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Universit PARIS 7 DENIS DIDEROTTHESE DE DOCTORAT UFR de Physique Ecole doctorale : Constituants lmentaires systmes complexes Spcialit : Interfaces Physique-Biologie

prsente par :

Manuel THERYtel-00012058, version 1 - 29 Mar 2006 sujet de la thse :

CONTROLE DE LA POLARITE DES CELLULES ADHERENTESUtilisation de micro-patrons adhsifs pour la manipulation de larchitecture cellulaire et lanalyse quantitative de lorganisation des cellules en interphase et en mitose

Thse dirige par Michel BORNENS

Soutenue le 24 Janvier 2006 devant un jury compos de :

M. Franois GALLET M. Bertrand FOURCADE M. Pierre GONCZY M. Alexander BERSHADSKY M. Dennis BRAY M. Michel BORNENS

Prsident Rapporteur Rapporteur Examinateur Examinateur Directeur de thse

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RemerciementsCes travaux ont t raliss en association avec de nombreux chercheurs, physiciens, chimistes, informaticiens ou biologistes, qui ont particip aux dveloppements des techniques exprimentales et la rflexion gnrale sur les mcanismes cellulaires impliqus dans les comportements observs. Ces changes chaleureux entre des communauts scientifiques diffrentes furent trs enrichissants. Les questions souleves sur la forme des cellules et larchitecture du vivant ont galement intrigu quelques personnes en dehors de ces communauts scientifiques et je tiens remercier celles et ceux qui ont particip et soutenu tous ces projets. Peu aprs mon arrive au laboratoire, Michel Bornens ma donn carte blanche et un important budget grer comme si jtais un vrai chercheur alors que javais encore les marques des bancs de lcole. Jai t trs touch par une telle confiance et cette responsabilisation fut un encouragement tout aussi important que lenthousiasme dont il a toujours fait preuve en regardant mes rsultats. Au-del de ses qualits scientifiques reconnues, jai beaucoup apprci la retenue dont Michel a su faire preuve pour me laisser une grande libert de fonctionnement et la capacit de mexprimer de faon personnelle dans mon travail. Je suis galement trs redevable Matthieu Piel pour les heures quil a pass me dcrire ses observations et sa comprhension des proprits physiques et biochimiques du centrosome. Sur son nuage, Matthieu partage toutes ses ides pour le plaisir de la discussion et de la science. Son got pour lexhaustivit et la rigueur dans largumentation mont permis de me familiariser avec les questions qui lintressaient la fin de sa thse. Pierre Nassoy et Damien Cuvelier furent les exprimentateurs fous lorigine des techniques employes. Ce fut un grand plaisir de pouvoir la fois djanter avec eux et discuter srieusement des finesses exprimentales et thoriques de nos expriences. Patricia Bassereau accepta gnreusement que jemploie leurs techniques barbares lacide sulfurique et leau oxygne dans son laboratoire. Ce fut un spectacle assez original de voir Matthieu prsenter le centrosome selon Thodore Boveri (1885) au got de la microfluidique Anne Ppin et Yong Chen du laboratoire de photonique. Ils ont tout de mme accept de faire des microstructures pour les cellules, cest alors que jai ralis que le chercheur tait vraiment quelquun de libre. Jean-Baptiste Sibarita a fait preuve dune patience remarquable lorsquil ma appris manier tous ses microscopes, saturer tous ses calendriers de rservations et tous ses disques durs. Jai alors pu avoir le plaisir de travailler avec Victor Racine. Son efficacit, pour venir bout de toutes les automatisations ncessaires lanalyse des milliers de cellule filmes ou photographies sur les microscopes de Jean-Baptiste, a donn une autre dimension ces travaux. Grce au temps gagn, nous avons pu discuter longuement, de cellules rondes ou carres, en buvant du caf et fumant des cigares. Je me rjouis quAndrea Jimenez-Dalmaroni et Franck Julicher aient accept dentreprendre les calculs ncessaires pour valider les hypothses auxquelles nous avions abouti en observant les divisions. Il semble quils soient dj en train dpasser largement notre modle initial et je suis convaincu quavec leurs calculs, ils finiront par nous faire dcouvrir de nouvelles proprits des cellules.

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Les nombreux conseils de Pascal Martin nous ont permis de commencer mettre en place une exprience de micromanipulation de cellules en cours de cytocinse avec une fibre de verre sur laquelle nous avons pass quelques trs bons moments avec Jean-Yves Tinevez. Jespre que nous aurons loccasion de poursuivre cette tude car les premires observations taient tout simplement fascinantes. Je tiens saluer les contributions exprimentales dAriane Dimitrov et dEmilie Dressaire lensemble de ces travaux. Elles ont videmment souffert, au cours de leur stage, dun encadrement assez peu professionnel de ma part mais jespre quelles y ont tout de mme appris des choses intressantes. Jenny Fink sest laisse convaincre de sengager en thse pour prendre la suite de ces travaux. Aprs avoir rtabli lordre dans ce laboratoire je suis persuade quelle fera une trs bonne directrice de cellule. Jai beaucoup apprci de travailler avec Claude Celati, Annie Rousselet, Annie Delouve, Guy Keryer, Anne-Marie Tassin et Nicole Bordes qui ont pass du temps menseigner les techniques de biologie cellulaire et discuter les rsultats obtenus. Je tiens remercier sincrement Josette Gigon-Dsormerie qui sassure quotidiennement que le matriel est disponible et Sylvie Milley qui pris en charge toutes nos dmarches administratives. Elles nous rendent le travail tellement plus agrable. Merci aussi Pascal Silberzan et Axel Buguin qui consacrent beaucoup de temps mettre leur salle blanche la disposition de tout le monde. Les discussions avec Emmanuelle Rivals, Anne Paoletti, Valerie Doye, Armand Ajdari, Franck Perez, Yohanns Bellaiche, Philippe Chavrier et Matthew Morgan ont largement contribu la comprhension que nous avons aujourdhui des observations faites au cours de ces travaux. Monique Arpin et Marina Glukhova moffrirent leurs prcieux anticorps et nous firent ainsi dcouvrir comment les cellules sentaient le patron adhsif. Les djeuners avec Christophe et Damien, comme les apros avec Juliette et Bobo, taient loccasion de rler sur le dos de nos chefs, de discuter de science et de se motiver pour la suite. Des tapes essentielles pour le bon quilibre du thsard. Je tiens dailleurs saluer les actions menes au sein de lADIC par Nathalie Delgehyr, Aurlie Lebel, Sverine Morizur et Marc Dugast pour le soutien des thsards ainsi que la reconnaissance de leur travail de chercheur. Cette association fut galement loccasion dorganiser quelques rassemblements plus ou moins scientifiques dont je garde quelques souvenirs imprissables. Il faut dire quavec James, Bruno, Ewa, et les cochons atomiques, Siau, Anabelle, Isabelle, Benoit, Michela, Stephanie et Katerina , lambiance au quatrime tage tait dj trs chaleureuse et il suffisait de peu pour que les manips du jour finissent en soires endiables. Mon frre Mathias ma fait le grand plaisir de regarder de prs les cellules et la vie du labo. Son regard dartiste ma fait prendre conscience que le travail du chercheur tait la frontire entre le rel et limaginaire. Une frontire qui nous a beaucoup intresss et a guid plusieurs de ses grandes ralisations. La vie des cellules est si fascinante quil est facile de sy engouffrer et de perdre tout contact avec la vraie vie. Marianne ma souvent sorti la tte de leau pour me ramener sur terre. Je naurais certainement pas fait long feu si elle navait t mes cts. Sa patience, sa comprhension et ses attentions me donnaient sans relche toute la force ncessaire.

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TABLE DES MATIERESPREAMBULE............................................................................................................. 6 INTRODUCTION GENERALE ................................................................................... 8 CHAPITRE 1 - FABRICATION ET UTILISATION DES MICRO-PATRONS ADHESIFS ............................................................................................................... 13 I- Procd de micro-fabrication du tampon. ....................................................................... 14 I-1 Fabrication du masque de chrome .................................................................................. 15 I-2 Lithographie UV............................................................................................................. 16 I-3 Fabrication du tampon .................................................................................................... 17 II- Utilisation du tampon ....................................................................................................... 19 II-1 La technique classique de traitement du substrat .......................................................... 19 II-2 La technique Nassoy ..................................................................................................... 21 II-3 Impression de la fibronectine et dpt des cellules....................................................... 23 II-4 Alternatives : le substrat en PDMS, lAgar, le substrat en polystyrne. ....................... 24 III- Les connaissances actuelles de leffet des micro-patrons sur les cellules adhrentes 25 III-1 Surface dtalement, surface dadhrence ................................................................... 25 III-2 Nature du substrat ........................................................................................................ 27 III-3 Gomtrie, angles ........................................................................................................ 28 III-4 Diffrenciation ............................................................................................................. 32 IV- Conclusion sur les micro-systmes................................................................................. 34 CHAPITRE 2 - ORGANISATION INTERNE DES CELLULES ET POLARITE EN INTERPHASE .......................................................................................................... 37 I- Polarit cellulaire................................................................................................................ 38 I-1 Adhsion focales............................................................................................................. 42 I-2 Actine.............................................................................................................................. 49 I-3 Cortex et Membrane plasmique...................................................................................... 54 I-4 Microtubules................................................................................................................... 57 I-5 Interaction actine-microtubules ...................................................................................... 66 I-6 Mcano-sensibilit.......................................................................................................... 72 II- Lorganisation du cytosquelette dactine et de la membrane plasmique dpend du patron adhsif ......................................................................................................................... 77 II-1 Etalement des cellules sur les micro-patrons ................................................................ 77 II-2 Distribution spatiale des fibres de stress et des adhsions- ARTICLE ......................... 78 II-3 Critiques et discussion sur ltude des fibres de stress.................................................. 81 III- La position du noyau, du centrosome, de lappareil de Golgi et lorganisation du rseau de microtubules en rponse au patron adhsif ........................................................ 89 III-1 contrle de la polarit cellulaire par la gomtrie du patron adhsif ARTICLE ...... 89 III-2 Discussion sur la polarit des cellules ......................................................................... 93

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CHAPITRE 3 - BIPOLARISATION DES CELLULES AU COURS DE LA DIVISION ................................................................................................................................103 I- Introduction ltude de la division. .............................................................................. 105 I-1 Leffet du confinement sur la gomtrie des cellules et les contacts inter-cellulaires au cours de lembryogense.................................................................................................... 105 I-2 Divisions asymtriques et rle des marques corticales ................................................ 110 I-3 Dfinition du plan de division ...................................................................................... 117 II- Une mre, deux filles, un patron.................................................................................... 120 II-1 De la cellule tale en interphase la cellule ronde en mitose ................................... 123 II-2 Orientation du fuseau face aux fibres de rtraction..................................................... 127 III- Contrle de laxe de division des cellules avec les micro-patrons............................ 129 III-1 contrle de lorientation du fuseau - ARTICLE ........................................................ 129 III-2 Discussion sur lorientation des divisions.................................................................. 133 III-3 Effet de la taille et de la surface du patron adhsif ................................................... 139 III-4 Effet de linhibition de la polymrisation de lactine, de lactivit des myosines II, des tyrosines kinases et celles de type Src................................................................................ 140 III-5 Un mouvement asymtrique du fuseau avant lanaphase .......................................... 144 IV- Modle physique pour lorientation du fuseau ........................................................... 148 IV-1 Les modles actuels ................................................................................................... 148 IV-2 Modle thorique dorientation du fuseau - ARTICLE............................................. 150 IV-3 Effet de la densit corticale des fibres de rtraction et divisions asymtriques......... 159 V- Conclusion sur les divisions............................................................................................ 170 CONCLUSION GENERALE....................................................................................171 ANNEXE 1 ARTICLE MICROTAS 2005 ..............................................................175 ANNEXE 2 BREVET WO2005/26313 A1.............................................................179 ANNEXE 3 - MOVIES LEGENDS ...........................................................................183 REFERENCES ........................................................................................................195

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PrambuleIl est probable que les jeunes chercheurs qui auront ce manuscrit en main nen liront pas la moiti. Sil est une seule chose qui puisse leur tre utile ce serait ventuellement ltat desprit dans lequel ont t raliss ces travaux plus que les rsultats en eux mme qui je lespre seront prims rapidement, signe que les voies ouvertes auront t empruntes. Luc Valentin a eu cette phrase pour accueillir les tudiants du DEA : Ceux qui mettent au point de nouveaux systmes exprimentaux sont ceux qui verront les choses sous un angle original. Les systmes classiques conforteront la vision classique. Soyez fous et vous ferez des dcouvertes. Aprs trois ans de thse, ces propos qui ntaient au dpart quun encouragement pour nous donner confiance face la dure tche qui nous attendait, me semblent aujourdhui empreints dune profonde vrit. On ne sait pas toujours exactement la question que lon souhaite poser et il est souvent difficile de sapproprier la question prcise que votre directeur ou votre directrice vous a propos. Cela peut sembler vident mais il faut commencer par prendre le temps de regarder les cellules. Jamais un chercheur ne retrouvera son premier regard sur les cellules et cest pourtant celui qui lui ouvre le plus de portes. Plus tard il est difficile de conserver un regard clair, exempt dides prconues. Pourtant Claude Bernard explique trs justement dans lIntroduction ltude de la mdecine exprimentale que cest la seule faon de faire de la science exprimentale. Il sinterroge : O donc se trouve [] la diffrence entre lobservateur et lexprimentateur ? La voici : on donne le nom dobservateur celui qui applique les procds dinvestigation simples ou complexes ltude des phnomnes quil ne fait pas varier et quil recueille, par consquent, tels que la nature les lui offre. On donne le nom dexprimentateur celui qui emploie les procds dinvestigation simples ou complexes pour faire varier ou modifier, dans un but quelconque, les phnomnes naturels et les faire apparatre dans des circonstances ou dans des conditions dans lesquelles la nature ne les lui prsentait pas. Dans ce sens, lobservation est linvestigation dun phnomne naturel, et lexprience est linvestigation dun phnomne modifi par linvestigateur. Lexprience est effectue dans un certain but. Mais finalement peu importe le but car celui-ci devra tre mis de ct au moment o il faut observer le rsultat. En effet ds le moment o le rsultat de lexprience se manifeste [] lexprimentateur doit [] disparatre ou plutt se transformer instantanment en observateur. [] Lexprimentateur doit forcer la nature se dvoiler [] mais il ne doit jamais rpondre pour elle ni couter incompltement ses rponses en ne prenant dans lexprience que la partie des rsultats qui favorisent ou confirment lhypothse. Il faut donc ncessairement exprimenter avec une ide prconue mais ensuite observer sans ide prconue. Lexprience ne cherche pas confirmer une ide mais en faire natre une autre. Ce qui tait trs original dans cette conception du schma dj bien connu exprienceconclusion-hypothse-exprience, cest le dtachement dont Claude Bernard fait preuve par rapport son ide originale. Loin du plaisir quon peut prouver en validant une intuition originale, il valorise lapparition dune nouvelle ide. Toutes les ides sont envisageables, dans la mesure o elles naissent partir dune observation juste du rsultat exprimental. Cela ouvre un champ immense limagination du chercheur. Il ajoute, nous pouvons suivre notre sentiment et notre ide, donner carrire notre imagination, pourvu que toutes nos ides ne soient que des prtextes instituer des expriences nouvelles qui puissent nous fournir des faits probants ou inattendus et fconds. Il propose l une vision moderne de la science qui utilise le sentiment et 6

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limaginaire. Ainsi, pour construire une exprience, il faut avoir une foi robuste et ne pas croire . Mais dans quelle direction chercher ? Limagination nous emmne parfois sur de multiples chemins que nous voudrions tous emprunter. Nicolas Borghi mexpliquait que ctait cet ventail des possibles qui, pour lcrivain Milan Kundera, teintait notre dmarche exprimentale de son insoutenable lgret. Nous cherchons pourtant tous dans une mme direction et cest encore Claude Bernard qui lnonce clairement : Lexprimentateur veut arriver au dterminisme, cest dire quil cherche rattacher laide du raisonnement et de lexprience, les phnomnes naturels leurs conditions dexistence, ou autrement dit, leurs causes prochaines. Il arrive par ce moyen la loi qui lui permet de se rendre matre du phnomne. Toute la philosophie naturelle se rsume en cela : Connatre la loi des phnomnes. Tout le problme exprimental se rduit ceci : Prvoir et diriger les phnomnes. Un chercheur devrait donc tre philosophe et exprimentateur. Nous avons pu commencer diriger et prvoir le plan dorganisation des cellules. Esprons que, plus tard, nous pourrons en connatre les lois.

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Introduction gnrale

Ce manuscrit prsente une tude exprimentale des mcanismes dorganisation des compartiments intracellulaires au sein des cellules adhrentes de mammifres.

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La cellule est un systme complexe. En effet, les constituants sont trs nombreux. Ils sassocient pour former des assemblages multi-protiques. Ces assemblages ont plusieurs partenaires dans la cellule de telle sorte que la cartographie de lensemble des interactions ne saurait tre reprsente en srie mais ncessite lutilisation dun plan en rseau. De plus, les diffrentes dynamiques qui rgissent la formation des assemblages multi-protiques sont parfois non-linaires. Et enfin, les conditions dans lesquelles ces interactions ont lieu sont extrmement variables.

Les physiciens sintressent de prs la complexit des lois dorganisation des architectures du vivant. Cependant, dans les cellules, lexpression de cette complexit est masque par la multiplicit des interactions et la variabilit des conditions exprimentales. Une approche consiste donc tenter de rduire cette variabilit. Deux stratgies sont possibles et complmentaires. La premire consiste tudier sparment les constituants lmentaires de la cellule puis les assembler en des structures de plus en plus compliques jusqu refaire une cellule. Cest la biomimtique car on mime artificiellement des ractions qui ont lieu dans la cellule. On lappelle aussi "bottom-up" puisquelle propose de partir du simple pour aller vers le compliqu. La seconde, la stratgie "top-down", relve dune dmarche inverse. Elle part du systme dans son intgralit et tente de le simplifier. Pour cela, il est possible de rduire le nombre de constituants, de supprimer des mailles du rseau dinteractions ou de rduire la variabilit des conditions limites. Le jour o ces deux approches se rencontreront, nous serons mme de pouvoir dcrire les lois physiques rgissant lorganisation interne des cellules.

Nous avons choisi de garder la cellule dans son intgralit et de rduire la variabilit des conditions externes. En effet, les cellules en culture dans une boite de Ptri sont dans un environnement qui, leur chelle, semble homogne et sans limite. La dynamique dassemblage et de dsassemblage de leur cytosquelette est telle que les cellules sont en permanence en train de modifier leur forme et le plan dorganisation de leurs compartiments intracellulaires. A linverse, dans un tissu, non seulement elles sont limites spatialement et ne peuvent pas migrer mais en plus elles ne peuvent tablir de contacts qu des endroits bien prcis. Dans de telles conditions, leur forme et la disposition spatiale de leurs compartiments deviennent trs reproductibles dune cellule lautre. Cette comparaison illustre bien le fait que lorganisation interne des cellules est rgie par des lois qui ne sont manifestes et donc analysables que lorsque les conditions limites de leur expression sont strictes et stationnaires.

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Les techniques actuelles de traitement de surface et de micro-fabrication permettent dimposer la cellule un patron adhsif. Les expriences prsentes dans ce manuscrit montrent que lorganisation interne des cellules rpond la gomtrie des adhsions que les cellules peuvent tablir avec leur environnement.

Le grand nombre de mesures et la reproductibilit des conditions exprimentales permettent de faire des tests statistiques afin de comparer avec prcision les rponses cellulaires dans les conditions imposes. Cette analyse quantitative de la rponse cellulaire permet de mesurer le comportement moyen dune cellule et la variabilit de ce comportement.

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Dans un premier temps, cela permet de corrler finement une rponse cellulaire une gomtrie adhsive donne et donc de rendre le systme prvisible. Puis cette prvisibilit devient un outil pour lanalyse et la dissection des mcanismes impliqus lchelle subcellulaire. Cest alors que des modlisations des lois physiques responsables des comportements observs peuvent tre formules mathmatiquement et quil devient possible de confronter les mesures exprimentales aux simulations numriques. Ces approches ntaient possibles que dans les systmes vivants qui offrent une grande reproductibilit comme les levures ou les embryons. Les techniques de micro-fabrication permettent non seulement de crer les conditions de cette reproductibilit mais aussi de manipuler ces conditions, ce qui procure un avantage exprimental considrable.

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Chapitre 1

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Fabrication et utilisation des micro-patrons adhsifs

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Chapitre 1 - Fabrication et utilisation des micropatrons adhsifsIntroduction : En quoi les micro-systmes contribuent-ils ltude des systmes vivants ? Au sein dun organe un ensemble de cellules possde une certaine intgrit. Cette rponse collective, cette cohrence des organisations individuelles, est essentielle au bon fonctionnement de lorgane. Comment les cellules interagissent-elles pour assurer lhomostasie du tissu ? De quelle nature sont les signaux quelles changent ? Existe-t-il une hirarchie des informations ? Comment lensemble de ces informations est-il intgr au sein de la cellule pour produire une rponse ? Ces questions fondamentales continuent de faire lobjet dintenses recherches et de nouveaux outils, les micro-systmes, de taille micromtrique, permettent aujourdhui dapporter des rponses exprimentales ces questions. On peut distinguer deux classes de signaux reus par la cellule : les signaux qui diffusent dans le systme humoral et ceux qui ne sont prsents que trs localement. A lchelle de la cellule les premiers sont homognes et proviennent parfois dune source trs loigne, ces molcules des hormones (facteurs de croissance, dclencheurs apoptotique,..)vont donner une information globale. Leurs interactions avec des rcepteurs spcifiques sur lensemble de la surface de la cellule dclenchent des voies de signalisation qui modulent ltat gnral de la cellule (quiescence, division, diffrenciation, apoptose). Les seconds proviennent dune source trs proche voir mme de contacts directs que la cellule tablit avec ces voisines ou avec la matrice fibrillaire qui lentoure. Ils donnent une information locale subcellulaire. En plus de la nature de ces contacts leur localisation procure une information spatiale la cellule. Ces informations permettent la cellule dorganiser le positionnement de ces composants dans lespace et de diriger certaines de ces activits (scrtion, migration). Cette organisation spatiale qui diffrencie certaines zones par rapport dautres polarise lactivit de la cellule. La cellule est alors oriente en rponse aux inhomognits externes. Cette capacit sentir les diffrences dans lespace et agir de faon dirige est dterminante, aussi bien au cours de lontogense (de lembryon lorganisme) que lors du fonctionnement et du renouvellement du tissu diffrenci. Les micro-systmes sont des outils issus des technologies de la micro-lectronique. La fabrication de circuits et de composants lectroniques miniatures a t dtourne pour produire des chambres, des canaux, des capteurs, des manipulateurs de cellules. En ralisant des outils dix cent fois plus petits que la cellule on peut recrer lensemble des inhomognits de lenvironnement que la cellule rencontre au sein dun tissu (Li Crit Rev Biomed Eng 03 et autres papiers de Folch A). Ceci ouvre un champ dtude immense, celui des mcanismes participant la polarit des systmes vivants. Les mcanismes molculaires impliques dans la polarit sont tudis depuis longtemps mais lchelle de toute la cellule. Les micro-systmes permettent des stimulations locales. Cest donc la faon dont la cellule sent et sorganise dans lespace que lon peut tudier. Ce paramtre, lespace, manque cruellement une grande partie des modlisations numriques utilises pour la comprhension des interactions molculaires lchelle de lensemble de la cellule (la system biology ).

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I- Procd de micro-fabrication du tampon.La mthodologie employe est trs simple. A son bureau, on se saisit dun tampon, on limbibe dencre et on applique le tampon sur une feuille de papier pour transfrer lencre qui sest dpos sur le relief du tampon. La mthode employe est la mme avec un relief microscopique et des protines dadhsion la place de lencre. Le principe utilis lors de la fabrication du tampon ncessaire limpression des micro-patrons tient en trois tapes. Tout dabord la ralisation dun masque optique, une plaque de quartz transparente sur laquelle des motifs opaques ont t dessins avec un faisceau dlectrons. Puis lutilisation de ce masque pour insoler une couche de rsine photosensible aux ultra-violets (UV) et permettre la fabrication dun moule en relief. Enfin la fabrication dun tampon en coulant un gel sur le moule et en le faisant rticuler chaud. Le tampon ainsi fabriqu est imbib de protines qui peuvent tre alors imprimes sur une surface pralablement traite (voir II). Ce procd, limpression par micro-contact ou micro-contact printing permet de dposer des protines uniquement sur les zones du substrat en contact avec la partie haute du relief du tampon. Il est alors possible de laisser saccrocher des cellules sur les zones tamponnes et ainsi de contrler leur position (sur un rseau de micro-patrons par exemple) et leur forme (Singhvi et al., 1994). Lensemble des procds de micro-fabrication pour le dpt slectif de protines fait lobjet dune rcente revue trs complte (Whitesides et al., 2001). Une autre se concentre tout particulirement sur limpression par micro-contact, ses variantes et ses applications (Quist et al., 2005). Le processus de photolithographie pour la fabrication de micro-patrons adhsifs a plus de 10 ans (Singhvi et al., 1994; Jackman et al., 1995; Xia et al., 1996).

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Figure 1.1, la technique dimpression par microcontact.

Sur la figure 1.1 on peut voir de haut en bas et de gauche droite : linsolation de la rsine photosensible aux UV travers le masque de chrome, la rsine grave aprs rvlation, le PDMS coul sur la rsine, puis loxydation du tampon en PDMS, ladsorption de la fibronectine, limpression de la fibronectine sur la lamelle silanise et enfin le greffage du PEG dans les zones sans fibronectine.

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I-1 Fabrication du masque de chromeLes motifs sont gravs sur une plaque de quartz transparente avec un faisceau dlectrons. La rsolution des motifs dpend de la largeur du faisceau. Le dessin dun nombre lev (plusieurs milliers) de grands motifs (plusieurs dizaines de microns) peut ncessiter plusieurs jours. En augmentant la puissance du faisceau, et donc sa largeur, le dessin est plus rapide mais moins bien rsolu. Pour les masques fabriqus au cours de ces travaux, la gravure dun rseau de motifs de quelques dizaines de microns espaces de 100 microns sur une surface de 10cmx10cm ncessite une dizaine dheures avec un faisceau de 2 3 m de large. Cette tape a t ralise en collaboration avec Anne Ppin et Yong Chen du laboratoire de photonique et nanostructures (LPN) de Marcoussis. Protocole exprimental : Lithographie aux lectrons dun masque de quartz couvert de chrome. - Les motifs ont t dessins sous le logiciel L-Edit et transfrs dans un format propre la machine de pilotage du faisceau dlectron (Leica EBPG 5000+ nanowriter). - Un masque optique de quartz est couvert de chrome puis dune rsine sensible aux electrons. - Le faisceau dlectron bombarde les zones correspondantes au motifs dessins sous L-Edit ce qui stabilise ces zones. - Le masque est rvl 30 secondes dans du dveloppeur pur (AZ-Developer, Clariant, Frankfurt, Allemagne) ce qui degage les zones non-bombardes et rvle le chrome sous-jacent. - Puis les zones de chrome ainsi dcouvertes sont dtruites (alors que les autres sont protgs par la rsine) par 1 minute de traitement au 3144 Puranal (Honeywell). - Enfin la rsine restante est dissoute dans lactone ce qui rvle les motifs de chrome. Cette tape doit tre ralise en salle blanche pour viter les poussires dont la taille se rapproche de celle des motifs gravs. Ce type de masque est galement disponible commercialement (CompuGraphics Inc. www.cgi.co.uk). Il suffit de fournir le dessin dsir. La suite des oprations tant ralisable dans nimporte quelle salle blanche ou grise comportant un minimum dquipement (hotte, spin-coater, plaque chauffante, lampe UV).

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I-2 Lithographie UV

Lclairement aux UV dune rsine photosensible travers ce masque permet de crer des zones fragilises ou renforces par les UV (selon que la rsine est positive ou ngative). La rvlation de ces diffrences par dissolution des zones les plus fragiles dans un rvlateur fait apparatre le relief attendu. Protocole exprimental : Gravure dune couche de rsine photosensible sur un wafer de silicium. - Laver ventuellement le wafer lactone. - Spin-coater quelques millilitres de rsine AZ100 (positive) 6000 tour/minute pendant 30s pour obtenir une paisseur de 10m. - Cuire la rsine 2 95C puis 2 105C. Laisser refroidir. - Placer, la main, le masque en contact avec la rsine. Appuyer fort. Insoler aux UV (450nm) pendant 30s. - Rvler avec un mlange eau/AZ400 (3/1) pendant 130. - Laver rapidement la rsine a leau en agitant. Scher lazote gazeux. - Placer le wafer dans une enceinte ferme avec un rcipient contenant 2mL de trichloro-mthoxysilane afin que les vapeurs se dposent sur la rsine crant ainsi une couche danti-adhsive. La rsine SPR220-7.0, spin-coate 2000t/min pendant 1, cuite 3 115C, insole 45s et rvle 130 avec du LDD26W pur donne le mme rsultat. Il faut diminuer la vitesse au cours de ltalement de la rsine, augmenter le temps dinsolation et de rvlation pour faire des motifs plus hauts. Cette insolation est ltape limitante pour la rsolution des motifs. En effet la diffraction des UV 450nm sur les motifs largi le dessin de plusieurs centaines de nanomtres. Et plus la couche de rsine photosensible est paisse plus la zone insole slargit. Par consquent il devient difficile de bien contrler les motifs dont la hauteur dpasse les 50 100m (selon les rsines), moins bien sr de prendre en compte llargissement du motif au cours de linsolation profonde dans le dessin initial sur le masque. Les motifs crs au cours de ces travaux font 10m de haut.

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Figure 1.3 Sur cette image on voit le moule (la rsine photosensible) grave.

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I-3 Fabrication du tampon

Le tampon sobtient en coulant un gel sur le relief de la rsine grave pour en obtenir un ngatif. Une fois polymris le gel est dcoll de la rsine et prt tre utilis. La plupart du temps le gel est en poly-dimthyle-siloxane (PDMS). Protocole exprimental : fabrication dun tampon en PDMS sur une rsine grave. Les tapes suivantes ncessitent toujours une bonne propret (idalement en salle blanche sous une hotte strile sinon) pour que les poussires ne se dposent ni sur le moule ni dans le PDMS. - Mlanger le gel non rticul avec 1/10 de rticulant (kit Sylgard184, Dow Corning, distribu par Arrow Electronics) dans un bcher. - Retirer sous vide les bulles dair cres au cours du mlange : placer le bcher dans une cloche vide et aspirer. Ouvrir pour faire exploser les bulles en surface ou simplement stopper laspiration et attendre. - Verser le mlange sur le moule et ventuellement, si les motifs sont trs fins, aspirer sous vide pour dgager lair emprisonn dans les motifs. - Mettre le tout cuire 2 3h 60C (ou 1h 100C). Il parat que 12h lambiante fonctionne galement. - Dcoller la semelle de PDMS. Il est possible daccrotre le module lastique du PDMS en augmentant la proportion de rticulant et le temps de cuisson.

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Figure 1.4 Sur cette image on peut voir le relief sur le dessus du tampon en PDMS. Les motifs, ici des [L] de tailles varies sont entoures de cadres permettant une bonne tenue mcanique de lensemble au cours de limpression. Il y a 100 m entre chaque motif.

Il est possible de faire une copie du moule en PDMS en en faisant le ngatif du ngatif. En effet si le tampon en PDMS est silanise (en le mettant 1 heure dans une cloche sous vide avec quelques gouttes de tridcafluoro-trichloromthyl-silane) il est possible de lui couler du PDMS dessus et den faire le ngatif. Grce la silanisation les deux morceaux de PDMS seront aisment sparables. Ces copies en PDMS du moule initial ont non seulement lavantage de permettre de garder une version supplmentaire du moule en cas de casse mais aussi de supporter le moulage de liquide chaud comme lagar liquide coul 70C qui dtriorerait la rsine. En effet le tampon en agar est une alternative au tampon en PDMS, il est hydrophile car gonfl deau ce qui permet une impression beaucoup plus homogne

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quavec un tampon en PDMS. Cependant lhumidit de la zone de contact limite la rsolution des motifs imprims. Les rsolutions de lordre du micron ncessaires limpression des motifs utiliss au cours de ces travaux semblent la limite des capacits de la technique telle que nous lavons mise en oeuvre.

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II- Utilisation du tamponA partir de cette tape lutilisation dune salle blanche (sans poussire) nest plus indispensable si lon suit le procd dcrit en II-2, la propret dune hotte de culture est suffisante. Au cours de cette tape il faut traiter la surface du substrat de faon ce quelle puisse recevoir les molcules imprimes dans les motifs et les molcules rpulsives autours des motifs. Le groupe de Georges Whitesides qui a dvelopp lensemble de cette technologie utilise un traitement non trivial mettre en oeuvre qui permet une prcision suprieure ce quil a sembl ncessaire pour russir les motifs dsirs. Pierre Nassoy, Institut Curie, a mis au point une silanisation du verre permettant un couplage au PEG plus simple dutilisation.

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II-1 La technique classique de traitement du substrat

Dans les rgles de lart le substrat est un wafer de silicium sur lequel on dpose une fine couche de titane puis dor (Mrksich et al., 1996). Lor a lavantage de crer une liaison covalente avec le souffre. Le tampon de PDMS est donc imbib dun alcanethiol (thiol = groupe SH), une molcule hydrophobe et linaire fonctionalisable aux deux extrmits, et mis en contact avec la couche dor. Les groupes thiols ragissent avec lor et les alcanethiols forment une monocouche auto-assemble sur la surface dor. Dans un deuxime temps, le substrat imprim est immerg dans une solution contenant un deuxime alcanethiol contenant, loppos du groupe thiol, un groupe rpulsif ladsorption des protines et des cellules comme le poly-thylne-glycol (PEG) (Prime and Whitesides, 1991; Mrksich et al., 1997). Ces alcanethiols forment leur tour une monocouche sur la surface dor restante autour des motifs imprims. Enfin de la fibronectine est dpose sur le substrat, elle se lie au premier alcanethiol et pas au second du leffet rpulsif du PEG. La fibronectine saccroche donc sur les motifs imprims uniquement. Ceci permet de contrler lendroit et la faon dont les cellules vont pouvoir saccrocher (Singhvi et al., 1994; Mrksich, 1998) (Ostuni ColloidsSurfacesB Biointerfaces 99)

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Figure 1.5 Microcontact sur couche dor. Tan et al., Langmuir, 2002.

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La fabrication de monocouches auto-assembles dalcanethiols ou de silanes sur des film dor ou de SiO2 pour le dpt de protines par impression par CP est un procd long qui ncessite lutilisation dune salle blanche pour chaque lame imprime. La nature de la monocouche et le traitement du tampon de PDMS permettent de matriser finement la qualit de limpression (Tan Langmuir 02). Une telle prcision nest pas toujours ncessaire et il est possible dimprimer directement la fibronectine avec le tampon sur un film lui mme en PDMS puis dajouter la molcule rpulsive (BSA, pluronic) autours des zones imprimes (Nelson Langmuir 02). Dans les deux cas, impression dalcanethiols ou de fibronectine, il est ncessaire doxyder le tampon de PDMS au cur dun plasma air ou oxygne afin de rendre le tampon hydrophile (Xiao Nanotechnology 02, Jan Langmuir 99). Cette tape ne dnature pas les protines imprimes (Flounders et al., 1997). Alternativement, il est possible de dposer les cellules directement sur la surface grave par lithographie plasma puis greffe dun rpulsif trs efficace qui dure deux semaines (tetraethylneglycol dimethyl ether, tetraglyme) (Goessl et al., 2001). Cependant cela demande toujours de refaire une gravure pour chaque exprience. On peut galement utiliser le moule pour faire un film trou en y talant une trs fine couche de PDMS (de hauteur infrieure celle des motifs). On dpose alors le film trou sur un substrat plan puis on y dpose soit la molcule adhsive soit directement les cellules (Wang et al., 2002a)(Ostuni Langmuir 00).

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II-2 La technique NassoyLe protocole utilis au cours de nos travaux est inspir des mthodes publies par Nishizawa et al. et par Cuvelier et al. (Nishizawa M., 2002; Cuvelier et al., 2003). Les premiers impriment de la fibronectine avec un tampon de PDMS sur du plastique silanis sans utiliser dor et de monocouche dalcanethiols, les seconds utilisent une silanisation sur du verre permettant un accrochage covalent du PEG. Protocole exprimental : la silanisation du verre ou du PDMS. - Laver soigneusement les lamelles de verre dans un mlange mthanol/chloroforme 50/50 pendant 12h de chaque ct. Les rincer au mthanol puis les stocker dans de lthanol pur. - Relaver les lamelles pendant 10 avant utilisation. Les scher en soufflant de lair filtr (ou de lazote) pour viter la formation de gouttes au milieu de la lamelle. Les cuire 15 60C pour achever lvaporation des solvants nettoyants et retirer une ventuelle couche deau superficielle. - Prparer le mlange de silanisation : 10mL mthanol + 450L eau milliQ + 86L acide actique glacial. Ne pas y ajouter le silane. - Placer les lamelles dans lenceinte plasma et les oxyder pendant 3 avec une lgre entre dair visible par la couleur violet-rose dans lenceinte : Ouvrir le vide, allumer le courant au max, observer que la couleur de lair ionis vire au violet-rose. Si la couleur sestompe rouvrir un peu larrive dair pour alimenter le racteur en air ioniser Pour une impression sur PDMS taler la tournette une goutte de PDMS mlang son rticulant sur une lamelle de verre propre et cuire 3h 60C puis insrer la lamelle avec le PDMS dans lenceinte plasma. - Ajouter le silane : 250 L de mercapto-propyulrimethoxy silane (Roth Sochiel, SIM6476.0, 96%, ou Fluorochem, S10475, 99%) au mlange de silanisation au dernier moment. Rpartir le mlange dans les racteurs (boite de Ptri). - Plonger les lamelles dans le mlange de silanisation. Fermer le racteur hermtiquement (parafilm). Laisser 2 3 heures lambiante ou la nuit 4C. Pour une silanisation de PDMS 15 lambiante suffisent. - Laver les lamelles silanises dans deux bains successifs de mthanol. Les scher en soufflant de lair filtr (ou de lazote) pour viter la formation de gouttes au milieu de la lamelle. - Cuire les lamelles 15 60C pour retirer toute leau rsiduelle car leau inhibe le silane.

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SH CH3 O H3C O Si O CH3 SH CH3COOH pH = 4.5 CH3OH OH Si HO OH Si SH OH Si OH OH Si OH Si

1) Hydrolyse des groupements mthoxy

(3-mercaptopropyl)-trimethoxysilane

2) - H2O : greffage du silane sur la lameSi silanol OH Si O Si O Si O Si

Figure 1.6 Greffage du silane sur le verre activ au plasma (Genescore)

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Leau et lacide actique facilitent le dpart des groupes mthoxy du silane pour permettre la liaison du Si du silane avec le Si-OH du verre pour former des liaisons siloxane (Si-O-Si) trs stables. Il est envisageable damliorer/modifier ce protocole notamment en essayant de changer le mthanol en thanol et de rduire la quantit deau. Ce protocole remplace celui qui a t utilis pendant la premire partie des travaux et cit dans larticle intitul The extracellular matrix guides the orientation of the cell division axis . Celui-ci ne comportait pas une activation du verre au plasma mais au piranha. Les lamelles de verres, laves comme prcdemment sans tre chauffes 60C ( tort), taient immerges dans un mlange eau oxygne/acide sulfurique (30/70), nomm piranha cause de sa capacit brler et ronger tout ce qui est organique, pendant 5 puis laves dans de leau milliQ puis immerges dans du mthanol avant dtre plonges dans le mlange de silanisation. Ce protocole tait beaucoup plus dangereux, plus long et lactivation du verre avant la silanisation semblait moins efficace. Une autre silanisation avec 2% de mercaptotrimthoxysilane dans du trichlorthylne pendant 12h temprature ambiante et stockage sous argon 20C pour protger les groupes SH (Liu Colloids and Surfaces B :Biointerfaces 96) semble aussi trs efficace mais na pas t teste au laboratoire.

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II-3 Impression de la fibronectine et dpt des cellulesCe protocole est galement inspir des mthodes publies par Nishizawa et al. pour limpression et par Cuvelier et al. pour la PEGylation (Nishizawa M., 2002; Cuvelier et al., 2003). La fibronectine est adsorbe sur le tampon de PDMS oxyd (hydrophile) puis imprime sur la lamelle silanise (hydrophobe). Ladsorption de la fibronectine est plus efficace sur un substrat hydrophile quhydrophobe mais cest sur un substrat hydrophobe quelle est la plus efficace pour ladhrence des cellules (Grinnell and Feld, 1982). Protocole exprimental : impression de la fibronectine et PEGylation du silane. - Utiliser un tampon propre. Loxyder pendant 5 10 secondes dans une enceinte plasma. - Dposer la solution de fibronectine (50g/mL dont 1/10 de fibro-Cy3 dans de leau) sur la surface oxyde. - Laisser la fibronectine sadsorber pendant au moins 10 minutes lambiante. - Aspirer le liquide. Scher en soufflant de lair propre ou en aspirant sous vide jusqu ce que les traces dhumidit disparaissent mais pas plus longtemps. - Retourner le gel sur la lamelle silanise (froide) en linclinant pour ne pas emprisonner dair. Si un front dadhsion laissant apparatre les cadres-supports du gel nest pas visible, appuyer dlicatement sur le gel dun bord vers lautre. - Laisser la fibronectine se transfrer pendant 10 minutes. - Peser le PEG : pour faire une solution PEG-malimide (Shear Water mPEG-MAL MW : 5000, ref 2D2MOH01, ce produit a disparu et est maintenant remplac par le 2E2MOH01) 20mg/mL dans du PBS. Compter 100L pour une lamelle de 25mm et 50L pour une lamelle de 18mm. Ajouter le PBS au PEG au dernier moment. Dposer les gouttes sur du parafilm. - Retirer dlicatement le tampon de la lamelle et mettre le tampon dans de leau. Retourner la lamelle sur la goutte de PEG. Laisser ragir 1h lambiante. - Passer les tampons aux ultrasons puissants avec une sonde. Rincer leau propre. Scher lthanol absolu. Scher lair. Stock le tampon sec labri de la poussire. - Rincer dlicatement la lamelle avec du PBS deux fois 10 minutes. Dposer les cellules dessus dans du milieu avec le moins de srum possible (0,1% de srum suffit les garder en vie). Ou stocker sec, si possible sous argon, et si possible 20C dans un rcipient hermtique.

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Figure 1.7 Cette image montre la fibronectine-Cy3 imprime sur une lamelle de verre silanise. Il y a 100 m entre chaque patron.

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II-4 Alternatives : le substrat en PDMS, lAgar, le substrat en polystyrne.

Les tampons hydrophiles, Hydrogels, fait dacryloyl-methylglactopyranoside (AMA) rticuls par du methylenebisacrylamide (ME) ou de lethylne-glycol-dimethylacrylate (EG) permettent de tamponner des produits hydrophiles (Martin Langmuir 2000). De mme les tampons en agar permettent de faire des impressions rptes et plus homognes que les tampons en PDMS. Seulement ces tampons schent lair et donc ne peuvent tre conservs. Le substrat en PDMS sest montr trs efficace pour les cellules HeLas mais aussi pour les MEFs (fibroblastes embryonaires de souris). Il est silanisable aprs activation au plasma. Est-ce parce que le PDMS soxyde bien avant la silanisation la rendant ainsi trs efficace ou parce que ce substrat est plus mou quune lamelle en verre ce qui naide pas les cellules forcer dessus et donc sortir des patrons (voir le chapitre mcano-transduction) ? Limpression de fibronectine sur des boites de culture de bactrie (poly-styrne non trait pour ladhsion des cellules) cest rvle trs efficace au laboratoire (citer le papier de J Neuroscience). Ce procd a lavantage dtre trs rapide car il ne ncessite ni silanisation ni greffage de PEG. Il est galement moins coteux. Le seul inconvnient vient de la lgre opacit et lautofluorescence du plastique. Limagerie classique en vidomicroscopie laide dun microscope invers nest alors possible quen contraste de phase et faible grossissement. Pour des marquages fluorescents il faut clairer les cellules par au-dessus pour viter que le chemin optique ne passe par le plastique.

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III- Les connaissances actuelles de leffet des micro-patrons sur les cellules adhrentesLes micro-patrons adhsifs nont t que peu utiliss au regard de leur potentiel. Quelques groupes utilisent cette technique. Aucun produit fini nest disponible commercialement et peu dquipes en biologie ont accs des laboratoires de microfabrication. Seules les collaborations entre les groupes de Georges Whitesides et Donald Ingber Harvard ont donn lieu aux premires observations de cellules sur micro-patrons adhsifs. Dautres groupes commencent sy intresser. Dans toutes ces expriences les micro-patrons ont servi de contrainte gomtrique, imposant la cellule une surface dtalement donne. Lintrt de Donald Ingber pour la mcano-transduction a souvent amen ces quipes tudier la modulation de la signalisation biochimique en rponse une surface impose.

III-1 Surface dtalement, surface dadhrencetel-00012058, version 1 - 29 Mar 2006 Bien que le lien entre la forme des cellules due leur talement/ancrage et leur rythme de prolifration tait dj connu (Folkman and Moscona, 1978), les micro-patrons ont permis de dmontrer cette corrlation de manire quantitative et de distinguer les diffrents signaux pouvant participer cet effet. La surface dtalement et donc la forme de la cellule influe sur le devenir des cellules (prolifration, quiescence ou apoptose) indpendamment de la surface dadhrence (Chen et al., 1997). Pour cette dmonstration les auteurs ont compar ce quil advenait de cellules tales sur des surfaces compltement adhsives et des cellules couvrant une aire quivalente sur un substrat fait de petits disques adhsifs spars de zones nonadhsives.

Figure 1.8 A droite on mesure le taux de croissance et de mort cellulaire des cellules ayant des surfaces projetes de plus en plus grandes mais des surfaces dadhrence constantes. Cest la surface projete qui est le paramtre critique influenant la mort ou la division des cellules. (Chen et al., 1997).

Cet effet de la forme de la cellule sur le cycle semble corrl labsence daugmentation du taux de cyclin D1, qui devrait normalement avoir lieu la transition G1/S, Kip1 et labsence dinactivation du rpresseur du cycle p27 chez les cellules rduites un faible

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talement. Cet effet de ltalement sur les cyclines peut tre mim par une destruction du cytosquelette ou de sa contractilit (Huang et al., 1998). Cet effet de la forme sur la prolifration est un moyen indirect dtude de linhibition de contact. Au del dune certaine densit, des cellules saines arrtent de se diviser. Est-ce du la rduction de leur talement ou aux contacts avec leur voisines ? Les micro-patrons ont galement permis de dmontrer leffet de laire de contact cellule-cellule sur la prolifration des cellules. Linhibition de la voie PI3K et la sparation physique des cellules taille gale affecte cette prolifration. Cet effet vient effectivement du contact cellule-cellule car un flux empchant la diffusion humorale ne perturbe pas les effets observes (Nelson and Chen, 2002). Il semble bien que ce soit la surface dtalement et non la surface dadhrence qui influe sur la quantit dadhsions focales et leur contenu en vinculine et phosphotyrosine (Chen et al., 2003). La quantit de vinculine et de taline recrute au niveau des adhsions dpend linairement de la surface de contact pour de faibles surfaces (infrieure 300m2) puis atteint un plateau (Gallant et al., 2005). En parallle, la contractilit et la phosphorylation des chaines lgres des myosines sont galement dpendant de ltalement des cellules et de lengagement des intgrines (Polte et al., 2004). Le niveau dactivation de ROCK, rvl par la phosphorylation de MYPT1, est corrl avec le degr dtalement des cellules dposes sur des patrons carrs de diffrentes tailles (voir Figure 1.9) (McBeath et al., 2004). tel-00012058, version 1 - 29 Mar 2006Figure 1.9 Les cellules round sont petites (1024 m), les cellules spread sont grandes (10 000 m). Gauche MYPT1, qui tmoigne du niveau de contractilit de la cellule, est plus exprim chez les grandes que chez les petites cellules. Y27632 est une drogue qui sert de contrle car elle inhibe la contractilit : sans contractilit il ny plus de diffrence entre les expression de MYPT1 selon les talements (McBeath et al., 2004). Droite Selon leur talement les cellules vont se diffrencier en adipocyte ou en ostoblastes.

Les surfaces utilises sont toujours assez isotropes (disques et carrs) et les effets sont toujours attribus la surface dtalement. On peut toutefois supposer que le paramtre critique est la longueur et non la surface de la cellule. En effet, des cellules allonges sur des lignes ont la mme longueur qutales librement deux dimensions (Levina et al., 2001). Ce qui suggre quelles possdent un mcanisme interne de rgulation de leur longueur plutt que de leur surface. Les tudes prcdentes suggrent quil faut rester talement constant pour que les cellules soient dans des tats identiques. Cependant il faut garder lesprit lhypothse selon laquelle ce serait plutt certaines longueurs quil serait critique de conserver. Il ne serait pas surprenant de constater que la quantit dadhsions (nombre, taille et intensit) dune cellule filiforme est plus importante que celle dune cellule tale sur un disque de mme surface.

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III-2 Nature du substrat

La gomtrie nest pas le seul paramtre qui influence la cellule. La nature du substrat et donc le type de molcules engages dans les adhsions modifie galement le comportement de la cellule.

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Des cellules tales sur de fins rectangles de fibronectine dveloppent des fibres de stress dans la direction de leur allongement. Ce champ de contrainte mono-directionnel sur le substrat modifie la distribution des contraintes corticales dans les trois dimensions et des mesures de rigidit sur lensemble du cortex cellulaire montre une anisotropie gnrale le long de la direction du rectangle. Si les cellules sont contraintes de staler sur des rectangles de poly-lysine, qui ne lie pas spcifiquement les intgrines contrairement la fibronectine, les fibres de stress sur le substrat disparaissent ainsi que lanisotropie de la contraction tridimensionnelle du cortex cellulaire. La nature biochimique du substrat joue donc un rle dterminant sur la rponse cellulaire aux contraintes gomtriques (Hu et al., 2004).

Figure 1.10 A gauche une cellule sur un rectangle de collagne faisant des fibres de stress le long du rectangle, droite une cellule sur un rectangle de poly-lysine sans fibre de stress (Hu et al., 2004).

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III-3 Gomtrie, angles

Une des observations majeures est que les cellules contraintes dorganiser leur cytosquelette sur des micro-patrons dveloppent des fibres de stress le long des bords des carrs et le long des bords les plus long des rectangles (Goessl et al., 2001).

Figure 1.11 Cytosquelette dactine (rouge) et noyau (bleu) de cellules musculaire. (Goessl et al., 2001)

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Une autre observation trs importante est que les cellules pithliales confines dans des carrs et stimules avec des facteurs de croissance (PDGF) forment des lamellipodes prfrentiellement dans les angles (Parker et al., 2002).

Figure 1.12 Cellules sur un rond faisant des protrusions partout et cellules sur un carr nen faisant que dans les coins.(Parker et al., 2002)

Ces angles, o les cellules font des protrusions, sont galement les zones o les cellules tirent le plus fort sur le substrat (Figure 1.13) (Wang et al., 2002a).

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Figure 1.13 Une cellule immobilise dans un carr sur un substrat contenant des billes tire dans les coins comme le montre le dplacement des billes (au centre, en microns) dont on peut dduire la contrainte locale ( droite, en Pascal).(Wang et al., 2002a)

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Parker et ses collgues proposent une intressante discussion sur la relation existant entre forme, adhrence, force et protrusion. Lallongement des cellules produirait une orientation prfrentielle des fibres de stress le long de lallongement et par consquent une augmentation de la tension au niveau des coins. Cette tension serait lorigine du renforcement des adhsions et donc de lactivation des protrusions (voir chapitre 2). Cette tude utilise la premire quantification statistique de la morphologie cellulaire sur micropatron pour montrer la localisation des extensions membranaires hors du patron adhsif aprs stimulation. Pour se faire les images de lactine fluorescente de 30 cellules furent binarises pour rendre compte des pixels dont lintensit est suprieure au fond puis moyennes.

Figure 1.14 Premire quantification utilisant lavantage de la reproductibilit de la morphologie des cellules sur micropatrons adhsifs. En haut on peut voir une quantification de la frquence des pixels. Aprs 30 minutes de stimulation au LPA des protrusions sortent dans les coins (Parker et al., 2002).

La corrlation entre la traction sur le substrat et lextension membranaire avait dj t observe sur des substrats flexibles (Pelham and Wang, 1997) et sera discute plus en profondeur dans le deuxime chapitre.

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Les angles ne provoquent pas seulement une augmentation locale de contrainte dans une cellule individuelle mais galement au sein dune population de cellule contrainte dans un grand carr. Les cellules se multiplient plus vite dans les angles et plus gnralement dans les zones de tension du feuillet (Nelson et al., 2005).Figure 1.15 De gauche droite on voit les cellules, un marquage des noyaux et de lactine, et une quantification de lincorporation de BrdU qui tmoigne du rythme de prolifration plus lev dans les coins (Nelson et al., 2005).

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Un modle mathmatique bas sur le renforcement des adhsions par la tension et la disponibilit des intgrines prvoit effectivement que les adhsions saccumulent dans les coins, l o la tension est grande et o le coefficient de diffusion des intgrines est faible (Novak et al., 2004). De surcrot les cellules dveloppent prfrentiellement des protrusions dans les coins les plus aigus et y dposent de la nouvelle fibronectine (Brock et al., 2003). Ces observations laissrent penser que langle le plus aigu correspondrait donc l"avant" de la cellule si elle tait en train de migrer puisquon y trouvait les protrusions, les adhsions et le dpt de fibronectine. Cependant grce un ingnieux systme permettant de dcoller la matrice rpulsive autour des patrons par une impulsion lectrique (Jiang et al., 2003) il fut observe quune cellule allonge sur un triangle isocle avec un angle trs aigu nen sortait pas par langle aigu mais par la base oppose du triangle (Jiang et al., 2005).

Curieusement deux cellules tournent lune autour de lautre si elles sont contraintes spatialement. Ce mouvement est favoris chez les cellules qui ont une grande longueur de persistance dans leurs trajectoires libre (Brangwynne et al., 2000; Huang et al., 2005a).

Figure 1.16 Trois cellules migrant sur un patron discodal. Elles tourneront dautant plus longtemps dans le mme sens quelle ont tendance avancer tout droit sur un substrat sans contrainte gomtrique (Huang et al., 2005a).

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Ces effets gomtriques deux dimensions sont ils pertinents pour des cellules qui voluent en temps normal dans un espace trois dimensions ? Il semble en effet que les formes tales et les protrusions comme les lamellipodes disparaissent rapidement si lon couvre les cellules avec un film de PDMS leur procurant des contacts adhsifs sur la surface normalement libre (Beningo PNAS 04). Les cellules font alors des prolongements filiformes et prennent des formes qui ressemblent celle des neurones avec un corps cellulaire en ballon de rugby et des longues et fines protrusions comme elles le font dans des matrices tridimensionelles (Grinnell, 2003). Donc il est possible que, selon lchelle considre, toutes ces observations et ces quantifications sur la morphologie des cellules deux dimensions (et celles faites au cours de cette tude) ne trouvent aucune correspondance dans des situations physiologiques.

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III-4 Diffrenciation

Leffet de la gomtrie sur lorganisation du cytosquelette est la premire raction intracellulaire. Mais en aval de cette modification des transformations plus profondes vont avoir lieu et lensemble de ltat de la cellule va tre modifi. Ces transformations deviennent manifestes chez des cellules non-diffrencies qui vont voir leur devenir guid par la gomtrie de leur environnement et les modifications que cela induit dans leur cytosquelette. Des cellules non-diffrencies cultives sur des lignes dune largeur de 100m se diffrencient en cordes novasculaires en quelques jours ce qui nest pas le cas si la largeur des lignes est de 200m et plus (Spargo et al., 1994). Ceci semble un raffinement des capacits plus gnrales des micro-pattrons induire la prolifration ou la mort cellulaire selon leur taille (Chen et al., 1997). Ce type deffet de la gomtrie sur le devenir des cellules est particulirement remarquable et surprenant. Donald Ingber dcrit cet effet comme l mergence dun comportement due linfluence de ladhsion et de ltalement sur lactivation de certaines kinases ayant des capacits dterminantes sur lengagement des cellules dans des cascades de signalisation pr-existantes (Ingber, 2003b). De faon intressante, Huang et Ingber reprsentent cet effet sur la signalisation cellulaire comme une grande surface nergtique assez plane mais comportant quelques puits de potentiel correspondant lapoptose, la prolifration ou diffrent tat de diffrenciation. Ltat de chaque cellule serait au dpart assez loin de ces puits et laction de nombreuses kinases dirigeraient leur chemin vers lun ou lautre des puits dont la proximit rend critique le rle de seulement quelque-unes. La gomtrie aurait un effet sur ces kinases (Huang and Ingber, 2000).

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Figure 1.17 Ltat de la cellule (dcrit par la valeur du niveau dexpression dun grand nombre de protines mais schmatis ici par quatre chiffres) est entre autre sous linfluence de la forme de la cellule, son talement, la quantit dadhsion, son tirement. Ltat va donc voluer mais pas nimporte comment : il existe des tats stables comme la prolifration, lattente ou la mort cellulaire. Selon sa forme la cellule peut basculer dans lun ou lautre de ces tats quelque-soit son tat antrieur. (Huang and Ingber, 2000)

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La surface dtalement, par exemple, a un effet direct sur la tension corticale et le niveau dactivation de RhoA. Ce niveau est un paramtre critique qui dirige la diffrenciation de cellule souches msenchymateuses en adipocytes ou en osteoblastes (McBeath et al., 2004) (Figure 1.9). Pour tester cette hypothse de puits nergtiques attracteurs des tats de diffrenciation, Sui Huang et ses collgues ont induit la diffrenciation de neutrophiles par diffrentes voies et suivi lvolution de ltat dactivation de certaines kinases avec des puces ADN. Ils observent quen dpit des diffrents modes de diffrenciation imposs les trajectoires dcrivant lvolution interne de ltat dactivation convergent vers un tat stationnaire unique ce qui confirme leur modle de travail selon lequel il existe des tats prdtermins pour les cellules et quil ny a pas autant dtats que de conditions exprimentales (Huang et al., 2005b). Cette dcouverte importante illustre bien le fait que la reproductibilit des comportements sur micro-patrons adhsifs permet une comprhension des fonctionnements cellulaires qui dpassent largement le cadre de la lecture directe de leffet de la contrainte gomtrique sur la forme de la cellule. tel-00012058, version 1 - 29 Mar 2006

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IV- Conclusion sur les micro-systmesLaugmentation actuelle de lutilisation des micro-systmes pour ltude des systmes vivants ne pourra que progresser pendant les annes venir. Dun ct de nombreux microsystmes se mettent en place pour ne plus travailler avec des millions de cellules de faon assez grossire mais pour nen utiliser que des milliers voire des centaines et pouvoir volont dtecter puis isoler une cellule avant de lemmener un endroit donn. Ainsi des trieurs de cellules, des pompes associes des micro-canaux et des micro-chambres de culture sont en train dtre mis au point sur des puces en PDMS (Chen Electrophoresis 01, Sia Electrophresis 03, Hung Labchip 05). Bientt viendront les micro-lectoporateurs, les micro extracteurs pour rcuprer lADN ou le contenu protique dune seule cellule, les microspectros pour lire ce contenu, et tous les outils qui permettront de miniaturiser lchelle de la cellule unique les techniques actuelles du laboratoire appliques des millions de cellules. Cest ce qui sappelle le lab-on-chip, le laboratoire dans une puce. Et dun autre ct dautres techniques utiliseront le fait quen manipulant les cellules on ne fait pas que les dplacer ou leur imposer des formes on leur donne aussi des informations spatiales qui guident leur comportement. Cest le dbut de la programmation de la cellule. Une cellule souche peut donner nimporte quel type cellulaire, en utilisant les micro-systmes on va pouvoir guider cette diffrenciation. On va tre capable de contrler la multiplication de cette cellule diffrencie ainsi que larchitecture de lassemblage quelle va former. Cest lingnierie cellulaire. La conception des micro-systmes nest limit que par limagination exprimentale des biologistes cellulaire car aujourdhui la prcision de fabrication en micro-lectronique est bien au-del des rsolutions ncessaires lusinage des micro-outils pour cellules. Les orfvres la pointe de la technologie sont aujourdhui tourns vers les nanotechnologies qui concerneront la biologie cellulaire mais surtout la biologie molculaire puisque aujourdhui existe dj des systmes intgrs de PCR sur puce (Thorsen et al., 2002). Mme si les nanosystmes sont prometteurs, les micro-systmes actuels nont trouv que peu dutilisateurs au regard de ltendue de leurs capacits. Les applications en recherche fondamentale (biologie cellulaire) et applique (clinique, diagnostique et pharmacologie) nattendent que les chercheurs en biologie.

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Chapitre 2

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Organisation interne des cellules et polarit en interphase

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Chapitre 2 - Organisation interne des cellules et polarit en interphaseDans ce chapitre nous nous proposons de dcrire larchitecture du cytosquelette des cellules et la disposition de leurs compartiments dans lespace en rponse la gomtrie de ladhsion. Notre approche exprimentale consiste utiliser les micro-patrons adhsifs pour modifier les contraintes spatiales de cette organisation afin de rvler les lois qui dirigent sa mise en place. Dans un premier temps, nous prsenterons ce que nous entendons par polarit cellulaire. Nous dcrirons ensuite les lments du cytosquelette qui composent la cellule et que nous avons manipuls laide des micro-patrons adhsifs. Cette prsentation, rendue forcment linaire par les contraintes de lcriture, ne pourra pas rendre compte de lenchevtrement des structures. Nous avons donc arbitrairement choisi de les prsenter dans lordre de leur dimplication dans le processus de mise en place de la polarit. Ainsi nous dcrirons dabord les adhsions de la cellule, puis les filaments dactine et la membrane plasmique et enfin les microtubules. Cette introduction, tout comme les expriences prsentes ensuite, se concentrera moins sur la nature des molcules impliques que sur les rgles qui guident les assemblages qui se construisent dans la cellule. Ainsi, un paragraphe sera consacr aux interactions entre lactine et les microtubules. Ces deux lments du cytosquelette sont compltement dpendants lun de lautre car ils se sont adapts ensemble au cours de lvolution. Nous finirons cette prsentation en dcrivant la capacit des cellules sentir les proprits physiques de leur environnement et le systme de mcano-transduction qui leur permet de transformer ces sensations en informations biochimiques. Dans un deuxime temps, nous prsenterons notre tude de lorganisation des adhsions et de lactine en rponse la gomtrie des contraintes adhsives imposes par les micro-patrons. Larticle intitul Cell distribution of stress fibres in response to the geometry of the adhesive environement montre que les cellules tablissent des fibres de stress plus paisses, et donc plus tendues, au-dessus des zones non-adhsives. Ce mcanisme leur confre la proprit de compenser une asymtrie mcanique externe par un rajustement interne des tensions et dadopter une forme convexe. Enfin, nous dcrirons la faon dont la disposition dans lespace du noyau et du centrosome rpond lasymtrie du systme actine tablie la priphrie de la cellule dans larticle intitul Adhesive control of cell polarity . Cette tude rvle galement la capacit du centrosome se placer systmatiquement au centre de la cellule en dpit de lasymtrie priphrique. Ces deux tudes, menes sous la contrainte dun temps limit, souffrent dune absence de recul et donc de comprhension mais rvlent des proprits du cytosquelette qui nous semblent importantes.

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I- Polarit cellulaireLa polarit cellulaire dsigne lensemble des mcanismes qui participent lanisotropie architecturale et fonctionnelle de la cellule. La polarit est une proprit constitutive de la cellule. Quelle soit en suspension, tale sur une boite de Ptri, insre la surface ou au sein dun tissu une cellule est toujours polarise au sens o le cytosquelette et le transport intracellulaire un instant donn sont non isotropes. Et quand des cellules sont dites non-polarises elles sont en fait polarises mais individuellement, ce qui produit une absence de polarit globale dans lensemble de la population observe.

La cellule est polariseDs 1883 Van Beneden observa que le centre du noyau et le centrosome tablissait un axe qui confrait la cellule une organisation polarise (van Beneden, 1883). Cette anisotropie constitutive est intrinsque la cellule. En effet, la morphologie des composants de la cellule sest adapte depuis le dbut de lvolution, au besoin de la cellule dtablir un transport orient des protines quelle synthtisait. Le noyau reprsente un volume connexe qui reste inaccessible au cytosquelette et aux autres organites. Les ARN messagers sortent du noyau de faon isotrope. Ces ARN sont ensuite traduits en protines par les ribosomes du rticulum endoplasmique. Puis les protines destines tre scrtes sont collectes dans lappareil de Golgi. Lappareil de Golgi est un empilement de membranes dans lesquelles des moteurs molculaires interagissent avec le rseau de microtubules et se dirigent vers leurs extrmits - . Or le rseau de microtubules est organis autour dun centre organisateur, le centrosome, qui regroupe les extrmits - . Ce rseau nest pas isotrope car il na pas accs au noyau. Donc lappareil de Golgi par lequel transitent les protines est organis autour dun point qui est exclu de la zone dmission des ARN messagers. Les protines semblent donc produites de faon isotrope autour du noyau et collectes vers un centre partir duquel elle sont transportes vers leur compartiment cible ou exportes. Donc le transport des protines et larchitecture du rseau de microtubules sont intrinsquement asymtriques et polariss.

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En dirigeant le transport des ARNm et des protines et le trafic membranaire vers certaines zones de la cellule lanisotropie interne peut guider larchitecture du cytosquelette. En effet, ce transport fournit des lipides dans les zones o lactine polymrise et forme des protrusions membranaires. Ailleurs lactine sorganise en filaments contractiles. Cette htrognit du rseau dactine affecte la croissance et la stabilit des microtubules ce qui polarise le rseau de microtubules. Le cytosquelette, servant lui-mme de guide pour les moteurs assurant le transport des protines, dirige en retour lorientation du trafic intracellulaire. Il existe donc des interactions double sens entre le transport des protines et larchitecture du cytosquelette.

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Lhtrognit de lespace dirige ltablissement la polaritLe cytosquelette, prsent dans tout lespace cellulaire, est sensible la moindre htrognit externe pouvant influencer sa dynamique. De plus, les cellules possdent des systmes enzymatiques de rtroaction positive locale et dinhibition globale qui lui permettent lamplification de fluctuations alatoires de la dynamique de son cytosquelette et par consquent une polarisation spontane du systme. Lassociation de ces deux proprits confrent aux cellules une grande sensibilit lhtrognit des signaux externes qui peuvent ainsi facilement biaiser leur capacit de polarisation spontane (Sohrmann and Peter, 2003; Wedlich-Soldner and Li, 2003; Wedlich-Soldner R., 2003). La dtermination de lorientation de la polarit cellulaire rsulte donc dun ensemble de boucles de rtroactions internes en interaction avec lenvironnement. Bien que le processus dtablissement et de maintien de la polarit ne puisse tre rductible une vision hirarchique, il est possible de dcrire la succession temporelle des vnements que lon retrouve dans un grand nombre de systmes, des levures aux cellules de vertbrs (Nelson, 2003). Daprs James Nelson on peut dcrire la cascade des processus impliqus dans ltablissement de la polarit comme cela : 1Apparition dune marque sur le cortex de la cellule. Cette marque peut provenir dun signal externe (scrtion humorale, blessure, nouveau contact cellulaire) ou dun processus interne (division prcdente, polarit antrieure, fluctuation locale leve). Accumulation, sur cette marque, de complexes de signalisation (Src, PAK, RhoGTPases,). Agglomration de certains lipides et des protines transmembranaires associes (raft, glycosylphosphoinositides, intgrines, cadhrines). Recrutement des protines impliques dans lassemblage et le remodelage du cytosquelette dactine, du cytosquelette dactine ( actinine, profiline, Arp2/3,). Mobilisation de protines du pool cytosolique, notamment celles impliques dans lancrage des microtubules, vers le site cortical par la distribution oriente de vsicules (APC, IQGAP, formines, ). Stabilisation et ancrage des microtubules par les complexes recruts sur le site cortical. Rorientation du ou des complexes organisateurs de microtubules (nuclation et ancrage aux bouts moins par le centrosome) et de lappareil de Golgi. Organisation de lensemble des processus polariss (transport interne, scrtion, endocytose, distribution des forces internes et de celles exerces sur lenvironnement) selon le nouvel axe de polarit.

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Cependant il est important de garder lesprit que ltablissement de la polarit nest pas une succession linaire dvnements. En effet, les composants qui structurent la cellule sont aussi des senseurs qui activent des voies de signalisation. La construction du cytosquelette est en ralit une succession permanente dassemblages et de dsassemblages influencs par des jeux de signalisation croiss. Les boucles de signalisation-assemblage ne sont pas propres chaque constituant du cytosquelette. Les assemblages sont dynamiques et inter-dpendants (Etienne-Manneville, 2004a). Ces interactions se stabilisent finalement autour de positions dquilibres dynamiques. Ces tats stationnaires sont asymtriques. La cellule consomme en permanence de lnergie pour entretenir un tat polaris et temporellement stable bien que hors quilibre, au sens thermodynamique du terme.

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La cellule polarise est compose de domaines structurellement associs mais mutuellement exclusifsLa polarit est manifeste dans des cellules pithliales mais aussi dans des cellules en migration (Lauffenburger and Horwitz, 1996). Nous commencerons par dcrire succinctement lorganisation spatiale des cellules pithliales et fibroblastiques en migration. La polarit embryonnaire sera discut dans le chapitre 3. De manire gnrale, si deux zones de la cellule ont des compositions biochimiques proches mais distinctes et que cette distinction les rend mutuellement exclusives, elles crent deux domaines dans lespace cellulaire. Les positions relatives de ces deux domaines dfinissent la fois une direction et un sens et par consquent un axe de polarit.

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Figure 2.1 Deux cellules polarises : une cellule pithliale et une cellule en migration

Dans une cellule pithliale, plusieurs assemblages partagent le mme axe de polarit (Rodriguez-Boulan et al., 2004; Rodriguez-Boulan et al., 2005). La membrane plasmique basale ne comporte pas les mmes lipides ni les mmes protines transmembranaires et submembranaires que la membrane apicale ce qui dfinit une polarit priphrique. Le cytosquelette dactine est form de fibres assembles en fagot le long des parois latrales et de fibres assembles en un rseau branch dans les protrusions membranaires du ple apical. Ceci constitue une seconde forme de polarit priphrique. Lassociation de la membrane plasmique et des filaments dactine constitue le cortex de la cellule et la polarit de lensemble est dsign sous le terme de polarit corticale.

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Le noyau, do proviennent les ARN messagers, est proche de la membrane basale alors que le centrosome, qui centralise lorganisation des microtubules et du transport des protines, est proche de la membrane apicale. Ceci dfinit une polarit interne, celle de la synthse puis de la maturation et enfin du transport des protines, parallle la polarit corticale. La connexion entre ces deux systmes polariss se fait, entre autre, par lintermdiaire des microtubules qui sont eux-mmes des structures polaires, issues de la polymrisation de monomres asymtriques. Leur polarit guide les moteurs molculaires. Larchitecture du cytosquelette guide ainsi lensemble du transport intracellulaire le long de la membrane latrale vers le ple apical ou le ple basal. En effet, les cellules pithliales sont une interface entre le milieu extrieur et le milieu intrieur par lequel transitent les nutriments ingrs par lorganisme. Linternalisation de composants du milieu externe seffectue au ple apical. Le tri seffectue dans lappareil de Golgi et les composants retenus sont envoys vers le ple basal o ils sont externaliss vers le milieu intrieur. Le transport des protines participe la mise en place de la polarit cellulaire mais en est galement un des aboutissements fonctionnels (Nelson, 2003). Cependant notre tude se limitera lobservation et lexprimentation de larchitecture du cytosquelette. Le transport intracellulaire des protines na malheureusement pas pu tre analys au cours de ces travaux et, par consquent, ne sera pas prsent plus en dtail dans cette introduction. Les adhsions nont pas dhomologue fonctionnel privilgi et ne forment pas de domaines polariss mais elles sont les senseurs de lhtrognit de lenvironnement et leur prsence la limite entre la membrane latrale et la membrane apicale sert de frontire entre les ples antagonistes. Elles sont donc les bases physiques de ltablissement et du maintien de la polarit. Dans la cellule en migration, la plupart de ces anisotropies fonctionnelles sont conserves. La composition de la membrane du bord avant diffre de celle des cts ou de larrire. Lactine forme des fibres contractiles le long de la direction de migration et des protrusions au niveau du bord avant. Laxe noyau-centrosome est orient vers lavant de la cellule. Les microtubules distribuent et organisent lanisotropie des protines synthtises et internalises. Les adhsions focales servent de senseurs de la rigidit externe et sparent le bord avant du corps cellulaire, jouant ainsi leur rle dans ltablissement et le maintien de la polarisation migratoire.

Les paragraphes suivants sont une introduction la prsentation des rsultats obtenus sur lorganisation interne des cellules en interphase sur micro-patrons adhsifs. Ils regroupent des tudes exprimentales et des revues dcrivant les mcanismes dorganisation de larchitecture interne des cellules. Les adhsions, lactine, les microtubules et les voies de signalisation orchestrant leurs constructions seront prsents successivement mais il convient de garder lesprit que tous ces assemblages sont inter-dpendants.

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I-1 Adhsion focalesLes adhsions sont des complexes transmembranaires qui connectent la matrice extracellulaire (MEC) avec le cytosquelette (Abercrombie et al., 1971; Burridge and Fath, 1989). Leur composition molculaire est extrmement riche et varie (Zamir and Geiger, 2001). Elles sont le lien physique entre le cytosquelette dactine et le milieu fibrillaire extrieur. Servant dattache intracellulaire aux fibres dactine contractiles, les fibres de stress, elles sont soumises la tension dveloppe dans ces fibres. Paralllement, elles sont les capteurs des tensions externes transmises par la MEC sur la cellule. Leur tat dpend donc de ces deux connections. En rponse ces stimulations, elles modulent lactivation de nombreuses voies de signalisation dans la cellule. En fonction des voies actives les adhsions vont soit servir de support la nuclation dactine branche et la formation de protrusions membranaires soit dancrage aux fibres de stress et de support au dveloppement de la traction sur le substrat. Deux revues permettent davoir une comprhension globale des interactions MECadhsion et adhsion-cytosquelette (qui sont toutes les deux des inter-actions et non des liens unidirectionnels) et des signaux qui orchestrent ces changes : (Geiger et al., 2001; DeMali et al., 2003)

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Figure 2.2 Reprsentation schmatique des composants dune adhsion. et dsignent les intgrines qui sont des molcules transmembranaires, Vin la vinculine, ERM les protines de la famille ezrin/radixin/moesin, Zyx la zyxine, FAK les kinases des adhsions focales, les filaments rouges reprsentent les filaments dactine (Geiger et al. NatRevMolCelBiol 01).

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Mise en place des adhsions focales et les premiers signaux intra-cellulairesLa taille, la forme et la composition des adhsions dpend de leur temps de vie et des stimulations reues. Lassemblage lmentaire et initial est un complexe focal, puis, selon le type de stimulation interne (signalisation, tension) et externe (composition et proprit mcanique de la MEC), le complexe focal peut mrir en adhsion focale ou en adhsion fibrillaire (Miyamoto et al., 1995; Katz et al., 2000). Le complexe focal apparat prs du bord avant, derrire le lamellipode de la cellule en migration ; il est alors de petite taille et compos dintgrine de paxiline et de vinculine et peut subir de trs fortes tensions (Beningo et al., 2001). Cette tension et leffet des GTPases de type Rho transforment le complexe focal qui grossit en adhsion focale. Sy ajoutent ensuite squentiellement des molcules de zyxine, de taline et de FAK (focal adhesion kinase). Lapparition de tensine signe finalement sa maturation en adhsion fibrillaire (Zaidel-Bar et al., 2003). Lensemble du processus de maturation dpend largement des contraintes mcaniques supportes par les adhsions (Geiger and Bershadsky, 2001).

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La signalisation par les adhsions : Src, FAK et les Rho GTPasesLes adhsions sont les premiers senseurs de lenvironnement cellulaire. De nombreuses kinases et GTPases sont recrutes et/ou actives au niveau des adhsions. La maturation des adhsions se traduit ensuite en activation biochimique dans la cellule par le recrutement et lactivation de nombreuses enzymes. Ces enzymes vont changer de conformation et de potentiel chimique aprs leur activation. Ceci va se rpercuter sur dautres enzymes localises prs des adhsions et induire une cascade de signalisation. Les premires concernes sont les kinases de la famille Src (Playford and Schaller, 2004) et les FAK (focal adhesion kinases) (Cary and Guan, 1999; Parsons, 2003) (Figure 2.3).

Figure 2. 3 Src et FAK sont au cur des signaux gnrs par les adhsions Playford et al., Oncogene, 2004.

Prenons lexemple dune cellule qui commence staler sur un nouveau substrat. Aprs lengagement des intgrines avec la MEC, les adhsions activent Src et FAK ce qui active Rac et Cdc42. Ces jeunes adhsions induisent en mme temps une baisse transitoire de

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RhoA (Figure 2.4). Ensuite elles activent RhoA, ce qui rduit lactivit de Rac et de Cdc42 et augmente la contraction du cytosquelette (DeMali et al., 2003) (Figure 2.4). Ces activations/inactivations dpendent notamment des tyrosines kinases de la famille Src mais aussi des protines tyrosines phosphatases PTP. Les diffrentes tapes au sein de ces voies de signalisation peuvent varier en fonction des types cellulaires. Les intgrines recrutent et activent ainsi la machinerie ncessaire la nuclation de lactine et la formation de protrusions (voir la description de lactine plus tard). Les RhoGTPases, qui modulent lactivit de lactine, ne se lient pas directement aux adhsions mais sont sous leur influence. En retour le devenir des adhsions (dsassemblage, maturation) dpend de ltat des RhoGTPases qui est modul par le cytosquelette (Ridley, 2001). Au tout dbut Aprs quelques minutes

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Figure 2.4 Activation des voies de signalisation suite lengagement des adhsions. Au tout dbut : les intgrines activent Rac et Cdc42. Aprs quelques minutes : les adhsions inhibent Rho (tout en activant Rac) puis activent Rho (DeMali et al., 2003).

La signalisation interne dpend aussi de la nature de lengagement des adhsions avec la MEC. Sur de faibles quantits de fibronectine, Cdc42 et Rac sont actives, ce qui induit la formation de protrusions et la migration des cellules. Alors que sur des quantits plus leves, ces GTPases sont inhibes. RhoA, au contraire, est dautant plus active quil y a de fibronectine, ce qui augmente la contractilit cellulaire et rduit la motilit, notamment si RhoA est activ au del du seuil qui dclenche linhibition de Cdc42 et Rac (Cox et al., 2001).

Leffet du lien entre adhsion et signalisation dans ltablissement de la polarit a t tudi dune faon remarquable par Miguel A. del Pozo et ses collgues. Au terme de trois tudes, ils montrent que les intgrines engages dans des adhsions sgrguent certains rafts lipidiques (voir plus tard la prsentation de la membrane) et que ces rafts, riches en cholestrol, recrutent Rac et p21-activated kinase (PAK) (del Pozo et al., 2000; del Pozo et al., 2002; del Pozo et al., 2004). Les rafts lipidiques sont un intermdiaire entre lactivation des FAK, par les intgrines, et la stabilisation des microtubules cet endroit de la membrane (Palazzo et al., 2004). Ces dcouvertes illustrent le rle initiateur des adhsions dans

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ltablissement de la polarit de la membrane et de lorganisation spatiale des cascades de signalisation Aprs ltablissement du premier contact et la dfinition de la polarit, les kinases de types Src jouent un rle catalytique aux niveau des intgrines ncessaire la migration (Cary et al., 2002). Lactivation des substrats de Src participent la rorganisation du cytosquelette (Arthur et al., 2000; Obergfell et al., 2002). Lactivit des kinases de type FAK est elle aussi implique dans la motilit. Les FAK modulent la rigidit du lien entre les adhsions et les fibres de stress. Elles recrutent certains phospholipides facilitant ainsi la formation de protrusions. Elles sont un intermdiaire de signalisation entre les adhsions et les RhoGTPases qui sont, elles, directement impliques dans la migration (Mitra et al., 2005). Enfin, les signaux gnrs au niveau des adhsions focales (Src, FAK) se transmettent jusquaux cyclines et participent au choix de la cellule de se diviser, attendre ou mourir (Giancotti and Tarone, 2003). Le disfonctionnement de ces rgulations tmoigne dune incapacit des cellules adapter leur forme, leur croissance ou leur dplacement aux informations externes collectes au niveau des adhsions et constitue un signe majeur de transformation (cancrogense) (Jones et al., 2000). tel-00012058, version 1 - 29 Mar 2006

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Tension et adhsionLes proprits de mcano-transduction des contacts focaux sont certain