Un scénario de Nicolas Pariser

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partie d’un scénario.

LE GRAND JEU un scénario de Nicolas Pariser

Version tournage

119 rue du Faubourg St Antoine

75011 PARIS

Tel 01 43 47 15 06

Fax 01 43 47 15 09

Email : elbizibi@free.fr

Revision 3

1 INT. NUIT / COULOIR D'HOTEL 1

Un couloir de Novotel vide, la nuit.

On entend très légèrement des grésillements detalkie-walkie ou de radio mêlés au bruit d'une pluie fine,dehors.

Un HOMME, énervé, sort brusquement d'une chambre et claquela porte.

Il est rejoint dans le couloir par une FEMME qui lui parlependant quelques longues secondes dans la pénombre. Ilsemble se calmer un peu. Nous ne les entendons pas. Ilsfinissent par quitter le couloir.

2 INT. NUIT / CHAMBRE D'HOTEL 2

L'HOMME, de retour, à l'intérieur d'une chambre enrez-de-chaussée, regarde, par la fenêtre, un écouteurenfoncé dans son oreille. Il dialogue avec quelqu'un quin'est pas là tout en observant l'extérieur.

L'HOMME A L'OREILLETTENégatif, négatif, il n'y a encorepersonne... Non, aucun véhicule.

A côté de lui : deux autres HOMMES DE TRENTE OU QUARANTEANS et, assis au fond de la pièce, un homme d'unesoixantaine d'années aux mains menottées.

L'homme à l'oreillette regarde plusieurs foisattentivement le parking. Le temps passe lentement.L'homme se redresse.

L'HOMME A L'OREILLETTEOui ?

L'homme est déçu mais, professionnel, ne le montre pas.

L'HOMME A L'OREILLETTEVous êtes sûrs ? Nousdésentravons le prisonnier ? Bienreçu.

L'homme à l'oreillette fait un signe aux deux autreshommes qui retirent les menottes du vieil homme avant deregarder à nouveau par la fenêtre.

3 EXT. NUIT / PARKING DE L'HOTEL 3

Le parking est paisible et vide. Seule la femme de laséquence 1. attend.

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Revision 3 2.

Deux voitures s'engouffrent dans le parking. Des hommes encostume en sortent. Ils sont accueillis par la femme quine les suit pas - ils semblent se connaître mais ne pass'apprécier.

4 INT. NUIT / CHAMBRE D'HOTEL 4

Les trois hommes de la chambre se regardent - la tensionmonte. Tout le monde se lève.

Ils font comme si le sexagénaire n'était pas là. Ilsattendent. On frappe enfin à la porte.

Les hommes en costume entrent dans la pièce. L'ambianceest glaciale.

L'homme à l'oreillette leur fait face.

L'HOMME A L'OREILLETTE(à quelqu'un qui n'est pasdans la pièce)

J'exige une dernièreconfirmation. J'attends monColonel.

L'homme à l'oreillette baisse la tête.

L'HOMME A L'OREILLETTEBien reçu.

Il jette un regard à ses hommes qui libèrentdéfinitivement le prisonnier et le livrent aux hommes encostume.

Un des hommes en costume, COPEAU, la quarantaine, élégant,fait un pas et se dirige vers le vieil homme sans mêmeregarder ce qui semble être une équipe adverse.

COPEAUVous allez me suivre maintenant,Marco.

5 EXT. NUIT / PARKING DE L'HOTEL 5

Les hommes en costume et le sexagénaire se dirigent versla voiture sans précipitation.

Le véhicule quitte le parking, suivi de l'autre voiture.

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Revision 3 3.

6 EXT. NUIT / ROUTE 6

Les deux voitures roulent tranquillement sur la route, unetroisième voiture vient les rejoindre et leur fait desappels de phares.

Au bout de quelques secondes, elles roulent les unesderrière les autres et continuent à rouler tranquillement.

7 EXT. NUIT / A L'INTERIEUR D'UNE VOITURE 7

Devant : le conducteur et Copeau. A l'arrière Marco,prostré. Copeau est au téléphone.

COPEAUEntendu, d'accord. Oui, oui.

Une vingtaine de secondes qui paraissent des heures. Letéléphone sonne, Copeau répond.

COPEAUOK.

(au conducteur)C'est bon, la voie est libre ; ony va.

8 EXT. NUIT / ROUTE 8

Les trois voitures font un demi-tour. Elles s'engagent surune nouvelle route, elles accélèrent pour roulerprogressivement très vite, sans aucun soucis de limitationde vitesse.

9 EXT. NUIT / A L'INTERIEUR DE LA VOITURE 9

Copeau regarde le vieil homme derrière.

COPEAUOn devrait arriver d'ici unevingtaine de minutes.

Il lui délivre une enveloppe.

COPEAUIl y a tous les papiers dont vousaurez besoin. Ce sont des vraishein ! Il y a aussi un peud'argent brésilien.

L'homme prend l'enveloppe, silencieux.

COPEAUJe vous avais bien dit que vouspouviez compter sur nous.

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Revision 3 4.

10 EXT. NUIT / ROUTE A L'APPROCHE D'UN AEROPORT 10

Les trois voitures se dirigent vers un aéroport. Au boutd'un moment, la troisième voiture décroche et part dansune autre direction.

NOIR PUIS GENERIQUE

11 EXT. NUIT / TERRASSE D'UN PAVILLON PRES D'UN LAC 11

CARTON : "Quelques semaines plus tard"

C'est le soir, un bois. La caméra panote, nous sommes surune terrasse presque déserte. Seul, un homme élégant d'unecinquantaine d'années en costume sombre regarde la fôreten fumant un petit cigare. Il se nomme JOSEPH PASKIN.

Au bout de quelques secondes, un autre homme arrive,PIERRE BLUM. Il a une trentaine d'années. Il porteégalement un costume sombre mais son élégance estdifférente : son costume est froissé, sa cravatedesserrée. Voyant qu'il n'est pas seul, Pierre s'accoudele plus loin possible de Joseph. Joseph regarde Pierreironiquement.

JOSEPHUn cigare ?

PIERREPardon ?

Joseph s'approche de Pierre, un peu sur ses gardes.

JOSEPHJe vous demandais si vous vouliezun cigare. Je me disais que voussortiez peut-être pour fumer.C'est insupportable depuis qu'onest obligé de sortir. Je pensaisque ça allait me dégoûter du jeuet puis, en fait, non. Ça ne m'adébarrassé d'aucun vice : je fumeet je joue toujours.

PIERREJe venais juste ici pour êtreseul.

JOSEPHAh. Alors je suis désolé.

Joseph s'accoude à la rambarde de la terrasse.

JOSEPHVous venez jouer ici souvent ?

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Revision 3 5.

PIERREJe ne joue pas. Je suis invité àun mariage.

JOSEPHAh oui, c'est vrai. Il y a aussides mariages ici. Et l'alcooln'est pas encore interdit ?

PIERRENon, pas encore. De toute façon,je ne bois pas.

JOSEPHVous êtes alcoolique ?

Pierre regarde Joseph, interdit. Joseph se redresse,s'approche de Pierre et lui tend la main.

JOSEPHJoseph Paskin.

Pierre reste interloqué. Il lui tend également sa main.

PIERREPierre Blum.

JOSEPHPierre Blum ? Vous êtes juif ?

PIERRENon.

Pierre scrute le visage de Joseph, très intrigué.

PIERREVous vous rendez compte qu'enmoins de deux minutes, vousm'avez demandé si j'étais joueur,alcoolique et puis, enfin, sij'étais juif.

JOSEPHJe suis désolé mais je vous l'aidit, j'ai tous les vices. Je suistrès curieux. J'aime bien savoird'où viennent les gens. Mais nevous inquiétez pas, je n'ai aucuna priori. En fait, votre nom medit quelque chose. C'est normal ?"Pierre Blum"...

PIERREC'est un nom assez répandu.

Revision 3 6.

JOSEPHVous êtes avocat ?

PIERRENon.

JOSEPHJe vous dis ça parce que je suisinscrit au barreau de Paris. Jen'exerce pas beaucoup mais je medisais qu'il était possible qu'onse soit croisés au palais.

PIERREJamais mis les pieds au palais.

JOSEPHEn fait, je ne sais pas si c'estvotre nom ou votre tête qui medit quelque chose. C'estpeut-être votre tête, après tout.Vous traînez dans la politique ?Je suis désolé, je suis assezphysionomiste, je crois que jevous ai déjà croisé quelque part.

PIERREJe ne suis ni joueur, ni juif, nidans la politique, non. Je suisquelqu'un d'assez anonyme et jepense qu'on ne s'est jamaiscroisé.

Pierre, amusé, s'éloigne et se dirige vers le casino. Ilse retourne tout en marchant et dit à Joseph :

PIERREBonsoir.

JOSEPHBonne soirée. Tous mes v�ux auxjeunes mariés.

Pierre arrive à l'intérieur du bâtiment. Il s'arrête auniveau d'une porte-fenêtre quand il voit une FEMME(CAROLINE) d'une trentaine d'années et un ENFANT de huitans. Pierre s'arrête puis se retourne vers Joseph. Pierredécide rapidement de revenir sur la terrasse, et se dirigevers Joseph.

PIERREJe reviens parce que je n'ai pasenvie de croiser mon ex-femme etson fils.

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Revision 3 7.

JOSEPHQui n'est pas le vôtre.

PIERREVoilà. Qui n'est pas le mien.

JOSEPHJe m'arrange aussi pour parler lemoins possible à mon ex-femme.Enfin à mes ex-femmes, j'ai troispensions alimentaires sur le dos.

PIERREJe lui parle assez souvent maisje n'ai pas envie de la croisermaintenant...

JOSEPHEt le nouveau mari il est comment?

PIERREMais vous êtes avocat ou flic ?

JOSEPHRassurez-vous, je ne suis pasflic, j'en fréquente beaucoupmais ça s'arrête là.

PIERREVous faites quoi ?

JOSEPHPour le dire simplement, monmétier consiste à rendre desservices.

PIERREEt on vous paye pour ça ?

JOSEPHOn me paye très bien, oui. Ilfaut bien, j'ai de grossesdépenses.

PIERREQuels genres de services?

JOSEPHDivers, c'est assez compliqué.Disons, pour résumer que je metsdes gens en relation, en Franceet à l'extérieur.

PIERREEt c'est un métier ça ?

Revision 3 8.

JOSEPHOui. Nous sommes même asseznombreux et la Républiquefonctionne en grande partie grâceà nous. Et vous, alors, vousfaites quoi ?

PIERREJe ne sais pas si je dois vousrépondre. En même temps, je n'airien à cacher, je ne fais plusgrand chose. J'ai écrit un livre,il y a dix ans. J'ai touché desdroits d'auteur et puis j'ai plusou moins cessé d'en toucher.

JOSEPHAutrement dit, vous avez besoind'argent ? Ne soyez pas fier, ona toujours besoin d'argent.Regardez, moi, je gagne très bienma vie mais, lors de soirs commecelui-ci, je n'en ai jamaisassez. Votre livre c'était quoi?

PIERRERoman d'apprentissage, Paris, lesannées 90, un peu de politique.J'ai été très prometteur et puisplus trop et enfin plus du tout.Mon roman est devenu posthume demon vivant.

Joseph finit son cigare qu'il regarde puis jette.

JOSEPHDonnez-moi votre numéro deportable. Les gens à qui je rendsdes services ont toujours besoind'écrivains pour écrire leurslivres. Ça vous intéresse, nègre? Je veux dire, vous n'avez riencontre ?

Caroline revient avec son enfant. Pierre les regardepasser.

PIERRENon. Je crois que je n'ai riencontre. J'ai été un peujournaliste, je peux bien êtrenègre.

Joseph tend un carnet et un stylo à Pierre qui note sonnom et son numéro de téléphone.

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Revision 3 9.

JOSEPHCroyez-moi, les nègres disentmoins de bêtises que lesjournalistes. Et au moins, ilssavent quand ils sont en servicecommandé. Et inscrivez le titrede votre livre.

Pierre rend le carnet à Joseph.

JOSEPHJe vais lire votre roman, sic'est suffisamment, comment dire? Professionnel, je vouscontacterai, d'accord ?

Les deux hommes se serrent la main. Pierre quitte laterrasse et va rejoindre la fête.

12 INT. NUIT / PAVILLON 12

Après quelques pas, Pierre croise Caroline, son fils etson mari, JULIEN, qui partent de la fête. Pierre serre lamain de Julien. Puis, Caroline l'embrasse une fois sur lajoue.

CAROLINETu es sûr que ça va aller ?

PIERREMais oui, bien sûr !

Le mari et l'enfant s'éloignent.

CAROLINETu fais la même tête que le jourde mon mariage.

PIERRETu veux dire de ton autre mariage?

CAROLINEC'est ça, de "mon autre mariage".

PIERREÇa va. Cette fois-ci, je ne suispas amoureux de la mariée.

13 INT. JOUR / CHAMBRE DE BONNE DE PIERRE 13

La chambre de bonne de Pierre non seulement est dans undésordre indescriptible, mais surtout de nombreux cartonssont empilés et n'ont toujours pas été déballés.

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Revision 3 10.

Nous comprenons en voyant Pierre se débattre avec cescartons qui prennent toute la place dans la chambre qu'ilssont exclusivement remplis de livres. D'ailleurs, autourde lui, sortis des cartons, il n'y a aussi que ça.

Manifestement, Pierre vient de déménager. Il cherche desvêtements dans des sacs qui sont sous les cartons. Il n'entrouve qu'une partie.

Il se sert un thé, enfile une chemise rapidement etregarde un livre qui traîne par là - un tome abîmé duVicomte de Bragelonne.

Il grignote quelques biscuits Gerblé (figue et soja) et seprépare à sortir. Il regarde malgré tout la seuledécoration de la pièce : un mur rempli de photos. Surl'une d'elle on voit Pierre, Caroline et une vieille femmesur une plage de Normandie.

14 INT. JOUR / DEVANT LA CHAMBRE DE BONNE DE PIERRE 14

Au moment où Pierre ouvre la porte d'entrée pour sortir,un mot tombe du haut de la porte.

Il le ramasse, sur celui-ci est inscrit : "Il fautprévenir les amis quand on change de numéro de téléphoneet d'adresse du jour au lendemain - heureusement que j'aides relations. J'ai lu votre livre. Voyons-nous - etplutôt vite ! Joseph P".

Pierre inspecte le mot, l'enveloppe puis le couloir, l'airà la fois intrigué et amusé.

15 INT. JOUR / GIBERT JOSEPH 15

Pierre déambule chez Gibert Joseph entre des livres delittérature classique. Il s'approche des piles de livrestraduits de l'Anglais, puis s'approche plus précisémentdes livres de Conrad.

Peu après, il feuillette L'Agent secret de Joseph Conrad.

15A INT. JOUR / GIBERT JOSEPH 15A

On le retrouve en "sociologie politique", rayon qu'ilregarde rapidement, en passant. Il se dirige alors vers lerayon "philosophie" qui le jouxte. Il remarque alors unHOMME AU PULL KAKI qui était déjà au rayon "littérature".

Il regarde les livres sans en feuilleter aucun jusqu'aumoment où il voit une jeune fille lire un livre de MarcoScavarda (on reconnait en photo sur certains livres leprisonnier de la première scène du film) - Multitude etrévolution. Elle le pose et en prend un autre : Qu'est-ce

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Revision 3 11.

qu'aujourd'hui ? Ce titre fait sourire Pierre quis'approche. La jeune fille le regarde de manièreinterrogative.

PIERRETu vas vraiment lire ça ?

LA JEUNE FILLEJe feuillette.

PIERRETu as raison, personne ne lit cestrucs. Je veux dire de lapremière à la dernière page.

(un temps)Tu "feuillettes" à cause del'actualité ?

Pierre regarde l'homme au pull kaki, toujours là. La jeunefille rougit.

LA JEUNE FILLENon, pas du tout. C'est sur uneliste d'auteurs conseillés.

PIERREConseillés ?

LA JEUNE FILLEPar la fac.

PIERRETu es en philo ?

LA JEUNE FILLEOui.

PIERRESi c'est juste conseillé, ne leslis pas.

LA JEUNE FILLEC'est pas bien ?

PIERRECrois moi si tu l'avais connu, tun'aurais pas envie de le lire. Jel'ai connu un peu il y a dix ans,Scavarda, c'est un con.

LA JEUNE FILLEUn con ? Ça, ça m'étonnerait !

La jeune fille s'éloigne, agacée sans doute par ce que ditPierre. La jeune fille passe devant l'homme en kaki quis'éloigne et sort du champ de vision de Pierre aprèsl'avoir regardé un bref instant.

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Revision 3 12.

16 INT. JOUR / GIBERT JOSEPH 16

Pierre et la jeune fille se croisent à nouveau. Ils seregardent. La jeune fille reprend la conversation.

LA JEUNE FILLETu l'as vraiment connu Scavarda ?Tu as fait de la philo ?

PIERREJe l'ai connu parce que ma femmeétait gauchiste. Enfin, il y adix ans on disait"alter-mondialiste".

LA JEUNE FILLEOn le dit toujours, non ?

PIERREPeut-être, je ne crois pas. Cafait longtemps que j'ai pasentendu le mot.

(un temps)Maintenant, il y a plutôt des"décroissants" ou... des"autonomes", non ?

LA JEUNE FILLEEt tu as une idée où il adisparu, Scavarda ?

PIERRELoin, j'espère ! Là où il nepourra plus jamais écrire delivres !

LA JEUNE FILLEMais tu es horrible. Tu es quipour dire que ce qu'il fait estnul ?

PIERREJe sais encore un peu lire.

LA JEUNE FILLEOui, mais tu fais quoi ? Commemétier ? Aujourd'hui, parexemple.

PIERREAujourd'hui : rien. Mais j'ai étéécrivain.

Pierre regarde autour de lui, il ne voit plus personne desuspect.

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Revision 3 13.

LA JEUNE FILLEIls vendent tes livres ici ?

PIERRE(revenant à la jeune fille)

Viens, on va voir. D'habitude,ils en ont au moins un ou deux enoccasion.

Ils se dirigent vers le rayon littérature française, à lalettre "B".

PIERREC'est bizarre, ils ne l'ont pas.Ils l'avaient hier.

LA JEUNE FILLETu étais là hier ?

PIERREOui, ou avant-hier. Je viens icipratiquement tous les jours.

LA JEUNE FILLEBon, je ne te crois pas.

PIERREVas demander au type au comptoirlà-bas.

LA JEUNE FILLETu veux que je lui demande si tuviens ici tous les jours ?

PIERRENon, demande lui s'ils ont monlivre.

LA JEUNE FILLEComment il s'appelle le livre ?

PIERRE"Les Fils". Pierre Blum.Gallimard. Collection : L'Infini.2002. Il y a eu un Folio aussi.

La jeune fille s'éloigne et va au comptoir. Elle discuteavec le vendeur quelques secondes. Pierre regarde, deloin, autour de lui. La jeune fille revient.

LA JEUNE FILLEIls ne l'ont plus. Tu vasrigoler, ils ont vendu leurstrois derniers exemplaires hieret on leur en a commandé unedizaine ! Ils m'ont dit aussiqu'ils en vendaient trois par anhabituellement.

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Revision 3 14.

PIERREQuoi ?

LA JEUNE FILLE(ironique)

Tu es peut-être au programme dubac français et on ne t'a pasprévenu ?

PIERRE(perturbé)

Non. Je ne crois vraiment pas.

LA JEUNE FILLEAllez, avec l'argent que tu vasgagner, tu peux m'offrir un verre!

Pierre a une absence, la jeune fille ne s'en aperçoit pasvraiment.

LA JEUNE FILLETu as l'air de trouver çabizarre, de vendre des livres ?

PIERRECe qui est bizarre, c'est lemoment où ça arrive en fait...

LA JEUNE FILLEBon. Tu m'offres quand même unverre ?

17 EXT. NUIT / DEVANT UN BAR 17

Pierre et la jeune fille sortent du bar avec leurs verres.La jeune fille allume une cigarette.

LA JEUNE FILLEIl y avait un mot sur ta portealors que personne ne savait quetu avais déménagé ?

PIERREOui, c'est ça.

LA JEUNE FILLEEt tu vas aller au rendez-vousavec le type, là ?

PIERREOui, je verrai bien ce qu'il a àme proposer.

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Revision 3 15.

LA JEUNE FILLEEt ça te fait pas flipper d'êtresuivi ? Là, par exemple, tu nevois personne ?

PIERRENon. Je crois pas.

LA JEUNE FILLEDe toute façon, ça te fera pas demal de bosser un peu.

PIERRE(Il rit)

Oui, sans doute.

LA JEUNE FILLETu ne fais vraiment rien du tout?

Elle s'assied sur les marches dans la rue.

PIERRENon.

LA JEUNE FILLETu es même pas étudiant ?

PIERRENon. Je suis un peu vieux pourça.

LA JEUNE FILLEEt comment tu fais pour la sécu ?

PIERREC'est marrant, la sécu, c'estbien une obsession d'étudiant.J'ai pas la sécu...

LA JEUNE FILLEMais c'est obligatoire, non ?

PIERREEt c'est toi l'anarchiste ? Tut'inquiètes que les gens n'aientpas de carte vitale !

LA JEUNE FILLEBah oui, les anarchistes tombentmalades ! Il faut être en bonnesanté pour faire la révolution.

Ils rient. Pierre s'assied à côté d'elle.

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Revision 3 16.

PIERRETu es comme mon ex-femme, alors.Tu veux mettre à bas le systèmetout en préparant les concours dela fonction publique.

LA JEUNE FILLEAh ça y est ! Le retour de l'ex !Une copine me disait : en amour,il y a toujours un cadavre dansle placard. Alors c'est quoi,toi, ton cadavre ? qu'on s'endébarrasse tout de suite.

PIERRE(amusé)

Je crois que chez moi, il n'y ani cadavre, ni placard, ni rien.

LA JEUNE FILLEC'est pas possible. Tu me draguesplus ou moins chez Gibert, tufais le cynique là, le mec sûr delui, et puis, je suis sûre que tuferas rien. Tu as l'aircomplètement traumatisé. Pourquoitu m'emmènes ici ? Je veux dire,on ne va pas coucher ensemble cesoir ?

PIERRE(étonné)

Je peux te le dire. C'est ici quej'ai embrassé ma femme pour lapremière fois.

LA JEUNE FILLETu vois ! Ta femme ?L'alter-mondialiste ?

PIERREOui.

LA JEUNE FILLETu l'aimes encore ?

Pierre devient tout à coup plus sérieux, il se lève.

PIERREOui. Sans doute. Pas comme quandon était ensemble mais oui, jel'aime. Elle est ma seule amieaujourd'hui.

La jeune fille se lève à son tour. Pierre se tait,traversé par un moment de tristesse.

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Revision 3 17.

PIERREJe vais y aller.

LA JEUNE FILLEOh non !

Elle le retient par le bras.

PIERRESi, si. Excuse moi. Tu as raison,on ne couchera pas ensemble cesoir.

(il rend son verre à lajeune fille)

Tiens, tu rendras ça au comptoir.

LA JEUNE FILLEOn se revoit ?

PIERREEssaie de trouver mon livre,lis-le et écris moi ! Tu verrasc'est moins chiant que duScavarda !

LA JEUNE FILLEJ'ai pas ton adresse !

Pierre s'en va et lui sourit.

18 EXT. NUIT / RUE DES ECOLES, RUE CHAMPOLLION 18

Pierre marche longuement rue des écoles, déserte. Ils'arrête devant les cinémas et les librairies.

Au bout d'un moment, il regarde derrière lui, la rue estabsolument vide, mais il entend, lointains, des pas mêlésaux bruits nocturnes de la ville.

19 INT. JOUR / DEVANT L'HOTEL INTERCONTINENTAL 19

Pierre arrive au Westin.

20 INT. JOUR / BAR DE L'HOTEL INTERCONTINENTAL 20

Joseph est assis dans un gros fauteuil, en train de lireLe Monde. Pierre, un peu hésitant au début, le rejoint ets'assied en face de lui.

JOSEPH sort de la poche de sa veste et pose sur la tablebasse un petit livre usé de la collection « L'Infini » deGallimard. Nous pouvons lire sur la couverture :

« Pierre Blum - LES FILS »

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Revision 3 18.

JOSEPHDites-moi. Je ne savais pas queje parlais à un vrai has-been ladernière fois ! Vous avez eu unesacrée presse avec votre livre !Vous en avez même venduquelques-uns ! Et puis il y a unepostface de Martine Decoud ! Vousdeviez vous voir dans la Pléiadeà soixante ans, non ? Qu'est-cequi s'est passé ?

Pierre, un peu déstabilisé, hésite, puis reprend ledessus. On lui demande ce qu'il veut, il commande un thé.Il comprend qu'il va s'agir d'une véritable jouteoratoire.

PIERREJ'ai divorcé. J'ai arrêté de voirdes gens. Je ne sais pas, j'ai eudes projets de livres et puis,finalement, je n'ai pas pu enécrire un seul. Je ne voyais plustrop la finalité de la chose.J'avais l'impression que meslivres ne s'adresseraient plusà des personnes vivantes, qu'ilsne servaient qu'à produire desarticles au kilomètre, desarticles jetables très vitesurtout.

Joseph est plongé dans le livre de Pierre.

JOSEPHVous êtes un orgueilleux quoi...Vous trouvez que l'époque n'estpas digne de vous.

PIERRECe n'est pas exactement ce quej'ai dit mais peut-être, oui.Bien sûr, je ne le ressens pascomme ça. J'ai eu un très fortsentiment de solitude après lasortie de mon livre, malgré lapresse, les critiques. Disons quej'avais un statut social mais quece n'était pas ce que jecherchais.

JOSEPHEt vous n'avez plus rien écrit ?Plus rien du tout ?

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Revision 3 19.

PIERREPlus rien, non.

Joseph attend quelques instants, regarde Pierre dans lesyeux, et se lance :

JOSEPHIl y a un passage qui m'intéresseparticulièrement dans votrelivre, enfin je l'aime bien,c'est celui-ci, attendez, je nele trouve plus... ah oui ! Levoici : "Mathieu referma le petitopuscule. Gris, d'un toucherdélicat et probablement assembléà la main plutôt qu'à la machine,c'était quelque chose d'artisanal(...)" Non, attendez c'est un peuplus loin, blablabla, oui, voilà: "Le livre était ainsi lamétaphore presque exacte de soncontenu, en même temps qu'unconfondant aveu d'échec. Mathieuse dit que 200 ans de généalogierévolutionnaire, de débats, decombats, de constitutions degroupuscules, de scissions,d'exclusions, de coups d'Etatmanqués ou réussis, de massacres,d'actes héroïques ou derenoncements n'avaient finalementété capable de ne produire que ça: une poignée de petits livres de150 pages parfaitement écrits etd'une justesse délectable - riende plus. En somme l'ambition dechanger le monde n'avait aboutiqu'à la naissance d'un sous-genrelittéraire."

Joseph lève la tête en souriant. Pierre sourit aussi, unpeu gêné.

PIERREEn même temps, un sous-genrelittéraire, ça n'est déjà pasmal.

Un petit silence s'installe. Joseph est troublé parquelque chose qu'on ne voit pas. Après quelques secondes,il reprend son discours.

JOSEPHLes gens prometteurs qui nedonnent rien, ça m'intéressetoujours. J'aime bien les gensdécevants. J'ai été moi-même très

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Revision 3 20.

JOSEPH (suite)décevant. Dites-moi : la filledans votre livre là, Claire,c'est la femme que j'ai aperçueau casino ? La femme dont vousavez divorcé ?

Pierre est hésitant.

JOSEPHMa question est simple voussavez, ce n'est pas uninterrogatoire.

PIERRE(ironique)

Je sais bien.

JOSPEHJe vais vous faire un aveux : ceque j'aime le plus dans la vie,ce sont les potins.

PIERREClaire, c'est un mélange de monex-femme et d'une autre femmeaussi.

JOSEPHJe vous dis ça parce que laClaire du roman trempe dans destrucs politiques un peu idiots(enfin c'est vous qui leprésentez comme ça - c'est lecôté littérature de droite devotre livre) et je voulais savoirsi, vous aussi, vous aviez traînéavec des gugusses d'extrêmegauche ?

PIERREJ'ai fréquenté des gens d'extrêmegauche, oui.

JOSEPHEt aujourd'hui ?

PIERREAujourd'hui, non. Je me suisengueulé avec tous ceux que jefréquentais il y a dix ans. Etpuis, en fait, je ne fréquenteplus personne. J'ai vraimentdisparu de la circulation.

Revision 3 21.

JOSEPHNe soyez pas si optimiste. C'esttrès difficile de disparaître dela circulation, croyez moi. Ellefait quoi votre ex-femme,maintenant ?

PIERREElle travaille dans une galeried'art contemporain.

JOSEPHElle la possède ?

PIERRENon, non, elle est employée.Enfin, c'est elle la patronne,mais ce n'est pas elle qui al'argent.

Joseph fixe Pierre un peu plus longuement. Joseph finitson verre. Pierre passe à l'offensive.

PIERRENotre rencontre, ce n'était pasun hasard, n'est-ce pas ? Etcomment avez-vous eu ma nouvelleadresse ? Personne ne l'avait. Etles gens qui me suivent...Pourquoi ?

JOSEPHJe vous le disais : c'est trèsdifficile de disparaître de lacirculation, ça peut même attirerl'attention - mais c'est uneautre affaire. Vous connaissezAlexandre Vuillermet ?

PIERRELe ministre de l'intérieur ? Ouibien sûr. Vous travaillez pourlui ?

Tout à coup, Joseph devient plus sérieux.

JOSEPHPierre. Je suis désolé pour lesdésagréments de ces derniersjours. Comment vous expliquer?... Un Etat moderne est entension permanente. Des factionsconcurrentes y ont des objectifsdifférents, parfois opposés.Pendant des mois, des années,tout semble calme car, malgrétout, un certain équilibre des

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Revision 3 22.

JOSEPH (suite)forces est en place. Et puis,tous les quinze ou vingt ans, ily a des guerres, des purges.Aujourd'hui, il se trouve quenous sommes à la veille d'un étatde guerre...

PIERRE(souriant)

Vous voulez me proposer de fairela Révolution ? J'ai déjà refusévous savez !

JOSEPHVous ne me comprenez pas : laplupart des guerres civiles sontinvisibles et, surtout, n'ontrien à voir avec unequelconque... une quelconquelutte des classes. Le public n'enperçoit que des effets lointains; en fait il n'y comprend rien.Ce type de guerre a toujours étéune affaire d'initiés.

PIERRE(un peu ironique)

Et, aujourd'hui, qui se batcontre qui ?

JOSEPHCe serait trop long à vousexpliquer. Et très ennuyeux...

PIERRE... pour moi qui ne suis pasinitié.

JOSEPH(hésitant)

C'est ça... Disons, poursimplifier...

Joseph se reprend vigoureusement.

JOSEPHVoilà ce que vous devez savoir(mais ne croyez pas que je vousdévoile toute la partie,seulement la portion que vousavez besoin de connaître) : dansles prochaines semaines je vaisdevoir anéantir le ministre del'intérieur et ses alliés.

Revision 3 23.

Pierre est déstabilisé. Joseph lui lance Le Monde. La Une: "Le ministère de l'intérieur empêtré dans le scandale dela fuite de Marco Scavarda".

JOSEPHTout se passe bien pour le momentvous voyez. Je suis en train degagner les toutes premièresmanches mais la suite va secorser et il ne faut pas selaisser bercer par ses premièresvictoires. J'aurais besoin de vosservices à présent.

Pierre ne sait pas quoi dire.

JOSEPHNe vous inquiétez pas, vousn'allez ni cambrioler niespionner personne. Vous allezsimplement m'écrire un livre. Unlivre d'appel à l'insurrection :faites-moi le chef d'oeuvredéfinitif du sous-genrelittéraire que vous avezdécouvert.

PIERRE(ennuyé)

J'ai émis des réserves à proposde l'action révolutionnaire dansun livre il y a dix ans, ça nefait pas de moi un agentprovocateur tsariste.

JOSEPHPersonne ne saura que c'est vousqui l'avez écrit... Et puis, vousn'allez pas pleurer Vuillermet -ni vos anciens amis d'ailleurs.

Joseph voit quelque chose, hors champ, et se lève.

JOSEPHDésolé, un ami vient merejoindre. Je vais devoir vouslaisser.

Pierre se lève également.

PIERREJe ne sais pas quoi vous dire...Je crois que je ne vais pas...

JOSEPH...Vous ne serez ni un salaud niun traître. Je vous enverrai

Revision 3 24.

JOSEPH (suite)demain 15.000 euros et, dans unmois ou deux, vous m'enverrezvotre texte. Qu'en dites-vous ?

PIERRE15.000 euros ?

JOSEPHAllez... 20.000, si vous ditesoui tout de suite !

PIERREUn livre d'appel à l'insurrection?

JOSEPHOui oui ! Et qu'on y croit, hein! Un truc ciselé, dans un stylearquebuse et viole de gambe, vousvoyez ? Entendu ? Parfait !

Pierre est un peu démuni.

JOSEPHAh oui ! Et vous avez unecontrainte quand même - une seule- condamnez la violence contreles personnes et conseillezvigoureusement les sabotages entout genre : centralesélectriques, voies de chemins defer, lignes téléphoniques, je nesais pas, même les antennes télési ça vous inspire... Trouvez uneconnerie bien tournée sur lesréseaux, les points de contact,je ne sais pas, ce genred'idioties post-modernes,post-structuralistes, vousvoyez...

Pierre sourit. Joseph lui serre la main chaleureusementpuis rejoint son ami, il s'agit de Copeau.

FONDU AU NOIR

21 INT. NUIT / CHEZ PIERRE 21

Chez lui, à son bureau, Pierre commence à écrire son livre- en s'inspirant des livres qui sont sur bureaux,essentiellement publiés aux éditions Champs Libres.

Il empile les livres, écrit de nombreuses fiches. On levoit organiser des paragraphes, réécrire des passages,etc.

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Revision 3 25.

FONDU AU NOIR

22 INT. JOUR / RESTAURANT A BELLEVILLE 22

Pierre et Caroline sont attablés dans une brasserie. Laclientèle est jeune et belle, la décoration faussementancienne. Les serveuses sont des mannequins.

L'une d'elle apporte l'addition.

PIERRETu avais demandé quelque chose ?

CAROLINENon.

PIERREIls ont beau vouloir tout fairepour paraître authentiques : il yaura toujours un détail qui faitHippopotamus.

CAROLINEOh... C'est pas trop mauvais ici.Arrête tes trucs de réac.

PIERREC'est pas un truc de réac, dutout. Au contraire, ça devrait teplaire.

CAROLINEVas-y !

PIERREEcoute : Paris est devenu unimmense centre commercial, maispour toi et moi, enfin les gensdans notre genre pour qui allerdans un centre commercial n'estpas une activité, disonshabituelle, il ne faut pas que çase voit trop. Mais il y atoujours un retour du refoulé :le pain à l'ancienne est maldécongelé, la tomate a un goût depapier d'emballage, on nousapporte l'addition avant qu'on lademande...

CAROLINEJe ne sais pas comment j'ai faitpour te supporter, avec teséditos toutes les dix minutes...A l'époque, je devais trouver quec'était de la haute pensée... En

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Revision 3 26.

CAROLINE (suite)plus, tu regrettes une époque quetu n'as même pas connue...

PIERREPour parler comme tes amis : jeregrette le temps où le règneincontrôlable de l'économiemarchande n'avait pas toutenvahi...

CAROLINE...Arrête de faire comme sij'étais une gauchiste débile.Regretter une chose qui nereviendra pas, ce n'est peut-êtrepas une position uniquementréactionnaire. En tout cas, c'estle meilleur moyen de ne rienfaire puisque c'est un objectifimpossible.

PIERREUn objectif impossible, c'estbien le graal du militant, non ?il n'en aura jamais fini, il yaura toujours la prochaine manif,la prochaine pétition à signer,il y aura toujours le combatd'après.

CAROLINE(elle ramasse l'addition)

Ne rien faire, c'est mauvais pourla santé...

Pierre lui prend la note des mains.

PIERRENon, non, aujourd'hui c'est moi.Ça doit faire deux ou trois ansque tu m'invites.

Pierre fait signe à une serveuse et se lève.

CAROLINE(très étonnée)

Tu es sûr ?

PIERREOui, oui. Tu me connais, je n'aipas ce genre de fierté. Et puis,je travaille un peu en ce moment.

CAROLINEAh c'est bien ! Tu fais quoi ?

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Revision 3 27.

PIERREDes trucs dans l'édition.

CAROLINETu m'avais dit que tu netravaillerais plus jamais.

PIERREEh bien, tu vois, tous les dix ouquinze ans j'ai des velléités detoute puissance.

CAROLINEIl faudrait, un jour, que tuarrêtes de rendre tout dérisoire.C'est ce qui faisait ton charme àvingt ans, mais tu ne peux pluste le permettre. C'est comme lestaches sur les vêtements... Avingt ans, ça te fait ressemblerà Rimbaud, à quarante ans à unvieux garçon crasseux.

Pierre sort un billet de cinquante euros et paye.

CAROLINEDu coup, tu vas pouvoir quitterl'appartement de Martine ?

Ils dirigent vers la sortie.

PIERRESa nièce m'a viré del'appartement. Je vis dans unechambre de bonne que me prête untype. Il doit la récupérer danstrois mois. Je peux peut-êtretirer un peu sur la corde mais jesuis virtuellement SDF.

Caroline salue une tablée tout en semblant affectée par ceque vient de lui dire Pierre.

CAROLINEElle t'a viré ! C'est quoi cettehistoire ? Elle a le droit ?

PIERREEn tout cas, moi je n'en ai aucunsur cet appart. Je n'avais pasenvie d'attendre les huissiers oula police, alors j'ai fait mesvalises.

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Revision 3 28.

23 EXT. JOUR / RUE DE BELLEVILLE 23

Caroline et Pierre sortent du restaurant.

CAROLINETu as deux minutes ? Tum'accompagnes à la galerie ? Oninstalle une nouvelle expo.Viens.

PIERRED'accord. Je resterai paslongtemps.

CAROLINEMais qu'est-ce qui se passe avecMartine ?

PIERREJ'ai pas très envie d'en parler.Elle est à l'hôpital, sa famillene veut plus que je lui rendevisite, ils lui ont fait signerdes papiers... C'est assezsordide.

CAROLINEMais il faut que tu battes !

PIERREOn ne peut rien faire, Caroline.Martine a 90 ans, elle va mourir,sa famille va se déchirer surl'héritage, sur les textesinédits, les archives vont êtrebloquées pendant des années.Qu'est-ce que tu veux...

Caroline s'arrête de marcher, net.

CAROLINEMais c'est fou ! Pour toi, detoute façon, il n'y a jamais rienà faire ! Que tu penses qu'on nepuisse pas abattre l'Etatbourgeois c'est une chose maisdans ta vie ! Pierre ! Tu vasfinir mort de froid sous un pontpour prouver la vanité de touteaction ? Pour prouver que mesamis avaient tort ? C'est ça ?

Pierre semble affecté. Pierre et Caroline cessent deparler quelques instants et continuent leur marche.

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Revision 3 29.

CAROLINEJulien t'a trouvé très détendul'autre jour, au mariage.

PIERREEvidemment que j'étais détendu,je n'ai rien à me reprocher.C'est lui qui m'a piqué ma femme!

CAROLINEEt bien, au moins lui, il a faitquelque chose !

Caroline prend Pierre par le bras et l'embrasseaffectueusement sur la joue pour se faire pardonner.

24 INT. JOUR / GALERIE D'ART DE CAROLINE 24

Ils arrivent à la galerie.

La galerie d'art est en pleine installation. Des artistesou des stagiaires déballent et déplacent des pièces. UneSTAGIAIRE est occupée au téléphone, elle raccroche et vavers Caroline.

LA STAGIAIRECaroline, Laura est arrivée, ellet'attend dans ton bureau.

CAROLINE(à Pierre)

Donne moi deux secondes.

Caroline s'éclipse et Pierre marche entre les pièces.

Derrière lui, deux HOMMES accrochent une grande affichesur laquelle est inscrit un slogan politique et une phototrès agrandie de militants altermondialistes à Seattle aumilieu d'une émeute les confrontant très violemment auxforces de l'ordre.

Caroline sort de son bureau, Laura est derrière elle.

CAROLINETu as pu faire l'anarchiste dedroite avec ma stagiaire ? C'estbon ? Elle a été impressionnée ?Je te présente Laura Haydon.

LAURAEnchantée.

Laura et Pierre se serrent la main.

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Revision 3 30.

CAROLINEJe suis désolée, je dois réglerune affaire un peu urgente avecLaura. Mais reviens voir l'expo,le vernissage est au début dumois prochain ! On n'a pas encoretout déballé. Tu pourrascontinuer à dire du mal de toutça, à dire que je célèbre desrévolutions qui n'ont pas eulieu. Viens ! Vraiment.

Pierre embrasse Caroline et fait un signe de tête à Laura.Pierre regarde Caroline puis Laura, plus longuement.

PIERRE(à Laura)

Je sais que c'est bête mais on nes'est pas déjà croisé ici ?

LAURANon jamais. Par contre j'ai luton livre. Je me souviens quej'avais détesté à l'époque.

Elle lui sourit.

PIERRED'accord.

Laura et Pierre soutiennent le regard de l'autre quelquesinstants. Caroline détend l'atmosphère :

CAROLINECa lui fait plaisir. Il en est àun tel stade de détestation deschoses qu'il ne supporte pasqu'on lui dise du bien de sonlivre.

PIERRE(à Laura)

A bientôt peut-être alors.

LAURAC'est ça. A bientôt peut-être.

Une tension sexuelle est palpable entre Laura et Pierre,Caroline s'en aperçoit et embrasse Pierre pour lui dire aurevoir et le faire partir.

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Revision 3 31.

25 EXT. JOUR / DEVANT LA GALERIE D'ART DE CAROLINE 25

Pierre sort de la galerie et regarde à l'intérieur Lauraqui lui rend son regard.

En s'éloignant de la galerie, Pierre sourit un peu, pourlui même. Il semble troublé et regarde de l'autre côté dela rue.

Un homme en polo est seul juste en face de la galerie. Ilattend à côté d'une voiture et parle avec le conducteur decelle-ci qui écrit quelque chose sur un carnet.

26 INT. JOUR / CERCLE NAPOLEON 26

Le cercle Napoléon est un cercle privé dans lequel deshauts fonctionnaires, des hommes politiques, desmilitaires, des capitaines d'industrie se rencontrent,dînent ou déjeunent. Il y a une demi douzaine de tablesentre lesquelles des garçons en gants blancs se déplacent.Le décor est digne d'un palais de la République.

Joseph est à table avec un VIEUX GENERAL (en civil),Copeau et une JOURNALISTE (JULIETTE).

Deux maitres d'hotel viennent débarasser leur table.

LE VIEUX GENERALMais vous n'êtes pas journalistepolitique ! Ça n'existe pas lejournalisme politique. Vous nesavez rien ! et quand vous savezquelque chose, vous ne pouvez pasle dire !

JULIETTE(amusée)

Ah bon ? Et si je ne suis pasjournaliste, je suis quoi,d'après vous ?

LE VIEUX GENERALJe n'en sais rien. Vous pratiquezquelque chose qui s'apparenteplutôt au commentaire sportif.Vous commentez des matchs et puisvous faites des pronostics.

COPEAUN'exagérez pas mon Général !

LE VIEUX GENERALJoseph, il n'y a plus de vin !Prenez un autre Chateau-Autret !

Joseph appelle un garçon et commande une bouteille.

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Revision 3 32.

LE VIEUX GENERALAujourd'hui, la politique c'esttrois choses - et trois chosesqui n'ont pratiquement aucunrapport ! D'abord, c'estl'exercice du pouvoir. Etl'exercice du pouvoir c'estsurtout la disparition du pouvoirdes élus et une administrationqui essaie d'organiser sa propreruine comme elle peut. Demandez ànotre ami Copeau !

Le général donne un coup de menton en direction de Copeau.

LE VIEUX GENERALEnsuite, c'est la compétitionentre les responsablespolitiques. C'est là-dessus quevous écrivez mademoiselle !Qu'untel passe devant untel dansun sondage, que Dupont va battreDurand si l'élection avait lieuaujourd'hui, etc. Ça s'apparenteà chroniquer la première divisionde football ou le classementgénéral du tour de France.

COPEAULa ligue 1 mon général, on ne ditplus la première division.

Copeau voit quelqu'un de l'autre côté de la pièce et selève. Juliette, un peu inquiète, regarde Copeau s'enaller, puis écoute à nouveau le général.

LE VIEUX GENERALOui, c'est ça, comme vous voulez.Et puis le troisième aspect. Cesont les élections. Et lesélections, en France, c'est biensimple : ce sont des gens quivotent à gauche en la trouvanttrop peu à gauche, des gens dedroite qui votent à droite en latrouvant trop peu à droite et àla fin, pour des raisons purementdémographiques, un résultatapparaît. La paix sociale enFrance repose sur le fait que cestrois aspects qui n'ontrigoureusement aucun rapportentre eux sont unifiés par uneidéologie qui est l'idéologiedémocratique. Les gens fontsemblant de croire qu'ils ont uneprise sur ces processus.

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Revision 3 33.

JULIETTEIl y a quand même des différencesde programmes, en tout cas, ladroite et la gauche essaient dedéfendre des options sociétalesdifférentes.

LE VIEUX GENERALOui, bien sûr. La droitecommunique sur la prévention dufait divers et la gauche sort lemariage homosexuel d'un chapeauet puis, et puis, c'est à peuprès tout. Je suis très ouvert,je n'ai rien ni contre l'un, nicontre l'autre, mais vous vousrendez compte que ça a peu à voiravec ce qu'on appelle "lapolitique".

Juliette regarde à nouveau Copeau, de l'autre côté de lasalle.

JULIETTEExcusez-moi.

(à l'oreille de Joseph)Tu avais raison, c'est exactementle genre de militaire que jecherchais ! Merci encore ! Je terevaudrai ça !

Elle se lève. Joseph et le général restent seuls.

LE VIEUX GENERALElle est un peu revêche, non ?Mais j'étais très bien, sinon,non ?

JOSEPHTrès bien ! Comme toujours !

Juliette va vers Copeau. Ils parlent bas.

JULIETTEMais qu'est-ce qu'ils lui veulent?

COPEAUIls veulent juste discuter. Net'inquiète pas.

JULIETTEMais je ne m'inquiète pas,j'aimerais juste qu'il me dise cequi se passe. Plus personne ne merépond au ministère del'intérieur, ni au parti, même

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Revision 3 34.

JULIETTE (suite)Dorothée ne me rappelle pasdepuis une semaine...

COPEAUTu verras, il t'expliquera toutça quand il le jugera nécessaire.

JULIETTE... et en attendant je passe pourune conne...

COPEAUIl ne te dit pas tout pour teprotéger, Juliette.

Du point de vue de Copeau et Juliette, nous voyons UNSENATEUR s'approcher de la table de Joseph. Il salueJoseph et le général, qui a l'air très agacé. Joseph selève et part avec le sénateur.

27 INT. JOUR / CERCLE NAPOLEON (COULOIR) 27

Le sénateur et Joseph marche dans un couloir l'ambianceest lourde mais Joseph semble confiant. Plutôt gêné, lesénateur brise le silence.

SENATEURJe crois que tu fais vraiment uneconnerie Joseph.

JOSEPHC'est eux ou moi, tu le saisbien.

SENATEURVuillermet, c'est un gros poissonpour toi tout seul, non ?

JOSEPHJ'ai encore beaucoup d'appétit.

Un homme leur ouvre la porte.

28 INT. JOUR / CERCLE NAPOLEON (SALON PARTICULIER) 28

Joseph et le sénateur entrent dans la pièce dans laquelleDEUX HOMMES et une FEMME d'une cinquantaine d'années(PAULINE) finissent de déjeuner (mais un déjeuner detravail, plutôt dans le style poulet froid / sandwich surune table basse. Ils sont assis sur des fauteuils et descanapés, pas autour d'une table.

La pièce est vaste et luxueuse. La lumière y est tamisée.La femme voit Joseph. Le sénateur rejoint les hommes.

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Revision 3 35.

PAULINEAssieds-toi, Joseph.

Joseph s'assied sur un canapé. La femme ramasse unexemplaire du Canard enchaîné et le jette sur une tablebasse. Elle prend son temps.

PAULINETu veux devenir ministre del'intérieur ? A la place deVuillermet, c'est ça ?

JOSEPHTu as tort de parier surVuillermet, Pauline. Il nepassera pas l'hiver.

PAULINEJe ne sais pas ce que tu préparesencore Joseph, mais je peux justete conseiller d'arrêter. Je saisjuste que tu vas échouer. Jet'aime bien Joseph, on se connaitdepuis longtemps, alors je vaiste proposer quelque chose.

JOSEPHTu parles au nom de Vuillermet ?

PAULINEDisons que le ministre estd'accord avec moi. Il comprend lepréjudice qu'il t'a causé. Maistu comprends bien que lesamitiés, les alliances doiventévoluer avec le temps.

Pauline se retourne et demande à un des hommes à tablequelque chose. Il lui apporte une enveloppe. Pauline laprend dans ses mains.

PAULINEVoilà. Si tu cesses touteinitiative contre nous, noussommes prêts à passer l'épongesur tes petits coups de poignardde ces dernières semaines. Etvoici un dédommagement qui noussemble correct.

Joseph prend l'enveloppe, la décachette, la lit puisregarde Pauline. Il pose l'enveloppe sur la table et selève.

JOSEPHJ'imagine donc que vous avezchoisi la guerre.

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Revision 3 36.

PAULINETu as tort, Joseph.

JOSEPHC'est vous qui avez tort. Voussavez que je ne suis ni César, niRobespierre. Je ne suis pas unmégalomane et j'avais un prix.Vous regretterez un jour lecontenu de cette enveloppe.

PAULINETu sais quel a toujours été tonproblème, Joseph ?

Joseph se dirige vers la porte.

PAULINETu ne sais pas t'arrêter dejouer.

Joseph sourit et sort de la pièce.

29 INT. NUIT / CHEZ PIERRE 29

Le soir, Pierre est chez lui. Il allume son ordinateur. Ilprend son téléphone.

PIERRECaroline ? Oui, c'est moi.Dis-moi, tu es au courant qu'il ya des gens qui surveillent tagalerie ?... Bien sûr que j'aipeur pour toi ! Tu es au courant? D'accord. Il y a des flics quisurveillent qui entrent etsortent et... OK, je me tais...Dis-moi, sinon, c'était qui lafille, là... Oui, c'est ça,Laura.

Pierre tape sur son ordinateur "Laura Haydon".

PIERREElle est Anglaise ? Elle n'aaucun accent...

Il googleise le nom « Laura Haydon ». Il tombe sur un sitede l'EHESS et voit qu'elle prépare une thèse desociologie. Il cherche des articles qu'elle aurait puécrire, en trouve et en lit deux ou trois en diagonale.

PIERREElle vit avec Louis et sescopains, enfin ses disciples, àla campagne, dans la ferme

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Revision 3 37.

PIERRE (suite)stalinienne / autogérée /éco-responsable là ? C'est pasvrai ! Mais ils sont combien làbas maintenant, une centaine ? Cava finir en immolation collectivele jour du solstice d'hiver cettehistoire !

Pierre écoute Caroline en souriant.

Toujours sur internet, Pierre trouve trois ou quatrephotos de Laura dans des colloques universitaires. Il lesregarde, un peu plus grave.

FONDU AU NOIR

30 EXT. JOUR / RUE MONTPENSIER 30

Pierre et Joseph marchent rue Montpensier.

JOSEPHBref. Imagine que j'ai un amidéputé. Il tient absolument àfaire passer une loi. La loi,évidemment, n'est qu'un prétexte,ce qui est important c'est que laloi va le faire exister, lui.

PIERREJ'imagine.

Ils traversent

JOSEPHTout le monde s'en fout de saloi, hein ? Mais il veut qu'elleprovoque un débat, il veut qu'onen parle et par la même occasionqu'on parle de lui. Eh bien, ilaimerait bien que quelqu'un - unexpert si possible - écrivequelque chose pour dire que saloi est mauvaise, inutile,contraire à l'esprit de laRépublique. Si un autre livreparaît pour le soutenir, c'estencore mieux, ça veut dire que saloi a un écho dans l'espacepublic. Et si sortent sur le mêmesujet trois, quatre, cinq livres,c'est encore mieux. Autre cas defigure : un livre paraît etdérange quelqu'un. On va medemander de faire écrire deux,trois, quatre livres sur le mêmesujet.

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Revision 3 38.

PIERREPour démentir ?

JOSEPHNon. Pas pour démentir. Pourbrouiller le message du premierlivre. Pour qu'il ne soit qu'unson de cloche parmi un concert decloches et qu'on finisse par dire« à chacun sa vérité ». Laliberté d'expression est plusefficace que la censure pourrendre inaudible ce que lepouvoir n'a pas envie que l'onentende. Je vais te faire uneconfidence.

Joseph s'interrompt. Il voit un HOMME EN BLOUSON devant lejardin du Palais Royal et semble contrarié. Josephentraîne Pierre avec lui et, après s'être arrêté quelquessecondes pour réfléchir, continue sous les arcades duPalais Royal.

31 EXT. JOUR / ARCADES DU PALAIS ROYAL 31

PIERRETa confidence ?

JOSEPH(revenant à la conversation)

Oui. Mon secret. L'espace publicn'existe pas. Ce sont des genscomme moi qui le fabriquons. Leplus souvent, cet espace, c'estune coquille vide, une sorte dechaos, il s'y passe n'importequoi. Moi, par petites touches,je l'oriente, je le fais exister.Je suscite une chose, je lalaisse reposer, le plus souventelle meurt de sa belle mort,parfois je la ressuscite desannées après.

Joseph sort un objet de son sac en papier Il s'agit d'unpetit livre à la couverture brune sur lequel est écrit"Lettre de loin". Le livre est signé du collectif"Censor".

JOSEPHTiens. C'est un bel objet, non ?Ca nous a coûté un bras.

Pierre compulse le livre, il sourit : les pages sontentièrement blanches.

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Revision 3 39.

JOSEPHNe t'inquiète pas, ce n'estqu'une maquette.

PIERRECe livre, il est un coup dequelle partie d'échec finalement? Je n'arrive pas à croire quec'est simplement pour fairedémissionner un ministre.

JOSEPHTu as en partie raison.Vuillermet n'est rien - ou pasgrand chose, en tout cas pour lemoment. Il n'est que la partievisible d'un nouveau réseaud'influence, d'intérêtséconomiques, stratégiques. Il megène. Enfin, il nous gène.

PIERREParce que toi non plus tu n'espas grand chose.

JOSEPHVoilà. Nous ne sommes que despetites parties d'un tout plusvaste.

PIERRETu parles comme unrévolutionnaire. Tu vas finir parme dire que, finalement, tu n'asrien contre Vuillermet.

JOSEPHVuillermet, c'est un jeunemerdeux qui ne respecte rien. Ilest vulgaire, il veut aller tropvite. Il faut juste le stopper.Même simplement pour la beauté dugeste.

PIERRELa beauté du geste ?

JOSEPHVuillermet, sa bande, ils sontvulgaires ; je veux les abattreaussi pour des raisons... disonsdes raisons... esthétiques ! Onne mène pas les affaires d'Etatcomme ça !

Pierre semble circonspect.

Revision 3 40.

JOSEPHLe but est de le faire passerpour un incapable, de l'empêtrerà longueur de journée dans desscandales qui n'en finissent pas- je lui ai même inventé unsurnom pour la presse : leMachiavel des bacs à sable, c'esten train de prendre je crois...Et puis, pour le dire vite, etplus sérieusement, l'existence denos deux réseaux sontincompatibles. A un moment, c'estvraiment eux ou nous, lui ou moi.

Joseph regarde autour de lui.

PIERREEt le livre donc ?

JOSEPHTu viens d'écrire l'appel àl'insurrection d'un groupe degauchistes surveillé par lapolice depuis des mois...

PIERRELe groupe de Louis ? C'est pourça que tu as fait appel à moi ?

JOSEPHTu ne le portes pas dans toncoeur de toute façon ce Louis,non ?

PIERRELe groupe est surveillé par lapolice ?

JOSEPHPar plusieurs services même ! Desécoutes, des filatures, desagents infiltrés, toute lapanoplie. Des millions d'euros ducontribuable dilapidés.

PIERREMais Louis, il ne représente dedanger que pour la languefrançaise...

JOSEPHOui, enfin c'est peut-être un peuplus compliqué - Il y a un oudeux types assez violents aveclui, peut-être deux ou troisactes de sabotage maladroits, de

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Revision 3 41.

JOSEPH (suite)quoi monter un petit dossier. Entout cas je peux t'assurer queLouis aura quelques problèmesavec la justice ces prochainessemaines. Et ses amis aussid'ailleurs.

PIERREComment ça ?

JOSEPHNe t'inquiète pas. La procédureest très fragile et on est endémocratie - enfin surtout, ça nese fait pas de mettre un filsd'architecte en prison sanspreuves trop longtemps.

PIERREEn prison ?

JOSEPHLa gendarmerie va faire unedescente dans son repaire deconspirateurs. Ils passeront tousleurs fêtes de fin d'année chezle juge anti-terroriste ou encellule.

PIERREMais quand ?

JOSEPHA priori, ce sera le lendemaind'un grand discours de Vuillermetsur les extrémismes, à Dijon. Vasavoir pourquoi Dijon...

Pierre est pensif.

JOSEPHAllons... Reprends toi ! Je mesuis dit que pour écrire commeLouis, il fallait un peu leconnaître, l'avoir pratiqué. Maisj'ai pris beaucoup de plaisir àlire ton roman et ton livre decombat. Ne sois pas orgueilleux !A bientôt, Pierre.

Joseph s'éloigne après avoir salué Pierre.

Joseph est suivi par l'homme au blouson. Pierre suit lesdeux hommes du regard. Il les voit s'invectiver quelquessecondes avant de partir chacun dans son coin. Joseph,malgré tout, semble moins sûr de lui que quelques instantsauparavant.

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Revision 3 42.

FONDU AU NOIR

32 EXT. JOUR / LE PARKING D'UNE IMPRIMERIE 32

Des piles de livres sont rangées dans des cartons aprèsavoir été emballées dans du cellophane.

On les transporte sur des palettes dans des camions.

33 EXT. JOUR / ROUTE DE FRANCE 33

Un des camions roule sur une route.

Il rejoint la région parisienne.

34 INT. JOUR / UNE LIBRAIRIE 34

Un libraire ouvre un certain nombre de cartons de livresqui viennent d'être livrés.

Il en sort, notamment, une pile de Lettre de loin et lesplace sur la table "livres politiques", au milieu d'autreslivres portant sur des sujets politiques variés.

Après les avoir placés sur la table, il y accole un petitcarton sur lequel est inscrit : "Lu et approuvé par votrelibraire" et un autre : "La Révolution est-elle pourdemain ? Le renouveau de la pensée révolutionnaire", surun troisième "L'effondrement pour demain ?"

35 INT. JOUR / UNE AUTRE LIBRAIRIE 35

Une autre libraire, sur un mur de sa librairie accroche detrès nombreux articles portant aux nues l'écriture, lapertinence de l'ouvrage. On l'attribue à un groupemystérieux vivant à la campagne.

Le livre finit même par faire la Une de "Libération" quiest également affichée dans la librairie, l'articles'appelle "Itinéraire d'une lettre", on parle d'un succès"de bouche à oreille".

Peu à peu, encore dans d'autres librairies, les murs seremplissent d'articles : le livre devient un phénomène deplus en plus important.

36 EXT. JOUR / RUE DE PARIS 36

Copeau achète Le Figaro et commence à le lire tout enmarchant.

Revision 3 43.

Un député écrit une lettre ouverte au ministre del'intérieur l'exhortant de faire quelque chose contre"ceux qui appellent à la violence pour détruire laRépublique et ses valeurs".

Copeau semble satisfait. Il s'apprête à traverser la ruemais il s'aperçoit que le feu est rouge pour les piétons.Il fait un pas en arrière et s'arrête donc, attendant quele feu passe au vert.

Le feu passant au vert, Copeau s'engage sur le passageclouté et est violemment renversé par une voiture trèsrapide qui vient de brûler le feu.

Les passants s'affolent et appellent les secours.

37 EXT. JOUR / RUE PRÈS D'UNE BOUCHE DE METRO 37

Pierre sort du métro. Il observe un HOMME DE 30 ANS aulook branché qui range Lettre de loin dans la poche de sonmanteau.

Pierre continue de suivre l'homme jusqu'à la galerie deCaroline où le vernissage de l'exposition "Revolution Now!" a lieu.

Devant la galerie, plusieurs petits groupes parlent,l'homme au livre en rejoint un ; Pierre ne connaissantpersonne s'engouffre dans la galerie.

38 INT. JOUR / GALERIE D'ART DE CAROLINE 38

Pierre marche dans la galerie, il y a encore peu de mondeet il ne reconnaît pour le moment personne.

Il marche entre des affiches révolutionnaires, des vidéosque l'on distingue mal et regarde vaguement des vitrinesdans lesquelles sont présentées des revues d'extrêmegauche des années 90-2000.

Il passe alors dans une salle où trône une très grandepièce. Pierre est seul dans cette salle. Il s'approche dela pièce et la regarde de plus près :

Sur le mur, l'artiste a fabriqué de vastes réseaux entredes photos et des articles relatant de faits historiquesmystérieux de la seconde moitié du vingtième siècle. ("lestueurs du Brabant", l'attentat contre l'avion du présidentHabyarimana, l'assassinat de Gérard Lebovici, etc.)

L'installation semble plaire à Pierre. Il tourne la têteet voit Laura.

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Revision 3 44.

PIERREAh ! Bonjour, enfin bonsoir.

LAURABonsoir.

39 INT. SOIR / APPARTEMENT PARISIEN, SALON 39

Une soirée dans un appartement parisien luxueux. Lesconvives sont manifestement des PDG, de riches avocats,des parlementaires. Joseph marche entre les convives,beaucoup sont des militaires de haut rang.

Joseph se dirige vers un mur sur lequel sont accrochées degigantesques gravures représentant des moments debatailles napoléoniennes.

Joseph est comme fasciné, puis il se détourne et se dirigevers un groupe.

Il salue deux ou trois personnes qui passent, puis sontéléphone portable sonne. Il s'éloigne du groupe, essaiede s'isoler et répond.

On le voit se décomposer.

40 INT. SOIR / GALERIE DE CAROLINE 40

Toujours près de l'oeuvre, Pierre et Laura discutent.

PIERRETu vis dans le groupe de Louis, àla campagne alors ?

LAURAOui.

Pierre la regarde. Un instant, il est perdu dans sespensées. Laura regarde la fresque, puis Pierre.

LAURAAh les garçons et la conceptionpolicière de l'histoire !

PIERREJe croyais qu'on avait passé lestade de la différenciationsexuelle dans vos milieux.

LAURAParfois la réalité contredit lathéorie.

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Revision 3 45.

PIERREOui. C'est vrai que ça n'a jamaisposé de problèmes à Louis.

LAURA(elle sourit)

Je connais votre passif... Votrebagarre à Venise, le 11 septembre2001. Caroline me l'a racontée !

Derrière eux, commencent à passer un certain nombred'invités du vernissage, ils regardent, distraitement, lapièce en buvant de la bière.

UN INVITE(à Pierre et Laura)

Vous savez si on peut fumer ?

On entend alors, au loin, des cris - ou plutôt desinvectives violentes. Les invités prennent un peu peur.Certains se regardent, d'autres vont voir ce qu'il sepasse.

41 EXT. SOIR / DEVANT LA GALERIE 41

SEPT OU HUIT JEUNES d'une vingtaine d'années (certainspeut-être un peu plus âgés) affublés de symboles d'extrêmegauche sur leurs vêtements invectivent les invités quifument dehors.

On entend des cris : "Vendus !", "Salopes !"

Une INVITE d'une cinquantaine d'années sûre d'elles'insurge:

L'INVITEMais qu'est-ce que vous avez ?Allez foutez le camp ! On vaappeler la police, vous savez !

UN DES JEUNESC'est ça ! Appelle les flics ! Etva faire la révolution avec eux,salope !

Un jeune sort des rangs et déchire un calicot sur lequelest inscrit un slogan révolutionnaire.

La tension monte d'un cran. Un certain nombre de jeunesrentrent dans la galerie et se mettent à intimider lesinvités.

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Revision 3 46.

42 EXT. NUIT / RUE DE BELLECHASSE 42

Joseph marche très rapidement, l'air extrêmement inquiet.Il est au téléphone.

JOSEPHJe te rappelle. Je rentre chezmoi, là. Oui. Il faut encore queje passe deux trois coups de fil.

(il raccroche et appellequelqu'un d'autre)

Oui. Pierre. Joseph, j'auraisaimé te parler. Il y a unproblème, enfin plusieurs grosproblèmes même. Ce soir,manifestement, on s'en prendmassivement à mon entourage, mêmeassez éloigné... Je voulaissimplement m'assurer que toutallait bien de ton côté.

Joseph fait un code et s'introduit dans un immeuble.

43 INT. NUIT / GALERIE DE CAROLINE 43

Les jeunes, qui sont à présent une bonne vingtainecontinuent tranquillement à mettre du désordre dans lagalerie. Les invités se regroupent, certains veulentsortir, mais dans la rue également la tension est forte.

Une claque fuse, un groupe se met à se battre, on essaiede les séparer.

Caroline, Laura et deux autres femmes essaient deparlementer avec ce qui semble être un leader. Une sortede chaos commence à régner.

Pierre est parmi les invités. Il croise le regard d'un desjeunes. Le moins jeune se dirige alors vers lui.

LE MOINS JEUNEAlors ? Ca t'amuse d'écrire deslivres et de ne pas les signer ?T'es une p'tite fiotte. T'as priscombien pour l'écrire ta merde ?Il t'a donné combien JosephPaskine ?

Pierre est tétanisé. Le jeune donne un violent coup depoing dans le ventre de Pierre. Un autre jeune vient avecun couteau.

L'AUTRE JEUNEC'est lui ?

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Revision 3 47.

LE MOINS JEUNEC'est lui.

Ils se mettent à donner des coups de pied à Pierre,bientôt allongé au sol.

LE MOINS JEUNETu quittes Paris et tu revienspas, sinon on te bute ! Compris ?

44 INT. NUIT / APPARTEMENT DE JOSEPH 44

Joseph rentre dans son appartement. La porte n'est pasfermée à clé. Elle semble même avoir été forcée.

Joseph marche dans son appartement, traverse les pièces,sans allumer la lumière. Tout à coup, la chaîne Hi-Fi semet en marche toute seule.

Joseph va dans la pièce d'où vient la musique. La fenêtreouverte, claque de manière rythmée.

Un homme, venu de l'arrière, apparait.

45 EXT. NUIT / RUE DU VIIEME ARRONDISSEMENT 45

Un homme est défenestré du cinquième étage de l'immeublede Joseph. Le bruit du corps tombant sur le sol est d'unetrès grande violence.

46 EXT. NUIT / RUE DEVANT LA GALERIE 46

La police arrive, les derniers jeunes partent en courant.

UN INVITÉQuelle catastrophe...

UNE INVITÉMais vous avez mis une éternité àvenir !

Laura marche parmi les gens, tous plus ou moinstraumatisés. Elle cherche manifestement quelqu'un,peut-être Pierre.

Caroline sort de la galerie et vient vers Laura.

CAROLINEÇa va ? Tu n'as rien ?

LAURANon non. Tu as vu Pierre ?

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Revision 3 48.

CAROLINEOui, viens. Il a été trèssévèrement agressé.

LAURATu crois qu'il faut l'emmener àl'hôpital ?

CAROLINEIl ne veut pas. Il dit que lesjeunes étaient des flics, enfinque tout le truc était uneprovocation policière.

Caroline et Laura entrent dans la galerie, dans un état degrand désordre, certaines pièces ont été abimées.

47 INT. NUIT / PIECE AU FOND DE LA GALERIE. 47

Pierre cherche son portable dans sa poche qui, leconstate-t-il, est cassé. Il se dirige rapidement mais enéprouvant de la douleur vers un téléphone fixe qui estdans la pièce.

Il compose un numéro de téléphone. Nous entendons :"bonjour, vous êtes bien sur le répondeur de JosephPaskin, merci de laisser un message." Pierre raccroche,très fébrile.

Caroline et Laura entrent à ce moment là dans le bureau,elles sont encore en pleine conversation.

CAROLINE...Tu vas pouvoir lui demander.

LAURA(à Pierre)

Ca va ?

Pierre fait un bref "oui" de la tête même si on sent quela panique le gagne. Une certaine confusion commence às'installer.

LAURAC'est quoi cette histoire deprovocation policière ?

Pierre regarde Caroline, avec un air de reproche. Carolineentre dans une petite pièce qui semble faire office desalle de bain.

PIERRE(à Laura)

Les jeunes, dehors, étaientencadrés par des flics. Certainsd'entre eux m'ont menacé en me

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Revision 3 49.

PIERRE (suite)disant des choses que des petitsgauchistes ne sont pas censéssavoir...

LAURA(à Pierre)

Ils t'ont dit quoi ?

PIERREQue je devais quitter Paris. Quedans le cas contraire, ils me"butteraient".

Pierre dit le dernier mot avec une pointe d'ironie, maisune ironie qui n'est pas drôle pour une fois.

Caroline sort de la salle de bain avec quelques remèdespour soigner Pierre.

LAURAMais pourquoi toi ?

Caroline s'approche de Pierre et inspecte ses contusions.

LAURATu n'as aucune idée ?

PIERRESi, peut-être.

LAURATu crois que c'est sérieux ?

PIERREJe ne sais pas. Oui. En tout cas,je pense qu'il faut que je mefasse oublier au moins quelquesjours.

Laura prend un temps de réflexion et regarde Carolines'occuper de Pierre quelques secondes.

LAURATu veux venir avec moi ? Là où jevais, tu seras en sécurité,personne ne viendra te chercher.

Pierre regarde Laura, un peu mal à l'aise.

CAROLINEC'est une bonne idée.

LAURAReste un peu. Tu reviendras àParis après les fêtes et tout çasera peut-être oublié.

Revision 3 50.

48 EXT. JOUR / ROUTE DE CAMPAGNE 48

Une route de campagne, vide.

Pierre marche, il est absolument seul. Pratiquement aucunevoiture ne passe par là.

Après quelques instants, il arrive devant une cabinetéléphonique. Il y entre, plus très habitué à la machineet y introduit sa carte bleue dans le téléphone etdécroche.

Pierre tombe directement sur un répondeur : "bonjour, vousêtes bien sur le répondeur de Joseph Paskin, merci delaisser un message".

Pierre hésite à laisser un message et raccroche, un peuabattu.

49 EXT. JOUR / POTAGER PUIS CORPS DE FERME 49

Pierre arrive dans la ferme, c'est la fin de la matinée,il est presque midi.

Il passe par un grand potager. TROIS JEUNES mettent deslégumes dans des cagettes, Pierre leur fait un signe detête. Puis Pierre rejoint le corps de ferme à proprementparler

BENJAMIN, un jeune homme de 25 ans, est devant unecamionnette, THOMAS, MARIA et DEUX AUTRES JEUNES portentdes cagettes qu'ils transportent à l'intérieur duvéhicule. Thomas est beaucoup moins vêtu que les autres,comme si sa résistance au froid était bien supérieure.

Benjamin et les deux jeunes entrent dans la camionnette etpartent.

ALICE, une Anglaise, et LORCA qui étaient là etdiscutaient vont à la rencontre de Pierre.

ALICEC'est bon, tu as eu la personneque tu voulais joindre ?

PIERRENon. Je réessaierai plus tard.

LORCAOn peut te filer un téléphone àcarte si tu veux.

ALICENon, non, Benjamin l'a pris.

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Revision 3 51.

LORCAAh merde. Bah, on te le fileratout à l'heure, quand ilreviendra de l'épicerie. Ca ira ?Laura m'a dit que c'était urgent.

PIERREOui oui, ça ira. Merci.

Pierre les quitte et se dirige vers la maison.

50 EXT. JOUR / ESCALIER DE LA MAISON 50

Un peu plus tard, Pierre regarde des livres posés quelquepart, il repart et croise Thomas.

THOMAS(il lui tend la main)

Salut. Thomas.

PIERRESalut. Pierre.

THOMASTu dis bonjour à tout le monde,tu te présentes, mais moi quedalle.

PIERRENon non.

Thomas lui donne une tape sur l'épaule.

THOMASNon non ? Ca veut dire que tu disbonjour à personne ?

(Il se détend tout à coup)C'est bon. Je rigole.

51 INT. JOUR / COULOIR PUIS PIECE A VIVRE 51

Pierre marche dans un couloir.

Pierre arrive dans une sorte de salle à manger et regardela table, pratiquement déjà dressée.

Au fond, Pierre voit Laura et IVAN, un jeune homme de 16ans. Elle ne le voit pas tout de suite puis le regarde, selève et vient vers lui, quittant Ivan avec qui elle étaitassise à table.

PIERREQu'est-ce que tu fais ? On vamanger je crois.

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Revision 3 52.

LAURALà, un cours particulier. Ivan ades problèmes avec la lecture.

Ivan se lève et range ses affaires.

PIERRE(ironique)

Comme tout le monde ici, non ?

LAURA(sur le même ton, mais unpeu plus sérieux)

Non, un peu plus que tout lemonde. Il est très intelligentmais l'école l'a vraiment abimé.On a fini pour ce matin de toutefaçon.

Ivan quitte la pièce.

52 INT. JOUR / SALLE A MANGER 52

Pierre est assis à table pour le déjeuner. Il est entreLorca et Maria.

Les personnes se passent les plats, l'ambiance est trèsquotidienne. Il y a deux tablées, Laura est sur une autretable que Pierre juste derrière.

LORCACa va ? Ca te plait ici ?

PIERRECa va. Normalement, j'ai desallergies à la campagne mais là,apparemment, ça va.

LORCAC'est parce que c'est l'hiver. Net'inquiète pas, si tu restais unpeu, ce serait une autrehistoire.

Pierre se retourne et regarde les jeunes de la séquenceprécédente.

PIERREVous êtes combien ici ?

BENJAMINTu es un flic ? Tu vas faire unrapport sur nous ?

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Revision 3 53.

LORCAOn est entre douze et quatorze,aujourd'hui moins, Clara et Louissont à Paris ; ils reviennentdemain.

MARIATu es un ami de Laura, c'est ça ?

Pierre regarde Laura qui est à table avec d'autres jeunes.

PIERREOui. Enfin un ami récent.

LORCAPierre a connu Louis autrefois.Vous ne vous êtes pas vus depuislongtemps ?

BENJAMINFais attention à ce que tu vasdire, c'est son mec !

PIERREOui, je l'ai connu. On ne s'estpas vu depuis... je ne saispas... plus de dix ans.

MARIAOh la. Tu n'as pas parlé à Louisdepuis dix ans. Tu sais : il nepardonne jamais !

Quelqu'un passe un plat, un garçon de la table de Laura selève, la conversation est interrompue quelques secondes.

PIERREJ'ai une question peut-être unpeu débile, qui n'a rien à voir.Vous avez des journaux ? Une télé? Une radio ?

MARIA(ironique)

Non, on refuse le moindre contactavec la presse bourgeoise. On nesait même pas qui est président.

BENJAMINIl y a une radio, là-basderrière, et une télé au grenier,surtout pour les dvd des enfants.Ils savent qui est Mickey hein,on est pas des Amish. Si tu veuxdes journaux, on fait des coursesrégulièrement à Saint-Prest.

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Revision 3 54.

LORCAOn a même internet, surtout pourles mails, la connexion est hyperlente. Mais tu verras, on s'yfait très bien.

PIERREJe sais, j'ai envoyé mon premiermail vers trente ans. Merci pourl'hospitalité en tout cas.

Laura regarde Pierre qui s'en aperçoit à ce moment là.

53 EXT. JOUR / DEVANT LE BATIMENT 53

Pierre sort, les gens ont fini de ranger les assiettes,deux hommes font la vaisselle. Des groupes fument descigarettes dehors.

Pierre voit un JEUNE HOMME SEDUISANT parler à Laura enétant assez tendre avec elle. Laura garde ses distances.Il entend (mais bas, en arrière fond sonore) laconversation à côté, à laquelle prennent part Benjamin,Thomas et Ivan qui écoutent les deux autres pleind'admiration.

BENJAMINAssas, en 94 c'était encore autrechose. L'administration lessoutenait, non ? Et les profs. Lechef du GUD est universitairemaintenant.

THOMASOui, Assas, on y allait à trente.J'avais une deux chevaux àl'époque, je me souviens j'yallais avec une cinquantaine debarres de fer dans le coffre.

IVANEt des armes ?

THOMASNon non.

BENJAMINIl y avait quand même des armesblanches.

THOMASOui, des poings américains, descouteaux papillons. Des trucscomme ça. Pas vraiment des armes.Des trucs pour faire un peu mal.

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Revision 3 55.

Pierre se sent un peu à part. Tout à coup, il a comme uneabsence, un malaise. Lorca va le voir. Alice et Benjaminaccourt également.

LORCACa va ?

PIERRECa va aller, oui.

ALICETu es sûr ? Tu veux qu'on aillechercher un médecin ?

Laura, quittant le jeune homme séduisant, se dirige versPierre.

LAURATu es crevé. Viens, va te reposerun peu. Je vais te raccompagner àta chambre.

(à Pierre)Tu as dormi à peine deux heures,c'est un peu n'importe quoi aprèsce qui s'est passé hier !

54 INT. SOIR / CHAMBRE DE PIERRE 54

Pierre se réveille dans sa chambre. Il regarde sa montre,il est plus de 23h, dehors c'est la nuit. Tout le mondesemble couché.

Il trouve, posé sur sa table de nuit, un téléphoneportable, un livre usé (Le Maître de Ballantrae deStevenson) et un mot : "J'imagine que ça te plaira plusque du Foucault. Repose-toi bien. Et voilà le téléphone àcarte. Il reste du dîner si tu veux, Laura"

Pierre feuillette rapidement le livre et le repose avec lemot. Il prend le téléphone, compose un numéro. Il entend àprésent : "Orange vous informe que le numéro que vousdemandez n'est plus en service actuellement".

Pierre pose le téléphone et sort de la chambre.

55 SUPPRIME 55

56 SUPPRIME 56

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Revision 3 56.

57 EXT. NUIT / JARDIN DE LA FERME 57

Pierre sort et marche dans la ferme qu'il se met àvisiter, de nuit. Celle-ci est claire, il voit despotagers, des véhicules, etc. Il regarde la maison, trèsvaste. Quelques lumières de chambre sont allumées, onentend même des pleurs de bébé. Il essaie de respirerprofondément.

Au moment où Pierre regarde la porte de la maison, il voitLaura qui le fixe devant cette porte. Pierre se dirigevers elle.

PIERREJe visitais. Je n'ai pastellement sommeil.

LAURATu as mangé ?

PIERRENon non, je n'ai pas très faim.D'ailleurs, c'est marrant, vousvenez vivre ici, à la campagne,au milieu de rien et vous vousnourrissez de saloperies ? Je medisais...

LAURA(on ne sait pas si elle estsérieuse ou si elle le faitun peu marcher)

Tu t'attendais à ce qu'on mangebio ? On n'est pas graphistes àBelleville, on ne vote pas pourles Verts. Quand on seraautosuffisants, on mangera mieuxmais, pour le moment, on mange ceque mangent les gens avec qui onvit et qui font leurs courses ausupermarché.

Pierre est un peu destabilisé.

PIERREMerci pour le Stevenson ! Jepréfère Le Trafiquand d'épaves jecrois, mais celui-ci feral'affaire.

LAURAJ'espère bien c'est le seul qu'onait ici...

PIERREEt Louis, il n'est pas là ? Il secache ? Il est au courant que jesuis là ?

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Revision 3 57.

LAURAIl est au courant, oui.

(ironique)De toute façon, le lieu estouvert aux amis.

PIERREJe ne sais pas, je ne fume pas,mais j'aurais bien envie d'unecigarette.

LAURAAttends moi là, je vais essayerd'aller en piquer une àl'intérieur.

Pierre attend, fait quelques pas. Quand il se retourne,Laura est déjà là un paquet à la main. Elle sort unecigarette, l'allume et la donne à Pierre. Ils vont sel'échanger pendant la première partie de la séquence.

Ils commencent à marcher tous les deux dans le vasteterrain de la ferme.

LAURAC'est bizarre qu'on ne se soitjamais croisé.

PIERREQuand je vois Caroline, je lavois seul. Je vois les gens seulen général. Je n'aime pas lesgroupes. Les gens, ici, j'en aiaperçu quelques-uns il y alongtemps - et puis Louis, je nel'ai pas vu depuis dix ans. Doncnon, c'est normal qu'on ne sesoit jamais croisé. Tu étais oùavant ? En Angleterre ?

LAURAOui, j'ai fait la première partiede mes études à Londres. De lasociologie. Et puis, j'aibifurqué petit à petit versl'anthropologie... et Paris.

PIERREEt qu'est-ce que tu fais à Paris?

LAURAUne thèse. Pour le dire vite surl'Etat et les peuples primitifs.Un truc autour de PierreClastres. Tu connais ?

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Revision 3 58.

PIERREOui, j'ai lu La société contrel'Etat autrefois. Il y a piremais ça ne m'a pas beaucoupintéressé. Je n'aime pas beaucouples gens mais j'aime bienl'anonymat des grandes villes -en fait, il n'y a que l'Etatmoderne, omniprésent qui permettel'anonymat. Je crois que jedéteste l'esprit de village quece soit en Ardèche ou enAmazonie...

LAURAOn ne va pas faire de débat,hein... Caroline m'a dit que tudétestes les sciences humaines detoute façon.

PIERRECaroline, elle ne me connait pastrès bien, tu sais. Depuis qu'onn'est plus ensemble, on se voitassez peu. Qu'est-ce qu'elle t'adit sur moi ?

LAURARien. Elle me parle plutôt del'époque, des gens que vous aviezcroisés. Quand Scavarda venaitfaire des spaghettis chez Louis,ce genre de choses. Et puis lesmanifs, Gênes, tous ces trucslà...

PIERREJe ne me souviens de rien moi,c'est terrifiant. Scavarda, ilm'était complètement sorti de latête. Jusqu'à sa fuite au Brésil,là.

LAURACaroline me dit que tu n'ycroyais pas trop, à la lutte, detoute façon.

PIERREElle, elle ne devait pas y croiretant que ça non plus. Moi, je nesais plus. Le pire de tout ça,c'est que je ne me souviens derien, ou presque. Tu vois, desgens comme Scavarda, comme monpère ou ma mère, peuvent encoredire les années 60, les années 70

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Revision 3 59.

PIERRE (suite)et se souvenir de quelque chose -même si ce n'est pas vraimentpersonnel. Moi, je ne peux pasdire les années 90, les années2000, ça n'aurait aucun sens. Mesannées 90 ou 2000 je ne lespartage avec personne. J'ail'impression que, pour nous, letemps ne s'est pas écoulé, quenous avons juste vieilli. Il y acomme quelque chose, dans cesannées, qui a fait que rien n'aimprimé l'Histoire - je le dismal.

LAURAEt tu l'as bien connu Scavarda ?

PIERREOui assez bien. On ne s'entendaitpas du tout. Je le trouvaisdogmatique, chiant, moralisateur,je trouvais ses textesaffreusement alambiqués, malécrits, fantaisistes. Il devaitme trouver arrogant. Et puis, tusais, ce genre de vieux type degauche qui traîne avec lesjeunes, il s'intéresse plutôt auxfilles.

(un peu moqueur)Tu aimes ses textes, toi ?

LAURAJe pense que certains sontimportants. Sans lui, etd'autres, je ne serais sans doutepas ici. Je veux dire, à vivreici, à la ferme.

PIERREEt pourquoi tu te retrouves icialors ?

LAURAA un moment, tu te poses laquestion de savoir comment mettreen accord tes idées avec ta vie.Tout le monde n'a pas envie derenoncer, comme toi tu as l'aird'avoir renoncé. Je n'ai pasenvie de vivre au sein du systèmeactuel, j'ai pas à m'étendre surce sujet, tu connais ça aussibien que moi, je sais que tu n'espas un imbécile. Alors qu'est-ce

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Revision 3 60.

LAURA (suite)qu'on fait ? On essaie d'inventerun mode de vie alternatif, onécrit un peu de théorie, oui,mais on essaie surtout de créerd'autres fonctionnements,d'autres stratégies d'existence.On sait que le monde tel qu'on leconnaît va s'effondrer d'unemanière ou d'une autre, alors onessaie de subvenir à nos besoinsnous-même, on essaie d'impliquerles gens avec qui on vit,c'est-à-dire les gens desvillages aux alentours. Je ne dispas que c'est parfait, ni mêmeque nous allons quelque part, aumoins, nous sommes dans l'action,dans la vie... Je ne sais qui aécrit qu'aujourd'hui "mieuxvalait partir faire son jardin".

PIERREC'est Jaime Semprun, il ditqu'aujourd'hui un manuel dejardinage est plus utile qu'unlivre de combat, oui.

LAURATu vois, ça t'intéresse quandmême, tout ça ! Disons qu'ici onpense qu'on peut faire les deux.

Pierre et Laura continuent à marcher un moment, sans separler.

PIERREC'est marrant, on m'a toujoursreproché de ne pas être dansl'action. Souvent, les femmesm'ont quitté pour ça.

LAURAJe ne pense pas, non. On nequitte pas un homme pour ça. Jepense que les femmes t'ont quittéparce qu'elles n'avaient pasconfiance en toi. Le problème, cen'est pas l'action, le problèmec'est qu'on a l'impression que tun'es attaché à rien, sinon à tapropre ironie. Au début, c'estséduisant, après on a juste enviede passer son chemin.

Laura s'aperçoit que Pierre est touché, elle essaie de serattraper.

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Revision 3 61.

LAURADe toute façon, l'amour,aujourd'hui, tu sais ce quec'est, toi ? Le couple ? Trouverun appartement, avoir un enfant,divorcer, retrouver quelqu'un,recommencer une ou deux fois, etcrever ? Tout ça, ça n'a pasgrand sens, non ? Alors, onessaie juste de reconstruireautre chose avec des amis.

PIERRE(ironique au début)

Avec des amis... Non, je sais, tuvas encore dire que je nem'attache à personne.

LAURACe n'est pas de l'attachement, cen'est pas uniquement affectifici. Il y a comme un contratentre nous, et nous sommesfortement liés par ce contrat.

PIERRES'ils étaient emprisonnés, parexemple, tu voudrais êtreemprisonnée avec eux.

LAURAOui bien sûr !

Pierre la regarde, grave. Elle sourit.

LAURAEnfin, on n'en est pas encore là! Même si on y arrive - et plusvite que tu ne le crois !

A nouveau, ils marchent sans se parler. Pierre, plusieursfois, essaie de parler mais ne semble pas savoir quoidire. Timidement, il reprend :

PIERREJe ne pourrais pas avoir cettevie, ni me lier par ce genre decontrat...

LAURATu es un de ces artistes qui nes'intéresse qu'à l'intimité de labourgeoisie et à ses états d'âme.Si ça te convient, pourquoi pas.Ca doit être assez confortablefinalement.

***

Revision 3 62.

PIERREÇa n'a pas été si confortable, jen'ai rien écrit depuis dix ans.

LAURAMême si tu as l'impression de nepas t'aimer, c'est pareil, tu tesatisfais très bien de toi, mêmede tes échecs. Ça se voit. Tu espas antipathique mais on al'impression que tu es à côté dela vie, que tu as fait un pas decôté.

Pierre et Laura ont fini leur tour, ils se retrouventdevant la maison.

Pierre se tait puis il embrasse Laura brusquement.

Laura, sans violence, fait un pas en arrière.

LAURAA demain, Pierre.

PIERREJe suis désolé, dès qu'une femmeme dit mes quatre vérités, j'aienvie de l'embrasser !

Laura sourit et entre dans le bâtiment. Pierre souritaussi, il semble aller un peu mieux.

58 SUPPRIME 58

59 EXT. JOUR / A L'EXTERIEUR DE LA FERME 59

On a entreposé à l'extérieur de la ferme du matériel deconstruction. Les personnes âgées et les femmes préparentdu matériel, des boissons, des soupes, des sandwichs, desprofessionnels donnent des instructions aux villageoisainsi qu'aux amis de Laura.

Pierre regarde autour de lui. Il voit Laura en train descier des planches de bois.

Thomas donne des outils à Pierre et lui explique ce qu'ildoit faire. Il semble assez hostile à Pierre, en tout casil est agacé.

Une voiture arrive. A son bord : LOUIS, du même âge quePierre, Lorca et GERARD, un homme d'une soixantained'années. Gérard dit bonjour aux amis de Laura et auxvillageois. Il est habillé comme un riche bourgeois maisreste très décontracté, il est très à l'aise avec tout lemonde. Louis est un peu en retrait, bienveillant,faussement modeste.

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Revision 3 63.

Les gens s'activent de toutes parts. Pierre est chargé derassembler des pièces avec des villageois.

De loin, Laura s'aperçoit de la présence de Pierre et,toujours de loin, se moque de lui affectueusement.

Au bout d'un certain temps, tout le monde se met en cercleet tire des cordes : la structure de la construction, enbois, se met en place verticalement.

La journée continue. Les enfants aident, les hommess'entraident, boivent, se reposent puis reprennent letravail. On voit, sans les entendre, Pierre et Laura setaquiner et travailler chacun à leur tâche.

A un moment, Pierre voit Laura aider Ivan à déchiffrer unmode d'emploi et le féliciter parce qu'il réussit à lelire.

Le soir arrive, le bâtiment n'est pas encore remis en étatmais semble être pratiquement fini ; les gens commencent àranger leurs outils.

60 INT. SOIR / GRANGE A COTE DU CHANTIER 60

Il ne fait pas encore nuit mais le soir commence à tomber.Des tables ont été dressées et les participants auchantier de l'après-midi s'apprêtent à passer à table. Desgens, ici ou là, se congratulent, se désaltèrent etcommencent à prendre l'apéritif.

Pierre est avec des villageois et des jeunes, il a l'airheureux, il regarde Laura venir vers lui, accompagnée deLouis. Elle s'approche de Pierre.

LAURAJe crois que tu connais Louis.

PIERREOui. On s'est même déjà saluéaujourd'hui.

LOUISTu as apprécié ta journée ?

PIERREOui, un grand moment de commondecency orwellienne. Et je dis çasans aucune ironie.

LOUISPour une fois que l'adjectif"orwellien" est utilisé demanière positive !

Pierre et Louis rient mais on sent que leur relation restetendue. Laura s'éclipse, Gérard arrive.

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Revision 3 64.

LOUISTu connais mon père ?

PIERRENon. Enchanté.

LOUISJe te présente Pierre Blum.

GERARDAh ! Vous êtes Pierre Blum, jevous ai vu de loin, je n'étaispas sûr. Je me souviens très biende votre livre ! Vous étiez unproche de Martine Decoud, c'estça ?

PIERREC'est ça, oui.

Louis laisse Pierre et son père. Ils se dirigent vers unetable et se servent deux verres de vin rouge.

GERARDIl faut qu'on discute de tout ça! A la vôtre !

PIERREA votre santé !

GERARDA propos de santé, vous avez desnouvelles de celle de MartineDecoud ? Je ne sais plus où j'ailu qu'elle était au plus mal.

PIERREJe ne l'ai pas vu depuis dessemaines. Sa famille s'occuped'elle à présent.

GERARDAu moins, elle est auprès dessiens.

Ils s'éloignent et trouvent deux places autour d'une desgrandes tables qui ont été dressées.

61 EXT. SOIR / A TABLE A COTE DU CHANTIER 61

Pierre est assis avec une partie des amis de Laura,notamment Maria, Benjamin, Lorca et Gérard. Il cherche desyeux Laura et la voit à l'autre bout du terrain assise àune autre table avec Thomas et Louis avec qui ellediscute.

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Revision 3 65.

GERARDMais attends, l'épicerie faitaussi salle de spectacle ?

MARIAEt bar-tabac et restaurantassociatif. On aimerait aussiqu'elle fasse station service,mais on préfère attendre un peuavant de rouvrir les soutes.

GERARDMais comment avez-vous relancéune épicerie, comme ça,pratiquement à partir de rien ?

BENJAMINAu départ, on a lancé des bons desouscription pour lancer lesachats, faire quelques travaux.

MARIAOn n'est pas venu ici pour fairedu fric. On travaille là où onvit, c'est tout. Et on essaied'aider à faire vivre le villageautrement. A terme, on aimeraitque plein de villages comme icisortent de la dépendance à lavoiture, aux routes, à la télé,aux supermarchés, à l'Etat.

LORCAIl y a environ deux centsvillageois qui fréquententl'épicerie, qui s'impliquentd'une manière ou d'une autre.

GERARDTu vois, c'est vraiment génialparce que, moi, l'été 68, je suisaussi parti à la campagne.J'étais dans un groupe ML, enfinmarxiste léniniste, enfinmaoïste.

(Gérard rit tout seul.)Bref, on a passé l'été dans leschamps, mais, je veux dire,c'était vachement volontariste,coupé des gens, du coup, on afait ça qu'un ou deux étés. Ons'est pas implanté dans lesterritoires comme vous, avec lesgens, sur le très long terme ! Jeveux dire, c'était soit lathéorie soit la lutte armée,parfois les deux, mais... Parce

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Revision 3 66.

GERARD (suite)que le Larzac, c'était bien après! Non, non, mais c'est vraimentgénial. Réinventer la campagne,tout ça ! Et il y a beaucoup degroupes comme ça ? Comme vous ?

Pierre écoute d'une oreille et voit Laura se lever, direune dernière phrase à Lorca et Louis avant de débarrasserquelques plats. Il la suit du regard. Elle pose des platssur une table et s'éloigne vers le chantier désormaisdélaissé. Pierre regarde Laura marcher seule.

62 EXT. NUIT / A COTE DU CHANTIER 62

Au dehors du bâtiment pas encore fini, des villageoisdansent par couple au son d'une musique populaire.

Laura danse avec Ivan, Louis avec Lorca, Benjamin avecMaria, etc. Pierre est assis à une table. Laura le regardeet lui dit de se lever, il la rejoint et elle change departenaire en invitant Pierre à danser.

Pierre est heureux, il semble avoir oublié ses problèmes.

63 EXT. NUIT / COURS DE LA FERME 63

Des villageois prennent leurs voitures et rentrent chezeux, les jeunes se préparent à se coucher.

Laura discute avec une famille du village. Pierre laregarde sereinement. Il fait demi tour et rentre dans lebâtiment.

Ivan et Thomas le prennent à parti.

THOMASAllez ! Viens boire un dernierverre. C'est pas très bon mais cesont des amis qui le font...

Pierre entre dans la cuisine.

64 INT. NUIT / CUISINE DE LA FERME 64

Pierre entre dans la cuisine. Thomas lui sert un verre.Ils trinquent avec les six ou sept personnes présentes,dont Louis et Lorca.

Derrière un poste de radio est allumé. C'est France Infoet c'est l'heure du flash. Le journaliste parle du granddiscours de Vuillermet sur l'extrémisme et la violence àDijon.

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Revision 3 67.

Pierre entend et continue de boire son verre, comme si derien n'était. Pierre se sent peu à peu mal à l'aise.

BENJAMINA bas l'Etat policier !

LES AUTRESA bas l'Etat policier !

Pierre lève son verre, il échange un regard avec Louis.

65 INT. NUIT / COULOIR DE LA FERME 65

Pierre frappe à la porte de Laura. Elle lui dit qu'il peutentrer. Il entre, elle est debout, en tshirt de nuit.Pierre en est d'autant plus troublé.

PIERREIl faudrait que tu meraccompagnes à la gare demainmatin. Très tôt.

LAURADemain ? Tu ne veux pas resterjusqu'aux fêtes ?

PIERRENon, non, je ne préfère pas. Situ pouvais m'accompagner, vers6h, ce serait bien. Il fautabsolument que je rentre à Parisà la première heure.

Pierre et Laura sont très proches l'un de l'autre.

PIERREIl faut absolument que jeretrouve quelqu'un. La personnequi peut me faire sortir de lasituation dans laquelle je suis.

LAURAC'est ton psy ?

PIERRE(qui sourit)

Non.

LAURAQuelqu'un à qui tu tiens en toutcas.

PIERREOui, en quelque sorte.

Pierre et Laura sont très proches l'un de l'autre.

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Revision 3 68.

PIERRETu vois, je réapprends àm'attacher aux gens. C'est unehabitude que j'avais perdue.

Pierre embrasse Laura. Ils s'embrassent.

66 EXT. JOUR / COUR DE LA FERME 66

Laura et Pierre sortent de la maison de très bon matin.Ils se dirigent vers la voiture. La voiture démarre.

67 EXT. JOUR / ROUTE DE CAMPAGNE 67

La voiture de Laura et Pierre roule sur la route decampagne, totalement vide.

68 EXT. JOUR / DANS LA VOITURE 68

Pierre est anxieux, Laura conduit.

On entend un bruit au loin. Peu à peu, le bruit d'unconvoi motorisé s'amplifie.

Pierre regarde la route, longiligne. Peu à peu il voitarriver vers eux quelques véhicules de la gendarmerie.

La voiture est finalement croisée par une cinquantaine devéhicules, un énorme cortège - la file semble ne jamaisfinir.

Laura ne comprend pas au début puis, à mesure que lesvoitures passent, elle est stupéfaite.

LAURAMais qu'est-ce que c'est que ça ?Ils vont...? Mais ? Ils viennentarrêter Thomas ? Louis ? Tout lemonde ? Ils font une descente ?

PIERREJe ne sais pas. Je pense qu'ilvaut mieux ne pas être là.

LAURAPardon ? Et toi qui me demandesde partir juste ce matin ! Tuétais au courant ? Et ta questionsur la prison ? Tu savais ! Tusavais !

Laura ralentit. Pierre pose sa main sur celle de Laura surle volant.

Revision 3 69.

PIERRECe n'est pas le moment deralentir ou de faire demi-tour.Allons à Paris, je crois quec'est encore ce qu'il y a demieux à faire.

LAURAMais tu es qui ? Tu es un flic ?

Laura lance un regard noir à Pierre

LAURAEt les enfants ? Tu as pensé auxenfants ! Je ne continuerai pastant que tu ne m'auras pas dit cequi se passe !

PIERREJe ne sais pas ce qui se passe !

LAURAMais tu étais au courant ! Et tun'as pas prévenu les autres ?Mais pourquoi ?

PIERRECalme toi. Je peux pas te dire cequi se passe, je peux te dire ceque je sais - et je t'assure queje ne sais pas grand chose !

LAURAMais pourquoi n'as-tu prévenupersonne ? Et pourquoi tu es venualors que tu savais qu'il yallait avoir une descente ?

La voiture de Laura est à présent sur une route un peuplus large. Elle se dirige vers une aire de repos. Lauragare sa voiture sur le parking.

69 EXT. JOUR / AIRE DE REPOS 69

Pierre et Laura restent quelques instants dans la voiture,garée. Laura retrouve son calme et regarde Pierre avectristesse.

PIERREJe ne pouvais pas te laisser tefaire arrêter alors que j'étaisau courant. Je suis désolé,simplement je ne pouvais pas.

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Revision 3 70.

LAURAMais, et les autres ?

PIERRELes autres passeront Noël enprison, ils sortiront dansquelques jours. Il n'y a riencontre eux, je t'assure.

LAURATu t'attaches aux gens àcontretemps, Pierre. Tu t'engagesavec les mauvaises personnes, tudemandes ma confiance dans lepire des moments. Et puis maplace est avec mes amis, tu lesais ! Pas ici avec toi, que jeconnais à peine, sur cette aired'autoroute ! Tu ne m'as sauvé derien du tout ! Tu m'as faittrahir mes amis, de force ! Je nepeux pas te le pardonner, je suisdésolée. Je vais te déposer à unegare et tu vas rentrer chez toi.Nous allons chacun suivre notrechemin.

(un temps)Et, bien sûr, je ne veux plusjamais te revoir.

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72 EXT. JOUR / RUE DE BELLECHASSE 72

Pierre, angoissé, arrive rue de Bellechasse, essoufflé. Ilregarde derrière lui, il n'est pas suivi.

Devant chez Joseph, deux policiers sont en poste. Pierrehésite à aller vers eux.

Il traverse néanmoins et vois de la sciure de bois sur letrottoir. Il entend :

UNE FEMME(off)

Le type est quand même tombé ducinquième.

Pierre pense avoir compris, regarde la fenêtre ducinquième et quitte les lieux rapidement.

Il marche dans la rue, en se retournant régulièrement. Ilarrive à une bouche de métro et s'y engouffre.

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Revision 3 71.

72A INT JOUR / CHEZ PIERRE 72A

Pierre rentre dans son appartement. Il a été saccagé, misen pièces.

Pierre inspecte les lieux rapidement en cherchant desindices. Il retrouve par terre, par hasard, la carte deJoseph, la première, celle qui a tout déclenché.

Il s'assied sur son lit et réfléchit, abattu.

Il se lève et se reprend.

Il prend alors quelques affaires personnelles, les metdans un sac puis quitte les lieux après l'avoir regardéune dernière fois.

72B EXT. JOUR / QUARTIER POPULAIRE OU EN BANLIEUE 72B

Pierre marche dans la rue.

Il se dirige vers un hôtel.

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75 INT. JOUR / BISTROT POPULAIRE 75

Pierre lit sur le zinc le journal du jour.

Il lit la Une du journal Le Parisien : "Arrestation d'ungroupuscule d'extrême gauche : déjà, les grossièresapproximations de l'enquête". Pierre s'empare du journal,l'ouvre et lit l'article. On peut lire aussi "Dessabotages de lignes téléphoniques et de centralesélectriques à quelques kilomètres de leur fermealternative".

Une phrase en particulier l'étonne : "Selon nosinformations, aucune preuve concrète ne vient corroborerla thèse du ministre de l'intérieur ; un vieil habitué dece type d'affaires parle même "d'un mélange inédit demachiavélisme de maternelle, d'amateurisme et in fine debêtise crasse au plus haut sommet de l'Etat".

L'article est signé Juliette Fournier.

PIERRE(pour lui même)

"Machiavélisme de maternelle"...(au patron)

Excusez-moi, on peut téléphoner ?

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Revision 3 72.

Pierre cherche regarde autour de lui, met sa main dans sapoche : il possède toujours le téléphone qu'on lui avaitprêté à la campagne.

Il reprend le journal et regarde le numéro de téléphone dela rédaction.

PIERREOui. Allo. Pourrais-je parler àJuliette Fournier, s'il vousplait ? Oui... Merci... Oui,j'attends.

Pierre regarde autour de lui, en reprenant un peu espoir.

PIERREOui. Bonjour. Je suis content depouvoir vous parler. Il fautabsolument qu'on se voit... Non,on ne peut pas se parler autéléphone... Je ne sais pas, leplus vite possible... C'est àpropos de Joseph Paskin...

76 SUPPRIME 76

77 EXT. JOUR / UN PONT EN BANLIEUE 77

Pierre regarde autour de lui, il voit une femme, Juliettequi vient à sa rencontre. Elle lui fait un signe.

JULIETTEBonjour.

PIERREBonjour.

JULIETTEOn se connaît ?

PIERRENon. Pas du tout. Je viens vousparler de Joseph Paskin. Il estvivant n'est-ce pas ?

JULIETTEIl m'a laissé des instructionspour vous, au cas où... où leschoses tourneraient mal.

PIERREEt les choses tournent mal, non ?

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Revision 3 73.

JULIETTEOn dirait, oui... Je suisdésolée, je ne suis pas habituéeà ce genre de choses... Je suisjournaliste... Je rends juste unservice à un ami.

PIERREMoi non plus, je ne suis pas trèshabitué.

Une pause, puis Juliette reprend :

JULIETTEIl m'a demandé si vous aimiezl'Angleterre.

PIERRESi j'aime l'Angleterre ?

JULIETTEVous pourriez vous cacher là-bas,il a un appartement dans le Kent,près de la mer.

PIERREEt pourquoi il ne l'utilise paslui, cette cachette ?

JULIETTESa situation est beaucoup pluscompliquée que la vôtre. Il m'adit qu'il pouvait aussi vousprêter un peu d'argent liquide.Vous pourriez partir dès ce soir.

PIERREEt les autres ? Les gens qui ontété arrêté ? Et mon ex-femme ? Ilne vous a pas donnéd'instructions pour eux ?

JULIETTEPas à moi, non.

(Juliette semble soudainémue)

Mais Joseph a vraiment d'autreschats à fouetter en ce moment, jevous assure.

Pierre regarde Juliette, il ne sait pas trop quoi dire.Arrivés au bout du pont, à côté d'une voiture garée,Pierre voit Joseph. Pierre va à leur rencontre surquelques mètres, sans s'éloigner trop de la voiture.

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Revision 3 74.

JOSEPHPlus personne n'est en danger,Pierre. Si tu te fais oublier, siCaroline se tient tranquille,tout devrait rentrer dansl'ordre. Louis et ses amisdevraient même sortir de prisondans les jours qui viennent, aupire dans quelques semaines.Louis, ses amis révolutionnaires,Caroline, toi, tout ça, ça n'aaucune espèce d'importance, c'estdu détail. Vous n'êtes même pasdes pions, vous êtes de lapoussière sur l'échiquier.

78 EXT. JOUR / VOITURE DE JULIETTE 78

Joseph et Pierre sont assis à l'arrière de la voiture.Joseph a un sac rempli de dossiers à ses côtés. L'ambianceest tellement lourde que Pierre n'a même pas le coeur àreprocher quoi que ce soit à Joseph.

Juliette est en dehors de la voiture, elle semble guetteraux alentours.

JOSEPHQu'est-ce que tu t'imagines ? Quedes individus au centre deréseaux d'influence qui fontvaciller des gouvernements vonts'intéresser plus de deux heuresà une galerie du marais ou à desnéo-ruraux qui font des thèsessur la bio-politique ?

PIERREIls s'y sont intéressés lasemaine dernière.

JOSEPHPierre. Fais moi confiance, c'està moi qu'ils s'intéressent :d'ailleurs, ce n'est passpécialement une bonne nouvelle :je suis pratiquement un hommemort.

(Joseph regarde sa mallette)Ceci est mon dernier espoir. J'aiquelques dossiers, je ne pensepas que ce soit suffisant.Bref... je suis en traind'organiser ma fuite, mais c'estassez... laborieux. Je suis assezfort pour exfiltrer les autres -pour moi c'est autre chose. Si je

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Revision 3 75.

JOSEPH (suite)suis toujours là à la fin de lasemaine, je pourrai m'estimerheureux.

Joseph fait un signe à Juliette qui entre dans la voiture.

PIERREEt moi ? Je serai en sécurité enAngleterre ?

JOSEPHJe ne sais pas Pierre.

(Il regarde Pierre dans lesyeux)

De nos jours, on vit et on meurtà l'intersection de beaucoup demystères.

Nous repassons à l'extérieur de la voiture, Julietterentre à l'intérieur.

FONDU AU NOIR

79 SUPPRIME 79

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82 EXT. JOUR / VOITURE DE CAROLINE 82

Caroline conduit sa voiture, elle écoute de la musique.

83 INT. JOUR / BUREAU DE CAROLINE 83

Caroline s'installe, s'assied à son bureau. Elle commencepar ouvrir le courrier et le ranger, elle semble asseztriste.

Elle s'assied et ouvre le journal. Deux informationsretiennent son attention : sur la Une, la mort de MartineDecoud. De nombreux hommages soulignent l'importance del'écrivain. Caroline semble très affectée. Elle regardeson téléphone fixe avant de continuer la lecture des pagesqui sont consacrées à la mort de Decoud.

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Revision 3 76.

Ensuite, en bonne place, des articles sur l'affaire"Louis" qui est en train de tomber à l'eau à cause d'unmystérieux indicateur qui donne à la presse les détailsdes irrégularités de l'enquête. Le ministre de l'intérieurest appelé à la démission, sa côte de popularité est enchute libre.

Caroline s'arrête quelques instants sur une interview deGérard. Gérard est pris en photo, il est souriant,décontracté. Les citations autour de son portrait : "lesystème ne tiendra plus longtemps s'il a besoind'emprisonner sa jeunesse pour survivre", "Lettre de loinse vend mieux que le dernier livre du premier ministre !"

Le téléphone sonne, strident. Caroline sursaute et répond.

CAROLINEAllo... allo... allo...

On frappe à la porte, c'est une la stagiaire. Carolineraccroche.

CAROLINEBonjour. C'est encore un appelanonyme.

LA STAGIAIREBonjour. C'est pas plutôt qu'onest sur écoute ?

CAROLINEQu'est-ce que tu racontes ?

LA STAGIAIREJe sais pas, avec l'histoire deLouis, Alice, tout ça...

CAROLINEArrête de raconter n'importequoi. La porte est ouverte ?

LA STAGIAIRENon mais je vais y aller... Jevoulais juste te demander untruc...

Le téléphone sonne à nouveau. Caroline, excédée par letéléphone, décroche.

CAROLINEAllo !

(elle se radoucit aussitôt)Ah, c'est toi. Attends deuxsecondes.

(à la stagiaire)Je peux pas te parler là, vasouvrir.

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Revision 3 77.

La stagiaire s'en va, contrariée. Caroline respire ungrand coup.

CAROLINECa me fait plaisir de te parler.Moi aussi j'avais envied'entendre le son de ta voix,j'espérais bien que tum'appellerais. Tu m'entends ?

PIERRE(OFF pendant toute laséquence)

Oui. Excuse moi de ne pas avoirappelé avant... Tu me connais.

Un silence. Caroline retient ses larmes.

CAROLINE(de plus en plus émue)

Allô ? Tu es toujours là ?

PIERREOui.

CAROLINETu as su quand ?

PIERRECe matin. Je l'ai lu surinternet. Et toi ?

CAROLINELà. Dans le journal.

Un nouveau silence. Caroline essuie ses larmes et sereprend.

CAROLINETu es là ?

PIERREOui oui.

CAROLINETu as lu aussi pour Louis ?

PIERRE(reprenant ses esprits à sontour)

Oui, j'ai lu. Il reste en prison?

CAROLINEOui. Mais je crois que sesavocats négocient sa libérationcontre une interview dans la

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Revision 3 78.

CAROLINE (suite)presse, dans Le Monde. Louishésite.

PIERREOh, il la donnera l'interview !Louis, c'est Lénine qui nevoudrait pas que sa mères'inquiète trop.

CAROLINETu sais que ton ami Joseph a étéincroyable : il m'a faittransmettre une tonne dedocuments aux avocats et auxjournalistes. La gendarmerie afait tellement de conneries -tout se terminera bienfinalement... A propos pourl'argent du manuscrit, il t'adit ?

PIERREOui, oui, il vient après-demainici. Tout est réglé.

CAROLINEOui, je sais.

PIERRE(après un temps)

Tu as des nouvelles de Laura ?

CAROLINETu ne m'appelles pas pendant dessemaines et, là, après troisminutes, tu me demandes desnouvelles de Laura ! Non. Je n'enai pas.

PIERRESi tu la vois, si tu la croises,dis lui que j'aimerais luiparler, que je pense beaucoup àelle. Voilà.

CAROLINEJe sais.

PIERRETu sais si elle a lu ma lettre ?

CAROLINEJe ne sais pas. En tout cas, ellea été transmise.

Revision 3 79.

84 INT. JOUR / GALERIE MARGUERITE THOREL 84

Caroline sort de son bureau. Elle voit deux artistesdonner des instructions pour emballer leurs oeuvres. Ellemarche vers la porte de sortie et voit toujours lespoliciers en faction.

La stagiaire, sort d'une pièce et se dirige vers Caroline.Elle lui parle très bas pour qu'on ne l'entende pas.

LA STAGIAIRECaroline, Caroline... J'ai eu monmon frère qui travaille à l'hôtelde ville... Il parait queVuillermet va remettre sadémission cet après-midi.

CAROLINEC'est pas vrai ?

LA STAGIAIRECe n'est qu'une rumeur, maisdepuis hier soir, tout le mondene parle plus que de ça.

85 INT. JOUR / GALERIE MARGUERITE THOREL 85

C'est la fin de l'après-midi, le temps est mauvais,orageux. La lumière est crépusculaire, on sent que l'airest lourd.

Les ouvriers rangent, petite pièce par petite pièce, lesmorceaux de l'installation constituée par des maquettesd'événements mystérieux de ces dernières années. L'und'entre eux range des voies de chemin de fer miniature.Ils en prennent soin comme d'un nouveau-né.

La stagiaire passe entre les ouvriers et se dirige vers laporte, une femme vient de rentrer dans la galerie : ils'agit d'Alice, une des jeunes du groupe de Louis.

ALICEBonjour, j'aimerais voirCaroline.

LA STAGIAIREOui, je vais la chercher. De lapart de qui ?

ALICEDe la part d'Alice.

Alice marche entre les cartons, essaie de gêner le moinspossible mais elle regarde aussi certaines pièces. Elleéchange un regard appuyé avec les policiers dehors.Caroline arrive. Elles se font la bise.

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Revision 3 80.

CAROLINEAlice. Comment vas-tu ?

ALICEÇa va.

CAROLINETu as vu, les nouvelles sontbonnes - et tu as entendu larumeur à propos de la démissionde...

ALICE(l'interrompant)

On peut se parler tranquillement?

CAROLINE(intriguée)

Oui...

ALICEPas ici.

CAROLINEEuh. C'est un peu compliqué.

ALICEDehors ?

CAROLINEDehors ? Euh, oui.

Les deux femmes sortent et restent debout sur le trottoir.

86 EXT. JOUR / DEVANT LA GALERIE MARGUERITE THOREL 86

Les deux femmes se regardent.

CAROLINEQuelque chose ne va pas ?

ALICEConsidère moi comme unemessagère.

CAROLINEUne messagère de qui ?

ALICETu n'as pas à le savoir.Vuillermet ne démissionnera pas.Il est furieux, il veut avanttout mettre fin aux attaques dontil fait l'objet.

Caroline comprend qu'Alice était une infiltrée.

Revision 3 81.

ALICELa personne qui te donnait desinformations, qui s'est occupéede la vente du manuscrit deDecoud, cette personne va êtremise hors d'état de nuireaujourd'hui. Louis va êtrelibéré, l'affaire sera enterrée,doucement, on l'oubliera mais ilva y avoir des dégâts. Cette nuitet dans les jours qui viennent.Je suis venu te dire qu'ilfallait que tu cesses det'intéresser à cette affaire. Tune chercheras pas contacter lapersonne dont je parle à présent.Si tu apprends par un biais ou unautre que cette personne n'existeplus, tu ne chercheras pas à ensavoir plus.

La pluie commence à tomber. Caroline est consternée.

ALICESi des journalistes viennent tevoir, tu ne sais rien, tu n'asjamais entendu parler de rien.C'est entendu.

Caroline fait oui de la tête.

ALICETout ça te dépasse, c'est entendu? Tu ne veux pas qu'il arrive desaccidents à ta famille, n'est-cepas ?

Alice fait mine de partir.

CAROLINEEt Pierre ?

ALICEQuoi Pierre ?

CAROLINEIl est en danger, n'est-ce pas ?Les dégâts dont tu parles.

ALICENous avons transmis à certainsmilieux radicaux l'informationselon laquelle il avait été trèsbien informé de la rafle et qu'iln'a rien dit. Nous avons parlé dufaux qu'il a écrit.

Revision 3 82.

CAROLINEQuel faux ?

ALICELe livre qu'il a écrit pourJoseph Paskin : Lettre de loin.

CAROLINEPierre a écrit Lettre de loin ?

ALICEQuand ces groupes leretrouveront, je t'avoue que jene sais pas ce qu'ils lui feront.Ce n'est plus notre affaire. Aurevoir Caroline.

Il pleut franchement. Caroline est seule sous la pluie,elle regarde la rue, elle est vide, plus un seul policiern'est là pour la surveiller.

87 INT. JOUR / DANS LA GALERIE 87

Trempée, Caroline entre dans la galerie. La stagiairevient à sa rencontre. Elle voit que Caroline est trèsaffectée.

LA STAGIAIREÇa va ?

CAROLINE(bas)

Ça va oui. Ça va aller. Vasregarder dehors. Dis-moi si tuvois toujours des flics ou unevoiture.

La stagiaire s'exécute.

LA STAGIAIREIl n'y a plus rien ! Ils sonttous partis.

Caroline retourne vers la rue et se met derrière la porte,transparente, de la galerie.

Une voiture, dehors, passe et un de ses passagers lance ungros oiseau mort qui vient s'écraser sur la porte enlaissant une trace de sang.

Caroline fait un mouvement de recul en poussant un cri.

Revision 3 83.

88 EXT. JOUR / UNE FORET 88

On entend un oiseau. Un enfant se promène dans la forêt.

Il regarde derrière lui, ses parents sont loin mais il lesvoit.

Il se dirige vers un étang. Il s'avance vers une formeétrange : il s'agit du cadavre de Joseph la tête plongéedans l'eau, le corps étendu sur le ventre.

89 EXT. JOUR / DEVANT LE SQUATT 89

Caroline marche dans la rue et sonne à la porte d'unesorte de fabrique transformée en squatt.

89A INT. JOUR / SQUATT 89A

On lui ouvre, elle monte un escalier.

Dans une pièce, on voit Laura. Elle semble étonnée et sedirige vers Caroline.

LAURACaroline. Ça va ?

CAROLINEIl y a un problème, un problèmegrave, et j'espère que tu peuxm'aider. Je crois qu'on veut tuerPierre.

LAURAEntre, entre.

90 EXT. JOUR / RUE D'UNE VILLE ANGLAISE 90

En face d'un bâtiment, DEUX JEUNES HOMMES que nous neconnaissons pas marchent. L'un d'eux se retourne etregarde une fenêtre du bâtiment.

Ils marchent au bout de la rue, tournent et sont rejointspar Ivan.

91 EXT. JOUR / AUTRE RUE DE DE LA VILLE DONNANT SUR LA MER 91

Les trois garçons se dirigent vers un bar. Ils y entrentet rejoignent Thomas.

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Revision 3 84.

92 INT. JOUR / DANS LA CHAMBRE DE LAURA 92

Pendant que Laura écoute, Caroline est assise, elle boitun verre de vin blanc.

Laura l'écoute, d'abord méfiante, puis de plus en plusempathique.

CAROLINEIl était beau, enfin je l'aitrouvé tout de suite très beau.On m'a dit qu'il était écrivain,il n'avait rien publié - rienécrit même, je pense, mais il y ades garçons comme ça, vers vingtans leur réputation est établie,on ne sait pas, uniquement surleur aura. Et puis on disaitqu'il était ami avec MartineDecoud.

En fait, j'ai compris assez vitequ'il n'écrivait pas du tout,jamais même. Il ne faisaitpratiquement rien de sesjournées. Il se levait vers midiet puis après il traînait à lafac de lettres, il n'allaitjamais en cours mais il aimaitdébattre avec ses amis - enfinavec des étudiants qu'ilconnaissait un peu - dans lescouloirs et dans les cafés. Ildisait qu'il ne pouvait passavoir si une idée était bonnes'il ne l'avait pas testée avant,sur un public, même de crétins.

On ne s'imagine pas que la viesera plus difficile que ça àpeine deux ou trois ans plustard. On pense qu'on aura lavingtaine toute la vie. Et puissurtout, on s'imagine que lemonde dans lequel on vit netiendra plus longtemps, que notregénération arrive et qu'à notrearrivée tout devra lâcher. Si jeréfléchis, je pense qu'onimaginait que personne n'avaitété jeune avant nous - malgré leslectures XXXXX - et que, de notrerévolte, le monde ne serelèverait pas.

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Revision 3 85.

LAURATu l'as connu comment ?

93 INT. JOUR / RUE DE DE LA VILLE ANGLAISE 93

Pierre marche dans la rue anglaise, près de la mer.

CAROLINE (OFF)Je ne sais pas. J'ai complètementoublié. Je pense que lui s'ensouvient. C'est un truc degarçons ça, un truc defétichiste, d'obsessionnel, de sesouvenir de la rencontre. Moi, jeme souviens de la relation - lui,il doit se souvenir de moments.

94 INT. JOUR / RUE ANGLAISE 94

Pierre se dirige vers la ville.

CAROLINE(off)

C'est très bête, on a dûs'embrasser comme ça, dans unecuisine, à une soirée ou à uneréunion militante où il étaitvenu foutre la merde. Je croisqu'il est tombé très amoureux, etpuis moi aussi mais un peu après.Très vite, j'ai vécu chez lui, ilvivait seul dans un grandappartement que Martine luiprêtait. A un moment, il a eu uneidée fixe, obsessionnelle, quiétait le mariage. Alors, on s'estmarié, au bout d'un an, ou mêmepas, je crois. Je pense qu'ilvoulait simplement tester l'idée.

95 INT. JOUR / RUE ANGLAISE 95

Pierre marche dans une autre rue.

CAROLINE (OFF)Tu vois, Pierre pour moi, il estlié à une période héroïque commeça, il écrivait, j'étudiais, jemilitais. Je crois que si jesupporte ma vie d'aujourd'huic'est grâce à ma vie de l'époque,quand j'étais mariée avec lui.Aujourd'hui, je vis au jour lejour, j'ai un métier, ma famille,

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Revision 3 86.

CAROLINE (OFF) (suite)mais je ne sais pas, j'ail'impression qu'autrefois j'aivécu et que ça me suffit pour lereste de ma vie.

96 INT. JOUR / RUE ANGLAISE 96

Pierre se dirige vers une maison.

CAROLINE (OFF)Je me doutais bien qu'il s'enfoutait un peu de ce qu'onfaisait mais il n'y avait pasd'ailleurs, je veux dire, onavait l'impression que tout cequi comptait était d'extrêmegauche, lui il comptait, alorsnécessairement, il était desnôtres.

97 INT. JOUR / RUE ANGLAISE OÙ HABITE PIERRE 97

Pierre entre dans la maison.

CAROLINE (OFF)Et puis, il s'est mis àdisparaître des heures entièreset puis des jours, parfois dessemaines. Je mettais ça sur ledos d'une souffrance psychique etpuis, ce qui m'étonnait, c'étaitqu'il n'avait pas l'air desouffrir spécialement. Fragile,sensible, il l'était mais pasmélancolique ou triste. Il étaitdrôle, cassant, sûr de lui,beaucoup plus qu'aujourd'hui. Ila vieilli, il est plus modeste.

98 EXT. NUIT / RUE DEVANT LA MAISON DE PIERRE 98

La caméra part de la fenêtre de la chambre de Pierre quivient de fermer les rideaux. La caméra descend lentementdans la rue et les cinq hommes qui complotent contrePierre marchent vers la maison de Pierre.

CAROLINE (OFF)Il faut lui pardonner, Laura.J'ai parlé avec lui ce matin ; ilm'a encore parlé de toi, de talettre. Moi je l'aimais, lui ilse considérait comme un petitprince, il avait tous les droits.

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Revision 3 87.

CAROLINE (OFF) (suite)Aujourd'hui, je crois qu'il achangé.

99 INT. JOUR / LOGE DE CONCIERGE DE LA MAISON DE PIERRE 99

C'est le matin. Pierre sort de la maison. Un homme de lamaison le rattrape.

L'ANGLAISSir ! Someone called my wifeearly this morning. She left thisnote.

Pierre ouvre le papier que lui tend l'homme sur lequel estinscrit en écriture manuscrite peu assurée : "En danger demort. Le rejoindre à la gare. Son train arrive à 10h40 deLondres. Quand ils me verront, plus de risque pour toi".

Pierre cache son étonnement.

PIERRE(son Anglais est désastreux)

Who left the message ?

L'ANGLAISI don't know.

PIERREA man ? A woman ?

L'ANGLAISI don't know.

100 EXT. JOUR / RUE DEVANT LA MAISON DE PIERRE 100

Pierre traverse la rue et range le papier dans sa poche.Il marche vers la droite et se retourne deux fois.

Deux hommes (Thomas et un des deux hommes) arrivent surson trottoir, à 60 mètres devant lui, comme pour luibloquer le passage. Pierre s'arrête et rebrousse chemin.

De l'autre côté de la rue, il voit Ivan et l'autre homme.

Pierre se met à courir très brusquement vers une rueperpendiculaire. Les quatre hommes se lancent à sapoursuite.

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Revision 3 88.

101 EXT. JOUR / LE LONG DE LA PLAGE 101

Pierre court, poursuivi par les quatre hommes. La rue estassez courte et débouche sur une rue longeant sur la mer.

Pierre est toujours poursuivi par les hommes à présent lelong de la mer et de rejoindre un chemin le long de laplage.

Les quatre hommes se rapprochent.

Pierre perd peu à peu d'avance et traverse la rue. Ilréussit à s'engouffrer dans un chemin entre deux bâtimentset à entrer par une porte de service.

Ivan et Thomas arrivent à la porte que Pierre a bloqué del'intérieur. Les deux autres arrivent et essaient, puisréussissent à enfoncer la porte.

102 EXT. JOUR / RUE DEVANT LA MER 102

De l'autre côté du bâtiment, Pierre sort dans la rue etvérifie qu'il est seul, il semble ne pas être suivi.

Il regarde une montre et court en direction de la gare.

103 EXT. JOUR / AUTRE RUE 103

Les quatre poursuivants sont un peu perdus quand Ivanpointe du doigt Pierre qui a, à présent beaucoup d'avance.

104 EXT. JOUR / RUES PUIS DEVANT LA GARE 104

Pierre, longuement, court, toujours poursuivi par lesquatre hommes.

Il arrive enfin devant la gare.

105 INT. JOUR / DANS LA GARE 105

Arrivé dans la gare, Pierre se met à courir plusrapidement encore, il s'y engoufre et se cache dans undébarras ouvert (après avoir cherché d'autres cachettes).

Pierre regarde l'heure, il a environ cinq minutesd'avance. Il sort par une autre porte qui donne sur lesrails.

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Revision 3 89.

106 EXT.JOUR / LE LONG D'UN QUAI 106

Pierre continue de marcher, en récupérant, le long desrails.

107 EXT. JOUR / GARE 107

Les quatre poursuivants cherche Pierre à l'intérieur de lagare. Thomas sort sur le quai.

On entend un train arriver au loin. Pierre monte sur lequai, voit Thomas, vite rejoint par Ivan et les deuxautres.

107A EXT. JOUR / GARE 107A

Le train ralentit puis s'arrête.

Pierre est piégé. Il cherche du regard, parmi les gens quidescendent du train, la personne avec qui il pense avoirrendez vous, Joseph.

Il regarde ainsi les hommes d'une cinquantaine d'années.Joseph ne semble pas descendre du train. Les poursuivantsse rapprochent lentement mais Pierre ne peut plus courir.Il marche, dépité, vers ses poursuivants : il veutessayer de leur parler. Les deux hommes sortent desmatraques téléscopiques de leurs poches, Thomas un poingaméricain.

A ce moment, Laura descend du train et prend Pierre par lebras.

LAURASuis moi. Avec moi, ils ne teferont pas de mal.

Les quatre hommes s'arrêtent. Pierre et Laura passentdevant Ivan, Thomas et les deux autres. Laura les regarde,plus particulièrement Ivan, les hommes restent immobiles.

Ivan fait un pas en avant pour empêcher ses camarades defaire un pas. Laura lui fait un signe de tête en guise deremerciement.

Pierre, essouflé, demande à Laura s'il peut s'asseoir. Lesdeux s'asseyent sur un banc. Les cinq hommes quittent lagare en regardant Pierre et Laura.

LAURACalme toi, n'y pense plus. Jesuis là.

Pierre et Laura s'enlacent sur le banc.

FONDU AU NOIR

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Revision 3 90.

108 INT. JOUR / CHEZ GIBERT 108

La jeune fille du début du film flâne une nouvelle foischez Gibert Joseph.

Elle est au rayon littérature et est attirée par un titre: Les Anciens rois romains de Pierre Blum. Elle retournele livre, voit la photo de Pierre.

109 INT. JOUR / CHER GIBERT 109

Elle monte ensuite au rayon "agrégation de philosophie".Elle croise une amie, elles se saluent et échangent troismots. Elle choisit ensuite cinq ou six livres depréparation pour son concours, elle passe devant le rayon"sociologie politique" devant lequel est Caroline.

Caroline feuillette les livres et tombe sur une pile deLettre de loin, en occasion, à 2 euros 50.

Elle ouvre un des livres et lit la dédicace :

"Dans l'amour, le séparé existe encore, mais non pluscomme séparé : comme uni, et le vivant rencontre le vivant- Ce livre est dédié à C.R.L. (mars-juin 2001)"

Elle pose le livre et part, en larmes, vers la sortie.

FIN

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