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Séance consacrée à l'Histoire de la Gynéco-obstétrique organisée par le Docteur Henri Stofft en hommage au Docteur André Pecker Ancien Président de la Société française d'Histoire de la Médecine (Salle du Conseil, Ancienne Faculté de Médecine de Paris) (27 mai 1995)

Séance consacrée à l'Histoire de la Gynéco-obstétrique

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Page 1: Séance consacrée à l'Histoire de la Gynéco-obstétrique

Séance consacrée à l'Histoire de la Gynéco-obstétrique

organisée par le Docteur Henri Stofft

en hommage au Docteur André Pecker

Ancien Président de la Société française d'Histoire de la Médecine

(Salle du Conseil, Ancienne Faculté de Médecine de Paris)

(27 mai 1995)

Page 2: Séance consacrée à l'Histoire de la Gynéco-obstétrique

Eloges du

Docteur André Pecker 1902 -1994

par André SICARD

Jean THÉODORIDÈS Louis DULIEU

Page 3: Séance consacrée à l'Histoire de la Gynéco-obstétrique

Professeur André SICARD

"J'ai été blessé à la jambe. Ce n'est pas grave. Occupez-vous d'abord des grands

blessés".

Ces paroles , j e les ai en tendues un certain 17 mai 1940 dans une grange au vois inage d 'Avesnes , près de la frontière belge . J ' y étais arrivé après avoir été capturé avec m o n ambulance , non sans avoir essuyé le feu de l ' ennemi qui tua une infirmière et un infir­mier et blessa un médec in et deux infirmiers.

Dans cette grange étaient é tendus , à m ê m e le sol, une soixantaine de blessés plus ou moins gr ièvement atteints, la plupart hurlant de douleur et de soif par cette chaude jour­née de mai . On ne pouvai t leur apporter aucun secours , n ' ayan t ni pansements , ni phar­macie , ni nourr i ture, ni eau. Celui qui venait de prononcer ces quelques mots présentai t en fait une blessure grave de la j a m b e gauche p rovoquée par une balle de mitrai l leuse qui avait fracassé le tibia alors qu ' i l se portait au secours d ' u n blessé s ' échappant de son char en flammes. L e haut de la botte et le bas du pantalon étaient déchiquetés et couverts de sang.

J ' ape rçus sur sa vareuse le velours rouge des médec ins . Il se n o m m a alors : médec in-capi ta ine André Pecker du 4e Rég imen t d 'au tomi t ra i l leuses , rég iment où il avait été affecté à sa demande volontaire pour servir dans une unité combat tante , et qui avait été un des premiers à part iciper aux comba t s meurtr iers engagés en Belg ique par les divi­sions motor isées . Il réitéra sa demande , ne voulant faire état ni de son grade , ni de sa fonction et refusa d 'ê t re évacué avant les autres blessés .

T e l l e a é té la d r a m a t i q u e c i r c o n s t a n c e dans l aque l le j ' a i r encon t r é le D r A n d r é Pecker . J 'é ta is alors loin de penser qu ' i l m e reviendrai t un jou r le redoutable honneur de prononcer son é loge à cette t r ibune.

Les blessés ne furent dirigés vers l 'Hosp ice d 'Avesnes qu ' ap rè s deux jours malgré mes réclamat ions incessantes auprès des autorités a l lemandes plus sensibles aux risques d ' infec t ion et d ' é p i d é m i e qui menaça ien t q u ' a u x souffrances des blessés . Il y furent soignés avec les moyens les plus rudimentai res dont on disposait . Pecker refusa à nou­veau d 'ê t re opéré avant les autres. Il savait cependant que tout retard mettai t sa j a m b e en péril . Il ne le fut q u ' a u quat r ième jour , alors que sa plaie présentai t déjà une impor­tante et douloureuse suppurat ion. Il avait supporté cette at tente sans une plainte . Par chance , le projectile avait pu être retiré sans contrôle radiographique. Pecker fut dirigé par les Al l emands vers un centre sanitaire. Je n ' e u s de ses nouvel les que plusieurs mois plus tard, alors que , l ibéré c o m m e grand blessé , il vint m e demander une justif ication

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de sa blessure. Quel le fut m a jo ie de le voir marcher , à pe ine aidé d ' u n e canne. L a bles­sure avait été longue à cicatriser, ma i s la j a m b e avait été conservée. Il restait une fistule

qui persis ta longtemps . André Pecker fut pens ionné à 50 % et repri t ses activités avec la m ê m e ardeur qu ' auparavan t , échappant en 1944 deux fois à la Ges tapo. Je ne le revis

qu 'occas ionne l lement . N o u s ne manqu ions j amai s d ' évoque r le souvenir de la g range d 'Avesnes . André Pecker ne fit j ama i s état de sa blessure, considérant qu ' i l n ' ava i t fait que son devoir . Il reçut une citation é logieuse , mais n 'ob t in t la Légion d 'honneur q u ' e n

1942 et sans l ' avoir sollicitée. Il ne chercha j amai s une nouvel le promot ion cependant

bien méri tée .

Ai-je bien fait de rapporter ces faits anciens dont aucun n ' a échappé à m a m é m o i r e ?

Ils sont un h o m m a g e pos thume dont j e m e suis senti responsable .

Si André Pecker avait été consul té , sa modes t ie aurait décl iné cet h o m m a g e , car il

avait par pudeur et par discrét ion hor reur du panégyr ique . Il m ' e n aurait sans doute

voulu d ' avo i r révélé ses belles quali tés de courage et d ' abnéga t ion dont j e restai le seul témoin.

Il m e faut main tenant retracer sa carrière et sa personnal i té pour prolonger le souve­nir de cet h o m m e d ' une haute valeur mora le et pour en tirer la leçon d ' u n e vie droi te et d igne.

André Pecker était né le 23 janvier 1902 à Sa in t -Germain-en-Laye d ' u n e mère l icen-ciée-ès-Sciences naturel les et d ' u n père qui , avant d ' exercer la médec ine , fut audi teur libre à l 'Eco le supérieure des Mines . Il fut un des premiers à d isposer d ' u n appareil à rayons X. Mais il fut surtout un p ionnier de la médec ine prévent ive et des soins à domi ­cile ainsi q u ' u n précurseur des œuvres d 'ass is tance .

André Pecker était le plus j eune d ' u n e nombreuse famille, dont deux des frères sont

morts en déportat ion et dont la sœur, peintre-décoratr ice de talent, à qui l 'on doit, entre autres , la peinture du rideau du Palais de Chail lot et d ' admirab les dessins de vi traux,

épousa Jacques Carlu qui fut grand Prix de R o m e , m e m b r e de l ' Inst i tut et architecte du

Palais de Chail lot .

Ce mil ieu familial, où il avait été é levé dans le respect du devoir , de la chari té et du goût de l 'effort, influença cer ta inement sa cul ture et ses goûts art ist iques.

Après avoir hési té avec l 'a rchi tecture , il c o m m e n ç a ses é tudes de médec ine . Interne des Hôpi taux de la Seine en 1925, il fut d ' abord , pendant son service mili taire, affecté au Val -de-Grâce dans le service de dermato-vénérologie du professeur Jausion qui déci­

da de sa carr ière. Ayant passé sa thèse en 1928, il assura une consultat ion de gynécolo­gie à l ' Inst i tut munic ipal de la Seine, et, p lus tard à l 'Hôpi ta l Rothschi ld.

Pendan t tou te cet te pé r iode , son act ivi té scient i f ique s 'es t mani fes tée par de très nombreux t ravaux dans les publicat ions médica les et dans les Sociétés savantes , essen­

t ie l lement cel les de gynécolog ie et de dermato logie . L ' u n d ' eux , sur le psor ias is , fut couronné par l ' A c a d é m i e de Médec ine .

Il fut, en 1 9 3 1 , âgé de 29 ans , secré ta i re généra l , pu i s , en 1947 , p rés iden t de la Société médica le des Prat iciens. Il n ' ava i t accepté ces différentes fonctions, qui témoi­gnaient de l ' e s t ime que lui portaient ses confrères, que pour s 'y donner tout entier avec ténacité et volonté .

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Cette activité fut in te r rompue par la guerre . André Pecker la reprit, après sa libéra­

tion, ma lgré les séquelles de sa blessure , s ' intéressant plus spécialement à la dermato lo­

gie et devint m e m b r e de plusieurs sociétés françaises et é trangères.

J u s q u ' à la fin de son activité, il p laida en part iculier en faveur des certificats p rénup­

t iaux, de la contracept ion et de l ' u sage des préservatifs .

Tel le fut l ' ac t ion médica le d ' A n d r é Pecker , mais aucune dest inée n ' e s t s imple. Très

tôt, il fut attiré par le rôle social qui devrai t être celui des médec ins . Dès le moi s de m a r s 1940, sous l ' u n i f o r m e , il c réa , avec l ' a i d e d e ce t te f e m m e admi rab l e q u e fut

M a d a m e Valér ie Lacroix , directrice de l 'Eco le des assistantes sociales à Paris , un servi­ce social r ég imenta i re dans le but d ' apa i se r les soucis famil iaux des h o m m e s et d e

s 'occuper de ceux et de celles qu ' i l s avaient laissés. Ce service eut une influence consi­dérab le sur les dé t resses mora les p rovoquées par les longs mo i s d ' a t t en te avant les combats de mai , c o m m e a pu le constater lu i -même notre ancien président , le profes­

seur André Cornet . C ' e s t ainsi q u ' A n d r é Pecker peut être considéré c o m m e ayant été le

p romoteur du service social aux armées . Après l ' a rmis t ice , il cont inua à se dépenser sans compte r pour déve lopper ce service d ' en t ra ide et d ' ass i s tance auprès des survi­

vants de son régiment .

Un tournant se place en 1951 dans la vie d ' A n d r é Pecker. Chargé du Commissar ia t

g é n é r a l du C o n g r è s i n t e r n a t i o n a l d e G y n é c o l o g i e , il o r g a n i s a , avec le p r o f e s s e u r

Laignel-Lavast ine , une exposi t ion de livres et d 'obje ts anciens qui fut le point de départ

de son at t irance pour l 'His to i re de la Médec ine dans laquel le il se fit r ap idement un

nom.

Il avait écrit en 1953 un charmant texte sur les bourdaloues paru dans un numéro

á'Esculape. Mais sa première grande publicat ion fut, en 1954, un luxueux a lbum sur

Paris et VIle-de-France dans lequel se mé langen t de magni f iques vues du Par is de

l ' époque et les perspect ives des plans de Turgot . Pour éditer cet incomparable recueil , il

ne ménagea ni ses efforts, ni son t emps , ni ses visi tes, afin d 'obteni r les aides qui lui

étaient nécessaires .

Cette publ icat ion fut suivie d 'au t res relevant de sa spécialité : L'accouchement au

cours des siècles (1958) , Les maladies des femmes grosses et accouchées (1966) . Il par­t icipa à d ' impor tan t s ouvrages Le grand livre de la femme enceinte (1972) , L'Histoire

de la Médecine, de la Pharmacie, de l'Art dentaire et de l'Art vétérinaire (1980) .

Son œuvre principale restera La médecine à Paris du XHIe au XXe siècle parue en 1984, dans laquelle il m e confia la rédact ion de l 'His toi re de l 'Académie de Chirurgie .

Cet ouvrage est un g igantesque m o n u m e n t dont la richesse du texte et de l ' i conographie const i tue un except ionnel document de références. Il fut édité par la Fondat ion Singer-

Pol ignac et reçut, en 1985, le Prix Jean-François Cos te de l ' A c a d é m i e de Médec ine . André Pecker remit la totalité de ce Prix au trésorier de notre Société , considérant q u ' u n certain n o m b r e de ses membres avait part icipé bénévolement à l ' ouvrage . C 'é ta i t là un

geste qui témoignai t de sa générosi té habituel le .

E n 1987, il rédigea encore la préface de la réédi t ion des Oeuvres d 'Hippocra te .

La liste de ses t ravaux aurait pu être encore beaucoup plus longue si j e n ' ava i s retenu que les plus importants .

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Page 6: Séance consacrée à l'Histoire de la Gynéco-obstétrique

André Pecker assura la Secrétariat général de la Société française d 'His to i re de la

Médec ine de 1955 à 1964. E n prenant ses fonctions, le président René Bénard , faisant

allusion à la Victoire de Samothrace qu ' i l avait fait figurer dans l ' une de ses œuvres ,

rappela que l ' on pouvai t lui faire confiance, car, a-t-il dit, " c o m m e cette Victoire ailée,

il ent reprend dans l ' e spérance et persévère j u s q u ' à la réussi te" . Parei l compl iment ne

pouvai t être mieux formulé .

Il présida ensui te la Société de 1965 à 1967, laissant sa succession au médec in géné­

ral inspecteur Huard.

Sa prés idence fut marquée par le prodigieux essor qu ' i l donna à la Société , lui consa­

crant une grande part ie de son temps . Il fonda le journa l Histoire des Sciences médi­

cales qui , en 1967, remplaça YHistoire de la Médecine.

Il voulut que cette publ icat ion de haute quali té soit le reflet de l 'act ivi té de la Société

française d 'His to i re de la Médec ine . El le devait attirer un nombre de plus en plus grand

de membres actifs.

Il n ' in tervenai t pas souvent au cours des séances, mais il le faisait toujours avec des

précaut ions convenables et nuancées qui donnaient à ses opinions tout leur poids . En

1993 , q u a n d sa santé c o m m e n ç a à l ' é l o i g n e r de n o s s é a n c e s , il fit, avec M a d a m e

Samion -Con te t , u n e dern iè re c o m m u n i c a t i o n , en rappe lan t ses souveni r s de 1972 à 1992. On peut la considérer c o m m e un adieu à une Société qui lui avait été part iculière­

men t chère et qui lui doit beaucoup .

André Pecker s 'est aussi v ivement intéressé à la Société internationale d 'His to i re de

la Médec ine , dont il devint le dé légué pe rmanen t de la France . Son rôle y fut souvent

déterminant au côté du docteur Dul ieu qui en assura le secrétariat général de 1958 à

1985. Ensemble ils y défendirent la langue française.

André Pecker conserva toujours des l iens étroits avec la Socié té des amis du M u s é e

de la Pharmac ie de Montpel l ier . Il s 'y rendai t à l ' occas ion des manifestat ions q u ' o r g a ­

nisait Louis Dulieu, son conservateur , qui a bien voulu m e confirmer cette information.

Il était m e m b r e d ' honneu r ou correspondant des Société d 'His to i re de la Médec ine

du Mex ique , de Turquie , du Maroc et, sans doute , de bien d 'au t res encore .

André Pecker ne pouvai t se satisfaire de ces seules activités. Ayan t appris , vers les

années 1960, qu ' i l y avait en Grèce un m o u v e m e n t pour la créat ion d ' u n e fondat ion

internat ionale en faveur d 'H ippocra t e à l ' î le de Cos , il se pass ionna aussitôt pour ce

projet. Il devint le dé légué pour la France de cette fondation, prés idée par le professeur

Spir idon Œ c o n o m o s , et qui était dest inée à rappeler aux trois mil l ions de médec ins du

m o n d e ce qu ' ava i t été celui que l ' on a appelé le "père de la m é d e c i n e " et dont notre

ancien président , le professeur Alain Bouchet , avait, dans une remarquable conférence,

décrit ce qui est encore au jourd 'hui appelé la doctr ine h ippocra t ique .

Cette fondation, avec son musée et sa bibl iothèque, est actuel lement prés idée par le

professeur Marke tos . M o n ancien é lève , le professeur Doros Œ c o n o m o s , fils du fonda­

teur, a bien voulu m ' e n fournir de précieux rense ignements . El le conserve son activité

internat ionale. L e docteur Ala in Ségal , secrétaire général de la Société , a succédé en

1993 à André Pecker et est au jourd 'hui le dé légué français.

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A n d r é Pecker avait créé, dans le cadre de notre Société , une section hippocrat ique, dont le rôle sera, dans quelques instants, rappelé par notre secrétaire général . Je désire s i m p l e m e n t ind ique r un souven i r pe r sonne l . Ce t te fonda t ion nécess i t an t un b u d g e t important , auquel se devaient de contr ibuer toutes les nat ions , André Pecker , q u ' a u c u n e difficulté ne faisait reculer , suggéra de demande r à tous les médec ins du m o n d e une modes te part icipat ion. Cette suggest ion, approuvée par les Grecs , n e paraît pas avoir dépassé leurs frontières.

Sachant , en 1979, que j e devais m e rendre à l ' î le de Cos où j ' a v a i s été convié à assis­ter à la cé rémonie du serment dans le sanctuaire d 'Asc lép ios , il m e chargea de plaider sa cause auprès des autor i tés françaises locales et d ' y obteni r une subvent ion . Cet te miss ion fut un échec . André Pecker en fut très déçu.

Malgré ces mult iples activités, A n d r é Pecker t rouva encore le t emps d ' assouvi r ses goûts d 'ar t is te et de se pass ionner pour la cé ramique .

Il fonda, en 1955 , Les Cahiers de la Céramique qui dev inren t b ientôt une r evue superbement i l lustrée en couleurs et prirent le n o m de Cahiers de la Céramique, du Verre et des Arts du Feu. Cet te revue, dont il assura la publ icat ion j u s q u ' e n 1970, fut par t icul ièrement appréciée par les A m i s du M u s é e de Sèvres . Ce qui lui valut d 'ê t re élu m e m b r e d ' honneu r de plusieurs Académies é t rangères de l 'His to i re de l 'Ar t et d ' ê t re n o m m é Cheval ier , puis Officier des Ar ts et Let tres , dist inction qui n ' a pas souvent été at tr ibuée à un médecin .

D e ceux qui ont disparu, chacun de nous garde une image . L a vision qui doit rester d ' A n d r é Pecker est celle d ' u n h o m m e petit, t rapu, au regard pénétrant , au visage facile­ment souriant et souvent an imé par un h u m o u r modes te , à l 'espri t volontiers pr imesau-tier, à la vo ix toujours précise. Tou t indiquait en lui l ' équi l ibre et la mesure .

Quand André Pecker prit sa retraite, il re tourna à Sa in t -Germain-en-Laye qui avait été le berceau de son enfance.

Ses dernières années eurent la mélancol ie des soirs d ' au tomne . Plusieurs fois atteint dans ses forces, il vécut ses faiblesses avec s toïcisme, soutenu par la douce affection de M a d a m e Pecker devant la douleur de laquelle nous nous incl inons en l ' assurant que son chagr in est le nôtre .

Il nous a quittés pour toujours le 22 mai 1994. Il avait 92 ans . Son n o m restera parmi les grands serviteurs de la médec ine et plus par t icul ièrement de son histoire. Il pourra être donné c o m m e l ' exemple de la chari té et du devoir . Sa cul ture, ses goûts art ist iques, son œuvre d 'h is tor ien ne seront j ama i s oubliés.

"C'est après la mort surtout que les vrais amis ont à intervenir en faveur de celui en qui ils ont cru" m ' a v a i t écrit , peu de t emps avant de d ispara î t re , m o n maî t re Henr i Mondor . M e souvenant de cette phrase , j e m e suis demandé si j ' a v a i s bien su traduire l ' h o m m e dont j e viens d ' évoque r la vie .

Il reste ce qu ' i l y a de plus précieux, l ' image de ses vertus .

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Professeur Jean THÉODORIDÈS

A m i du docteur André Pecker durant presque quarante ans (je l ' avais connu en 1956 lorsqu ' i l était Secrétaire Généra l de notre Société) j e tenais à m 'a s soc ie r du fond du cœur à l ' h o m m a g e qui lui est rendu aujourd 'hui , un an après sa dispari t ion le 22 mai 1994.

A la fois médec in (gynécologue et vénéréologue) , artiste (peintre et dessinateur) et historien, André Pecker possédait une immense culture et avait une activité prodigieuse.

Tout ce qu ' i l entreprenai t était voué à la réussite, qu ' i l s 'agisse des Cahiers de la Céramique, du Verre et des Arts du Feu dont il fut le rédacteur de 1955 à 1970, de ses deux ouvrages consacrés à l 'h is toire de la Gynécolog ie et de l 'Obs té t r ique (publiés aux édit ions Dacosta) et du vo lume collectif (qu ' i l appelai t famil ièrement " le bouquin") : La Médecine à Paris du XHIe au XXe siècle (Hervas-Fondat ion Singer-Pol ignac , 1984) dont il fut le maî t re d ' œ u v r e .

Né la m ê m e année 1902 que notre Société, il en fut pendant de longues années la chevil le ouvrière et nous lui devons notre revue Histoire des Sciences médicales p récé­dée par quatre numéros spéciaux d'Histoire de la Médecine.

Sur le p lan in ternat ional il j o u a un rô le très impor tan t en tant q u e dé légué de la France à la Société internat ionale d 'His to i re de la Médec ine et c o m m e initiateur de la Fondat ion Hippocra t ique de Cos pour laquel le il se dépensa sans compter .

André Pecker était un h o m m e foncièrement bon et généreux, d ' u n très grand courage (le professeur André Sicard a rappelé son atti tude héro ïque lors de la dernière guerre m o n d i a l e ) , indu lgen t et cour to i s , toujours d ' h u m e u r éga le et r é so lumen t op t imis te . Lorsqu ' i l fallait faire face à que lque difficulté, il disait invar iablement : "ne t ' en fais pas , cela va s 'arranger" , ce qui effect ivement se réalisait . C 'é ta i t en outre un charmant compagnon de voyage .

Je le revois encore , souriant , détendu et heureux de vivre lors des nombreux Congrès d 'His to i re de la M é d e c i n e auxque ls nous par t ic ipâmes tant en France , q u ' e n Suisse , Italie, Angle ter re , Grèce (le Congrès d 'A thènes -Cos en 1960), Espagne , etc.

Je n ' oub l i e pas non plus son accueil paternel avec M a d a m e Pecker à l ' î le de Ré dans leur bel le ma i son tout près de la mer . Je le revois à S t rasbourg en 1988 en train de peindre au bord de 1*111, le v isage empre in t de la sérénité d ' un sage.

Malgré son grand âge, il faisait p reuve d ' une ex t rême vitalité. Il venait , seul, par le mét ro , à nos réunions et à celles de la Société d 'His to i re de la Pharmacie , d 'où , pendant un mois de février glacial , j e le raccompagna is non sans appréhension j u s q u ' à la station du R E R vois ine .

Ces dern ières années il sortait m o i n s et nous nous t é léphonions régu l iè rement . Il

s ' informait toujours des activités de notre Société .

C ' e s t avec u n e in tense é m o t i o n q u e j ' a p p r i s son décès . L a be l le ph ra se de J e a n Ros tand m e revint en m é m o i r e : " A i m e r un être âgé, c ' es t s 'enfoncer avec lui, profon­dément dans un chemin d ' où il faudra revenir tout seul, dans le noir" .

Mais cette obscuri té ne fut que transitoire, rap idement dissipée par le lumineux sou­venir de la personnal i té irradiante d ' A n d r é Pecker dont l ' ami t ié qu ' i l m e témoigna si longtemps restera pour moi un honneur et une fierté.

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Page 9: Séance consacrée à l'Histoire de la Gynéco-obstétrique

Médecin Général Louis DULIEU *

C'es t une personnal i té éminen te du m o n d e médica l paris ien mais aussi de l 'His toi re de la Médec ine qui vient de disparaî tre dans sa quatre-vingt t re iz ième année .

Fils de médecin , lu i -même docteur en médec ine de Paris en 1928, André Pecker va exercer aussitôt dans la capitale tout en se spécialisant en dermato-vénéréologie et en gynécologie , devenant chef de consultat ion ant ivénér ienne au dispensaire munic ipa l de Cl ichy et à la materni té de l 'hôpi ta l Rothschi ld . Son activité ne sera m o m e n t a n é m e n t suspendue que durant la guerre de 1939-1940 où il servira c o m m e médecin-capi ta ine dans u n e unité d 'auto-mit ra i l leuses . Blessé , pr isonnier , rapatr ié , il accédera au grade de médec in commandan t du cadre de réserve.

C 'es t , toutefois, sur le plan médico-his tor ique qu ' i l acquerra un r enom international g râce à son appar t enance aux Socié tés in ternat ionales et f rançaises d 'H i s to i r e de la Médec ine . Délégué pour la France de la Fondat ion internat ionale hippocrat ique de Cos , il ne cessera de mener le bon comba t pour l ' é tude de la médec ine hippocrat ique. Grâce à ses spécia l i tés , para î t ront deux gros ouvrages i l lustrés qui font toujours autor i té : L'accouchement au cours des siècles ( 1958) et Hygiène et maladies de la femme (1961) . Sa grande activité au sein de la Société française depuis 1955 lui vaudra d ' accé ­der à sa prés idence en 1965-1966. Présent dans toutes les grandes manifestat ions nat io­na les ou in t e rna t iona le s , il se p la isa i t à p r e n d r e la pa ro l e dans des i m p r o v i s a t i o n s p le ines d ' e n t h o u s i a s m e cha leu reux et d ' a m i t i é . Il étai t na tu re l l emen t m e m b r e de la Soc ié té montpe l l i é ra ine d 'H i s to i r e de la M é d e c i n e , ayant ass is té à p lus ieurs de ses séances , mais aussi des A m i s du M u s é e de la Pharmacie de Montpel l ier , M u s é e dans lequel il prononçai t des al locutions remarquées . C ' e s t q u e Montpel l ier avait pour lui beaucoup d 'a t t rai ts , assuré d ' y t rouver toujours le mei l leur accueil . Sa dernière venue eut lieu lors de la visite de la Société française en 1992.

D ' au t r e s que nous évoqueront sa carrière de médecin-spécia l is te . Conten tons-nous ici de met t re l ' accen t sur son œ u v r e d 'h is tor ien de la médec ine . A u x deux ouvrages ci tés p lus haut , il faut ajouter sa col labora t ion à p lus ieurs co l lec t ions médico-h i s to ­riques et surtout son vo lumineux ouvrage : La médecine à Paris du XHIe au XXe siècle paru chez Hervas en 1984.

Rappe lons enfin q u ' à ses quali tés de médec in et d 'h is tor ien, André Pecker ajoutait celle d ' a m i des arts. Ses cahiers sur les arts du feu créés en 1955 réjouirent les spécia­listes de la cé ramique et du verre j u s q u ' e n 1970.

U n e vie auss i b i en r emp l i e deva i t lui va lo i r la Cro ix d e Cheva l i e r de la Lég ion d ' h o n n e u r à t i t re mi l i ta i re et la C ro ix de G u e r r e m a i s auss i sa n o m i n a t i o n c o m m e Cheval ier puis c o m m e Officier dans les Arts et Let tres .

C ' e s t un véri table ami que nous perdons tous. Son activité désintéressée a grande­m e n t servi la c ause de l 'H i s to i r e de la M é d e c i n e f rançaise à l aque l le il d o n n a une i m p u l s i o n sans é g a l e qu i n e s ' e s t p a s d é m e n t i e d e p u i s . L e s a m i s du M u s é e d e la Pharmac ie de Montpel l ier n 'oub l ie ron t pas de sitôt sa mémoi re . Que son épouse , qui n ' a j ama i s m a n q u é de l 'assis ter dans toutes ses tâches, t rouve ici l ' express ion de nos bien vives condoléances .

* Ancien secrétaire général de la Société Internationale d'Histoire de la Médecine, conservateur du Muséee de la Pharmacie de Montpellier.

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