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© S.A. IPM 2015. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit. Supplément gratuit à “La Libre Belgique” du 23 février 2015 REPORTERS SUSPENDUS AUX LIVRES

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Supplément Libre du 23 février 2015

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Supplément gratuit à “La Libre Belgique” du 23 février 2015

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SUSPENDUS AUX

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3lundi 23 février 2015 - Supplément à La Libre Belgique

Edito

Joseph et la passion des livresPar Francis Van de Woestyne

Appelons­le Joseph. Il a presque 12 ans. Il joueau tennis de table, pratique l’escalade et s’es­saye au piano. Mais son vrai bonheur est dansles livres. À peine rentré de l’école, à peineréveillé, à peine couché, il lit. Non il dévore seslivres. Il a tout ce qu’un enfant de son âgesouhaite, généralement : ipod, ipad, ordinateur.Mais son plus grand plaisir, en dehors desmoments familiaux, ce n’est pas de surfer, c’estde lire. Faire des courses ? Nonmerci. Sauf si,parmi les magasins visités, il y a la promessed’aller se perdre, des heures durant, chez “Fili”(Filigranes), chez “Cook” (Cook and book), ouchez un de ces libraires dont les rayons regor­gent de livres, ses trésors.Son plus grand bonheur ?Découvrir de nouvelles séries ou apprendrequ’un auteur a ajouté un volume aux précé­dents. Aujourd’hui, quel bonheur ­ La Libre en

parle chaque semaine – la littérature jeunesseest d’une incroyable richesse. Car oui, c’estbien au plus jeune âge que la passion de lalecture peut être transmise.À son âge, Joseph voue une véritable passionaux auteurs qui le font vivre dans les mondesqu’ils inventent. Il a dévoré les 4 romansd’Evelyne Brisou­Pellen (“LeManoir”), il aadoré “La quête d’Ewilan” de Pierre Bottero ouencore “Le garçon en pyjama rayé” de JohnBoyne. Il a ingurgité les 17 tomes de “La guerrede clans” d’Erin Hunter. Et la semaine dernière,chaquematin, Joseph avait les yeux fatiguésmais éblouis d’avoir lu, jusque tard dans lanuit, “Les autodafeurs” deMarine Carteron.Sans parler des BD, son autre univers : “Laguerre des Lulus” de Régis Hautière, “Les Qua­tre de Baker Street” de JB Djian ou encore lacollection des Picsou et des Donald…C’est beau, un enfant qui lit. C’est réconfortant.C’est passionnant de l’entendre parler de seslivres, des personnages qu’il y découvre. C’est

enivrant de penser qu’il a toute une vie pourdécouvrir les œuvres contemporaines ou lesclassiques qui attendent ses yeux, son cœur, saraison. Bien sûr, les parents de Joseph lisent.Mais cette sensibilisation à la lecture est aussile résultat d’un travail remarquable de l’écolequ’il fréquente et d’un bibliothécaire en parti­culier qui a su éveiller l’intérêt de Joseph et deses amis au savoir, aux aventures, à la richessedes livres.Car tout est dans le livre. Notre passé, notrehistoire, notre avenir. Apprendre à aimer leslivres, c’est aussi apprendre à aimer les autres,apprendre à aimer la vie. Il n’est jamais trop tôtpour aimer les livres. Ni trop tard d’ailleurs.Car la grand­mère de Joseph, qui n’avait jamaiscroisé de bibliothécaire passionné, a, elle,découvert les livres au soir de sa vie. Et il a falluque ses yeux s’abîment pour qu’elle ralentissela découverte de la littérature. La réponse à nosquestions, à nos hésitations, à nos passions estdans les livres. Joseph le sait déjà.

Supplément à La Libre Belgique. Coordina-tion rédactionnelle: Geneviève Simon. Réa-lisation: IPMPress Print.Administrateur dé-

légué - éditeur responsable: François le Hodey.Rédacteur en chef: Fran-cis Van de Woestyne. Rédacteurs en chef adjoints: Xavier Ducarme etGilles Milecan. Conception graphique: Bruno Bausier, Valérie Moncom-ble, Jean-Pierre Lambert.

SommaireP3. EditoP4-5 Interview de Dany LaferrièreP6. 3 questions à Ana GarciaP7. Interview de Jérôme FerrariP8. Christophe Hardiquest de A à ZP9. Portrait de Thomas LavacheryP10. Portrait de Jose MuñozP11. La collection Espace Nord a trente ansP12. Interview d’Armel JobP13. Interview d’Héctor TobarP14. Que “lit-on” à la Ligue Braille ?P15. Dans les coulisses du prix Première

3

Épinglé

Programme. Du 26 février au 2 mars, Tour & Taxis ac-cueillera tous les acteurs du monde de l’édition. La 45e Foiredu livre de Bruxelles aura pour hôte le Québec, avec unedélégation d’une cinquantaine de représentants emmenés parDany Laferrière, l’invité d’honneur. La thématique choisiecette année est “Les liaisons dangereuses”, qui se prêtera àde multiples déclinaisons.Côté éditorial, il y en aura pour tous les âges et toutes lesenvies : BD, jeunesse, littérature et essais, via des expos, desrencontres, des jeux de piste, des ateliers, des débats, desséances de dédicaces, des animations, une nocturne, desmaster classes,… sans oublier un volet professionnel concer-nant notamment le livre numérique et la traduction. Il y auraaussi différents focus (la littérature italienne, le polar, lecentenaire de la Première Guerre mondiale). Notons encore laprésence du Palais Gourmand, du Carrefour des connaissanceet de l’Espace J. Quant à l’Imaginarium, voulu comme unlaboratoire de la création, il fera vivre la BD lors de perfor-mances.Dans les pages qui suivent, nous avons voulu pointer etdévelopper quelques grands rendez-vous de la programma-tion. D’autres invitations vous seront proposées dans “LaLibre”, au quotidien, pendant toute la durée de cette Foire.Programme complet sur www.flb.beA Tour&Taxis (88, avenue du Port à 1000 Bruxelles) du 26 fé-vrier au 2 mars, de 10h à 19h. Nocturne le 27/2 jusque 22h.Entrée : 5 €/8 €/9 €. Une navette gratuite circulera toutes lesvingt minutes depuis la gare du Nord.

Foire du Livre

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Dany Laferrière, le goût de la liberté et du tempsh Membre de l’Académie française,né en Haïti, il est l’invité d’honneurde la 45e Foire du livre de Bruxelles.

POUR SA 45E ÉDITION, la Foire du livre de Bruxel­les aura pour hôte de son pavillon étranger le Qué­bec. Dany Laferrière (né en 1953 en Haïti), quenous avons rencontré en novembre dernier àMontréal où il vit depuis 1976, en est l’invitéd’honneur, lui qui est sans doute le plus connu desauteurs qui composent l’imposante délégation an­noncée. C’est tout de suite après la mort d’un pro­che ami journaliste, assassiné par les tontons Ma­coute, que Dany Laferrière a fui son pays, redou­tant de subir le même sort. Entré en écriture avec“Comment faire l’amour avec un nègre sans se fa­tiguer” (publié en 1985 à Montréal avant d’être re­pris par Le Serpent à Plume), il a depuis reçu leprix Médicis en 2009 pour “L’énigme du retour” eta été élu à l’Académie française en 2013. Et il écritaussi pour la jeunesse. “Journal d’un écrivain enpyjama” (2013) et “L’art presque perdu de ne rienfaire” (2014), ses deux derniers livres, offrent unesynthèse sincère et formatrice de sa vie d’hommeet d’écrivain. Tous deux fourmillent d’anecdotes,de bonheurs de lecture, de réflexions, de souve­nirs, de conseils. S’en dégagent un amour de la lit­térature et une célébration de la vie riches en sa­veurs, où l’humour n’empêche pas la perspicacité,où la désinvolture ne masque jamais la reconnais­sance.

Dans vos deux derniers livres, vous rendez hommage àBorges. Est-il le plus grand écrivain, selon vous ?

Tout lecteur trouve un poisson pilote. Borgesest le guide des portes étroites. Il a essayé d’êtreen identification avec ce qu’il a écrit. Certainspensent que l’écriture est un idéal à atteindre,lui a essayé de le vivre. Son œuvre n’est pas de lalittérature, c’est une prière. Et la prière a uncôté incantatoire, un mouvement mécanique,qui fait qu’elle devient soi.

Vous avez été élu à l’Académie française, au fauteuild’Hector Biancotti. Quel sens donnez-vous au mot “im-mortel” ?

J’ai rencontré des enfants qui m’ont demandésérieusement, avec une sorte d’avidité, si j’étaisimmortel… Ils sont intrigués par l’immortalitéet ils ont raison car elle permet d’échapper aurythme actuel, entraîné par Facebook, de nepas se raconter chaque minute, chaque jour,mais de ralentir et de remettre l’individu aucœur de la vie. Le mot “immortel” rappelle qu’ilfut un temps où l’humain était au centre de lavie, que ce n’était pas la machine qui le faisaitbouger, mais lui qui faisait bouger la machine.

“Je reste convaincu que la meilleure école d’écriture sefait par la lecture. C’est en lisant qu’on apprend àécrire. Les bons livres forment le goût.” De qui appre-

nez-vous encore aujourd’hui ?Je relis beaucoup. C’est la lecture elle­mêmequi m’intéresse, flâner dans les librairies, liredes passages, choisir un livre qui m’attire.J’évite de donner des noms pour que les gens nedeviennent pas fétichistes. La lecture doit ren­dre libre.

Mais vous avez aussi écrit qu’on ne connaît pas un écri-vain tant qu’on n’a pas vu ce qu’il avait dans sa biblio-thèque…

Avec la vitesse de nos vies, il y a le désir de faireau plus vite, de croire à la recette, alors que l’af­faire est plus longue que ça. Les livres qu’unécrivain lit sont très importants mais cela neveut pas dire que cette formation est transmis­sible, ce n’est qu’une information. Si on lit lesmêmes livres, on ne devient pas l’autre. Il man­quera le goût de liberté et le temps. Les livressont là, dans une bibliothèque, mais il faut desannées pour les ramasser, les choisir, les garder.

“C’est avant d’écrire qu’on est un écrivain.” Pourquoi ?Etre un écrivain, c’est une posture dans lemonde, une façon de regarder, c’est seulementaprès qu’on écrit. Si on va directement à l’écri­ture, on n’est pas écrivain. C’est un vécu quipousse à écrire. Il faut une transformation inté­rieure : l’artiste pose un regard intime. Et il fautdu temps : une aventure d’écrivain, c’est 30 ou40 ou 50 ans. Et si on prend le mauvais tunnel,c’est terrible, car on risque de ne pas aimer cequ’on a fait ni ce qu’on est devenu.

“On est tellement dedans que pour le voir, il nous fautl’imaginer”, écrivez-vous à propos dumonde. La fictionet les romanciers ont donc un rôle important ?

Si on veut connaître un pays, il faut passer parles romanciers et les poètes. On peut apprendreaussi par les chiffres, comme le PIB (produit in­térieur brut) ou l’espérance de vie, mais ils neveulent rien dire si on n’a pas vu commentbouge une société. On s’effraie d’une espérancede vie de 50 ans dans un pays du tiers­mondeen oubliant que Racine a écrit la majeure partiede son œuvre avant 26 ans, que certains géniesou hommes d’affaires font des choses extraor­dinaires très jeunes et que tous ceux qui viventdans les pays riches n’atteignent pas cet âge. Lesromans nous permettent de voir comment lesgens vivent, ce qu’ils font avec le temps qui leurest imparti. De plus, retarder la mort n’est pasnécessairement un progrès : si les vingt derniè­res années deviennent un désastre…

Vous écrivez que le lecteur est l’égal de l’auteur, que“lire est une autre manière d’inventer des formes”.Concernant la poésie, vous dites qu’elle ne se donnepas, qu’il faut la trouver, et que “le poète n’est pas tou-jours celui qui a écrit le poème”…

Le lecteur est essentiel, tout le reste est inter­médiaire : l’éditeur, la presse, la critique… Il suf­fit d’un crayon et d’un bout de papier, et l’autrepeut lire. Le lecteur a un rôle actif. C’est commeen cuisine : pour que le plat préparé ait un sens,il faut que quelqu’un vienne, sente les bonnesodeurs, ait envie de manger. Quand je suis ar­rivé à Montréal, un ami m’a dit : tu sais que jefais à manger et que je mange tout seul. Pour

“On oubliequ’écrire estun travailmanuel.”

in “Journal d’un écrivainen pyjama”.

Par Geneviève Simon (à Montréal)

4 Supplément à La Libre Belgique - lundi 23 février 20154

“Un écrivain,c’est celui

qui le devienten balayanttout sur sonpassage.”in “L’Art presque perdu

de ne rien faire.”

“Vous savez,une idée

ne prend vieque si

on est honnêteavec elle.”in “L’Art presque perdu

de ne rien faire”.

Foire du Livre

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Dany Laferrière, le goût de la liberté et du tempslui, la solitude était parfois pire que la faim. Lelivre ne peut appartenir à celui qui l’a écrit. Ilfaut le désir de le lire. De plus, il arrive souventque le lecteur ait mieux ou plus profondémentressenti un texte, et qu’il accorde plus d’impor­tance à ce qu’on a écrit.

“L’art n’arrive que si onmet sa culture en danger”, obs-servez-vous…

On confond la culture et l’art. On confond l’ap­port de l’Etat et la place de l’individu dans cettequestion. L’Etat doit participer pour que deschoses se réalisent. Mais l’affaire reste une af­faire d’individus : il faut que quelqu’un risquesa peau, son sang, son encre, sa vie, et contestecette culture d’Etat.

“Si vous savez dans quelle langue vous écrivez, c’estque vous êtes tout sauf un écrivain.” Vous pratiquez unfrançais pur, sans expressions créoles ou québécoises :comment vous sentez-vous dans votre langue ?

Ce n’est pas mon problème. J’ai écrit plusieurslivres qui se passent dans mon village natal,dans mon enfance, sans aucune trace de créo­lité, et pourtant les gens qui le lisent saventqu’ils sont en Haïti. L’Ivoirien Ahmadou Kou­rouma, auteur d’“En attendant le vol des bêtessauvages”, revendique d’écrire dans ce qu’il ditêtre une langue sale. Il y a eu Céline et JamesJoyce, différents styles, des gens qui jouent avecla langue. Moi, je n’ai pas d’obsessions en ma­tière d’écriture. Comme le dit le titre d’un demes livres, “Je suis un écrivain japonais” : je nesuis pas dans ce débat.

“J’écris dans la langue de celui qui est en train de melire”, dites-vous d’ailleurs…

Quand vous lisez Tolstoï, vous le lisez en fran­çais en sachant que c’est un écrivain russe, quece n’est pas sa langue mais vous l’oubliez rapi­dement pour entrer dans son univers…

“Si lire c’est faire la connaissance de quelqu’un, relirec’est revoir un ami.”

J’attends la même chose et autre chose en reli­sant. C’est une sensation extraordinaire de sa­voir comment cela va se passer tout en ignorantles transformations : vous avez lu d’autres livresentre­temps et les livres se parlent, se question­nent. Quand on lit beaucoup de livres diffé­rents, c’est qu’on n’a pas le temps de lire, c’estseulement du travail. On ne peut pas lire un li­vre sans en avoir fait le choix. Moi je ne lis quedes livres que j’achète. Quand on vous offre unlivre, on vous demande implicitement enmême temps ce que vous en pensez. Or j’ai étéhabitué à ce qu’on ne me donne pas d’ordre delecture. Offrir un livre en cadeau est donc dé­plorable, car c’est un ordre. Personne ne vousdonne un livre pour vous­même, il vous donneun livre qu’il a aimé.

L’art presque perdu de ne rien faire Dany Laferrière / Grasset / 426 pp., env. 20,90 €

Journal d’un écrivain en pyjama Dany Laferrière / LeLivre de Poche / 329 pp., env. 7,10 €UDany Laferrière sera à la Foire du livre du27 février (cf. page 9) au 1ermars.

PORT

ALI/RA

PHO/GA

MMA

5lundi 23 février 2015 - Supplément à La Libre Belgique5

Épinglé

Québec. Le Pavillon international sera cetteannée dédié au Québec, et proposera une vastelibrairie – une centaine d’éditeurs y serontreprésentés, qui auront emporté dans leursbagages quelque 1300 titres. Rencontres etdébats, jeunesse et poésie, BD et roman… Il yaura de multiples occasions de “tomber enamour”… Seront notamment présents : DanyLaferrière (écrivain), Kim Thúy (romancière etessayiste), Larry Tremblay (écrivain, drama-turge, metteur en scène), Hubert Reeves (astro-physicien et écologiste), Caroline Allard (blog-geuse et auteur jeunesse), Deni Béchard (grandreporter), Sophie Bienvenu (romancière), Natha-lie Blaquière (journaliste, cinéaste, écrivain),

Mylène Bouchard (écrivain, éditrice et chercheuse),Daniel Canty (romancier), David Clerson (écrivain,enseignant et critique), Joël Des Rosiers (psychia-tre, poète et essayiste), Martine Delvaux (roman-cière, essayiste, enseignante), Cyril Doisneau(bédéiste), Andrée A. Michaud (romancière), MartinMichaud (avocat, musicien, scénariste), GabrielNadeau-Dubois (essayiste et chroniqueur), LionelNoël (auteur de polars historiques), Virginia Pésé-mapéo Bordeleau (peintre et romancière), MichelRabagliati (bédéiste), Daniel H. Rondeau (écrivainet enseignant), Sophie Rondeau (auteur jeunesse),Rodney Saint-Eloi (poète, écrivain, essayiste),Patrick Sénécal (auteur de romans d’horreur) etMaude Veilleux (poète et romancière).

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6 Supplément à La Libre Belgique - lundi 23 février 2015

Ferrari, q uantique et lumineux

IL AVAIT REMPORTÉ LE GONCOURT avec “Le ser­mon sur la chute de Rome”. Trois ans plus tard, re­voilà Jérôme Ferrari avec “Le Principe”, un romanmagnifique où on retrouve sa langue somptueuse,ses longues phrases proustiennes, à la fois très pré­cises et poétiques.

Le fil de ce roman est vertigineux puisque le hé­ros en est la mécanique quantique et son fonda­teur, Werner Heisenberg, prix Nobel de physique à31 ans, en 1932. Mais qu’on se rassure, c’est un ro­man et, de plus, très accessible. “Mon livre n’est biensûr ni un traité de mécanique quantique, ni une bio­graphie d’Heisenberg”, nous dit­il, “mais un roman.J’ai une longue histoire personnelle avec la mécaniquequantique que j’ai rencontrée lors de mes études dephilosophie à la fin des années 80. La vision du réelque donne cette physique m’a toujours fasciné. J’ai eu,de plus, toutema vie une affinité sélective pourHeisen­berg dont les écrits m’ont suivi.”

Werner Heisenberg est le père du “Principe d’in­certitude” qui est au cœur du monde quantique,disant qu’à un point de l’infiniment petit, on nepeut plus déterminer à la fois la position et la quan­tité de mouvement (la vitesse) d’une particule. “Ar­rivé au fond des choses, on découvre qu’il n’y a pas defond.” Il écrit dans le roman : “Vous avez regardé par­dessus l’épaule de Dieu, et vous est apparu, à travers la

h Le prix Goncourt 2012 revient avec“Le Principe”, magnifique romanautour de Werner Heisenberg.

Par Guy Duplat

3 questions à Ana Garcia

JEAN

-CHR

ISTO

PHEGU

ILLAUM

E

La commissaire générale inaugurera le 25 février sa18e Foire du livre, la 45e depuis la création de cettemanifestation en 1969.

Comment êtes-vous arrivée à choisir le thème des“Liaisons dangereuses” ?

Grâce à notre envie de poursuivre dans la voietracée avec l’Imaginarium, créé il y a deux anset né de notre volonté de montrer aux jeunesqu’il y en a pour tous les goûts dans l’édition.On veut encourager la lecture, surtout chez lesplus jeunes. Nous vivons à l’ère numérique, no­tre société est hyper connectée, les jeunes pas­sent beaucoup de temps derrière leurs écrans.Or la lecture reste un important vecteurd’émotions. Nous voulions donc que l’Imagi­narium apporte un côté festival des arts pourêtre un événement en phase avec son temps etqu’il mette en avant le fait que le livre est à lacroisée de l’image et du texte. Notre concepts’est développé autour de l’idée d’échange, delien, de liaison, de dialogues. Entre l’image et letexte, il y a un lien fort, notamment à traversles séries, et le cinéma qui adapte beaucoup deromans. On en est venu assez naturellementaux “Liaisons dangereuses” de Choderlos deLaclos, un grand texte du XVIIIe siècle, savou­reux à entendre à voix haute et que beaucoupconnaissent aujourd’hui à travers ses adapta­tions au cinéma et à la télévision.

Ce n’est pas un secret : vous pensiez depuis quelquetemps inviter le Québec. Que représente-t-il pourvous ?

On partage avec les Québécois une languecommune alors que je considère le Québecpresque comme un pays exotique : il nous estfacile de communiquer avec eux mais ils res­tent des Américains. Je suis très attirée par leurcôté show biz : je me souviens d’un festival decontes qu’on avait organisé, il y a dix­huit ans,dans le cadre de la Foire du livre au cours du­quel les Québécois nous avaient conquis parleurs spectacles époustouflants. C’est la mêmechose pour la Nuit de la poésie : ils parviennentà la mettre en scène, à réaliser des performan­ces vivantes autour de textes. Leur approcheest différente de la nôtre.

Quel est le défi de cette 45e édition : dépasser les70000 visiteurs ?

On aimerait tant… Mais notre plus grand défiest de montrer que le livre reste un médium departage de grande qualité. Nous sommes vrai­ment enthousiastes à l’idée de participer à unévénement fédérateur qui procure du plaisir.

G.S.

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Foire du Livre

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7lundi 23 février 2015 - Supplément à La Libre Belgique

Ferrari, q uantique et lumineuxmince surface matérielle des choses, le lieu où se dis­sout cette matérialité.”“Le Principe d’incertitude”, nous dit­il, “est le point

exact où il devient difficile de faire la distinction entrela physique, la philosophie et la poésie. Celam’a fascinéque la pensée humaine puisse arriver en des terres oùelle ne peut plus avancer que par métaphores. Et aveclamécanique quantique, les idées les plus contre­intui­tives, apparemment les plus absurdes, ont montré leurvalidité avec une incroyable constance.”

Dans les années 20 et 30, toute une génération dejeunes scientifiques s’embarqua dans cette aven­ture où Bruxelles, avec les Congrès Solvay, était lecentre. Ils étaient fascinés par la beauté des mathé­matiques et des concepts. “Aujourd’hui, l’école séparele beau et la science, mais tous les textes des physiciensdu début du XXe siècle mêlent étroitement les deux. En2015 encore, un mathématicien éminent comme Cé­dric Villani parle de la beauté d’une démonstration oude sa laideur.”

Jérôme Ferrari applique en quelque sorte ce prin­cipe d’incertitude à la vie même d’Heisenberg dontil restitue les grandes étapes comme des élémentsdiscontinus mais historiquement exacts. La contro­verse continue encore actuellement sur le rôle quejoua Heisenberg sous le nazisme. Pourquoi n’a­t­ilpas fui l’Allemagne nazie ? Nommé, pendant laguerre, directeur du programme allemand Ura­nium (l’équivalent du projet Manhattan américain)pour étudier l’atome civil et la bombe nucléaireéventuelle, issue apocalyptique des recherches desannées 30, a­t­il volontairement ralenti les travauxpour éviter que le Führer ait l’arme suprême ?

Volontairement, Jérôme Ferrari ne tranche pas.“Avec tous les éléments avérés qu’on a, il est impossiblede trancher dans un sens ou l’autre. Il y a une incerti­tude fondamentale qui empêche de juger. Même si per­

sonnellement, j’ai l’intuition, à lire ses textes de1941­42 et à voir comment en 1945, après Hi­roshima, il a pu immédiatement expliquer le fonction­nement de la bombe, qu’il n’a, au minimum, rien faitpour accélérer ce programme.”

Pour tous ces physiciens quantiques, la bombenucléaire fut le “péché”, comme le disait Oppen­heimer, le signe ambigu de la puissance del’homme et, à la fois, de son impuissance. JérômeFerrari imagine les complexes relations si humai­nes qui régnèrent entre les dix physiciens nucléai­res allemands enfermés à Londres au lendemain dela guerre.

En physique quantique, l’observateur est capitalcar il influe sur ce qu’il voit. Dans ce roman aussi,Jérôme Ferrari imagine son jumeau romancécomme observateur s’adressant à Heisenberg, un“regard incarné” d’un homme ayant étudié la phy­sique quantique, vivant en Corse et travaillant àDubaï, comme Ferrari lui­même.

La trajectoire d’un homme, comme celle d’Hei­senberg, n’est rien d’autre qu’une suite de “gout­tes” d’eau dans la chambre à bulles de la physiquenucléaire. On ne peut pas inférer une trajectoire,toute une vie, au départ de ces “gouttes” successi­ves. La réalité d’une vie reste marquée par l’incerti­tude.

Jérôme Ferrari applique enfin ce Principe d’incer­titude à l’écriture elle­même. Il parle même d’un“roman quantique” car “il est fait de bouts de réalité”avec une incertitude sur le fond qui n’empêche pas,bien au contraire, la grande clarté du roman et lasplendeur de son écriture.

Le Principe Jérôme Ferrari / Actes Sud / 164 pp., env.16,50 €. En librairie le 4 mars.UA la Foire du livre le samedi 28 février.

LION

ELLECO

Q/AC

TESSU

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Jérôme Ferrari a obtenu le Goncourt en 2012 pour “Lesermon sur la chute de Rome”.

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8 Supplément à La Libre Belgique - lundi 23 février 2015

Les ados héroïquesde Thomas Lavach eryh Comme Bjorn le morphir,Ramulf se révèle à l’adolescenceet dans l’adversité. Portrait.

INSATIABLE, POLYPHONIQUE ET SINGULIER,Thomas Lavachery manie la plume, la caméraet le crayon avec la même habileté, voyageantd’un univers à l’autre sans difficulté. Auteur, il­lustrateur, également documentariste et dessi­nateur de bandes dessinées (ses premièresplanches sont parues dans le journal “Tintin”),il passe de l’album jeunesse au roman fleuve,semble goûter à tout comme à la vie, s’amuserou s’étonner d’un rien tout en écrivant que lebonheur est chose sérieuse. Né à Bruxelles en1966, il glisse un peu de lui dans chacun de sespersonnages, qu’il s’agisse de Morphir, jeuneviking, de Jojo, le singe de la jungle, ce “typebien”, artiste, réaliste, philosophe et moqueur.Ou, encore, de Ramulf, son dernier­né, quis’est révélé avec le temps. Un peu commel’auteur, qui fut un adolescent très timide mal­gré des chahuts trompeurs. Aujourd’hui,l’homme en impose avec son mètre nonante etsa carrure de boxeur – un sport qu’il pratique –mais sa blondeur vénitienne et sa modestie na­turelle mettent tout de suite son interlocuteurà l’aise. Et à l’abri de l’ennui. Car Thomas Lava­chery, à l’imagination débridée, est de ceux quis’intéressent à des sujets inattendus.

Petit­fils de l’archéologue belge Henri Lava­chery, qui était l’ancien conservateur en chefdes Musées royaux d’art et d’histoire au Cin­quantenaire à Bruxelles et historien d’art, il aréalisé un documentaire sur l’expédition deson aïeul à l’Ile de Pâques en 1934­1935. Onlui doit aussi le très remarqué “Un monde sanspère ni mari” qui nous dit tout sur les Mosos,cette ethnie chinoise aux mœurs sexuelles trèslibres. Toujours en attente d’une éventuelleadaptation cinématographique de “Bjorn lemorphir”, à la demande de Laurent Brande­bourger, scénariste des “Barons”, il travailleégalement à sa “Conversation avec KittyCrowther, autre grande figure de la littératurejeunesse belge, pour les éditions Tandem.

Des projets variés, donc, même si ce qu’ilpréfère, nous dit­il, c’est écrire. Et lorsqu’il en­tame un nouveau roman, il se met à sa table detravail dès 9 heures avec régularité – deux heu­res et demi le matin, deux et demi l’après­midi– et un ordinateur qui le suit en vacances si sonroman n’est pas achevé. Qu’on se le tiennepour dit.

Voilà comment il arrive à la Foire du livre deBruxelles, les bras chargés de nouveautés : “Ra­mulf”, un roman de cinq cents pages qui se dé­roule au Moyen Âge, “Tor et les gnomes”, unpetit roman illustré pour les jeunes lecteurs etles

trois tomes en bande dessinée de “Bjorn le

morphir” adaptés du roman éponyme qui,pour un coup d’essai, ressemblait à un coup demaître. Plus de cent mille exemplaires vendus,en France comme ici ! Peu d’auteurs belgespeuvent se vanter d’avoir réalisé un tel score.

Entre deux tomes de Bjorn, l’auteur illustra­teur bruxellois proposait les aventures de sonnouvel héros, le fameux “Jojo de la jungle”, enalbum cette fois. “J’ai besoin d’aller puiser à uneautre source avant de reprendre, avec l’enthou­siasme nécessaire, les aventures de Bjorn dont jerédige actuellement le huitième et dernier tome”.D’où ce roman autobiographique pour adul­tes, “Itatinémaux”, bourré d’humour, de chats,de chèvres et de reptiles où il conte son en­fance entourée de petites et grosses bêtes.

L’enfance… Voilà un monde dans lequel Tho­mas Lavachery aime voyager et emmener lelecteur. Comme il le fait avec “Ramulf”, ce

ALEXIS

HAUL

OT

“Ces métamorphoses de mes personnages corres-pondent à quelque chose de profond. Ils doivents’éloigner pour exister.”

Hardiquestde A à Z

ACCLAMÉ PAR LE GAULT&MILLAU 2015, qui lui adécerné un exceptionnel 19,5/20, Christophe Hardi­quest est l’un des chefs belges les plus doués. Deuxétoiles Michelin depuis un an, il se devait de publierun beau livre de cuisine. C’est chose faite avec “MyKitchen Alphabet”, ouvrage trilingue (français­an­glais­néerlandais) cosigné avec la journaliste culinairebruxelloise Sandrine Mossiat.

Au gré de cet abécédaire richement illustré par lephotographe Philippe De Putter, on pénètre dansl’imaginaire culinaire du créateur de “Bon Bon”, quise décline en recettes virtuoses superbement mises enscène par la styliste culinaire Inge Van Damme. De “A”comme asperges à “Z” comme Za’atar.

A 39 ans, Christophe Hardiquest est arrivé à uneforme de maturité qui se ressent dans ses assiettes,toujours plus épurées, axées sur le produit. “L’avan­tage de la maturité, c’est de pouvoir aller plus vite à l’es­sentiel”, confirme le chef au parcours étonnant. Forméà l’école hôtelière de Namur puis dans de belles mai­sons en Belgique et aux Etats­Unis, Hardiquest s’estlancé comme chef en 2000 avec un resto éphémèredans un loft privé bruxellois. Avant d’ouvrir en 2001son premier “salond’artisan cuisinier” (un terme qui lesuit depuis) dans un magasin de déco de l’avenueLouise ! Ce “Bon Bon” migre, deux ans plus tard, ruedes Carmélites à Uccle, avant de s’installer, en 2011,dans une maison cossue de l’avenue de Tervueren.

Ces quinze années de création sont résumées dans“My Kitchen Alphabet”, qui compile quelques­unsdes plats phares du chef. A la lettre B, on trouve ainsi le“bar en rocher d’huîtres”, une recette ancienne où lepoisson est cuit dans une croûte non pas de sel maisde coquilles d’huîtres broyées. Sur le même principede la cuisson à l’étouffée au four, le chef a créé unautre de ses classiques : le foie gras en croûte d’argile.Une cuisson magnifique qui conserve toute sa textureet sa saveur au foie gras.

Au gré des pages, Hardiquest se livre sur ses influen­ces (Alain Passard, François Couplan…), sur ses produc­teurs mais aussi sur sa méthode de création, qui fonc­tionne par association d’idées, d’ingrédients, de typesde préparation, classiques ou plus modernes. A “C”comme Cona, on découvre ainsi comment le chef a re­pensé l’utilisation de la célèbre cafetière créée en An­gleterre en 1840. Chez “Bon Bon”, la Cona sert à créerdes bouillons infusés minute à partir d’ingrédientsdéshydratés. Avec de l’oignon doux des Cévennes, descèpes, des noisettes, du thé Lapsang Souchong et deszestes de citron, Hardiquest compose par exemple uneenvoûtante “forêt de Soignes après la pluie”…

Gaufre de Bruxelles à l’anguille fumée et chantilly àl’huile d’argan, tartine de fromage blanc “à la brusse­laire” déstructurée, raviolis Red Hot Chili Peppers trèsrock’n roll… La cuisine d’Hardiquest est ludique, in­classable. Moderne, certes, mais soucieuse de la “mé­moire du goût”. Bref, une cuisine personnelle.Hubert Heyrendt

My Kitchen Alphabet Ch. Hardiquest et S. Mossiat / Stichting Kunstboek / 178 pp., 49,90€UChristophe Hardiquest sera à la Foire du livre le 28février (cf. page 9).

h A 39 ans, le chef de “Bon Bon”publie un livre de recettes inspiré.

Par Laurence Bertels

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Foire du Livre

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9lundi 23 février 2015 - Supplément à La Libre Belgique

Les ados héroïquesde Thomas Lavach ery

jeune homme un peu simplet dont la tête seramise à prix pour s’être indirectement moquéde la belle et orgueilleuse dame Jehanne laPieuse, morte de désespoir après que le singede Ramulf se soit moqué publiquement de sespoèmes. Secrètement épris de la fille du duc etporté par une rage folle, le chevalier de Mont­luc a lancé les Cholériques aux trousses del’adolescent. Lequel va se révéler dans l’adver­sité et surprendre ses poursuivants comme leslecteurs. L’édition est en outre agrémentée desfrontispices dessinés par l’auteur. “Commedans les Jules Verne qui m’ont beaucoup marqué.À l’époque où le numérique arrive, il importe defaire des beaux livres qui ne coûtent pas très chermais qui ont un caractère précieux.”

Épopée initiatique, palpitante et romantiqueà ses heures, “Ramulf” nous plonge dans uneimmersion moyenâgeuse d’autant plus sensi­ble que l’auteur charrie la langue de l’époqueavec jubilation et la colore d’un vocabulaireprécis, riche, varié ou imaginaire. Comme il lefait dans “Bjorn le morphir”, sa bise du grandnord au Fizzland, ses neiges presque éternelleset ses pouvoirs insoupçonnés. Ici aussi, l’enfantva se métamorphoser au fil du récit. La sériedes “Bjorn le morphir” a remporté un tel suc­cès qu’elle a été adaptée en bande dessinéechez Casterman en 2009.

Elle reparaît désormais, mais autrement sé­quencée, chez Rue de Sèvres, l’éditeur debande dessinée lié à l’École des loisirs. Lestrois premiers tomes, “Naissance d’un mor­phir”, “Dans l’enfer des enfers” et “La reinedes enfers”, viennent de sortir en librairie. Lequatrième arrive le 18 mars. Illustrés par Tho­mas Gilbert, ces albums affichent une belle li­sibilité et ne dénaturent pas les romans mal­gré des choix aussi tranchants que l’épée dujeune Bjorn. “J’ai coupé sans état d’âme mais jesuis heureux du résultat et je dois être honnête,c’est Thomas Gilbert qui a fait 80 % du travail !”

Les jeunes lecteurs autonomes se délecte­ront, quant à eux, des aventures de la pêche deTor, au bord du lac, au pays des gnomes et aurègne de Farfajoll. Encore une autre atmos­phère imaginée par cet auteur aventurier.“J’aime l’aventure. J’ai été baigné par Jack Lon­don, Henry Miller et la Norvégienne Sigrid Und­set.” Plus attiré par la nature, les grands espaceset les contrées imaginaires que par les ambian­ces feutrées de la littérature intime, ThomasLavachery finit cependant toujours, après desavants détours, par nous amener au cœur deses personnages. Et on s’en réjouit.

Ramulf Thomas Lavachery / L’école des loisirs,grand format / 618 pp;, env. 19,80 €. Dès 12 ans

Tor et les gnomes Thomas Lavachery / L’école desloisirs, coll. Mouche / 72 pp., env. 7,50 €. Dès 7ans

Bjorn le morphir (3 tomes) Thomas Lavachery etThomas Gilbert / Rue de Sèvres / 70 pp., 90 pp.,94 pp., env. 13 ou 14 €. Dès 8 ansUThomas Lavachery sera à la Foire du livre le27 février et le 1ermars.

Rendez-vous

‣ En tant que partenaire de la Foire du livre, l’équipede “La Libre” vous a concocté un programme riche etvarié. Chaque jour, du 26 février au 2 mars, de 13h à14h, ce sera l’“Heure Libre” en compagnie de nosjournalistes qui vous donnent rendez-vous au Forum.‣ Complexité du cœur, complexité de nos vies.Avec François Emmanuel et Armel Job. Tous deuxpublient un nouveau roman. Tous deux sondent lesméandres de l’esprit humain, les joies et les culpabi-lités, les désirs, les hasards et les trahisons du cœur.Animation : Guy Duplat.‣ Ecrire, c’est s’installer dans un autre pays. AvecDany Laferrière, Kim Thúy et Cyril Doisneau. L’écri-ture est-elle migrante, vagabonde, apatride ? Dansquelle mesure l’endroit où il vit influence-t-il letravail de l’écrivain ? Animation : Geneviève Simon.‣ Mineurs chiliens, la fureur de survivre. AvecHéctor Tobar. Les 33 mineurs chiliens retenus prison-niers de la mine de San José l’avaient décidé entreeux : rien ne filtrerait de leur histoire pendant quatreans. Le journaliste et romancier Héctor Tobar a su lesconvaincre et recueillir leur histoire. Animation :Valentin Dauchot.‣ Réalités et fictions de la débrouille congolaise.Avec Fiston Mwanza Mujila et In Koli Jean Bofane.Deux voix singulières qui parlent de la RépubliqueDémocratique du Congo d’aujourd’hui et plongent laplume dans le chaudron congolais, pour en extraire

le sel et la saveur. Une humanité multiple et vibrantequi, souvent, endure le pire en espérant le meilleur.Animation : Karin Tshidimba.‣ Quand l’infiniment grand rencontre l’infinimentpetit, ils parlent d’humanité. Avec Hubert Reeves etFrançois Englert. L’un est un amoureux des étoiles,fasciné par l’immensité du cosmos. L’autre, prixNobel, a passé sa vie plongé dans les plus minuscu-les des particules et a découvert le désormais célé-brissime boson de Brout-Englert-Higgs. Un face-à-face exceptionnel. Animation : Sophie Devillers.

‣ Enfin, pendant le week-end, deux ateliers serontorganisés par “La Libre”.‣ Démonstration culinaire de Christophe Hardi-quest (“Bon Bon”). Il a obtenu 19,5/20 dans ledernier classement du Gault&Millau : ChristopheHardiquest fera partager sa passion pour l’improvi-sation culinaire lors d’une démonstration forcémentrock’n’roll. (Samedi 28 février, à 11h, au Palaisgourmand)‣ Dans l’atelir de Jeanne Ashbé. Avec une ten-dresse infinie, cette thérapeute du langage a trouvéles mots et les traits pour s’adresser aux tout-petits.Elle viendra livrer aux familles quelques-uns de sessecrets de fabrication et a promis d’emmener quel-ques originaux dans ses cartons… (Dimanche1er mars, à 10h30, à l’Espace J).

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10 Supplément à La Libre Belgique - lundi 23 février 2015

Jose Muñoz,homme et dessinateur libreh Avec son ami Sampayo,l’Argentin a ouvert le champde la bande dessinée.

IL EST DE CES HISTOIRES D’AMOURdont le temps n’atténue par l’incandes­cence, telle que celle qu’entretient l’Ar­gentin José Muñoz, 73 aux prunes, avec labande dessinée. “J’avais 12 ans, je suivaisles cours de sculpture et de peinture dansl’atelier d’Huberto Cerantonio. Il m’aimaitbien, mais était fâché que je me passionnepour la bande dessinée, pour laquelle iln’avait aucune considération. Alors je suisdevenumilitant clandestinde labandedessi­née, enallant suivre les cours deBreccia, sansle dire à Cerantonio”, expliquait­il en fé­vrier 2012, à “La Libre”.

Bien lui en a pris. José Muñoz est depuisdevenu l’une des figures majeures de labande dessinée, consacré en 2007 par leGrand Prix de la ville d’Angoulême. Sonœuvre est dense, poétique, engagée, por­tée par un dessin puissant et singulier, oùdominent le noir et le blanc. “Breccia medisait : Muñoz, la bande dessinée, c’estcomme un tableau d’échec : un carré noir, uncarré blanc, un carré noir. […] Il me répétait :tu dois être clair et te rappeler que ton dessindoit être imprimé, alors tunepeuxpas te per­mettre la confusion. Cette structure de pen­séem’est restée et a été nourrie par le cinémade l’époque. (…) Le noir et blanc, c’est l’abs­

traction, un code qui dit que le blanc est la lu­mière, et lenoir l’ombre.Cette tensionombre­lumière est aussi celle des sentiments. Cetteabstraction ajoute de la réalité à la réalité.”

Son travail se nourrit de son parcours decitoyen du monde, ayant vécu en France,en Espagne, en Italie, en Angleterre, touten restant Argentin, de tout son être.L’auteur et l’homme Muñoz ont été façon­nés par ceux qui ont guidé ses premierspas. Alberto Breccia, bien sûr, mais aussiEric Oesterheld, scénariste et éditeur de lasérie de science­fiction “l’Eternaute”, surlaquelle Muñoz se fit les dents, dès l’âge de14 ans, en tant qu’assistant du dessinateurSolano Lopez. A l’époque, la maison Fron­tera d’Oesterheld éditait aussi un certainHugo Pratt, dont le “Sergent Kirk” laissasur le jeune Muñoz une empreinte indélé­bile. “Moi, je suis un produit dérivé de cesauteurs”, confiait­il en 2012. “Mais noussommes tous les produits dérivés du premierqui a dessiné sur la paroi d’une grotte.”

Il est cependant dans la carrière de JoséMuñoz une rencontre qui constitue untournant. Au début des années 70, le des­sinateur avait émigré en Europe. L’arrivéeau pouvoir de la junte militaire le dissuadede rentrer au pays. En Espagne, il rencon­tre un compatriote fou de littérature et depoésie : Carlos Sampayo. Le coup de fou­dre amical et artistique est immédiat. Quece soit avec Charyn ou Picouly, jamaisMuñoz n’a lié une telle complicité avec unscénariste.

L’un des plus beaux fruits (au goût amer)de leur collaboration est la série dont le

privé new­yorkais Alack Sinner est l’anti­héros, que le public francophone décou­vre dans “Charlie Mensuel”, puis “(A Sui­vre)”. “On s’est mis dans la filière des écri­vains noirs d’alors. Ça nous donnait aussi lapossibilité de parler du paysage politique del’époque, de psychologie des personnages’,rappelle Muñoz, qui offre aux scénariosde Sampayo son dessin expressionniste ethalluciné. “A posteriori, on s’est renducompte que la noirceur d’Alack Sinner faisaitécho à la situation de notre pays, où l’Etatétait devenu assassin et terroriste.” Muñozet Sampayo cosignent également “Le Bar àJoe”, “Sophie”, la biographie de la divamaudite du jazz “Billie Holiday” et celledu mythique chanteur de tango “CarlosGardel”.

Récemment, Muñoz a illustré pour Fu­turopolis “L’Etranger” et “Le PremierHomme”, deux ouvrages d’Albert Camus(son) “dieu laïque”. L’homme a toujoursdes choses à dire, et à dessiner. A sa ma­nière, unique. Interviewé par Erwin De­jasse (1), le dessinateur italien Lorenzo Mat­totti rappelle que “chez Muñoz, une vi­gnette est pensée commeune théorie. Il doit, àchaque fois, y dessiner son idée du mondedans sa totalité. Chacune des images est ununivers, une ouverture vers le monde. Et enrecouvrant successivement de noir les diffé­rents motifs, il redétruit, à chaque fois, lemonde qu’il a construit”.

U(1) “Muñoz et Sampayo vus par...” in“Conversations avecMuñoz et Sampayo”,entretiens réalisés par G. Fofi, CastermanUJoseMuñoz sera à la Foire du livre le 28février.

Par Olivier le Bussy

D.R.

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Foire du Livre

“Noussommes tousles produitsdérivés

du premierqui a dessinésur la paroi

d’unegrotte.”

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11lundi 23 février 2015 - Supplément à La Libre Belgique

Patrimoine“Espace Nord”

DEPUIS PLUS DE TRENTE ANS, la collection “EspaceNord” qui dépend des éditions Les ImpressionsNouvelles (et de la Fédération Wallonie­Bruxelles)met en valeur la littérature belge francophone. Enformat de poche, à un prix raisonnable, les œuvrespubliées sont accompagnées d’une postface explica­tive. De Camille Lemonnier à Grégoire Polet en pas­sant par Maurice Maeterlinck et François Emma­nuel ou Xavier Hanotte, “Espace Nord” proposeautant d’œuvres d’auteurs anciens que contempo­rains. “Il y a les classiques et les classiques de demain”,explique Tanguy Habrand, responsable de la collec­tion. “On essaie d’avoir une bonne répartition. Nouspublions un minimum de seize titres par an, souventune vingtaine, et presque autant en version numérique.Pour le choix des titres, nous négocions les droits soit di­rectement avec les auteurs, soit ses ayants droit ou bienavec les éditeurs car les œuvres sont souvent sorties engrand format avant que nous les publiions en poche.”

Dans les années 80, “il y avait une assez grande mé­connaissance de l’œuvre des auteurs belges francopho­nes”, estime Tanguy Habrand. “On dit qu’un écrivainfrançais sur deux est Belge ! Certains sont édités en Bel­gique, d’autres en France. “Espace Nord” est une façonde proposer cette littérature comme un bloc pour mon­trer qu’elle existe.”

Petit format, petit prix, postface, la collection estdestinée en grande partie aux écoles et universités.Transmettre ce patrimoine culturel aux jeunes esttrès important aux yeux de Tanguy Habrand. “Il y aun rapport à l’histoire. “Espace Nord” n’a pas une dé­marche chauvine, il ne s’agit pas de dire que la littéra­ture belge est la meilleure mais il est important qu’uneinitiative éditoriale conserve le patrimoine. Les auteursbelges choisis sont en général de grands écrivains,commeMaeterlinck par exemple. Il y a aussi un rapportà la proximité. Aujourd’hui, il faut être ouvert vers l’ex­térieur mais aussi avoir le goût du local, comme pourl’alimentation. C’est bon pour le moral de se dire qu’il ya des gens qui comptent, là, tout près de nous. Le grandattrait des auteurs contemporains, c’est aussi la possi­bilité pour les élèves de les rencontrer.”

Depuis quelques mois, l’équipe de la collection“Espace Nord” conçoit des dossiers pédagogiquesgratuits à destination des enseignants, un complé­ment idéal aux notices explicatives présentes dansles livres. “Il y avait beaucoup de demandes de la partdes enseignants. On s’est fixé à douze dossiers pédago­giques par an. Pour l’instant, chaque dossier se rap­porte à une œuvre mais on va développer des dossiersplus transversaux, le surréalisme par exemple ou le na­turalisme ou la poésie francophone. Dans les dossiers, ily a des propositions d’activités qui peuvent avoir lieuen classe.”

Ce mois de février, plusieurs nouveautés sont pu­bliées dont “Madrid ne dort pas” de Grégoire Polet.Ce roman est le premier de l’auteur belge vivantaujourd’hui à Barcelone et a été publié chez Galli­mard en 2005. On pourra aussi lire “Mémoires d’unange maladroit” de Francis Dannemark, “Charlotaime Monsieur” de Stéphane Lambert ainsi que “Lepique­nique des Hollandaises” et “La position dumissionnaire roux” d’Alain Berenboom. Les quatreécrivains seront en dédicace à la Foire du livre (lireci­contre), une belle occasion de les rencontrer.

U Infos : www.espacenord.com

Par Camille de Marcilly

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Débats et rencontres à la Foire

‣ “Espace Nord” sera présent à la Foire duLivre (stand 318). Parmi les rendez-vous propo-sés : un débat sur le thème “Le crowdfundingpour l’édition, une étape bientôt obligée ?”, levendredi 27 février à 14heures au pôle numéri-que, une réflexion “sur ce que pourrait être unevraie politique linguistique, au service ducitoyen” avec Jean-Marie Klinkerberg, BenoîtPeeters et Daniel H. Rondeau le vendredi 27 à17 heures au Café littéraire et une présentationdes dossiers pédagogiques le lundi 2 mars à 12heures à l’Agora.

‣ Dédicaces‣ Katia Lanero Zamora dédicacera “Chroni-ques des Hémisphères”, vendredi 27 février lestrois volumes de sa trilogie de 15h à 16h.‣ Jean-Marie Klinkerberg signe son dernier

opus “La langue dans la cité. Vivre et penserl’équité culturelle” de 18h à 19h.‣ Stéphane Lambert signera son recueil derécits “Charlot aime Monsieur” de 19h à 20h.‣ Grégoire Polet dédicacera son roman “Ma-drid ne dort pas” vendredi 27 de 20h à 21h etdimanche 29 de 14h à 15h.‣ Benoît Peeters dédicacera ses ouvrages dontl’essai “Lire Tintin. Les bijoux ravis” samedi28 février de 14h30 à 16h.‣ Véronique Biefnot et Francis Dannemarksigneront “Au tour de l’amour”, “La route descoquelicots” (Castor Astral) et “Mémoires d’unange maladroit” samedi 28 de 16h à 18h.‣ Alain Berenboom sera présent pour “LePique-nique des Hollandaises” et “La positiondu missionnaire roux” le samedi 28 de 18h à19h et le dimanche 29 de 16h à 17h.

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12 Supplément à La Libre Belgique - lundi 23 février 2015

Piégés so us terre pendant 69 joursh Le journaliste américain Héctor Tobara rencontré les 33 mineurs chiliensbloqués dans la mine de San José en2010. Il revient sur leur expérience.

LE MARDI 3 AOÛT 2010, Juan Carlos Aguilar se lancedans un voyage de 1500 kilomètres à travers le Chilipour rejoindre Copiapo, petite ville de 160000 habi­tants enclavée dans la région désertique de l’Atacama.Une zone montagneuse et aride où les précipitationssont si faibles qu’on ne trouve quasiment aucune tracede vie animale, mais quantité d’or, de fer et de cuivre. Ilest rejoint en cours de route par Raul Bustos, l’un de sestrois mécaniciens, puis par Mario Sepulveda, un grandgaillard un peu brutal qui embarque lorsque le buspasse par la capitale, Santiago.

Avec 30 de leurs collègues, tous les trois s’apprêtent àentamer sept jours de travail dans la mine de cuivre de SanJosé. Une exploitation de taille moyenne réputée pour soninsécurité dont vient de ressortir l’équipe de nuit. “Lamine pleure beaucoup”, mettent­ils en garde. Des tonnes depierres n’ont cessé de tomber suite aux grondements de lamontagne, mais cette agitation interne n’est pas inhabi­tuelle, la montagne est vivante et les mineurs ne le saventque trop bien. Ils descendent donc jusqu’à 700 m de pro­fondeur pour faire exploser des minerais et les charger surles camions qui remontent à la surface sous les ordres deLuis Urzua, leur chef d’équipe, reconnaissable au casqueblanc que portent les leaders désignés.

Quand, soudain, retentit une colossale explosion, suivied’une violente onde de choc et d’un immense nuage depoussière : l’architecture de la mine vient de céder. Unbloc de pierre haut comme un immeuble de 45 étagess’est détaché de la montagne avant de s’enfoncer dans lesprofondeurs, détruisant des portions entières de “Larampe”, seule et unique voie d’accès vers l’extérieur. Les33 mineurs sont bloqués, isolés, sans le moindre contactavec l’extérieur et sans aucun moyen de savoir si quel­qu’un viendra les sauver. Par miracle, personne n’a étéblessé pendant l’accident, mais le plus dur reste à venir :survivre en attendant les secours qui ne les ramèneront àla surface que 69 jours plus tard.

Pourquoi avez-vous décidé d’écrire un livre sur les 33mineurschiliens ?

Ce n’est pas moi qui suis allé les chercher, mais euxqui m’ont contacté. Ils voulaient qu’un livre soit écritet qu’un film soit tourné sur leur histoire (“The 33”sera effectivement adapté au cinéma avec AntonioBanderas et Juliette Binoche, courant 2015, NdlR.).

Vous donnez beaucoup de détails sur leurs caractères, leursvies de famille,… Comment se sont déroulés les entretiens ?

Je me suis rendu au Chili pour la première fois auprintemps 2011. J’ai rencontré une bonne vingtained’entre eux en tête­à­tête et à leur domicile. Dont sixou sept mineurs à de nombreuses reprises commeMario Sepulveda ou Alex Vega avec qui j’ai discutédurant des heures.

Revenir sur ces événements n’a pas dû être facile pour eux,comment avez-vous abordé le sujet ?

Ma toute première question était toujours de savoirpourquoi ils étaient devenus mineurs. Dans la plu­

Par Valentin Dauchot

Le roman faittomber le masque

LE NOUVEAU ROMAN D’ARMEL JOB est,comme à chaque fois, un suspense au cœur dela condition humaine, un “carottage dans lavie”, dit­il joliment, comme en font les scienti­fiques qui étudient les couches du sol. On nelâche pas un instant le fil de ce roman qui sedéroule dans le huis clos d’un petit village wal­lon, autour d’une pièce d’Ibsen jouée par lethéâtre amateur du village et du lourd secretlié à un violeur récidiviste.“J’ai trouvé que le thème du théâtre était très ro­

manesque”, nous dit­il, “car le théâtre parle desapparences et des masques. Et le roman, pourmoi, est une entreprise qui vise justement à fairetomber les masques, à voir ce qu’il y a derrière lesapparences. En ce sens, ce roman est aussi une ré­flexion sur le roman lui­même.”

Armel Job a inventé une pièce d’Ibsen, unchoix révélateur, car Ibsen, comme IngmarBergman ensuite, pensait que le théâtre doitsecouer et bouleverser les conventions socia­les. “Werner, le nouveau directeur du théâtre quiveut monter cette pièce, pense, comme nous tous,qu’il se connaît bien. Il se voit lui­même commeun homme généreux, plein d’idéal dans son mé­tier et dans sa manière d’envisager le théâtrecomme une élévation du peuple. Mais dès qu’il estsur scène, il en arrive à jouer un rôle et à devenir àson tour commeChockier, le séducteur cynique duroman. Le théâtre agit sur lui et sur les villageoiscomme le révélateur d’une partie cachée de cequ’il est. Un roman, c’est la même chose, c’est uncarottage de la vie. Si le roman est bon, il doit ser­vir aussi de révélateur au lecteur.”

Le roman met en scène la jeune Olga, filled’une famille de réfugiés kazakhs, qui jouedans la pièce d’Ibsen, pure et pleine d’idéal etde générosité. Et à l’opposé, il y a le “loup”,Chockier, l’ancien directeur du théâtre, celuiqui a violé tant de jeunes actrices sur lesquel­les il régnait. “J’ai évité de schématiser. Olga, unefois sur scène, se rend compte de son pouvoir sé­ducteur. Et Chockier, mythomane et abuseur, futvictime d’une mère abusive. Je lisais récemmentun livre de Germaine Tillion, la grande résistante,qui parlait de la responsabilité des mères dans lemachisme. Certaines mères délèguent à leur filscette violence qu’elles­mêmes n’ont pas pu exer­cer. Ce qu’elles veulent passe par leurs fils. La res­ponsabilité féminine est une part souvent cachéedans les crimes commis contre les femmes. Dansle roman, Chockier doit endosser les différentsmasques qu’il porte pour faire plaisir à samère. Ilbluffemais est en fait pitoyable. Jemontre, par pe­tites touches, que sa vie eut pu être différente si samère avait agi autrement. Je raconte, par exem­ple, qu’elle fit tuer immédiatement un chienéclopé car son fils, alors très jeune, semblaitl’aimer.”

Une des forces du roman est d’être situé dansle huis clos d’un village wallon, là où tout lemonde se connaît, mais où se cachent bien dessecrets inavouables.“Dans un village, tout le monde s’observe, cela

permet de resserrermieux l’action du roman et dene pas la diluer dans une grande ville. Ces violscommis par Chockier sur ces jeunes actrices fontpartie de ces secrets inavouables. Un des aspectsles plus tragiques dans ces crimes de viol est qu’ilssont souvent impossibles à dire. C’est une expé­rience indicible qui touche à ce que la personne ade plus intime, au caractère sacré du sexe. Et si lavictime parle, sa parole est parfois irrecevablepour les autres.”

Lire un roman d’Armel Job est toujours unplaisir. Il sait mener son lecteur grâce à unehistoire à rebondissements qui le tient en ha­leine. “Il me semble que pour un romancier, lamoindre des politesses à l’égard de son lecteur estde faire son travail correctement. Un romancierdoit raconter une histoire et ne pas ennuyer sonlecteur. Si un roman ne crée pas la curiosité et lasurprise, il est raté.”

Les romans d’Armel Job démontrent quetout élément de la vie peut faire un bon ro­man, “avec surprise et curiosité”. “Flaubert di­sait qu’il n’existait pas de bon ou de mauvais su­jet. Madame Bovary part d’un simple fait divers.Un romancier qui veut défendre des idées, ou il­lustrer une thèse philosophique, se trompe de che­min. Le roman, c’est l’étude de la vie et des ques­tions que pose la vie, c’est le carottage dont je par­lais. Je veux étonner le lecteur. Nous restons tousétonnés par le mystère de la vie, elle nous laisseperplexe comme un bon roman doit le faire.”

De regrettables incidents Armel Job / RobertLaffont / 287 pp., env. 19 €UArmel Job sera à la Foire du livre le 26 (cf. page9) et le 28 février.

Par Guy DuplatPH

ILIPPE

MAT

SAS/OP

ALE

Armel Job a été récompensé à deux reprises par lesjeunes lecteurs du prix des Lycéens.

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Foire du Livre

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13lundi 23 février 2015 - Supplément à La Libre Belgique

Piégés so us terre pendant 69 jours

part des cas, ils m’ont répondu que leurs pères et leursgrands­pères avaient été mineurs avant eux. Mais ilsétaient tellement anxieux et stressés à l’idée de revenirsur l’accident qu’on a toujours abordé le sujet très rapi­dement. C’est là que j’ai réalisé à quel point cet événe­ment torturait encore pas mal de ces gars. Plus la con­versation avançait, plus ils évoquaient les aspects lesplus difficiles : la déchéance physique, l’expérience spi­rituelle, la résistance à la mort dont ils ne sont pas pas­sés loin puisqu’ils n’ont été découverts qu’après 17jours et qu’il en a encore fallu 52 pour les faire sortir ! Ilsont littéralement été affamés jusqu’à l’extrême limite.

Quels sont les éléments qui sont revenus systématiquement lorsdes entretiens ?

Ils ont tous regretté que Luiz Urzua n’ait pas été pas unleader. Il était censé être le chef de l’équipe mais il a re­noncé à diriger le groupe. Dans l’esprit des mineurs,c’est quelque chose de difficilement pardonnable.Comme vous pouvez l’imaginer, la plupart d’entre euxsont également très en colère contre les propriétairesde la mine, puisqu’il a été démontré que les mesures desécurité étaient défaillantes et que de nombreux symp­tômes annonçaient la catastrophe.

Vous êtes rentré dans la mine de San José : quel est le premiersentiment qui vous a traversé ?

La peur. Pour être honnête, je ne me suis jamais aven­turé à plus de trois mètres de la porte d’entrée qui res­semble vraiment à une voie d’accès vers l’enfer. Toutesles infrastructures sont précaires, inquiétantes. J’ai ac­cepté d’aller plus en profondeur dans une autre mine,plus sécurisée, et ce fut une expérience surréaliste. Onpénètre vraiment dans un autre monde.

Comment ont-ils géré les mois qui ont suivi leur “libération” ?Ils étaient d’abord étonnés d’avoir survécu à cette expé­rience aussi violente qu’étrange. Puis la plupart d’entreeux ont cru qu’ils allaient devenir riches et qu’ils ne de­vraient jamais retourner travailler parce que tout lemonde ne cessait de le leur répéter. Ils ont effectivementreçu chacun un peu moins de 10000 dollars de la partd’un milliardaire chilien. Mais le fait de rester chez euxn’a pas du tout aidé. Plusieurs d’entre eux ont toujoursdu mal à gérer les troubles post­traumatiques et la plu­

part des mineurs ont recommencé à travailleraujourd’hui, dont une bonne partie dans les mines.Mais plus aucun ne descend encore en sous­sol.

Vude l’extérieur, onpourrait associer le travail à lamineà lami-sère, mais pour ces 33mineurs, ce n’est pas du tout le cas.

Effectivement, et pour de nombreuses raisons. L’in­dustrie minière fait d’abord partie intégrante de l’his­toire nationale. Tous les Chiliens ont grandi avec despoèmes et des livres sur les mines. Il y a un jour de fêtenational pour célébrer les mineurs, des règles de fra­ternité bien spécifiques entre eux. Tous sont très fiersde leur métier. Cette base culturelle les a considéra­blement aidés à s’en sortir parce qu’ils étaient cons­cients des dangers, et d’une certaine manière, prépa­rés à y faire face. La mentalité chilienne accorde parailleurs beaucoup d’importance à l’identité collective,le rôle central du groupe, qui leur a donné cette capa­cité de tenir ensemble. Dans beaucoup d’autres pays,les choses se seraient passées différemment.

Tout ce qui est raconté dans votre livre s’est déroulé à 700 mde profondeur. Comment vérifier les faits ?

Avec l’âge et l’expérience, on développe d’abord uneoreille qui permet de détecter les bobards (rires). Maisdans ce cas­ci, ça n’a pas posé de problème parce quej’avais à chaque fois 32 témoins des faits. Au moindremensonge, tous les autres auraient recadré les choses.

Le livre insiste également sur le rôle fondamental joué par lesfamilles des mineurs.

Oui, leurs proches se sont rapidement et massivementmobilisés pour transformer cet accident en événe­ment politique majeur. En mettant de force le gouver­nement sur le devant de la scène, ils l’ont contraint àagir et à faire du sauvetage des mineurs de San Joséune cause nationale. Ce qui a été déterminant, vu ladurée et le coût de l’opération pour les faire sortir.

Les 33. La fureur de survivre Héctor Tobar / traduit del’anglais par Anne-Sylvie Homassel / Belfond / 414 pp., env.21,50 €UHéctor Tobar sera à la Foire du livre les 27 et 28 février (cf.page 9).

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“Ils ont littéralementété affamés

jusqu’à la limite”HÉCTOR TOBAR

D.R.

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14 Supplément à La Libre Belgique - lundi 23 février 2015

Ce n’est pas parce qu’on ne voit pasqu’on ne lit pash La Ligue Braille met tout en œuvrepour que son lecteur ne soit pasen décalage culturel.

RENÉE AIME LES ROMANS. C’est son truc à elle. Etparticulièrement les romans historiques. Renée estune lectrice assidue de la bibliothèque de la LigueBraille. Elle nous attend, ce jour­là, toute menue et po­sée, dans le nouveau coquet salon de lecture de la LigueBraille. En ce moment, elle lit “Le Docteur Jivago” deBoris Pasternak mais ne l’a évidemment pas sous lebras. Renée, 76 ans, est malvoyante depuis 26 ans. Elledit fièrement : “J’ai connu les K7”. C’était avant l’arrivéedu CD et du Mp3 à télécharger sur le site de la bibli. Lavue de Renée ne va pas vraiment en s’arrangeant– “Maintenant, j’ai undixièmepar­ci, undixièmepar là” –c’est ainsi qu’elle fait partie de cette population fidèlede la bibliothèque de la rue d’Angleterre, à Bruxelles.1200 emprunteurs réguliers viennent y trouver leurbonheur de lecteurs.

Car ce n’est pas parce qu’on ne voit pas (bien), qu’onne lit pas. C’est en tout cas le principe auquel s’atèlel’équipe culturelle de la Ligue Braille. Michèle Dubois,responsable du service culturel, insiste sur cette dé­marche d’intégration des populations aveugles et mal­voyantes dans la société actuelle. Qui passe par uneadéquation avec l’actualité. Et c’est évidemment duboulot, quand on parle du marché du livre. “60000ouvrages sortent par an. Comment faire pour suivre le

mouvement et faire en sorte que les populations à handi­cap puissent vivre l’actu de l’édition ?”.

D’abord, il y a le studio de la Ligue Braille. 400 ouvra­ges environ, c’est ce que les lecteurs bénévoles produi­sent en un an. Les 80 lecteurs studio, qui viennent àraison de deux heures par semaine en moyenne, neparviennent pas à absorber toutes les demandes deslecteurs. Parce que la lecture à haute voix prend dutemps, tout simplement. Un livre de taille normale,c’est environ 10 heures d’écoute, un Stephen King,c’est déjà 30 heures. Mais combien en a­t­il fallu enstudio pour s’enregistrer, effacer, repartir de plus belle,soigner ce moment de suspense… ? “On doit compterquatre à sixmois de lecture avant de voir un ouvrage sor­tir du studio.” Difficile, en ce cas, pour le malvoyant, derebondir sur un livre qui fait le buzz autour de soi.

Une partie de la solution provient de la technologie.Manon, c’est la nouvelle lectrice des habitués. Une co­médienne a prêté sa voix à la synthèse vocale. Plus qu’àprofiter du dernier best­seller, lu par Manon – qui apresque tout d’une voix humaine. On sent Renée dubi­tative. “Humm, vous allez trouver que je critique, maisj’aime pas la voix de synthèse.” Elle nous raconte cetteanecdote qui l’agace, alors qu’elle avait emprunté unlivre sur la Bretagne et que sa synthèse vocale s’obsti­nait à prononcer “Quimpé” au lieu de Quimper – avecun R/air. Celui de la Bretagne.

Mais aujourd’hui, on expérimente. Conciliabuleautour de la machine. On fait écouter à Renée la voixde Manon. Elle obtempère. Evidemment, la voix desynthèse à laquelle Renée est habituée, c’est la voix deson “Victor”, son appareil de lecture, qui lui indiquequoi faire quand elle écoute un CD emprunté à la bibli.Victor la machine a un peu le même timbre de voix queHal, le robot de “2001 Odyssée de l’espace”. Pas com­

mode. Pas un poil poète. Bon, Manon a passé le test. “Lasynthèse vocale est un plus ; pas question de remplacer lesvoix humaines des lecteurs. Elle permet simplement demettre à disposition un ouvrage phare en 15 jours et nonplus attendre sixmois”, précise Michèle Dubois.

Si la plupart des ouvrages de la bibliothèque sontsous format Mp3 (environ 12736 titres des 21665 quecompte le fonds), les rayonnages d’ici­bas portent aussiles énormes volumes en écriture braille (4995 ouvra­ges). On s’en approche. “Le triomphe de la liberté” deMax Gallo a tout l’air d’une encyclopédie en plusieursvolumes. C’est le gros défaut du braille, il est dévoreurd’espace. La lecture en braille se perd­elle au profit dela lecture audio ? “Pas du tout. C’est l’apprentissage dubraille qui permet une compréhension de la langue, danssa grammaire et son orthographe. Les jeunes aveuglescontinuent à l’apprendre.” Renée, elle, avoue qu’elle n’apas persévéré. “J’ai commencé, et puis j’ai arrêté. Appren­dre le braille, pour moi, ça voulait symboliquement direque j’étais tout à fait aveugle, et jeme fais pas à cette idée.”Pourtant, son prof de braille lui avait expliqué que,lorsqu’on lit seul, en technique braille, la sensation estbien différente de celle que procure l’écoute. “Il paraîtqu’écouter son lecteur à haute voix limite l’imaginaire.”C’est la voix du lecteur qui remplit la pièce au point deprendre un peu de place dans le récit.

Une voix qui parfois accompagne l’auditeur dans sonsommeil. “Moi, je mets mon Victor en mode horloge,comme ça, il s’arrête lorsque je m’endors…” Les lecteursde la Ligue Braille ont encore du boulot et bien dumonde à bercer.

URendez­vous sur le stand n° 408 de la Ligne Braille, à laFoire. Et aussi sur www.braille.be, pour consulter le richecatalogue à disposition.

Par Aurore Vaucelle

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EISERPR

OJEC

T/FLICK

R/CC

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Foire du Livre

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15lundi 23 février 2015 - Supplément à La Libre Belgique

Prix Première : honneurà un premier romanRELANCÉ EN 2006 après une interruption,ce prix littéraire décerné par un jury de dixauditeurs sélectionnés sur dossier met enavant un premier roman. Doté de 5000 eurospour encourager l’auteur à continuer à écrire,le prix offre surtout une belle visibilité au ro­man pour susciter la curiosité des lecteurs etauditeurs. Chaque vendredi précédant la re­mise du prix Première, les romans sont pré­sentés par Laurent Dehossay dans l’émission“Entrez sans frapper”. Pour cette édition2015, le prix sera décerné dans le cadre de laFoire du livre, le jeudi 26 février à 14 heures(sur le stand du studio de La Première).

Une libraire (Deborah Danblon travaille àLa Licorne, à Uccle) et des journalistes (Co­rinne Boulangier, Laurent Dehossay, KerennElkaïm, Christine Pinchart, EmmanuelleJowa) ont sélectionné dix premiers romansfrancophones publiés “entre les rentrées litté­raires de septembre et de janvier”.

Le jury “final”, présidé par Laurent Dehos­

say, est composé de dix auditeurs avides delecture et de découverte qui viennent de toushorizons, de Verviers à Bruxelles en passantpar Ittre, Heers ou Tournai.

Pour Romain Detroy, qui tient un blog litté­raire, postuler pour faire partie de ce juryétait une manière de s’intéresser et de soute­nir des romanciers publiant un premierouvrage. “Je lis beaucoup de premiers romans,c’est une manière d’en découvrir de nouveaux.”“Pouvoir soutenir un nouvel auteur et la littéra­ture, c’est important”, souligne Claire Ganzitti,professeur de français langue étrangère, elleaussi membre du jury. Lors des délibérations,“chacun donnait son avis. Enmatière de littéra­ture, il n’y a pas de vérité. C’était très riche et in­téressant de partager”. Romain Detroy expli­que que quelques livres ont “émergé assezvite”. A cette heure, le lauréat ou la lauréate aété élu(e). Ces deux membres du jury sont ra­vis du choix, un coup de cœur pour ClaireGanzitti, et l’un des titres qui figurait dans le“top 3” de Romain Detroy, et “reflète assezbien l’esprit du jury”.

Par Camille de MarcillyPH

ILIPPE

MAT

SAS

“Tram 83” de FistonMwanza Mujila est sélec-tionné pour le prix Pre-mière.

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Les dix sélectionnés

‣ L’envoleuse, Laure des Ac-cords, Verdier, env.11,80 €‣ L’homme incertain, StéphanieChaillou, Alma, 166 pp., env.16€‣ L’homme qui ne voulait plusêtre roi, Joan Condijts, GenèseEditions, 158 pp., env.21€‣ Le bal des hommes, ArnaudGonzague & Olivier Tosseri,Robert Laffont, 288 pp.,env.18,50€‣ Le poisson pourrit par latête, Michel Goussu, Le CastorAstral, 220 pp., env.17€‣ D’argile et de feu, OcéaneMadelaine, Éditions des Bus-clats, 120 pp., env.12€‣ Tram 83, Fiston MwanzaMujila, Métailié, 200 pp.,env.16€‣ L’Odeur du Minotaure, Ma-rion Richez, Sabine Wespieser,122 pp., env.14€‣ Dans le jardin de l’ogre, LeïlaSlimani, Gallimard, 224 pp.,env.17,50€‣ Le sommeil n’est pas un lieusûr, de Louis Wiart, Les Impres-sions Nouvelles, 96 pp.,env.10€

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