploi et sur leur fréquence d’usage (serait-il standard ou très familier, voire vulgaire ?). De là, la difficulté pour les traducteurs étrangers non-francophones de les comprendre et d’en saisir la charge communicative et pragmatique. Nous donnerons l’exemple des dictionnaires décrivant le français québécois. Dans Usito, dictionnaire remarquable sous plusieurs aspects, les anglicismes, très courants dans la conversation quotidienne au Québec, font l’objet d’un traitement partiel, voire incomplet (souvent ils n’ont droit à aucune description autre que l’indication de leur catégorie grammaticale) et sont systématiquement étiquetés en tant qu’« emplois critiqués » (cf. Poirier 2014 : 3). Sauf quelques exceptions, le fonctionnement de ces mots est en général ignoré. Les sacres / jurons non plus ne sont pas présentés de manière satisfaisante, selon le point de vue d’un utilisateur étranger (cf. Koulakov 2014). Quelques dictionnaires papier, qui ont été critiqués au Québec (DQF, DQA), enregistrent par contre ces lexies, mais ne sont pas d’accès facile n’étant pas disponibles en ligne. Le GDT, dictionnaire terminologique institutionnel à visée normative, déconseille un grand nombre de ses mots mais il en atteste tout au moins leur implantation dans l’usage et donne quelques explications sur leur emploi. Aussi, le TLF et le PR expliquent parfois, avec surprise, des québécismes de ce type qu’on ne trouve pas dans les dictionnaires conçus au Québec. Or, les locuteurs québécois font un large emploi, comme tous les autres locuteurs, de mots de registre familier ou populaire. Gadet (2006) souligne à ce propos que la langue française est caractérisée par un entrecroisement des ordres de variation linguistique où domine, à l’état actuel, la variation diaphasique. Des informations approfondies sur ces aspects seraient par conséquent indispensables pour aider les traducteurs à cerner le mot qui mieux reproduirait le même effet stylistique dans la langue d’arrivée. Dans cette communication nous nous proposons de montrer que l’accès à des ressources électroniques intégrant des corpus monolingues comparables (FL, CFPQ) ou bi-/plurilingues parallèles (QU.IT.) rend service aux traducteurs mieux que les dictionnaires actuellement disponibles pour comprendre le sens et la connotation de ces lexies. La contextualisation de ces mots à l’intérieur d’ouvrages qui se posent pour objectif « la description de la langue telle qu’elle est parlée quotidiennement » (cf. interview à Rabagliati à propos de la langue employée dans sa bédé) permet d’observer la langue à partir d’une perspective où la norme sociale ou le poids de l’institution n’intervient pas et où l’usage réel, ou filtré par l’écriture littéraire, est affiché ouvertement. Cette liberté énonciative, possible à l’intérieur d’un corpus, est frappante pour certaines classes de mots : les interjections (asteur), les québécismes grammaticaux (je vas), les variantes morphologiques d’adjectifs (pourrite) ou d’adverbes ou locutions adverbiales (asteur, astheur, astheure; ben ; icitte, icite ; pantoute), les connecteurs textuels et les marqueurs discursifs à valeur pragmatique (pis, cf. Dostie à paraître). C’est l’accès direct aux mots en discours qui permet à l’utilisateur de plonger dans une langue libre des carcans des descriptions normées.

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L’échantillon d’analyse, tiré de quelques corpus mono- et plurilingues (CPFQ, FL, QU.IT.), est formé de mots attestés dans des ouvrages appartenant à différents genres littéraires : des romans : Bismuth (1999), Barcelo (1994); une pièce de théâtre (Bouchard 2011) et une bédé (Rabagliati 2002). Ces ouvrages contemporains sont des réservoirs de mots et d’expression de la langue parlée au Québec aujourd’hui en contexte informel. Ainsi, nous examinerons des exemples de québécismes de registre familier, très familier voire populaire qui ne sont pas généralement traités dans les principaux dictionnaires généraux ou différentiels disponibles (PR et TLF pour le panorama français, BDLP-Québec et Usito pour celui québécois), dont un grand nombre d’anglicismes et de sacres/jurons (quelques exemples : cheap, checker, chum, fun, job, peanut / pinotte, tiguidou, toffe, etc. ; caline, cibole, hostie, maudit, simonac, etc. ). Nous montrerons qu’une ressource lexicale électronique combinant différentes approches (cf. Gala et Zock 2013), dont l’approche basée sur les corpus (Laviosa 1998), l’approche énonciative et cognitive à la fois, donne accès à une nomenclature très riche contenant des mots et des formes qui font généralement défaut dans les dictionnaires. Les dictionnaires « traditionnels » désormais dépassés, ce n’est que dans des ressources intégrant plusieurs outils à la fois (bases de données, corpus, fiches lexicographiques, concordanciers, dictionnaires électroniques) qu’il est possible de refléter de la manière la plus satisfaisante la langue non-normée.

Références bibliographiques

Etudes

Dostie, G. (à paraître), « Réflexions sur la (quasi)synonymie et la variation diaphasique. L’exemple de et/pis en français québécois familier », in : Dostie G. et Hadermann P. (éds), La dia-variation en français actuel. Etudes sur corpus , approches croisées et ouvrages de référence, Berne : Peter Lang, coll. Sciences pour la communication.

Gadet, F. (2006), « Quelques reflexions sur l’espace et l’interaction », in : A.A. Sobrero, A. Miglietta (éds.), Lingua e dialetto nell’Italia del Duemila, Galatina : Congedo, p. 15-30.

Gala, N. et Zock, M. (dir.) (2013), Ressources lexicales. Contenu, construction, utilisation, évaluation, John Amsterdam/Philadelphia, Benjamins Publishing Company.

Koulakov, A. (2014), « Le potentiel communicatif des sacres dans « Sauce brune » de Simon Boudreault », Le Québec Recto/Verso, n. 21, Association des Jeunes Chercheurs Européens en Etudes Québécoises, Sous la direction de H. Amrit, G. Dupuis, A. Giaufret, P. Klaus, <http://www.publifarum.farum.it/show_issue.php?iss_id=22>

Laviosa, S. (1998), « The Corpus-based Approach: A New Paradigm in Translation Studies », Meta : journal des traducteurs / Meta: Translators' Journal, Vol. 43, n. 4, décembre 1998, p. 474-479.

Poirier, C. (2014), « Usito : Un pas en avant, un pas en arrière. Analyse du dictionnaire de l’équipe Franqus un an après sa mise en ligne », Trésor de la langue française au Québec, 30 avril 2014, http://www.tlfq.ulaval.ca/usito.asp.

Œuvres littéraires

Barcelo, F. (1994), Moi, les Parapluies, Montréal : Libre Expression.

Bismuth, N., (1999), Les gens fidèles ne font pas les nouvelles, Montréal : Ed. du Boréal. Bouchard, M. M. (2011), Tom à la ferme, Montréal : Lémeac Editeur.

Rabagliati, M. (2002), Paul a un travail d’été, Montréal : Les Editions de la Pastèque.

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Dictionnaires et corpus

BDLP-Québec = TLFQ, Base de Données Lexicographiques Panfrancophone-Québec <www.bdlp.org/>.

CFPQ = Corpus de français parlé au Québec, CATIFQ, Université de Sherbrooke, <http://recherche.flsh.usherbrooke.ca/cfpq/>.

DQA = Boulanger, J. C. et Rey, A., 1992, Dictionnaire Québécois d’Aujourd’hui, Montréal-Paris : Le Robert.

DQF = Meney, L., 1999, Dictionnaire québécois-français. Pour mieux se comprendre entre francophones, Montréal : Guérin.

FL = Trésor de la langue française au Québec, Fichier Lexical, <http://www.tlfq.ulaval.ca/fichier/>. PR = Le nouveau Petit Robert, dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française,

Rey-Debove, J. et Rey, A. (dir.), Paris, Le Robert [version en ligne 2011]. QU.IT. = Zotti, V. (dir.), 2013, QU.IT. Base parallèle de la littérature québécoise traduite en

italien, Università di Bologna, Centro di Risorse per la Ricerca Multimediale (CRR-MM), <www.quit.unibo.it>.

TLF = Trésor de la langue française. Dictionnaire de la langue du XIXe et XXe siècle (1789–1960), 1971–1994, édité par P. Imbs (vol. 1–10), Paris, CNRS, et par B. Quemada (vol. 11–16), Paris : Gallimard ; version informatisée <http://atilf.atilf.fr/>.

USITO = Cajolet-Laganière, H. Martel, P. (dir.), Dictionnaire du Français en Usage au Québec (accès limité), <http://www.usito.com/>.

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Quelle description lexicographique du féminin des noms de professions, titres, grades et fonctions dans Le Petit Robert et Le Petit Larousse ?

Anne Dister

Université Saint-Louis – Bruxelles [email protected]

Au début de cette année 2015, la Belgique francophone s’est dotée d’un nouveau guide de féminisation. En effet, après ses éditions de 1993 (date du décret en faveur de la féminisation linguistique) et de 2005, Mettre au féminin connait une 3e édition, revue et augmentée. Une mise à jour du guide s’avérait en effet nécessaire : en 10 ans, les pratiques des Belges francophones ont évolué et de nouvelles formes sont apparues, soit à côté de féminins déjà existant (la presse et les scripteurs ont largement donné droit de cité à une cheffe, à côté de une chef), soit pour de nouvelles dénominations (vapoteur – vapoteuse). Certains néologismes sont empruntés à l’anglais, et à côté d’un masculin adapté au français, le guide propose une forme féminisée (gameur – gameuse). Si elle a pour vocation de guider l’usage pour des formes encore peu fréquentes (on pense à une tradeuse, par exemple, que l’on rencontre encore peu, cette profession étant exercée quasi exclusivement par des hommes), cette publication à destination du grand public est surtout le reflet des pratiques réelles des citoyens, et elle laisse d’ailleurs une large part à la variation (on trouve une gouverneure à côté de une gouverneur, une mairesse à côté de une maire, par exemple). Dans cette communication, c’est à partir des quelque 1700 formes figurant dans le guide belge que nous voudrions voir quelle place occupent les noms de profession, titre, fonction et grade au féminin dans les deux dictionnaires d’usage courant que sont Le Petit Larousse et Le Petit Robert. En analysant systématiquement les éditions de 2015, nous verrons comment la description lexicographique du féminin se présente dans les dictionnaires. Comment le féminin est-il indiqué ? Pour quels items une valeur particulière est-elle attribuée ? Par exemple, les discours véhiculés par les opposants sur certains féminins prétendument péjoratifs apparaissent-ils également dans la description faite par les dictionnaires ? Certaines formes bénéficient-elles d’une entrée indépendante ? Quels sont les féminins absents ? Etc. Si la plupart des formes au féminin sont présentes car utilisées depuis longtemps, nous verrons également les variantes qui existent entre la liste du guide belge et les choix opérés par les dictionnaires pour féminiser. Cette étude sera également l’occasion de relever les noms qui, même sous leur forme au masculin, sont absents des dictionnaires mais présents dans les autres guides de féminisation, et notamment dans la liste figurant dans la Banque de dépannage linguistique gérée par l’Office québécois de la langue française.

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Bibliographie sommaire

Arbour Marie-Ève, de Nayves Hélène et Royer Ariane (2014), « Féminisation linguistique : étude comparative de l'implantation de variantes féminines marquées au Canada et en Europe », Langages et Société 148, pp. 31-51.

Marie-Louise Moreau et Dister Anne (2014), Mettre au féminin : guide de féminisation des noms de métier, fonction, grade ou titre (3e édition), Fédération Wallonie-Bruxelles.

Houdebine-Gravaud Anne.-Marie (dir.) (1998), La féminisation des noms de métiers : en français et dans d’autres langues, Paris, L’Harmattan, pp. 19-39.

Moreau Thérèse (2001), Écrire les genres : guide romand d’aide à la rédaction administrative et législative épicène, Genève, DF-SPPEgalité-CLDE.