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UNIVERSITE DE FIANARANTSOAUNIVERSITE DE FIANARANTSOAUNIVERSITE DE FIANARANTSOAUNIVERSITE DE FIANARANTSOA
-----ïżœïżœïżœïżœïżœïżœ-----
FACULTE DE DROIT DâEFACULTE DE DROIT DâEFACULTE DE DROIT DâEFACULTE DE DROIT DâECONOMIECONOMIECONOMIECONOMIE,,,, DE DE DE DE GESTION GESTION GESTION GESTION
ET DES SCIENCES ET DES SCIENCES ET DES SCIENCES ET DES SCIENCES SOCIALES DE DEVELOPPEMENTSOCIALES DE DEVELOPPEMENTSOCIALES DE DEVELOPPEMENTSOCIALES DE DEVELOPPEMENT
-----ïżœïżœïżœïżœïżœïżœ-----
DEPARTEMENT DROIT
Option : Droit et Administration Privés des Affaires
LA PRATIQUE DE LA SORCELLERIE EN MATIERE DES DIFFERENDS
FONCIERS :
Cas de la société Betsimisaraka
MEMOIRE DE FIN DâETUDES DU SECOND CYCLE
En vue de lâObtention du diplĂŽme de maitriseEn vue de lâObtention du diplĂŽme de maitriseEn vue de lâObtention du diplĂŽme de maitriseEn vue de lâObtention du diplĂŽme de maitrise
-----ïżœïżœïżœïżœïżœïżœ-----
PrĂ©sentĂ© et soutenu publiquement parPrĂ©sentĂ© et soutenu publiquement parPrĂ©sentĂ© et soutenu publiquement parPrĂ©sentĂ© et soutenu publiquement par TIANJAMA V{Ă|}Ă° W|Ă tåçV{Ă|}Ă° W|Ă tåçV{Ă|}Ă° W|Ă tåçV{Ă|}Ă° W|Ă tåç
NNNN° 8851° 8851° 8851° 8851
PRESIDENT DU JURY : Docteur RABEMILA Sahoby NSahoby NSahoby NSahoby Niriiriiriiriaaaanananana
SUFFRAGANTS :
ïżœ RAPPORTEUR : NARAZANA EudoxieEudoxieEudoxieEudoxie
ïżœ ASSESSEUR CRITIQUE : RABEMILA ManohisoaManohisoaManohisoaManohisoa
ïżœDEDICACESïżœ
Je dédie spécialement cet ouvrage à :
ïżœ Mon pĂšre DIMASY Michel (feu), qui voulait tant ĂȘtre prĂ©sent au jour
de présentation de ce livre
ïżœ Ma mĂšre MAHISATRA Lydia, qui mâa beaucoup encouragĂ©
ïżœ Professeur NJARA Ernest, Chef de lâUnitĂ© de formation et de
recherche en Droit privé à la Facultés DEGSS/Université de Fianarantsoa
ïżœ Monsieur JEAN FĂ©licien, Ex-SĂ©nateur de Madagascar
Merci !
REMERCIEMENTS
Je tiens à témoigner ma profonde gratitude à tous ceux qui ont contribué à la
réalisation de cet ouvrage.
Je tiens Ă adresser mes vifs remerciements Ă :
ïżœ Dieu, Seigneur Tout Puissant, qui a Ă©tĂ© mon accompagnateur tout au long de
mes Ă©tudes.
ïżœ DocteurRABEMILA Sahoby Niriana, MaĂźtre de confĂ©rences Ă la
FacultĂ© de Droit, dâEconomie, de Gestion et des Sciences Sociales de
DĂ©veloppement de lâUniversitĂ© de Fianarantsoa.
ïżœ Madame NARAZANA Eudoxie, Assistant dâEnseignement SupĂ©rieur et
de Recherche Ă la FacultĂ© de Droit, dâEconomie, de Gestion et des Sciences
Sociales de DĂ©veloppement.
ïżœ Monsieur RABEMILA Manohisoa, Assistant dâEnseignement SupĂ©rieur
et de Recherche Ă la FacultĂ© de Droit, dâEconomie, de Gestion et des
Sciences Sociales de DĂ©veloppement.
ïżœ Tous les Professeurs de la FacultĂ© de Droit, dâEconomie, de Gestion et
Sciences Sociales de DĂ©veloppement de lâUniversitĂ© de Fianarantsoa
ïżœ Tous les membres de ma famille, surtout Ă ma mĂšre : Mme MAHISATRA
Lydia et Ă mon grand frĂšre : Mr LEHA Titus Dimasy qui mâont offert
tout leur soutien pour que je puisse finir mes Ă©tudes.
ïżœ La famille RANDRIAMAROMILA, surtout Ă MaĂźtre EMILIENNE et Ă
Mlle HERIMAMPIONONAqui mâont beaucoup aidĂ©.
ïżœ Mr MANAMBEZANDRY Françis
Veillez trouver ici, lâexpression de notre remerciement et notre profonde
reconnaissance. Je vous remercie infiniment.
Que Dieu vous garde !
La pratique de la sorcellerie
1
INTRODUCTION
Si la sorcellerie est un sujet négligé par les pays développés en général, elle est encore trÚs
présente dans le continent africain surtout, et à Madagascar aussi. Elle est ainsi utilisée à des fins
de guĂ©rison. En un mot pour le bien mais Ă©galement dans lâobjectif de nuire. Dans ce dernier cas
de figure, le diffĂ©rend foncier constitue une occasion pour les rivaux de neutraliser lâadversaire
par le biais de la pratique des « ody ».
Ce recours Ă la sorcellerie est dĂ» Ă plusieurs facteurs dont deux fondamentaux : Dâabord la
croyance en son efficacité maléfique, ensuite, une politique fonciÚre mal perçue par la
population.
En effet, contrairement aux Européens qui pensent que « dans le monde moderne, on ne
croit plus guÚre au diable ou à sa puissance »1 et que «les sorciers sont rares »2, les Malgaches, en
gĂ©nĂ©ral, croient fermement Ă lâexistence des sorciers ainsi quâĂ leurs pouvoirs malĂ©fiques. Et
que, pour garder ou rĂ©cupĂ©rer la terre des ancĂȘtres, Ă quoi ils tiennent farouchement, les
intĂ©ressĂ©s, au lieu dâutiliser le poignard, le revolver ou le poison, usent de sortilĂšges,
dâenvoĂ»tement, bref de « ody ». Comme les Malgaches en gĂ©nĂ©ral, les Betsimisaraka y ont
recours. Et cette étude cherche à démontrer les problÚmes générés par la pratique (ou la suspicion
de la pratique) de la sorcellerie en matiÚre de différend foncier. à Madagascar, le terrain
constitue un atout majeur. En possĂ©der beaucoup fait de lâintĂ©ressĂ© une personne enviable.
Spécialement pour les Betsimisaraka, le droit sur les terrains transmis par les « Razagna » ne
devrait en aucun cas ĂȘtre mis en cause
De par lâexplosion dĂ©mographique dâune part, ainsi que le dĂ©veloppement dâautre part, la
surface attribuĂ©e aux hĂ©ritiers sâamoindrit alors que la valeur du terrain augmente. Avec le
problÚme de succession qui se rÚgle difficilement, les parcelles de riziÚre morcelées en fragments,
lâappropriation individuelle sans lâassentiment des autres copropriĂ©taires, le litige sâenchevĂȘtre de
maniĂšre presque inextricable. Et dans ce tourbillon de problĂšmes, le recours aux sorciers apparaĂźt
comme une solution fiable pour beaucoup de personnes.
Et la relation sociale est animĂ©e par une « guerre pacifique » dominĂ©e par lâhypocrisie,
accompagnĂ©e dâune mĂ©fiance des uns envers les autres. En relation avec la religion
1 Maurice Garçon, le diable in « Merle et Vitu traité de droit criminel » 1984, 2 Maurice Garçon, le diable in « Merle et Vitu traité de droit criminel » 1984, p.616
La pratique de la sorcellerie
2
traditionnelle3, la sorcellerie fait partie intégrante de la culture de la société betsimisaraka. Il
sâagit ici de la sorcellerie constituant une infraction surnaturelle. Lâinfraction surnaturelle a reçu
une dĂ©finition de la part dâun grand auteur4. Câest le fait pour lâagent dâuser des procĂ©dĂ©s tirĂ©s de
la sorcellerie pour provoquer la mort ou la maladie dâun tiers.
Le terme «sorcellerie» est appliquĂ© aux pratiques visant Ă influencer le corps et lâesprit de
la victime. Sur le plan juridique, sont qualifiés sorciers ceux qui détiennent les «ody», qui font
mĂ©tier de deviner, de pronostiquer, dâexpliquer les songes5. Le petit dictionnaire lâa dĂ©fini
comme étant «une pratique occulte des sorciers»6 . La sorcellerie désigne ce qui est surnaturel
sans appartenir Ă la religion. On la considĂšre parfois comme une sorte de magie. Elle se trouve
hors de la portée du «positivisme scientifique», donc reste encore floue dans le domaine de la
science. Et surtout, elle est quasi ignorée par le droit et conçue comme étant un mystÚre qui ne
peut pas recevoir une explication rationnelle. Mais en tout cas, les sorciers, les «Ombiasy»,
jouent un rĂŽle important dans la communautĂ©. Nâayant reçu aucune formation scientifique, ils
donnent des remÚdes à des fins de guérison, mais parfois, ils utilisent leur talent pour nuire à leur
entourage. Câest le cas en matiĂšre de diffĂ©rend foncier, lâaffaire la plus frĂ©quemment portĂ©e
devant le tribunal de premiĂšre instance de Toamasina (cinq affaires sur dix sur le civil). Les deux
problÚmes se mélangent intimement, à savoir la sorcellerie et le différend foncier. Si bien que la
situation inquiÚte la population. Cette inquiétude est surtout basée sur la croyance aux effets
nĂ©fastes de lâacte de la sorcellerie, et sa pratique dĂ©vastatrice en matiĂšre de diffĂ©rend foncier
dâune part et sur la probabilitĂ© dâĂ©chec devant la juridiction civile (pour le litige foncier) et
devant la juridiction rĂ©pressive (sur les consĂ©quences de la sorcellerie)dâautre part.
Si les Occidentaux pensent que la sorcellerie relĂšve dâune «absurditĂ© manifeste »7 et que
ceux qui y croient sont dâune «simplicitĂ© dâesprit assimilable Ă la dĂ©mence» ou une «population
crĂ©dule»8 expliquant ainsi lâimpunitĂ© par un «dĂ©faut dâintelligence»9, ou du moins lâinsuffisance
de la matĂ©rialisation de lâintention criminelle, Ă Madagascar la rĂ©alitĂ© est autre.
3 Croyance aux ancĂȘtres qui accĂšdent Ă une vie supĂ©rieure et protĂšgent les vivants. 4 Jean Pradel « Droit pĂ©nal gĂ©nĂ©ral » ed Cujas. 5 Code pĂ©nal malagasy 2008, art 473/6 6 Le dictionnaire de poche, imprimĂ© en France sur Presse offset par Brodard et Taupin, janvier 2005 7 Maurice Garçon, le diable in M. et vitu «traitĂ© de droit criminel» 1984, p.616 8 Maurice Garçon, le diable in M. et vitu «traitĂ© de droit criminel» 1984, p.616 9 Art 23 Code pĂ©nal suisse et allemand in Jean Pradel « Droit pĂ©nal gĂ©nĂ©ral »p 380
La pratique de la sorcellerie
3
DĂ©jĂ autrefois, la sorcellerie figurait parmi les douze crimes punis de la peine de mort10.
Auparavant, les gens craignaient pour leur vie face au « mosavy » dit « tolotrâanina ou voan-
kanina »11. Actuellement, dâautres manifestations redoutables sont imputĂ©es Ă lâacte de la
sorcellerie. La notion de « fihavanana »fiertĂ© des Malgaches cĂšde la place Ă la mĂ©fiance jusquâau
sein des membres de la famille mĂȘme.
LâĂ©tude de ce thĂšme permet dâĂ©claircir deux problĂšmes : un problĂšme socio-
anthropologique dâun cĂŽtĂ© et socio-juridique de lâautre. Elle permet en outre de mettre en lumiĂšre
la croyance des Malgaches au pouvoir occulte ainsi quâĂ lâinfraction dite surnaturelle quâest la
sorcellerie. Mais de plus, elle met en relief la séparation nette entre la coutume et le droit, car ce
dernier nâa pas donnĂ© une grande importance Ă la pratique coutumiĂšre de la sorcellerie.
Aussi, il est important de poser la question suivante : dans quelle mesure la loi doit-elle
prendre en considération la pratique de la sorcellerie ?
Autour de ce problĂšme juridique gravitent plusieurs interrogations. Ainsi, le juge doit-il
sâenfermer dans un juridisme poussĂ© pour Ă©viter le risque dâarbitraire et de violation du principe
de la lĂ©galitĂ©? Comment pourra-t-il dĂ©mĂȘler les effets de la sorcellerie sur les diffĂ©rends fonciers
et prendre en considération les conséquences néfastes sur une partie sans la matérialité objective
des actes supposés accomplis ?
Pour mieux mener cette étude, il est nécessaire de voir
En premier lieu la qualification juridique de lâacte de la sorcellerie et
DeuxiĂšmement la divergence des positions qui accompagnent cette pratique.
10 Code des 305 articles, article premier 11 Pratique proche de lâempoisonnement
La pratique de la sorcellerie
4
PREMIERE PARTIE : QUALIFICATION DE LA SORCELLERIE
A Madagascar, la sorcellerie constitue un phĂ©nomĂšne qui retient lâattention de plusieurs
catĂ©gories de personnes, mais le lĂ©gislateur, sans y apporter beaucoup de considĂ©ration, nâa pas
ignoré ce phénomÚne.
Chapitre I - LA SORCELLERIE, UN PHENOMENE SOCIAL
La croyance Ă des forces surnaturelles et Ă la pratique de rites magiques, que ce soit pour
amadouer ou pour déchaßner existent de tout temps et dans toutes les cultures, quel que soit leur
degrĂ© dâĂ©volution. Fait de civilisation, la sorcellerie est une manifestation mentale et sociale dans
laquelle derriĂšre la superstition, reposent la parole, le pouvoir, la souffrance, la misĂšre, lâespoir et
la mort. «On appelle un phénomÚne ou un fait social, toute maniÚre répétitive, fixée ou non,
susceptible dâexercer sur lâindividu une contrainte,âŠqui est gĂ©nĂ©rale dans lâĂ©tendue dâune
société donnée, tout en ayant une existence propre, indépendante de ses manifestation
individuelles » ,12 en dâautres termes câest un fait rĂ©gulier, rĂ©pĂ©titif, donc prĂ©visible. Ainsi, les
trois caractĂšres dâun phĂ©nomĂšne social sont :
âą La contrainte
⹠Sa généralité dans une société donnée
⹠Son indépendance par rapport au psychisme individuel.
Il est Ă©vident quâune sociologie juridique peut se dĂ©velopper Ă partir de cette conception, le
principal apport de cette sociologie ne se situe que dans un secteur particulier, le droit pénal. En
effet le crime nâest rien dâautre que ce que la sociĂ©tĂ© dĂ©finit comme tel.
Si la sorcellerie peut avoir une double signification, Ă Madagascar elle est plutĂŽt connue
sous lâangle de malfaisance.
12 E. Durkheim et La Théorie du phénomÚne social dans La rÚgle de la méthode sociologique.
La pratique de la sorcellerie
5
Section 1- La sorcellerie: Le « mosavy »
Le « mosavy » qui est un acte maléfique appelle une certaine description et à la base il y
a les « ody » qui en sont les origines.
§ 1- Description du « Mosavy »
Le terme « Mosavy » est spĂ©cifiquement malagasy voulant dire « sorcellerie » mais câest
aussi lâĆuvre du « mpamosavy », câest Ă dire son acte.
A- Le « Mosavy », lâacte
Le « mosavy » est lâacte par lequel le « mpamosavy » nuit Ă sa victime, le « mosavy »
peut selon les cas rendre malade, tuer la victime ou encore lui nuire à travers ruine, désordres ou
folie. La pratique nous montre sa nuisance et son caractĂšre redoutable.
1- Un acte nuisible
« Mosavy » nâest, en fait, quâune dĂ©signation gĂ©nĂ©rique. Des dĂ©signations plus prĂ©cises
traduisent la maniĂšre le« Vorika ». Peut ĂȘtre synonyme Ă part entiĂšre du mosavy: « MalĂ©fice,
sortilÚge, sorcellerie malfaisante, poison, charme nuisible »13.Certes, le lien de causalité serait
difficile à établir mais le « mosavy » entraßne diverses conséquences sur la personne ; les
consĂ©quences quâon attribue Ă ces actions sont surtout la maladie et le dĂ©cĂšs, la croyance au
pouvoir du « mosavy » est omniprĂ©sente chez les Betsimisaraka surtout, ce dernier disait mĂȘme
que câest toujours le « mosavy » qui les rendent mortels « Tsy maty tsy aodinâolo », ce qui rend
son caractĂšre redoutant.
2- Un acte redoutant
Câest lâĆuvre du mal et le malheur en lui-mĂȘme. Le « mpamosavy » est censĂ© capable de
donner la mort Ă une personne en marchant sur son ombre, en se procurant des rognures de ses
ongles ou des fibres de ses cheveux quâil faut se garder de laisser traĂźner, il serait capable
dâensorceler en « pinçant » les pas (mitsongo-dia) dâune personne, c'est-Ă -dire dâagir sur elle en
13 DĂ©finit par le PĂšre Webber (1853 : 785).
La pratique de la sorcellerie
6
ramassant la poussiĂšre du sol dans lâune de ses empreintes, le « mpamosavy » est dans le
domaine de la religion ce que les brigands et malfaiteurs sont dans la vie du peuple. En général ils
sont traitĂ©s de façon similaire : on les tue, on les lapide, on jette leurs cadavres sans mĂȘme les
avoir enterrés mais tout naturellement, on montre plus de répugnance pour les « mpamosavy »
que pour les brigands, tenus pour hypocrite et sournois, puisquâon ne peut ni les reconnaĂźtre ni les
connaßtre. Mais constants sont leurs méfaits et redoutables sont leurs coups. Les gens cherchent
toujours le moyen de démasquer, les personnes convaincues de détenir des « ody mahery », des
sortilĂšges, des « ody ratsy », des charmes malĂ©fiques ou accusĂ©es dâattitude ou dâacte de
sorcellerie Ă travers leur comportement Ă lâĂ©gard des animaux. Les esprits forts qui ne redoutent
pas de sortir dans la campagne, dans les bois Ă la tombĂ©e de la nuit ou dans lâobscuritĂ©, sont
dénoncés aux autorités.
Si la nuit ne concerne que peu des gens car la majoritĂ© sâendort, le jour les
« mpamosavy » sont pire encore, parce quâils sont difficiles Ă reconnaĂźtre, les gens se mĂ©fient les
uns des autres. Câest pour cette raison mĂȘme que notre PrĂ©sident de la HAT, « craint pour sa vie
et vient avec ses repas14 », il avait peur dâĂȘtre empoisonnĂ©, Ă Maputo. Juridiquement parlant les
actes du « mpamosavy » ne pourraient nullement se retourner contre lui, faute de preuve et de
rationalité, dans la pratique le « mpamosavy » est en fait celui qui accomplit le « mosavy ».
B- La notion du « mpamosavy » Le « mpamosavy », sorciÚre constitue une catégorie plutÎt floue mais à ce point redouté
que mĂȘme le droit pĂ©nal malagasy prĂ©voit des sanctions considĂ©rables fixĂ©es Ă une peine de mort
dans lâancien code15. Les vĂ©ritables sorciĂšres sont trĂšs difficiles Ă reconnaĂźtre, bien quâon les
considĂšre Ă priori comme nuisibles et portant atteinte Ă lâordre social, voire mĂȘme Ă la vie. Le
« mpamosavy » est donc un terme utilisé par la société pour désigner une personne qui aime le
mal, par-lĂ veut et peut attirer du malheur aux autres.
14La gazette du 14 Août 2009 15Le code des 305 articles
La pratique de la sorcellerie
7
1- La personne utilisant le « Mosavy »
La personne du « mpamosavy » peut ĂȘtre indiffĂ©remment un homme ou une femme, mais
dâaprĂšs la croyance de la sociĂ©tĂ©, cette personne est diffĂ©rente des autres. Elle est difficile Ă
Ă©tudier car dâun cĂŽtĂ©, personne ne se vante de lâĂȘtre, mais il sâagit dâune qualification imputĂ©e par
les autres.
Lorsquâune personne est qualifiĂ©e comme telle, elle est taxĂ©e dâaccomplir des actes
Ă©tranges ou malĂ©fiques. Elle a lâhabitude dâapprovisionner les animaux sauvages : chats, hibou et
élÚve des animaux mal considérés : chien au pelage brun rouge, « kary » (chat sauvage), elle fait
de la cuisine avec des ingrĂ©dients bizarres. SpĂ©cialement pour celui qui dĂ©tient « lâody mahery »,
ce dernier commence Ă dominer son maĂźtre, des indices commencent Ă apparaĂźtre par exemple la
prĂ©sence dâun serpent dans la maison (menarana ou tompontany). Ce qui signifie que « lâody » a
sa pleine puissance. Certains de ces « mpamosavy » le sont de naissance, comme une hérédité,
transmise par leur parent ou grands-parents, juste avant leur mort.
2- Le « mosavy », le fournisseur
Certains termes sont à éclaircir en ce qui concerne le fournisseur du « mosavy ». Bien que le
medium soit davantage spĂ©cialiste des maladies qui relĂšvent de lâesprit ou causĂ©es par les
mauvais esprits, son champ dâaction et son domaine dâinfluence vont beaucoup plus loin, au
point quâon vient le consulter pour quasiment toutes sortes de maladies. Ainsi sa fonction
empiĂšte-t-elle sur le mĂ©tier de « lâOmbiasy » ? Et si ce dernier porte Ă©galement le nom de Devin,
câest gĂ©nĂ©ralement quâil nâignore pas non plus la divination. Sans vouloir pour autant mĂ©langer
les disciplines ni uniformiser les rĂŽles, puisque chaque ministre des cultes, quel que soit sa
spécialité fait usage des médications en cas de maladies.
A son tour, le thĂšme « Ampisikidy » est formĂ© de prĂ©fixe « a »-mp caractĂ©ristique dâun
substantif agentif et « m » morphĂšme simple, propriĂ©tĂ© dâun agentif et du lexĂšme «sikidy », art
divinatoire.
Ainsi, le « Ampisikidy » signifie littĂ©ralement lâagent qui opĂšre le « sikidy », celui qui manipule
la divination, qui assure lâart divinatoire dit « sikidy ». Ce dernier vient de lâarabe
La pratique de la sorcellerie
8
« Sichel »ou « Shkill » signifiant « figure » produit dans le cadre de la pratique divinatoire.
Depuis 1617, la réputation du sikidy sur la cÎte Ouest de la grande ßle est reconnue.16
Le terme « Moasy » ou « Ombiasy » vient du swahili « mwasi » et signifie lâhomme
sacré, le saint . Il joue un rÎle à la fois de « féticheur » de « thaumaturge17 » de « devin »et de
« guĂ©risseur ». Le tiers des Malagasy savait exercer lâart divinatoire par grains18, souvent ils sont
tous dĂ©tenteurs dâ« aody », mais la distinction nâest pas nette Ă ce propos jusquâĂ maintenant,
entre le faux et le vrais. Câest grĂące Ă leur connaissance de lâorigine dâun mal quâils peuvent
lutter contre le mal dirigé contre leurs patients.
Plusieurs dâentre eux nâarrive pas Ă tenir leur serment de toujours faire le bien face Ă
lâinstigation des personnes de mauvais esprit qui, voulant du mal Ă un rival ou Ă un ennemi, les
incitent Ă exhausser de mauvais vĆux, en promettant de grosses rĂ©compenses. Câest pour cela
mĂȘme quâil est difficile de dĂ©crire lâauteur du « mosavy ». En fin de compte on sait que le «
mpamosavy » utilise les « ody gasy» surtout les « ody ratsy ».
§ 2- Les (a)ody
Le « mosavy » est issu du « ody » qui a été fourni par le « mpamosavy », le « ody »ou
« ody gasy » est lâensemble des pratiques et les moyens ou matĂ©riels utilisĂ©s pour la pratique
surnaturelle afin dâobtenir un effet dĂ©terminĂ©.
A- Essai de définition
1- Genre de Ody
Le« ody » est difficile à traduire en français. Plusieurs mots sont proposés : fétiche,
talisman, palladium, idole, amulette, charme, médication, et le vaudou. Il fallait donc apporter
dâĂ©claircissement Ă chacun de ces termes.
Le mot « palladium » qui signifie « bouclier », « garantie », « sauvegarde » nonobstant sa
congruence au terme « ody », parait trop défensif et évoquant implicitement la civilisation gréco-
romaine.
16 LUIS Mariano en1617, Etienne de FLACOURT en 1660, dans son ouvrage « Histoire de la Grande Isle de Madagascar » faisaient Ă©tat de la technique et de termes spĂ©cialisĂ©s en la matiĂšre 17 Personne qui fait des miracles ou prĂ©tend les accomplir 18 Affirmait A. Grandidier auteur de nombreux ouvrages sur lâĂźle rouge
La pratique de la sorcellerie
9
Puis le mot « talisman » indique Ă lâorigine un objet sur lequel sont gravĂ©s ou inscrits des
caractĂšres ou des signes considĂ©rĂ©s comme prophylactique, ce nâest que par extension quâil a le
sens dâimage ou dâobjet porte bonheur.
Alors que le terme « fétiche » fort usé dans la littérature ethnographique serait dans son
sens propre assez proche de la réalité.
Mais le terme « idole » serait assez convenable Ă©tant donnĂ© quâil dĂ©signe une image
figurant une divinitĂ© et Ă laquelle on adosse un culte, comme si elle Ă©tait une divinitĂ© elle-mĂȘme,
bien que cette acception ne reprĂ©sente quâun des sens multiples des « ody », ce terme connote
trop de prĂ©jugĂ©s et des jugements de valeur pour ĂȘtre vraiment adĂ©quat.
Le mot « amulette », désignant un petit objet personnel et transportable, soit préservatif,
soit porte bonheur, est un peu insuffisant pour parler des « ody de lâombiasy ».
Le « charme » du Latin « carmen », chant magique, représente un objet supposé exercer
une action magique, serait dĂ©jĂ trĂšs proche de la rĂ©alitĂ©, encore faut-il quâon sâentende sur la
portĂ©e exacte du terme magique et les abstractions faite de son influence quâon puisse aussi tenir
compte des vertus objectives des plantes mĂ©dicinales que les « Ombiasy» nâignorent pas avant
de composer les mixtures ou de dicter les ordonnances.
Le mot « vaudou » signifie une religion animiste pratiquée à Haïti, au Brésil, dans les
Antilles et dans une partie de l'Afrique noire. Au BĂ©nin, pays d'Afrique occidentale, l'animisme
est trÚs répandu ; selon cette croyance, tout dans la nature possÚde une ùme. Le vaudou est une
forme d'animisme et provient Ă©galement du BĂ©nin ; il regroupe des pratiques magiques et des
éléments empruntés au culte chrétien et à la sorcellerie.
La « médication » enfin donne à entendre le port des médicaments dans un but
thérapeutique déterminé, bien que cette acception exclue les aspects magiques, voire maléfiques
des « ody », elle semble ĂȘtre la plus communĂ©ment retenue aujourdâhui par les ethnologues.
De fait, « ody » embrasse un peu toutes ces diversités de sens, nous avons fait état de
cette liste qui est loin dâĂȘtre exhaustive. En mettant prĂ©cisĂ©ment en relief lâaspect polysĂ©mique de
cette terminologie, nous avons une chance dâen dĂ©couvrir toutes les richesses.
La pratique de la sorcellerie
10
2- Types dâ (a)ody
DâaprĂšs leur nature, il y a lieu de distinguer ici deux genres :
- Les « ody » simples tirĂ©s du rĂšgne minĂ©ral, vĂ©gĂ©tal, animal, y compris lâhomme
- Les «ody » complexes, composĂ©s par assemblage de rites, de formules et dâĂ©lĂ©ments
différents.
a- Les « Ody » simples
A commencer par observer les « ody » simples, on ne manquerait pas de découvrir des
petits morceaux de bois, des Ă©corces, des feuilles, des fruits, des racines, des herbes, des fleurs,
des petits bouts dâos, des plumes, des cheveux, des petites pierres, des morceaux de fer, des
Ă©cailles, de lâargent, des anneaux dâargent, des coquilles auriculĂ©es, ainsi que toutes sortes de
perles.
Des minéraux, retenons quelques-uns, sans prétention exhaustive : « aferomborona,
akorandrika ». Et dâautre perles : « vakamiarina, tsiambanindrafy ».
Les « ody » tirĂ©s des mĂ©taux sont Ă base dâor et dâargent. Lâor dans tout Madagascar a un
caractĂšre sacrĂ© : on sâen sert pour maintes chose : « Dans lâOuest comme dans lâEst, (âŠ) lâor est
« Zagnahary » (divin, créateur), et les Sakalava, les Mahafaly, les Betsimisaraka le vénÚrent,
lâadorent, le mettant sur la tĂȘte en signe de respect, de soumission; tous le respectent
scrupuleusement. « Lâor ouvre le ciel, disent les Betsimisaraka qui mettent une piĂšce dâor dans la
bouche des braves gens quâils ensevelissent »19.
Nombre « dâody» sont faits Ă partir de lâargent : « famakivola » (la hache en argent),
« vangovango, fehintanana, fehintongotra, fehimbozona », qui est des anneaux des poignets, des
chevilles et des colliers. Le « vintambola20, le haba »21. Mais tous les colliers en argent portés par
des gens ne sont pas des « ody ».
Toujours dans la mĂȘme catĂ©gorie que la mĂ©dication simple, on peut retenir les « ody » qui
Ă©manent du monde animal : cheveux, dents de caĂŻman,âŠA cette liste sâajoutent encore les
« ody » complexes.
19 Grandidier M. 20 Un petit objet en forme dâhameçon pour pĂȘcher la fortune 21 Un gros bracelet en argent
La pratique de la sorcellerie
11
b- Les « ody » complexes
Appartiennent à cette catégorie :
-« ZANAHARY MANATRIKA » : ( fils de Dieu devant) ; il donne à celui qui le porte ce
quâil dĂ©sire.
-« FARAMIONENA » : la corne fera de son possesseur un homme gùté.
-« VELONAMPONGA » : Cet ody pourrait procurer Ă celui qui le dĂ©tient lâhonneur,
lâallĂ©gresse.
-« TONGOALAHY » : une plante parasite qui grimpe jusquâĂ la cime de lâarbre sur
lequel elle sâĂ©tablit.
-« TSIMALAZO » : qui ne se fane jamais
-« MANANJARA » : le porteur obtiendra une pleine ration de bonheur.
-« TSY AMBANINDAHY » : son propriétaire sera toujours au-dessus de tout.
-« HAZOMAHAROTEGNA » : lâarbre qui se protĂšge lui-mĂȘme, parce quâil est garni
dâĂ©pines dures et pointues capables de dĂ©courager toute approche Ă©ventuelle22.
On peut interprĂ©ter ce terme complexe, dans la deuxiĂšme catĂ©gorie de mĂ©dication dâune
autre façon encore. Une mĂ©dication nâexiste guĂšre solitaire. Lâody suppose de la part de celui
qui le fabrique (ou le moasy) ou qui le donne, toute une sĂ©rie dâopĂ©rations, une prĂ©paration, de la
consĂ©cration et un mode de livraison. Du cĂŽtĂ© de celui qui la reçoit, il entraĂźne lâobservation de
lâordonnance, des rĂ©gimes et surtout des « fady ».
B- La fonction des « ody »
Le « ody » nâa pas forcĂ©ment pour objectif de provoquer le mal. Il peut aussi ĂȘtre le
secours dâune personne. Mais dans le sens du « mosavy », lâody apparait comme source du mal.
Il existe des quantitĂ©s innombrables dâody tant et si bien quâil est difficile dâen donner un aperçu
permettant de sâorienter. Ainsi, voici un essai de classification dâaprĂšs leur nature et leur
fonction.
22 Les Conceptions Religieuses des Anciens Malgaches, Traduit de lâallemand par B. HĂ»bsch, Tananarive, 1973, pp.68-69.
La pratique de la sorcellerie
12
1- Les « ody » bons charmes
Eu Ă©gard Ă leurs fonctions, il y lieu dâenregistrer les « ody » prophylactiques23 ou
protecteurs, dâune part, les « ody » curatifs de lâautre, et enfin les mĂ©dications rituelles. Les
« ody » protecteurs ou préventifs comprennent à nouveau, les « ody » collectifs qui en Imerina
prennent le nom de « Sampy ». Ils sont conçus pour protéger un clan, un village, ou encore une
collectivitĂ© donnĂ©e. Viennent ensuite les « ody » royaux, il sâagit dâody particuliers, Ă©levĂ©s par le
souverain à une sorte de Co-dignité royale et de pouvoir universel. On peut encore retenir les
« ody » généraux qui le sont dans une certaine mesure par la multiplicité de leurs applications ;
les « ody » de protection de tout genre :
Contre les esprits mauvais venus dâeux mĂȘmes, ou provoquĂ©s.
Contre les ennemis, quelle que soit leur origine.
Contre les animaux nuisibles aux personnes, aux biens et plantations
Contre les Ă©lĂ©ments : grĂȘle, foudre, accident
Contre les maladies de tout genre.
Quant aux remÚdes, qui sont doués des vertus curatives, ils existent réellement. On les a
découverts petit à petit, grùce à la pratique ou aux conseils des génies et « Esprits-tromba ».
Toutes les plantes mĂ©dicinales connues, sous forme dâinfusions, de bains, rĂ©gimes, cataplasmes,
pour ne retenir que celles-ci entre en ligne de compte. Mais les « ody » servent également dans
les rites, on a dâabord les « ody » de rĂ©paration, de purification ou de prĂ©caution. Il sâagit de
réparation de manque de docilité ou de respect envers les Esprits ; de la purification des
souillures contractĂ©es : rites mal observĂ©s, transgression des « fady » ou tabous, vĆux nĂ©gligĂ©s,
faut-il encore ajouter les « ody » réservés aux précautions prises contre certains risques. A noter
que ces médications sont toutes ambivalentes et peuvent en conséquence agir au détriment du
patient ou sujet, si ce dernier nâobserve pas les interdits appropriĂ©s. Il est enfin des « ody » de
nature mixte, Ă la fois bonne et mauvaise, ce sont ceux qui sont employĂ©s pour lâacquisition
illĂ©gitime : vol de zĂ©bus, philtres dâamour, Ă©limination dâun rival. Il en existe qui sont rĂ©ellement
mauvais.
23 MĂ©decine qui est destinĂ©e Ă empĂȘcher lâapparition, le dĂ©veloppement ou lâextension dâune maladie.
La pratique de la sorcellerie
13
2- Les « ody ratsy »ou « mauvais charmes »
Les « ody », réellement mauvais, ce sont ceux de la malédiction, ceux qui provoquent ou
communiquent les maladies, la mort lente, rapide ou instantanée.
Tableau portant noms des « ody ratsy » :
NOMS FONCTIONNEMENTS
Tsitrabadimantsaka La femme partie pour puiser de lâeau ne rentre pas assez tĂŽt pour secourir
la victime, effets rapides
Harokâaty SortilĂšges capables dâattaquer le foie et de faire mourir
Tendri-hatoka Sorte dâenvoĂ»tement qui frappe la nuque
Tsongo-dia ou Rao-
dia
SortilÚge fait avec de la poussiÚre et de la terre foulée par celui contre qui
on les emploie
Manara-mody LancĂ© contre un individu rencontrĂ© en dehors, ce charme permettait juste Ă
la victime dâarriver chez elle pour y expirer
Fehitratra SortilÚge censé attaquer la poitrine
L e vorika Charme qui a le pouvoir dâensorceler, quiconque est influencĂ© par lui
Voan-kanina SortilÚges dissimulés dans les aliments
Tadilava Nom dâune maladie qui Ă©volue lentement due Ă lâeffet du sortilĂšge
Taratra Une araignĂ©e venimeuse et dâun sortilĂšge reconnu comme tel
Vahimaika Donnant rapidement la mort
Mampandry SortilĂšge qui sâendort et tue rapidement
Lahy anio SortilĂšge qui fait mourir le lendemain
De ces diversités des « ody », ces derniers semblent exprimer le «mosavy» ou du moins
lui sont trĂšs proches, car il ne faut pas oublier que le «mosavy» est issu de «lâody gasy». Donc
La pratique de la sorcellerie
14
ces deux termes sont Ă©troitement liĂ©s, câest grĂące au premier c'est-Ă -dire à «lâody gasy» que le
«mosavy» a eu ses effets.
Section 2- La sorcellerie, ses causes
Le sorcier, «mpamosavy» nâattend pas une faute lourde envers lui pour rendre
malheureux son voisin, voire mĂȘme sa famille. Surtout lorsquâun conflit lâoppose ou oppose son
protĂ©gĂ© Ă dâautres personnes, il nâhĂ©site pas Ă jeter des mauvais sorts, le plus frĂ©quent cas ici se
rencontre dans les affaires civiles, plus précisément dans le conflit foncier.
§ 1- Multiplication des différends fonciers
LâinsĂ©curitĂ© fonciĂšre Ă©tait citĂ©e parmi les majeures contraintes des agriculteurs (53%)
dâaprĂšs une enquĂȘte conjointe du ministĂšre de lâagriculture et la FAO en 199924. Elle reprĂ©sente
un obstacle majeur Ă lâamĂ©nagement et surtout la mise en valeur des terres, en particulier dans les
zones de peuplement récent. Plusieurs individus sont encore dans une situation précaire, cela fait
naßtre des problÚmes non seulement entre les proches alliés mais aussi entre les voisinages.
A- Différend familial
Dans les zones dâimmatriculation fonciĂšre plus ancienne, la source principale de ce conflit
demeure la difficulté de gérer la succession. Auparavant, seulement dix pour cent du territoire
national a fait lâobjet dâimmatriculation formelle, depuis un siĂšcle, sur cinq cent mille demandes
dâimmatriculation reçues au niveau de vingt-neuf circonscriptions domaniales et fonciĂšres, trois
cent trente ont été satisfaites25, soit trois mille trois cent titres fonciers par an. La procédure est
longue et pleine de formalisme, câest lâordonnance n° 60-146 qui rĂ©git le rĂ©gime foncier de
lâimmatriculation. Historiquement parlant, dâaprĂšs lâexposĂ© de motif de cette ordonnance, la rĂšgle
en matiĂšre dâimmatriculation sâest inspirĂ©e de la lĂ©gislation australienne appelĂ©e «Act torrens »
(acte sur la terre). Depuis plusieurs années donc, de nombreuses études constatent que la situation
fonciĂšre est devenue lâune des principales contraintes qui bloquent la croissance de la production
agricole voire mĂȘme le dĂ©veloppement du pays. Plusieurs solutions ont Ă©tĂ© proposĂ©es :
24 Dabat et Fabre, 2000 25 La revue KOKA, n° 002, Juin 2007
La pratique de la sorcellerie
15
Les maximalistes proposent de mobiliser des moyens lourds combinant la télédétection par
image satellite et des relevés GPS de cartographie détaillée pour dresser un cadastre général
numérisé.
Alors que les « coutumieristes » ont plutÎt tendance à renoncer à toute forme
dâimmatriculation fonciĂšre pour revenir aux formes traditionnelles dâarbitrage du droit dâusage au
sein des collectivités décentralisées.
En effet, la palette actuelle des outils juridiques et des procédures existantes semble
insuffisante pour que les solutions adaptĂ©es aux contextes puissent ĂȘtre trouvĂ©es sans quâil soit
nécessaire de modifier la législation. Tout au moins, certains allÚgements ou modifications des
rĂšgles administratives pourraient ĂȘtre proposĂ©s. Mais couvert sous la sorcellerie, la situation
devient pire encore car ni les maximalistes, ni le lĂ©gislateur contemporain nâont prĂ©vu aucune
solution claire Ă ce cas. Pourtant le cas nâest pas rare dans la sociĂ©tĂ©. Il y a mĂȘme des groupes
dâindividus rĂ©putĂ©s forts en la matiĂšre (sorcellerie) qui ont lâhabitude de profiter des propriĂ©tĂ©s
fonciÚres situées en leur voisinage. Il est indispensable de porter une explication sur la lenteur de
la procĂ©dure dâimmatriculation de terre.
1- La procĂ©dure en matiĂšre dâimmatriculation
La procĂ©dure varie selon quâelle soit individuelle ou collective.
a- Lâimmatriculation individuelle
Peuvent requĂ©rir une immatriculation dâun terrain sur le livre foncier les propriĂ©taires ou
copropriétaires munis du consentement des autres ayants droit. Le frais de la procédure est
supporté par le requérant.
Une demande établie en double exemplaire est déposée auprÚs du conservateur. Cette
demande doit comporter les renseignements concernant le demandeur, le terrain demandé ainsi
quâune formule par laquelle le demandeur dĂ©clare avoir pris connaissance des rĂšgles, textes
domaniaux. Le demandeur entend sây conformer en sâengageant de payer les frais. Un plan, que
ce soit Ă©tablit par le demandeur ou dressĂ© par un gĂ©omĂštre doit ĂȘtre fourni en double. En plus, la
justification de versement de cautionnement doit ĂȘtre jointe t. Avant sa publicitĂ© par affichage
pendant une durĂ©e de quinze jours, la demande doit aussi ĂȘtre enregistrĂ©e par le sous-prĂ©fet.
La pratique de la sorcellerie
16
La reconnaissance du terrain aboutit enfin Ă lâĂ©tablissement dâun titre domanial ayant une force
absolue. Mais, il en est autrement quant Ă la procĂ©dure dâimmatriculation collective.
b- Lâimmatriculation collective ou le cadastre
Le cadastre est une procĂ©dure particuliĂšre applicable au droit de jouissance aboutissant Ă
une reconnaissance juridique collective de droit. Elle est prĂ©vue par lâordonnance n°74-034 de
DĂ©cembre 1974.
A lâinverse de lâimmatriculation individuelle, elle dĂ©pend beaucoup de lâinitiative de
lâadministration, car câest un arrĂȘtĂ© du ministre dont relĂšve le service topographique qui fixe
lâouverture de lâopĂ©ration cadastrale. Le bornage est menĂ© par une brigade dâopĂ©rateurs de
service topographique dirigée par un géomÚtre, et est porté à la connaissance de tous par voie
dâaffichage au moins un mois en avant. AprĂšs soixante jours, le chef de la circonscription
domaniale procĂšde Ă lâĂ©tablissement du titre foncier et les propriĂ©taires dont les noms sont
reconnus doivent dĂ©poser une rĂ©quisition indiquant le nom donnĂ© Ă lâimmeuble.
Par la difficultĂ© de mode dâattribution du titre foncier donc, les gens ont du mal Ă avoir ce
titre, alors que câest une preuve tangible. Les gens auront toujours du mal Ă prouver leur
propriété, surtout si celle-ci est un héritage laissé par ses ascendants.
Actuellement, le principal accÚs à la propriété fonciÚre reste la succession, malgré sa
division en deux modes dont le mode dit originaire, par lâoccupation en plus de la mise en valeur.
Puis le second mode plus diversifié contenant le contrat, les donations ainsi que la prescription
acquisitive.
2- La succession cause des différends fonciers familiaux
La preuve en matiĂšre fonciĂšre reste encore un problĂšme fondamental. Il incombe donc Ă
celui qui prĂ©tend ĂȘtre le vĂ©ritable propriĂ©taire de prouver la vĂ©racitĂ© de sa situation « Actor
incubit probatio » par tous les moyens (témoignage en général). En absence du titre, les parties
vont recourir Ă une chaĂźne de transfert de propriĂ©tĂ© successif, afin de parvenir Ă lâacquĂ©reur
initial, câest la mĂ©thode que le droit romain appelle « la probatio diabolica ». Et câest cette
position qui amĂšne les personnes Ă se faire du mal. Les terres hĂ©ritĂ©es des ancĂȘtres nâont pas
augmenté de superficie alors que le nombre des membres du clan a considérablement augmenté.
La pratique de la sorcellerie
17
DâoĂč les litiges interminables qui amĂšnent des frĂšres cousins et autres proches parents Ă
sâaffronter de maniĂšre impitoyable. Ainsi, les Malgaches perdent leurs valeurs traditionnelles de
fihavanana par des comportements tels « tsy mifandevi-maty » ou « mifamosavy ». Ces dits
comportements provoqués par le différend foncier reflÚtent un certain danger de désintégration de
la famille au sens large, telle quâelle est affectionnĂ©e par les Malagasy. Ainsi le recours Ă la
sorcellerie empoisonne le climat au sein des personnes issues de la mĂȘme famille.
B- DiffĂ©rends avec dâautres personnes
La propriété fonciÚre, par sa valeur morale, surtout économique, est une véritable source
de richesse. Ces derniers mois donc, les conflits en matiĂšre foncier se multiplient beaucoup. La
vente de terrain est devenue une source rapide des revenus, que ce soit pour de simples individus
tels le démarcheur et le propriétaire, ou pour les fonctionnaires responsables des litiges.
1- La recherche des profits
La valeur des terrains augmente de plus en plus rapidement, surtout pour ceux qui se
trouvent en ville et au bord de la route. Face à la demande excessive, les propriétaires sont
parfois contraints de vendre leur terrain, ce qui est normal, mais à cause de leur désir
incontrĂŽlable de profit, ils deviennent victimes dâescroquerie. Il arrive que le propriĂ©taire soit
trahi et que le dĂ©marcheur sâenvoler avec le prix du terrain.
Le propriétaire a vendu son terrain à plusieurs acheteurs successivement. Ces derniers
prĂ©tendent tous ĂȘtre les vĂ©ritables acquĂ©reurs, alors que le vendeur de mauvaise foi reste
introuvable. En outre, des conflits dâintĂ©rĂȘt surviennent parfois entre la relation dĂ©marcheur et
vendeur. Alors que câest celui qui a achetĂ© le premier qui sera le vĂ©ritable propriĂ©taire. Les
fonctionnaires qui sont responsables du service des domaines, quant Ă eux, profitent parfois du
trouble des autres. Ils en tirent de profits dâune maniĂšre prohibĂ©e par la loi.
La pratique de la sorcellerie
18
2- Un abus de fonction par les fonctionnaires
Les agents publics affectés dans ce domaine, influencés par les donations proposées par
lâune ou lâautre partie, commettent une faute dont la qualification varie selon les critĂšres citĂ©s par
la loi 2004-030.
En général, ce cas arrive quand a lieu une affaire qui oppose un riche ou parfois des
Ă©trangers avec un vĂ©ritable possesseur sans titre, car la plupart des terrains biens placĂ©s sont dĂ©jĂ
achetés par des étrangers sur le littoral Est. Ils ont donc tendance à fermer les yeux des
responsables par des cadeaux ou dons spĂ©ciaux. Les gens sâentretuent pour une affaire de
quelques hectares de terrain. En 2006 par exemple, un conflit foncier a entraĂźnĂ© la mort dâun
homme opposant le propriĂ©taire, celui qui tient le titre, et lâoccupant faisant valoir durĂ©e de la
mise en valeur comme preuve de lâappropriation du terrain. Lâinsatisfaction sur les jugements
rendus par les tribunaux engendre la mĂ©fiance envers le systĂšme judiciaire.26A lâĂ©gard de ces
problĂšmes, les gens cherchent Ă se motiver, afin de surmonter leurs problĂšmes. Ils ont pu croire Ă
un lien de causalité entre les méfaits du « mosavy » avec le phénomÚne qui se manifeste dans
leur vie quotidienne.
§ 2- Les actes attribués à la sorcellerie
Parmi les consĂ©quences attribuĂ©es Ă la sorcellerie figurent des atteintes volontaires Ă
lâintĂ©gritĂ© corporelle ou autre phĂ©nomĂšne nuisible inexplicable scientifiquement.
A- Les atteintes volontaires Ă lâintĂ©gritĂ© physique
Ici, les effets de la sorcellerie touchent la vie des adversaires au différend foncier ou leur
santé.
1- Provocation volontaire de décÚs
Des décÚs inexpliqués, tragiques ou bizarres sont mis sur le compte de la sorcellerie, certes
les Malgaches en gĂ©nĂ©ral, sâaccommodent vite avec le destin ou le sort rĂ©servĂ© Ă chacun. Mais
face Ă certains phĂ©nomĂšnes quâils nâarrivent pas Ă rĂ©soudre, la certitude des consĂ©quences des
26 Koka n°004 dâAoĂ»t 2007
La pratique de la sorcellerie
19
ody domine. Il sâagit lĂ dâune position radicale de lâautre partie au litige qui Ă©limine
dĂ©finitivement son adversaire pour ĂȘtre sĂ»r dâavoir le terrain. Dans cette bataille, certes, tous les
moyens sont bons pour la gagner. Et le meilleur câest la disparition du problĂšme qui nâest autre
que lâanĂ©antissement de celui ou celle qui ose sâopposer Ă lâacquisition de lâimmeuble.
Mais Ă dĂ©faut de pouvoir ou vouloir provoquer la mort du soi-disant ennemi, lâauteur de la
sorcellerie frappera sa santé.
2- Atteinte à la santé
Des provocations de maladie sont encore attribuĂ©es Ă la sorcellerie pratiquĂ©e par lâadversaire.
En effet, des maladies peu communes ou des maladies familiĂšres qui peuvent atteindre
lâadversaire sont souvent lâeffet de la sorcellerie. Car pour mieux le paralyser et lâeffrayer,
provoquer sa maladie est un moyen souvent employĂ©. Il sâagit dâun moyen assez sadique, parfois
plus méchant que la provocation de décÚs. Ces maladies sont diverses et peuvent frapper le
psychique ou le physique.
a- La maladie psychique
La maladie psychique ici câest la dĂ©mence. La dĂ©mence proprement dite ou la demi-folie, une
folie intermittente ou une folie permanente hystérique ou dépressive. Mais en tout cas beaucoup
de formes de démence sont observées et peuvent frapper la personne de la victime. En vérité,
elles sont imputées aux actes de sorcellerie accomplis par celui qui veut éliminer celui qui
constitue un obstacle Ă son chemin dans le litige foncier.
En effet, le fou ne pourra plus se battre pour avoir les terrains litigieux. Ce qui laisse la place
libre pour se lâapproprier. Et ce qui intimidera surtout lâautre adversaire ponctuel pour continuer
la bataille. En tout, un climat malsain rĂšgne au sein de la famille ou des gens de mĂȘme village Ă
cause de cette pratique occulte en matiÚre de différend foncier.
Mais au lieu de lâesprit, câest le corps qui est frappĂ© de maladie parfois.
b- La maladie physique
Celle-ci est Ă©galement trĂšs utilisĂ©e en matiĂšre de diffĂ©rend foncier. Lâautre frappe son
adversaire de maladie: lieu de sâintĂ©resser au problĂšme foncier, il passera son temps Ă chercher Ă
se guĂ©rir. DâoĂč le danger du cercle vicieux des « ody » car, constatant que sa maladie nâest pas
« normale », il décide de recourir aux « ody » sera décider, et ainsi de suite. Ce qui empoisonne
La pratique de la sorcellerie
20
la vie en société des gens. En tout cas la provocation volontaire de maladie constitue aussi
un « bon » moyen pour la partie au différend foncier pour exterminer celui qui se met en travers
de son chemin. Et cette maladie peut durer longtemps, provoquant parfois sinon la mort ou du
moins la paralysie de la victime. Il sâagit donc dâune longue incapacitĂ© de travail. Mais en dehors
de ces actes visant lâintĂ©gritĂ© corporelle, dâautres consĂ©quences sont imputĂ©es Ă la sorcellerie. Il
sâagit de certaines situations nĂ©gatives prĂ©judiciables Ă la partie adverse.
B- Situation préjudiciable
Par le terme « situation préjudiciable » sont comprises toutes sortes de résultats négatifs pour
la victime, mais bĂ©nĂ©fiques pour lâautre. Ce sont des surnaturels inexplicables pour lâintĂ©ressĂ© ou
lâopinion publique mĂȘme, mais qui surviennent. Il en est ainsi, en premier lieu, de lâabdication de
lâintĂ©ressĂ© et au second lieu de son Ă©chec au procĂšs.
1- Lâabandon
Il est considĂ©rĂ© comme la consĂ©quence de la sorcellerie, lâintĂ©ressĂ© qui abdique en prenant
la fuite, en baissant les bras, en tout cas, en abandonnant le procĂšs en cours sans justification.
Pourtant cette dite partie se trouve ĂȘtre la mieux placĂ©e pour avoir gain de cause au procĂšs.
Celui qui abandonne est souvent le propriĂ©taire mĂȘme du terrain ou son descendant. Cette
situation peut survenir Ă tout moment, au cours dâun procĂšs dĂ©jĂ entamĂ©, elle prend la forme dâun
dĂ©sistement27 qui doit ĂȘtre soumis Ă la volontĂ© de la partie adverse. On peut distinguer selon les
effets le dĂ©sistement dâinstance par manque de preuve par exemple, puis le dĂ©sistement dâacte du
procĂšs. Parfois le demandeur nâarrive pas Ă entretenir son procĂšs28 pendant un dĂ©lai fixĂ© par la
loi (deux ans actuellement), câest « la pĂ©remption ». Il arrive que la victime acquiesce soit Ă la
demande reconventionnelle de la partie adverse, soit au jugement rendu défavorable à son
encontre, ce qui Ă©quivaut Ă la renonciation de droit Ă lâexercice de la voie de recours29. Cette
situation, que ce soit au dĂ©but de lâaction ou aprĂšs le verdict, marque le triomphe de celui qui
utilise la sorcellerie.
27 Article 376 code de procĂ©dure civile 28 « Tratranâny fandrekirekena ». 29 Article 383 code de procĂ©dure civile
La pratique de la sorcellerie
21
2- LâĂ©chec
LâĂ©chec de la partie mieux placĂ©e est considĂ©rĂ© comme injuste, la victoire de lâautre est
attribuée à la pratique des « ody ». En effet, les membres de la famille ne comprennent rien
lorsque les terres des ancĂȘtres vont passer par une simple dĂ©cision de justice Ă des mains
Ă©trangĂšres non descendantes. En vĂ©ritĂ©, la justice a Ă©tĂ© Ă©garĂ©e car lâautre partie a pratiquĂ© la
sorcellerie.
Les conséquences classifiées dans le tableau ci-dessous, parmi lesquelles figurent celles
qui prenaient la forme dâune infraction pĂ©nale amĂšnent Ă se demander sur la nature mĂȘme de la
sorcellerie.
Charmes maléfiques en matiÚre foncier :
Vu la mentalitĂ© des Malgaches et les coutumes encore trĂšs ancrĂ©es, la sorcellerie nâa pas laissĂ©
le lĂ©gislateur indiffĂ©rent. Ainsi conscient de lâintĂ©rĂȘt mĂȘlĂ© de peur que porte encore beaucoup de
personnes Ă la sorcellerie et aux « ody », il tient Ă rassurer les gens. Il parvient Ă lâincrimination
de la sorcellerie, si symbolique soit elle.
Noms des
aody
Manifestations Effets RemÚdes Précautions
Fehivoloazo
Port dâobjets aux
tombeaux
_Diverses maladies
_ La mort
Fagnafana
fehivoloazo
Fagnafana
fehivoloazo
Tany tsy zaka
Prise dâĂ©chantillon
du terrain en conflit,
porté chez le
Mpamosavy
Fuite de la victime
sans avoir lâintention
de retourner
Tsy
resintosika
_Tanibe magneky
_Tsy manam-
pahavalo
Tolaka tsy
minondrano
Variables :
« mitsongo-dia »
-Prise dâobjet
-Un simple regard
_Diverses maladies
_ La fuite
_ La mort
Fagneri-tolaka _ Avako aby
_ Mamy aho
_ Fagnafan-tolaka
La pratique de la sorcellerie
22
Chapitre II- LA SORCELLERIE, UN ACTE INFRACTIONNEL ?
En matiĂšre pĂ©nale, le chĂątiment est pris en considĂ©ration face Ă lâordre public. La peine ne
servirait alors que trĂšs secondairement Ă corriger le coupable, sa vraie fonction sera de maintenir
la cohésion sociale en maintenant toute sa vitalité à la conscience commune. La perturbation
portĂ©e Ă cette cohĂ©sion doit donc ĂȘtre incriminĂ©e et rĂ©primĂ©e.
Section 1- La sorcellerie: lâincrimination
Les registres judiciaires du 19Úme30 siÚcle ne fournissent pas de donnés précises sur
lâimportance de la sorcellerie. Par contre, actuellement les renseignements recueillis auprĂšs du
Ministre de la justice permettent dâen assurer lâimportance.
§ 1- Lâimportance de la sorcellerie dans lâancienne justice
La sorcellerie est une infraction particuliĂšrement grave qualifiĂ©e crime puni dâune peine
de mort au 19Ăšme siĂšcle31. Tuer un sorcier lorsque lâĂ©tat de celui-ci est reconnu par la population
ne constitue pas un acte criminel, mais justifié.
A- Les Codes malgaches du 19Ăšme siĂšcle
DâaprĂšs le code de 1828 dans son article premier, des peines afflictives ou infamantes
comme la mort, la déportation, la mort par décapitation sont les chùtiments prévus pour la
pratique de la sorcellerie. Les crimes punis de la peine capitale et entraßnant la perte de la liberté
pour les femmes et les enfants du criminel sont les suivants :
Usage de charmes maléfiques contre la reine
Fabrication des charmes maléfiques
En outre, lâarticle 4 parle de la rĂ©duction Ă lâesclavage et la confiscation des biens et matĂ©riels.
CâĂ©tait le code de la reine Ranavalona I.
30 Recueils des jugements et arrĂȘts rendus par le tribunal Ă Madagascar, 1841-1896 ; par Ignace RAKOTO 31 DâaprĂšs le code de 1881, Code des 305 Articles dans son article premier
La pratique de la sorcellerie
23
A son tour, Rasoherina promulgua en 186332 une peine distinguée selon la gravité du résultat
obtenu par le sortilĂšge. Elle introduit donc la qualification de lâinfraction selon le degrĂ© de sa
gravitĂ© allant jusquâĂ la peine de mort.
DâaprĂšs le code de 1881, Code des 305 Articles dans son article premier : fabriquer ou
faire usage de sortilĂšge pour tuer le souverain ainsi que autre atteinte Ă lâordre public sera qualifiĂ©
parmi les douze crimes punis de la peine de mort. Il sera prĂ©vu dans lâarticle 11 du mĂȘme texte
«Ceux qui font revivre la pratique dâautrefois Ă propos de la sorcellerie seraient mis au fer »33.
Par consĂ©quent on peut en tirer que les gens dâautrefois prennent au sĂ©rieux les mĂ©faits de la
sorcellerie, mais aussi chez les Betsimisaraka, une sorte de jugement coutumier a été entamé pour
celui accusé de « mosavy ».
B- Les coutumes judiciaires: Les ordalies
Sâagissant dâun problĂšme difficile Ă trancher et Ă©tant donnĂ© quâil fallait sâen remettre aux
dĂ©cisions des ancĂȘtres, la tradition cherchait Ă juger avec impartialitĂ© lâaffaire concernant la
sorcellerie et Ă©tudiait avec patience les arguments du plaignant. Les ancĂȘtres sâen remettaient aux
ordalies pour discerner le coupable. Quel que soit la forme, ces ordalies sont caractérisées par
deux idées principales.
1- Caractéristiques des ordalies
Dâabord, la conviction que les ĂȘtres surnaturels interviennent dans tous les Ă©vĂ©nements
humains. La croyance que certains actes matériels accompagnés des rites consacrés ont le
pouvoir dâobliger ces ĂȘtres Ă rĂ©vĂ©ler si une personne est coupable ou non dâune faute. Les
ordalies par animaux prenaient des formes différentes quand un enfant naßt le jour « fady », il
devrait ĂȘtre exposĂ© Ă la porte du parc Ă bĆufs et sâil survivait, on croyait quâil Ă©tait dĂ©gagĂ© du
pouvoir du mal. Le premier ministre Rainilaiarivony de la reine Ranavalona était né
« Alakaosy ». Il avait subi lâĂ©preuve des bĆufs mais pour mieux le protĂ©ger, on lui avait coupĂ©
une phalange du doigt majeur de la main droite. Plusieurs sortes dâordalies sont rencontrĂ©es dans
32 Code de 1863 33 Code des 305 articles, code de 1881
La pratique de la sorcellerie
24
la grande Ile. Mais celle qui nous intĂ©resse le plus câest le « tangena » (tanguin ou Cebera
venenifera34).
a- Description du « Tangena »
Câest une sorte dâarbuste de la rĂ©gion orientale Ă la feuille allongĂ©e ayant un peu port de
laurier rose, le fruit Ă la taille dâune grosse noix, lâamande est en maturitĂ© complĂšte au mois de
juillet, il est «vĂ©nĂ©neux»35. Le poison est plus concentrĂ© dans lâembryon. Câest un glucoside,
nommĂ© aussi « Tangenina » dont lâaction psychologique se rapproche de celle du Strophantus. Il
tue en arrĂȘtant le mouvement, en dĂ©truisant lâinnervation musculaire. La dose mortelle est de
deux gramme environ et on ne lui connaĂźt pas dâantidote, il porte le nom de « Kapoki » dans les
autres régions.
b- Croyance Ă lâĂ©preuve du « Tangena »
Le peuple avait une confiance aveugle en lâĂ©preuve du « tangena », en 1810, lorsque
mourut Andrianampoinimerina, le peuple tout entier dû avaler le poison afin de découvrir
lâauteur du malĂ©fice, qui, croyait-on, avait enlevĂ© la vie au monarque bien-aimĂ©. Pourtant ce
dernier avait rendu officiel le premier usage de « tangena », cette ordonnance détone au milieu de
toutes les autres prises par ce sage législateur. Mais à cette époque, on croyait que tous les actes
humains Ă©taient sous contrĂŽle absolu dâun puissant invisible. Andrianampoinimerina
déclara : « Voici les lois du royaume dont je vais vous entretenir : je vais faire prendre le
tanguin et je vous en informe, vous, mes sujets, je nâuse pas dâarbitraire, mais je vous demande
de mây autoriser, parce que vous ĂȘtes mon pĂšre et ma mĂšre. Andriambelomasina vous a laissĂ©s Ă
moi, déclara-t-il et je vous demande scrupuleusement quand je vais faire prendre le tanguin. Si
cela vous agrĂ©e, nous procĂ©dons Ă lâĂ©preuve, vous pouvez ĂȘtre tranquilles, car cela fera pĂ©rir tous
les sorciers et tous les fabricants des charmes malĂ©fiques et câest pour nous une trĂšs bonne chose
si on prend le tanguin »36
La population lui a répondu en disant : « Nous vous donnons notre promesse, sire, car si
vous, qui ĂȘtes le maĂźtre du pays et du royaume, parlez de la sorte, Ă plus forte raison, nous vos 34 Voir Madagascar, PIERRE VĂ©rin, p 87; 129 35 Cf. RAKOTOMALALA Malajaona, 2005, La sorcellerie en Imerina, dans la revue en ligne taloha ; htt 3w TALOHA. Info 36 Madagascar « Les sortilĂšges de lâIle rouge » par François LERY
La pratique de la sorcellerie
25
sujets, vous nous avez bĂ©nis en cherchant Ă ne pas faire pĂ©rir ni nos femmes ni nos enfants (âŠ).
Ce nâest pas vous seul, sire, qui prononcez en cela la peine de mort, nous la prononçons
ensemble,⊠»37. A ce mĂȘme moment, il nommait les charmes malĂ©fiques punis de la peine de
mort.
Radama I, lui, fit preuve de sagesse en reportant lâĂ©preuve sur les animaux. Devant la
pression des EuropĂ©ens, il avait longuement hĂ©sitĂ© pour lâabolition de cet usage, dit-il : « Que
préférez-vous, la continuation du « tangena » ou de ne plus pouvoir sortir de chez vous, ni
voyager hors de la capitale sans ĂȘtre dans la plus grande anxiĂ©tĂ© et sans courir le risque dâĂȘtre
assassinĂ©s, violĂ©s, incendiĂ©s, ou trompĂ©s ? ». Mais lâintervention de JAMES Hastie finit par
emporter lâabolition du « tangena ». Mais comment se pratiquait le « tangena » ?
2- Lâapplication du « tangena »
Il faut procéder au choix de la noix, la bonne qualité sera testée sur un poulet, et la
procĂ©dure Ă laquelle lâaccusĂ© va ĂȘtre soumis, lui est notifiĂ©e par « lâAmpitangena » qui est le plus
souvent un « ombiasy ». Ce dernier avale lâeau Ă©paisse et rĂ©pand quelques gouttes sur la tĂȘte, sur
la poitrine, et sur ses pieds. « Lâampitangena » aprĂšs avoir grattĂ© au-dessus de la cuillĂšre la
quantitĂ© de poison nĂ©cessaire lâĂ©tend sur la peau et fait une boulette quâavale le patient, puis
lâhomme ingurgite une grande quantitĂ© dâeau de riz, qui facilitera le vomissement. Lâintervalle de
temps laissĂ© entrer lâabsorption de la boulette et celle de lâeau de riz peut Ă©videmment avoir une
influence considĂ©rable sur le rĂ©sultat final. LâaccusĂ©, c'est-Ă -dire le prĂ©sumĂ© « mpamosavy » sera
observé pendant que le « tangena » prend le temps de manifester ses effets. Le délai écoulé, deux
cas pourraient se produire :
Soit lâaccusĂ© pĂ©rit et la justice sera rendue. La famille a souvent honte de
prendre le corps et le laisse traĂźner par les animaux.
Soit il a survécu. Il sera réhabilité dans le clan.
Pendant les annĂ©es 1880, on estime chaque annĂ©e quâun dixiĂšme de la population devait
se soumettre au « tangena » et quâun individu sur cinq pĂ©rissait. Le nombre des morts entre 1823
et 1844 aurait Ă©tĂ© de 150.000. CâĂ©taient surtout les hommes et en 1936, sur les plateaux on estime
quâil y avait trois ou quatre fois plus de femmes que dâhommes38. RANAVALONA I, de sinistre
37 Voir TANTARA NY ANDRIANA, Histoire des Rois, citĂ© par IGNACE â FRED - RAZOHARINORO 38 Madagascar « Les sortilĂšges de lâIle rouge » par François LERY
La pratique de la sorcellerie
26
mĂ©moire, rĂ©tablit lâancien usage, elle-mĂȘme, avant chacun de ses repas, faisait procĂ©der Ă
lâĂ©preuve sur un poulet pour sâassurer que ses mets nâĂ©taient pas ensorcelĂ©s et les soldats qui
Ă©taient gardes du palais subissaient lâĂ©preuve avant dây ĂȘtre admis. Clandestinement, lâusage se
poursuit encore. Il fut signalĂ© un cas en 1972, puis en 1998 Ă Miarinarivo-Est lorsquâune vieille
dame a Ă©tĂ© aperçue par des membres de « fokonolona », alors quâelle avait un malaise, poussĂ©e
par la chaleur Ă prendre de lâair dehors. Elle a survĂ©cu Ă lâĂ©preuve.
En médecine indigÚne, le « tangena » pris à petite dose est un remÚde contre des maladies
diffĂ©rentes. Le Droit par lâintermĂ©diaire du lĂ©gislateur contemporain a pris cette ancienne
coutume à la légÚre. Elle ne figure presque plus dans la législation actuelle.
§ 2- La sorcellerie, dans la législation actuelle
Malgré la considération de la sorcellerie par la population comme le plus abominable des
crimes, elle semble ĂȘtre ignorĂ©e par la lĂ©gislation actuelle.
A- La décriminalisation de la sorcellerie
Dans lâancienne lĂ©gislation, la sorcellerie Ă©tait considĂ©rĂ©e comme un acte grave
conduisant Ă lâapplication de la peine capitale. Reconnu redoutable et portant atteinte Ă lâordre
social, le « mosavy » tant rĂ©primĂ© autrefois semble ĂȘtre nĂ©gligĂ© par les textes contemporains. DĂšs
1960 et jusquâĂ aujourdâhui, on remarque lâallĂšgement des sanctions appliquĂ©es Ă la pratique de
la sorcellerie.
Le code pénal39 qualifie la sorcellerie de contravention et ne donne pas trop de détails,
seulement la dĂ©tention des « aody » semble la plus considĂ©rĂ©e. Elle est punie dâune peine de
simple police, soit seulement dâun emprisonnement jusquâĂ vingt-neuf jours outre une amende
de 2000 Ariary à 100 000 Ariary. On dirait alors que le « mosavy » ne figure pas dans le texte
actuel. On se demande sâil a perdu son caractĂšre dĂ©lictueux.
Pourtant, il ne cesse de déstabiliser les gens, mais la justice ne peut encore rien faire sous le
principe « Nullum crimen, nulla poena sine lege » il nây a ni crime, ni peine sans texte de loi. Ce
qui justifie lâinopportunitĂ© de lâaction dĂ©clenchĂ©e (classĂ©e sans suite).
B- Une Ombre Juridique
39 Code pénal malagasy, Art 473/6 op. cit
La pratique de la sorcellerie
27
Le travail des juges nâest pas facile faute de prĂ©cision par la lĂ©gislation en matiĂšre de
sorcellerie. Le lĂ©gislateur nâa pas dĂ©fini dans le Code pĂ©nal les Ă©lĂ©ments constitutifs de
lâinfraction de sorcellerie. Les textes ne sont pas suffisamment prĂ©cis, ce qui ne permet pas aux
juges de les appliquer facilement et de rendre un verdict précis. Suite à cette lacune juridique, les
juges ne peuvent rien faire face aux poursuites de « mpamosavy », alors que
toutes poursuites contre les sorciĂšres sont dâabord le fait de grands juges, câest au lĂ©gislateur de
prendre en considération les éléments les plus présents dans la société pour pouvoir la mieux
protĂ©ger. Ce qui pousse les gens Ă faire justice eux-mĂȘmes câest quâils ne se sentent plus
protégés. Ils pensent que la justice n'est plus le droit de tout le monde, les individus soupçonnés,
désignés ou indiqués deviennent trÚs vite victimes au nom de la réparation d'une certaine injustice
ou de dommages causés. Il leur est imputé sans autre forme de procÚs la responsabilité d'une
maladie, d'une mort (d'un enfant par exemple), ou d'une métamorphose. En tout état de cause, une
amorce possible de solution Ă ce problĂšme passe par la restauration et la reconnaissance de
l'autorité des chefs de villages, des chefs de quartiers; puis l'assurance de la sécurité publique et
de l'égalité devant la loi.
Mais vu la croyance profondément ancrée et une coutume ancestrale qui perdure, la
sorcellerie ne laisse pas les Malgaches indiffĂ©rents. Elle suscite des controverses au sein mĂȘme
des couches sociales sans exception, surtout Ă lâĂ©gard du droit.
Section 2- La sorcellerie : la qualification jurid ique
Autrefois, la sorcellerie a été punie plus sévÚrement que le meurtre ordinaire. Elle est le
plus souvent préméditée et il est difficile de se prémunir contre cette pratique. Elle est souvent
commise au sein de la famille. DâoĂč, câest une infraction difficile Ă dĂ©celer, câest un cumul de
différentes pratiques.
La pratique de la sorcellerie
28
A- Un acte ignorĂ© par la loi On peut dâemblĂ©e avancer que la sorcellerie est un acte quasi ignorĂ© par la loi. Cette
ignorance se voit Ă travers lâincrimination et la rĂ©pression.
1- Lâincrimination de la sorcellerie
La sorcellerie diffĂšre de lâempoisonnement par son caractĂšre variable dâun cas Ă un autre.
Si lâempoisonnement est un attentat seulement Ă la vie, par administration ou emploi dâune
substance mortifĂšre40, la sorcellerie peut ĂȘtre Ă la fois qualifiĂ©e parmi les attentats contre
lâintĂ©gritĂ© corporelle, et les dommages matĂ©riels. Câest Ă dire les infractions contre les biens.
Lâacte de sorcellerie peut ĂȘtre rĂ©alisĂ© par nâimporte quel moyen, mais le plus souvent en se
servant des « ody ». Ces derniers peuvent ĂȘtre des substances mortifĂšres ou non. Peu importe son
caractÚre, le résultat est constitué par des atteintes variables mais dommageables. La sorcellerie
est un acte intentionnel, c'est-Ă -dire accompli en connaissance de cause. Ce qui exclut totalement
la faute par nĂ©gligence ou par imprudence. Lâintention coupable est donc prĂ©sumĂ©e.
Le texte ne prĂ©voit pas dâautre cas que la dĂ©tention des « ody »41, ce qui nous semble
incompréhensible. Car des éléments importants manquent pour la qualification juridique de la
sorcellerie.
2- Le problĂšme sur la qualification des faits
Malgré la constatation de certains éléments constitutifs de la sorcellerie, il en manque
encore le plus nécessaire pour réprimer ce fait. La majorité des moyens constituant cette pratique
sont seulement imaginĂ©s. Câest la raison pour laquelle il est difficile de trouver le moyen de
prouver cet acte. Le « mosavy » se manifeste diffĂ©remment dâun lieu Ă un autre, mais parfois des
cas semblables apparaissent. Câest pourquoi la sorcellerie reste mĂ©connue devant le droit positif
alors que ses effets sont majeurs. Ainsi, la sorcellerie considérée comme la détention des « ody »
constitue-t-elle une contravention de simple police?
40 Art 301 code pénal malgache 41 Code pénal malagasy, article 473/6
La pratique de la sorcellerie
29
B- La répression de la sorcellerie
Pour quâun acte soit juridiquement reconnu, il doit ĂȘtre prĂ©vu par un texte de loi. Il doit ĂȘtre
non seulement répétitif, mais aussi identique, du moins semblable. En matiÚre de sorcellerie, les
points de différenciation sont remarquables. Faire la part entre les erreurs, les machinations et les
vrais sorciers est une tĂąche ardue Ă laquelle doivent sâatteler les juges. Le plus souvent en leur
simple Ăąme et conscience.
Aucune prĂ©cision sur lâacte de la sorcellerie nâa Ă©tĂ© apportĂ©e par le lĂ©gislateur. Aucune
illustration nâa Ă©tĂ© faite sur sa manifestation. Faute de texte et dâĂ©lĂ©ments, la sorcellerie est
assimilée tout simplement à une détention des « ody ». Et réprimée par une peine de simple
police, c'est-Ă -dire Ă une amende de deux mille Ariary Ă cent mille Ariary et/ou de
lâemprisonnement jusquâĂ vingt-neuf jours au plus.
Il est indĂ©niable quâĂ Madagascar, la sorcellerie constitue un phĂ©nomĂšne social dĂ» Ă la
coutume de la population ainsi quâĂ lâacte malĂ©fique du sorcier appeler « mosavy ». Dans la
société Betsimisaraka, le « mosavy » est utilisé par les rivaux pour nuire aux adversaires. Ainsi
beaucoup de malheurs et des maladies frappant les antagonistes sont attribués aux « mosavy ».
Ce qui provoque la dissension familiale. En effet, les personnes issues dâune mĂȘme famille se
trouvent opposĂ©es les unes aux autres. De mĂȘme les simples voisins sâaccusant de jalousie et de
« mosavy » voient les relations se dégrader.
Cependant, comme la sorcellerie relĂšve dâun acte irrationnel, alors le lĂ©gislateur nâa pu
considĂ©rer la sorcellerie comme une infraction trĂšs grave malgrĂ© tous les problĂšmes quâelle cause
Ă la vie sociale.
La pratique de la sorcellerie
30
DEUXIEME PARTIE : LA SORCELLERIE, LA DIVERGENCE
La sorcellerie ne fait pas dâunanimitĂ©, mais elle ne laisse pas tous les Malgaches
indifférents quel que soit leur niveau social ou intellectuel. Ce problÚme de désaccord est
rencontrĂ© lors de son essence-mĂȘme.
Chapitre I- LES PROBLEMES
Les gens ont honte de parler publiquement du « mosavy », alors quâentre voisinage,
personne nâignore ce que et que la sociĂ©tĂ© y croit et sâen mĂ©fie. Pourtant certains nient lâexistence
du « mosavy », ce qui provoque un dĂ©saccord sur son essence mĂȘme.
Section 1- La divergence de position des justiciabl es
Personne ne songe Ă parler de la sorcellerie objectivement par peur du jugement moral.
Cette attitude est due dâune part Ă lâinfluence du christianisme et dâautre part Ă celle du
modernisme.
§ 1- Lâemprise du christianisme IndĂ©niablement, la sorcellerie sert dâexutoire Ă tout un imaginaire fantastique. Le
christianisme a permis dâaborder la sorcellerie sous un nouvel angle.
A- LâentrĂ©e du christianisme
Les Malagasy avaient leur croyance avant lâarrivĂ©e des missionnaires occidentaux42.Une
lutte antichrĂ©tienne sâest Ă©tablie, car le christianisme nâĂ©tait plus un Ă©piphĂ©nomĂšne associĂ© Ă
lâapprentissage de lâĂ©criture et des innovations Ă©trangĂšres. Les Malgaches venaient chercher dans
lâEglise protestante une rĂ©ponse Ă leur interrogation. Peu Ă peu, les chrĂ©tiens contestataires de
lâordre social virent se multiplier les interdictions Ă leur encontre, voire mĂȘme la pratique de
leur religion. La proscription du christianisme entraina au début une sorte de résignation, mais
petit à petit les chrétiens développÚrent des communautés de priÚre particuliÚrement actives, le
42 DAVID Jones et THOMAS Bevan débarquent sur le littoral Est de la Grande ile
La pratique de la sorcellerie
31
protestantisme devint religion dâEtat, le catholicisme restant tolĂ©rĂ©, les idoles Ă©taient brĂ»lĂ©s. En
consĂ©quence, le seul recours digne de lâhomme est lâexorcisme au nom du Christ. Tout culte
sâadressant Ă des esprits autres que Dieu et le Christ est considĂ©rĂ© comme relevant de la
sorcellerie. RenforcĂ© par lâentrĂ©e des Français en 1896, le christianisme nâa pas du mal Ă
conquĂ©rir des jeunes gens qui sont encore pleins dâespoir.
B- Triomphe de la foi
La problĂ©matique gĂ©nĂ©rale commune Ă toute sociĂ©tĂ© humaine, câest la suppression de la
nature animale chez ses membres, en leur inculquant ce que nous appelons communément
culture. La religion traditionnelle malagasy, au début, restait la plus répandue, mais le
christianisme progressait. En 1930, les Malgaches comptaient 400.000 protestants et 550.000
catholiques.
Juste aprĂšs lâindĂ©pendance cette population est presque transformĂ©e, lâancienne croyance est
devenue un pĂ©chĂ© voire mĂȘme a Ă©tĂ© interdite et rĂ©primĂ©e ; qualifiĂ©e de « fanompoan-tsampy ».
Actuellement, bien que cette croyance reste gravée dans la mémoire de chacun, le christianisme
semble en fin de compte trouver sa valeur au cĆur d diffĂ©rentes des Malagasy. La croyance
occulte est abandonnée. En outre, les Malagasy rencontrent une nouvelle Úre marquée par
lâapogĂ©e de la science. Le christianisme vĂ©hicule une autre valeur ; la foi, c'est-Ă -dire la croyance
en Dieu, en Christ son Fils appelé le Sauveur. Ainsi toute autre pratique est-elle condamnée
comme Ă©tant dâinspiration du dĂ©mon, du diable qui emmĂšne tout droit vers lâenfer.
Face Ă cette foi de plus en plus rĂ©pandue, la sorcellerie nâa pas sa place. Elle est qualifiĂ©e
de croyance superstitieuse ou encore de pratique occulte.
Par ailleurs, avec le contact du monde moderne, lâalphabĂ©tisation, la croyance en la sorcellerie a
tendance Ă gĂȘner.
La pratique de la sorcellerie
32
§ 2 : Lâemprise de la modernisation
Deux milieux sont touchés par cette modernisation à savoir le milieu intellectuel et le milieu urbain.
A- Dans le milieu intellectuel
La mondialisation dont on parle sans nuance actuellement est une superposition sur un
espace unique des normes juridiques, Ă©conomiques (OMC,âŠ) Ă©thiques.
Elle est mise en place dans les années 1970, en faisant suite aux révolutions industrielles (1830-
1890 et 1880-194043) et « aux trente glorieuses » expression de lâĂ©conomiste français Jean
FourastiĂ©, dĂ©signant la pĂ©riode de forte croissance Ă©conomique quâa connue la France et, avec
elle, lâensemble des pays industrialisĂ©s, entre 1945 et 1975. Les valeurs vĂ©hiculĂ©es par la
mondialisation sont lâindividualisme, le culte du profit et la loi du plus fort. Il en est de mĂȘme sur
le plan intellectuel, la prĂ©dominance de lâidĂ©ologie occidentale.
1- Les idéologies occidentaux
Souvent lâintellectuel veut Ă©chapper Ă sa culture traditionnelle en recevant les
enseignements et en cĂŽtoyant un autre monde. Aussi, lâinfluence reçue de cet autre milieu pĂšse
parfois. Le sujet relatif à la sorcellerie devient incommodant. Sont considérés encore comme
barbares, ceux qui croient Ă la religion occulte, câest une honte dâoser parler du mosavy en public.
La gĂȘne ressentie concerne la croyance en la sorcellerie et la pratique du « ody gasy ». Parmi ces
intellectuels, il y a ceux qui ont totalement tourné le dos à la pratique et ceux qui continuent mais
en cachette. Lâintellectuel qui a totalement ignorĂ© la pratique câest celui qui est en gĂ©nĂ©ral
dénommé chrétien.
2- Dualité des cultures
Donc, ces deux cultures lâamĂšnent Ă repousser lâidĂ©e de croyance en la sorcellerie et Ă la
pratique des « ody ». Mais toujours est-il quâune bonne partie, tout en Ă©tant imbibĂ©e de la
croyance en Dieu, ne songe nullement Ă renoncer Ă la pratique des « ody », ne serait-ce quâen
43 ROI Madagascar, JUIN 2000
La pratique de la sorcellerie
33
toute prĂ©caution, câest-Ă -dire, en dissimulant ce mode de vie. Les uns prĂ©fĂšrent suivre la nouvelle
mais sans ignorer totalement la seconde. Un autre milieu peut influencer le comportement, le
milieu urbain. La pratique des « ody » peut ĂȘtre mal vue Ă©galement dans le milieu urbain.
B- Dans le milieu urbain
En ville, contrairement Ă la campagne, les gens se croient ĂȘtre civilisĂ©s et raisonnent de
maniĂšre plus rationnelle. Lâexplication diffĂšre de lâun Ă lâautre milieu, mĂȘme sur une cause
identique. Cette attitude a une Ă©troite liaison avec le niveau intellectuel.
1- Lieu de concentration des intellectuels
Câest en ville, en gĂ©nĂ©ral, quâon rencontre le plus dâintellectuels ou de gens cultivĂ©s. Le
milieu urbain est composĂ© de deux diffĂ©rentes classes distinctes. Lâune enfermĂ©e dans la
croyance traditionnelle, considĂšre beaucoup les pratiques des « ody » et leurs effets, lâautre opte
pour une autre culture composĂ©e plutĂŽt du modernisme. Le « mosavy » constitue lâune des
causes du problĂšme de lâexode rural. La dominance de cette pratique Ă la campagne fait fuir les
jeunes. Ils rejoignent les villes Ă la recherche dâun nouveau mode de vie. Le milieu urbain est
donc devenu une agglomĂ©ration de gens Ă la recherche dâune nouvelle vie, qui veulent changer
dâenvironnement. Ainsi rĂ©unis en ville, ces migrants se prĂ©occupent plutĂŽt de leur survie que de
la croyance aux « mosavy ».
2- La difficulté de survie
La sorcellerie, dans ce genre de lieu, nâest quâune sorte dâoccupation de temps pour ceux
qui nâont pas de travail. Pourtant, ceci ne veut pas du tout dire que personne nây croit. Au
contraire, beaucoup de gens détiennent des « ody ».
Cependant, malgrĂ© ces situations, il faut se rendre Ă lâĂ©vidence, les problĂšmes de la
sorcellerie sont manifestes dans la sociĂ©tĂ© malagasy. Ce qui nous amĂšne Ă dire quâil sâagit dâun
sujet qui intéresse si non tout le monde du moins la majorité.
La pratique de la sorcellerie
34
Section 2- La position du législateur
Il y a une impossibilité à concilier le fondement du droit et la sorcellerie. Cette
impossibilité est fondée sur des principes régissant la loi en général, la loi pénale en particulier.
§ 1- Le principe sur lâincrimination
Le principe en matiĂšre pĂ©nale est tout dâabord lâexistence de texte dâincrimination, un
texte violĂ©. Il nây a ni dâinfraction ni des peines sans texte. Câest le principe de la lĂ©galitĂ© des
dĂ©lits et des crimes fondĂ© par la base « nullum crimen, nulla poena sine lege ». Ce mĂȘme principe
a Ă©tĂ© affirmĂ© par Montesquieu dans « lâesprit des lois »,1748 et par Beccaria in « traitĂ©s des
dĂ©lits et des peines »,1744. La dĂ©claration des droits de lâhomme de 1789, Ă son tour, a donnĂ© Ă
ce principe sa forme définitive et lui a assuré sa pérennité44.
A- Sur lâexĂ©cution de lâacte
1- Infraction de commission
Les infractions pénales sont divisées en infraction de commission et en infraction
dâomission. Tout dĂ©pend de la disposition du lĂ©gislateur. Sâil est interdit dâagir, lâinfraction
consiste en une commission, soit en une action en accomplissant les actes matériels de
lâinfraction. Mais si la loi oblige dâagir, lâinfraction consiste Ă sâabstenir, soit en une omission.
Ainsi, dans la majoritĂ© des cas, la loi pĂ©nale dĂ©fend dâagir. Et les atteintes Ă lâintĂ©gritĂ©
corporelle, soit les atteintes à la vie ou à la santé attribuées à la sorcellerie en matiÚre de différend
foncier sont des infractions de commission. Donc, pour que la qualification pénale puisse avoir
lieu, il faut que lâauteur ait accomplit un acte matĂ©riel. Le principe est en effet lâinterdiction
dâassimiler lâomission Ă la commission.
2- La dĂ©fense dâassimilation de lâomission Ă lâaction
Un délit de commission peut-il résulter de simple abstention ? Le principe est que la rÚgle de
lâinterprĂ©tation stricte de la loi pĂ©nale, par souci de protection de libertĂ© individuelle, interdit
44 Art 11 DĂ©claration de droit de lâhomme 1789 Art 4 code pĂ©nal malagasy
La pratique de la sorcellerie
35
toute assimilation dâune abstention Ă lâaction positive. Par consĂ©quent, pour quâune infraction soit
Ă©tablie, il faut que lâauteur ait un comportement actif ayant une relation directe avec le rĂ©sultat.
Cette rĂšgle ne souffre quâune seule exception. La loi a en effet condamnĂ© pour coups et blessures
volontaires ou homicides volontaires (assassinat ou meurtre selon le cas), parents, tuteurs ou
autres responsables dâun enfant moins de quinze ans lâayant privĂ© de soins ou dâaliments
volontairement.
B- Sur la rĂ©pression de lâacte
Au vu de cette position de la loi, la rĂ©pression ne peut avoir lieu que lorsquâil a Ă©tĂ© Ă©tabli un
lien de causalitĂ© entre lâacte et le rĂ©sultat obtenu.
1- Le résultat
Le rĂ©sultat de lâacte, soit la consommation de lâinfraction nâest pas exigĂ©e pour que la
rĂ©pression ait lieu. Mais les infractions matĂ©rielles telles les atteintes contre lâintĂ©gritĂ© physique
ne sont considérées comme consommées que lorsque les résultats, soit le décÚs ou les meurtres
soit présents.
Mais encore faut-il établir un lien de cause à effet outre le résultat et le comportement du
délinquant pour que la répression puisse avoir lieu.
2- La sanction
La sanction en matiĂšre dâatteinte Ă lâintĂ©gritĂ© corporelle est assez sĂ©vĂšre. Car le lĂ©gislateur a
sanctionnĂ© toute sorte dâatteinte mĂȘme avec consentement de lâintĂ©ressĂ©. En lâoccurrence,
lorsque les actes sont mĂ»ris Ă lâavance, cette prĂ©existence de lâintention est considĂ©rĂ©e comme
tellement dangereuse quâelle aggrave la situation de lâauteur. Mais ici, la maladie ou le dĂ©cĂšs
sont lâĆuvre de la sorcellerie, qualifiĂ©e dâinfraction, impossible. Et tous les auteurs45 sont
dâaccord pour exclure la rĂ©pression dans le cas de lâinfraction car pour Ă©viter lâarbitraire, il est
indispensable dâobjectiver lâintention de lâagent en fonction de la matĂ©rialitĂ© des actes quâil avait
accomplis. En dâautre terme, la preuve de la culpabilitĂ© de lâagent doit ĂȘtre Ă©tablie pour prononcer
une condamnation. Ce qui sâavĂšre difficile en matiĂšre de sorcellerie.
45 Maurice garçon, le diable, in M. et Vitu « traité de droit criminel »
La pratique de la sorcellerie
36
§2- Les difficultés de preuve
Personne nâignore que la sorcellerie relĂšve de lâirrationnel. La certitude repose sur la
conviction personnelle, subjective. De là découlent les problÚmes car la reconnaissance de la
culpabilitĂ© dâun individu dĂ©pend de la preuve de sa participation Ă la commission de lâacte
délictueux.
A- Lâexigence dâune participation matĂ©rielle
La participation matĂ©rielle Ă un acte dĂ©lictueux peut ĂȘtre directe ou indirecte. Mais elle doit
ĂȘtre prouvĂ©e.
1-Lâauteur ou le participant direct
Câest la personne qui accomplit tous les actes constitutifs de lâinfraction. Câest celui qui
commet lâinfraction et engage sa responsabilitĂ©. Pour le dĂ©signer, le lĂ©gislateur utilise le terme
suivant « quiconque, tout individu, celui ». Lorsque plusieurs personnes agissent et commettent
ensemble lâacte dĂ©lictueux, on parle de coauteurs.
2-Le coauteur
Comme lâauteur, il a personnellement rĂ©alisĂ© tous les Ă©lĂ©ments constitutifs de lâinfraction.
Câest celui qui sâest associĂ© personnellement Ă lâauteur dans la rĂ©alisation de lâacte incriminĂ©.
Dans certains cas, la jurisprudence a tendance à considérer comme coauteur celui qui ne fait que
coopĂ©rer Ă la consommation de lâinfraction. Alors que le complice est lâindividu qui sans
accomplir personnellement lâinfraction, a facilitĂ© ou provoquĂ© lâaction principale par des
agissements dâune importance matĂ©rielle secondaire (aide ou assistance, fourniture des moyens,
instigation). La distinction prĂ©sente des intĂ©rĂȘts dans la mesure oĂč le coauteur dâune
contravention est punissable alors que le complice ne lâest pas.
En matiĂšre de sorcellerie, lâon se trouve devant deux obstacles majeurs. Dâabord, la
preuve de la participation directe ou indirecte et le second concernant la preuve dâexistence de
lien de causalitĂ© entre le comportement de lâagent et le rĂ©sultat.
La pratique de la sorcellerie
37
B- Les obstacles majeurs
La grande interrogation est de savoir prouver la participation de la personne soupçonnée et quelle
est la nature de la participation. Ensuite, il faut sâinterroger sur la relation entre lâactivitĂ©
reprochée et le résultat.
1-La nature de la participation
En gĂ©nĂ©ral, lâagent nâĂ©tait pas lui-mĂȘme sorcier, en en consultant un, dans le cas oĂč il
sâest procurĂ© du « ody » pour lâappliquer Ă ses adversaires. Il serait lâauteur de la pratique de la
sorcellerie. Ce qui place le sorcier dans le rĂŽle de complice par fourniture des moyens. Mais si
lâagent a fait des dĂ©marches pour laisser au sorcier le soin dâagir lui-mĂȘme, il sera plutĂŽt un
complice par instigation, en particulier instigation par provocation. Car câest le sorcier lui-
mĂȘme qui accomplit lâacte provocant le dĂ©cĂšs ou bien les maladies. LâĂ©tablissement du lien de
cause Ă effet serait un second obstacle majeur survenu face Ă la justice.
2-Lâexigence dâun lien de cause Ă effet
Le lien de causalitĂ© entre lâeffet dommageable et lâagissement du dĂ©linquant doit ĂȘtre Ă©tabli
pour quâil rĂ©ponde enfin de ses actes. Face Ă la position prise par le juge, la doctrine a fait trois
propositions de thĂ©orie sur lâĂ©tablissement de ce lien.
a- Les propositions théoriques
La thĂ©orie de lâĂ©quivalence des conditions considĂšre comme la cause celle sans laquelle les
résultats ne se seraient pas produits. La faute pénale est envisagée comme une condition « sine
qua non » du résultat.
Alors que la théorie de la proximité de la cause ne prend en compte que la cause prochaine,
immédiate et directe du dommage.
Quant à la causalité adéquate, elle ne considÚre que la cause qui a normalement entrainé le
dommage.
La pratique de la sorcellerie
38
b- Le non adéquation de ces théories à la sorcellerie
Dâabord, la loi exige, mĂȘme en lâabsence de concours des fautes46, le lien de causalitĂ©. DâoĂč
lâimpasse, car en matiĂšre de sorcellerie, lorsque la « victime » reproche le rĂ©sultat dommageable
à « lâauteur », aucun lien concret ne peut ĂȘtre retenu en sa faveur malgrĂ© les consĂ©quences quâil a
subies.
Le problĂšme rencontrĂ© est donc dâĂ©tablir une relation claire et objective entre la supposĂ©e
activitĂ© de lâagent et le rĂ©sultat. Ce qui amĂšne en premier lieu le lĂ©gislateur Ă ne pas prendre en
considĂ©ration cette croyance Ă lâexistence de lien de causalitĂ© et en second lieu ce qui amĂšne le
juge à ne pas considérer les accusations en matiÚre de sorcellerie portées devant eux.
Mais dans la pratique, la réalité en est autre. La sorcellerie crée des problÚmes au sein de la
société du fait de cette situation bloquée.
Chapitre II - LA REALITE
La réalité diffÚre de la théorie par le fait que celle-ci est concrétisée par des faits
matĂ©riellement constituĂ©s. Câest Ă travers la vie quotidienne de la communautĂ© que la rĂ©alitĂ© se
reflÚte. Elle est donc considérée comme une conséquence directe ressentie par chaque portion du
peuple.
Section 1- Les effets
Il sâagit ici des effets qui touchent directement la sociĂ©tĂ©, Ă savoir lâinsĂ©curitĂ© et
lâaggravation de la pauvretĂ©.
§ 1- De lâinsĂ©curitĂ© sociale
A- De lâinsĂ©curitĂ© en gĂ©nĂ©ral
LâinsĂ©curitĂ© en gĂ©nĂ©ral couvre lâatteinte Ă lâordre social et lâinsĂ©curitĂ© fonciĂšre.
46 Art 319, 320 du code pénal malagasy
La pratique de la sorcellerie
39
1- Une atteinte Ă lâordre social
La prĂ©sence du « mpamosavy » dans la communautĂ© est redoutable, parce quâil a des
pouvoirs incontrÎlables, leur entourage se méfie de lui. Cette méfiance conduit à deux points
essentiels.
Le premier servira de mesure préventive : « Fagnariana » (rejet). Ce qui signifie que la
personne rejetée ne fait plus partie des membres de la société. Elle est donc mise au ban de la
sociĂ©tĂ©. Mais une petite nuance est Ă Ă©claircir car, en droit positif, ce terme rejet ne sâapplique
quâĂ un majeur pour des motifs de gravitĂ© particuliĂšrement considĂ©rable entre lâenfant et ses
parents (lien de filiation),47 alors que le « fagnarina » nâest soumis Ă aucune condition. Il touche
la famille au sens large du terme. La reconnaissance du mpamosavy comme tel suffit pour le
rejeter. Les gens ne veulent plus communiquer avec lui et lâĂ©vitent au moment de bonheur
comme au moment de malheur, il est donc isolé. Pourtant, un systÚme de « tagna-mitohy telo »48
trahit parfois la victime, car le sorcier ne réalise pas personnellement son acte. Il délÚgue son
pouvoir Ă quelquâun dâautre, qui fait le sale travail Ă sa place. Celui-ci a encore un « casier
judiciaire propre », on ne le craint pas.
Cela conduit à un cercle vicieux, et entraßne une augmentation massive du taux de mortalité et
la diminution de lâespĂ©rance de vie (62,5 annĂ©es estimation 2008). La majoritĂ© de gens meurt
avant dâatteindre ses soixante dixiĂšme annĂ©es.
Le second, comme conséquence directe est la dominance du soupçon, car si un malheur
arrive, certains prĂ©jugent que câest lâantipathie Ă son Ă©gard qui est Ă lâorigine. La confiance
manque. A ce propos le proverbe betsimisaraka dit « vavan-tsikidy, mampiady lalandava »49. En
outre lâautre ne pense quâĂ son rival. Souvent des maladies Ă©tranges sâabattent sur la
communauté.
2-LâinsĂ©curitĂ© fonciĂšre
LâinsĂ©curitĂ© fonciĂšre Ă©tait citĂ©e parmi les problĂšmes majeurs par 53% des agriculteurs
interrogĂ©s lors dâune enquĂȘte conjointe du MinistĂšre de lâagriculture et de la FAO en 1999. Elle
reprĂ©sente un obstacle majeur Ă lâamĂ©nagement et Ă la mise en valeur des terres, en particulier 47 Loi 2007-022 qui remplace la loi n°63-022 du 20 novembre 1963 sur la filiation, lâadoption, le rejet et la-tutelle 48 Mosavy avec au moins deux complices 49Sens figurĂ© « la divination ne soupçonne que les proches »
La pratique de la sorcellerie
40
dans les zones de peuplement récent. La transmission à la descendance du droit ainsi acquis
fonde la notion de « Tanindrazana », par contre la cession de ces droits à des étrangers à la
communautĂ© dâorigine reste socialement rĂ©prouvĂ©e, mĂȘme autorisĂ©e par les textes en vigueur.
Les possesseurs voient leurs terres exploitées prises sans leur consentement, ils ont tous peur et
nâosent mĂȘme pas porter lâaffaire en justice, si non la partie civile du dossier seulement sera
examinĂ©e. La sociĂ©tĂ© nâa plus confiance en lâorgane judiciaire face Ă toutes ces questions sans
réponses.
B- Perte de confiance en la justice de lâEtat
La sorcellerie est un acte peu réprimé. Alors que les conséquences néfastes qui lui sont
attribuĂ©es sont trĂšs importantes, dĂ©cĂšs, malheurs,âŠAussi face Ă la non rĂ©pression des auteurs, les
justiciables perdent confiance en la justice. En effet, par suite du classement de lâaffaire ou la
relaxe du sorcier, le dit malfaiteur circule toujours au sein de la société. Ce qui entraßne la
mĂ©fiance ainsi que la haine et perturbe lâharmonie dans la communautĂ©50. Si autrefois, le
« fihavanana » était considéré comme une priorité, la plus précieuse51 disait le « Ntaolo »,
actuellement, lâentrĂ©e du capitalisme par les occidentaux a renversĂ© totalement cette conception,
chacun ne cherche que son profit52. La terre, câest de lâargent, mĂȘme plus croient les
Betsimisaraka, chacun fait tout pour en avoir plus et veut tout accumuler. Or la violence est
rĂ©primĂ©e par la loi, condamnĂ©e par le droit contemporain qui interdit mĂȘme toutes sortes de
violence contre le propriétaire. Le « mosavy », une violence indirecte, semble le moyen efficace
pour expulser lâadversaire du ring. Le « mpamosavy » voit son ambition illimitĂ©e, il est si sĂ»r de
son pouvoir, il nâhĂ©site pas Ă sacrifier une vie humaine, on se doute mĂȘme que câest son pouvoir
maléfique qui paralyse le procÚs intenté contre lui.
La communauté endure tous ces faits silencieusement, et perd un proche et perd de la
richesse.
50 « Tsy maty manota » 51 « Aleo very tsikalakalam-bola toy izay very tsikalakalam-phavanana » 52 Ny vola no hozatry ny fiainana »
La pratique de la sorcellerie
41
§2 : Aggravation de la pauvreté
Au lieu de lutter pour leur survie, les gens nâont plus le temps surtout de lâargent pour
amĂ©liorer leur vie, enfoncĂ©s dans une longue lutte. La pauvretĂ© est fortement installĂ©e, car dâun
cĂŽtĂ©, la procĂ©dure pour rĂ©gulariser leur situation fonciĂšre dĂ©passe leur pouvoir dâachat et Ă long
terme, dâautre part le peu quâils ont rĂ©ussi Ă garder pĂ©rit. Le bĂ©tail premiĂšre source financiĂšre,
meurt petit Ă petit. Câest la raison pour laquelle, malgrĂ© lâeffort fait par le gouvernement, la
situation empire encore.
A- Le coût de la justice La justice est coûteuse pour deux raisons. La premiÚre raison est bien légale, ce sont les
frais du procĂšs. La deuxiĂšme raison, illicite, est une infraction.
1- Justice payante
En gĂ©nĂ©ral, la justice nâest pas gratuite. Car dâune part, la partie qui engage le procĂšs doit
payer des frais consĂ©cutifs Ă cette action. Dâautre part, le choix dâun dĂ©fenseur doit
sâaccompagner du paiement de son honoraire.
a- Le paiement du frais du procĂšs
Le principe de la gratuitĂ© de la justice ne sâapplique quâaux services ordinaires du juge,
alors que lâaffaire en matiĂšre fonciĂšre est celle des parties, ils doivent se dĂ©munir si ce nâest pas
pour réussir, du moins pour voir leurs causes entendues.
En plus du droit de timbre, les services des auxiliaires sont rémunérées par les justiciables
(provisions, honoraire). Si le juge estime devoir faire une descente sur terrain, ce sera Ă la charge
des justiciables, les expertises sont des services payants.
b- Le paiement des honoraires des avocats
Pour mieux assurer leur victoire, les parties engagent des défenseurs. Ce sont des
spécialistes de la loi. Leur profession est réglementée par la loi n° 2001-006 du 09 Avril 2001
organisant la profession dâAvocat. Ils ne sont pas des fonctionnaires, ils ne vivent que de leur
profession de représentation. A ce titre, ils reçoivent des honoraires de la part du client dont le
La pratique de la sorcellerie
42
montant résulte des accords entre les parties53. PlutÎt fixé par le maßtre, parce que les clients ne
font quâadhĂ©rer. Et en matiĂšre de conflit foncier, les honoraires sont parmi les plus coĂ»teux.
2- Versement dâun pot de vin
Parfois les justiciables ont tendance Ă offrir quelques choses de valeur Ă lâautoritĂ© en
question, afin de voir leurs causes réussir. Considéré comme sagesse auparavant, le versement de
ce petit cadeau est devenu le plus nĂ©cessaire des devoirs, le dĂ©roulement de lâaffaire ralentit, il est
donc une obligation pour lâintĂ©ressĂ© malgrĂ© sa perte. La corruption est un acte qui mine la justice
malgache et empoisonne ses relations avec les justiciables. Aussi, on assiste à une généralisation
du phĂ©nomĂšne. Ou bien il y a corruption proprement dite, ou bien i l y a trafic dâinfluence. Dans
les deux hypothĂšses prĂ©vues par la loi n°2004-030 du 09 Septembre 2004, lâintĂ©ressĂ© offre un
cadeau pour motiver lâauteur. Alors que lâarticle les condamne Ă deux ans Ă dix ans
dâemprisonnement et dâune amende allant dâun million dâAriary jusquâĂ deux cent million
Ariary.
De ce qui prĂ©cĂšde, lâon constate une perte considĂ©rable Ă cause des problĂšmes fonciers.
B-Une perte avérée
Il sâagit Ă la fois dâune perte de temps pour effectuer un travail productif et dâune perte de
valeurs morales.
1-Une perte de temps
Le procÚs devant le tribunal est établi pour répondre aux besoins immédiats, à une
demande des justiciables pour amĂ©liorer leur environnement. Le souci constant de remĂ©dier Ă
lâarbitraire du juge met en places des formalitĂ©s. Ce formalisme est certes sĂ©curisant mais il peut
léser les justiciables, car ces derniers sont découragés et déroutés, la procédure est longue. Il
arrive que le plaignant attende plusieurs mois, voire mĂȘme annĂ©es pour voir leur jugement rendu.
Ils nâont plus le temps de sâoccuper de leur tĂąche journaliĂšre suite au va et vient provoquĂ©
par les convocations du juge.
53 Loi 2001-006, Art 46
La pratique de la sorcellerie
43
A ce propos, le législateur a pu mettre en place une procédure plus courte et rapide, mais
seulement en cas dâurgence. Elle ne touche pas le fond du droit et est portĂ©e devant un juge
unique, qui rend ses décisions appelées ordonnances. Par conséquent elle est susceptible de
rĂ©tractation par le mĂȘme juge (rĂ©fĂ©rĂ©s, ordonnances sur requĂȘte).
Ce nâest pas un choix, mais une Ă©vidence. La contrainte premiĂšre Ă©tait Ă©conomique. En effet,
Madagascar fait partie des bĂ©nĂ©ficiaires de lâIPTE (Initiatives en faveurs des pays pauvres trĂšs
endettés). Pourtant la pauvreté ne signifie pas uniquement famine et malnutrition, mais aussi la
dĂ©gradation ou mĂȘme la perte des valeurs.
2- Une perte des valeurs
Les conférences, les articles attestent cette perte. Le « fihavanana » et les autres valeurs sont
enfumées alors que les idéaux qui orientent les actions et comportements des Malgaches étaient
la conscience dâappartenir Ă un « Tout » dĂ©jĂ donnĂ©. Un lien indissoluble existe entre les
vivants, les morts, les gĂ©nĂ©rations futures du Dieu « Zagnahary » et les descendants. Lâargent
doit ĂȘtre le moyen et non la fin. Le « fihavanana » structure les relations entre les personnes. Les
valeurs officielles proclamĂ©es reprĂ©sentent lâidĂ©e de solidaritĂ©, dâaide mutuelle. Par la sorcellerie
et le conflit foncier rien ne correspond plus aux valeurs effectives de la collectivité.
Section 2- Les solutions
§1- Au niveau national
A- Une solution envisagée
Parce que ce fait dĂ©passe largement la compĂ©tence du magistrat, il faudra faire appel Ă
des juges spĂ©cialistes en la matiĂšre, c'est-Ă -dire Ă des « ombiasy »afin dâamĂ©liorer le systĂšme
judiciaire.
1- Appel aux sorciers
Il faut améliorer le systÚme judiciaire en matiÚre de sorcellerie. Plus précisément, cette
amĂ©lioration est portĂ©e sur le personnel. Face Ă lâimpuissance des juges vis-Ă -vis des actes de
sorcellerie portés devant le tribunal (considérés comme une sorte de magie), les juges doivent
faire part entre les erreurs, les machinations et les vrais sorciers, une tĂąche ardue Ă laquelle ils
La pratique de la sorcellerie
44
doivent sâatteler les juges. Le plus souvent en leur simple Ăąme et conscience. « Les juges
sâappuient sur les objets retrouvĂ©s qui auraient pu servir au sorcier prĂ©sumĂ©. Mais il est trĂšs
difficile de savoir si lâaccusĂ© les a vraiment utilisĂ©s Ă des fins malĂ©fiques.
Le jugement se fait alors principalement sur les témoignages des gens qui vivent dans
lâentourage du suspect, car les aveux sont trĂšs rares. Maintenant se pose la question de savoir sur
quelles preuves les juges se basent pour établir la culpabilité des accusés. Il convient de
souligner le rĂŽle important des fĂ©ticheurs. En effet, les fĂ©ticheurs sont devenus lâĂ©lĂ©ment clĂ© dans
la lutte contre la sorcellerie et leur témoignage équivaut à une condamnation Les juges ont-ils
raison dâaccepter comme preuves des Ă©lĂ©ments relevant des croyances traditionnelles? Dans
quelle mesure les féticheurs sont-ils dignes de foi et dans quelle mesure sont-ils neutres ?
« LâOmbiasy » et son « Sampy » ont jouĂ© dĂšs lâĂ©poque de la monarchie des rĂŽles considĂ©rables,
pourquoi nâest pas prendre en considĂ©ration ces taches et le faire fonctionner au sein de
lâinstitution judiciaire contemporaine. Avant les gardiens des « Sampy » Ă©taient considĂ©rĂ©s
comme des hauts fonctionnaires de la monarchie et aussi comme une institution militaire. Ils
interviennent parfois dans la politique54.
Le lĂ©gislateur malgache nâa pas dĂ©fini dans le Code pĂ©nal les Ă©lĂ©ments constitutifs de
lâinfraction de sorcellerie. Les textes ne sont pas suffisamment prĂ©cis, ce qui ne permet pas aux
juges de les appliquer facilement et de rendre un verdict précis. Le plus grand effort à accomplir
est de se persuader mutuellement que le recours aux valeurs malgaches nâest pas en contradiction
avec les contraintes nationales ou internationales. Pourtant, ces valeurs permettent dâassurer une
bonne intĂ©gration dans le monde moderne. LâĂ©laboration dâun nouveau texte est nĂ©cessaire.
2- LâĂ©laboration dâun nouveau texte
Comme il nây a ni crime, ni peine sans texte lĂ©gal, il est Ă©vident quâapporter une
amĂ©lioration sur le personnel judiciaire doit sâaccompagner dâune mesure non seulement sur la
détermination de leur statut mais aussi sur un texte qui décrit leurs rÎles. Ce dit texte vise aussi la
répression de la pratique de la sorcellerie.
54 Les Sampy venaient des quatre coins de lâĂźle :
RAFANTAKA : vient dâAlasora ; KELIMALAZA : Ambohimanambola ; RAVOLOLONA :
Ampandrana ; RAVATAMENA : Ambatomanga ; RAMAHAVALY : vient de la région Sud
Andrarakasina
La pratique de la sorcellerie
45
La meilleure application du chĂątiment sera dâimiter le principe posĂ© par la Reine
Rasoherina en sanctionnant le « mosavy » proportionnellement au degrĂ© de la gravitĂ© de lâeffet de
lâacte. RĂ©primer dâune peine de simple police55 un meurtrier ou assassin, le libĂ©rer pour quelques
motifs que ce soient sera injuste. Ce projet de nouveau texte, contrairement Ă ce que nous avons
dans le code pénal, apportera plus de détail sur la qualification du « mosavy » et celui du
« mpamosavy ». Au vu du Code pĂ©nal camerounais dans son article 251, ceux qui se livrent Ă
des actes de sorcellerie, de magie ou de divination susceptibles de perturber lâordre public ou de
nuire à autrui seront condamnés à des peines de prison allant de 2 à 10 ans et à des amendes de
cinq mille cent mille CFA . La sorcellerie est un dĂ©lit qui peut coĂ»ter jusquâĂ dix ans
dâemprisonnement. Bien souvent, le manque de preuves matĂ©rielles pousse les juges Ă donner un
verdict sur la base de leur intime conviction. Un systĂšme loin dâĂȘtre infaillible et qui a dĂ©jĂ Ă©tĂ©
source dâerreur. Mais comme la sorcellerie ici a Ă©tĂ© mue par des diffĂ©rends fonciers, une
politique fonciÚre bien adéquate serait une solution attendue.
B- Une solution en cours de réalisation, la politique fonciÚre
Depuis plusieurs années, des nombreuses études constatent que la situation fonciÚre des
agriculteurs est devenue lâun des principaux obstacles Ă la croissance de la production agricole,
voire mĂȘme au dĂ©veloppement du pays. Plusieurs solutions ont dĂ©jĂ Ă©tĂ© proposĂ©es, seulement leur
réalisation demande plus de temps et surtout de fonds. Il faut aussi envisager des mesures pour
punir et neutraliser les « mpamosavy » qui restent encore impunis, circulent en toute liberté.
1- La réalisation de la politique fonciÚre
Il est Ă souligner que câest encore un projet en voie de rĂ©alisation, elle a Ă©tĂ© validĂ©e par le
gouvernement malgache le 31 mai 2005. La politique fonciÚre a pour finalité une gestion fonciÚre
favorable.
a- Les objectifs de la politique fonciĂšre
Lâobjectif principal est de rĂ©pondre Ă la demande massive en sĂ©curisation fonciĂšre, dans
de brefs dĂ©lais, dâajuster les coĂ»ts au contexte Ă©conomique par la formalisation des droits fonciers
55 400 Ariary Ă 100 000 Ariary dâamende et de un Ă vingt-neuf jours dâemprisonnement, selon lâarticle 465 du code pĂ©nal
La pratique de la sorcellerie
46
non écrits, par la sauvegarde et la régularisation des droits fonciers écrits. La politique fonciÚre
sâarticulera autour dâun cadre lĂ©gislatif rĂ©novĂ©, dâun processus de dĂ©centralisation de la gestion
fonciĂšre, de la modernisation des outils et de la formation de nouvelles compĂ©tences. Lâobjectif
de la politique fonciĂšre porte sur une rĂ©vision du systĂšme domanial et foncier, sur lâadoption de
nouvelles lois adaptées au fonctionnement social et économique des milieux ruraux et urbains,
afin de permettre une véritable simplification des procédures. Il reposera en partie sur des
interventions de professionnels de statut privĂ©. Ce qui favorisera lâamĂ©lioration du service public
de garantie de la propriĂ©tĂ© et dâinformation fonciĂšre au profit des dĂ©tenteurs de titres et des
acquĂ©reurs de terrain domanial. Elle a pour objet la mise en Ćuvre dâun dispositif juridique et
institutionnel local, renforçant les capacités des collectivités décentralisées, afin de répondre à la
forte demande en documents garantissant la sécurité fonciÚre de leurs détenteurs.
b- NĂ©cessitĂ© dâune institution indĂ©pendante
Une administration fonciÚre de proximité, le guichet foncier communal ou
intercommunal, sera créée. Elle sera chargée de la délivrance et de la mutation de certificats
fonciers selon trois modalités possibles. Les collectivités seront informées de ces trois modalités
et procÚderont au choix du mode de sécurisation fonciÚre :
- Dotation à la commune et démembrement du titre-mÚre au nom de la commune, un
certificat de propriété individuelle suite à une constatation des occupations par une commission
de reconnaissance locale et Ă lâapprobation par le Maire dâun acte de reconnaissance de propriĂ©tĂ©
aux occupants.
- Opérations cadastrales : opération physique de délimitation des parcelles individuelles
par une brigade topographique, puis en fonction du choix des collectivités, délivrance de
certificats dâoccupation fonciĂšre ou aboutissement de la procĂ©dure jusquâĂ lâobtention du titre
foncier. Afin de sécuriser également les ressources exploitées de maniÚre collective (pùturages,
forĂȘts,âŠ) et parfois gĂ©rĂ©es par une autoritĂ© communautaire, les guichets fonciers seront
compĂ©tents pour la mise en Ćuvre pratique de la gestion locale sĂ©curisĂ©e.
Des plans locaux dâoccupation fonciĂšre (PLOF) seront rĂ©alisĂ©s pour chaque commune. Ils
consisteront en une carte numérisée des limites territoriales des collectivités et du patrimoine
foncier de lâEtat, de la commune et de ses habitants sur le territoire dâune commune. Cette carte
des statuts juridiques de la terre portera sur les espaces utilisés par des individus ou par des
La pratique de la sorcellerie
47
communautés. Elle sera mise à jour par le guichet foncier et le service topographique régional, et
se substituera progressivement au plan de repérage. Elle sera accessible à chacun. La mise en
Ćuvre des guichets fonciers est conforme aux lois actuellement en vigueur. Elle mĂ©rite
nĂ©anmoins dâĂȘtre codifiĂ©e en premier lieu, notamment pour formaliser la valeur juridique du
certificat foncier.
Les procédures de sécurisation fonciÚre actuellement en vigueur (immatriculation
individuelle, opĂ©rations cadastrales, gestion locale sĂ©curisĂ©e,âŠ) restent valides conformĂ©ment
aux besoins et attentes de la population.
Par ailleurs, les textes de 2003 visant Ă faciliter lâaccĂšs de la propriĂ©tĂ© aux investisseurs
Ă©trangers devront faire lâobjet dâune Ă©tude dâimpact, afin dâen vĂ©rifier la portĂ©e rĂ©elle et de
formuler dâĂ©ventuels amĂ©nagements lĂ©gislatifs.
2- Mise en Ćuvre de la politique fonciĂšre
La mise en Ćuvre de cette politique sera plus compliquĂ©e car elle nĂ©cessite la
participation de chacun.
Le MinistĂšre de lâAgriculture, de lâElevage et de la pĂȘche assure par le biais de la
direction des domaines et des services fonciers la supervision des réalisations de ce projet. Il
veille au bon déroulement du programme national foncier et vérifie la conformité de
lâengagement des dĂ©penses.
Un comitĂ© dâorientation et de suivi vĂ©rifie la cohĂ©rence des activitĂ©s du programme national
foncier avec les orientations de la lettre de politique fonciÚre. Il est composé de représentants des
autres ministÚres concernés, des élus et de la société civile ainsi que des bailleurs de fonds
Au cours de la phase de démarrage, le programme national foncier est intégré à la
direction des domaines et des services fonciers. Afin de renforcer son efficacité dans la phase
dâextension, il disposera dâune capacitĂ© de gestion autonome et fonctionnera essentiellement sur
contrats de délégation de la gestion des financements et des interventions. La phase de démarrage
sera mise Ă profit pour la conception de ce statut, correspondant Ă lâampleur des interventions.
La mise en Ćuvre de la politique fonciĂšre se dĂ©roulera en trois phases :
La phase préparatoire, en cours, a pour objet de déterminer les orientations stratégiques de
la politique fonciÚre et de consulter les représentants des différents secteurs économiques et
La pratique de la sorcellerie
48
sociaux. Cette phase sâachĂšve au jour de la validation de la prĂ©sente lettre de politique fonciĂšre.
C'est-Ă -dire le 03 mai 2005.
La phase de dĂ©marrage, dâune durĂ©e de deux ans, aura pour objet dâĂ©laborer une nouvelle
loi et ces textes dâapplication. Elle permettra de concevoir les statuts, de dĂ©terminer les budgets et
la mise en place des institutions chargĂ©es de la mise en Ćuvre de la politique fonciĂšre. Cette
phase de démarrage permettra de formaliser les différentes méthodes et approches, de
sĂ©lectionner les Ă©quipements les plus adaptĂ©s et de former les agents chargĂ©s de la mise en Ćuvre
de la politique fonciÚre aux niveaux régional et central.
La phase dâextension utilisera les mĂ©thodes et les outils mis au point au cours de la phase
de dĂ©marrage pour mettre en Ćuvre Ă lâĂ©chelle nationale les axes stratĂ©giques de la politique
fonciÚre, en fonction des besoins et de la demande des collectivités et des services fonciers
déconcentrés.
LâefficacitĂ© de ce projet est encore mise en doute surtout Ă la campagne, car la majoritĂ© des
gens lĂ -bas craignent le bureau, leur bureau sera chez « lâombiasy » face Ă une situation
critiquable devant le tribunal. En vérité, le problÚme de la pratique des « ody » et de la sorcellerie
prĂ©occupe la majoritĂ© des pays actuels si non lâAfrique.
§ 2- La solution en droit comparé
A- Chez certains pays africains
La réhabilitation des procédures de la sorcellerie se présente actuellement comme une
conception moderne pour faire marcher un développement plutÎt défectueux du continent
africain. La théorie de la renaissance africaine, bien que parlant peu de la culture de la sorcellerie,
devrait bien reconnaitre combien il est difficile de séparer la culture moderne de la sorcellerie. On
sait que le développement africain, qui est ici compris culturellement comme un produit
socialement productif, ne doit pas se passer de perspectives de la sorcellerie. Câest pourquoi, il
est essentiel, désormais, que notre attention sur la sorcellerie soit délibérément considérée
indissociablement des procédés sociaux délicats de développement du continent noir. Pour
avancer, les critiques semblent indispensables.
La pratique de la sorcellerie
49
1- Les critiques contre la sorcellerie
Les critiques sur les procédés de la sorcellerie dévoilent que, la clairvoyance magique ne
peut pas suffisamment fournir les éléments essentiels pour le progrÚs des hommes. Compte tenu
de ces critiques, on peut dire que mĂȘme si la sorcellerie est conforme aux normes africaines de la
vie traditionnelle, elle ne doit pourtant pas ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme Ă©tant conforme aux normes
modernes de la vie. De cette façon le problĂšme de la sorcellerie doit ĂȘtre associĂ© Ă la nature des
individus qui deviennent fortement liés à des comportements préjudiciables souvent
incompatibles avec la perfection socioĂ©conomique, culturelle ou politique. Ceci pourrait ĂȘtre
certainement liĂ© Ă des vulnĂ©rabilitĂ©s culturelles et occultes. Cette faiblesse est dâailleurs la cause
de lâimmobilisme de nos systĂšmes traditionnels, politiques, sociaux et Ă©conomiques. Le concept
dâimmobilisme culturel est ici considĂ©rĂ© comme un problĂšme sĂ©rieux qui doit ĂȘtre formellement
liĂ© au sous-dĂ©veloppement. Câest la structure traditionnelle de nos cultures qui empĂȘche le
fonctionnement correct du continent en raison de la sorcellerie et de son archaĂŻsme occulte. La
solution africaine est loin dâĂȘtre trouvĂ©e si lâAfrique sâobstine dans sa culture « sorcellaire » alors
que celle-ci est visiblement son problĂšme le plus fondamental. La solution contre la sorcellerie
est loin dâĂȘtre des accusations contre les prĂ©sumĂ©s sorciers, ou leur exclusion sociale. La bonne
façon de rĂ©gler le problĂšme africain de la sorcellerie, câest dâaccepter que son concept de mal
n'est pas du tout créé par les présumés sorciers, mais que ce concept maléfique est plutÎt le
produit de la persévérance de nos réseaux culturels archaïques, que la société africaine pourrait
toujours rester clouer sur ses pratiques « sorcellaires », mĂȘme si lâAfrique massacrait tous ses
sorciers. Et bien parce que la culture qui fabrique des sorciers en produira davantage. Dans
l'univers de la sorcellerie, les gens sont fortement identifiés comme ayant des comportements
immoraux. Le paradoxe, dans tout cela, câest que dans bien des cas, lorsquâon est rĂ©putĂ© sorcier,
on vante ses exploits.
La pratique de la sorcellerie
50
2- Adoption des normes coutumiĂšres
La sorcellerie est répandue dans le pays. Pour réparer les torts causés, ce sont parfois les
habitants dâun village qui se font eux-mĂȘmes justice. « Certains se livrent Ă une vĂ©ritable
vindicte populaire oĂč ils molestent le sorcier, ou alors ils le chassent du village »56.
Mais la majeure partie du rÚglement des litiges se passe devant le juge. « Dans certaines
zones, il peut y avoir dix à vingt procÚs par mois »57, Contrairement au droit coutumier, la loi
ne reconnaĂźt pas la sorcellerie comme Ă©tant une infraction. Mais le tribunal de paix prenant les
prérogatives dévolues à la coutume et à la police, traite ce phénomÚne comme étant un fait
rĂ©prĂ©hensible pour faire rĂ©gner lâentente au sein de la communautĂ©. DâoĂč le recours aux juges
assesseurs, souvent notables du milieu, censés connaßtre la coutume dans le milieu, avec pour
mission dâaider le juge dans sa lourde tĂąche. Mais lâannonce de la sentence repose toujours sur
la conviction intime ou « quelques certitudes juridiques et judiciaires du juge ».58
Ces juges assesseurs ne sont pas des magistrats, de par leur mode de recrutement. Ils
nâont pas fait dâĂ©tudes de Droit. NommĂ©s et relevĂ©s de leurs fonctions par le MinistĂšre de la
justice, ils ont, en gĂ©nĂ©ral, un niveau dâĂ©tudes dâau moins quatre ans post-primaires.
B- La chasse aux sorciĂšres en Europe
La fĂ©rocitĂ© Ă lâĂ©gard de la sorcellerie naĂźt de la gravitĂ© de ses mĂ©faits, dans une sociĂ©tĂ© oĂč
personne ne songe à remettre en question son adhésion à la religion chrétienne. Dans cette
logique, le « mpamosavy » est un hĂ©rĂ©tique, mais surtout un apostat, et puisquâil commet son
crime en toute conscience, le tribunal ne peut donc avoir pitié à son égard.
1- La lutte contre la sorcellerie en France
Durant la période 1540-1670, mille deux cent cinquante-quatre(1254) individus ont été
prĂ©venus de sorcellerie et quatre-vingt-dix-sept(97) de magie, Ă lâencontre desquels la Haute
56 François Anoukaha, Professeur agrĂ©gĂ© de droit privĂ©â et de sciences criminelles dans lâUniversitĂ© de Cameroun.
57 Jean-Bosco Ayissi, chef du secrétariat du secrétaire général du ministÚre de la Justice camerounaise.
58 Cameroun : la sorcellerie devant la justice, jeudi 26 Aout 2004, par HABIBOU Bangré
La pratique de la sorcellerie
51
Cour passa un jugement définitif ou interlocutoire. Une centaine de procÚs pour sorcellerie
démontrent des abus grossiers dans la premiÚre instruction devant les tribunaux subalternes.
Pour dĂ©busquer un sorcier, lâune des pratiques courantes est lâĂ©preuve de la baignade,
grand spectacle public consistant à jeter le « candidat », pieds et mains liés, dans la riviÚre, dans
lâĂ©tang ou dans le fossĂ© du chĂąteau. Sâil surnageait, il Ă©tait sorcier. Cette pratique invĂ©tĂ©rĂ©e
sâavĂ©rait dâautant plus indĂ©racinable que les accusĂ©s eux-mĂȘmes demandaient Ă ĂȘtre baignĂ©s, y
voyant malgré les risques une chance de prouver leur innocence auprÚs des voisins et de
dĂ©montrer, une fois pour toutes, que leurs guĂ©risons par simples et par oraisons nâavaient rien de
diabolique. Progressivement, les autorités vont prendre conscience des abus manifestes en fait de
procĂšs de sorcellerie.
Soudain, le Parlement se voit saisi dâun afflux dâaffaires ardennaises dĂ©montrant des abus
spécifiques de la sorcellerie. Les années 1600 à 1604 constituent un tournant pour les procÚs de
sorcellerie. AprĂšs 1599, le taux dâarrĂȘts de mort flĂ©chit jusquâĂ 8,5 % et la prĂ©pondĂ©rance
féminine disparaßt : de 1582 à 1599, 33 femmes et 20 hommes sont condamnés au bûcher ; de
1600 Ă 1610, 8 femmes et 14 hommes.59 Lâappel de droit provoque une chute spectaculaire du
nombre dâappelants : alors que la moyenne annuelle depuis 1605 se situait Ă onze, de 1626 Ă
1640 elle tombe Ă quatre. Dans un premier temps de 1624 Ă 1630, le taux de relaxe sâĂ©lĂšve
prodigieusement Ă 71 % ; 54 % des hommes et 83 % des femmes.60
2- Le procĂšs en matiĂšre de sorcellerie en Europe
Le procÚs en matiÚre de sorcellerie a pour origine le plus souvent une dénonciation de
voisinage mettant en cause une crise de la relation interpersonnelle, quand lâexaspĂ©ration dâune
communautĂ© rencontre lâoreille complaisante dâun juge. Celui-ci procĂšde alors Ă lâinformation
qui vise un fait ou une personne, ce qui entraĂźne une enquĂȘte appelant les tĂ©moins Ă comparaĂźtre.
Indices et prĂ©somption, plus que des preuves suffisent pour procĂ©der Ă lâarrestation, car le sorcier
Ă©tant maudit, le juge nâa aucune prĂ©caution Ă prendre pour extirper des aveux. Ce qui lĂ©gitime la
torture. Tout argument est retenu pour condamner, mĂȘme du simple tremblement de lâaccusĂ© Ă la
59 Alfred Soman. La décriminalisation de la sorcellerie en France, Histoire, économie & société, 1985, n° 2, pp. 179-
203. 60 Alfred Soman. La décriminalisation de la sorcellerie en France, Histoire, économie & société, 1985, n° 2,
pp. 179-203.
La pratique de la sorcellerie
52
pratique de lâordalie61. LâinterprĂ©tation de la sorcellerie europĂ©enne est connue des historiens et
chercheurs par les traces laissĂ©es par sa rĂ©pression. Dâabord constituĂ© dans le milieu de
lâinquisition, le mythe de la sorcellerie est repris par le magistrat et les juges. Dâailleurs, Ă partir
du 19Ăšme siĂšcle, lâinquisition nâa plus de responsabilitĂ© dans la rĂ©pression de celle-ci et ce sont
les hautes justices qui prennent le relais de la chasse aux sorciĂšres.
Une fois lâinterrogatoire clos, alors un procĂšs ordinaire (aux peines pĂ©cuniaires), ou
extraordinaire (peines afflictives, infamantes, voire Ă la peine de mort) a lieu selon la
qualification requise pour le crime commis. Comparaissant devant la Cour, lâaccusĂ© peut ĂȘtre
soumis à des « questions » faute de preuves à son encontre. Ceci peut prononcer le recours à la
torture et donne lieu pour les magistrats à un procÚs-verbal détaillé. La peine de mort réservée
aux sorciĂšres est le feu oĂč, au cĆur de bĂ»cher, elle pĂ©risse le plus souvent Ă©touffĂ©es par les
fumĂ©es. Alors que les paysans dĂ©noncent un individu pour les malĂ©fices quâil est supposĂ© jetĂ© Ă
la communautĂ©, et le tort quâil est supposĂ© lui porter, les juges traduisent ses dĂ©nonciations dans
le langage de la sorcellerie dĂ©moniaque, lâimposant par la force et la persĂ©cution Ă leurs
victimes, celle-ci, pour se délivrer de la torture et de son incroyable «instrumentologie », répÚte
et avoue alors des crimes issus des manuels de dĂ©monologie des juges. Câest pourquoi, en
Europe, les crimes de sorcellerie sont partout identiques et codifiés, car la procédure est
scrupuleusement menĂ©e. LâidĂ©ologie des juges en pervertit la technique. Pour la victime, lâaveu
apporte un soulagement physique, pour le juge, la mort renouvelle sa propre foi. La sorcellerie
est donc une crĂ©ation des Ă©lites et ne sâimpose que lentement dans la mentalitĂ©, par les
conversations, les sermons, légendes.
Distingués de la communauté par un physique rare ou par une infirmité, par la vieillesse, par la
solitude, les boucs Ă©missaires sont toujours victimes dâune exclusion qui les condamne.
La fin de la rĂ©pression de la sorcellerie en Europe correspond Ă un temps oĂč des grandes
famines se dissipent, ou les paysans recherchent plus la possession de la terre que la promesse
diabolique. Enfin, elle cesse partout dâĂȘtre un culte mystifiĂ© lorsque le clergĂ© en place sâestompe :
« La sorcellerie européenne meurt lorsque les poursuites contre elle meurent »62.
61 Madagascar, Ăźle aux sorciers ; Amazon. For Nicol Viloteau.
62 Microsoft Ÿ Encarta Ÿ 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation.
La pratique de la sorcellerie
53
CONCLUSION
La sorcellerie est une réalité qui préoccupe beaucoup de personnes à Madagascar. Et ce,
malgrĂ© lâapparence contraire, câest une pratique qui ne se crie pas sur le toit. Peu de personnes
sâen vantent le recours, alors que beaucoup ont la certitude de ses effets nĂ©fastes.
Nous avons cité les différentes sortes de « mosavy » dans la société betsimisaraka en
mettant lâaccent sur lâĆuvre du « mpamosavy ». Ainsi qualifiĂ©e de « mosavy », la pratique de la
sorcellerie est le fait de jeter un mauvais sort afin de nuire Ă la personne de la victime ou tout au
moins Ă ses biens. Le fournisseur du « mosavy » est appelĂ© le « mpamosavy », et lâacte du
« mosavy » est caractĂ©risĂ© par lâemploi du « ody gasy ». La sorcellerie constitue un problĂšme
latent mĂȘme si la sociĂ©tĂ© a une gĂȘne pour en parler publiquement. Mal considĂ©rĂ©e par le
christianisme, en retrait face au modernisme, et quasi ignorée par la loi, elle ne laisse pas pour
autant la majorité de la population insensible. Celle-ci semble donc croire à ses effets concrets, et
le mystĂšre qui lâentoure accroit la peur de ses consĂ©quences.
Le différend foncier est ici pris en étude pour mettre en relief cette réalité car la situation
met en exergue deux problĂšmes fondamentaux : Ă savoir le problĂšme de litige foncier et
corrélativement les impacts de la sorcellerie.
Certes actuellement, la recherche dâune lĂ©gislation fonciĂšre adĂ©quate ne fait aucun doute.
Ainsi, des lois viennent abroger, modifier, étoffer les anciennes jugées imparfaites.63 Et, la mise
en place dâune justice de proximitĂ© sâinscrit prĂ©cisĂ©ment dans le cadre de recherche dâune justice
plus fiable, plus adéquate, plus équitable en matiÚre de différend foncier dans le but de réduire les
affaires portées devant le tribunal. Le fait est que les litiges fonciers se multiplient, les
juridictions civiles croulent sous les affaires des « adi-tany ». Et Ă lâheure actuelle, oĂč la valeur
des terres sâest envolĂ©e avec la possibilitĂ© pour les Etrangers de jouir dâun bail emphytĂ©otique de
63 Loi n° 2006-031 du 24 novembre 2006, fixant le régime juridique de la propriété fonciÚre privée non titrée JORM
n°3089 du 26/02/07, loi n°2007-036 du 14 Janvier 2008 sur les investissements à Madagascar JORM n°3178 du
03/04/08, loi n° 2005-O19 du 17 octobre 2005 fixant les principes régissant les statuts des terres, loi n° 2008-013 du
23 juillet 2008 sur le domaine public JORM n°3217 du 20/1/08, loi n°2008-014 du 23 Juillet 2008 sur le domaine privé
de lâEtat, de CD et personnes morale de droit public JORM n°3178 du 17/10/08, dĂ©cret 2007-1109 du 18
décembre2007 portant application de la loi 2006-031.
La pratique de la sorcellerie
54
longue durĂ©e64 voire mĂȘme la possibilitĂ© dâacquĂ©rir des biens immobiliers par la sociĂ©tĂ©
Ă©trangĂšre65, les affaires se compliquent encore, car le diffĂ©rend foncier nâopposerait plus
seulement les Malgaches entre eux, mais Ă©galement les Malgaches avec les Etrangers. Et avec le
manque de confiance des justiciables en la justice, en général dû à une suspicion de corruption,
certaines personnes nâhĂ©siteraient pas Ă utiliser dâautres mĂ©thodes peu avouables pour rĂ©gler le
problÚme. Et parmi ces méthodes, se trouve la sorcellerie.
Il faut donc reconnaitre quâen matiĂšre de diffĂ©rend foncier, la sorcellerie nâintervient
quâen seconde zone. Elle constitue une facette qui cache un gros problĂšme trĂšs grave quâest la
question fonciĂšre Ă Madagascar.
La multiplication des « adi-tany » constitue un bon indicateur dâun systĂšme ou dâune
politique inefficace. Et avec la peur dâun verdict peu satisfaisant, la sociĂ©tĂ© assiste Ă des litiges
initialement fonciers se transformer en affaires pĂ©nales, car aboutissant Ă des atteintes Ă lâordre
public. Certes, les autoritĂ©s publiques ont essayĂ© dâapporter ces derniers temps des rĂ©ponses aux
problÚmes fonciers, mais les « adi-tany » ont laissé (et laisseront encore) des impacts trÚs
négatifs. Des familles qui deviennent ennemies, toute une communauté qui se disloque. Et dans
cette atmosphÚre déjà tendue, la sorcellerie apparait comme un fait qui aggrave encore la
situation.
Mais si les deux problĂšmes se mĂ©langent, il faut dire que lâun est la source ou la cause de
lâautre. Câest-Ă -dire, en amont, il y dâabord le diffĂ©rend foncier qui mine la sociĂ©tĂ© betsimisaraka
et en aval, il y a la sorcellerie, le « mosavy ». Parce que la société betsimisaraka croit à la
prĂ©sence dâun lien de cause Ă effet entre la pratique de la sorcellerie et le rĂ©sultat nĂ©gatif que
vivent ses membres, la méfiance rÚgne, le «mosavy » ou la suspicion du « mosavy » engendre
ainsi la désintégration familiale.
La sorcellerie donc remet en cause la valeur morale de lâancienne sociĂ©tĂ© malgache, soit le
« fihavanana ». Et, associé au différend foncier, la sorcellerie apparaitrait comme la cause
principale de la nĂ©gation de la sagesse malgache qui sâaccroche Ă ce « fihavanana ». En effet, ce
« fihavanana », tant considĂ©rĂ© comme un socle de la sociĂ©tĂ© dâautrefois, est actuellement piĂ©tinĂ©,
si bien quâune autre expression nĂ©gative a pris place, soit le « tsy mifandevi-maty ».
64 Article 1 de la loi 2007-036 sur les investissements Ă Madagascar 65Article 18 de la loi 2007-036 sur les investissements Ă Madagascar
La pratique de la sorcellerie
55
Dans cette lancée, minimiser la sorcellerie ne paraitrait pas comme une bonne politique
pour le lĂ©gislateur, vu la conviction profonde que la population montre Ă lâĂ©gard de son existence,
ainsi quâĂ ses effets ravageurs. Ainsi, le reproche fait au lĂ©gislateur câest son quasi dĂ©sintĂ©rĂȘt ou
le peu dâimportance quâil accorde Ă cette pratique, contrastant avec la mentalitĂ© des gens. En
dâautres termes, le lĂ©gislateur ne devrait pas ignorer cette rĂ©alitĂ© dans sa politique criminelle, vu
la conviction de la majorité de la population de ses effets néfastes.
Et la grande question pour lâavenir est celle de savoir si le lĂ©gislateur malgache pourra
accorder aux populations (crĂ©dules ?) terrorisĂ©es la protection pĂ©nale quâelles attendent. Dans
cette perspective la loi sâavĂšrera comme un moyen (efficace ?) de la « chasse aux sorciĂšres » dont
la fin est considĂ©rĂ©e comme Ă©tant « le signe dâune Ă©volution de la sociĂ©tĂ© oĂč sâaffirment des
Ă©lites formĂ©es Ă une nouvelle rationalitĂ© »66. Et en mĂȘme temps lâon pourra espĂ©rer se concrĂ©tiser
la retombée de la politique fonciÚre amorcée actuellement à travers une baisse progressive du
volume des affaires de « adi-tany » portés devant la juridiction de Toamasina en particulier.
66 Doc Microsoft Ÿ Encarta Ÿ 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation
INTRODUCTION ......................................................................................................................................................................... 1
PREMIERE PARTIE : QUALIFICATION DE LA SORCELLERIE ..................................................................................................... 4
CHAPITRE I - LA SORCELLERIE, UN PHENOMENE SOCIAL ............................................................................................................ 4 Section 1- La sorcellerie: Le « mosavy » ....................................................................................................................... 5
§ 1- Description du « Mosavy » .................................................................................................................................. 5 A- Le « Mosavy », lâacte ....................................................................................................................................... 5
1- Un acte nuisible ............................................................................................................................................ 5 2- Un acte redoutant ....................................................................................................................................... 5
B- La notion du « mpamosavy » ........................................................................................................................... 6 1- La personne utilisant le « Mosavy » ............................................................................................................. 7 2- Le « mosavy », le fournisseur ..................................................................................................................... 7
§ 2- Les (a)ody .......................................................................................................................................................... 8 A- Essai de définition ............................................................................................................................................ 8
1- Genre de Ody ................................................................................................................................................ 8 2- Types dâ (a)ody ........................................................................................................................................... 10
a- Les « Ody » simples ......................................................................................................................... 10 b- Les « ody » complexes ...................................................................................................................... 11
B- La fonction des « ody » .................................................................................................................................... 11 1- Les « ody » bons charmes .......................................................................................................................... 12 2- Les « ody ratsy »ou « mauvais charmes » ............................................................................................... 13
Section 2- La sorcellerie, ses causes ............................................................................................................................ 14 § 1- Multiplication des différends fonciers ............................................................................................................... 14
A- DiffĂ©rend familial ....................................................................................................................................... 15 1- La procĂ©dure en matiĂšre dâimmatriculationâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠ.15
a- Lâimmatriculation individuelle ........................................................................................................ 15 b- Lâimmatriculation collective ou le cadastre ...................................................................................... 16
2- La succession cause des diffĂ©rends fonciers familiaux ............................................................................ 16 B- DiffĂ©rends avec dâautres personnes .......................................................................................................... 17
1- La recherche des profitsâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠ.17 2- Un abus de fonction par les fonctionairesâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠ.18
§ 2- Les actes attribuĂ©s Ă la sorcellerie................................................................................................................... 18 A- Atteintes volontaires Ă l'intĂ©gritĂ© physiqueâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠ...18
1-Provocation volontaire de dĂ©cĂšs ................................................................................................................. .18 2- Atteinte Ă la santĂ©âŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠ.19 a- La maladie psychiqueâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠ19 b- La maladie physiqueâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠ19 B- Situation prĂ©judiciableâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠ20 1- L'abandonâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠ..20 2- L'echecâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠ21
CHAPITRE II- LA SORCELLERIE, UN ACTE INFRACTIONNEL ? .................................................................................................... 22 Section 1- La sorcellerie: lâincrimination ....................................................................................................................... 22
§ 1- Lâimportance de la sorcellerie dans lâancienne justice ...................................................................................... 22 A- Les Codes malgaches du 19Ăšme siĂšcle ........................................................................................................... 22 B- Les coutumes judiciaires: Les ordalies .......................................................................................................... 23
1- CaractĂ©ristiques des ordalies .................................................................................................................... 23 a- Description du « Tangena » ................................................................................................................. 24 b- Croyance Ă lâĂ©preuve du « Tangena » .................................................................................................. 24
2- Lâapplication du « tangena » ..................................................................................................................... 25 § 2- La sorcellerie, dans la lĂ©gislation actuelle ....................................................................................................... 26
A- La décriminalisation de la sorcellerie ............................................................................................................ 26 B- Une Ombre Juridique ..................................................................................................................................... 26
Section 2- La sorcellerie : la qualification juridique ..................................................................................................... 27 A- Un acte ignoré par la loi ................................................................................................................................. 28
1- Lâincrimination de la sorcellerie ................................................................................................................. 28 2- Le problĂšme sur la qualification des faits ................................................................................................ 28
B- La répression de la sorcellerie ...................................................................................................................... 29
DEUXIEME PARTIE : LA SORCELLERIE, LA DIVERGENCE ...................................................................................................... 30
CHAPITRE I- LES PROBLEMES ............................................................................................................................................... 30 Section 1- La divergence de position des justiciables .................................................................................................. 30
§ 1- Lâemprise du christianisme .............................................................................................................................. 30 A-LâentrĂ©e du christianisme .............................................................................................................................. 30 B- Triomphe de la foi ........................................................................................................................................... 31
§ 2 : Lâemprise de la modernisation ......................................................................................................................... 32 A- Dans le milieu intellectuel .............................................................................................................................. 32
1- Les idéologies occidentaux ......................................................................................................................... 32 2- Dualité des cultures .................................................................................................................................. 32
B- Dans le milieu urbain ...................................................................................................................................... 33 1- Lieu de concentration des intellectuels ...................................................................................................... 33 2- La difficulté de survie ................................................................................................................................ 33
Section 2- La position du lĂ©gislateur ............................................................................................................................ 34 § 1- Le principe sur lâincrimination .......................................................................................................................... 34
A- Sur lâexĂ©cution de lâacte ................................................................................................................................. 34 1-Infraction de commission ............................................................................................................................ 34 2-La dĂ©fense dâassimilation de lâomission Ă lâaction....................................................................................... 34
B-Sur la rĂ©pression de lâacte .............................................................................................................................. 35 1-Le rĂ©sultat .................................................................................................................................................. 35 2-La sanction ................................................................................................................................................. 35 §2- Les difficultĂ©s de preuve .........................................................................................................................36
A-Lâexigence dâune participation matĂ©rielle ........................................................................................................36 1- L'auteur ou la participation directeâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠâŠ.36
2-Le coauteur ................................................................................................................................................36 B- Les obstacles majeurs .............................................................................................................................. 37
1-La nature de la participation ....................................................................................................................... 37
2-Lâexigence dâun lien de cause Ă effet .......................................................................................................... 37 CHAPITRE II - LA REALITE .......................................................................................................................................................38
Section 1- Les effets .....................................................................................................................................................38 § 1- De lâinsĂ©curitĂ© sociale .......................................................................................................................................38
A- De lâinsĂ©curitĂ© en gĂ©nĂ©ral .........................................................................................................................38 1- Une atteinte Ă lâordre social .......................................................................................................................39 2-LâinsĂ©curitĂ© fonciĂšre ..................................................................................................................................39
B- Perte de confiance en la justice de lâEtat .................................................................................................. 40 §2 : Aggravation de la pauvretĂ© ................................................................................................................................ 41
A- Le coĂ»t de la justice ...................................................................................................................................... 41 1- Justice payante ........................................................................................................................................... 41 2- Versement dâun pot de vin ......................................................................................................................... 42
B-Une perte avérée ............................................................................................................................................ 42 1-Une perte de temps ..................................................................................................................................... 42 2- Une perte des valeurs ............................................................................................................................... 43
Section 2- Les solutions ............................................................................................................................................... 43 §1- Au niveau national .............................................................................................................................................. 43
A- Une solution envisagĂ©e ............................................................................................................................. 43 1- Appel aux sorciers ..................................................................................................................................... 43 2- LâĂ©laboration dâun nouveau texte ............................................................................................................... 44
B- Une solution en cours de réalisation, la politique fonciÚre ............................................................................. 45 1- La réalisation de la politique fonciÚre ........................................................................................................ 45
a- Les objectifs de la politique fonciĂšre ............................................................................................... 45 b- NĂ©cessitĂ© dâune institution indĂ©pendante ........................................................................................ 46
2- Mise en Ćuvre de la politique fonciĂšre ..................................................................................................... 47 § 2- La solution en droit comparĂ© ........................................................................................................................... 48
A- Chez certains pays africains .......................................................................................................................... 48 1- Les critiques contre la sorcellerie ............................................................................................................. 49 2- Adoption des normes coutumiĂšres ............................................................................................................50
B- La chasse aux sorciĂšres en Europe................................................................................................................50 1- La lutte contre la sorcellerie en France .....................................................................................................50 2- Le procĂšs en matiĂšre de sorcellerie en Europe .......................................................................................... 51
CONCLUSION ........................................................................................................................................................................ 53
SommaireSommaireSommaireSommaire
INTRODUCTION ................................................................................................................................................ 1
PREMIERE PARTIE : QUALIFICATION DE LA SORCELLERIE ..................................................................................... 4
CHAPITRE I - LA SORCELLERIE, UN PHENOMENE SOCIAL ............................................................................................. 4
Section 1- La sorcellerie: Le « mosavy » ............................................................................................................... 5
Section 2- La sorcellerie, ses causes .................................................................................................................... 14
CHAPITRE II- LA SORCELLERIE, UN ACTE INFRACTIONNEL ? ...................................................................................... 22
Section 1- La sorcellerie: lâincrimination ............................................................................................................. 22
Section 2- La sorcellerie : la qualification juridique............................................................................................ 27
DEUXIEME PARTIE : LA SORCELLERIE, LA DIVERGENCE ...................................................................................... 30
CHAPITRE I- LES PROBLEMES ..................................................................................................................................... 30
Section 1- La divergence de position des justiciables.......................................................................................... 30
Section 2- La position du législateur ................................................................................................................... 34
CHAPITRE II - LA REALITE ............................................................................................................................................ 38
Section 1- Les effets ............................................................................................................................................ 38
Section 2- Les solutions ...................................................................................................................................... 43
CONCLUSION .................................................................................................................................................. 53
Annexe1
1. Variétés du sikidy
a) Sikily alakarabo
Les ancĂȘtres ontdâabord distinguĂ© le sikidy alakarabo. Câest lâartdivinatoire rĂ©alisĂ© par le
moyen des grainesde liane appelées voankarabo.Il consiste à faire un rectangle avec les graines
en lesjuxtaposant. On les groupe par trois,jusquâĂ ce quâelles forment les quatre angles. Puis le
devin guĂ©risseur tire des graines dâun cĂŽtĂ© ou dâun angle, pour commencer la recherche.
LâinterprĂ©tation dĂ©pend du rĂ©sultat. Cette forme de sikily tend Ă ĂȘtre supplantĂ©e par le
« tetiandro »ou lâastrologie.
b) Sikidyjoria
Le sikidyjoria ou sikidy tombon-drandrakaest pratiquée le plus souvent par les
Betsimisarakaet les Sakalava jiriky. Il est formé de deux rangées horizontales ne pouvant avoir
que deux figures:
0
SOMBOLA 0 ou TAREKY 0
Sombola, ou jamĂ est dâorigine arabe veut dire: deux, fĂȘtes, vie. Quant A tarek,il donne Ă
entendre: unitĂ©. Si lâanalyse et la recherche aboutissent Ă tarekv ou sombola,le rĂ©sultat sera nul
(sikilv tsy mivolagnadivination muette). Si en revanche, il existe des rubriques oĂč les figures
sombola et tarekyse suivent, le sikidypeut donner un sens, Câest une forme facile, prĂ©fĂ©rĂ©e par
les brigands et les voleurs de bĆufs(dahalo).
c) Sikidy alagnana
Comme son nom lâindique, elle consiste Ă faire des courbes sur le sable. AprĂšs avoir tracĂ© des
rangées de courbes, on compte le nombre obtenu. Le devin tire ensuite la combinaison. Dandouau
fit une Ă©tude sur le sikidyde la rĂ©gion dâAnalalava. Decary R. Ă©tudia lâart divinatoire chez les
Sakalavadu Boina.Tous les deux chercheurs se préoccupaient du sikidy alagnanadans sa forme
actuelle appelée alorssikidy adabarayou be andamaka.Contrairement au sikilv alagnanale sikilv
adabaray autorise le divin Ă tirer sur seize casiers ou figures.
d) Sikidyfltaratra
La divination par le miroir est pratiquée par le tromba tsigny, génies qui se réincarne. Les
tsigny furent les premiers hommes sur la terre. Leur esprit descendait chezune personne. Alors
que le medium possĂ©dĂ© porte le nom de « kinangana »,lâesprit possesseur porte le nom de
« tromba ». Dans la région du Menabe, chez les Sakalava du Sud, on distingue trois sortes de
tromba
ïżœ Le tromba tsigny (esprit gĂ©nie), le plus ancien, câest en gĂ©nĂ©ral lâesprit de la montagne qui
se manifeste. Il fait grand cas de la couleur rouge et utilise la terre blanche appelée alors
« tany manintsy », terre fraßche.
ïżœ Les trombasazoka sont des esprits royaux qui Ă©lisent domicile chez un mĂ©dium. Chez les
Sakalava du Menabe, les esprits royaux ou sazoka ne soignent pas les patients. On ne les
consulte pas. Ils se manifestent trÚs souvent lors des cérémonies ayant trait à la
souveraineté, dont les funérailles royales fanompoana mafana, la circoncision royale
rangitrombilahy, les bains des reliques royales, fitampohaet le nettoyage des tombeaux
royaux (lohavogne).
ïżœ Les tromba an-drano, enfin, ce sont des esprits de lâeau. Ils peuvent Ă©galement trouver
refuge chez une personne humaine. Il sâagit souvent des esprits des princes originaires du
Boeny, région de Majunga. Ces derniers, en revanche, soignent les malades.
e) Sikidy karatra
Cette forme de divination consiste à tirer les cartes pour débrouiller les énigmes de la vie. Elle
sâopĂšre avec trente-deux cartes. Elle passe pour lâapanage des courtisanes qui cherchent Ă
rencontrer des hommes ou Ă fabriquer des philtres dâamour. Le sikidy karatra sâoppose aux sikidy
fano. Les devins prennent les graines defano (Piptademia chrysostachys Benth, LĂ©gumineuse) qui
sont plates et se révÚlent plus pratiques sur la natte. Les graines de fanoont une couleur qui se
dégage bien de celle de la natte (tsihv, lamaka) sur laquelle le devin guérisseur (ombiasv) tire le
sikidy. Le sikidy fanoestsemblable au sikidv alagnanaqui comporte seize figures1
1Rabedimy, J.F; Pratique de Divination Ă Madagascar, O.R.S.T.M. Paris, 1976, pp 14-17
Annexe 2
1- Tableauordinairedes 16 figures du
Chacune des cases représente, auprÚsde
intĂ©rĂȘts vitaux de lâexistence malgache.
Tableau 1 :
des 16 figures dusikidy
Chacune des cases représente, auprÚsde la personne intéressée à la consultation.
intĂ©rĂȘts vitaux de lâexistence malgache.
a personne intéressée à la consultation. Un des
Tableau 2 :
2- Analyse et interprétation
La technique divinatoire, déjà trÚs simplifiée à Madagascar dans la pratique courante vient
des Arabes, par lâintermĂ©diaire des Antemoro. Mais elle nâest pas sans rapport avec la pratique et
les croyances antĂ©rieures, câest en plus un rituel quasi familial. DâoĂč sa popularitĂ© et son impact
dans la société et dans les autres formes culturelles. Par ailleurs, la divination se présente comme
une vĂ©ritable forĂȘt de symbole, mais oĂč rĂšgne en maĂźtresse la Parole (volagna, kabaro, teny).
Cette derniÚre est ésotérique et réservée pour un monde de références cosmo sacrales. Elle dicte
des attitudes et pratiques éthico-religieuses précises, dont on peut retenir le tabou (fady) et
lamĂ©dication (aody) voire lâinvocation sacrĂ©e (joro2).
2A cause de la prĂ©sence du groupe clanique anjoaty au sein de lâethnie sakalava.
Pour interprĂ©ter lâart divinatoire ou le sikidy, les auteurs prĂ©sentent diffĂ©rentes versions, Les
uns insistent sur le caractÚre psychologique du procédé. Les autres sur le jeu combinatoire ou
lâaspect du hasard. Dâautres encore sur la recherche de lâavenir comme volontĂ© de dominer le
temps. Dâaucuns sur lâeffortde percer lâinconnu. Dâautres enfin abandonnent la science
hermĂ©neutique au profit dâun magique irrationnel ou dâun charlatanisme dâexploitation. Nous
entendons prendre le sikidy tel quâil est encore pratiquĂ© aujourdâhui chez les Sakalava, comme un
langage social, rituel et religieux. Ce langage symbolique exprime des attitudes humaines
fondamentales devant la vie, et plus particuliÚrement, devant la difficulté de la vie, qui risque de
remettre en cause, lâexistence mĂȘme et son Sens. Le mĂȘme rituel constitue une rĂ©pĂ©tition des
archétypes primordiaux, il se révÚle comme une projection du mythe cosmogoniquesakalavadans
lâespace et dans le temps. Ainsi, la divination passe pour une pratique hautement sociale et
Ă©minemment religieuse.
Annexe 3
Lesclanssakalava guérisseurs
Tandis que les Anjoatyont ta rĂ©putation dâune force surnaturelle en eux, les Antifagnaigny sont
connus sous le nom de guĂ©risseurs spĂ©cialisĂ©s. Tous les deux groupes claniques sont parents Ă
plaisanterie (mpiziva) et appartiennent Ă lâethnie sakalava.
I- Les Anjoaty
H.Deschamps rapporte que dans la région de Diégo-Suarez, au Nord de Vohémar, est restée
une population qui se rĂ©clame dâune origine arabe. Ce sont les Anjoaty.Certains dĂ©clarent ĂȘtre
venus par Malindi, les Comores et descendre dâune sirĂšne. Ils ont une caste noble, mais pas de
livres sacrĂ©s, ils passent pour exorciseurs et devins. En effet, aujourdâhui encore, ils ont la
réputation de constituer un groupe clanique sacré assimilé aux Sakalava, aux Antankarana et aux
Antemoro. Ils sont doués de tous les talents et vertus: guérir, prophétiser, se dissimuler, maßtriser
les forces de la nature, dâaprĂšs les croyances populaires. Lors dâune tentative dâinvasion merina Ă
Nosy-Be, vers les années 1840, avant la prise de possession par la France (13/02/1841),
Tsimaramara est une femme responsable des groupe Anjoatv,nommée Maribe, du fait de sa
propre force politico-rituelle (hasignv), auraient été les principaux défenseurs de la Reine
TsijomekoĂągĂ©e alors de 18 ans. Au dĂ©but de XVIIIsiĂšcle, le royaume antankarana parait sâĂȘtre
Ă©tendu Ă tout lâextrĂȘme-Nord, du Sambirano sur la cĂŽte ouest, Ă la Mananara sur la cĂŽte est, Les
Anjoatyde Vohémar, derniers Iharaniens, en auraient été vassaux.
En somme, les Anjoatydescendent des Arabes. Leur présence corrobore les migrations des
Islamisés au Nord de la Grande lie, Il faut avoir recours à eux, comme aux Moridy, pour saigner
les bĆufs. Leurchef est dotĂ© dâune force magique et politico-rituelle remarquable. Ils passent
pour de brillants exorcistes et devins. Nous entendons leurs meilleurs représentants et chefs.
Comme les Saka/va (MagnĂŽro aomby), lesAnjoaty comptent parmi les intercesseurs des Rois. Le
groupe clanique semble tenir sa force politico-rituelle et sa tradition sacerdotale de son
ascendance arabe et islamique. Lâalliance que les Volafotsy ont scellĂ©e avec les Anjoaty en les
élisant comme intercesseurs et vassaux vient au second plan, bien que ce soit un élément
important.
2, LesAntifagnaigny
Câest un nom propre dâun clan ou dâun groupe clanique sakalava, composĂ© de trois Ă©lĂ©ments:
le prĂ©fixe locatif anti(a), les gens de, les habitants de; le prĂ©fixe instrumental âfâ ; le verbe,
magnanoou manao(officiel) signifiant, faire; et enfin le radical aina ou aigny,qui signifie: vie,
flux vital, Ainsi, Antifagnaignyest une véritable phrase unifiée en un substantif. Ce synthÚse
donneĂ entendre les gens qui fabriquent et qui donnent la vie.
Les Antifagnaignysont en effet douĂ©s dâune compĂ©tence rare: arranger les Ă©longations, les
luxations, les fractures, les entorses et les dislocations osseuses. Ce sont de véritables
ârebouteuxâ. Le jeune Antifagnaignyest initiĂ© trĂšs tĂŽt aux pratiques thĂ©rapeutiques. Pour
transmettre le talent, qui est censé inné, et la tradition, le thérapeute ne choisit pas nécessairement
son premier fils, mais le plus sage et le plus doué. Tandis que la préférence va aux garçons. Les
filles ne sont pas forcĂ©ment exclues. Dans plusieurs cas dâailleurs, on saute une gĂ©nĂ©ration.Câest
le grand-pĂšre quâinitie son petit-fils. Le jeune apprenti nâa pas encore le droit dâassister Ă toutes
les opérations de massage et de remise en place, mais peu à peu le maßtre lui apprend le nom des
plantes médicinales employées et celui des principaux os et articulations.
On dit des Anjoatyquâils sont masim-bava, câest-Ă -dire quâils ont la bouche ou la parole
sacrĂ©e. A lâendroit des Antifagnaigny, par contre, on dirait volontiers quâils sont des bons
guĂ©risseurs « ampitaha mahay », des âthĂ©rapeutes compĂ©tentsâ. NâĂ©tant pas intercesseurs des
rois, comme les MagnÎro aomby, ils rendent néanmoins service à toutes les couches sociales. Un
mythe relatant le voyage commun dâarrivĂ©e dans lâIle, par boutre, et prĂ©cisant une origine, fonde
le lien de parenté à plaisanterie qui existe entre les Antifagnaignyet les Anjoaty.
Ses connaissances empiriques, certes, mais relativement précises sur les os, les muscles et les
articulations dans le corps humain, permettent au guérisseur Antifagnaignyde varier déjà sa
méthode et ses ordonnances. Aussi bien dans les cas bénins que dans les cas graves, il se soumet
toujours Ă la providence et aux ancĂȘtres, quoiquâapparemment, il fasse montre dâune maĂźtrise
exceptionnelle. Il reconnaĂźt que sans lâintervention tacite de leur force invisible, ses sciences et
connaissances seraient vaines et insignifiantes. DâoĂč le besoin impĂ©rieux, voire la nĂ©cessitĂ© de
rĂ©citer une priĂšre dâinvocation avant les soins et durant les massages. Hormis les cas graves et les
circonstances exceptionnelles. Câest le patient accompagnĂ© de ses parents qui vient consulter les
Antifagnaigny, muni dâun couteau neuf et dâun petit vase de crĂšme de coco (famontv). Une
enquĂȘte plus ou moins longue sur les circonstances, les lieux et la gravitĂ© de lâaccident ou de la
maladie doit obligatoirement précéder avant la priÚre et les soins. Un petit moment de silence et
de concentration consacrĂ© Ă lâinvocation de Zagnaharv et de Razagna prĂ©pare la psychologie du
patient et introduit lâassistance dans le cadre et lâambiance du muet thĂ©rapeutique.
Photo 1 Photo 2Photo3
a divination par des grains Tanguin(tangena) Ody ratsy
Annexe 4
REPOBLIKANâI MADAGASIKARA
Tanindrazana âFahafahana- Fandrosoana
--------------- PRESIDENCE DE LA REPUBLIQUE
LOI N° 2006-031 DU 24 NOVEMBRE 2006
fixant le régime juridique de la propriété fonciÚre privée non titrée
EXPOSE DES MOTIFS La loi n° 2005-019 du 17 octobre 2005 fixant les principes rĂ©gissant les diffĂ©rents statuts des terres Ă Madagascar a dĂ©terminĂ© le droit de propriĂ©tĂ© dont celui des propriĂ©tĂ©s fonciĂšres privĂ©es non titrĂ©es, ouvrant ainsi le choix Ă lâusager pour la sĂ©curisation de son droit de propriĂ©tĂ© entre la procĂ©dure fondĂ©e sur lâimmatriculation et celle de la certification objet de la prĂ©sente loi.
Celle-ci dĂ©finit ces propriĂ©tĂ©s fonciĂšres privĂ©es non titrĂ©es et en dĂ©termine leur mode de gestion. La loi sâapplique ainsi Ă toutes les terres occupĂ©es de façon traditionnelle, qui ne sont pas encore lâobjet dâun
rĂ©gime juridique lĂ©galement Ă©tabli ; que ces terres constituent un patrimoine familial transmis de gĂ©nĂ©ration en gĂ©nĂ©ration, ou quâelles soient des pĂąturages traditionnels dâune famille Ă lâexception des pĂąturages trĂšs Ă©tendus qui feront lâobjet dâune loi spĂ©cifique.
ConformĂ©ment au principe de dĂ©centralisation de la gestion fonciĂšre affirmĂ© par la loi de cadrage citĂ©e plus haut, il appartient aux CollectivitĂ©s DĂ©centralisĂ©es de base de mettre en place des Services appelĂ©s « Guichet Foncier » au sein de leur Administration pour gĂ©rer le rĂ©gime de ces propriĂ©tĂ©s fonciĂšres non titrĂ©es. A cet effet, un certain nombre de conditions sont exigĂ©es pour un fonctionnement normal de lâinstitution.
Ainsi, la CollectivitĂ© DĂ©centralisĂ©e de base doit mettre en place un plan local dâoccupation fonciĂšre qui
prĂ©sente les diffĂ©rentes situations fonciĂšres de son territoire tels les domaines publics et privĂ©s de lâEtat, des collectivitĂ©s dĂ©centralisĂ©es ou autres personnes morales de droit public, les aires Ă statuts particuliers, la propriĂ©tĂ© fonciĂšre titrĂ©e et Ă©ventuellement la dĂ©limitation des occupations existantes sur son territoire. Le plan local dâoccupation fonciĂšre constitue un outil dâinformation cartographique de gestion rationnelle des terres par la CollectivitĂ© DĂ©centralisĂ©e. De plus, la CollectivitĂ© est tenue dâintĂ©grer dans son budget le fonctionnement de ce service et elle doit Ă©galement disposer de personnel formĂ© Ă la gestion fonciĂšre. Lâobjet de ce Service foncier communal est de rĂ©aliser la reconnaissance de droits de propriĂ©tĂ© sur les parcelles occupĂ©es. Un acte de reconnaissance de droit de propriĂ©tĂ©, appelĂ© « certificat foncier », sera dĂ©livrĂ© Ă lâoccupant Ă la suite dâune procĂ©dure dont les diffĂ©rentes Ă©tapes sont tracĂ©es dans la prĂ©sente loi. Les demandes de reconnaissance de droit de propriĂ©tĂ© peuvent ĂȘtre formulĂ©es soit Ă titre individuel, soit par des CollectivitĂ©s DĂ©centralisĂ©es ou des groupements lĂ©galement constituĂ©s pour le besoin de leurs membres ou par des individus.
La procĂ©dure instituĂ©e pour cette reconnaissance de droit se rend simple et se dĂ©roule essentiellement au niveau de la CollectivitĂ© de base. Il a Ă©tĂ© prĂ©vu toutefois des mesures pour rĂ©gler les litiges qui auraient persistĂ© aprĂšs les diffĂ©rentes mesures de rĂšglement prĂ©conisĂ©es dans la loi. Le certificat de reconnaissance du droit de propriĂ©tĂ© dĂ©livrĂ© Ă lâissue de la procĂ©dure constitue pour le propriĂ©taire la preuve de son droit sur sa propriĂ©tĂ© Ă lâinstar du titre de propriĂ©tĂ© du rĂ©gime foncier des propriĂ©tĂ©s titrĂ©es. A cet effet, le propriĂ©taire pourra exercer tous les actes juridiques portant sur le droit et leurs dĂ©membrement reconnus par les lois en vigueur, liĂ©s Ă la propriĂ©tĂ© titrĂ©e, tels que les ventes, les Ă©changes, la constitution dâhypothĂšque, le bail, lâemphytĂ©ose, la donation entre vifs. La propriĂ©tĂ© pourra Ă©galement ĂȘtre transmise par voie successorale.
Enfin, le certificat foncier peut ĂȘtre transformĂ© en titre foncier dâimmatriculation auprĂšs des Services dĂ©concentrĂ©s de lâEtat chargĂ©s de la gestion du foncier, selon une procĂ©dure qui sera dĂ©terminĂ©e par le texte spĂ©cifique affĂ©rent au rĂ©gime des propriĂ©tĂ©s privĂ©es titrĂ©es.
Tel est lâobjet du prĂ©sent projet de loi.
REPOBLIKANâI MADAGASIKARA Tanindrazana âFahafahana- Fandrosoan
PRESIDENCE DE LA REPUBLIQUE
LOI N° 2006-031 DU 24 NOVEMBRE 2006
Fixant le rĂ©gime juridique de la propriĂ©tĂ© fonciĂšre privĂ©e non titrĂ©e LâassemblĂ©e nationale et le SĂ©nat ont adoptĂ© en leur sĂ©ance plĂ©niĂšre respective en date du 11 octobre 2006 et du 18 octobre 2006,
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE, Vu la constitution ; Vu la décision n° 24-HCC/D3 du 22 novembre 2006 de la Haute Cour Constitutionnel Promulgue la loi dont la teneur suit :
CHAPITRE I DISPOSITIONS GENERALES
Section 1
DĂ©finition Article premier : Le rĂ©gime juridique de la propriĂ©tĂ© fonciĂšre privĂ©e non titrĂ©e est celui qui sâapplique aux terrains qui ne sont ni immatriculĂ©s, ni cadastrĂ©s, et dont lâoccupation est constatĂ©e par une procĂ©dure dĂ©finie par la prĂ©sente loi.
Section 2 Champ dâapplication
Art. 2. â Le rĂ©gime juridique de la propriĂ©tĂ© fonciĂšre privĂ©e non titrĂ©e est applicable Ă lâensemble des terrains, urbains comme ruraux :
- faisant lâobjet dâune occupation mais qui ne sont pas encore immatriculĂ©s au registre foncier ; - ne faisant partie ni du domaine public ni du domaine privĂ© de lâEtat ou dâune CollectivitĂ© DĂ©centralisĂ©e ; - non situĂ©s sur une zone soumise Ă un statut particulier ; - appropriĂ©s selon les coutumes et les usages du moment et du lieu.
Le rĂ©gime juridique de la propriĂ©tĂ© fonciĂšre privĂ©e non titrĂ©e ne sâapplique pas aux terrains qui nâont jamais fait lâobjet ni dâune premiĂšre occupation ni dâune premiĂšre appropriation lesquels demeurent rattachĂ©s au Domaine privĂ© de lâEtat.
En aucun cas, une Collectivité Décentralisée ne peut faire valoir une quelconque présomption de domanialité sur la propriété fonciÚre privée non titrée.
Section 2
Gestion administrative de la propriété fonciÚreprivée non titrée Art. 3.- La gestion de la propriété fonciÚre privée non titrée est de la compétence de la Collectivité Décentralisée de base. A cet effet, celle-ci met en place un service administratif spécifique dont la création et les modalités de fonctionnement seront déterminées par décret.
A cette fin, la CollectivitĂ© DĂ©centralisĂ©e adopte les Ă©lĂ©ments budgĂ©taires, en recettes et en dĂ©penses, permettant de financer le fonctionnement dudit Service. A peine de nullitĂ©, aucune procĂ©dure de reconnaissance de droits dâoccupation ne peut ĂȘtre engagĂ©e par la CollectivitĂ© DĂ©centralisĂ©e avant la mise en place du service, en exĂ©cution dâun budget dĂ©libĂ©rĂ© et validĂ© a priori par lâautoritĂ© compĂ©tente, et la mise en place dâun Plan Local dâOccupation Foncier.
Du plan local dâoccupation fonciĂšre (PLOF)
Art. 4. -Le plan local dâoccupation fonciĂšre est un outil dâinformation cartographique de base :
- délimitant chaque statut de terres avec un identifiant spécifique,
- précisant les parcelles susceptibles de relever de la compétence du service administratif de la Collectivité Décentralisée de base,
- permettant de suivre lâĂ©volution des situations domaniales et fonciĂšres des parcelles situĂ©es sur le territoire de la CollectivitĂ© DĂ©centralisĂ©e de base.
La collectivitĂ© dĂ©centralisĂ©e de base, en collaboration avec les Services domaniaux et topographiques dĂ©concentrĂ©s territorialement compĂ©tents, met en place selon ses moyens, Ă lâĂ©chelle de son territoire, le plan local dâoccupation fonciĂšre. Sont notamment reportĂ©s sur le Plan Local dâOccupation FonciĂšre les parcelles objet dâun droit de propriĂ©tĂ© fonciĂšre titrĂ©e, ou relevant du domaine public. Le Service foncier de la CollectivitĂ© DĂ©centralisĂ©e tient Ă©galement un fichier dâinformation concernant les terrains non titrĂ©s conformĂ©ment aux mentions sus prĂ©cisĂ©es.
Les droits portant sur les parcelles prises en considĂ©ration dans le Plan Local dâOccupation FonciĂšre, sont ceux qui sont Ă©tablis selon la lĂ©gislation spĂ©cifique propre Ă chaque catĂ©gorie de terrains. Toutes les opĂ©rations ainsi que les mises Ă jour obligatoires des informations effectuĂ©es sur le PLOF sont communiquĂ©es rĂ©ciproquement entre le Service dĂ©centralisĂ© de la CollectivitĂ© et le Service dĂ©concentrĂ© territorialement compĂ©tent. Les informations contenues dans les Plans Locaux dâOccupation FonciĂšre dĂ©tenus par le Service dĂ©centralisĂ© de la CollectivitĂ© et le Service dĂ©concentrĂ© territorialement compĂ©tent doivent ĂȘtre conformes.
CHAPITRE 2 DE LA RECONNAISSANCE DE DROIT DE PROPRIETE SUR LES TERRAINS NON TITRES
Section 1
De la demande de reconnaissance de droit de propriété
Art. 5. â La demande de reconnaissance de droit de propriĂ©tĂ© sur les terrains non titrĂ©s occupĂ©s peut ĂȘtre collective, ou individuelle. Elle est conditionnĂ©e Ă la mise en place prĂ©alable dâun Plan Local dâOccupation FonciĂšre selon les modalitĂ©s fixĂ©es Ă lâarticle 4 ci-dessus, et au dĂ©pĂŽt dâun dossier de demande selon des modalitĂ©s qui seront dĂ©terminĂ©es par dĂ©cret.
Paragraphe 1
Des demandes collectives Art. 6. â La demande collective peut Ă©maner soit dâune collectivitĂ© dĂ©centralisĂ©e soit dâun groupement dâoccupants constituĂ© conformĂ©ment aux dispositions lĂ©gales en vigueur. Art. 7. - Lorsque la demande Ă©mane dâune collectivitĂ© dĂ©centralisĂ©e, elle doit ĂȘtre formulĂ©e par le responsable de lâexĂ©cutif local en application dâune dĂ©libĂ©ration.
Art. 8.- Un groupement dâoccupants de nationalitĂ© malagasy, rĂ©guliĂšrement constituĂ©e peut demander Ă la CollectivitĂ© DĂ©centralisĂ©e territorialement compĂ©tente, la mise en Ćuvre de la procĂ©dure de reconnaissance de la propriĂ©tĂ© privĂ©e non titrĂ©e au profit :
a- soit de ses membres ; b- soit du groupement lui-mĂȘme ; c- soit des deux Ă la fois aprĂšs dĂ©libĂ©ration conformĂ©ment Ă ses statuts.
La demande doit mentionner la description des limites et la dĂ©termination approximative de la zone. Art. 9.-Lorsque la demande Ă©mane dâun groupement, elle doit ĂȘtre formulĂ©e par le reprĂ©sentant lĂ©gal de celui-ci ou la personne dĂ©lĂ©guĂ©e Ă cette fin, dans les conditions prĂ©vues par les statuts. Les membres du groupement peuvent aussi, sâils le souhaitent et si les conditions lĂ©gales sont rĂ©unies, demander Ă lâAdministration fonciĂšre compĂ©tente lâĂ©tablissement de titres fonciers.
Paragraphe 2 Des demandes individuelles
Art. 10. - Lorsque la demande Ă©mane dâun individu, celui-ci doit avoir la capacitĂ© juridique, ĂȘtre de nationalitĂ© malagasy et ĂȘtre dĂ©tenteur du terrain dans des conditions fixĂ©es par lâarticle 33 de la loi n°2005-019.
Section 2 De la procédure de reconnaissance
Art. 11.â Pour la reconnaissance de droits de propriĂ©tĂ© sur les terrains non titrĂ©s occupĂ©s, le service compĂ©tent de la CollectivitĂ© DĂ©centralisĂ©e met en Ćuvre une procĂ©dure rĂ©pondant aux conditions suivantes : a) La procĂ©dure doit ĂȘtre publique et contradictoire. A cette fin, des mesures de publicitĂ© sont prises pour permettre Ă toute personne intĂ©ressĂ©e dâĂ©mettre des observations ou de former dâĂ©ventuelles oppositions. Les modalitĂ©s dâapplication du prĂ©sent alinĂ©a seront fixĂ©es par dĂ©cret. b) Cette procĂ©dure est menĂ©e par une commission de reconnaissance locale, dont la composition est fixĂ©e comme suit :
- Le Chef de lâExĂ©cutif de la CollectivitĂ© de base du lieu de la situation des terrains ou son reprĂ©sentant ; - Le(s) Chef(s) de Fokontany, du lieu de la situation des terrains occupĂ©s objet de la reconnaissance ; - Des Raiaman-dreny du Fokontany choisis sur une liste Ă©tablie annuellement par le chef Fokontany sur proposition de la population de celui-ci, et publiĂ©e sur les placards de la CollectivitĂ© DĂ©centralisĂ©e ainsi que du ou des Fokontany intĂ©ressĂ©s.
Les membres de la commission choisissent leur prĂ©sident. Un agent du Service Administratif concernĂ© de la CollectivitĂ© DĂ©centralisĂ©e de base assure le secrĂ©tariat de la commission c) Le Chef de lâExĂ©cutif local fixe par dĂ©cision, la date de la reconnaissance, nomme et convoque les membres de la commission. La dĂ©cision, outre sa notification au demandeur, est affichĂ©e sur les placards administratifs de la collectivitĂ© locale de base jusquâĂ la date de la reconnaissance sur le terrain. La date de la dĂ©cision est le point de dĂ©part de la pĂ©riode de publicitĂ© et de recevabilitĂ© des oppositions, dont la durĂ©e sera fixĂ©e par dĂ©cret. d) LâopĂ©ration de reconnaissance, publique et contradictoire, consiste en :
âą Lâidentification de (des) la parcelle(s) objet de la demande de reconnaissance ;
âą La constatation des droits dâoccupation conformĂ©ment aux dispositions de lâarticle 33 de la loi n° 2005 -019 du 17 octobre 2005.
⹠La réception des observations et oppositions éventuelles ;
âą Le rĂšglement amiable des litiges et oppositions. A lâissue de lâopĂ©ration de reconnaissance, sur les lieux, un procĂšs-verbal est dressĂ© et signĂ© avec avis
motivĂ© par les membres de la commission, les riverains et les demandeurs aprĂšs lecture publique devant les assistants. Art. 12. - Les oppositions peuvent ĂȘtre formulĂ©es verbalement lors des opĂ©rations de reconnaissance ou par Ă©crit adressĂ©es ou dĂ©posĂ©es au service foncier compĂ©tent de la CollectivitĂ© de base ou au moment de la reconnaissance. Les oppositions sont recevables Ă compter de la date du dĂ©pĂŽt de la demande jusquâĂ lâexpiration dâun dĂ©lai de 15 jours aprĂšs la date des opĂ©rations de reconnaissance. Seules seront recevables les oppositions fondĂ©es sur une emprise rĂ©elle dans les conditions de lâarticle 33 de la loi prĂ©citĂ©e. Les oppositions non tranchĂ©es lors de la reconnaissance sont mentionnĂ©es au procĂšs-verbal.
Le rĂšglement des oppositions est soumis Ă la sentence arbitrale prĂ©alable du prĂ©sident de lâorgane dĂ©libĂ©rant, assistĂ© de deux conseillers. La sentence arbitrale est susceptible de recours dans les vingt jours de sa notification devant le Tribunal Civil qui statue en dernier ressort suivant la procĂ©dure des rĂ©fĂ©rĂ©s. La dĂ©livrance du certificat de reconnaissance de droit de propriĂ©tĂ© privĂ©e non titrĂ©e est suspendue jusquâĂ lâobtention dâune dĂ©cision dĂ©finitive.
Section 3 De la délivrance de certificat foncier
Art. 13. -A lâexpiration du dĂ©lai sâil nây a pas dâopposition, le Service administratif compĂ©tent Ă©tablit le(s) certificat(s) de reconnaissance du droit de propriĂ©tĂ© privĂ©e non titrĂ©e portant sur le(s) terrain(s) occupĂ©(s) objet de la demande. Le certificat foncier est signĂ© par le Chef de lâexĂ©cutif de la CollectivitĂ© DĂ©centralisĂ©e de base. La remise du certificat foncier ne peut intervenir quâaprĂšs paiement des droits et redevances y affĂ©rents. Le Service Administratif compĂ©tent met Ă jour le Plan local dâoccupation fonciĂšre en y reportant les parcelles ayant fait lâobjet de la procĂ©dure de reconnaissance de droit.
Section 4 Valeur juridique du certificat foncier
Art. 14. - Les droits de propriĂ©tĂ© reconnus par le certificat sont opposables aux tiers jusquâĂ preuve contraire. Les litiges et contestation relatifs Ă ces droits de propriĂ©tĂ© seront rĂ©glĂ©s selon les dispositions du chapitre 5 de la prĂ©sente loi.
Art. 15. - En cas de non concordance entre les mentions portĂ©es au certificat foncier et celles des documents du Service Administratif compĂ©tent de la CollectivitĂ© DĂ©centralisĂ©e de base, ces derniĂšres font foi. Art .16. - En cas de dĂ©tĂ©rioration ou de perte du certificat foncier, il peut ĂȘtre procĂ©dĂ© Ă son remplacement selon les modalitĂ©s fixĂ©es par dĂ©cret.
CHAPITRE 3 GESTION DE LA PROPRIETE FONCIERE PRIVEE NON TITREE
Art. 17.- Le droit de propriĂ©tĂ© fonciĂšre privĂ©e non titrĂ©e reconnu par un certificat foncier, permet au dĂ©tenteur de celui-ci dâexercer tous les actes juridiques portant sur des droits rĂ©els et leurs dĂ©membrements reconnus par les lois en vigueur.
Le rĂ©gime juridique de ces droits rĂ©els prĂ©vu dans la propriĂ©tĂ© titrĂ©e est applicable Ă ceux de la propriĂ©tĂ© non titrĂ©e, sous rĂ©serve de la disposition de la prĂ©sente loi. Ces actes doivent ĂȘtre inscrits aux documents du Service Administratif compĂ©tent pour ĂȘtre opposables aux tiers. La procĂ©dure en matiĂšre de saisie des droits est celle fixĂ©e par le Code de ProcĂ©dure civile concernant les immeubles ni immatriculĂ© ni cadastrĂ©. Les modalitĂ©s de mise Ă jour des documents seront fixĂ©es par dĂ©cret.
Lorsque lâacte emporte transfert du droit de propriĂ©tĂ© fonciĂšre privĂ©e non titrĂ©e, le certificat initial est retirĂ© entre les mains du dĂ©tenteur, annulĂ© et remplacĂ© par un nouveau certificat au nom du nouveau titulaire du droit. Art. 18. - La vacance constatĂ©e dans lâexercice dâun droit de propriĂ©tĂ© fonciĂšre privĂ©e non titrĂ©e constitue un motif de dĂ©chĂ©ance de ce droit entre les mains de son titulaire. La vacance consiste dans le fait pour la personne qui dĂ©tient le droit de propriĂ©tĂ© de ne pas se comporter comme propriĂ©taire pendant une pĂ©riode continue de dix ans sauf motif de force majeure. La procĂ©dure spĂ©cifique permettant dâĂ©tablir la vacance sera dĂ©terminĂ©e par dĂ©cret. Cette dĂ©chĂ©ance prononcĂ©e par le Tribunal Civil du lieu de la situation de lâimmeuble a pour effet de mettre en place une curatelle de la gestion de lâimmeuble, confiĂ©e au Service foncier DĂ©concentrĂ© de lâEtat pour une pĂ©riode maximale de deux ans, Ă lâexpiration de laquelle le tribunal, Ă dĂ©faut de manifestation dâintĂ©rĂȘt du propriĂ©taire dĂ©tenteur du certificat foncier, prononce le transfert du droit de propriĂ©tĂ© au Domaine privĂ© de lâEtat.
Art. 19.- Toutes inscriptions et modifications effectuĂ©es sur les documents du Service Administratif de la CollectivitĂ© DĂ©centralisĂ©e de base doivent ĂȘtre communiquĂ©es aux Services fonciers dĂ©concentrĂ©s de lâEtat pour mise en concordance de lâinformation fonciĂšre, selon des modalitĂ©s qui seront fixĂ©es par dĂ©cret. Art. 20. -ConformĂ©ment aux dispositions de lâarticle 24 de la loi n° 2005 019 du 17 octobre 2005 fixant les principes rĂ©gissant les statuts des terres, le titulaire du certificat peut requĂ©rir la transformation de celui-ci en titre foncier selon les modalitĂ©s fixĂ©es par dĂ©cret et conformes aux dispositions sur la propriĂ©tĂ© fonciĂšre titrĂ©e. Art. 21.- La transformation du certificat de reconnaissance de droit de propriĂ©tĂ© en titre foncier ne peut intervenir quâaprĂšs bornage de la parcelle conformĂ©ment aux dispositions lĂ©gales et rĂ©glementaires en vigueur, et le cas Ă©chĂ©ant aprĂšs rĂšglement dĂ©finitif du contentieux. La date du bornage constitue le point de dĂ©part du dĂ©lai dâune durĂ©e de 15 jours ouvrables qui doit permettre de purger les oppositions et dâenregistrer les demandes dâinscription. Les modalitĂ©s de transformation du certificat foncier en titre foncier seront fixĂ©es par dĂ©cret. Art. 22.-AprĂšs immatriculation de la parcelle et crĂ©ation du titre foncier, la Circonscription domaniale et fonciĂšre notifie au Service Administratif compĂ©tent de la CollectivitĂ© DĂ©centralisĂ©e de base, la crĂ©ation du titre, pour mise Ă jour du Plan Local dâOccupation FonciĂšre et du registre parcellaire.
CHAPITRE 4 SANCTIONS
Art. 23.-Toutes les formalitĂ©s et procĂ©dures prĂ©vues aux articles 2 Ă 14 de la prĂ©sente loi sont prescrites Ă peine de nullitĂ©. Cette nullitĂ© peut ĂȘtre soulevĂ©e par toute personne intĂ©ressĂ©e ou Ă lâoccasion de lâexercice du contrĂŽle de
légalité prévu par la législation relative à la Décentralisation.
CHAPITRE 5 REGLEMENT DES LITIGES ET CONTENTIEUX
Art. 24.-Tout litige relatif Ă lâapplication de la prĂ©sente loi concernant un droit rĂ©el immobilier soulevĂ© soit par lâAdministration soit par un particulier relĂšve de la compĂ©tence exclusive du Tribunal civil. Art. 25.-Le rĂšglement des litiges ou des oppositions entre particuliers, relatifs Ă propriĂ©tĂ© fonciĂšre non titrĂ©e doit ĂȘtre recherchĂ© au prĂ©alable par la procĂ©dure de conciliation et dâarbitrage lĂ©galement applicable au niveau de la CollectivitĂ© concernĂ©e, avant de pouvoir ĂȘtre soumis au Tribunal compĂ©tent.
CHAPITRE 6 DISPOSITIONS TRANSITOIRES
Art. 26.- JusquâĂ la mise en place des Services Administratifs des CollectivitĂ©s de base chargĂ©s de gĂ©rer les propriĂ©tĂ©s fonciĂšres non titrĂ©es, les Services dĂ©concentrĂ©s de lâEtat, outre leurs compĂ©tences de droit commun en matiĂšre domaniale et fonciĂšre, assurent la gestion des parcelles dans les conditions de la prĂ©sente loi et de celle relative aux CollectivitĂ©s DĂ©centralisĂ©es de base.
CHAPITRE 7 DISPOSITIONS FINALES
Art. 27. - Les modalitĂ©s dâapplication de la prĂ©sente loi seront fixĂ©es par la voie rĂ©glementaire. Art. 28. - La prĂ©sente loi sera publiĂ©e au Journal Officiel de la RĂ©publique. Elle sera exĂ©cutĂ©e comme loi de lâEtat. Antananarivo le 24 novembre 2006
Marc RAVALOMANANA