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UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL UNE PETITE HISTOIRE DE LA DIDACTIQUE DE L'ALGÈBRE ESSAI PRÉSENTÉ À M. JEAN-FRANÇOIS MAHEUX DE LE CADRE DU COURS DE MAÎTRISE MAT865N PAR CHRISTIAN BOISSINOTTE JUILLET 2015

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UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL

UNE PETITE HISTOIRE DE LA DIDACTIQUE DE L'ALGÈBRE

ESSAI

PRÉSENTÉ

À M. JEAN-FRANÇOIS MAHEUX

DE LE CADRE DU COURS DE MAÎTRISE MAT865N

MATHÉMATIQUES

PAR

CHRISTIAN BOISSINOTTE

JUILLET 2015

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INTRODUCTION  .................................................................................................................  3  

DIDACTIQUE  DE  L'ALGÈBRE  ................................................................................................  3  

VISION  DE  L'ALGÈBRE  PAR  DES  DIDACTICIENS  ET  CHERCHEURS  –  NATURE  ET  OBSTACLES  ...........  5  

ARTÉFACTS  ET  ÉVÉNEMENTS  DU  PASSÉ  –  UNE  LECTURE  DIDACTIQUE  ..............................  12  

MÉSOPOTAMIE  ................................................................................................................  13  

LEÇONS  À  TIRER  À  PROPOS  D'ARTEFACTS  ARCHAÏQUES  ............................................................  13  

DES  LEÇONS  DE  L'HISTOIRE  .......................................................................................................  17  

ÉGYPTE  ............................................................................................................................  18  

LES  GRECS  ........................................................................................................................  20  

PÉRIODE  HELLÉNISTIQUE  .................................................................................................  23  

INDES  ...............................................................................................................................  28  

LES  ARABES  ......................................................................................................................  28  

TRADUCTIONS  LATINES  ET  MODERNISATION  DE  L'ALGÈBRE  .............................................  29  

QUELQUES  FAITS  NOTABLES  DANS  L'HISTOIRE  DE  LA  DIDACTIQUE  DE  L'ALGÈBRE  ............  33  

QUELQUES  APPROCHES  DIDACTIQUES  DES  DERNIÈRES  DÉCADES  .....................................  35  

RÉFLEXIONS  SUR  L'ÉVOLUTION  DE  L'ALGÈBRE  ..................................................................  36  

DIDACTIQUE  DE  L'ALGÈBRE  À  LA  LUMIÈRE  DE  L'HISTOIRE  ................................................  39  

LEÇONS  DE  L'ALGÈBRE  RHÉTORIQUE  .........................................................................................  39  

LES  LEÇONS  SUR  L'ÉVOLUTION  DES  REPRÉSENTATIONS  .............................................................  40  

LES  LEÇONS  SUR  L'ÉVOLUTION  DU  SYMBOLISME  ......................................................................  41  

LES  LEÇONS  SUR  LE  CONTRÔLE  ET  LA  PENSÉE  SYNTHÉTIQUE  .....................................................  42  

CONCLUSION  ...................................................................................................................  43  

BIBLIOGRAPHIE  ................................................................................................................  45  

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3

INTRODUCTION

Le but de ce texte est de jeter un regard sur l'évolution de la didactique de l'algèbre

dans le passé, de voir comment elle se manifeste aujourd'hui, où nous en sommes au

Québec et ailleurs du point de vue de la recherche et ce que les textes actuels nous

permettent d'anticiper ou d'envisager comme directions potentielles de celle-ci dans

les années futures. Malgré que cette visée soit particularisée, je tenterai, dans l'esprit

du cours, de tenir compte d'une perspective générale sur l'histoire de la didactique des

mathématiques.

DIDACTIQUE DE L'ALGÈBRE

Je décide d'aborder la didactique de l'algèbre en tant que champ particulier à

l'intérieur de celui de la didactique des mathématiques, même si ce sous-domaine

n'est pas nécessairement institué au point de vue de la communauté internationale des

chercheurs en tant que tel1. Je m'appuie sur cela sur le fait qu'il existe à l'UQÀM un

cours de ce nom, sur le fait qu'il existe bien des travaux, recherches et congrès ciblant

ce sujet particulier, et sur la bénédiction de Bernard Charlot (1995)!2. Bien que les

préoccupations d'en faire un savoir scientifique3, tout comme la didactique des

mathématiques en général, soient relativement récentes au regard des siècles où la

pensée algébrique a pu s'être manifestée, on peut cibler certaines actions de différents

acteurs du passé ayant pour but d'améliorer la présence et l'efficacité « du

didactique »4 comme dirait Chevallard (2010).

1 Remarque de Doris Jeannotte dans le cours du Séminaire de didactique. L'expression est cependant utilisée par Michèle Artigue « Enseignement et apprentissage de l’algèbre » http://educmath.ens-lyon.fr/Educmath/dossier-manifestations/conference-nationale/contributions/conference-nationale-artigue-1 mars 2012.

2 Les sciences engendrent des sous-disciplines qui revendiquent leur autonomie...

3 (...) archipels de concepts issus de coupures épistémologiques et non totalisables, formant théorie validée par un ilôt spécifique de rationalité, et produisant des savoirs soumis à des pratiques et des finalités mais différents de ceux-ci (Charlot, op. cit.).

4 chaque fois que quelqu'un veut faire apprendre quelque chose à quelqu'un.

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4

On pourrait en effet facilement croire que dès les premières manifestations de la

pensée algébrique dans l'histoire de l'humanité, il a été question de comprendre sa

nature, de questionner son utilité, de la partager et de la transmettre (faire acquérir) à

d'autres personnes. En ce sens, on a dû réfléchir à l'efficacité de ce partage, et viser à

l'améliorer, s'agissant là probablement des premiers balbutiements de sa didactique.

Cependant, l'histoire nous rapporte aussi des moments particuliers où les questions

d'enseignement et d'apprentissage sont devenues des questions primordiales et des

préoccupations de communautés locales, puis souvent internationales. Ces

préoccupations se sont manifestées dans le cadre des sciences de l'éducation et dans

celui des disciplines particulières comme les mathématiques. L'algèbre scolaire est

l'un de ces cas, puisqu'en tout temps, l'enseignement de ce sujet a posé de nombreux

problèmes didactiques5. Des ruptures importantes, en effet, se présentent dans la

cognition des élèves, face à cette première situation exigeant un niveau d'abstraction

supérieur à tout ce qu'ils ont connu. À défaut de franchir cet obstacle, l'algèbre

demeurera pour eux un monde mystérieux et effrayant où l'on doit appliquer des

règles sans signification à des objets qui n'en ont pas non plus, ou dont la signification

n'est plus celle à laquelle on est habitués. Dans un souci d'amélioration de la réussite

scolaire et l'avènement d'un nouveau paradigme visant à donner du sens aux activités

scolaires, surtout depuis l'instauration de la scolarité obligatoire pour tous, il a été

nécessaire de se pencher sur ce problème. La recherche en didactique tente alors de

comprendre les origines de ces difficultés, leur impact sur l'apprentissage et en quoi

elles sont constituées exactement. Une étude comparative sur la façon dont les

concepts ont évolué historiquement permet dans certains cas de poser des hypothèses

sur les aspects épistémologiques de ces entraves (Charbonneau, 1996). D'autres

questions sont soulevées par la même occasion, soit les choix curriculaires et les

pratiques enseignantes.

5 Ex.: coupure didactique lors du passage à ax+b=cx+d (Filloy et Rojano, 1984).

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5

Selon les communautés, les réflexions se sont taillé des cheminements plus ou moins

indépendants et ont été alimentées par différentes sources en sciences humaines,

comme la psychologie, la sociologie, l'ethnologie, et même la psychanalyse et on

s'attend à une influence prochaine de nouveaux domaines comme la neurodidactique,

et des conséquences encore peu éclairées de l'évolution frénétique de la technologie.

Toutes ces visions paradigmatiques ont entraîné la mise au point de différents cadres

théoriques et conceptuels conditionnés par les visions de l'apprentissage qui en

découlent, modulant la lecture des interactions didactiques par leurs tenants.

Pour cette raison, il n'est pas prudent de ne s'en tenir qu'à l'aspect didactique moderne.

Il faut donc tenter de suivre les traces de toute activité algébrique au fil des siècles, du

moins en ce qui concerne les changements importants que nous pouvons percevoir.

Avant la venue historique d'une préoccupation et d'approches articulées de l'étude des

phénomènes didactiques, peu de documentation sera évidemment accessible à ce sujet

en lien avec les événements du passé, ce qui rend hasardeux et subjectif

l'interprétation de ces éléments autrement que par des hypothèses.

Pour être en mesure de discuter des traces de l'algèbre dans l'histoire, et d'en tirer des

observations didactiques, il est nécessaire de cerner le champ sémantique du mot

« algèbre » lui-même, soit de tenter d'extraire sa saveur ontologique et

épistémologique. Allons voir ce qu'en ont dit certains chercheurs dans les récentes

décades.

VISION DE L'ALGÈBRE PAR DES DIDACTICIENS ET CHERCHEURS –

NATURE ET OBSTACLES

Pour « faciliter » la démarche, citons Carolyn Kieran (2007): Le concept d'algèbre et

son enseignement varient d'un pays à l'autre, et même à l'intérieur d'un même pays.

On peut en effet constater dans les manuels scolaires des écarts importants dans les

approches utilisées. Une étude de Sierpinska et Hardy (2011) montre que dans une

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sélection de manuels d'algèbre en français et en anglais au Québec, une approche

technique était adoptée systématiquement dans les manuels anglophones alors qu'on

abordait la matière de façon beaucoup plus conceptuelle dans le manuel francophone.

Ce genre de situation a aussi été signalé aux États-Unis et est sûrement présente dans

de nombreux pays. Donc même aujourd'hui, plusieurs voient l'algèbre comme un

ensemble de techniques à enseigner, indépendamment d'un sens externe. On se situe

alors dans l'optique suivante: science de la résolution des équations par la

manipulation de symboles, du IXe siècle jusqu’au milieu du XXe siècle (Kieran 2014).

Il appert que cette vision ne sera pas rejetée, mais qu'elle sera considérée comme l'un

des nombreux aspects intervenant dans l'activité algébrique et non plus le seul.

D'autres visions de l'algèbre y rattachent du sens. Mais quelles sont ces visions?

Usiskin (1988) affirme que l'utilité de l'algèbre est déterminée par la conception qu'on

en a au moment de l'utiliser, et qui est associée au niveau d'importance relative

donnée aux différents usages de la variable6.

Purposes for algebra are determined by, or are related to, different conceptions of

algebra, which correlate with the different relative importance given to various uses

of variables7.

La première conception mentionnée est celle d'arithmétique généralisée, où les

variables8 sont des « pattern generalizers » pour obtenir, par exemple a + b = b + a

6 En des mots un peu différents, Stacey (2009) et Kaput (1995) rejoignent sensiblement les mêmes idées.

7 Comme on le verra au cours de la discussion, le mot « variable » sera réservé à un usage particulier et non à une désignation générale d'un symbole. J'opte ici, comme Jeannotte (2012), pour le mot « lettre ».

8 Dans ce cas précis, j'aurais plutôt tendance à parler de « nombre généralisé » que de « variable » et d'utiliser le mot « lettre » pour parler du symbole. Comme dans Jeannotte (op. cit.).

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à partir d'une égalité comme 3 + 5,7 = 5,7 + 3. Il n'y a pas de concept d'inconnue. Ce

sens se prête bien à la modélisation de phénomènes par exemple par une droite de

régression ou le terme général d'une suite polygonale. Chaque valeur permise des

lettres instancie le modèle en l'un des éléments de l'ensemble dont il décrit une

propriété. Dans cette catégorie, Usiskin inclut les raisonnements de généralisation ne

faisant pas appel à une lettre (ex.: pour inférer la loi des signes à partir d'une suite

d'égalités). Traduire et généraliser sont les mots-clés associés à cette conception.

Sa deuxième conception consiste à étudier les procédures pour résoudre certains types

de problèmes. Poser l'équation à partir de la formulation d'un problème écrit ou

géométrique se rapporte pour lui à la première conception, car la lettre substitut n'a

pas vraiment encore acquis le statut d'inconnue et il n'est pas encore question de

l'isoler9. Le problème est modélisé, algorithmisé, mathématisé. Mission accomplie ! Il

semble donc que la première conception de Usiskin soit compatible aux activités de

type générationnel de Kieran (2014). L'actualisation de la deuxième conception

suppose donc qu'il y a transformation des expressions par l'application de règles10,

comme par exemple dans une expression contenant une inconnue et que l'on effectue

un traitement symbolique pour que l'inconnue devienne connue, ou encore lors d'une

factorisation. Plusieurs auteurs on noté la difficulte des élèves à passer d'une pensée

arithmétique qui va du connu à l'inconnue (synthétique) vers une pensée algébrique

(analytique) où on opère sur l'inconnue comme si elle était connue, vers le connu

(Kieran, Usiskin, op. cit.). Radford et Grenier (1996), ont bien illustré la rupture

didactique identifiée par Filloy et Rojano (1984) lorsque les élèves sont confrontés à

des équations où l'inconnue est présente des deux côtés de l'égalité. La procédure

arithmétique du cheminement inverse devient impossible et le passage au

9 Ce serait donc à cette étape que se pose la difficulté connue liée au problème students-and-professors signalée par Kaput au journal JCMB. En appendice.

10 Encore une fois, on peut faire un lien avec Kieran, dont les activités de type transformationnel incluraient cette deuxième conception de Usiskin.

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raisonnement algébrique ne peut plus être évité. C'est un passage obligé sous peine de

stopper l'apprentissage. Simplifier et résoudre sont les mots d'ordre de cette deuxième

conception de l'algèbre qui concerne la lettre en tant qu'inconnue ou constante.

Usiskin n'aborde pas directement la signification épistémologique des activités de

transformation et de leurs règles, du concept de relation d'équivalence et autres

subtilités d'interprétation (du moins dans le texte cité), questions auxquelles je vais

m'attarder dans un autre texte.

Sa troisième catégorie concerne les relations entre les quantités, par exemple, dans la

formule F = ma. C'est une relation entre les trois quantités variables. Par exemple, on

peut se demander ce qui arrive à a si F augmente. Les lettres ne sont pas traitées ici

comme des inconnues. Elles ne représentent pas non plus la généralisation d'un

certain pattern; deux lettres parmi trois peuvent varier ad libitum, ce qui est vraiment

caractéristique de l'algèbre (les lettres sont des variables). Le lien fonctionnel entre

les lettres fait qu'elles sont soit des paramètres (lettre représentant une valeur dont les

autres valeurs dépendent11) ou des arguments (variable dont la valeur est tirée de son

domaine). C'est seulement dans ce type de situation que l'on peut parler de variable

dépendante12 et de variable indépendante. De plus, en voyant une fonction comme un

ensemble de couples ordonnés, le choix des symboles est arbitraire. Une variable est

un objet qui peut potentiellement prendre n'importe quelle valeur dans son domaine.

Relation et graphe sont les mots-clés. Dans ce cas, on pourrait considérer que la

nature fonctionnelle de la relation est prise en compte lors des activités de type global

/ meta dans Kieran avant de faire appel à l'étape de génération de l'expression et lors

de l'interprétation du résultat suite aux transformations. 11 Au lieu de cette vision de fonctionnelle de paramètre, je préfère le voir comme une constante arbitraire. Chaque valeur permise définit un « cas de figure », par exemple dans une famille de droites. Ainsi, une constante peut être vue comme un paramètre qui ne peut admettre qu'une seule valeur.

12 Je vois ici une confusion qui permet de voir un paramètre comme une variable indépendante dont dépend la variable dépendante. Je préfère distinguer ces deux types d'usage de la lettre.

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9

La quatrième conception de Usiskin est que l'algèbre est une étude des structures.

Par exemple, lors de la factorisation ou lors de la demonstration d'une propriété entre

les nombres. Ce rôle de la variable est différent de celui présent dans les trois autres

cas. C'est une marque sur le papier, un objet réifié.

In these kinds of problems, faith is placed in properties of the variables, in

relationships between x's and y's and n's, be they addends, factors, bases, or

exponents. The variable has become an arbitrary object in a structure related by

certain properties. It is the view of variable found in abstract algebra (Usiskin, op.

cit.).

Manipuler et justifier peuvent représenter cette représentation de l'algèbre.

Une interprétation similaire à la précédente pourrait s'appliquer au modèle de Kieran.

Niveau global /meta pour savoir ce qu'on doit faire, et réinterpréter à la fin, et

activités transformationnelles pour le réaliser. Cette partie relève d'une pensée

algébrique analytique au plus haut point.

Sauriez-vous maintenant associer, dans chacun de ces cas, le rôle joué par la lettre et

la nature de l'égalité?

1.      𝐴 = 𝐵  ×  𝐻

2.      40 = 5𝑥

3.    sin 𝑥 = cos 𝑥 • tan 𝑥

4.     𝑛 + 1 ! − 𝑛! = 2𝑛 + 1

5.      𝑦 = 𝑚𝑥 + 𝑏

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10

Avant de clore cette partie, observons que Louis Charbonneau (1992) voit l'algèbre

sous un autre angle. Il propose que l'algèbre, c'est l'ensemble des moyens mis à la

disposition des mathématiciens pour résoudre des problèmes qui se feraient avec des

équations de nos jours: proportionnalité, géométrie, arithmétique, fausse position (ou

double), recettes des scribes babyloniens. En ce sens, il rejoint certaines idées d'un

texte publié dans le toute première revue L'enseignement mathématique13:

L'Algèbre réalise l'harmonie et l'union de l'Arithmétique et de la Géométrie, (...) elle

est une branche nouvelle qui subordonne les deux autres à son universalité.

et de Lefebvre (1897):

Sous le nom d'ALGÈBRE, nous entendrons ici, non pas tant la science des formules,

ou cet art de représenter par des écritures symboliques les relations mathématiques

entre les quantités, mais cette Mathématique générale, qui a pour objet la résolution

générale des questions numériques, soit pures, soit appliquées à la Géométrie ou à la

Mécanique.

Charbonneau distingue deux courants dans l'histoire de l'algèbre, et trois stages: le

courant géométrique dont Al-Khwârizmî et Cardan font partie, et le courant

numéricien avec Diophante (se termine avec le Ars Magma de Cardan, 1547 et Viète,

1591). La nouvelle algèbre de Viète dépasse ces deux courants avec un virage résolu

vers le traitement symbolique.

Le premier stage qu'il identifie, l'algèbre rhétorique, concerne la période avant

Diophante (250 A.D.); l'algèbre syncopée, allant de Diophante à la du fin 16e siècle

13 Considérations sur l'enseignement des mathématiques dans les classes de spéciales

en France. L'enseignement mathématique. vol.1, cahier 1, 1899.

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(abréviations pour les quantités inconnues à découvrir - pas de généralité); et algèbre

symbolique à partir de Viète: usage de lettres pour des quantités données,

généralisation de solutions et de relations numériques.

Selon Harper (1987), les élèves passent par ces étapes aussi et en arrachent avec la

faible fonction sémantique et décontextualisée de la notation algébrique moderne.

Harper mentionne aussi que près de la moitié des élèves ont utilisé plus volontiers

l'algèbre rhétorique que l'algèbre symbolique, et ont mieux réussi ainsi, dans une

tâche par exemple où il faut démontrer qu'il existe toujours une paire de nombres dont

la somme et la différence sont données. L'histoire nous laisse voir que la pensée

opérationelle émerge plus facilement que la pensée structurelle, et que cette dernière

émerge plus facilement en contexte géométrique (Charbonneau, op. cit.). Clement

(1982), dans le problème de students-and-professors a aussi constaté une performance

nettement supérieure si les élèves devaient l'aborder sous forme de programme

informatique. Sfard (op. cit.) souligne également que la fluidité de pratique et la

compréhension des manipulations algébriques émergent l'un en lien avec l'autre et

sont en quelque sorte l'un préalable à l'autre14. Elle cite Cardan en exemple dans sa

laborieuse domestication des nombres complexes.

Lefebvre (1897), quant à lui, considère que l'histoire des mathématiques se partage en

trois périodes: l'Antiquité, ou la période géométrique; le Moyen-Âge, ou la période

arithmético-algébrique, et les temps modernes.

Pour terminer cette réflexion sur la nature de l'algèbre (qui en fait n'est qu'un début),

il fait être conscient qu'avec la technologie, l'identificateur (ce n'est pas

nécessairement une lettre) peut être utilisé à toutes ces sauces, en plus d'avoir un

14 « abstract objects and computational processes, as different as they may seem, are but opposite sides of the same coin » ou si on veut, dialectique opérationnel / structurel. Ex.: évolution du concept de nombre dans l'histoire.

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12

fonctionnement particulier et que les égalités sont des affectations dans la plupart des

langages. Les systèmes de calcul formel nous questionnent sur l'avenir et la place de

l'algèbre dans le curriculum. Évidemment, ce survol est nécessairement bien

incomplet; certains chercheurs non cités peuvent avoir d'autres perceptions de

l'algèbre et je ne reprends pas ici tous les obstacles connus15, pourraient facilement

entraîner l'écriture d'un autre chapitre ultérieurement, et les différentes entrées dans

l'algèbre (résolution de problèmes, Early Algebra, algorithmique, modélisation, etc.).

Certaines de ces entrées seront cependant survolées dans la section « Quelques

approches didactiques des dernières décades ».

Nous sommes maintenant un peu plus instrumentés pour observer les éléments

historiques.

ARTÉFACTS ET ÉVÉNEMENTS DU PASSÉ – UNE LECTURE DIDACTIQUE

Les traces de ce type d'activité nous sont parvenues à travers les siècles grâce à de

précieux artefacts. Les tablettes d'argile et les papyrus de l'antiquité constituent les

plus anciens documents qui témoignent de la présence de mathématiques laissant

supposer une certaine activité algébrique. Les chercheurs ne sont pas unanimes dans

plusieurs cas à savoir s'il s'agit principalement d'une forme de pensée caculatoire

numérique, de raisonnements de type algébrique ou basés sur une l'interprétation de

la manipulation naïve de figures géométriques. Certains éléments culturels viennent

appuyer leurs positions, mais le manque de corroboration par une plus ample

connaissance des contextes sociaux, économiques, culturels, des valeurs en cours et

15 (pratiques enseignantes et leurs erreurs, leur formation; traitement dans les manuels; contamination des notations par l'informatique ( 2x = 3) *.5; ambiguïtés de notations: 2/3x, 2 1/3x, sin a-b, (1)x; perception des expressions; concept de variation, comparaison, croissance; maîtrise des systèmes de nombres; genèse «instrumentale» du symbolisme; transpositions et transferts (tuiles algébriques, logiciels métaphoriques...); contrat didactique (âge du capitaine); techniques aveugles mémorisées; prise en compte des préalables,...)

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13

des finalités des activités dont nous avons les traces rendent souvent leur position

réinterprétable, sans nécessairement être réfutable.

Quelques exemples seront donnés, qui pourraient laisser voir différentes visions d'une

activité algébrique ou même d'une activité didactique y ayant rapport.

MÉSOPOTAMIE

LEÇONS À TIRER À PROPOS D'ARTEFACTS ARCHAÏQUES

Babylone se situait à environ 100 km au sud de la ville actuelle de Bagdad16. La

Babylonie s'étendait principalement dans le sud de la Mésopotamie17. On y utilisait

les tablettes d'argile sur lesquelles on consignait des informations à l'aide de

caractères cunéiformes18. L'écriture naît d'abord du besoin d'organiser l'irrigation et

le commerce. Conjointement à la naissance de l'écriture naissent les premières

mathématiques utilitaires (économie, calculs de surface)19. Le cunéiforme a été

déchiffré il y a environ 150 ans20 et les premiers documents sumériens ont été publiés

il y a environ 100 ans. Il en existerait autour d'un demi-million couvrant environ trois

millénaires, soit jusqu'à la chute de Babylone21 vers -540.

16 La première dynastie babylonnienne s'est établie à l'ère de bronze moyen du 18e au 17e siècle avant notre ère. Elle a été précédée par les premières civilisations sumériennes et akkadiennes. http://timerime.com/en/event/133934/mesopotamian+timeline+in+a+single+picture

17 En appendice de ce document se trouvent des cartes, des chronologies et des images des artefacts dont il est question. Ce choix a été fait dans le but d'alléger le document principal.

18 Les plus anciennes formes d'écriture retrouvées remontent vers la fin du 4e millénaire avant notre ère, soit vers le début de la civilisation sumérienne.

19 https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_des_math%C3%A9matiques

20 In 1857 the four men met in London and took part in a famous experiment to test the accuracy of their decipherments. Hincks and Rawlinson, Julius Oppert, and British Orientalist William Henry Fox Talbot. Hincks' and Rawlinson's versions corresponded remarkably closely in many respects. https://en.wikipedia.org/wiki/Cuneiform

21 https://fr.wikipedia.org/wiki/Tablette_d%27argile

Page 14: UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL UNE PETITE HISTOIRE DE LA

14

Le lot le plus important de tablettes est celui découvert en 1979 dans le temple de

Nabû ša harê. Il s'agit de plus de deux mille tablettes scolaires réalisées par des

apprentis-scribes.22

Les anciens Sumériens, au 3e millénaire avant notre ère, ont laissé des tablettes avec

des tables de multiplication et des énoncés de problèmes géométriques.

Il n'est pas dit qu'il n'y en avait pas d'autres encore plus anciennes mais nous ne le

saurons peut-être jamais, le temps ayant vraisemblablement fait son œuvre de

destruction. Seule les tablettes cuites avaient la possibilité de survivre aussi

longtemps et les autres étaient recyclées.

On en connaît quelque 400 de la deuxième moitié de la période paléo-babylonienne

contenant des mathématiques (-1800 à -1600). Elles traitent entre autres de fractions,

« d'équations » du deuxième et du troisième degré, et l'une d'elles, la YBC 7289 (dans

la Yale Babylonian Collection, no 7289, depuis 1912), donne la plus ancienne

représentation connue d'une valeur approchée de 2 à 4 chiffres hexadécimaux

 1  +   !"!"  +   !"

!"

!  +   !"

!"

! soit environ l'équivalent de six chiffres décimaux

(erreur de 6 x 10-7).23

L'extrait suivant donne une lecture moderne d'algorithmes anciens. Il faut donc

penser, prudemment, que ce qui est décrit ne traduit pas nécessairement les façons de

procéder réelle quand on parle de manipulations algébriques, mais le résultat était

équivalent d'un point de vue algorithmique. Les Babyloniens utilisaient des tables de

carrés et de cubes pour résoudre des « équations »24 avec l'équivalent de la formule

22 https://fr.wikipedia.org/wiki/Babylone

https://fr.wikipedia.org/wiki/Math%C3%A9matiques_babyloniennes

23 https://fr.wikipedia.org/wiki/YBC_7289

24 Les guillemets sont de moi.

Page 15: UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL UNE PETITE HISTOIRE DE LA

15

quadratique pour une équation de la forme x2 +bx = c avec c >0 (solution positive

évidemment!). Par exemple pour trouver les dimensions d'un rectangle connaissant

son aire et la différence de ses dimensions, ils pouvaient se ramener à cette forme. Ils

pouvaient également résoudre certaines équations de la forme ax3 + bx2 =c en les

ramenant sous la forme  𝑦! + 𝑦! = !!!

!! (par une substitution  𝑦 = !"

!  ) et en consultant

une table de valeurs de n3+n2.25

Si on se fie à l'extrait suivant, aucune théorisation ne venait supporter les solutions

enseignées et la transmission du sens est absente. Elles étaient consignées, dictées et

appliquées de façon algorithmique et séquentielle. L'aspect didactique était donc

assez limité. On donnait des méthodes à appliquer, dont bien peu de gens devaient

comprendre les rouages. On pourrait comparer aujourd'hui cette approche avec celle

d'un enseignant qui donne la formule quadratique à ses élèves et leur montre à

substituer les coefficients sans expliquer l'origine de la formule, sa signification et sa

justification. C'est donc une approche strictement procédurale qui correspond à une

transmission directe d'une connaissance.

-3500 Le support d'écriture en Mésopotamie était l'argile présente sous de

nombreuses formes, en tablette bien sûr, mais aussi en forme de cylindres ou de

prismes. C'est sur des tablettes d'argile babyloniennes qu'on trouve la trace des

premières mathématiques. Les quatre opérations de base se faisaient à l'aide de

tables et la résolution de problèmes pratiques à l'aide de mots détaillant toutes les

étapes. Bien que ces méthodes n'étaient pas pratiques à l'usage, elles avaient le

mérite de fonctionner et de permettre de résoudre des équations allant jusqu'au

troisième degré. Pas plus qu'en Égypte il ne semble y avoir eu de théorisation de ces

algorithmes. On ne donnait que des exemples empiriquement constitués, certainement

répétés par les élèves et les scribes. À ce titre, il s'agit donc d'un savoir-faire

25 https://fr.wikipedia.org/wiki/Math%C3%A9matiques_babyloniennes

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empirique, transmis comme tel, et non d'une science mathématique rationnelle26.

Cependant, cet algèbre ne sera pas étendu et il faudra attendre les travaux des

mathématiciens musulmans pour développer cet aspect des mathématiques27.

(c'est moi qui souligne)

Le but de ces tablettes était tout de même de préserver des connaissances utiles à

leurs sociétés, comme les calculs pour l'arpentage, le partage d'héritage ou pour des

besoins économiques ou d'enseignement.

Avant l'invention des équations 2000 ans avant JC , on résolvait déjà des équations28

afin de faire le partage des récoltes entre le Pharaon, les prêtres et les ouvriers29.

Une autre tablette babylonienne30 (no 13901) est peut-être plus intéressante en ce sens

qu'elle soulève une polémique sur la nature algébrique de son contenu. Elle

comportait à l'origine environ vingt-quatre problèmes et leurs solutions, dont 21 ont

pu être récupérés sur la partie intacte. Elle date du début du 18e siècle avant notre ère.

Notons d'abord que chaque problème est énoncé à la première personne et que la

procédure de solution l'est à la deuxième personne, ce qui indique clairement l'usage

pédagogique du document.

Les problèmes sont classés suivant une progression pédagogique au point que

Maurice Caveing [(1994)] qualifie cette tablette de « véritable petit manuel

26 http://www.chronologie-encyclopedique.fr/?em_x=22

27 https://fr.wikipedia.org/wiki/IVe_millénaire_av._J.-C.

28 Je souligne car il s'agit d'une interprétation.

29http://www.geometry.net/detail/scientists/tartaglia_niccolo_fontana_page_no_3.html

30 https://fr.wikipedia.org/wiki/BM_13901

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d'algèbre, consacré à l'équation du second degré et aux systèmes d'équations, et

donnant les procédures résolutoires fondamentales »31.

Neugebauer (1957, 1969) conclut à la maîtrise de l'algèbre par les paléo-babyloniens

en observant que le scribe n'hésite pas à ajouter un côté à une superficie au mépris de

l'homogénéité des grandeurs.

Cependant Jens Høyrup (2013) a montré qu'on pouvait parfaitement, et de façon

cohérente avec le niveau des autres écrits du temps, interpréter la démarche par un

travail élémentaire sur des figures géométriques qui mette ainsi en lumière la

procédure suggérée. Pour ce faire, une traduction plus nuancée a cependant été

nécessaire. Il a fallu comprendre, en particulier, que les Babylonniens considéraient la

largeur d'un segment comme étant de mesure 1, ce qui laisse sous-entendre une

certaine forme d'homogénéisation de « l'équation », un peu comme avec Viète le

faisait encore, beaucoup plus tard.

On voit donc que la nature du traitement utilisé est interprétée de façon différente

selon les historiens mais que celle de l'arithmétique géométrique semble la plus

probable en fonction des autres artefacts provenant du même contexte et de

l'agencement naturel de la description de Høyrup avec les manipulations

géométriques associées.

DES LEÇONS DE L'HISTOIRE

Tirons leçon de cette saga en adoptant une plus grande prudence quand à

l'interprétation des traces. De l'histoire, mais aussi dans les travaux d'élèves. Le

chercheur ne peut que faire des suppositions sur ce que l'élève a vraiment exprimé de

ses processus cognitifs à moins de recourir à d'autres processus de validation, comme

l'entrevue. Dans le cas de l'histoire, évidemment, comme cette option n'est pas

31 https://fr.wikipedia.org/wiki/BM_13901#Neugebauer1957

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18

disponible, il faut en savoir le plus possible sur le contexte, dans ses aspects culturels,

sociaux, politiques, etc.

Une leçon semblable pourrait être prise grâce au travail de Eleanor Robson (2001)

(Oxford), qui en est venue à la conclusion que la tablette Plimpton 322 (≈ -1700) a été

créée comme aide à l'enseignant pour générer des problèmes impliquant des triangles

rectangles et des paires réciproques mais d'une façon plus élémentaire et

vraisemblable que ce que Neugebauer avait imaginé (setting a = 2pq, b = p2 - q2, and c

= p2 + q2, with integers p and q (with p > q)). Peut-être M. Neugebauer avait-il négligé

de se positionner dans le contexte cognitif de l'époque et avait-il fait appel à une

hypothèse relevant trop de sa façon personnelle de penser.

Robson offers a new translation: “The holding-square of the diagonal from which 1

is torn out, so that the short side comes up.” That reading, she says, aligns well with

the Old Babylonian approach to solving reciprocal-pair-type problems and with

other mathematical tablets of the time. So it seems that the author of Plimpton 322

was no lone genius—but he was probably a very good teacher.

ÉGYPTE

Les Égyptiens32 ont utilisé les mathématiques principalement pour le calcul des

salaires, la gestion des récoltes, les calculs de surface et de volume et dans leurs

travaux d'irrigation et de construction33.

32 L'état égyptien et la fondation de sa capitale Memphis remonteraient à -3100. https://fr.wikipedia.org/wiki/IVe_mill%C3%A9naire_av._J.-C.

Dès cette époque, l'existence d'un territoire défini, d'une autorité unique, d'une idéologie royale, d'une écriture, d'un artisanat de luxe et d'échanges commerciaux avec des pays assez lointains tels que la Palestine, d'un système fiscal et d'une administration hiérarchisée conduit à conclure que l'Égypte est bien entrée dans l'histoire durant cette période de transition qui sépare, entre -3200 et -3100, la culture de Nagada II et la première dynastie. C'est par la soumission du Delta - obtenue sans doute par la force, ce que semble confirmer la palette de Narmer - que s'est réalisée l'unité. Nagada III, la culture de Nagada III (-3300 / -3150) voit l'unification des traits culturels dans la vallée du Nil et le delta. A la fin de Nagada III, la structure du schéma décoratif se modifie, les scènes s'organisent en registres, les premières notations hiéroglyphiques apparaissent.

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19

Du côté de l'Égypte, certains papyrus datant du Moyen Empire34 ont péniblement

survécu au temps. Le papyrus Berlin 6619, dont les fragments ne permettent que de

reconstituer deux problèmes écrits en hiératique35, propose des situations

correspondant à des équations du deuxième degré. Les solutions, données sous forme

d'instructions, pourraient s'interpréter de façon algébrique ou par une méthode de

fausse position36.

Or il me semble difficile de ne pas remarquer la similarité de situation avec la tablette

Plimpton qui donnait des triplets pythagoriciens, interprétable dans un contexte de

paires réciproques (inverses modulo 60) et de découpage de figures. Il se pourrait très

bien, encore une fois, que d'autres interprétations puissent être possibles.

Le papyrus de Moscou37 (≈ -2000), avec ses 25 problèmes et leurs solutions écrits en

hiéroglyphes, présente aussi un intérêt pédagogique. On pourrait voir dans ces

archives des éléments dont nous dirions aujourd'hui qu'ils sont en lien avec une

genèse documentaire d'un pédagogue de l'époque.

Le papyrus de Rhind38 (-1650), quant à lui, comporte 87 problèmes mathématiques

écrits en hiératique, dont plusieurs présentent encore des caractéristiques

Champollion. Précis du système hiéroglyphique des anciens Égyptiens (1824)

33 https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_des_math%C3%A9matiques

http://www.ams.org.proxy.bibliotheques.uqam.ca:2048/samplings/happ5-history.pdf

34 -2033 à -1786 https://fr.wikipedia.org/wiki/Moyen_Empire_égyptien

35 L'écriture hiératique est une simplification des hiéroglyphes. Une simplification subséquente donnera l'écriture démotique. https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89criture_hi%C3%A9ratique

36 https://fr.wikipedia.org/wiki/Papyrus_Berlin_6619

37 https://fr.wikipedia.org/wiki/Papyrus_de_Moscou

38 https://fr.wikipedia.org/wiki/Papyrus_Rhind déchiffré en trois ans par Eisenlohr et publié et commenté par lui en 1877 (Lefebvre, op. cit.).

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20

« algébriques ». Les problèmes 24 à 34 concernent la résolution d'équations (premier

et second degré) selon une façon compatible avec la méthode de fausse position et les

numéros 41 à 60 des problèmes d'arpentage.

Remarquons ce extrait particulièrement intéressant:

Certains fonctionnaires, dans les Maisons de Vie, sont de véritables chercheurs

pluridisciplinaires, en mathématiques, en astronomie, en médecine. Les scribes ne se

cantonnent pas à l'empirisme, ils procèdent à une certaine conceptualisation des

problèmes39.

On y parle de ce qui de ce qui pourrait ressembler à une version antique de « chaires

de recherche ». La présence de documents ayant une nature pédagogique et ce qu'on

dit des scribes pourrait laisser supposer que les recherches en mathématiques citées se

sont aussi penchées sur la façon de transmettre le savoir, donc avec une hypothétique

préoccupation didactique.

LES GRECS

Cet extrait parle de l'influence importante de l'Égypte sur les mathématiques

grecques.

C'est à Alexandrie, justement, que viendront se former les scientifiques grecs, et

Euclide passera sa vie en Égypte, Thalès et Pythagore y étaient venus, Platon aussi

semble-t-il. Ce n'est qu'avec les Grecs qu'apparaîtront les démonstrations.

(...) On sous-estime encore trop souvent la science égyptienne, alors que c'est elle qui

a nourri la science grecque à Alexandrie. Les Égyptiens, doués d'un esprit

Selon Chace, Bull et Manning (1927), il serait lui-même la copie d'un document datant entre -1850 et -1800.

39 https://fr.wikipedia.org/wiki/IVe_mill%C3%A9naire_av._J.-C.

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scientifique aussi bien théorique que pratique, sont, via les Grecs, une source

essentielle de la science moderne.40

On apprend donc de cet extrait que le savoir mathématique est le produit

d'interactions entre cultures géographiquement différenciées et de transmissions

soumises à différentes caractéristiques des civilisations, le tout s'inscrivant dans un

décours temporel. Ce qui vient appuyer la thèse que la prise en compte du facteur

culturel dans l'enseignement a une importance non négligeable.

Ici, notons que Lefebvre (1898) dit cependant, ce qui ne contredit rien: « Les

connaissances scientifiques du pays des Pyramides paraissent dériver primitivement

de la Chaldée. » et que les Chaldéens « (...) savaient résoudre des problèmes

dépendant d'équations du premier degré à deux inconnues (...) ».

Il dit aussi ceci, qui est une prise de position importante: « (...) la méthode employée

plus tard en Algèbre et qui consiste à traiter dans les équations les quantités

inconnues comme si elles étaient connues, n'est, en fait, que cette méthode analytique

déjà introduite en Philosophie par Platon (République, VI). »

Et encore sur la chronologie de Wikipedia:

Les sciences grecques héritent du savoir babylonien et, directement à Alexandrie, des

connaissances scientifiques égyptiennes.(...) Les Grecs sont considérés comme les

fondateurs des mathématiques, car ils ont inventé ce qui en fait l'essence même : la

démonstration. Thalès est parfois considéré comme le premier philosophe qui eut

l'idée de raisonner sur les êtres mathématiques en eux-mêmes, sans plus s'aider de

figures empiriques. L'arrivée de la preuve mathématique est certainement liée à

l'installation de la démocratie et à la nécessité de démontrer la véracité de son 40 http://www.chronologie-encyclopedique.fr/ Remarquons que ce texte, ainsi que d'autres pris dans Wikipedia, portent certaines opinions et sont cités sous réserve. Les extraits suivants viennent principalement de cette même source.

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discours, mais c'est avec Euclide qu'elle apparaît comme une composante intrinsèque

de la pensée mathématique. (...). Le calcul sera avec l'algèbre l'une des grandes

avancées des mathématiques arabes. On peut retenir parmi les savants Grecs les plus

connus, dans l'ordre chronologique, Thalès, Pythagore, Hippocrate, Aristote, Euclide

et Archimède.

Ce qui est dit de Thalès et Platon semble d'une importance majeure, soit la réalisation

d'un pas vers l'abstraction, étape nécessaire à un développement plus substantiel des

idées mathématiques. Le lien causal qui est fait entre la montée de la démocratie et le

besoin d'établir la preuve en mathématique constitue une hypothèse intéressante qui

mérite réflexion. La nécessité de se justifier constituerait alors un élément culturel

ayant influencé contextuellement l'évolution des mathématiques.

-582 à -496 - naissance et mort de Pythagore de Samos. Mathématicien et

philosophe grec. (...) Il a par ailleurs donné son caractère scientifique aux

mathématiques en les séparant de la religion et en imposant la numération décimale.

Autre fait marquant, qui change la perception des mathématiques et qui commence à

définir leur ontologie. La séparation entre la science et la religion n'est pas encore

accomplie à ce jour, et le choc des civilisations en cours pourrait nous ramener à

gérer de telles questions. L'apport de la numération décimale est également un

avancement majeur qui va simplifier la vie aux futurs mathématiciens. Certains

attribuent à l'école de Pythagore une orientation graduelle de l'arithmétique

géométrique à l'algèbre géométrique.

La crise des incommensurables issue de l'école de Pythagore a posé un problème

quant à la validité des preuves qui ne pouvaient que s'appliquer aux rationnels par la

façon dont elles ont été établies, tel que soulevé par Zénon (-490) à l'aide de ses

célèbres paradoxes. Aristote (-384) avec l'Organon fournit les bases d'une

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23

argumentation logique (ce qui fera évoluer les concepts de preuve et de

démonstration et permettra la réfutation des paradoxes suite aux travaux d'Euclide).

Une analyse détaillée de ces enchaînements dans l'évolution de la connaissance

pourrait venir éclairer certaines conceptions didactiques.

PÉRIODE HELLÉNISTIQUE

Les conquêtes d'Alexandre le Grand (-331) ont eu pour conséquence de diffuser les

connaissances des Babylonniens auprès des Grecs et des Égyptiens, héritage ayant

probablement influencé Hipparque, Ptolémée, Héron et Diophante.

-300 à -280 - naissance et mort de Euclide. On ne sait que peu de choses d'Euclide,

hormis qu'il vécut à Alexandrie peu avant Archimède et qu'il y fonda l'École de

Mathématiques qui rendit la cité antique célèbre. Son oeuvre, 'Les Éléments',

rassemble toute la connaissance mathématique de l'époque mais a aussi jeté les bases

de la pratique scientifique de la pensée.

De ces quelques phrases se dégagent encore des idées importantes. L'établissement de

cette école permet la diffusion des savoirs de l'époque, en attirant par sa renommée

les grands penseurs des régions avoisinantes. On suppose l'établissement d'une

communauté de recherche, ancêtre des nôtres. On voit que dès ces époques, on a

compris les avantages de la collaboration. Les Éléments montrent l'importance des

travaux de synthèse pour l'avancement de la science. C'est aussi pourquoi les articles

de synthèse sont des références précieuses de nos jours. On assiste encore une fois à

une évolution du niveau de réflexion et à un autre pas vers un traitement scientifique

des connaissances par l'importance accordée à la rigueur de la pensée.

Le livre VI d'Euclide, synthétisant les résultats géométriques, viendra au secours de la

crise des incommensurables. Le Livre V des éléments permettra de leur trouver une

niche ainsi que pour les phénomènes de convergence, tout en conservant les

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propriétés algébriques exprimées maintenant sous forme d'axiomes. Il résume aussi la

théorie de la proportionnalité élaborée par Eudoxe.

Le deuxième livre comporte de nombreuses propositions établissant des relations

entre divers éléments de figures, qui pourraient s'interpréter comme un certain genre

de relations algébriques. Dans l'exemple de la proposition X, la preuve donnée est

cependant mixte. Elle se base sur trois applications du théorème de Pythagore

(proposition XLVII, livre I) mais utilise des substitutions qui semblent de nature

algébrique.

Par exemple: « PROPOSITION X

Si une ligne droite est coupée en deux parties égales [un segment AB de milieu C]41,

et si on lui ajoute directement une droite [segment BD], la quarré de la droite entière

avec la droite ajoutée [segment AD], et le quarré de la droite ajoutée [segment BD],

étant pris ensemble, sont doubles du quarré de la moitié de la droite entière [moitié

du segment AB, soit AC], et du quarré décrit avec la droite composée de la moitié de

la droite entière et de la droite ajoutée [segment CD], comme avec une seule droite. »

Cet énoncé pourrait se noter ainsi: mAD²+mBD² = 2(mAC²+mCD²). On peut

voir qu'il s'agit d'une identité en décomposant les segments et en simplifiant; ce qui

pourrait se traduire aujourd'hui comme: (2x+ y)! + y! = 2 x! + (x+ y)! .

La solution proposée dans le livre revient à des déductions sur la construction qui suit.

41 Les interprétations entre crochets sont de moi.

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25

Ce problème est très intéressant et on pourrait très bien le réinvestir aujourd'hui;

profitant encore une fois des apports de l'histoire.

Mais il est risqué d'interpréter le caractère algébrique des propositions d'Euclide.

Parler d'équations chez Euclide, comme le fait Zeuthen, laisse penser que les Grecs

disposaient déjà d'une inconnue sur laquelle ils pouvaient opérer algébriquement, à

l'image d'Al-Khawarizmi. Or, une telle démarche n'existe pas avant Diophante42.

Louis Charbonneau (1996) souligne également que l'utilisation de l'égalité dans les

Éléments est caractérisée par un environnement non numérique. On y compare des

grandeurs mais non leurs mesures. Cette arithmétique des segments est beaucoup plus

contraignante que celle avec les nombres. Elle a un caractère fortement relié aux

objets dont elle rend compte. Il sera à nouveau question de cet aspect à la section

« Didactique de l'algèbre à la lumière de l'histoire », plus bas.

Archimède de Syracuse (≈ -287) a déterminé de nombreuses formules d'aire et de

volume. Il a également travaillé sur les coniques et les spirales. Tout ceci évidemment

42 https://fr.wikipedia.org/wiki/Alg%C3%A8bre_g%C3%A9om%C3%A9trique#cite_note-59

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26

avant l'ère du repérage des points par des coordonnées (Ghetaldi43 1630; Fermat

1636; Descartes 1637). On procédait à la règle et au compas et à la construction

mécanique. On étudie ce type de courbes dans le cours de géométrie II. On constate

encore, à l'aide de l'histoire, que diverses entrées sont possibles pour traiter les objets

mathématiques.

Diophante (≈ 200) est considéré comme le père de l'algèbre44.

Au IIIe siècle de l'ère chrétienne, Diophante d'Alexandrie pratique une forme

d'algèbre pré-symbolique, en introduisant une inconnue sur laquelle il opère des

calculs. (Mais rappelons qu'on est dans le contexte de l'algèbre rhétorique, où on

utilise des phrases et non des équations symbolisées.)

La mathématique grecque appelait « analyse » la méthode qui consiste à nommer une

inconnue et à la manipuler afin de remonter à partir des conditions imposées par

l'exercice jusqu'à l'identification des propriétés de l'inconnue qui alors peut être

déterminée et devient connue45.

Diophante a aussi écrit un traité sur les nombres polygonaux46, le plus ancien de

cette science. Dix de ses 13 livres nous sont parvenus.

Diophante s'intéresse notamment aux problèmes suivants :

43 De resolutione et compositione mathematica libri quinque ... Opus posthumum

44 https://fr.wikipedia.org/wiki/Diophante_d%27Alexandrie Cette référence s'applique pour la suite de la section. Notons que ses travaux, bien qu'antérieurs, n'ont été publiés que plusieurs années après ceux de Al-Kharizmi.

45 Cette définition s'applique aussi dans notre contexte moderne.

46 Cette outil est encore considéré comme très utile dans l'apprentissage de l'algèbre. Voir Hitt, F. (2013) MAT2812 Applications pédagogiques de l’informatique dans l’enseignement et l’apprentissage des mathématiques.

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27

• Résolution d'équations quadratiques (du type ax2 = bx + c) ;

• détermination de valeurs faisant de 2 expressions linéaires des carrés

(ex.: trouver x tel que 10x + 9 et 5x + 4 soient tous deux des carrés) ;

• décomposition d'un nombre en somme de 2 carrés.

C'est en marge de ce [dernier]problème que Fermat inscrit sur son exemplaire des

Arithmetica sa fameuse note, selon laquelle il est impossible de partager un cube en 2

cubes, une puissance quatrième en 2 puissances quatrièmes, et plus généralement

une puissance quelconque au-delà du carré, en 2 puissances du même exposant. Il

faudra attendre 1995 pour avoir une démonstration de ce résultat par Andrew Wiles.

Une version du problème de l'épitaphe de Diophante a été composée en alexandrins

par H. Eutrope:

Passant, sous ce tombeau repose Diophante.

Ces quelques vers tracés par une main savante

Vont te faire connaître à quel âge il est mort.

Des jours assez nombreux que lui compta le sort,

Le sixième marqua le temps de son enfance ;

Le douzième fut pris par son adolescence.

Des sept parts de sa vie, une encore s'écoula,

Puis s'étant marié, sa femme lui donna

Cinq ans après un fils qui, du destin sévère

Reçut de jours hélas ! deux fois moins que son père.

De quatre ans, dans les pleurs, celui-ci survécut.

Dis, si tu sais compter, à quel âge il mourut.

La solution passe par la résolution de l'équation suivante :

!!  +   !

!"  +  !

!  +  5  +  !

!  +  4   =  𝑥. Diophante mourut à 84 ans.

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28

INDES

Brahmagupta (598– ≈ 670) a donné la solution générale des équations linéaires dans

le chapitre dix-huit du Brahmasphutasiddhanta (628), et une solution de l'équation du

second degré. Comme Diophante, il utilisait une notation syncopée47. Il fait usage du

zéro, explique les règles de manipulation des nombres positifs et négatifs, et donne

une méthode de calcul des racines carrées. Ce livre sera traduit en latin en 1126 à

partir de sa version arabe. C'est dans cet ouvrage que se trouvent démontrés l'identité

et le théorème qui portent son nom. L'ouvrage est entièrement écrit en vers, ce qui

nous rappelle que les mathématiques ont des compatibilités avec l'art! À retenir par

les didacticiens! De plus, les deux problèmes cités ont un intérêt certain.

LES ARABES

La conquête arabe de la Perse (7e s.) donne suite, du 8e au 13e s., à un développement

intense des mathématiques et à une traduction en arabe de toutes les œuvres

scientifiques leur tombant sous la main, avant que cette civilisation ne connaisse un

développement propre.

Nombre des plus grands mathématiciens de l'époque travaillaient à la Maison de la

sagesse, qui était un lieu de traduction et de recherche, parmi lesquels Al-

Khwarizmi48 (natif de Khwarazm ≈ 780), qui est considéré comme celui qui a

introduit l'algèbre en Europe. Son ouvrage principal, dont le nom se traduit par

« Abrégé du calcul par la restauration et la comparaison » (≈ 825), est considéré par

Bernard Pire comme le « premier manuel d'algèbre ». Contenant six chapitres sans

calcul arithmétique, toutes les équations sont exprimées avec des mots. De façon

pittoresque, l'inconnue est nommée « la chose ». Le mot al-jabr du titre arabe de son

livre (Kitāb al-mukhtaṣar fī ḥisāb al-jabr wa-l-muqābala) engendrera plus tard le mot 47 https://fr.wikipedia.org/wiki/Brahmagupta

48 https://fr.wikipedia.org/wiki/Al-Khw%C3%A2rizm%C3%AE#cite_note-Univ-5

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algèbre. Radford et Grenier (1996) illustrent très bien l'apport didactique de l'histoire

en utilisant les méthodes al-jabr et al-mukabala dans une activité.

Un autre de ses ouvrages, le « Livre de l'addition et de la soustraction d'après le calcul

indien », va aider la diffusion de la numération décimale et du zéro. Cette innovation

va faciliter grandement le calcul algébrique et entraînera éventuellement, après Viète,

la fin de l'utilisation de l'abaque.

Les justifications de Al-Khwarizmi, comme celles de Abu Kamil49, s'appuient sur une

algèbre géométrique inspirée d'Euclide. L'innovation majeure fut l'introduction du

concept d'équation.

C'est principalement par les traductions en arabe, incluant des commentaires que

l'Europe prit connaissance des ouvrages des mathématiciens grecs.

TRADUCTIONS LATINES ET MODERNISATION DE L'ALGÈBRE

Au 12e siècle, en Sicile et en Espagne s'opérera une intense activité de traduction au

latin de textes grecs ou de leurs versions arabes (particulièrement en Espagne où les

bibliothèques sont fournies de livres universitaires en arabe)50. Les textes

d'Hippocrate, d'Euclide, d'Aristote, ainsi que de Al-Khwarizmi51 et Al-Kindi, ces

49 Abu-Kamil est l’un des successeurs d’Al-Khuwārizmī dans le développement de l'algèbre. Comme pour Al-Khuwārizmī, tout son travail sur les équations est seulement exprimé avec des mots. Son œuvre a beaucoup influencé les travaux de Léonard de Pise (Fibonacci), qui diffusera au 13e siècle en Europe le savoir algébrique arabe. https://fr.wikipedia.org/wiki/Abu_Kamil

Omar Khayyam (1037 à 1123), un autre successeur de Al-Khwarizmi, a rédigé divers ouvrages d'algèbre, dont un traité où il résout les équations cubiques géométriquement par l'intersection de sections coniques.

50 https://fr.wikipedia.org/wiki/Traductions_latines_du_XIIe_si%C3%A8cle

51 Robert de Chester à traduit en latin le livre d’al-Khwarizmi sur l'algèbre et Gérard de Crémone celui sur le calcul indien.

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30

deux derniers ayant eux-même travaillé ensemble à la traduction de textes grecs à la

Maison de la sagesse, deviennent ainsi plus accessibles à l'occident chrétien.

L’Algèbre d’Abu Kamil est également traduit en latin.

Fibonacci rédige le premier ouvrage européen traitant de l'écriture décimale

positionnelle avec les chiffres indo-arabes, le Liber Abaci (1202), où l'on retrouve

également la définition de sa fameuse suite.

Retenons de tout ceci que la connaissance ne doit pas dormir! C'est pourquoi il faut

des chercheurs qui écrivent des articles et des livres.

Isagoge (1591), de François Viète, marque une nouvelle ère dans la notation des

inconnues et des paramètres par des lettres, marquant le déclin rapide de l'algèbre

rhétorique52. Bien que l'usage de lettres ne soit pas nouveau53, leur usage dans une

manipulation symbolique l'est, de même que leur utilisation pour des quantités

données, ou paramètres (Russo, 1959). Descartes viendra apporter les dernières

évolutions.

According to his own description, whereas arithmetic is the science of concrete

numbers (logica numerosa), his type of algebra is a science of species (logica

speciosa) or of types of things rather than of the things themselves. Thus, this is

probably where the concept of variable was born (Sfard, 1995).

Donc point tournant, selon Sfard, où le concept de variable semble avoir émergé.

« (...) soumettre au calcul ces lettres, ces quantités littérales ; figurer sur ces lettres

des calculs virtuels qu'on ne peut exécuter que sur des nombres ; effectuer des

transformations d'expressions algébriques ; résoudre des équations à coefficients 52 https://fr.wikipedia.org/wiki/In_artem_analyticem_isagoge

53 Diophante désignait aussi un nombre inconnu par un certain symbole, mais tout était sous forme de phrase.

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31

littéraux ; en un mot entreprendre le calcul des symboles, c'est là l'objet de l'algèbre

littérale ou de la sciences des formules.54 »

Lefebvre tente ici de nous faire capter l'essence de l'algèbre comme il la perçoit.

Au 16e siècle55 (del Ferro, Tartaglia et Cardan) résolvent l'équation du 3e degré.

Ferrari, élève de Cardan, résout l'équation du 4e degré. (...) Viète vient unifier le

calcul sur les nombres et le calcul sur les grandeurs géométriques à travers le calcul

littéral56.

Descartes au 17e siècle se distinguera de Viète sous au moins trois aspects

particuliers. Il instaurera la tradition de noter les inconnues avec les lettres de la fin de

l'alphabet (au lieu de voyelles) et utilisera les premières lettres pour les quantités

données (au lieu des consonnes). De plus, il lèvera la contrainte d'homogénéité des

équations que Viète respectait. Et finalement, il notera les puissances en exposants au

lieu d'utiliser un mot latin, comme Viète. La notation de Descartes a établi un

standard et a permis dorénavant le calcul littéral. Vint ensuite la géométrie des

coordonnées (ou géométrie analytique) grâce à Descartes et Fermat. Il devint alors

possible de manipuler des objets géométriques par le biais de l'algèbre. Les nombres

complexes commencent à être acceptés comme solutions d'équations.

54 B. Lefebvre, Cours d'introduction à l'algèbre élémentaire [archive] Publication: A. Wesmael-Charlier (Namur) 1897-1898.

55 Jusqu'ici, les solutions négatives étaient ignorées.

56 https://fr.wikipedia.org/wiki/Alg%C3%A8bre#XVIe_et_XVIIe_si.C3.A8cles_en_Europe

https://fr.wikipedia.org/wiki/Alg%C3%A8bre_nouvelle

Page 32: UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL UNE PETITE HISTOIRE DE LA

32

La force combinée de l'algèbre et de la géométrie viennent ouvrir grandes de

nouvelles portes. Les extrapolations logiques basées sur ces constructions combinées

feront développer rapidement les mathématiques.

On se sort finalement de l'enfer des notations laborieuses réthoriques et syncopées

pour adopter un langage simple, efficace et dépouillé. La réticence à utiliser l'algèbre

s'estompe et son usage est généralement accepté vers 1750 (Kline, 1980, p. 125).

Peacock’s “principle of permanence”: “Whatever form is algebraically equivalent to

another form expressed in general symbols, must continue to be equivalent, whatever

the symbols denote” (cité dans Nový, 1973, p. 191). These transformations are

subordinate to rules given by axioms. The axioms themselves are arbitrary. (Sfard,

1995)

Le principe de permanence énoncé par Peacock vient achever la réification du calcul

algébrique en affirmant que l'équivalence des expressions est indépendante de ce que

pourraient représenter les symboles. (Par exemple, le domaine des variables pourrait

représenter des matrices carrées ou des quaternions.)

Ce phénomène peut se comparer au passage de nombre-mesure au nombre abstrait,

sur lequel on peut opérer de façon indépendante de la signification initiale.

Sfard souligne également la différence subtile entre la manipulation mécanique des

symboles à partir de règles par le novice qui ne rattache cette activité à aucune autre

signification (processus primaire) ou encore qui attache un sens aux symboles du fait

de leur manipulations (processus secondaire), et l'expert qui fait la même chose en

abstrayant sciemment toute la charge sémantique des symboles portée par la

potentialité de leur usage.

Puisque mon intérêt se situe dans la didactique de l'algèbre au secondaire, je vais

passer sous silence, avec regret, les développements ultérieurs qui concernent

Page 33: UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL UNE PETITE HISTOIRE DE LA

33

principalement des mathématiques pour l'enseignement post-secondaire, mais

quelques faits intéressants complèteraient bien ce panorama.

QUELQUES FAITS NOTABLES DANS L'HISTOIRE DE LA DIDACTIQUE DE L'ALGÈBRE

...tirés essentiellement de l'archive MacTutor57 et de la ligne du temps montée par

Dr Jean-François Maheux (2015) dans le cadre du cours MAT865N de 2015, pour

compléter un peu plus le portrait.

•Saunderson (1682-1739), devenu aveugle à un an, a fait des études avancées en

mathématiques et a eu une carrière d'enseignement de haut niveau. Il produit un

manuel dans lequel il montre que des problèmes de la vie réelle peuvent se

représenter à l'aide d'équations et présente des applications de l'algèbre à la

géométrie.

•1854 Boole a publié An investigation into the Laws of Thought, on Which are

founded the Mathematical Theories of Logic and Probabilities. Il crée ainsi une

algèbre de la logique qui trouve encore des applications dans tous les domaines, dont

en programmation, en particulier pour les tests complexes (if ...).

•George Chrystal (1851-1911)

Publication du livre renommé : An Elementary Textbook for the Higher Classes of

Secondary Schools and for Colleges (1886).

It is the completest work on Algebra that has yet come before us, and in lucidity of

exposition it is second to none. There is nothing like it in English, and it forms an

excellent introduction to the various applications of Algebra to the higher analysis.

57 http://www-history.mcs.st-andrews.ac.uk/history/BiogIndex.html

Page 34: UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL UNE PETITE HISTOIRE DE LA

34

•William Henry Hoar Hudson (1838-1915) publie On the teaching of elementary

algebra (1886).

• Les éditeurs de L'Enseignement mathématique58, dans la première parution, font

d'abord l'éloge d'un traité d'algèbre et ils appuient une approche d'enseignement de

l'algèbre qui préconise l'acquisition rapide du concept de variable et de dérivée.

•Zoltan Dienes (1916-2004) est né en Hongrie. Il déménage en Angleterre à l'âge de

16 ans et plus tard il voyagera dans le monde entier répandre sa vision de

l'apprentissage des mathématiques par le jeu (Angleterre, France, Allemagne, Italie,

Australie, Nouvelle-Guinée, États-Unis, Canada, Chili, Brésil, Argentine...). Il migre

au Canada en 1966 et développe le nouveau champ de la Psychomathematique

(psychologie de l'apprentissage des mathématiques). Fondateur et directeur du

Centre de Recherche en Psychomathématiques à l'Université de Sherbrooke

(Québec). Son nom est associé aux blocs multi-base qu'il a inventé pour

l'enseignement de la valeur de position. Il invente aussi d'autres matériels de

manipulation (par exemple pour l'algèbre). Il pense que des structures

mathématiques complexes peuvent être enseignées dans les premières années à partir

de matériel concret, des jeux, des histoires et de la danse. C'est un des précurseurs de

l'idée de connaissance incarnée et de cognition située (la connaissance et les

capacités sont organisées autour de l'expérience) et de ce qu'on appelle les

perspectives socioculturelles et de la démocratisation de l'apprentissage.

Il est dommage de constater le caractère bipolaire du monde de l'éducation. Le

mouvement des mathématiques modernes a été rejeté suite à certains arguments. Mais

tout n'était pas mauvais dans cette approche et on a tendance à jeter le bébé avec l'eau

du bain. Une leçon à prendre est évidemment de procéder à une meilleure analyse

didactique et de la recherche avant de mettre en branle les idées nouvelles, pour

58 L'enseignement mathématique. vol.1, cahier 1, 1899.

Page 35: UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL UNE PETITE HISTOIRE DE LA

35

qu'elles aient une juste chance de démontrer leur potentiel. Ce qui n'a

malheureusement pas été fait dans cette veine.

J'ai tenté sans succès de savoir, par l'intermédiaire du site qui lui est dédié, si Dienes

avait inventé les tuiles algébriques, mais c'est fort probable qu'il ait produit quelque

chose de semblable.

QUELQUES APPROCHES DIDACTIQUES DES DERNIÈRES DÉCADES

section en construction

Résolution de problèmes, Early Algebra, algorithmique, modélisation, expériences au

Québec et ailleurs ...

•La piste tableur a été l'une des premières explorées en France, avec la thèse de

Bernard Capponi (1988) (Artigue, op. cit.).

•Publication de Approches développées en algèbre dans un environnement

informatique (Kieran, Boileau, Garançon, 1989).

•Claude Janvier (1994), publication de Le volume, mais où sont les formules?

•La piste du diagnostic et de la remédiation : c’est la piste qui a été notamment

développée en France à partir de l’outil de diagnostic des compétences des élèves en

algèbre élémentaire développé par Grugeon dans sa thèse (Grugeon, 1995) dans les

projets Pepite et Lingot2), et maintenant dans le projet Pepimep qui vise à associer

au diagnostic automatisé, des parcours différenciés en fonction des profils

d’élèves (Artigue, op. cit.).

•La piste de « l’embodiement » : cette piste exploite les possibilités offertes par

l’exploration de dispositifs physiques reliés à des ordinateurs pour développer une

Page 36: UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL UNE PETITE HISTOIRE DE LA

36

approche expérimentale des notions mathématiques, par exemple celles de vitesse et

d’accélération. L’algèbre y intervient comme langage de modélisation de situations

extra-mathématiques (Nemirovski & Borba, 2004) (Artigue, op. cit.).

RÉFLEXIONS SUR L'ÉVOLUTION DE L'ALGÈBRE

Selon les perceptions de différents chercheurs, et leurs caractérisations de l'activité

algébrique, il est difficile d'identifier de façon univoque les traces de son évolution

dans l'histoire. À quel moment peut-on dire qu'une pensée algébrique est réellement

apparue? Si l'on considère l'humanité comme étant un apprenant (sujet épistémique

collectif) dans une optique philogénétique, en situation adidactique, on peut

comprendre que le processus d'apprentissage ait été long et laborieux. Les besoins

fonctionnels des civilisations antiques les ont amenés à se donner des représentations

d'abord orales et ensuite écrites des problèmes auquels ils ont été confrontés. Ils ont

graduellement consigné des solutions à ces problèmes dans le but de construire une

base de connaissance ayant une certaine pérennité. Les activités retracées dans

l'antiquité montrent que des situations se sont posées qui étaient isomorphes à des

problèmes intemporels où l'algèbre aurait été un outil répondant plus efficacement

aux besoins que les méthodes arithmétiques et algorithmiques utilisées, qui

s'appliquaient essentiellement à des cas particuliers de calcul et à des contextes

géométriques.

On peut cependant penser que les scribes qui dictaient ces algorithmes (ou leurs

auteurs advenant le cas) en avaient une maîtrise suffisante pour les adapter à des

données différentes et à des contextes différents, ayant nécessairement eu une

réflexion générale pour les mettre au point.

Si l'on admet que notre vision moderne de l'algèbre comporte plusieurs

caractéristiques, dont la généralité et la manipulation symbolique, la pensée

relationnelle et analytique et l'indépendance ontologique, on peut aussi admettre que

Page 37: UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL UNE PETITE HISTOIRE DE LA

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toutes ces caractéristiques n'ont pas évolué de façon simultanée. Ainsi, dire que

l'algèbre était ou non présente à telle ou à telle date semble aussi arbitraire que de

qualifier la compétence à parler une langue étrangère de quelqu'un qui l'apprend du

début. Peut-on dire que quelqu'un maîtrise l'espagnol du moment qu'il peut demander

son chemin ou s'il faut qu'il écrive un roman philosophique dans cette langue et en

maîtrise tous les aspects?

On peut voir que certaines de ces caractéristiques ont commencé à se développer dans

les limites que les contextes historiques et culturels le permettaient. Ainsi, parlant de

manipulation symbolique, le fait de pouvoir varier les données d'un problème et de

les mettre en relation avec un résultat recherché fait appel à un certain symbolisme

mental et à une représentation d'un processus de transformation, même si on se situe

en contexte d'une pensée arithmétique.

L'œuvre d'Euclide pose un pas supplémentaire en développant une arithmétique

synthétique à partir d'objets géométriques. Ses notions communes ont des similarités

importantes avec certaines règles de manipulation algébrique, que l'on retrouve plus

tard chez Al-Khwarizmi appliquées au concept crucial d'équivalence pour la création

des équations. On y voit un certain dégré de généralité au fait que les opérations

s'effectuaient sur des objets dont les mesures n'étaient pas précisées et présageaient le

concept de variable. Diophante nommait aussi des quantités inconnues à déterminer.

On trouve dans son œuvre qu'il a possiblement eu des influences des Babylonniens

dans leur courant numériste et dans leur courant géométrique (Charbonneau, 1996).

Lefebvre (1897) nous dira que: « Si le caractère véritable de l'Algèbre réside moins

dans l'emploi de symboles abréviatifs que dans les idées générales traduites par ces

notations, on doit reconnaître chez plusieurs disciples de Pythagore et de Platon des

géomètres habiles dans l'art des transformations analytiques. Tels furent

HYPPOCRATE de Chio (≈ -450) qui ramena le fameux problème déliaque de la

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38

duplication du cube à l'insertion de deux moyennes proportionnelles entre deux

quantités (...) ».

L'accès à la généralité n'a été possible qu'avec le développement des systèmes de

nombres, qui ont permis de lever les restrictions et contraintes traditionnelles à

l'interprétation des expressions. Il a été possible de se libérer au besoin des

représentations géométriques qui restreignaient la compréhension aux degrés ne

dépassant pas 3. La manipulation symbolique n'a pris son essor qu'à partir du moment

où l'algèbre rhéthorique et l'algèbre syncopée ont été dépassées pour donner une

liberté et une autonomie aux objets littéraux et les rendre manipulables, permettant

une vision dégagée sur des objets et processus réifiés. Une dernière étape amenant la

decontextualisation des objets algébriques en ont fait un outil moderne et polyvalent,

permettant une utilisation étendue dans tout contexte de résolution de problème, de

preuve, de modélisation et de généralisation, que les objets de pensée soient

géométrique, numériques ou autres. Les équations devenaient des objets indépendants

sur lesquels on pouvait appliquer des règles opératoires au lieu de trouver la valeur de

l'inconnue par opérations inverses de type arithmétique ou par essais et erreurs en

substituant (comme la méthode de fausse position qui faisait aussi appel à la

proportionnalité). À partir du moment où les quantités variables étaient en mesure

d'être représentées, le concept de fonction et la modélistion de phénoménes physiques

ont pris leur envol. L'approche analytique étant maintenant possible, son application à

la géométrie a permis de développer l'aspect structurel de celle-ci à son tour. Il est

devenu possible de considérer des structures autres que les nombres en algèbre, ce qui

a permis le développement de l'algèbre abstraite.

Jetant un regard global sur cette évolution, on se donne une grille de lecture des

difficultés que doivent affronter les élèves dans leur construction individuelle de ce

qui a pris des siècles à se préciser. Mais en même temps, on se dote grâce à la

Page 39: UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL UNE PETITE HISTOIRE DE LA

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phylogénèse de l'algèbre, d'une compréhension et de moyens d'action face à leurs

difficultés dans une optique ontogénétique du sujet épistémique.

Si l'on pense que l'ordre historique des obstacles à surmonter n'est pas aléatoire mais

découle d'une nécessaire évolution dictée par les contraintes de leur construction, des

leçons sont à en tirer pour la mise au point des curricula. Il faut quand même prendre

en compte la dialectique entre le rôle des obstacles dans l'apprentissage (vision

constructiviste) et la possibilité d'aplanir les difficultés. Ce questionnement est posé

par David Wheeler (1996).

DIDACTIQUE DE L'ALGÈBRE À LA LUMIÈRE DE L'HISTOIRE

LEÇONS DE L'ALGÈBRE RHÉTORIQUE

La formulation en langue naturelle des idées est ce qui permet de les exprimer dans

nos communications habituelles. C'est la voie inévitable de la compréhension de notre

réalité et le passage obligé dans la genèse de toute communication humaine. Ceci se

reflète d'une façon phylogénique historiquement par la longue période où toute

communication mathématique se produisait de cette façon, comme par exemple dans

l'utilisation de l'algèbre rhétorique.

Demander à un élève de transposer directement un texte en équation est une tâche

éminnemment complexe dans cette optique. En plus du fait qu'il ne s'agit pas d'idées

émanant de sa propre pensée, devant donc se les approprier, on lui demande

l'équivalent d'une traduction dans une autre langue. S'ajoute donc au décodage de la

signification du texte, teintée par les filtres linguistiques et culturels de son auteur, la

reconstruction personnelle de sens, elle-même tributaire de ce dont l'élève dispose

mentalement, et le recodage de cette information selon des conventions extrinsèques

et des règles complexes et précises.

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40

Les difficultés inhérentes à la première partie de cette tâche, le décodage, constituent

donc une cible cruciale pour la didactique moderne du français et des mathématiques,

étant donné les limites des compétences linguistiques des élèves et du langage

particulier des mathématiques, en plue des lacunes possibles dans les formulations

des problèmes.

Comment les didacticiens s'occupent-ils de cette question et comment la recherche

peut-elle l'éclairer? Quelles collaboration peut-il y avoir entre didacticiens du français

et des mathématiques? Questions à explorer dans une prochaine version.

LES LEÇONS SUR L'ÉVOLUTION DES REPRÉSENTATIONS

Un deuxième aspect qui se dégage de cette tâche est la création de sémiosis ou

représentations externes des informations décodées. L'élève possède-t-il un certain

répertoire sémiotique pour se donner une représentation synthétique et fonctionnelle

des informations à traiter? Cette question se rapporte aussi à l'interprétation de

problèmes donnés autrement que de façon textuelle. La prévalence de l'arithmétique

géométrique pendant une longue durée de l'histoire laisse voir en la géométrie et ses

représentations un puissant outil didactique, dans la mesure des mises en garde sur le

besoin éventuel de ne plus en dépendre.

Once again an important lesson can be learned from history by teachers and

psychologists. The current studies on visualization (e.g., Dreyfus, 1991) leave little

doubt as to the effectiveness of graphical representations even in learning such

abstract subjects as algebra. No wonder, then, that the Greeks found it useful to give

numerical computations a geometrical interpretation. For the same reason, graphical

means are offered today to those who teach algebra. However, while employing

geometry to support the science of computation we should remember that, if used

without precautions and treated too literally, the models may become restrictive

rather than helpful. The following declaration by Bell (1951) is pertinent here: “Real

mischief is done when the credulous pupils acquire an ineradicable belief that their

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purely metaphorical language describes an ‘existent space’ or an ‘objective reality”’

(p. 140). This statement may sound too emphatic but, stripped of its exaggerated

rhetoric, what it really says is probably this: Algebra is an inherently abstract

discipline and one cannot escape teaching it as such.

On retient de ceci qu'une représentation graphique peut beaucoup aider à donner du

sens à l'algèbre, mais il y a danger d'en venir à dépendre de ces représentations. Or

ceci constituerait une entrave sérieuse à l'abstraction inévitable pour utiliser le plein

potentiel de l'algèbre. C'est probablement l'une des raisons pour lesquelles les Grecs

n'ont pas pu vraiment franchir le pas. Comme dirait Duval (1993), chaque registre de

représentation a ses limites et elles diffèrent d'un registre à l'autre, et de plus

apparaîtront aussi des problèmes de congruence entre les représentations lors des

conversions et de la coordination des traitements dans les différents registres.

Comment la didactique et la recherche peuvent-elles se pencher sur la question des

conversions entre les registres et les représentations en général (non nécessirement

algébriques)? Idem.

LES LEÇONS SUR L'ÉVOLUTION DU SYMBOLISME

Reste à assurer le passage de l'information synthétisée vers la représentation formelle.

Se pose alors la question de l'appel à la lettre et au symbolisme opérationnel

permettant de formuler l'essence de la situation sous forme algébrique, de la

modéliser. Historiquement, cela peut être mis en relation avec le passage laborieux de

l'algèbre syncopée vers l'algèbre symbolique. Sfard (1995) réunit les deux passages

dans un seul, soit le passage de l'algèbre rhétorique vers l'algèbre symbolique.

This turnaround corresponds to the point in history where rhetorical algebra gave

way to the symbolic. The transition is problematic because it requires this difficult

change of perspective(...): Operational thinking must be replaced by structural.

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42

Comment la didactique et la recherche aident-elles à instrumenter l'élève dans la

génération des expressions algébriques et des équations?

Les tâches peuvent être de différentes natures. Il peut s'agir de trouver une ou des

quantités inconnues, de modéliser avec des paramètres, de généraliser un fait, de

trouver une relation ou de prouver une identité.

Comment la didactique peut-elle instrumenter l'élève à identifier le type de tâche

demandée, anticiper la façon dont ils pourrait ou non utiliser l'algèbre comme outil de

résolution et se donner un plan d'action compatible? Comment attribuer le sens

correct aux lettres à utiliser (inconnue, constante, paramètre, nobre indéterminé...) et

au sens de l'égalité posée, s'il y a lieu (équation, identité, relation...)? À quels

processus de contrôle l'élève peut-il faire appel (Saboya et Mandico, 2010)?

LES LEÇONS SUR LE CONTRÔLE ET LA PENSÉE SYNTHÉTIQUE

Reste ensuite à réaliser les manipulations symboliques de façon à obtenir une forme

dont l'interprétation peut nous ramener au problème initial par une nouvelle

conversion permettant de répondre à la question.

Cette étape des activités transformationnelles (Kieran, 2014), et celle de la

réinterprétation du résultat pour le retour du symbolique au sémantique et celle de la

vérification sont-elles prises en compte par la didactique?

A survey of the relevant research was given by Kieran (1992): “A major turnaround

must occur [in algebra] when students are asked to think in terms of the forward

operations that represent the structure of the problem rather than in terms of the

solving operations [which reverse the process of computation]” (p. 403).

Rappelons encore ici la rupture didactique identifiée par Filloy et Rojano (1984) et

que des siècles ont été nécessaire pour que l'humanité, en tant qu'apprenant, en arrive

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à cette compétence. Comment la didactique peut-elle mieux comprendre et expliquer

ces difficultés?

CONCLUSION

Au fil de cette recherche, il appert que la connaissance de l'histoire est un atout

majeur en didactique des mathématiques, et bien sûr aussi en ce qui concerne

l'algèbre. Un regard sur l'histoire du développement de l'algèbre permet de

développer une vision phylogénique des concepts et des difficultés auxquelles sa

construction s'est butée, parfois sur de longues périodes. On peut penser que si les

idées ont été si difficiles à développer, il en découle que la construction moderne des

connaissances des élèves ne peut être prise comme un processus simple et direct.

L'analyse des embûches historiques permet d'inférer certaines difficultés que les

élèves devront affronter. On a vu que l'une des principales difficultés a été le passage

d'un mode de pensée synthétique à un mode analytique, ce qui reflète bien la peine

des élèves à passer d'un mode de pensée arithmétique à un mode de pensée

algébrique.

Les interactions entre le développement parallèle de l'arithmétique, de la géométrie et

de l'algèbre montrent la complexité et la subtilité des liens entre leurs idées,

procédures, notations et épistémologies. L'algèbre, ayant émergé des besoins que les

autres champs ne pouvaient combler seuls, a généré à son tour un besoin de

développement des systèmes de nombres, et les a dépassés. L'algèbre et la géométrie

ont tour à tour servi à se justifier et s'alimenter l'une l'autre. De ces inextricables liens

conceptuels qui se sont imposés au fil de l'histoire, il semble nécessaire de conserver

une cohérence d'ensemble des apprentissages mathématiques dans le curriculum. Un

enseignement compartimenté des différents sujets ne favorise pas l'élaboration d'une

pensée globale mathématique unificatrice. Certaines évolution des concepts sont

favorisées par le changement de registre de représentation sémiotique et par les

changements de cadre.

Page 44: UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL UNE PETITE HISTOIRE DE LA

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Une prise en compte de l'histoire des concepts permet aussi de leur donner une

meilleure consistance épistémologique, de leur donner une réalité

multidimensionnelle, les relier aux contextes ayant commandé leur création et leur

évolution. Il ressort de ces constatations que différentes options se présentent pour

envisager un renouvellement du curriculum.

Page 45: UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL UNE PETITE HISTOIRE DE LA

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