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Le Maroc, paradis des géologues Le Maroc, paradis des géologues Numéro 194 - septembre 2017 - 20 - ISSN 0016.7916 - Trimestriel REVUE OFFICIELLE DE LA SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE DE FRANCE Géosciences appliquées REVUE OFFICIELLE DE LA SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE DE FRANCE Géosciences appliquées

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Le Maroc, paradis des géologues Le Maroc, paradis des géologues

Numéro 194 - septembre 2017 - 20 € - ISSN 0016.7916 - Trimestriel

REVUE OFFICIELLE DE LA SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE DE FRANCEGéosciences appliquéesREVUE OFFICIELLE DE LA SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE DE FRANCEGéosciences appliquées

Haut Atlas de Marrakech, à 10 km au NO du col de Tizi n’Tichka. Cliché : H. Ouanaimi.

Cliché : H. Ouanaimi.

0 Géologues Couv.194 26/09/2017 9:55 Page 1

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0 Géologues Couv.194 26/09/2017 9:55 Page 2

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Géologues n°194

1

1. Courriel : [email protected]. Courriel : [email protected]

Première de couverture : La série crétacée du flanc sud du synclinal d’Aït Attab (Haut Atlas central).Voir l’article de Charrière et Haddoumi, dans ce volume (cliché A. Charrière).

directeur de publication :

Sylvain CHARBONNIERrédacteur en chef :

Marc BLAIZOTchargé de missions :

Gérard SUSTRACcomité de rédaction :

• section géologie de l’ingénieur

Marc BRISEBARREMarianne CHAHINEDenis FABRE

• section eau

Jean-Pierre FAILLATAnthony LE BEUXLahcen ZOUHRI

• section géophysique

Antoine BOUVIERChristian HERISSONJean-Marc MIEHE

• section substances minérales

Michel JÉBRAKChristian POLAKVéronique TOURNIS

• section énergie

Jean-Jacques JARRIGEAlain MASCLEValérie VÉDRENNE

• section enseignement et recherche

Christian BECKRoselyne FRIEDENBERGDidier NECTOUXCyril SCHAMPER

mise en page et couverture :

COM’IN - 45000 ORLEANSGéologues est la revue officielle de laSociété Géologique de France.Géosciences Appliquées.Association loi de 1901, fondée en 1830et reconnue d’utilité publique parOrdonnance du Roi du 3 avril 1832.siège social :

77, rue Claude Bernard - 75005 PARISTéléphone : 01 43 31 77 35Télécopie : 01 45 35 79 10E mail : [email protected] Internet : www.geosoc.frImprimé en France parCHEVILLON IMPRIMEUR89101 SENSCommission paritaireCPPAP n°0120G82626Tirage : 700 exemplairesDépôt légal à parution

Géologues

C’est unanimement et avec enthousiasme que le comité de rédaction a décidé de lancer ce numéro spécial intitulé « Le Maroc, paradis des géologues », reprenant leprincipe des numéros régionaux sur lequel “Géologues” avait beaucoup misé, il y

a 5 à 10 ans, à la grande satisfaction de ses lecteurs qui y font toujours référence. Nous avons« seulement » étendu le concept de région à un pays tout entier englobant du mêmecoup, beaucoup de provinces géologiques, du Maroc méditerranéen au Maroc africain enpassant par le Maroc atlantique et le Maroc alpin et intégrant aussi de facto, à travers cetexemple particulièrement pédagogique, toute l’histoire géologique de la Planète, du Précambrien au Quaternaire.S’inscrire, à travers ce numéro « national », dans une si longue période de temps et dans un sivaste et si varié territoire, c’était aussi permettre à tout géologue, dans tous ses domainesde prédilection, de se mobiliser, soit pour être rédacteur didactique, soit pour être lecteur avisé. Car au-delà de l’immense intérêt de la géologie marocaine, cela a été la raison de cette escapade hors de France : diffuser plus largement la revue en étendant son lectorat aupublic francophone international et faire participer une nouvelle communauté de rédacteurs,marocains pour l’essentiel.Que nos collègues qui ont répondu si tôt et si profondément présents, en particulier AndréMichard, cheville ouvrière de ce numéro, soient ici remerciés : sans leur implication depuisplus d’un an, ce numéro n’aurait pas pu naître et n’aurait pas bénéficié de tous leurs résul-tats et découvertes récentes, qui en font, croyons-nous, tout son attrait. Nos collèguesmarocains ont démontré la variété de leurs compétences et leur enthousiasme. On verraen effet, à travers tous ces articles, que tant la géologie fondamentale que la géologieappliquée trouvent au Maroc un champ de réflexions et d’actions privilégié et que, surtout,elles se nourrissent l’une l’autre. C’est particulièrement le cas des recherches fondamentaleset des réalisations industrielles innombrables dont on trouvera des exemples tant enaménagements qu’en hydrogéologie, qui se sont multipliés ces 20 dernières années, dansun pays à la croissance quasi ininterrompue.Un peu partout, la géologie régionale a profité des données acquises et des interprétationsréalisées dans les géosciences appliquées : qu’on songe à l’ensemble des bassins sédi-mentaires français dont la connaissance a été amplifiée et parfois révolutionnée par l’exploration pétrolière et minière et les avancées majeures qu’elles ont permises en géologie fondamentale, géophysique, géochimie, cartographie ou modélisations dont ledernier numéro de Géologues s‘est fait largement l’écho. Le prochain pas en avant, pourle bassin de Paris, sera bien sûr, l’intégration des données acquises dans le cadre du projet du Grand Paris, qui seront mises, grâce à l’action de la SGF et au soutien bienveillantde la Société du Grand Paris, à la disposition des universitaires.Ce numéro veut ainsi participer pleinement à cette relation forte, indispensable entre géologie fondamentale et géologie appliquée, pierre angulaire de la SGF renouvelée etrenforcée depuis sa fusion avec l’UFG. Il nous semble d’ailleurs, que c’est pour la revue“Géologues”, une option stratégique dont nous aurons, à travers l’enquête que nousallons lancer auprès de vous, fin 2017, l’occasion de reparler et de débattre.Puisse ce nouveau numéro spécial « Maroc », fruit de cette coopération internationaleentre tous les géologues quelle que soit leur discipline, être une première brique et fassedes émules pour d’autres numéros « nationaux » dans les années qui viennent ! Bonne lecture ! Bon voyage !

Éditorial

Marc Blaizot1,Rédacteur en chef de « Géologues »

Michel Jebrak2,Membre de la section

Substances minérales de « Géologues »

Page 4: REVUE OFFICIELLE DE LA SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE DE FRANCE

2

annonceurs TOTAL ...................................................................................... 2ème

de couverture

SGF ................................................................................................ 3ème

de couverture

Insertions publicitaires par numéro, année 20174ème de couverture couleur....................1500 € HT2ème et 3ème de couverture couleur ........1200 € HTPage interne couleur (18 x 24 cm) ........1000 € HT

Demi-page couleur (18 x 12 ou 24 x 8 cm) .................350 € HTQuart de page couleur (12 x 8 ou 18 x 6 cm) ...........200 € HT

Organismes bienfaiteurs ACG [email protected] en constructionANDRAwww.andra.frAREVAwww.areva.comBRGMwww.brgm.frCOTRASOLwww.cotrasol.fr

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Géologues n°194

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Som

mai

re4 géologie fondamentale :état des connaissances et résultats récents

Les grandes régions géologiques du Maroc ;diversité et soulèvement d’ensemble .......................................................... 4André Michard, Omar Saddiqi, Yves Missenard,Mostafa Oukassou, Jocelyn BarbarandRif externe : comment comprendre et expliquer le chaos apparent ? .................................................................. 13Dominique Frizon de Lamotte, Mohamed Najib Zaghloul, FaouziyaHaissen, Geoffroy Mohn, Remi Leprêtre, Oriol Gimeno-Vives,Achraf Atouabat, Mohamed El Mourabet, Anass AbassiDéformation active du Rif : GPS, sismicité et géologie montrent l’expulsion d’un coin crustal sud-occidental ........................ 16Ahmed Chalouan, Jesus Galindo-Zaldivar, Antonio J. Gil,Kaoutar BargachLa Meseta, un terrain vagabond ou la marge fragmentée de l’Anti-Atlas ? ............................................................................ 19Christian Hoepffner, Hassan Ouanaimi et André MichardLa tectonique de l’Atlas : âge et modalités .............................................. 24Hassan Ibouh et Driss ChafikiDater les couches rouges continentales pour définir la géodynamique atlasique .................................................. 29André Charrière et Hamid HaddoumiLe Précambrien à la bordure nord du craton ouest-africain (Anti-Atlas et Haut Atlas, Maroc) ................................................................ 33Abderrahmane Soulaimani, Kevin HefferanDorsale Reguibat et Massif des Oulad Dlim,l’avancée des connaissances ........................................................................ 37Pilar Montero, Fernando Bea, Faouziya Haissen, José FranciscoMolina-Palma, Francisco González-Lodeiro, Abdellah Mouttaqi,Abdellatif Errami

47 métallogénie et substances minérales

Géodynamique et cyclicité métallogénique au Maroc ........................ 47Dominique Gasquet et Alain CheilletzLes mines et la métallogénie du Maroc .................................................... 52Michel JébrakLes dérangements de la série phosphatée dans le district minier de Khouribga (Maroc) : une esquisse de leur origine et de leurs méthodes de cartographie sous couverture quaternaire .................... 54Nadia El Kiram, Azzouz Kchikach, Mohamed Jaffal, José AntonioPena, Teresa Teixido, Roger Guerin, Oussama Khadiri Yazami etEs-Said JouraniLes schistes bitumineux au Maroc ............................................................ 63Laurent de Walque

68 hydrogéologie

Apports de la géologie du Maroc à la gestion et la planification de ses ressources en eau souterraine ........................................................ 68Omar Fassi FihriÉvaluation du potentiel des ressources en eau souterraine d’un bassin hydrogéologique d’extension régionale.Cas du bassin du Sebou (Maroc) .................................................................. 73Mohamed Sinan, Abdessadek Chtaini, J. Filali JaouadUtilité du monitoring des forages d’exploitation d’eau pour la rationalisation de l’irrigation agricole au Maroc ...................... 78Fouad AmraouiApport des outils isotopiques à la compréhension du fonctionnement des aquifères marocains et à la quantification de leurs ressources - Cas du Bassin de Sebou .......................................... 83Soumaya Sefrioui, Omar fassi Fihri et Hamid Marah

87 aménagements et géotechnique

Activités néotectoniques et mouvements de terrain dans le Prérif (Secteur de l'autoroute Fès-Taza, Nord Maroc) .............. 87Hassan Tabbyaoui, Benoît Deffontaines, Fatima El Hammichi,Abdel-Ali Chaouni et Samuel MagalhaesÉtude de l’érosion pluviale des talus autoroutiers au Maroc et proposition d’un système de protection par arcades bétonnées :application aux sections Tanger-Port Tanger Med et Fès-Taza .......... 93Amal Chehlafi, Azzouz Kchikach et Abdelkrim DerradjiLa construction des barrages et la politique de mobilisation des eaux de surface au Maroc .................................................................. 100Khalid El GhomariAdaptations d’un projet de barrage en cours de construction :l’exemple du barrage de Moulay Bouchta en zone de flysch altéré .............................................................................. 106Ahmed F. Chraibi et Abdelaaziz Zaki

112 patrimoine géologique

Patrimoine géologique marocain et développement durable :l’exemple du Dévonien du Tafilalt, Anti-Atlas oriental ........................ 112Ahmed El Hassani, Sarah Aboussalam, Thomas Becker,Mohamed El Wartiti et Farah El HassaniLes marqueurs permiens comme patrimoine géologique à promouvoir et à protéger dans le massif hercynien du Maroc central ............................................................................................ 118Mohammed El Wartiti, Mohamed Zahraoui et Ahmed El Hassani

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1. Professeur émérite à l’Université de Paris-Sud, ex-directeur du Laboratoire de Géologie structurale de Strasbourg. Courriel : [email protected]. Professeur à l’Université Hassan II de Casablanca, Doyen de la Faculté des Sciences Aïn Chock. Courriel : [email protected]. Professeur à l’Université Paris-Sud, Département des Sciences de la Terre, Faculté des Sciences d’Orsay. Courriel : [email protected]. Professeur à l’Université Hassan II de Casablanca, Faculté des Sciences Aïn Chock. Courriel : [email protected]. Professeur à l’Université Paris-Sud, Département des Sciences de la Terre, Faculté des Sciences d’Orsay. Courriel : [email protected]

Géologues n°194

« Maroc, le paradis des géologues ! » Le pays est tel-lement étendu du nord au sud, des chaînes méditerra-néennes au craton de l’Afrique occidentale, et son relief estsi accentué (n’y trouve-t-on pas le plus haut sommet nonvolcanique d’Afrique, le J. Toubkal, 4167 m ?) que presquetoutes les roches de nature et d’âge variés, presque toutesles structures s’y trouvent directement observables. Climatfavorable, végétation pas trop dense, hospitalité prover-biale des habitants, infrastructure routière et hôtelièreexcellente, voici qui complète l’attrait que ce pays exercesur les géologues et les paléontologues du monde entier.Last but not least, les études géologiques y ont été déve-loppées très tôt (création du premier Service des Mines etde la Carte géologique en 1921 sous l’impulsion de Lyautey ; publication de six cartes au 1/500 000 couvrantle pays en 1952 au Congrès d’Alger ; cf. Missenard et al.,2008 ; Medioni, 2011) et se sont poursuivies sans relâche.Qui veut aborder le Maroc aujourd’hui dispose d’une carted’ensemble au 1/1 000 000 (1985), denombreuses cartes au 1/200 000 ouau 1/100 000, de cartes thématiquesdiverses (magnétiques,géochimiques,etc.) et surtout de cartes au 1/50 000couvrant déjà l’essentiel du pays etdont le lever, commencé au nord dèsl’Indépendance, se poursuit encoreactivement (www.mem.gov.ma). Labibliographie géologique du Maroc,déjà très riche, ne cesse d’augmen-ter du fait même de l’intérêt que lepays présente pour les chercheurs.Des questions stimulantes telles quela structure des chaînes de montagneou les crises biologiques trouvent deséléments de réponse dans ce pays.Encore ne parle-t-on ici que de géo-logie fondamentale ! Le Maroc estaussi un pays minier, la prospectiondes hydrocarbures y est active off-shore et onshore, et les problèmesd’hydrogéologie ou de géologie appli-quée y sont prégnants.

Quels sont les grands traits dela géologie du Maroc ? Où aller la

découvrir de préférence ? Deux ouvrages récents répondentà ces questions : un ouvrage collectif en anglais (Michardet al., eds., 2008) et une série de guides géologiques enfrançais (Michard et al., eds., 2011). Ici, nous résumonsd’abord les grands traits de la géologie du pays, région parrégion, en nous appuyant sur quelques cartes et coupesgénérales. Cette introduction servira de base aux articlessuivants, qui ciblent les points acquis récemment et leschantiers en cours d’étude dans chacune de ces régions.Cependant, à la fin de cette introduction, nous nous arrê-terons aussi sur une question fondamentale, celle desmouvements verticaux qui ont affecté presque toutes lesrégions géologiques du Maroc au cours des temps post-her-cyniens,provoquant des lacunes stratigraphiques majeureset finalement un relief très contrasté. Cette question a jus-tifié de nombreuses recherches ces dernières années, et aconduit à s’intéresser non seulement aux roches présentesen surface, mais jusqu’aux anomalies du manteau.

géologie fondamentale :

état des connaissances et résultats récents

Les grandes régions géologiques du Maroc ;diversité et soulèvement d’ensembleAndré Michard1, Omar Saddiqi2, Yves Missenard3, Mostafa Oukassou4, Jocelyn Barbarand5.

4Figure 1. Le relief du Maroc et des pays voisins au NW de l’Afrique (Michard et al.,2008).Le Rif et les Cordillèresbétiques du sud de l’Ibérie forment l’arc de Gibraltar, l’un des oroclines les plus refermés au monde.

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Géologues n°194

GénéralitésLes domaines géologiques du Maroc se lisent dans

son relief (Fig. 1). Ils sont au nombre de cinq, du sud aunord : le domaine saharien, correspondant au CratonOuest-Africain (en anglais : le WAC) ; l’Anti-Atlas et lesbassins qui le bordent localement (Sous et Ouarzazate) ;le système des Atlas (Haut Atlas, Moyen Atlas), qui s’étendvers l’est en Algérie et Tunisie, alors que l’Anti-Atlas estune spécificité marocaine ; les massifs anciens du domai-ne de la Meseta, en partie cachés sous des plateaux etqui forment le socle des Atlas ; le Rif, branche sud de l’Arcde Gibraltar et extrémité occidentale des chaînes alpinesde Méditerranée occidentale. Cependant, à ces cinqdomaines majeurs, constitutifs du continent, vient s’ajou-ter un sixième domaine qui les prend tous en écharpe demanière plus ou moins complexe : la marge atlantique,dont la partie proximale est visible à terre, et qui n’estrestée une marge passive typique qu’au sud de l’Atlas.

Les domaines géologiques si visibles dans le relief duMaroc se calquent sur autant de domaines structuraux (Fig.2).Tout au sud, dans le craton, l’histoire tectonique commen-ce à l’Archéen, il y a quelque 3 Ga, pour se poursuivre par

la collision paléoprotérozoïque fondatrice du craton vers 2 Ga. Ensuite, plus de trace d’orogenèse, sauf sur les bords.Dans l’Anti-Atlas, l’histoire enregistrée débute au Paléopro-térozoïque (c’est le bord nord du craton), avant d’être mar-quée par le cycle orogénique panafricain qui s’étale entre 760 et 550 Ma. Plus au nord encore, mais aussi à l’ouest,l’orogenèse hercynienne ou varisque (360-290 Ma) s’expri-me fortement dans les massifs mésétiens, dans le socleatlasique et dans les nappes des Mauritanides septentrio-nales (Oulad Dlim). La chaîne varisque, comme la chaînepanafricaine avant elle,tend à se mouler sur le craton.Enfin,le cycle orogénique alpin va faire surgir les Atlas et le Rif auCénozoïque (depuis ~35-40 - Ma), avec deux styles diffé-rents : une chaîne intracontinentale dans le domaine atla-sique,dont les unités sont essentiellement autochtones ;unechaîne alpinotype dans le Rif, dont tous les éléments sontcharriés sur la marge africaine,certains,les plus internes,pro-venant même de la marge européenne de la Téthys.

Le domaine saharienLe domaine saharien du Maroc comporte trois par-

ties (voir Fig. 2), d’est en ouest et du plus profond au plussuperficiel : 1) une partie orientale appartenant au CratonOuest-Africain, 2) une partie centrale où affleurent lesnappes des Mauritanides, charriées sur le craton, et 3) unepartie occidentale constituée des terrains d’âge Crétacé-Tertiaire appartenant à la marge atlantique proximale.

Le cratonIl correspond à une petite partie de la Dorsale ou

Bouclier Reguibat, montrant ici les terrains archéens dunoyau du Craton Ouest-Africain, avec des âges autour de3 Ga. Le reste de la dorsale, affleurant en Mauritanie et enAlgérie, est fait de terrains paléoprotérozoïques soudés aunoyau archéen lors de l’orogenèse éburnéenne-birri-mienne, vers 2 Ga. Les terrains archéens de la dorsaleaffleurent au Maroc autour d’Aoussert (Awsard) et Tichla(Rjimati et al., 2011). Ils comportent un large éventail de gra-nites, migmatites et intrusions diverses, et des élémentsde ceintures de roches vertes (Tichla). Plus au sud, en Mau-ritanie (région du Tasiast-Tijirit-Chami), ces terrains ontété datés récemment à 2,97 Ga pour les migmatites, à2,96 pour les volcanites acides de la ceinture de Chami(Key et al., 2008). La ceinture de roches vertes du Tasiastest considérée comme charriée vers l’ouest avant 2,83 Ga(Heron et al., 2016). Au Maroc, les roches archéennes de larégion d’Awsard-Tichla ainsi que celles des unités char-riées les plus basses ont fait l’objet d’une cartographie au1/50.000 (Rjimati et al., 2002 à 2011), puis ont été étudiéesen détail du point de vue géochimique et géochronolo-gique, comme exposé plus loin (Montero et al., ce vol.).

géologie fondamentale : état des connaissances et résultats récents

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Figure 2. Les domaines structuraux du Maroc et des régions voisines,résultat d’une évolution géologique commencée il y a 3 Ga (Archéen du

Craton Ouest-Africain). Hachures: zone des Sferiat, à unités chevauchantesarchéennes découpées pendant la collision éburnéenne. FSA : Faille sud-atlasique. AAMF : Accident majeur de l’Anti-Atlas ; BC : Bloc côtier ;Jb : Jebilet ; MC : Meseta centrale ; MSZ : Suture mésorifaine ; OZZ :Ouarzazate ; R : Rehamna ; T : Tazekka ; Ta : Tamelelt. D’après Michard etal., 2011. Les traces 3 (A, B) à 8 localisent les coupes des figures suivantes.

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Géologues n°194

Les nappes des Oulad Dlim-Adrar SouttoufLe massif des Oulad Dlim-Adrar Souttouf permet

d’observer l’extrémité septentrionale de la chaîne desMauritanides, une « chaîne de montagnes » qui ne dépas-se guère 400 m d’altitude, formée d’unités charriées versl’est sur le bord du craton. Cette chaîne au sens tecto-nique du terme s’allonge sur plus de 1500 km vers le sudjusqu’au Sénégal, pour une largeur généralement voisinede 150 km. L’empilement des unités qui la forment et leurcharriage sur le craton résultent pour une part de l’oro-genèse varisque, comme le montre l’implication du Dévo-nien dans ses unités frontales (Fig. 3) ainsi que les mesuresK/Ar et 40Ar/39Ar de 310-290 Ma, obtenues dans les unitésinternes (Villeneuve et al., 2006 ; Caby & Kiénast, 2009).Des assemblages métamorphiques de haute pression-basse température,attribuables à l’orogenèse varisque,ontété mis en évidence en Mauritanie (Le Goff et al., 2001 ;Caby & Kiénast, 2009). Cependant, cette chaîne porte aussi témoignage d’événements néoprotérozoïques rattachés à l’évolution de la chaîne panafricaine et révé-lés par la géochronologie U-Pb zircon. Montero et al. (cevol.) brossent l’état des lieux concernant les nappes desOulad Dlim,notamment la nature et l’âge de leur matériel.

Du point de vue structural, le transect des OuladDlim est remarquable parce que les nappes crustalesmétamorphiques se superposent directement par endroitsur la croûte de leur avant-pays, sans interposition d’uni-tés sédimentaires parautochtones. C’est le cas au sud, auniveau de Tichla, tandis que vers le nord des écailles demétaquartzites attribuables au Cambrien (Gärtner et al.,2017) et une mince semelle siluro-dévonienne plissée

s’intercalent entre la première nappe de socle et les quart-zites conglomératiques de l’Ordovicien supérieur, discor-dants sur l’Archéen (voir Fig. 3A). Ce n’est que plus au nordencore (Dhlou, Zemmour) que la couverture du cratons’épaississant, une chaîne plissée d’avant-pays apparaîtau front des nappes (Fig. 3B), annonçant le passage versl’Anti-Atlas. La réduction extrême de la couverture du cra-ton sur le transect des Oulad Dlim s’explique d’abord parl’érosion glaciaire ordovicienne ayant précédé le dépôtdes quartzites conglomératiques, ensuite par une subsi-dence particulièrement faible de la région au Paléozoïquemoyen, peut-être du fait de sa position en épaulementde la marge de l’océan Rhéique.

La marge atlantique au sud de l’AtlasLa marge atlantique du Maroc (Hafid et al., 2008 ;

Klingelhofer et al., 2016) s’est formée suite au rifting duTrias lors de l’ouverture de l’Atlantique Central, riftingculminant avec les émissions basaltiques de la CAMP(Central Atlantic Magmatic Province) vers 200 Ma. Lapartie saharienne de la marge (Fig. 4) montre les dépôtssynrifts du Trias, recouverts par une plateforme carbo-natée jurassique tronquée par les couches détritiquesdu Crétacé inférieur, continentales dans le domaine proxi-mal, et suivis enfin par les séries marines du Crétacésupérieur et du Tertiaire. Au sud de l’Atlas, cette série demarge passive est seulement déformée par la tectonique salifère (Tari et al., 2003 ; Davison & Dailly, 2010). L’insta-bilité gravitaire liée aux pentes du talus détermine en outre la déformation des couches éocènes à quaternaires(Benabdellouahed et al., 2016).

géologie fondamentale : état des connaissances et résultats récents

6 Figure 3. Le front des nappes mauritaniennes et leur avant-pays cratonique à Aousserd (A) et Guelta Zemmour (B), d’après Michard et al. (2010). Le domai-ne cratonique est colorié, les nappes et les terrains paléozoïques décollés sont laissés en blanc..

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Géologues n°194

L’Anti-AtlasEntre l’embouchure de l’oued Dra et la hamada du

Guir à l’ouest de Béchar (voir Fig. 1), l’Anti-Atlas apparaîtcomme une chaîne montagneuse trapue (750 x 150 km)et d’altitude moyenne,modérée. Elle culmine à 3 200 m auJ. Siroua, là où elle est collée au Haut Atlas, au sud de Mar-rakech (voir Fig. 2). L’axe le plus surélevé de l’Anti-Atlas estmarqué par l’alignement des « boutonnières » (des mas-sifs généralement en creux) qui font affleurer le socle pré-cambrien métamorphique sous les terrains paléozoïquesplissés (Fig. 5). Sur le flanc nord de la chaîne, les couchescrétacées et tertiaires des deux bassins du Sous (Agadir)et de Ouarzazate montrent un pendage nord et s’appuienten discordance sur le Paléozoïque déformé. Ainsi l’Anti-Atlas est une « poupée-gigogne » géologique : une mon-tagne surélevée au Cénozoïque à l’instar de l’Atlas,reprenantune ancienne chaîne hercynienne,elle-même superposée àun domaine complexe où se trouvent les témoins de deuxcycles orogéniques précambriens, celui du Néoprotéro-zoïque, qui a édifié l’immense chaîne panafricaine, et celuidu Paléoprotérozoïque, qui a présidé à l’édification du cra-ton ouest-africain.

Le résumé des connaissances actuelles sur la chaî-ne panafricaine de l’Anti-Atlas est présenté plus loin par Soulaimani et al. (ce vol.). Quant à l’orogenèse varisque, ellereste ici modérée : l’Anti-Atlas correspond à une chaîned’avant-pays au front des zones métamorphiques desMauritanides, à l’ouest, et du domaine de la Meseta, aunord. Cette chaîne montre un style « pachydermique »(thick-skinned) dans la mesure où la déformation impliqueson socle (voir Fig. 5). Les accidents du socle précambriensont réactivés au cours de l’évolution paléozoïque (Sou-laimani et al., 2014), d’abord en failles normales (riftingcambrien), puis en failles inverses décrochantes (collisionvarisque), aboutissant à un canevas de plis complexes. Lacomplexité du plissement est d’autant plus importante(figures d’interférence) que la direction de compressionsemble tourner pendant le Carbonifère supérieur-Per-mien inférieur, passant de la direction NW-SE (Anti-Atlasoccidental) à la direction N-S puis NE-SW dans le Tafilaltet l’Ougarta (Baidder et al., 2016).

Le domaine mésétienCe domaine se définit dans les massifs anciens où

les terrains paléozoïques sont affectés de plissements

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Figure 4. Coupe des séries sédimentaires de la marge atlantique à Tarfaya, dans la partie nord du bassin de Boujdour (Hafid et al., 2008).

Figure 5. Coupe du flanc sud de l’Anti-Atlas occidental, d’après Burkhard et al. (2006), modifiée in Michard et al. (2010). Localisation : Fig. 2. Abréviations :Fig. 3, sauf PIII = ancienne désignation de l’Ediacarien supérieur discordant.

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intenses synmétamorphiques et recoupés par de vastesintrusions granitiques. Il appartient à la chaîne varisqueou hercynienne qui s’allongeait d’Europe en Afrique occidentale après la collision Laurussia-Gondwana. Lesterrains primaires les plus jeunes sont ceux des fosséspermiens volcano-détritiques, liés à desdécrochements tardi-hercyniens. Ce soclepaléozoïque forme des massifs (Massifcentral, Rehamna, Jebilet, Bloc côtier ; voirFig. 2) entourés par les couches discor-dantes des bassins triasiques ou des pla-teaux crétacés-tertiaires (dont le fameuxPlateau des Phosphates entre le Massifcentral et les Rehamna), ou encore desbassins miocènes (celui de Fès-Meknèsau nord,du Tadla et de Marrakech au sud).Le même socle varisque se retrouve enmassifs dispersés dans le domaine atla-sique, où ce sont des dépôts triasiques etjurassiques qui le recouvrent. En interpo-lant les données d’un massif à l’autre, ilest possible de proposer une coupe del’orogène mésétien (Fig. 6A), et de repla-cer celle-ci dans l’ensemble de la chaînevarisque marocaine (Fig. 6B).

Le contraste est frappant avec lachaîne plissée d’avant-pays de l’Anti-Atlas(voir Fig. 5). On note en particulier : 1) ledécoupage de l’orogène par des faillesmajeures comme la Zone de cisaillement

de la Meseta occidentale ou la zone defaille du Tazekka, 2) l’étalement desphases de compression syn-métamor-phiques avec une phase précoce dans lebloc Sehoul (granite à 367 Ma ;Tahiri et al.,2010) et dans la Meseta orientale, avantla transgression du Dinantien (Hoepff-ner et al., 2006 ; Michard et al., 2010), 3)l’importance du magmatisme synoro-génique, avec un magmatisme gab-broïque précoce, dévono-dinantien, etun magmatisme granitique syn- à post-tectonique. Les plus vieux terrains à l’affleurement sont d’âge Ediacariensupérieur. La présence d’une croûte précambrienne ancienne de type gond-wanien est attestée par l’âge des zirconshérités (2000 Ma, 700 Ma), ramenés par diverses roches magmatiques (e.g.,Dostal et al., 2005), bien que cette croûte ancienne ait été profondément

rajeunie pendant les phases de subduction et de collisionvarisque.

La chaîne mésétienne arasée au Permien constitueen règle générale le socle du système des Atlas. Le Massifancien du Haut Atlas occidental, le massif du Tazekka, les

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Figure 7. Coupes du Haut Atlas central (A) et de l’Atlas de Marrakech (B), respectivement d’aprèsMichard et al. (2011) et Missenard et al. (2007). C : Coupe du rift triasique sur le transect oriental del’Atlas de Marrakech vers la transition Trias-Lias (200 Ma), d’après El Arabi (2007), in Frizon de Lamotteet al. (2008). I-V : succession des séquences continentales du Permien (I) et du Trias (II-V). En vert : trappsbasaltiques et dykes de la CAMP.

Figure 6. A : Coupe schématique de l’orogène mésétien (Hoepffner et al., 2006). B : Coupe générale dela chaîne varisque marocaine replaçant la coupe A dans son cadre général à la fin du Paléozoïque(Michard et al., 2010). TFZ : Zone de faille du Tazekka, coïncidant avec la zone de racine des nappes,charriées vers l’ouest. Abréviations stratigraphiques usuelles en anglais. S1, S2 : clivage schisteux éovarisque/varisque.

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horsts du Moyen Atlas nord-oriental, le massif de Midelt,le nord du Tamelelt dans l’Atlas oriental appartiennentau socle mésétien. En revanche, le socle du Haut Atlas deMarrakech présente une géologie de type anti-atlasique,sans empreinte métamorphique varisque : c’est le « pro-montoire de l’Ouzellarh » où se trouve le J. Toubkal. Unefaille varisque majeure le sépare de l’orogène mésétien, laFaille sud-mésétienne (SMF), qui inclut à l’ouest la faille duTizi n’Test mais se poursuit vers l’est jusqu’en Algérie. Lesrelations paléogéographiques entre Meseta et Anti-Atlasont été récemment éclairées par les études stratigra-phiques et structurales, comme l’exposent plus loin Oua-naimi et Hoepffner (ce vol.).

Les couches de houille du Carbonifère supérieuront été exploitées dans la Meseta orientale (Jerada),et les minéralisations sulfurées liées au magmatisme de la Meseta occidentale ont un intérêt économique important. Cependant, la chaîne varisque marocaine dansson ensemble offre bien des sujets d’étude de géologie fondamentale, qu’il s’agisse de l’interprétation de la cul-mination métamorphique des Rehamna et des Jebilet(Wernert et al., 2016 ; Delchini et al., 2016), des corréla-tions avec la chaîne varisque d’Europe et de la tectonique des plaques associée à cette orogenèse (Kroner, 2016).

Le système des AtlasLes Atlas (Haut Atlas et Moyen Atlas, voir Fig. 2)

sont des chaînes intra-continentales d’âge alpin résultantde l’inversion de rifts d’âge triasico-jurassique (Frizon deLamotte et al., 2000, 2008 ; Teixell et al., 2007 ; Domène-ch et al., 2015). Ces rifts assuraient une connexion entre lerift de l’Atlantique central et la Néo-Téthys, concurrem-ment au rift passant plus au nord et rattachant l’Atlantiquenaissant à la Téthys alpine. Contrairement à leurs voisinsdu nord, les rifts atlasiques ont avorté au Jurassique supé-rieur, sans aller jusqu’à l’ouverture océanique. Les riftsatlasiques se sont ouverts dans la chaînemésétienne érodée et effondrée, à l’instar du rift atlantique s’ouvrant surles ruines de la chaîne appalachienne-hercynienne, en réutilisant en failles normales nombre de failles inverses oude décrochements anciens. C’est ce quiexplique que le plan des chaînes atla-siques se calque sur celui de l’orogènemésétien. Ainsi, la Faille sud-atlasiquesuit à peu près le même trajet que laFaille sud-mésétienne, c’est une structu-re héritée typique. De même, la directionNE-SW du Moyen Atlas correspond àl’orientation de la zone de faille du

Tazekka, où s’enracinent les nappes varisques, et de lazone faillée de Meseta occidentale.

L’organisation des montagnes atlasiques est mar-quée par la prédominance de failles longitudinales, héri-tées des failles normales du rift correspondant. Ces faillesnormales découpaient des blocs allongés et plus ou moinsbasculés transversalement. Ce découpage va guider enpartie la répartition des plis atlasiques,caractérisés par desanticlinaux aigus entre de larges synclinaux à fond plat(Fig. 7). Le rifting triasique s’est trouvé réactivé au Lias,avec une reprise du volcanisme associé. Le remplissagemarin du rift se poursuit jusqu’au Jurassique moyen, avecdes dépôts plus épais et en général plus profonds dans l’axedu bassin. Dans le même temps, le sel triasique sous-jacent commence à fluer et à s’organiser en diapirs au-des-sus des failles. Une régression s’installe au Jurassiquemoyen, enregistrée par le dépôt de couches rouges. Celles-ci sont célèbres par leur restes et empreintes de dino-saures. Les dépôts rouges se poursuivent jusqu’au Créta-cé inférieur. L’érosion de l’Atlas de Marrakech commencedès cette époque et alimente en partie ces dépôts rouges.Dans la même période se déclenche un magmatisme,tant intrusif que volcanique, de nature gabbroïque à ten-dance alcaline, associé à des syénites. Il traduit l’exten-sion crustale et la remontée de l’asthénosphère (Frizonde Lamotte et al., 2009).

La transgression majeure du début du Crétacésupérieur a probablement recouvert toute la chaîne.L’émersion va se faire vers la fin de cette période et lesfailles vont commencer à s’inverser quand la convergen-ce Afrique-Europe s’enclenchera (80 Ma). De nouveauxdépôts rouges apparaissent au début du Tertiaire. Charrièreet Haddoumi (ce vol.) reviennent sur les méthodes dedatation de ces divers dépôts rouges et sur leur signifi-cation géodynamique.

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Figure 8. Coupe schématique du Rif et du sud du bassin d’Alboran, d’après Chalouan et al., 2008,modifié. Localisation : voir Fig. 2. Abréviations : B., Beni ; C, Crétacé ; J, Jurassique inférieur-moyen ;LCKE, Crétacé inférieur de Ketama ; LMM, Miocène inférieur-moyen ; MM, Miocène moyen ; MSZ :suture mésorifaine ; Pd, Prédorsalien ; T, Trias ; Tg, Unité de Tanger ; UM, Miocène supérieur (1, Torto-nien anté-nappe ; 2, Tortonien-Messinien-Pliocène post-nappe) ; UJ-C, Jurassique supérieur-Crétacé.

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Le raccourcissement transversal des Atlas s’accen-tue au Miocène, entraînant le chevauchement du HautAtlas et du Moyen Atlas sur leurs bordures respectives(voir Fig. 7A). La géométrie des failles inverses dans le socleest encore mal connue,faute de profil de sismique réflexion.Cependant, le massif ancien du Haut Atlas occidental révè-le un découpage du Paléozoïque en blocs imbriqués, déli-mités par des failles inverses en replats et rampes (Fekkaket al., soumis). Le raccourcissement n’excède sans doutepas 15 à 25% de la largeur initiale du bassin, ce qui pose leproblème de l’altitude considérable de cette chaîne presquesans racine. Ce point est discuté à la fin du présent article,tandis qu’une discussion de la tectonique atlasique estproposée plus loin par Ibouh et Chafiki. (ce vol.).

Le RifLa Meseta marocaine occidentale et les plateaux

du Moyen Atlas tabulaire s’enfoncent vers le nord sousles sédiments mio-plio-quaternaires du sillon sud-rifain(voir Fig. 2). À partir de là, la géologie change du tout autout, on entre dans le domaine rifain, chaîne alpine typiqueoù toutes les unités rocheuses sont déplacées peu ou prouvers le sud ou le sud-ouest par-dessus la bordure del’Afrique nord-occidentale. Les lignes qui suivent résu-ment la synthèse récente proposée par Chalouan et al.(2008), sauf mention particulière.

Les petites montagnes qui apparaissent d’abordau nord de Fès et Meknès appartiennent encore à l’avant-pays de la chaîne (Fig. 8). Ce sont les Rides prérifaines,dalles de roches jurassico-crétacées décollées du socle surles évaporites triasiques. Cette tectonique de serrage aufront du Rif est très récente et a contribué à fermer aucours du Messinien le sillon sud-rifain qui était l’une des voies de communication entre la Méditerranée etl’Atlantique. Ceci a provoqué la crise salifère de la Médi-terranée jusqu’à ce que s’ouvre en grand le détroit deGibraltar au Pliocène (e.g. Achalhi et al., 2016).

Au-dessus de la série parautochtone des Rides, lapremière nappe rencontrée est la nappe prérifaine, faitede marnes crétacées à Miocène supérieur ayant glissé pargravité vers l’avant-fosse du sillon sud-rifain, au cours duMiocène supérieur. Les masses d’évaporites y sont fré-quentes (diapirisme crétacé à miocène). Cette nappe atransporté avec elle une autre nappe, dite d’Ouezzane,d’origine plus interne (Intrarif). Un alignement de reliefsrocheux (carbonates jurassico-crétacés) appelés « sofs »marque la limite du Prérif interne. Dans ces unités, com-me dans celles qui suivent vers l’intérieur et appartiennentau Mésorif (nomenclature héritée de Suter, 1980), on peutreconnaître les éléments de la marge passive proximale del’Afrique, au sud de la Téthys liguro-maghrébienne. Les

séries y sont de plus en plus pélagiques vers le nord jus-qu’au Crétacé supérieur-Eocène, puis se terminent pardes sédiments détritiques miocènes.

Or, par-dessus le Miocène mésorifain qui affleureen fenêtres anticlinales,s’observe la « nappe des Senhadja »hétéroclite, qui inclut aussi bien des unités de couvertu-re calcaire que des écailles à affinités ophiolitiques :serpentinites (Beni Malek), gabbros, diabases, avec leurcouverture d’ophicalcite, de brèches et de sables ophioli-tiques,de calcaires à clastes ophiolitiques et de radiolarites(Michard et al., 1992, 2007, 2014 ; Benzaggagh et al., 2014).C’est la suture mésorifaine, qui peut se suivre en Algérieau moins jusqu’en Oranais (voir Fig. 2). Cette suture estinterprétée comme issue de la marge distale africaine, detype hyper-étirée, avec exhumation du manteau, intru-sion et exhumation de gabbros, et présence d’allochtonescontinentaux (Senhadja, Intrarif). L’article de D. Frizon deLamotte et al. (ce vol.) montre tout l’intérêt de cette zoneen terme de géodynamique.

La suture mésorifaine n’est pas la seule suture duRif, il y a aussi celle que marquent les Flyschs maghrébins,au nord de l’Intrarif. Ces flyschs sont des séries sédimen-taires de mer profonde dont l’âge va du Crétacé inférieurau Miocène inférieur. Aujourd’hui, ils sont disposés ennappes au-dessus des unités intrarifaines, mais sont inter-prétées comme issues d’un bassin océanique étroit entre ledomaine de la marge hyper-étirée mésorifaine au sud etle domaine d’Alboran au nord, rattaché à la marge ibé-rique sud-est. La suture des Flyschs ne montre quequelques écailles de basaltes en coussins dans le Rif, maisles ophiolites font leur apparition en Algérie au sud de laPetite Kabylie, avant de se développer considérablementen Calabre, dans une situation tectonique équivalente.

Au-delà de la suture des Flyschs, se développe ledomaine d’Alboran. Marge passive de la plaque ibérique duJurassique à l’Eocène, c’est aujourd’hui un empilement denappes, affecté par un métamorphisme alpin de hautdegré dans les unités les plus profondes. Ce domaine for-me aussi la croûte étirée du bassin méditerranéen d’Albo-ran et réapparaît dans les Cordillères bétiques. Les nappesqui le constituent sont semblables au sud et au nord du bas-sin, incluant de haut en bas, i) la Dorsale calcaire où sontempilées les unités de couverture de la paléomarge, ii) lesGhomarides-Malaguides, ensemble de nappes à matérielpaléozoïque affecté par l’orogenèse varisque,et iii) les Seb-tides-Alpujarrides, incluant un matériel crustal ayant subiégalement l’orogenèse varisque, et un matériel manté-lique formant les massifs de péridotites des Beni Bouseradans le Rif et de Ronda dans les Bétiques. Le métamor-phisme alpin affecte essentiellement les Sebtides, avec unpic thermique vers 20 Ma, précédant de peu l’effondre-

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ment du cœur de la chaîne, l’ouverture du bassin d’Albo-ran et le développement du volcanisme andésitique.L’interprétation géodynamique de cet arc de Gibraltar siresserré alimente de nombreuses controverses et des étudesincessantes (e.g. Mazzoli & Martin-Algarra, 2014 ; Frasca etal., 2015). Les mouvements récents qui affectent cetterégion et y provoquent de fréquents séismes font l’objet dela contribution de Chalouan et al. (ce vol.).

Les mouvements verticaux du Maroc et son relief actuel

Les enseignements de la thermochronologie basse-température

Nous avons souligné au début de cet article l’alti-tude particulièrement importante du relief marocain parrapport au reste de l’Afrique du Nord (voir figure 1). La ther-mochronologie basse température (essentiellement parla méthode des traces de fission sur apatite) permet depréciser l’évolution du relief depuis le début du Secondaire,offrant ainsi un éclairage nouveau sur les lacunes sédi-mentaires qui caractérisent la Meseta et l’Atlas de Marra-kech (la « Dorsale de la Meseta occidentale », en anglais « West Moroccan Arch ». On découvre une succession depériodes de surrection et de périodes de subsidence durantle Méso-Cénozoïque, y compris pour les massifs anciens,traditionnellement considérés comme « stables » depuisl’orogenèse varisque (Leprêtre et al., 2015).

Le démantèlement de la chaîne varisque s’achèveau Permien. Dans le contexte de la fragmentation de laPangée, les séries détritiques du Trias, les trapps basal-tiques du Trias-Lias et les carbonates du Lias ont vrai-semblablement recouvert tout le domaine atlaso-mésé-tien. De fait, l’inversion des données de traces de fissionsur apatite dans les massifs mésétiens montre qu’ils ontété recouverts par des couches dont l’épaisseur a puatteindre 1,5 à 3 km avant la discordance du Jurassiquesupérieur et/ou du Crétacé inférieur, suivant les lieux (Ghor-bal et al., 2008 ; Saddiqi et al., 2009). L’image ancienne « d’îles paléozoïques » émergeant au milieu des mers épi-continentales du Lias, est aujourd’hui caduque ; elle doitêtre remplacée par celle d’une dorsale émergée au Juras-sique supérieur-Crétacé inférieur. La question reste poséepour le Haut Atlas de Marrakech, à la croisée des rifts Atla-sique et Atlantique. Il semble n’avoir pas été recouvert desédiments avant le Trias supérieur (Domènech et al., 2015),et les séries jurassiques, qui s’amincissent à son pied, nes’y sont jamais déposées. Dans les domaines voisins, affec-tés par l’extension (Haut Atlas Occidental, Haut Atlas Cen-tral, Moyen Atlas), ce sont des séries pluri-kilométriquesqui s’accumulent au Mésozoïque, et qui sont préservées

malgré l’inversion cénozoïque. Il en est de même dans lesbassins périphériques, comme le bassin d’Essaouira, oule long de la marge passive Atlantique.

Plus au Sud, l’Anti-Atlas subit dans le même tempsune phase d’exhumation lente mais persistante (Ruiz etal., 2011 ; Oukassou et al., 2013 ; Sehrt et al., 2017). Cette phase d’exhumation, qui va se poursuivre jusqu’au Cré-tacé inférieur, est à l’origine de l’érosion de plusieurs kilo-mètres de couverture paléozoïque. Les séries triasico-lia-siques n’ont jamais recouvert ce domaine. Enfin, ledomaine saharien partage une histoire commune avecl’Anti-Atlas pour cette période, puisque les données dethermochronologie basse température indiquent là enco-re une exhumation lente mais persistante pendant le Triaset le Jurassique inférieur (Leprêtre et al., 2013).

Une étape de cette histoire est particulièrementintrigante : celle qui va du Jurassique supérieur au Créta-cé inférieur et voit une grande partie du Maroc affectée parune érosion majeure. Les sédiments triasico-liasiques dela Meseta occidentale sont alors totalement érodés. L’éro-sion atteint aussi 1 à 2 km dans l’Anti-Atlas. Le bouclierReguibat subit 3 à 4 km d’érosion à l’ouest, et 1 à 1.5 km àl’est. Les produits d’érosion viennent alimenter de vastesdeltas sur la marge passive atlantique, au niveau de Boujdour et de Tarfaya. Cet épisode d’érosion qui suit, à plusieurs dizaines de millions d’années de distance, lesriftings atlantiques et téthysiens, reste une énigme. Ils’agit probablement d’un phénomène de très grande lon-gueur d’onde, peut-être associé à la dynamique du man-teau. La fin en est marquée par l’arrivée de la mer céno-mano-turonienne sur l’ensemble du domaine,à l’exceptionde la partie sud de la dorsale Reguibat. À la fin du Créta-cé supérieur, les prémices des déformations alpines sefont sentir, enregistrés par des discordances locales dansles Atlas (Frizon de Lamotte et al., 2008, fig. 4.20). De plus,la totalité de la dorsale Reguibat est de nouveau livrée àl’érosion, tout comme, probablement, l’Anti-Atlas. Cesdeux domaines forment ainsi des antiformes d’échellelithosphérique, plis de grande longueur d’onde associés àla convergence Afrique-Europe. Cette convergence abou-tit à un premier épisode d’inversion des bassins atlasiquesau cours de l’Eocène moyen-supérieur: c’est la phase atla-sique, bien connue en Algérie et en Tunisie grâce aux don-nées de sub-surface et à un enregistrement sédimentai-re continu. Au Maroc, les données de sub-surface sontparcellaires, et l’enregistrement sédimentaire dans lesbassins est incomplet. Il faut alors utiliser, outre les tracesde fission sur apatite, des thermochronomètres ayant destempératures de fermeture différentes (méthode U-Th/Hesur apatite), pour mettre en évidence cette phase de défor-mation (Leprêtre et al., 2015).

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L’anomalie chaude de la lithosphère marocaineAu cours de l’Oligocène et du Miocène, tout le Maroc

au sud du Rif est caractérisé par un soulèvement qui enfait une terre émergée. Les chaînes atlasiques s’érigent etles molasses syntectoniques viennent alimenter des bassins internes ou périphériques continentaux. Le ser-rage se poursuit au cours du Pliocène et du Quaternaire,déformant les premières molasses. Cependant, le rac-courcissement des Atlas reste faible, de l’ordre de 15 % àl’Ouest et de 25 % à l’Est, valeurs insuffisantes pour justi-fier, par simple isostasie, l’altitude considérable qu’attei-gnent ces chaînes. D’où l’idée que ce soulèvement soit enpartie contrôlé par des processus profonds, comme le sug-gérait déjà Louis Gentil en 1901 (cf. Missenard et al., 2008).

L’existence d’un volcanisme Miocène à Quaternai-re d’affinité alcaline relativement abondant dans l’Anti-Atlas, le Haut Atlas Central, le Moyen Atlas, la Meseta cen-trale et orientale (plateau du Rekkame) et le Rif orientalest l’indice que des processus profonds, mantelliques, ontété à l’œuvre sous la croûte continentale marocaine (cf.Maury, in Frizon de Lamotte et al., 2008, p. 183-188). Le vol-canisme est daté de 10,8 à 2,7 Ma dans le Siroua, entre lesbassins de Ouarzazate et du Souss, avec des éruptionstrachytiques, rhyolitiques, des dômes de phonolites. Lesnéphélinites et autres laves alcalines du Saghro sont demême âge. Les volcans sont plus jeunes dans le Maroccentral (2,8-0,3 Ma autour d’Oulmès), avec le même typede roches alcalines. Dans le Moyen Atlas on reconnaît

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Figure 9. Topographie de la limite lithosphère-asthénosphère sous le Marocet les domaines adjacents, modèle basé sur l’anomalie du géoïde (FulleaUrchulutegui et al., 2007). La zone de lithosphère amincie concerne l’Anti-Atlas au Sud, le Haut Atlas Central, le Moyen Atlas, et semble sepoursuivre au Nord en mer d’Alboran.

deux phases volcaniques, l’une au Miocène, entre 14,6 et5,5 Ma, l’autre au Quaternaire, entre 1,8 et 0,5 Ma. Lesnéphélinites sont ici plus rares et forment les plusanciennes coulées, suivies par des laves moins alcalines(basaltes subalcalins dominants). Les caractères géochi-miques de ces laves sont compatibles avec l’idée d’unpanache asthénosphérique mis en place sous les Canarieset le Maroc atlaso-mésétien à partir de l’Eocène (des intru-sions sont datées de cet âge dans l’Atlas central-oriental)et qui aurait provoqué l’érosion thermique de la base dela lithosphère, suivant une « ligne chaude du Maroc »allant du Siroua à Oujda.

Or, l’amincissement lithosphérique invoqué se trou-ve bien confirmé par les études géophysiques. Dès 1996,Seber et al. ont montré, en s’appuyant sur des données detélésismique, que la lithosphère marocaine est particu-lièrement chaude. Au milieu des années 2000, la confir-mation d’une lithosphère atypique est donnée par Mis-senard et al. (2006) et Fullea Urchulutegi et al. (2007).L’amincissement de la lithosphère (Fig. 9) est caractérisépar : 1) une limite lithosphère-asthénosphère remontantà 70 km localement, 2) une géométrie allongée, depuisl’Anti-Atlas occidental jusqu’au Rif oriental, 3) une indé-pendance vis-à-vis des structures crustales, 4) un mag-matisme à l’aplomb du secteur aminci, mis en place endeux phases distinctes, l’une à l’Eocène, l’autre au Plio-Quaternaire, sans qu’une migration dans l’espace de cemagmatisme puisse clairement être identifiée, et enfin 5)un soulèvement de la croûte de l’ordre de 1000 m, quis’ajoute à la topographie générée par l’épaississementcrustal dans le Haut Atlas et le Moyen Atlas.

Il apparaît impossible de relier cet amincissementlithosphérique à un phénomène de rifting, car il n’y aaucun indice d’extension en surface. Un processus de typepanache, évoqué plus haut, est également délicat à envi-sager étant donné la géométrie allongée (1000 km par100 km) de la structure et la présence de deux épisodes dis-tincts de magmatisme. Difficile enfin d’envisager un phé-nomène de délamination (Bezada et al., 2013), qui néces-siterait un sur-épaississement crustal, sur-épaississementqui n’existe pas dans le domaine atlasique et encore moinsdans l’Anti-Atlas, étant donné les faibles taux de raccour-cissement et le faible épaississement crustal associé. Plu-sieurs équipes se sont attachées à essayer de contraindreles processus à l’origine de cette structure si particulière.Par exemple, Missenard et Cadoux (2012), évoquent uneconvection en bordure du craton de l’Ouest Africain, maison est encore loin d’une solution claire.

NB. Bibliographie reportée pour l’ensemble desarticles du chapitre géologie fondamentale en page 42.

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1. Professeur de géologie à l’université de Cergy-Pontoise, France. Courriel : [email protected]. Professeur de géologie à Université Abdelmalek Essaadi, Faculté des Sciences et Techniques, Tanger, Maroc. Courriel : [email protected]. Professeur de pétrographie à Université Hassan II de Casablanca, Faculté des Sciences Ben M’sik, Casablanca, Maroc. Courriel : faouziya.haissen@gmail4. Maître-de-Conférences à l’université de Cergy-Pontoise, France. Courriel : [email protected]. Post-doctorant à l’université de Cergy-Pontoise, France. Courriel : [email protected]. Doctorant à l’université de Cergy-Pontoise (OGV), à l’université Abdelmalek Essaadi (AA, AA) et à Université Sultan Moulay Slimane (Beni Mellal) (MEM).7. Gabriel Suter, de nationalité suisse, a fait toute sa carrière au Service Géologique du Maroc où il avait en charge la coordination des travaux rifains. Ila très peu publié hormis une œuvre cartographique magnifique (de très nombreuses feuilles à 1/50 000 du Rif externe). Il est l’auteur, en 1980, d’une carte géologique et d’une carte structurale du Rif, toutes les deux à 1/500 000 accompagnées de chartes stratigraphiques pour toutes les unités ainsi quede coupes structurales. Ces deux documents, d’une qualité graphique exceptionnelle, constituent une base de travail indispensable et aussi un outil culturel pour le voyageur curieux. Suite à un don de sa famille, les archives personnelles de Gabriel Suter sont actuellement conservées à la BibliothèqueUniversitaire de l’Université de Cergy-Pontoise. Un travail d’archivage est en cours pour permettre la consultation par les personnes intéressées.

La région rifaine est la plus sep-tentrionale du Maroc. C’est aussi la pluscomplexe (Fig. 1). Du point de vue géolo-gique, on y distingue des zones internesdont l’origine est lointaine, européenneen fait, une « zone des flyschs » issue dela branche maghrébine de la Téthys (cel-le qui connectait autrefois l’Atlantiqueet la Téthys Alpine) (Zaghloul, 2002) etdes zones externes issues de l’anciennemarge africaine de cette Téthys magh-rébine (voir figure 8 dans Michard et al.,ce vol.,). Disons les choses comme ellessont : ces zones externes sont souventmonotones et, au premier abord, un peu déprimantes.C’est pourtant elles qui vont nous intéresser ici !

Depuis les travaux de Gabriel Suter7, on distinguedu sud au nord trois grands domaines structuraux épou-sant l’arcature de la chaîne : le Prérif, le Mésorif et l’Intra-rif (e.g.Suter,1980 ;Frizon de Lamotte et al.,2004 ;Chalouanet al., 2008). Si l’on excepte les rides prérifaines, jolies

petites écailles de calcaires jurassiques situées au nord deFès et qui appartiennent en fait à l’Avant-pays, le Prérif estconstitué de collines peu élevées blanchâtres et poussié-reuses. L’acharnement des micropaléontologistes a per-mis d’y reconnaître des terrains allant du Crétacé Supé-rieur au Miocène formant un prisme d’accrétion (la « nappeprérifaine » des auteurs) reposant sur le Miocène supé-

rieur de l’Avant-pays (Fig. 2 et Fig. 3). Nouspréférons cette dénomination de prismed’accrétion à celle, parfois utilisée, d’olis-tostrome. En effet, malgré sa complexitéde détail, il existe une cohérence tecto-nique certaine dans le Prérif.Comme danstous les prismes, on y observe des che-vauchements mais aussi des failles nor-males. Le jeu combiné de ces deux typesde structures permet de maintenir l’anglecritique garant de sa stabilité.Dans le Pré-rif, la géométrie est encore compliquéepar l’extrusion d’évaporites du Trias, sousforme de diapirs, ou bien soulignant descontacts tectoniques. Ces « extrusions »emportent avec elles, comme il est clas-sique, des « blocs » variés dont des élé-ments du socle. L’origine de ces diapirsest à chercher sous le prisme, dans l’au-tochtone ou parautochtone dont la couverture mésozoïque (étonnammentfine) plonge régulièrement vers le nord

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Rif externe : comment comprendre et expliquer le chaos apparent ?Dominique Frizon de Lamotte1, Mohamed Najib Zaghloul2, Faouziya Haissen3, Geoffroy Mohn4,Remi Leprêtre5, Oriol Gimeno-Vives6, Achraf Atouabat6, Mohamed El Mourabet6, Anass Abassi6.

Figure 1. Carte structurale simplifiée du Rif. La carte, modifiée d’après Suter (1980), présente les grandsdomaines structuraux avec quelques détails pour les zones externes. Source : d’après Chalouan et al.,2008, redessiné et modifié.

Figure 2. Coupe simplifiée des zones externes du Rif (localisation : voir Fig. 1). La partie sud de la cou-pe est interprétée d’après des données de subsurface. La partie nord est extrapolée à partir des cartesgéologiques et de nos observations de terrain. Source : travail inédit des auteurs.

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jusqu’aux limites du Mésorif.Ainsi,hormis cette couvertureméso-cénozoïque peu épaisse et peu déformée, le Prérif estentièrement allochtone. Les faciès de bassin des séries sédi-mentaires allochtones témoignent d’une origine lointaine,intra-rifaine et pro parte méso-rifaine.

Sautons donc provisoirement le Mésorif et atta-quons l’Intrarif. Celui-ci forme l’ossature de la haute chaî-ne, la ligne de crêtes séparant les versants méditerranéenet atlantique. Ici dominent les teintes sombres des rochesschisto-gréseuses du Jurassique supérieur et du Néoco-mien. Au centre se trouve l’Unité de Ketama et ses grandsplis couchés à vergence sud-ouest.L’unité de Ketama est bor-dée à l’est par l’accident du Nekor, un vaste décrochementsénestre d’orientation NW-SE qui forme la limite du bloc duRif Central tiré vers l’ouest par la délamination de son man-teau sub-continental (voir Chalouan et al.,ce vol.).Sur le ter-rain, l’accident du Nekor est souligné par une méga-brècheà matrice gypseuse (Trias) contenant des blocs de naturevariée mais où abondent des marbres et des roches pluto-niques basiques telles que gabbros et diabases (Fig. 4). On

y reviendra.L’unité de Ketama,au sens strict,ne dépasse pas,vers le haut, le Cénomanien-Turonien. Son complémentstratigraphique se retrouve,d’une part dans l’unité de Tan-ger-Loukkos qui la prolonge vers l’ouest et le nord-ouestet d’autre part,dans les nappes rifaines supérieures (Aknoul,Tsoul,Ouezzane) et dans le prisme prérifain lui-même.Ainsi,l’Intrarif comporte des unités apparemment enracinées(Ketama) et des unités détachées de leur substratum initial.Celles-ci ont glissé vers l’avant de la chaîne et sont désor-mais intégrées dans le prisme frontal.

Comme indiqué ci-dessus, l’Intrarif est constituéaux dépens d’un bassin profond montrant des faciès péla-giques du Jurassique supérieur jusqu’au Miocène. La natu-re au moins partiellement océanique de ce bassin estdémontrée par la présence de serpentinites à sa base(Massif des Beni Malek ;Michard et al., 1992,2007). L’un desenjeux des travaux en cours est de comprendre les moda-lités et l’âge de mise en place de ces roches mantelliquesserpentinisées ainsi que les connexions paléogéogra-phiques avec le bassin des flyschs, situé plus au nord et quiest supposé, lui aussi partiellement océanique.

Entre le Prérif et l’Intrarif s’intercale le Mésorif,autre-fois dénommé « zone des fenêtres » (Marçais, 1936). Cettedénomination ancienne est juste, il s’agit essentiellementd’imbrications complexes apparaissant en fenêtre sousdiverses unités,dont les nappes supérieures (c’est dans cesrégions que les premières nappes de charriage ont été iden-tifiées dans le Rif : voir Missenard et al., 2008). Cependant,le message initial a été brouillé par l’identification de « nappes » (Senhaja,Bou Haddoud) qui ressemblent davan-tage à des écailles découpant les fenêtres qu’à des élémentsd’origine lointaine comme les nappes supérieures. Dans ledétail, le Mésorif expose un Miocène inférieur à moyen trèsépais reposant en discordance sur des terrains du Juras-sique.Le Crétacé et les terrains cénozoïques anté-miocènes

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Figure 3. Panorama du front de la chaîne rifaine à l’ouest de Taza (Massifde Tazzeka). Cliché : D. Frizon de Lamotte.

Figure 4. Panorama illustrant les rapports structuraux entre les unités de Ketama,Temsamane et Aknoul le long de l’oued Nekor. Cliché : D. Frizon de Lamotte.

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sont peu représentés. En ce sens le Mésorif constitue unjalon entre l’autochtone ou parautochtone prérifain et lebassin intrarifain. Si le Jurassique supérieur (le « ferrysch ») apparaît relativement organisé, en revanche le Jurassiqueinférieur et moyen,associé à tout un cortège de roches mag-matiques (gabbros,diorites…),présente un aspect chaotique,comme si les carbonates et les roches associées étaientemballés dans le « ferrysch » (Fig. 5). Cette impression aconduit certains auteurs à considérer qu’il s’agissait d’un « mélange » ou d’une « unité chaotique », interprété com-me un faciès latéral de la « nappe prérifaine ». Selon cetteconception, les « blocs » constituant ce mélange seraientd’origine intrarifaine et auraient glissé par gravité dans unevaste avant-fosse connectée au bassin flexural frontal.

Cependant, le cortège des serpentinites, gabbros,basaltes et brèches gabbroïques avec leur couverture propre,peu à peu reconnu dans la « nappe des Senhaja », a étéidentifié comme provenant d’un fond océanique d’âge Juras-sique supérieur, bordant vers le nord la marge africaine(Benzaggagh et al.,2014 ;Michard et al.,2014).Ce serait la tra-ce d’une « suture mésorifaine » qui s’étendrait au moinsjusqu’en Oranie.Notre intuition,justifiant le travail en cours,est que l’aspect chaotique de cette zone de suture mésori-faine et de la « nappe des Senhaja » résulte surtout de dis-locations héritées de la période de rifting (Lias-Dogger) etmoins de l’épisode d’inversion (Miocène). Cette dernièrecontribue néanmoins à la complexité puisqu’elle s’accom-pagne du développement de bassins « supra-prisme » duMiocène supérieur en contexte extensif (voir Fig. 2).

Nous nous intéressons en particulier à reconstrui-re les relations initiales entre les gabbros et la plate-formecarbonatée du Lias-Dogger et à identifier les différents

types de brèches apparues au cours de l’évolution géodyna-mique. Il faut aussi comprendre la signification des gab-bros eux-mêmes et là,une multitude de questions se posent.S’agit-il bien de gabbros océaniques ? Quel est leur encais-sant ? Quel est leur âge précis ? Nous signalions plus hautla présence de marbres dans la méga-brèche du Nekor.Ces marbres sont attribués au Jurassique inférieur et moyenet montrent localement des plissements très intenses etdes cisaillements à vergence nord. Habituellement, onconsidère que leur métamorphisme est lié au sous-charriage de l’unité des Temsamane (la plus interne duMésorif) sous l’unité de Ketama. Des âges géochronolo-giques et des calibrations (métamorphisme de pressionintermédiaire) attestent cette histoire cénozoïque. N’est-il pas envisageable néanmoins qu’une part du métamor-phisme soit, comme dans les Pyrénées, héritée de la pério-de de rifting et donc contemporaine de l’amincissementextrême qui a dû précéder la mise en place des gabbros ?

Comme on le voit, de nombreux facteurs liés auxparticularités du rifting jurassique mais aussi aux moda-lités de mise en place du prisme d’accrétion cénozoïquecontribuent à donner du Rif externe (et du Mésorif enparticulier), l’image d’un incompréhensible chaos. Poursortir de ce désordre, nous mettons en œuvre une carto-graphie fine (1/10 000) de quelques secteurs-clés etl’acquisition de nouvelles données pétrographiques,géochimiques et géochronologiques.

Ce programme de recherche s’inscrit dans le cadre duprojet « Orogen » (INSU, BRGM, Total). Nous souhaitonsremercier chaleureusement André Michard qui est à l’originede la formation de notre groupe de travail, constitué pourpoursuivre et développer les travaux qu’il avait initiés.

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15Figure 5. Panorama montrant l’aspect chaotique du Mésorif dans la région de Kef el Ghar. Cliché : D. Frizon de Lamotte.

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1. Professeur à l’Université Mohammed V de Rabat, Département des Sciences de la Terre, Faculté des Sciences. Courriel : [email protected]. Professeur à l’Université de Granada, IACT (CSIC), Espagne. Courriel : [email protected]. Professeur à l’Université de Jaen, Departamento de Ingenieria Cartografica, Geodesia y Fotogrametria, Espagne. Courriel : [email protected]. Professeur à l’Université Sidi Mohamed Ben Abdellah de Fès, Département de Géologie, Faculté polydisciplinaire de Taza. Courriel : [email protected]

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La convergence Afrique (Plaque nubienne)-Euro-pe se poursuit actuellement suivant une direction NNW-SSE, avec une vitesse proche de 4 mm/an sur le transectbético-rifain, d’après les modèles géotectoniques globaux(Nocquet et Calais, 2004 ; Nocquet, 2012). Or le Rif et la merd’Alboran font partie de la zone de déformation diffuse quiaccommode cette convergence de plaques (Meghraouiet Pondrelli, 2012). Nous présentons ci-dessous les conclu-sions les plus saillantes de travaux auxquels nous avonsparticipé sur la déformation de la croûte rifaine (Chalouanet al., 2006 ; Chabli et al., 2014 ; Galindo-Zaldivar et al.,2015), dans le cadre très particulier de la déformation del’arc de Gibraltar(Gil et al., 2014 ; Mancilla et al., 2012 ;Bezada et al., 2013 ; Van Hinsbergen et al., 2014 ; Thurneret al., 2014 ; Van der Woerd et al., 2014 ; Mancilla et al.,2015 ; Diaz et al., 2016).

Le cadre structuralL’arc de Gibraltar, l’un des oroclines les plus resser-

rés au monde, est situé sur la zone de sismicité diffusequi marque la frontière entre les plaques Eurasie et Afrique(Fig. 1A). La croûte continentale et tout le manteau supé-rieur de cette région montrent une complexité qui résul-te de la genèse même de l’orocline par subduction de lacroûte océanique téthysienne sous la marge européenne.Le recul de la plaque plongeante depuis 30 Ma et l’ou-verture arrière-arc corrélative ont entrainé l’ouverture desbassins méditerranéens et la formation de deux arcs, celuide Gibraltar à l’ouest et l’arc calabrais à l’est. Les méthodesde tomographie sismique ont permis,depuis une décennie,de montrer la présence d’un panneau (slab) de lithosphèremantélique plongeant sous ces deux arcs (Fig. 1B et 1C), lereste de la lithosphère subduite,déchiré le long des margescontinentales, se trouvant enfoui vers 600 km de pro-

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Déformation active du Rif : GPS, sismicité et géologie montrentl’expulsion d’un coin crustal sud-occidentalAhmed Chalouan1, Jesus Galindo-Zaldivar2, Antonio J. Gil3, Kaoutar Bargach4.

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Figure 1. Le cadre régional à l’échelle crustale. A : Carte sismo-tectonique de la zone de limite diffuse de plaques entre Europe et Afrique dans le secteur de l’arcde Gibraltar (extrait de Meghraoui et Pondrelli, 2012). B : Tomographie ondes P de la Méditerranée occidentale, section horizontale à 200 km de profondeur(Spakman et Wortel, 2004). C :Tomographie ondes S de l’arc de Gibraltar, vue en 3D, montrant un slab « en cuillère » plongeant vers le nord sous le Rif, vers lesud, sous les Bétiques occidentales, et vers l’est dans sa partie profonde (Palomeras et al., 2014). D : Modèle de la croûte continentale rifaine selon un profil O-E (trace rouge sur la carte 1A), d’après les données gravimétriques et altimétriques (Gil et al., 2014). La faille du Nekor se situe dans la zone de changementrapide d’épaisseur.

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fondeur (Spakman et Wortel, 2004). Dans l’arc de Gibral-tar, des foyers sismiques profonds sont localisés dans leslab jusque vers 600 km de profondeur. Les raffinementsles plus récents de la tomographie sismique révèlent lagéométrie complexe de ce slab (Fig. 1C), et montrent qu’ilest encore attaché à la lithosphère africaine sous le Rifcentral (Palomeras et al.,2014). Sur la base des données gra-vimétriques, on a montré que la croûte rifaine est nette-ment plus épaisse sous le Rif central et occidental quesous le Rif oriental, où la croûte inférieure semble avoir dis-paru par délamination de la lithosphère (Fig. 1D).

L’étude à laquelle nous avons participé (Bargachet al., 2004 ; Chalouan et al., 2006 ; Chabli et al., 2014 ;Chalouan et al., 2014 ; Galindo-Zaldivar et al., 2015) et quenous résumons ici, utilise deux autres approches, à savoirles données GPS et les données structurales de terrain.La région concernée couvre trois domaines structuraux

du Rif (Fig. 2A) : la zone frontale méridionale constituée duPrérif et des Rides prérifaines ; le bassin d’avant-fosse duSaïss-Gharb, sillon ou couloir sud-rifain ouvert à la fin duMiocène moyen (fin Serravallien), entre la chaîne du Rif etle domaine atlaso-mésétien, et enfin l’avant-pays atlaso-mésétien (Meseta marocaine, Moyen Atlas).

Les mesures GPSElles ont été effectuées entre 2007 et 2012 à par-

tir de six stations de mesures GPS installées au nord, àl’intérieur et au sud du bassin du Saïss (Fig. 2A). Le traite-ment informatique des mesures GPS (logiciel Bernese 5.0et NEVE) a donné un champ de vitesse GPS précis avecun intervalle de confiance à 95%. Les mesures montrentd’abord, par rapport à la plaque Afrique fixe (Fig. 2B), undéplacement général vers le SSW, commun à toute la zoneétudiée, c’est-à-dire les Rides prérifaines et le Prérif qui

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17Figure 2. L’expulsion du coin crustal du Rif central, établie par les mesures GPS et la géologie. A : réseau local de stations GPS avec leur déplacement par rap-port à l’Afrique. B : Déplacements déduits des mesures GPS. C: Exemple de données géologiques : le plissement renversé du Jbel Trhatt sur les conglomératsplio-quaternaires du bassin du Saïss. D : Interprétation d’ensemble: l’échappement du coin crustal rifain vers le SW.

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les chevauchent, le bassin du Saïss et le Moyen-Atlas tabu-laire ; ce déplacement est en moyenne de l’ordre de 2mm/an. Nos mesures montrent en outre des mouvementsrelatifs entre des sites qui se déplacent beaucoup plusvite que d’autres, comme celui de Jbel Trhatt (point 3100)par rapport à celui du jbel Zalarh et à ceux du centre duBassin du Saïss (points 3300 et 3400), ou ceux du MoyenAtlas (sites 3500 et 3600) par rapport à ces derniers.Ce sontdes déplacements convergents entre certains points et desdéplacements divergents entre d’autres points.

L’interprétation géologiqueLe déplacement commun implique l’existence

d’une faille majeure de décrochement à l’est de tout ce bâti.Cette faille correspond vraisemblablement à l’Accidentnord-moyen-atlasique (ANMA)-Kert (Chalouan et al.,2006). La partie méridionale de cet accident, l’ANMA,orienté NE-SW, a joué en décrochement sénestre durantles derniers stades de la structuration des Atlas, au Plio-Quaternaire. Sa partie septentrionale, située entre Tazaet l’embouchure de l’oued Kert, longe les parties orien-tales du Saïss et du Rif. Cette rampe latérale entre les deuxchaînes de montagnes, le Rif et le Moyen-Atlas, est d’en-vergure crustale, voire lithosphérique. Elle est parallèle àla « ligne chaude du Maroc » (Frizon de Lamotte et al.,2008) qui traverse en direction NE-SW tout le Maroc et lamer d’Alboran (zone volcanique trans-Alboran ; Andeweget Cloething, 2001), caractérisée par un volcanisme alca-lin d’âge miocène et plio-quaternaire et par une activitésismique importante (Missenard et al., 2006, 2008). Dansla région considérée, cette faille décrochante sépare deuxdomaines aux croûtes continentales différentes, l’une àl’ouest (Rif central) à croûte épaisse (35 à 50 km) et l’autreà l’est (Maroc oriental) à croûte relativement mince, de22-33 km (Mancilla et al., 2012 ; Mancilla et Diaz, 2015 ; Gilet al., 2014 ; Diaz et al., 2016).

Le déplacement relatif convergent entre les stationsdu Jbel Trhatt et le centre du Bassin de Saïss avec une vites-se de 2 mm/an se trouve confirmé par beaucoup d’indicestectoniques tels que le pli dissymétrique du jbel Trhatt quirenverse la série conglomératique plio-quaternaire du bas-sin du Saïss (voir Fig. 2C), la faille inverse de Skhinat-SidiHarazem (Bargach, 2011 ; Chalouan et al., 2014) longue deplus de 10km,orientée parallèlement au front sud-rifain,etaffectant des formations du Quaternaire moyen (Tensif-tien). Le déplacement oblique du jbel Trhatt vers le SW estdû au jeu transpressif sénestre des accidents délimitantau sud, le Rif externe et les Rides prérifaines.

Quant au mouvement relatif divergent entre leJbel Trhatt et le Jbel Zalarh, qui s’éloignent l’un de l’autre

à une vitesse de l’ordre de 4 mm/an, il correspond au rejetsénestre de 5 km de l’accident N30 du Bled Msika (Cha-louan et al., 2014). D’autres mouvements relatifs diver-gents ont été mis en évidence à l’intérieur du bassin duSaïss, dus à des failles normales et/ou décrochantes com-me les failles d’El Hajeb, du Tizi n’Tretten, de Bhalil, etc.(Charrière et al., 2011).

Ainsi, le coulissement sénestre des Rides préri-faines et du Rif externe par rapport au bassin du Saïss està attribuer à l’expulsion de tout le Rif central vers l’WSW(Chalouan et al., 2006). Cette expulsion du « coin crustal »du Rif central (voir Fig. 2D) se fait par l’effet combiné desjeux des failles rifaines disposées en éventail (faille duNekor-Tissa et accident Nord-Moyen atlasique - Kert,sénestres et orientés NE-SW ; faille de Jebha-Arbaoua àrejeu récent dextre, orientée WSW-ENE ; Chalouan et al.,2006 ; Benmakhlouf et al., 2012). Il se rattache à la fois àla compression entre les plaques Eurasie et Afrique et auretrait (« roll-back ») du slab africain subduit sous le détroitde Gibraltar (Bezada et al., 2013 ; Gil et al., 2014). L’effet decette expulsion s’est fait sentir, entre le Miocène supé-rieur et l’Actuel, jusque dans les parties occidentales du Rifet même dans l’avant-pays mésétien. Ainsi, dans la régiond’Arbaoua, des failles inverses NW-SE, des décrochementset des galets striés ont été relevés dans les formationsvillafrachiennes (Elkhdar, 2017). Dans la Meseta côtière,entre Rabat et Casablanca, plusieurs générations de faillesdécrochantes et de diaclases ont été observées dans les dif-férentes formations marines et éoliennes quaternaires(Chabli et al., 2014). Le traitement de ces données a permisde mettre en évidence trois épisodes tectoniques com-pressifs s’échelonnant entre le Quaternaire moyen et leQuaternaire supérieur. Chacun de ces épisodes est carac-térisé par des contraintes différentes : le premier, par desdirections de compression horizontale WNW-ESE et ENE-WSW ; le second, par un couple de directions de raccour-cissement orientées NNW-SSE et NE-SW, et le dernier parun raccourcissement orienté uniquement NNE-SSW.

En conclusion, les données GPS combinées auxdonnées structurales géologiques démontrent que le frontsud du Rif et son avant-pays mésétien sont soumis (depuisle Pliocène et jusqu’à l’Actuel) à un déplacement vers le SW,dans le cadre de la convergence Afrique-Eurasie, elle-même dirigée NNW-SSE. On remarque que cet effet decompression-expulsion d’un coin crustal au SW se produitprécisément dans la zone où la croûte rifaine est la plusépaisse et où le slab téthysien résiduel est encore atta-ché à celle-ci (voir Fig. 1).

Travail effectué dans le cadre du projet européenIRSES-MEDYNA.

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1. Professeur honoraire à la Faculté des Sciences de l’Université Mohamed V, Rabat, Maroc. Courriel : [email protected] 2. Professeur à l’École Normale Supérieure, LGE, Université Caddi Ayyad, Marrakech. Courriel : [email protected] 3. Professeur émérite, Université Paris-Sud, Faculté des Sciences d’Orsay, France. Courriel : [email protected]

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Par « Meseta » ou « domaine mésétien », les géo-logues du Maroc désignent les terrains paléozoïques sévè-rement déformés et granitisés avant le Trias (voir Michardet al., ce volume, Figs. 2 et 6). Ils affleurent dans la Mese-ta marocaine (Massif central, Bloc côtier Rehamna, Jebilet),dans le Moyen Atlas (Tazekka, Jerada) et plus à l’est (bou-tonnières de Midelt et du Rekkame, dans la Meseta orien-tale), et enfin dans le Haut Atlas (massif ancien du HautAtlas occidental, Mougueur et Tamlelt dans le Haut Atlasoriental). C’est typiquement un segment de la chaîne her-cynienne ou varisque. En cela, le domaine mésétiencontraste avec celui de l’Anti-Atlas, dont la série paléo-zoïque est faiblement déformée. Le domaine mésétienou, en bref, « la Meseta » est venue s’écraser contre l’Anti-Atlas, au cours du Carbonifère supérieur, lors de l’oro-genèse varisque. Depuis, tout est resté à peu près en l’état.Certes, il y a eu une tentative de rifting auTrias-Lias, avortée au Jurassique moyen,puis recollage des morceaux au Crétacésupérieur-Tertiaire, d’où est sorti le HautAtlas,mais les déplacements relatifs n’ontpas excédé quelques dizaines de kilo-mètres le long de la Faille sud-atlasique(FSA). En revanche,quid des positions réci-proques de la Meseta et de l’Anti-Atlaspendant le Paléozoïque ? Les avis, quandils s’expriment, divergent sur ce point demanière bien peu satisfaisante !

De nombreux spécialistes de lachaîne hercynienne limitent leur étude àla partie européenne de celle-ci, en nedépassant pas vers le sud le Portugal etl’Espagne. Ces auteurs ne discutent pasde la Meseta. Cependant, dans les figuresqui proposent leur vision des tempspaléozoïques, l’Afrique du NW peut inclu-re la Meseta dans sa position actuelle,simplement séparée de l’Anti-Atlas parla FSA (Linnemann et al., 2008, 2014 ;Kroner et al., 2016), ou bien être tronquéeau ras du Craton Ouest-Africain (« West African Craton », WAC), comme si la Meseta devait constituer un desnombreux fragments cadomiens ou avaloniens détachés du Gondwana,

à l’instar d’Iberia (Nance et al., 2012 ; Franke et al., 2017).En revanche, Von Raumer et Stampfli (2008) dis-

cutent précisément du problème. Pour eux, la Meseta sesépare de l’Anti-Atlas au cours du Paléozoïque inférieur etmoyen et finit par se trouver à environ 1 000 km de dis-tance vers le SW (coordonnées actuelles), au Dévonienmoyen-supérieur, de l’autre côté d’un bras océaniquepaléotéthysien. En cela, ils s’opposent à la position la plusanciennement adoptée par les « géologues marocains »,qui favorisent une proximité constante des deux domaineset envisagent la Meseta anté-varisque comme une sortede marge étirée, fragmentée, de l’Anti-Atlas (Hollard etSchaer, 1973 ; Michard, 1976 ; Piqué et Michard, 1989 ;Hoepffner et al., 2005, 2006 ; Michard et al., 2008, 2010).Pour les équipes ibéro-marocaines qui ont analysé endétail les relations entre les segments ibériques et

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La Meseta, un terrain vagabond ou la marge fragmentée de l’Anti-Atlas ?Christian Hoepffner1, Hassan Ouanaimi2 et André Michard3.

Figure 1. Les domaines varisques de l’Anti-Atlas et du promontoire de l’Ouzellarh (logs A, A’), de laMeseta au sens strict (log B), du bloc des Sehoul (log C) et de la zone de transition dite Zone Sud-Mese-ta (logs D, E). Les chiffres cerclés 1 à 5 renvoient aux périodes géodynamiques décrites dans le texte.Carte simplifiée d’après Michard et al., 2010.

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marocains de la chaîne varisque (Simancas et al., 2005,2009), la Meseta est restée africaine de bout en bout auPaléozoïque, à l’exception du bloc des Sehoul au nord deRabat (Fig. 1). Notre ambition est ici de donner quelquesarguments, les uns classiques, d’autres récents, pour gui-der le lecteur entre ces thèses contradictoires.

Du nouveau pour le socleVoici un argument récent, tiré de datations U-Pb sur

zircon. On connaissait depuis longtemps la présence derhyolites probablement néoprotérozoïques (semblables àcelles de l’Ediacarien supérieur de l’Anti-Atlas) sous leCambrien de la Meseta occidentale à El Jadida, dans lesRehamna et dans le Massif central (voir figure 1), maiscela ne disait rien sur le socle plus profond. La présence degranite d’âge 600 Ma a été reconnu dans la zone failléeRabat-Tiflet (Tahiri et al., 2010), et tout dernièrement àGoaïda, au cœur de la Meseta centrale (Ouabid et al., 2017).Dans cette dernière localité, des granodiorites à 625±10 etdes granites à 552±10 Ma ont également été datés. Ungranite à 625 Ma est également connu à Wirgane, dans lemassif ancien du Haut Atlas occidental (Eddif et al., 2007).Ainsi, tout le cortège des granites édiacariens de l’Anti-Atlas est présent dans le socle mésétien.

Un premier indice de la présence d’un socle éburnéenet d’éléments de la chaîne panafricaine du Cryogénien sousla Meseta, a été fourni par la présence de zircons datés à 700 Ma et 2 Ga dans des xénolithes remontés par les filonsde lamprophyres permiens des Jebilet (Dostal et al., 2005).Plus frappant que ces données de « sondage naturel »,desmétarhyolites à l’affleurement sous le Cambrien des Reham-na centraux viennent d’être datées à 2 Ga (Pereira et al.,2015). C’est le premier affleurement de socle de type anti-atlasique, et plus largement gondwanien, découvert endomaine mésétien. A noter qu’il surgit dans la Zone deCisaillement de la Meseta Occidentale (ZCMO), cette cicatrice remarquable entre Bloc Côtier et Meseta centra-le. Ainsi, il est encore trop tôt pour généraliser cette indi-cation,si importante soit-elle,à tout le domaine mésétien.On ignore également si une couverture post-éburnéenned’âge Paléoprotérozoïque supérieur (1,7 Ga) est présenteici comme dans l’Anti-Atlas (Soulaimani, ce vol.).

De nouvelles données stratigraphiquesOn a relevé depuis longtemps les parentés et les

oppositions qui caractérisent la stratigraphie paléozoïquedes domaines considérés (Hoepffner et al., 2005 ; Michardet al., 2008). Les données récemment obtenues (Fig. 1)concernent surtout la géochimie des roches magmatiquescambriennes et la présence d’une émersion ordovicienne

en Meseta. Elles permettent de mieux retracer l’évolutiongéodynamique à la marge nord du WAC, entre le rifting dusupercontinent Rodinia et la collision pangéenne. Ce quel’on reconstitue, c’est en somme l’histoire d’un couple quise sépare d’abord, pour mieux se retrouver ensuite. Nouspouvons y distinguer cinq périodes.

Le rifting cambrienIl est enregistré par les deux domaines, suggérant

qu’ils sont alors contigus, et marqué aussi bien par lesdépôts que par le volcanisme associé. Celui-ci est précoceet généralement tholéiitique à l’ouest, plus tardif et alca-lin à l’est (voir figure 1, logs A, A’, B). Le rifting progresse duCambrien inférieur au Cambrien moyen-Furongien et del’ouest vers l’est au nord du WAC. Mais attention, on n’aaucune preuve de l’existence de serpentinites exhumées parce rifting entre les deux domaines ! Les galets de lherzoli-te cités par Pouclet et al. (2007) dans les calcaires cam-briens de l’Ounein à l’ouest de l’Ouzellarh (voir figure 1, logA’) peuvent provenir de la suture panafricaine voisine.

La marge étirée de l’Ordovicien,proximale dans l’Anti-Atlas, distale en Meseta

Une tectonique extensive en blocs basculés rendcompte de la présence irrégulière du Furongien et de la dis-cordance du Trémadocien dans les deux domaines (voirfigure 1, logs A, B). On vient de montrer (Ouanaimi et al.,2016) la présence d’un système de fossés remplis decouches rouges d’âge Floien en domaine mésétien et sud-mésétien (voir figure 1, logs A’, B, D-E). La Meseta marocaineest alors semblable à la Meseta ibérique et au MassifArmoricain ; les apports détritiques y arrivent plutôt de l’est(ceinture magmatique nord-gondwanienne de l’Ordovicieninférieur) tandis que ceux de l’Anti-Atlas viennent du sud(plateforme saharienne).

Cependant, après le Floien, les mêmes dépôts sil-to-gréseux caractérisent les deux domaines : ils formentune seule et immense plateforme sableuse pendantquelque 25 Ma ! On ne les distingue qu’à l’Hirnantien, oùdes dépôts glacio-marins caractérisent la Meseta tandisque des moraines et des planchers glaciaires subaériensse développent dans l’Anti-Atlas. La bordure extrême decette plateforme s’annonce seulement dans la zone Rabat-Tiflet,entre Meseta ss.str. et Bloc des Sehoul,par la présencede coulées basaltiques sous-marines, datées de l’Ordovi-cien moyen (voir figure 1, log B).

Eustatisme et équilibration thermique du Silurienau Lochkovien

Le Silurien débute dans les deux domaines par une

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transgression glacio-eustatique (« black shales » à Graptolites). Un bassin d’équilibration thermique peu subsident (lacunes fréquentes) va fonctionner ensuitejusqu’au Lochkovien, se comblant de silts et de shales, lescarbonates apparaissant au Silurien supérieur. La Mesetase distingue de l’Anti-Atlas par la présence, à sa margeoccidentale (Bloc côtier) d’un magmatisme basique(basaltes alcalins intraplaques) d’âge Silurien supérieur(log B). Cependant, un volcan sous-marin est aussi connudans l’Anti-Atlas oriental au Lochkovien (log A), atténuantainsi les différences entre les deux domaines.

Les prémices de l’orogenèse varisque C’est probablement l’époque où les deux domaines

se distinguent le mieux. Le domaine de l’Anti-Atlas auDévonien inférieur et moyen est caractérisé par le passa-ge graduel d’un bassin surtout détritique, à subsidencetectonique à l’ouest (bassin des Richs), à un bassin carbo-naté et moins subsident à l’est (Anti-Atlas oriental),où il estbien connu par ses mud mounds. Au Dévonien supérieur,la tectonique extensive migre dans l’Anti-Atlas oriental oùun système de blocs basculés multidirectionnels définitdes rides surélevées et des bassins subsidents à sédimen-tation détritique et dépôts de pente (debris flows). Suite àces mouvements de blocs, le Fammenien est discordant surle Frasnien supérieur. En fait, l’Anti-Atlas partage en cela lesort de toute la bordure nord-gondwanienne de l’Afrique duNord à l’Arabie (Frizon de Lamotte et al., 2013).

La dislocation de la plateforme est plus importantedans la Meseta qui,elle,appartient au domaine orogéniquevarisque (Fig.2).En Meseta occidentale (Bloc côtier et ZCMO)

et dans le Haut Atlas occidental, le Dévonien inférieur-moyen à faciès « Vieux grès rouges » (conglomérats, grès,pélites) est discordant jusque sur le Cambrien et l’Ordovi-cien (voir figure 1, log B, à gauche). Une plate-forme car-bonatée lui succède, sur laquelle le Famennien est trans-gressif et discordant. Plus à l’Est en Meseta centrale etorientale et dans la zone Sud-mésétienne (voir figure 1,log A, à droite et logs D-E), des calcaires à cherts et desturbidites distales caractérisent au contraire un bassinprofond à la même époque.Cette paléogéographie suggèreun contexte tectonique extensif ou transtensif jusqu’auDévonien moyen-supérieur.

En revanche, une première phase de plissementse fait sentir dans l’est du domaine mésétien durant leFamennien-Tournaisien. Cette phase éovarisque est attes-tée par la discordance du Viséen moyen-supérieur sur lesséries plissées de l’est du Massif central et de la Mesetaorientale (voir figure 1, log B, à droite ; voir aussi Michardet al., ce vol., fig. 6). On peut y voir l’effet,sur l’ancienne mar-ge gondwanienne distale, de la subduction liée à la fer-meture de l’océan Rhéique, fermeture qui débute alors(voir figure 2). La dislocation de la marge proximale (Anti-Atlas) correspond alors à une extension dans le domaineavant-arc, attribuable à la convexion asthénosphérique.

Dans le Bloc des Sehoul, la datation à 367 Ma dugranite de Rabat (Tahiri et al.,2010), intrusif dans les schistescambriens, montre que la structuration de ce bloc long-temps considérée comme calédonienne,est à rapporter enpartie à cet évènement éovarisque. Le Bloc des Sehoul serapprochera de la Meseta au début du Carbonifère le longde la Zone de faille Rabat-Tiflet (ZFRT, voir figure 1, log C)

De la subduction à la collision varisque La déformation liée à la convergence Laurussia-

Gondwana va se développer suivant un rythme et desmodalités très différentes entre les trois régions suivantes :l’Est de la Meseta, l’Ouest du même domaine et enfin ledomaine de l’Anti-Atlas.

Dans l’Est de la Meseta, les plis « éovarisques »sont recouverts d’abord par des calcaires puis par desséries silicoclastiques. La sédimentation marine peu pro-fonde devient lagunaire puis continentale au Westphaliensupérieur. Un magmatisme calco-alcalin orogénique sedéveloppe du Viséen supérieur au Namurien avec deslaves (andésites, rhyolites, ignimbrites) et des granitesdatés à 335-330 Ma. Il n’y a pas de plissement jusqu’auWestphalien supérieur-Stéphanien inférieur dans ce quiapparait comme un arc magmatique relativement rigide(Fig. 3). Enfin, intervient un plissement dit néo-varisque àgrande longueur d’onde (bassin houiller de Jerada). À l’in-

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Figure 2. Carte paléogéographique globale du Dévonien supérieur (Frizonde Lamotte et al., 2013, et références citées). La région entourée d’un tireté rouge au nord du Gondwana est affectée par la dislocation exten-sive dès le Dévonien moyen, tandis que plus au nord-ouest se développentles prémices de l’orogenèse varisque, à la marge de l’océan Rhéique qui sereferme. NGC : Newfoundland-Gibraltar transfert zone.

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verse, dans l’Ouest de la Meseta, des bassins se creusentdu Famennien au Serpukhovien, d’abord dans la zone desNappes, au front de l’arc oriental, puis en Meseta centraleet occidentale.Les dépocentres sont limités par des couloirsde déformation de direction NE et ENE, soulignés par desdépôts chaotiques (debris flows, olistostromes) passantaux dépôts silicoclastiques de bassin. Un magmatisme gabbroïque est associé à ce contexte extensif/transtensifdepuis le Famenno-Tournaisien jusqu’au Viséen supérieur(log B, à gauche). Il est de nature alcaline-transitionnelleet tholéiitique, traduisant un amincissement crustal quin’atteint pas l’océanisation. On peut y voir un bassin avant-arc au-dessus de la subduction rhéique.

Plissement, écaillage, mise en place de nappes enpartie synsédimentaires se succèdent bientôt dans cesous-domaine mésétien occidental, schistosité et méta-morphisme se développant dans les unités profondes. Lemétamorphisme atteint le faciès amphibolite à stauroti-de et disthène dans les Rehamna, où le pic de pressionest daté > 300 Ma (âge 206Pb/238U sur monazite), tandisque le pic de température est daté vers 276 Ma (Wernertet al., 2016). C’est la phase varisque paroxysmale dans cesrégions. Des granophyres se mettent en place dès 330 Madans les Jebilet, accompagnant les gabbros, mais les intru-sions granitiques sont essentiellement datées entre 300et 270 Ma : elles s’étalent longuement du Stéphanien à lafin du Permien inférieur (Autunien ; log B). C’est uneépoque de sédimentation continentale grossière, dansdes bassins sur décrochements en régime transtensif dansun contexte post-collisionnel. Un volcanisme rhyolitiqueet andésitique calco-alcalin à alcalin accompagne l’accu-mulation détritique dans les bassins mésétiens, mais nondans le bassin d’Abadla, au sud de Béchar, prolongementdu domaine anti-atlasique en Algérie.

À noter que dans cette reconstitution, la suturerhéique est localisée à l’ouest de la Meseta occidentale,cachée sous les eaux de l’Atlantique. Elle n’est observable

que plus au nord, dans la chaîne varisque hispano-portugaise mais ceci est une autre histoire, du reste fortdiscutée (Pérez-Cáceres et al., 2017). Pas de nappe de char-riage, de métamorphisme ni de granite varisque dans ledomaine de l’Anti-Atlas. Les séries paléozoïques ne mon-trent qu’un plissement flexural accompagné de failles dedécollement ou de décrochement, au-dessus d’un soclefaillé (thick-skinned tectonics par inversion des paléofaillesnormales). La schistosité n’apparait que tout à l’ouest,dans le prolongement des Mauritanides (voir Michard etal., ce vol., Figs. 2 et 5). La déformation et l’émersion consé-cutive se développent entre le Namurien, à l’Ouest et le Permien inférieur, à l’Est (Sebti et al., 2009 ; Baidder et al.,2016). L’Anti-Atlas est une chaîne plissée d’avant-pays pourl’orogène mésétien comme pour les Mauritanides.

Ainsi, les données nouvelles sur la stratigraphiepaléozoïque comme les données (encore trop ponctuelles)sur les zircons du socle mésétien plaident, i) pour unecontinuité initiale, et ii) pour une contiguïté permanenteau cours du Paléozoïque entre Meseta et Anti-Atlas. LaMeseta est restée gondwanienne malgré les atteintes durifting cambrien, qui n’a réussi l’ouverture de l’océanRhéique qu’à l’ouest de la Meseta. Examinons encore deuxtypes de données pour achever d’asseoir cette conclusion.

Structure de la limite Meseta-Anti-AtlasLe fort contraste de structuration varisque entre

Anti-Atlas et Meseta suppose un découplage entre lesdeux domaines pendant l’orogenèse. Il s’est réalisé par lefonctionnement d’une zone faillée, la Zone Sud-Meseta(ZSM), limitée au nord par la Faille Sud-Meseta (FSM) et ausud par un front mésétien montrant localement des che-vauchements vers le sud (e.g.,Tineghir voir figure 1, log D).Le Haut Atlas est superposé à la zone faillée varisque depuisl’Atlas de Marrakech jusqu’au Tamlelt à l’Est, ce qui ne faci-lite pas l’étude de la déformation paléozoïque ! Large dansle Tamlelt, la ZSM s’étrangle peu à peu vers l’ouest. Dans le

Massif ancien du Haut Atlas occidental,elle se résume à la célèbre Faille du Tizin’Test (FTT) que soulignent des pincéesde Trias rouge, liées à ses rejeux alpins.Les structures synmétamorphiques sub-méridiennes du domaine mésétien,intru-dées par divers granites (Azegour, Tich-ka), s’interrompent abruptement etobliquement sur la FTT, suggérant un jeudécrochant dextre important, pendantl’orogenèse varisque.

En allant vers l’Est, la FSM éclate enplusieurs branches dans le promontoire

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Figure 3. Une interprétation du contexte géodynamique de l’orogène mésétien au Carbonifère infé-rieur (coupe WNW-ESE en coordonnées actuelles),d’après Michard et al.,2010,modifié. Le bloc des Sehoulest figuré dans une position antérieure au jeu décrochant de la ZRFT (voir texte).

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anti-atlasique de l’Ouzellarh, sorte de poinçon à armatu-re précambrienne sur lequel le Viséen supérieur vient trans-gresser (voir figure 1 log A’). On aurait là une portion de labordure sud du bassin carbonifère de la Meseta occiden-tale, inversée pendant la collision varisque. À l’Est du poin-çon, les boutonnières d’Aït Tamlil et Skoura montrent assezbien le passage entre les domaines mésétien et anti-atla-sique : les nappes mésétiennes d’Aït Tamlil se mettent enplace dans le bassin carbonifère dont les dépôts reposentsur des séries antéviséennes autochtones discordantessur le socle précambrien de l’Anti-Atlas (voir figure 1, log D).On aurait donc là, avant la collision varisque, le schémasimple d’un bassin d’avant-pays en contact avec sa margesud. À Tineghir, la compression sub-méridienne donne dessystèmes de plis E-O et des chevauchements vers le Sudimpliquant les terrains anté-viséens et carbonifères. Plusà l’Est encore,dans le Tamlelt,n’affleurent que des terrainsanté-viséens (voir figure 1, log E). La partie la plus au norddu Tamlelt se rattache au domaine de la Meseta orienta-le, tandis que le reste correspond à la bordure déformée del’Anti-Atlas, affectée par des plis écaillés à vergence sud etdes décrochements ductiles dextres E-O. De récentes inves-tigations dans la boutonnière du Mougueur (Soulaimaniet al.,2016) ont mis en évidence le même type de structuresécaillées vers le sud et décrochantes dextres.

Les embarras du paléomagnétismePour éclairer le problème de la mobilité possible de

la Meseta, on a bien sûr songé au paléomagnétisme.

L’étude de laves cambriennes et ordoviciennes avaientconduit Feinberg et al. (1990) à proposer l’existence d’unocéan de plusieurs centaines de kilomètres entre Anti-Atlas et Meseta, océan qui se serait résorbé durant leDévonien. Ces résultats ont cependant été réfutés par desétudes plus récentes (Khattach et al., 1995). Des impréci-sions sur l’âge des laves ont aussi conduit à des interpré-tations erronées, comme par exemple le modèle d’unespace océanique au Dévonien basé sur l’étude de rochesbasiques qui se sont révélées jurassiques (Salmon et al.,1987). Il faut enfin souligner l’importance de la réaiman-tation permienne qui complique, voire empêche l’inter-prétation des mesures faites sur les roches plus anciennes.Aucune étude paléomagnétique ne permet actuellementd’argumenter le modèle d’une Paléotéthys entre la Mese-ta et l’Anti-Atlas.

Pour conclureLes avancées récentes des recherches en Meseta

marocaine n’ont fait que renforcer l’argumentaire, déjàconséquent, en faveur de la continuité essentielle entre cedomaine et celui de l’Anti-Atlas : tous deux représententla marge nord de la plateforme saharienne du Cambrienau Carbonifère inférieur, marge proximale dans l’Anti-Atlas, marge distale en Meseta. Seul le Bloc des Sehoul,qu’on associe souvent au terrain Meguma de Nouvelle-Ecosse, a pu appartenir à un terrain séparé de la Mesetas.s., par un couloir océanique (une ramification de l’OcéanRhéique) de l’Ordovicien au Dévonien moyen.

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1. Professeurs à la Faculté des Sciences et Techniques, université Cadi Ayyad, Marrakech, Maroc. Courriel : [email protected] 2. Central Atlantic Magmatic Province (Trias supérieur-Lias inférieur).

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Le Domaine atlasique ou Système des Atlas est unvaste domaine de chaînes intracontinentales et de hautsplateaux qui occupe l’essentiel du Maghreb depuis l’At-lantique jusqu’à la Tunisie. Il est particulièrement élevé etlarge dans sa partie marocaine, où il est limité au sud parla Faille ou Front sud-atlasique,qui le sépare de l’Anti-Atlaset du craton ouest-africain,et au nord par le front de la chaî-ne rifaine (Fig.1).On s’accorde pour voir dans les chaînes atla-siques du Maroc – Haut Atlas et Moyen Atlas – le résultat

de l’inversion d’un système de rifts triasico-liasiques appa-rus sur la bordure de la plaque Afrique, en deçà de la mar-ge sud-téthysienne (cf. Michard et al., ce vol.). Mais quanddonc a commencé l’inversion de ces rifts ? Les variationsspectaculaires des séries sédimentaires sont-elles liées aubasculement des blocs de socle, à la dynamique du man-teau, ou au diapirisme ? Quelle est l’ampleur du serrage ?C’est ce type de questions que nous évoquons ici.

L’enregistrementsédimentaire

La série sédimentaire atlasiqueest aujourd’hui bien connue grâce auxtravaux des pionniers (e.g., Moret, 1931 ;Choubert et Faure-Mouret, 1960-62 ; DuDresnay, 1979) et aux nombreux travauxrécents (voir Frizon de Lamotte et al.,2008, et les références citées ci-après).Une étude plus complète nécessiteraitde décrire séparément le Haut Atlas occi-dental, tributaire du rifting atlantique,et le domaine Haut Atlas central-orientalet Moyen Atlas, tributaire du rifting téthy-sien. On considèrera plus particulière-ment ici ce dernier domaine.

Dans le Moyen Atlas et le HautAtlas centro-oriental, la série synrift débu-te par des dépôts détritiques rougeâtresà niveaux évaporitiques d’âge triasique,sur lesquels reposent les basaltes de laCAMP2 puis les carbonates de la plate-forme liasique post-rift (Fig. 2). La dislo-cation de celle-ci, à la fin du Lias moyen,entraine l’amorce d’un dispositif en rideset dépocentres. La sédimentation se pour-suit avec les marnes détritiques toar-ciennes qui scellent le dispositif prééta-bli, les calci-turbidites aaléniennes et lescarbonates de la plateforme bajocienneà récifs coralliens. Durant le Bajocien supérieur-Bathonien, la sédimentationchange drastiquement : c’est l’époque des« Couches rouges », épaisse série détri-tique continentale à traces de dinosaures

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La tectonique de l’Atlas : âge et modalitésHassan Ibouh et Driss Chafiki1.

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Figure 1. A : Carte géologique schématique du domaine atlasique marocain extraite de la carte structurale du Maroc 1/2 000 000, d’après Saadi (1982). La partie offshore du Haut Atlas atlantiqueest complétée d’après Benabdellouahed et al., (2017). Légende. 1 :Socle paléozoïque ; 2 :Basaltes et argilesroses du Trias ; 3 : Jurassique plissé, 4 : Jurassique tabulaire ; 5 : synclinaux à remplissage de couchesrouges du Jurassique et Crétacé ; 6 : Crétacé ; 7 ; Tertiaire ; 8 : Faille, 9 : Massif carbonatite de Tama-zert ; 10 : Roches volcaniques néogènes ; 11 : Principaux appareils volcaniques néogène et quater-naires ; 12 : Rides diapiriques à coeur gabroïque dans le Haut Atlas central. B : Coupe crustale dudomaine atlasique d’après Ayarza et al. (2014), modifié. Localisation : voir (A). C : Coupe structuraledu Haut Atlas central d’après Michard et al. (2011), modifié.

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(Charrière et Haddoumi, ce vol.). Ces couches rouges sontlocalement discordantes sur certains plis, qui ont été inter-prétés à tort comme résultant d’une compression juras-sique, alors qu’il s’agit de structures liées au diapirisme descouches argilo-salifères du Trias (voir plus loin). La série neredevient marine qu’à l’Aptien. Les dépôts du Crétacé supé-rieur-Eocène sont surtout préservés sur les bordures de l’At-las tandis qu’ils sont érodés dans l’axe de la chaîne. Lesargiles rouges et les calcaires blancs de la Formation de Tas-raft discordants sur une des rides anticlinales de la régiond’Imilchil ont été longtemps rangés dans le Jurassique etle Crétacé supérieur, alors qu’il s’agit de Paléocène supé-rieur-Eocène inférieur (Charrière et al., 2009 ; Charrièreet Haddoumi, ce vol.), ce qui change du tout au tout leursignification tectonique ! On y reviendra.

Les dépôts cénozoïques débutent localement parles couches continentales discordantes qu’on vient deciter (Paléocène-Eocène inférieur). Sur les bordures de lachaîne, ils se poursuivent par les dépôts carbonatés etphosphatés de l’Eocène inférieur et moyen et s’achèventpar des molasses continentales discordantes de l’Eocènesupérieur, de l’Oligocène (?) et du Mio-Pliocène. Ces der-nières sont localisées essentiellement dans les bassinsqui bordent le Haut et le Moyen Atlas (voir Fig. 1) maissont parfois préservées dans la chaîne elle-même (Fig. 3).Le bassin du Haouz de Marrakech peut être regardé com-me un bassin molassique transporté avec le socle desJebilet. En effet, ces « petites montagnes » (leur nom enarabe) sont bordées au nord par une faille inverse néogène.Celle-ci se prolonge en mer où elle limite la partie défor-mée de la marge atlantique (voir Fig. 1A).

Le Haut Atlas occidental se singularise sur plusieurspoints par rapport au Haut Atlas central. Dans sa partie laplus élevée (Massif ancien), le Trias et le Lias sont le plus sou-vent érodés, et le Jurassique n’est représenté que par unesérie rouge à évaporites, discordante sur le socle paléo-zoïque. La série se poursuit par les dépôts continentauxdu Crétacé inférieur, suivis à leur tour de couches marinescarbonatées ou argileuses sur lesquelles le Paléocène estlocalement discordant. Cependant, près de l’Atlantique(ancienne marge passive proximale), les dépôts continen-taux jurassico-crétacés sont absents et la sédimentationmarine est continue. Les rides diapiriques qu’on y observesont dépourvues d’intrusions gabbroïques, contrairementà ce qui s’observe dans le Haut Atlas central.

Les évènements magmatiques Trois périodes géodynamiques majeures se trou-

vent enregistrées par la mise en place de roches magma-tiques dans le domaine atlasique.

géologie fondamentale : état des connaissances et résultats récents

25Figure 2. Colonne stratigraphique de l’Atlas téthysien, d’après Michard etal. (2011), modifiée et complétée.

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15 km de profondeur (Zayane et al., 2002). Les datations K-Ar donnent deux groupes d’âges (175-155 Ma et 135-110Ma). Les coulées associées sont datées stratigraphique-ment du Callovien et du Barrémien (Haddoumi et al.,2010).Les données géochimiques (Bensalah et al., 2013) mon-trent que les coulées du Jurassique supérieur (séquence B1)ont une affinité modérément alcaline, tandis que cellesdu Crétacé (séquence B2) sont transitionnelles. L’ensemblede ce magmatisme est lié à la période d’émersion enre-gistrée par les Couches rouges. On y voit un phénomènede bombement thermique du domaine atlasique marocainsous l’influence d’une convection asthénosphérique, dansun contexte anorogénique (Frizon de Lamotte et al.,2009).

Le magmatisme alcalin synorogénique (Éocène à Quaternaire)

Ce magmatisme alcalin récent vient interférer avecl’orogenèse atlasique et reflète l’activité d’un panache man-télique. Sa manifestation la plus ancienne, d’âge éocène,s’observe à Tamazert,au bord nord du Haut Atlas central,etdans le nord des Hauts Plateaux (Rekkame). Le massif deTamazert abrite les plus grandes occurrences de carbonatitesen Afrique du Nord. Outre ces roches, le massif se composede roches ultramafiques sous-saturées et de syénites alca-lines et peralcalines (Bouabdellah et al., 2010). Selon cesauteurs, les carbonatites et roches sous-saturées de Tama-zert proviennent de la délamination de la lithosphère sous-continentale en réponse à la collision Afrique-Europe.

Le magmatisme alcalin synorogénique se mani-feste plus intensément du Miocène supérieur au Plio-Quaternaire tout au long de la « Ligne chaude du Maroc»qui traverse obliquement le pays du Siroua-Saghro auMoyen Atlas puis au Rif oriental (voit fig. 1A) (Frizon deLamotte et al., 2008, 2009). Dans le Siroua-Saghro, leséruptions (trachy-basaltes, trachytes, néphélinites, pho-nolites etc.) débutent vers 10,6 Ma et s’achèvent vers 2,7Ma. Dans le Moyen Atlas, laves et brèches volcaniquessont datées de 1,8 et 0,5 Ma (El Azzouzi et al., 2010 et réf.citées). Ce magmatisme est lié spatialement à la zone àlithosphère amincie mise en évidence par la modélisationgéophysique (Michard et al., ce vol., fig. 9), et donc au sou-lèvement particulier du relief marocain (Missenard et al.,2006 ; Frizon de Lamotte et al., 2009).

La tectonique atlasique, du riftingtriasique à l’inversion cénozoïque Le concept de rift inversé et son évolution

L’idée que l’Atlas dérive d’un rift triasique avorté,oblique sur le rift atlantique, est ancienne (Du Dresnay,

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Les basaltes de la CAMP (Trias supérieur-Lias inférieur)

Les basaltes à affinité tholéiitique de la Provincemagmatique de l’Atlantique central (en anglais, CAMP)affleurent souvent au cœur des rides anticlinales dansl’axe des chaînes du Haut et du Moyen Atlas. Ils appa-raissent aussi dans le Haut Atlas de Marrakech, le Massifancien occidental et le couloir d’Argana, sous forme decoulées interstratifiées entre les évaporites du Trias et lescalcaires du Lias (Ibouh et al., 2002 ; Youbi et al., 2003).L’événement CAMP est daté pour l’essentiel à 201±1 Maavec une récurrence à ~195 Ma (Marzoli et al., 1999 ; Davieset al., 2017). Des sills et dykes de dolérites, contemporainsou légèrement antérieurs, s’observent surtout dans lesocle mésétien (Jebilet) et anti-atlasique. Ce magmatismeest l’expression de la rupture de la croûte continentalepangéenne durant le rifting atlasique et néo-téthysien.

Les intrusions gabbroïques et les couléesbasaltiques alcalines (Jurassique moyen-Crétacé inférieur)

Ces intrusions se rencontrent en masses impor-tantes au cœur des rides anticlinales diapiriques du HautAtlas central-oriental,mais aussi en dykes recoupant les syn-clinaux voisins. Les intrusions les plus massives montrenttrois unités pétrographiques (Armando, 1999 ; Lhachmi etal. 2001 ; Zayane et al. 2002) :une unité basique (troctoliteset gabbros), une unité intermédiaire (diorite et dioritequartzique) et une unité différenciée (syénites et syénitesquartziques). Ces roches à affinité alcaline à transition-nelle résultent d’une différenciation par cristallisation fractionnée dans une chambre magmatique située à 10-

Figure 3. Le « Rocher Cathédrale » (Roch, 1939) expose des conglomérats duMio-Pliocène discordants sur la série jurassique du flanc nord-ouest de laride de Tazoult dans le Haut Atlas central (la discordance n’est pas visiblesur ce cliché). Cliché : H. Ibouh.

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1979 ;Stets etWurster,1982).Selon ces auteurs,les failles nor-males du rift seraient reprises en failles inverses lors de lacompression atlasique et la couverture s’adapterait à lagéométrie des blocs faillés de socle. Ce concept de base vapeu à peu évoluer. Ainsi,Schwartz et Wigger (1988) et War-me (1988) proposent un rift symétrique limité par des faillesE-O synthétiques et antithétiques,au-dessus d’une faille dedétachement E-O à faible pendage nord émergeant le longdu Front sud atlasique. L’ouverture des bassins se ferait duTrias au Jurassique moyen et l’inversion à partir de l’Oligo-cène (une date trop tardive,en fait). El Kochri et Chorowicz(1996) proposent une extension oblique sur une faille detransfert de direction N120 ; la distension se ferait selonune direction ONO-ESE au Trias-Lias,devenant N-S à NNO-SSE au Jurassique.Laville (1985) propose un modèle de relaismultiples sur décrochements senestres E-O en deuxpériodes, au Toarcien-Bajocien, puis au Bathonien-Juras-sique supérieur. Pour cet auteur, la structuration du HautAtlas en sous-bassins (dépocentres) et rides (anticlinauxétroits) serait le résultat d’une compression synsédimentaireau cours du Jurassique. On verra plus loin que ce modèle,repris par Fedan (1988) pour le Moyen Atlas, est aujour-d’hui caduc. Ibouh (2004) montre que la structuration dubassin du Haut Atlas central se fait par extension asymé-trique au Jurassique inférieur, avec une extension précoceet intense dès le Sinémurien au sud qui se propage ensui-te pour atteindre le bord nord au Carixien-Domérien.Confor-mément au modèle de Wernicke (1985), l’asymétrie du bas-sin est à mettre en relation avec une faille transcrustale àpendage faible vers le nord.La présence d’une telle faille estadmise par Frizon de Lamotte et al. (2000) pour le HautAtlas occidental. Ayarza et al. (2014) figurent égalementune faille à faible pendage nord sous le Haut Atlas central-

oriental, mais la font plonger jusqu’au Moho pour limiterl’amorce de racine crustale suggérée par les modélisations(voir Fig. 1B).

Interférence du diapirisme et de la tectoniquecompressive

L’origine des rides et des dépocentres si typiques desbassins du Haut Atlas centro-oriental et du Moyen Atlas ad’abord fait l’objet de deux théories opposées. Pour les uns(Laville,1985 ;Fedan,1988 ;Laville et al.,1992),on l’a vu,les ridesrésulteraient d’une compression jurassique. Pour les autres(Charrière,1990,2000 ;Frizon de Lamotte et al.,2000,2008),ces zones à sédimentation réduite correspondraient auxzones hautes des blocs basculés de socle en contexte d’ex-tension.Ce n’est que récemment que le rôle du diapirisme a clai-rement été invoqué pour expliquer les rides et leurs particu-larités structurales (Ettaki et al., 2007 ; Michard et al., 2011 ;

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Figure 4. Discordance synsédimentaire des marno-calcaires du Bajocien surles calcaires liasiques, au flanc de la ride d’Ikerzi dans le Haut Atlas central (localisation : voir Fig. 1C). Cliché et interprétation : H. Ibouh.

Figure 5. Vue axiale oblique de la ride anticlinale de Tassent dans la cluse empruntée par la route d’Imilchil (localisation : voir Fig. 1C). C’est un mur diapi-rique dont le cœur chaotique a atteint la surface avant le dépôt des couches du Paléocène supérieur - ? Eocène inférieur discordantes. Celles-ci ont été ployéesen synclinal lors de l’écrasement du diapir par les compressions ultérieures.

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Ibouh et al., 2011). Depuis lors, des études détaillées ont por-té sur diverses structures diapiriques très typiques du HautAtlas (Saura et al.,2014 ;Martin-Martin et al.,2016 ;Moragaset al., 2016), démontrant ainsi que les rides se sont dévelop-pées progressivement par la mobilité des argiles et évaporitestriasiques sous l’effet de la charge des séries jurassiques sus-jacentes.Cette mobilité débute dès le Lias,en contexte exten-sionnel,comme le montre les discordances synsédimentairessur les flancs des coussins diapiriques (Fig. 4). Sur cette figu-re 4,le paléokarst sous la discordance toarcienne indique uneémersion temporaire de cette ride située en bordure sud dubassin haut-atlasique. L’halocinèse (et/ou argilocénèse) sepoursuit jusqu’au Crétacé supérieur,période à la fin de laquel-le le contexte devient compressif. Les rides les plus évoluéesse présentent comme des anticlinaux étroits de calcaires lia-siques ou bajociens à la charnière le plus souvent crevée etdont le cœur est occupé par un mélange chaotique d’argilesroses et de basaltes triasiques, de blocs de calcaires dolomi-tiques liasiques et d’intrusions subvolcaniques jurassiques(Fig. 5). On a vu plus haut que certaines rides de la régiond’Imilchil sont scellées par des couches (Formation de Tasraft)d’âge Paléocène- ? Éocène inférieur (Charrière et al.,2009).

À noter que l’importance du diapirisme a été recon-nue plus tôt dans l’Atlas occidental onshore et offshore (Tari et al., 2003 ; Hafid, 2006 ; Hafid et al., 2008). La recon-naissance de ces phénomènes dans l’Atlas téthysien, ens’ajoutant à la datation de la formation de Tasraft duPaléocène- ? Éocène inférieur, a porté un coup fatal à lathéorie d’une phase de compression jurassique. Pourautant, on ne doit pas exclure que des basculements deblocs de socle soient aussi intervenus dans le contrôle dela sédimentation, en particulier dans les régions où lesévaporites triasiques sont de faible épaisseur.

L’inversion : âge et modalitésL’inversion tectonique a affecté le domaine atla-

sique en stades successifs depuis la fin du Crétacé supérieur

jusqu’au Plio-Quaternaire. Ces stades de compression sontà mettre en relation avec la cinématique de l’Atlantique sud,le mouvement de l’Afrique vers le nord et sa collision avecla plaque eurasiatique. La direction de compression sembleavoir évoluée entre NNE-SSO avant le Miocène et NNO-SSEdans la période plus récente (Amrhar,2002 ; Qarbous et al.,2008). La phase compressive, initiée au Crétacé supérieur,est enregistrée dans le Haut Atlas occidental par la dis-cordance du Paléocène sur des brèches litées intercaléesdans le « Sénonien » (Fig. 6), au-dessous de la faille inver-se E-O de Medinat (Froitzheim et al., 1988). Ce premierépisode compressif est actuellement daté du Maestrich-tien-Paléocène inférieur (Fekkak et al., soumis). Par la suite, la déformation compressive va se poursuivre au coursde trois épisodes principaux : Eocène supérieur, Miocèneinférieur-moyen, Plio-Quaternaire (El Harfi et al., 2001 ;Frizon de Lamotte et al., 2008 ; Leprêtre et al., 2015).

Pendant la compression, ce sont d’abord les paléo-failles du rift triasique qui rejouent en failles inverses ouen décro-chevauchements suivant leur orientation. Cepen-dant, de nouvelles failles sont également créées, commele montrent Domènech et al., (2015) dans la zone du Tizin’Test. Ces diverses failles découpent le socle en blocs quitendent à se chevaucher et à chevaucher leurs avant-paysnord et sud, la chaîne étant à double déversement. La zoneaxiale du Haut Atlas occidental se présente ainsi commeun méga pop-up (Fekkak et al., soumis). Les failles inversesmontrent une géométrie où alternent rampes et replats,ces derniers liés à des décollements dans le socle aussibien que dans la couverture (Missenard et al., 2007 ;Fekkak et al., soumis). Le raccourcissement transversal duHaut Atlas est de l’ordre de 25 % à l’est (Beauchamp et al.,1999 ; Teixell et al., 2003), et seulement de 15 % à l’ouest(Domènech et al.,2015 ;Fekkak et al.,soumis),ce qui expliquele faible épaississement crustal indiqué par la gravimétrie.Ainsi, les Atlas ne seraient pas si hauts, si ce n’étaientl’anomalie mantélique et la ligne chaude du Maroc !

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28Figure 6. Le célèbre synclinal déversé de Medinat, montrant les couches paléocènes ?-éocènes discordantes sur le Crétacé supérieur en éventail ouvert versle nord; l’ensemble est chevauché par le socle cambro-ordovicien de la zone axiale, par l’intermédiaire de la faille inverse de Medinat de direction E-W. Lesbrèches synsédimentaires indiquent une activité de cette faille dès la fin du Crétacé supérieur (Froitzheim, 1988).

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1. Enseignant-chercheur retraité de l’Université de Toulouse ; 13 Lot. Terrasses de la Figuière, 30140 Anduze, France. Courriel : [email protected]. Professeur à l’Université Mohammed 1er, Département de Géologie, Faculté des Sciences ; B.P. 524 ; 60 000 Oujda, Maroc.Courriel : [email protected]. Haut Atlas Central.4. Moyen Atlas.5. Haut Atlas Oriental.

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Les dépôts marins du domaine atla-sique marocain ont été de bonne heuredécrits en détail, qu’il s’agisse de ceux duJurassique inférieur-moyen (Fig. 1) ou deceux du Crétacé (Aptien-Turonien) (Frizon deLamotte et al., 2008 et références citées).Par contre,l’articulation entre ces deux cyclesmarins est restée longtemps mal définiecompte tenu de la difficulté de datationdes couches continentales fréquemmentazoïques, les « Couches rouges jurassico-crétacées » auctoris, largement étenduesdans des cuvettes synclinales. D’autrescouches rouges discordantes sur les ridesanticlinales furent longtemps confonduesavec les premières,mais relèvent d’un cyclepaléogène. Nous montrons ici les progrèsque la datation biostratigraphique de cesdeux cycles de couches rouges a permis de réaliser dans la compréhension de la géodynamique atlasique.

Comment dater les sériesrouges continentales ?

Une première approche de la posi-tion stratigraphique de ces terrains estpossible lorsqu’il existe une intercalationmarine (littorale) qu’on peut dater par labiostratigraphie classique basée sur desammonites, brachiopodes, foraminifères,dasycladacées, etc. C’est le cas dansquatre secteurs du domaine atlasiquetéthysien (Fig. 2) : i) à la bordure septen-trionale du HAC3 où une incursion marineaptienne est historiquement connue ;ii) dans les séries du MA4 avec deux récur-rences marines datées respectivementdu Bathonien supérieur-Callovien infé-rieur et de l’Aptien (voir in Charrière etHaddoumi, 2016) ; iii) dans les séries continentales du HAO5 incluant un épisode marin du Bathonien inférieur(Haddoumi et al., 1998), et enfin iv) à la bordure nord du Haut Atlas oriental (Haddoumi et al., en prép.).

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Dater les couches rouges continentales pour définir la géodynamiqueatlasiqueAndré Charrière1 et Hamid Haddoumi2.

Figure 1. Organisation du domaine atlasique marocain au Jurassique inférieur (d’après Frizon deLamotte et al., 2008) et localisation de la zone étudiée.

Figure 2. Carte schématique du domaine atlasique téthysien avec situation des principaux synclinauxà « Couches rouges jurassico-crétacées » et successions stratigraphiques régionales. Les couches rougestertiaires près d’Imilchil sont notées par des points rouges TA, AM, TS et TSF. Source : Charrière etHaddoumi, 2016, modifié.

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6. Plantes aquatiques d’eau douce ou saumatre dont les parois cellulaires et les gamétanges femelles peuvent être fossilisés par calcification (voir photo 1).

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Dans les couches continentales elles-mêmes, nousavons, pendant deux décennies, associé des études sédi-mentologiques à des recherches de microfossiles par lavageset tamisages des roches meubles. Parmi ceux-ci, les ostra-codes donnent généralement des indications d’âge assezlarges, mais les charophytes6 (étudiés par M. Feist et P.-O.Mojon) sont les meilleurs marqueurs continentaux duMésozoïque ayant donné lieu à une échelle stratigraphiqueassez précise (Riveline et al., 1996). Ces marqueurs biostra-tigraphiques (Photo 1) ont révélé la présence de plusieurs

étages antérieurement méconnus comme l’Oxfordien, leKimméridgien et surtout le Barrémien représenté dans laplupart des sites.Une synthèse de ces acquis dans le domai-ne atlasique central et oriental et le Moyen Atlas vientd’être esquissée (Charrière & Haddoumi, 2016).

Les « Couches rouges jurassico-créta-cées » et la topographie dynamiquedu domaine atlasique téthysien

Alors que le Haut Atlas occidental a appartenu enpermanence,durant le Méso-Cénozoïque,à la marge passi-ve de l’Atlantique central, le reste du domaine atlasique futd’abord structuré par le rifting de la marge continentale sud-téthysienne (voir figure 1). Ce rifting fut particulièrementactif au Jurassique inférieur et moyen (Ibouh and Chafiki,cevol.).Les « Couches rouges jurassico-crétacées » enregistrentles étapes géodynamiques majeures postérieures au rifting.

Le Bathonien-Callovien et la fin du rift téthysienLe bassin marin jurassique se comble de façon pro-

gressive et de nouveaux paléoenvironnements conti-nentaux apparaissent, localement riches en bois fossileset ossements reptiliens. Plusieurs faciès de « couchesrouges » sont représentés (voir figure 2). Dans l’axe duHAC, des dépôts argilo-silteux épais évoquent de vastesmarécages margino-littoraux, puis intracontinentaux,milieux de vie des dinosauriens (Photo 2).

Sur le versant Nord du HAC, l’organisation sédi-mentaire des dépôts gréseux et pélitiques indique unedynamique fluviatile méandriforme ou en tresse associéeà des écoulements vers le SE ou l’E, c’est-à-dire en directiondu bassin téthysien. Dans le HAO, il s’agit de dépôts fluvio-

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Photo 1. Quelques charophytes à valeur de marqueurs biostratigraphiques.Charophytes du Paléocène supérieur (région d’Imilchil) : A1, A2 : Harrisicharatougnetensis MASSIEUX, 1977 (Thanétien) ; B1, B2 : Sphaerochara eddaSOULIÉ-MÄRSCHE (Paleocène) ; C1, C2 : Microchara vestida (Thanétien-Yprésien). Charophytes du Crétacé inférieur ; D1 : Atopochara trivolvis triquetra GRAMBAST (Barrémien supérieur-Aptien inférieur) ; D2 : Globa-tor trochiliscoides GRAMBAST. (Barrémien supérieur) ; E1 : Flabellocharaharrisi (PECK) GRAMBAST (Hauterivien-Aptien) ; E2 : Globator mutabilis(MOJON) MOJON, (Barrémien inférieur). Charophytes du Jurassique supérieur ; F1 : utricules de Dictyoclavator ramalhoi GRAMBAST-FESSARD(Clavatoracées), (Kimméridgien) ; F2 : gyrogonites de Porochara kimme-ridgensis (MÄDLER) MÄDLER emend. MOJON (Porocharacées) (Oxfor-dien?–Kimméridgien). Source : A. Charrière et al., 2011.

Photo 2. Empreinte tridactyle d’un dinosaurien théropode de grande taillesur une dalle à rides. Bathonien- ? Callovien, au Sud d’Imilchil (noter le remplissage de l’empreinte par le grès sus-jacent, mettant en valeur lamorphologie des doigts). Cliché : A. Charrière, inédit.

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deltaïques s’écoulant également vers le domaine téthy-sien.Dans le MA,une lithologie diversifiée correspond à desenvironnements oscillant entre ceux de plaine littorale,de delta marin et localement de lagune évaporitique.

Du point de vue géodynamique, la période se carac-térise d’abord par des dépôts syntectoniques (bassins dissymétriques, biseaux à proximité d’axes émersifs,discordances progressives intraformationnelles), à proxi-mité de nombreuses rides anticlinales directionnelles ou dedécrochements transverses.Ceci a conduit plusieurs auteurs(Jenny et al., 1981 ; Monbaron, 1982) à évoquer une « phasetectonique médio-jurassique ». Cependant, le contexteextensif ou transtensif des déformations médio-jurassiquesest souligné par des évènements volcaniques ou subvol-caniques (magmatisme basaltique B1), sur le versant norddu HAC. Beaucoup d’indices d’instabilité sont attribuablesau diapirisme (Ibouh et Chafiki, ce vol.).

La même période se caractérise aussi par un soulè-vement généralisé du Maroc mésétien (voir figure 1) et atla-sique (à l’exception de la marge atlantique), avec bascule-ment en direction téthysienne. La régression se faitprogressivement durant le Bathonien-Callovien inférieur,entre le Haut Atlas, où les derniers termes marins sontd’âge Bathonien inférieur, et le Moyen Atlas, où la derniè-re récurrence marine est datée du Bathonien supérieur-Callovien inférieur.Une épaisse sédimentation deltaïque sepoursuit corrélativement au Callovien et au début du Jurassique supérieur dans l’avant-pays rifain oriental.

L’originalité de cette période bathonienne-callovienne est de cumuler ainsi une sédimentation importante, trahissant la subsidence des dépocentresdépendant du réseau tectonique régional (failles normales, diapirs) et correspondant aux bassins syncli-naux actuels,avec un soulèvement d’ensemble du domainemésétien et atlasique combiné à un basculement vers leNE. Il s’agit nécessairement d’un bouleversement de lapaléotopographie dynamique sous contrôle mantélique.

Le Jurassique supérieur et le Néocomien,période dominée par l’érosion

L’enregistrement sédimentaire est très limité, aucours de cette longue période d’érosion subaérienne entre160 et 130 Ma. La sédimentation, exclusivement conti-nentale, n’est enregistrée qu’en certains points du domai-ne atlasique téthysien (voir figure 2). Dans le MA et leHAO, quelques dépressions locales en bordure de paléo-reliefs pouvaient piéger temporairement des matériauxfluviatiles ; c’est le cas des Fm Oued el Atchane (FOA) et FmKsar Metlili (FKM). Dans des cuvettes du Haut Atlas cen-tral, la sédimentation est plus conséquente avec des dépôtscontinentaux marécageux et lacustres d’âge oxfordien-

kimméridgien identifiés dans certains synclinaux à la basede la Fm Iouaridène (FIO). Le domaine mésétien et atla-sique marocain tout entier formait alors une voussureémergée au sud de la zone de jonction, entre la Téthysliguro-maghrébine et l’Atlantique central.

Le Barrémo-Aptien et la réactivation du rift atlantique

Une reprise érosive importante initie un nouveaucycle sédimentaire sur l’ensemble du domaine atlasiquetéthysien. La nature de la sédimentation qui se développeau cours du Barrémien et de l’Aptien traduit une évolutionpaléogéographique distincte selon les secteurs (voir figure2). Dans le MA et le HAO, l’enregistrement sédimentaire,respectivement représenté par la Fm de Sidi Larbi (FSL) et laFm de Dekkar (FDK), reprend avec des dépôts congloméra-tiques continentaux discordants sur un substratum pro-fondément affouillé. La sédimentation passe progressive-ment au cours du temps à des environnements fluviatiles,puis fluvio-lacustres (dans le HAO) ou fluvio-marins (dans leMA). Sur le versant nord du HAC, les dépôts de cette pério-de sont quantitativement très importants (Haddoumi etal., 2010). Les argiles évaporitiques de la Fm des Iouaridène(FIO) sont associées à des influences laguno-marines témoi-gnant du rattachement paléogéographique de la bordureNW du HAC à la marge atlantique au Barrémien. La Fm duJbel Sidal (FJS) marque l’apparition d’un nouvel épandagedétritique, grossier et généralisé, durant le Barrémien.

Ainsi, une « tectonique extensive barrémienne »,auparavant insoupçonnée en raison de l’absence d’iden-tification de cet étage dans le MA, HAO et le HAC, s’estmanifestée dans le domaine atlasique téthysien.Les dépôtsbarrémiens et aptiens sont contrôlés par le rejeu du réseaustructural régional N-S et N40° dans le MA. Dans le HAO,ils remplissent une gouttière de direction E-W, alignée auniveau du front nord-atlasique et alimentée par le déman-tèlement des reliefs atlasiques situés au Sud. Dans le HAC,l’échelonnement des différents bassins barrémiens estégalement sous contrôle tectonique. À l’intérieur d’un bassin, on constate généralement une dissymétrie du remplissage sédimentaire barrémien. Le matériel détri-tique de la FJS, constitué de conglomérats, de litharéniteset de grès calcaires,est,pour partie,alimenté par les reliefslocaux.Au cours de cette période, le drainage des matériauxfluviatiles s’effectue vers l’W, le NW ou le SW, c’est-à-direvers un exutoire atlantique (Souhel,1996),ce qui prouve uneinversion de la pente paléogéographique,ayant basculé dusecteur téthysien, au Dogger, vers le domaine atlantique,au Barrémien. La réapparition de l’activité volcanique(basaltes B2) dans le HAC et son synchronisme avec lareprise érosive sont également révélateurs de la réactiva-

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tion de la tectonique extensive au cours du Barrémien.La période barrémienne se caractérise par le mor-

cellement du domaine précédemment émergé avec laformation de nouveaux bassins évoluant de façon dis-tincte selon les secteurs : i) en milieu intracontinentaldans le HAO, ii) en liaison avec un nouveau golfe téthysiendans le MA (et probablement au front nord du Haut Atlasoriental), la sédimentation continentale barrémienne évo-luant vers une sédimentation margino-littorale aptien-ne, iii) en liaison avec un golfe atlantique dans le HAC, lasédimentation fluviatile, lagunaire à margino-littorale duBarrémien, faisant place à une sédimentation franche-ment marine à l’Aptien.

Les « Couches rouges paléogènes »discordantes sur les rides anticlinalesdu Haut Atlas central et l’inversiontectonique

Dans la région d’Imilchil située dans la partie axia-le du Haut Atlas (voir figure 2), la plupart des couchesrouges continentales se rencontrent dans les aires syn-clinales et sont associées à la régression bathonienne,mais sur quelques sites (TAS, TS, AM, TA) cer-taines reposent en discordance sur des axes anti-clinaux à cœur triasique emballant des massesde calcaires liasiques et des intrusions magma-tiques (Fig. 3A). Ces couches rouges fortementdiscordantes ont été longtemps assimilées àcelles des synclinaux et ainsi attribuées au Juras-sique moyen ou supérieur et/ou au Crétacé infé-rieur, les calcaires sus-jacents étant considéréscomme du Cénomanien marin. On interprétaitalors logiquement les plis anticlinaux scellés parces dépôts comme liés à une phase majeurecompressive ou transpressive d’âge Jurassiquesupérieur (Laville et al., 1991 ; Piqué et al., 1998).L’étude stratigraphique détaillée des Couchesrouges discordantes sur la ride de Tasraft(Charrière et al., 2009 ; Fig. 3B) a conduit à aban-donner totalement la précédente hypothèsegéodynamique. Les calcaires interstratifiés dansla série rouge et ceux de la partie sommitalesont en fait des dépôts lacustres avec de raresintercalations laguno-marines, sans lien avecles calcaires marins du Cénomanien-Turonien.Les niveaux pélitiques et marneux échantillon-nés ont livré des microfossiles exclusivementcontinentaux,avec notamment des charophytesréparties dans les différents épisodes superpo-

sés (Fig. 3C). Les riches associations floristiques représen-tées ont donné un âge Thanétien (Fig. 3D). Sur la ride voisine de Tassent, le haut de la série rouge a livré quelquescharophytes du Thanétien-Yprésien. Une étude en coursde micromammifères provenant du site TF 33 tendrait àindiquer (Tabuce, comm. orale) un âge éocène encore plusrécent. Quoi qu’il en soit, ces dépôts ne sont pas associésà un cycle jurassique ou crétacé, mais au cycle sédimen-taire paléocène-éocène, au cours duquel ils ont jalonné labordure méridionale du golfe atlantique des Phosphatesqui s’étendait largement en Meseta occidentale.

Le curieux dispositif géométrique de conservationdes couches rouges paléogènes en synclinaux perchés surles rides de la région d’Imilchil a été décrit sous le nom de« Syncline-topped Anticlinal Ridges » (STARs) par Michardet al. (2011). Leur genèse est fondamentalement tributai-re du diapirisme (Ibouh et Chafiki, ce vol.).

Ainsi, les études sédimentologiques et les datationsbiostratigraphiques des diverses couches rouges conti-nentales présentes dans le domaine atlasique téthysienont permis de préciser le déroulement de l’histoire géody-namique de ce domaine, d’une part dans la période juras-sico-crétacée, d’autre part au tout début du Tertiaire.

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Figure 3. Couches rouges discordantes sur le cœur de la ride de Tasraft. A : Coupes de la structu-re et attributions stratigraphiques antérieures. B : Coupes détaillées de la série discordante. C :Position des charophytes et des ostracodes récoltés.D :Répartition stratigraphique des associationsde charophytes. (A) d’après Piqué et al., 1998 ; (B-D) d’après Charrière et al., 2009.

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1. Professeur à l’Université Caddi Ayyad, Faculté des Sciences Semlalia, Maroc. Courriel : soulaimani @gmail.doc2. Professeur à l’Université du Wisconsin-Stevens Point, États-Unis. Courriel : [email protected]

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Données généralesAu cours des dernières décennies,

les nombreux travaux de cartographie au1/50 000 réalisés dans l’Anti-Atlas et lesdatations U/Pb ont apporté de très impor-tantes précisions sur les événements sédi-mentaires, magmatiques et tectoniquesenregistrés dans les terrains du Précam-brien. Ces terrains sont particulièrementbien exposés dans l’Anti-Atlas,où ils appa-raissent en « boutonnières » (massifsanciens souvent en creux morphologique)sous les terrains paléozoïques (voirMichard et al., ce volume, coupe fig. 5).Or, ces boutonnières définissent, par lesterrains qu’elles font affleurer, deuxdomaines bien distincts, séparés l’un del’autre, par une zone faillée précambrienne, l’AccidentMajeur de l’Anti-Atlas (AMAA) de direction moyenne E-O(Fig. 1). Au sud-sud-ouest de cet accident, on trouve undomaine, formé essentiellement de granites et schistespaléoprotérozoïques, recouvert d’une couverture paléo-protérozoïque et de séries volcano-clastiques de l’Ediaca-rien supérieur. C’est l’avant-pays cratonique plus ou moins

déformé de la chaîne néoprotérozoïque panafricaine. Lelong de l’accident et vers le nord-nord-est (notammentdans le Jebel Saghro et le massif de l’Ouzellarh, promon-toire anti-atlasique inclus dans l’Atlas de Marrakech), ontrouve le domaine mobile panafricain, avec des lambeauxde terrains cryogéniens impliqués dans une succession decollages d’arcs,associés à des ophiolites néoprotérozoïqueset à des turbidites de l’Ediacarien inférieur, l’ensembleétant recouvert par les mêmes séries de l’Ediacarien supé-rieur que plus au sud.

L’ensemble des âges U/Pb mesurés dans l’Anti-Atlaset l’Ouzellarh montrent deux cycles magmatiques majeurs,éburnéen (2200-1700 Ma) puis panafricain (800-500 Ma)(Fig. 2). Les terrains archéens sont absents et le Mésopro-térozoïque uniquement représenté par des dykes basiques.Le cycle panafricain (850-545 Ma) englobe les processus defragmentation du supercontinent Rodinia puis d’amal-gamation du Gondwana, suivi de la dislocation de sa bor-dure nord. Au Maroc, on peut maintenant le subdiviseren quatre phases distinctes (Hefferan et al., 2014) : i) l’ins-tallation de la plateforme cratonique et l’édification d’arcsocéaniques au Néoprotérozoïque inférieur (850-750 Ma) ;ii) la phase panafricaine précoce (PAN1) (760-700 Ma) ; iii)la phase panafricaine majeure (PAN2) (680-640 Ma) ; iv)la phase panafricaine tardive (PAN3) (620 à 585 Ma), etenfin v) l’édification de la chaine volcanique édiacariennedu Groupe de Ouarzazate (580-545 Ma).

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Le Précambrien à la bordure nord du craton ouest-africain (Anti-Atlas et Haut Atlas, Maroc)Abderrahmane Soulaimani1, Kevin Hefferan2.

Figure 1. Carte de répartition des terrains précambriens dans l’Anti-Atlas-Ouzellarh. Source : Gasquetet al., 2008, modifié.

Figure 2. Répartition des âges U/Pb des différentes roches magmatiquesprécambriennes dans l’Anti-Atlas et le Haut Atlas. Source : Hefferan et al.,2014, modifié.

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3. Sensitive High Resolution Ion MicroProbe : outil associant microsonde ionique et spectromètre de masse utilisé pour des datations géochronologiquesU/Pb.

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Le Paléoprotérozoïque et le cycleEburnéen

Le substratum paléoprotérozoïque de l’Anti-Atlas estformé de roches méta-sédimentaires et méta-volcaniquesrecoupées par des intrusions plutoniques éburnéennes.Les granitoïdes les plus anciens sont calco-alcalins et modé-rément potassiques, mis en place vers 2180 Ma, dans un probable contexte de subduction ; ils sont suivis de plutonssynorogéniques calco-alcalins et peralumineux à partir de2050 Ma (Thomas et al., 2002 ; Gasquet et al., 2004 ; Bleinet al., 2014b). L’âge de certains des métasédiments déri-vant de dépôts de plateforme silicoclastique distale a étéapproché par celui des laves interstratifiées : 2072±8 Ma(Walsh et al., 2002). Ces quelques âges U-Pb donnent déjàune idée de la complexité du cycle éburnéen !

Après l’orogenèse éburnéenne, des dykes acideset basiques se mettent en place aux alentours de 1760Ma (Gasquet et al., 2004 ; Ikenne et al., 2017), annonçantune phase d’extension liée à la dislocation de la masseColumbia (Youbi et al., 2013). C’est sans doute dans cecadre que s’installent les dépôts de plateforme du Grou-pe de Taghdout-Lkest (GTL), longtemps considérés d’âgenéoprotérozoïque inférieur. Cette ancienne attribution,déjà questionnée par Abati et al. (2010), est définitive-ment remise en cause par les âges de 1710 et 1639 Ma desdykes basiques intrusifs respectivement dans les quartzitesd’Igherm (Ikenne et al., 2017) et de Taghdout (Aït Lhana etal., 2016), au profit d’un âge paléoprotérozoïque supé-rieur. La classique discordance majeure à la base des quart-

zites (Fig. 3) montre que le substratum éburnéen a étéexhumé et arasé dès avant la fin du Paléoprotérozoïque.

Le MésoprotérozoïqueMalgré la multiplication des datations U-Pb, l’ab-

sence totale de l’orogenèse grenvillienne se trouve confir-mée dans l’Anti-Atlas. Les seules roches mésoprotéro-zoïques récemment reconnues sont des dykes basiquesdatés sur baddeleyite à 1385-1415 Ma (El Bahat et al., 2013).Ces dykes témoignent seulement d’un épisode de fracturation du craton ouest-africain.

Le Néoprotérozoïque et le cycle panafricainFracturation de la plateforme cratonique et déve-loppement d’arcs intra-océaniques (850-750 Ma).

Le cycle panafricain débute avec la mise en placede filons basiques dans le socle éburnéen de l’Anti-Atlascentre-occidental entre 850 et 885 Ma (Kouyaté et al.,2013). Dans la boutonnière de Bou Azzer, le Groupe deTachdamt-Bleïda est considéré comme fait de dépôts deplateforme du Néoprotérozoïque inférieur, prolongeantcelle du Groupe de Taghdout-Lkest (Bouougri et Saquaque,2004). Des laves s’y intercalent, indirectement datées à 768Ma (Clauer, 1976) et associées à des tufs datés du Tonien(Bouougri, travaux en cours). Plus au nord (coordonnéesactuelles) et dans un espace océanique bordant le craton,

s’opère l’édification d’arcs volcaniquesintra-océaniques entre 770 et 750 Ma. ÀBou Azzer, des âges U-Pb de 760-770 Masont mesurés dans les laves de l’arc mag-matique Tichibanine-Ben Lgrad (Soulai-mani et al., 2013), âges identiques à ceuxdes plagiogranites de l’ophiolite de Tas-riwine dans le Siroua (761 Ma ; Samson etal., 2004), ou encore à ceux des proto-lithes des métagabbros de Tazigzaout àBou Azzer (752 Ma., D’Lemos et al., 2006),de l’orthogneiss de Bou Azzer (755 Ma), etdes migmatites d’Iriri dans le Siroua,datées à 743 Ma (Thomas et al., 2002).Un métagabbro de l’ophiolite de BouAzzer a été daté par SHRIMP3 à 697±8Ma(El Hadi et al., 2010), suggérant que leséléments de cette ophiolite démembréeont été échantillonnés par la tectoniqued’obduction à divers endroits d’un espaceocéanique assez large. Notons qu’à Bou

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Figure 3. La discordance du Tizi n’Tarhatine, sur la route entre Ouarzazate et Taroudant, décrite dès 1938par Neltner, sépare les orthogneiss éburnéens de leur couverture quartzitique (Groupe de Taghdout-Lkest). Cette discordance a été le siège d’un décollement majeur, probablement pendant la collisionpanafricaine : elle est devenue un contact anormal entre socle rigide et couverture plissée. Cliché etinterprétation : A. Soulemani.

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Azzer, le cisaillement basal de l’ophiolite a échantillonnéle toit du manteau lithosphérique (Fig. 4), circonstancequi a permis le développement ultérieur des fameux gise-ments à cobalt, nickel, chrome, arsenic.

La phase panafricaine précoce(PAN1, 770-700 Ma)

Les arcs insulaires intra-océa-niques édifiés entre 770 et 750 Ma ontété déformés le long de l’axe Bou-Azzer-Siroua dans le faciès amphibolite de hau-te température, selon une cinématiquedextre dominante (D’Lemos et al., 2006).Les orthogneiss ainsi formés ont ensuiteété recoupés par des filons de leucogra-nite non déformés, datés aux environsde 700 Ma (D’Lemos et al., 2006 ; Blein et al., 2014). Cette première phase dedéformation panafricaine correspondraitau collage de l’arc volcanique de Tacha-koucht-Bou Azzer contre la marge crato-nique (Fig. 4) (Hefferan et al., 2014 ;Triantafyllou et al. 2015).

La phase panafricaine majeure (PAN2, 560-540 Ma)Une nouvelle accrétion d’arcs volcaniques le long

de la marge gondwanienne est responsable de la secon-

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Figure 4. Le paléo-Moho néoprotérozoïque des Aït Ahmane, dans la boutonnière de Bou Azzer.Cliché : A. Michard.

Figure 5. Modèle géodynamique du cycle panafricain sur le transect de la boutonnière de Bou Azzer. Source : ce travail.

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de phase de déformation dont les structures se superpo-sent à l’ancienne fabrique de la phase PAN1 (Triantafyl-lou et al., 2015). C’est une déformation à vergence cratonique, décro-chevauchante sénestre à Bou Azzer(Saquaque et al., 1989) et à vergence sud dans le Siroua (Tri-antafyllou et al., 2015), qui s’est opérée dans le faciès desschistes verts de haute température (Bousquet et al.,2008).

Dans la boutonnière de Bou Azzer, cette phase, res-ponsable de l’obduction de l’ophiolite, est accompagnéeou suivie de près par la mise en place d’intrusions synci-nématiques autour de 650 Ma : Aït Ahmane, Bou Oufrou-kh et Tafraout à Bou Azzer (Inglis et al.,2005) et Tourtit dansle Siroua, (Triantafyllou et al., 2015). C’est l’âge du paroxys-me de la déformation synmétamorphique, alors que lamise en place tardi-tectonique du massif de l’Ousdrat(540 Ma) marque la fin des compressions panafricaines.Dans le massif de Siroua, le pic du métamorphisme régio-nal est placé à 647 Ma, âge de grenats métamorphiquesde l’ophiolite de Tasriwine (Inglis et al., 2017). La polaritéde la subduction panafricaine a longtemps été débattue(Leblanc, 1975 ; Saquaque et al., 1989) mais un consensussur des subductions à plongement nord (voir Fig. 5A-C) estmaintenant établi (Soulaimani et al., 2006 ; Walsh et al.,2012 ; Hefferan et al., 2014).

Notons qu’en dehors de la zone de suture, l’ab-sence de terrains du Cryogénien à l’affleurement rend dif-ficile la mise en évidence des effets de la tectonique pan-africaine dans l’Anti-Atlas, où des remobilisations dusubstratum éburnéen le long de zones de cisaillementssont cependant clairement admises (Ennih et al., 2000).De plus, les terrains du Groupe de Taghdout-Lkest sontfortement plissés et recristallisés en faciès schistes vert debas degré.

La phase panafricaine tardive (PAN3, 520-580 Ma)Le Groupe de Saghro déposé dans les massifs du

Siroua-Ouzellarh et du J. Saghro-Ougnat montre une sédi-mentation greywackeuse turbiditique, épaisse de plus de8000 m et déposée au pied d’un arc andésitique (Michardet al., 2017). Les âges relativement jeunes des zircons détri-tiques dans ce groupe (630 à 610 Ma ; Liégeois et al., 2006 ;Abati et al., 2010) montrent que la formation de ces bas-sins est postérieure à la phase majeure panafricaine ettémoignent du développement de dépocentres au nord dela zone de suture, en réponse au collapse de la chaînepanafricaine. Par la suite,ces bassins sont déformés par desplis droits synschisteux dans des conditions de méta-morphisme de faible degré, puis recoupés par des grani-

toïdes post-tectoniques édiacariens (575 à 550 Ma). Lelong de la zone de suture, les Séries de Tiddiline et de BouSalda correspondent à des dépôts volcano-clastiquesdéformés entre 606 Ma, âges de laves interstratifiéesdans la Série de Tiddiline, et 580 Ma, base du Groupe deOuarzazate (Soulaimani et al., 2013). Ces deux dernièresséries paraissent donc plus jeunes que le Groupe du Sagh-ro, mais toutes ces formations sont affectées par les der-nières compressions panafricaines entre 600 et 585 Ma(phase cadomienne ; Michard et al., 2017).

La chaine volcanique de l’Ediacarien supérieur(580-545 Ma)

En discordance angulaire sur les différents terrainsque nous venons de décrire, le Groupe de Ouarzazate cor-respond à des séries volcaniques et volcano-clastiques delithologie et d’épaisseur très variables (0-2 km). Ce sont lesrestes d’une chaîne volcanique édifiée au cours de l’Édia-carien supérieur, à la bordure nord-ouest du craton (Tho-mas et al., 2002), associée à une intense activité hydro-thermale à l’origine de minéralisations variées (Ag, Hg,Cu, Pb, Zn, Au, Co, Ni, As). Le magmatisme est de nature cal-co-alcaline fortement potassique à shoshonitique, de typearc volcanique (Thomas et al., 2002 ;Walsh et al., 2012). Cemagmatisme d’arc s’atténue rapidement aux alentours de545 Ma lors de la première transgression cambrienne. Il estremplacé par les laves alcalines du J. Boho au Cambrieninférieur (Ducrot et Lancelot, 1977).

Les dépôts du Groupe de Ouarzazate sont attri-bués aux phases tardives panafricaines dans un contex-te tardi- à post orogénique globalement transtensif (Tho-mas et al., 2002). Son magmatisme est considéré en lienindirect de la subduction panafricaine antérieure (Leblanc,1975 ; Ennih et al., 2001). Les nouvelles reconstructions dupourtour gondwanien à 580-530 Ma (Linnemann et al.,2013) montrent l’occurrence d’une subduction vers le sudde la Proto-Téthys, configuration qui placerait l’Anti-Atlasdans une position arrière-arc. L’activité magmatique obser-vée serait en lien direct avec la subduction cadomienne detype andine à l’arrière de l’arc cadomien (voir Fig. 5D ;Wal-sh et al., 2012 ; Hefferan et al., 2014).

Par la suite,après la collision des blocs continentauxavalonien et/ou cadomien avec la marge gondwanienne,on assiste au rifting de tout ce domaine panafricain et àl’ouverture des bassins cambriens de l’Anti-Atlas et de laMeseta (Hoepffner et al., ce vol.). Ces rifts cambriens avor-teront par la suite et l’océanisation aura lieu plus à l’ouestau cours de l’Ordovicien inférieur (Linnemann et al., 2013).

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1. Departamento de Mineralogía y Petrología, Universidad de Granada, Campus Fuentenueva, 18071 Granada, Spain. Courriels : [email protected],[email protected], [email protected] 2. LGCA, Département de Géologie, Faculté des Sciences Ben Msik, Université Hassan II de Casablanca, Maroc. Courriel : [email protected] 3. Departamento de Geodinámica, Universidad de Granada, Campus Fuentenueva, 18071 Granada, Espagne. Courriel : [email protected] 4. Office National des Hydrocarbures et des Mines, 5 Avenue Moulay Hassan, Rabat, Maroc. Courriels : [email protected], [email protected]

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Introduction Le secteur étudié était nommé Sahara occidental

ou Rio de Oro sous le protectorat espagnol, qui a duré jus-qu’en 1975. De cette période espagnole, marquée princi-palement par la découverte des mines de phosphates deBou-Kraa en 1945 (Alia-Medina, 1971), persistent des publi-cations de grande qualité, dont principalement les cartesau 1/200 000 dues à Alia-Medina et collaborateurs et lasynthèse due à Arribas (1968). Après 1975, ce secteur fut lethéâtre de conflits militaires avec un minage mal locali-sé rendant les expéditions de terrains extrêmement dan-gereuses. Le Plan national de Cartographie géologiquelancé en 1996 par le Ministère de l’Energie et des Minesmarocain et les travaux d’exploration de l’ONHYM n’ontrouvert l’accès de ces régions aux géologues que depuisdeux décennies à peine.

Les études géologiques menées sur la DorsaleReguibat (Sud du Maroc) par les groupes de recherchedes universités de Grenade (Espagne) et de Casablanca(Maroc) en collaboration avec les géologues de l’ONHYM

ont débuté en 2011. Le point de départ fut un projet finan-cé par l’AECID (Université de Grenade) et coordonné pardeux femmes géologues, l’une espagnole et l’autre marocaine, pour l’étude de la pétrologie, géochimie etgéochronologie des terrains de la Dorsale Reguibat. Lapremière expédition a ciblé les terrains archéens de lazone Awserd-Tichla jusqu’à la frontière avec la Mauritanie(Fig. 1). Un échantillonnage détaillé des syénites à feld-spathoïdes d’Awserd fut également réalisé. À la deman-de et sous la supervision des géologues de l’ONHYM, lescarbonatites de Glibat Lafhouda qui affleurent au seindu massif des Oulad Dlim, charrié sur la Dorsale (voirMichard et al., ce vol.) furent échantillonnées.

Lors des campagnes suivantes, les recherches ontmigré depuis les terrains de la Dorsale Reguibat vers ceuxdes Oulad Dlim. Les résultats de ces recherches ont étépour la plupart publiés (Bea et al., 2013, 2014 ; Montero etal., 2014 ; Bea et al., 2016 ; Montero et al., 2016). Nous enrésumons ici l’essentiel, en y ajoutant quelques résultatsremarquables en phase de publication.

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Dorsale Reguibat et Massif des Oulad Dlim, l’avancée des connaissancesPilar Montero1, Fernando Bea1, Faouziya Haissen2, José Francisco Molina-Palma1, Francisco González-Lodeiro3,Abdellah Mouttaqi4, Abdellatif Errami4.

Figure 1. Esquisse géologique de la Dorsale Reguibat et du Massif des Oulad Dlim entre la région d’Awserd-Tichla et l’océan Atlantique. Les écailles quartzi-tiques de Tisnigaten forment une bande étroite, non individualisée ici, entre les sédiments autochtones de la Dorsale Reguibat (unité Latitabyine-Lahwida)et l’unité des gneiss de Bu-Lautad. Source : ce travail.

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5. Heavy Rare Earth Element (Groupe de l’yttrium).

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Contexte géologiqueLa plus grande partie de ces régions est sans relief

et désertique, avec de rares affleurements de mauvaisequalité. Seules font exception des zones de petites mon-tagnes comme celles de l’Adrar Souttouf et des syénitesd’Awserd. La zone Awserd-Tichla (selon la nomenclaturede Rjimati et al.,2002) comprend la partie nord des terrainsdu Tasiast-Tijirit (Dorsale Reguibat) dont le contact versl’ouest avec le massif des Oulad Dlim se fait par le biaisd’une bande étroite de terrains paléozoïques plissés (ledomaine Latitabyine-Lahwida) qui affleure principalementvers le nord (Michard et al., ce volume). Les lithologies prédominantes de cette zone sont : les gneiss TTG (Suited’Aghaylas), la ceinture de roches vertes (« greenstone belt») de Tichla et les syénites à feldspathoïdes d’Awserd-Lechuaf. Le massif des Oulad Dlim, quant à lui, est décritcomme une succession d’unités tectoniques mises en pla-ce durant l’orogenèse varisque : c’est le segment septen-trional de la chaîne des Mauritanides (Sougy, 1969 ; Ville-neuve et al., 2006, 2015 ; Michard et al., 2008,2010 ; Rjimati et al., 2011).

Synthèse des données récentes La Dorsale Reguibat dans la zone Awserd-Tichla

La suite d’Aghaylas est formée principalement detonalites et trondhjemites et en moindre quantité de gra-nodiorites et granites (d’où le nom de suite « TTG ») affec-tés par une migmatisation localement très intense.Les pro-tolithes des gneiss varient entre des tonalites à biotite+amphibole+épidote et des granites et trondhjemites à biotite+épidote, avec invariablement une texture hypidio-morphique. Leur géochimie se caractérise par un appau-vrissement en HREE5, Nb, Ta et U, des rapports élevés deTh/U et K/Rb, des rapports initiaux bas de Sr (87Sr/86Sr(t) de0.7003 à 0.7030),εNd(t) positifs (+2 à +5) et des âges modèlesde Nd (TCr) entre 3,04 et 2,92 Ga. Huit échantillons ont étédatés par U-Pb sur zircon (Université de Grenade) aboutis-sant dans tous les cas à des discordia par perte de Pb très biendéfinies,avec des âges à l’intercept supérieur entre 3,04 ± 0.01et 2,92 ± 0.10 Ga.La concordance entre l’âge modèle et l’âgede cristallisation indique que le principal épisode de créa-tion de la croûte dans la zone étudiée a eu lieu entre 3,1 et3,0 Ga. La composition chimique indique qu’il ne s’agitpas de TTG juvéniles mais plutôt du résultat de la fusionpartielle de TTG juvéniles antérieurement métamorphisées(Montero et al., 2014).

Plusieurs plutons de syénites à feldspathoïdes for-ment le groupe d’Awserd-Lechuaf,deux dans la partie maro-

caine de la Dorsale Reguibat,d’autres en dehors du territoiremarocain. Parmi les massifs marocains, le plus grand et leplus représentatif est celui d’Awserd, il s’agit d’un corpsintrusif qui affleure en un anneau (ring dyke) spectaculai-re de 12x10 km (Rjimati et al., 2002). Le massif est intrusifdans les gneiss TTG d’Aghaylas. Il est composé principale-ment de syénites à néphéline qui forment la partie exter-ne de l’anneau et de syénites à kalsilite qui en forment lapartie interne. Des syénites saturées en silice, beaucoupmoins importantes,sont également observées dans la bor-dure sud-occidentale de l’intrusion. Les syénites à néphéli-ne sont formées de feldspath potassique, néphéline, cli-nopyroxène,biotite et accessoirement grenat. Les syénitesà kalsilite sont formées de feldspath potassique,kalsilite etbiotite. La géochimie indique qu’il s’agit de roches inter-médiaires à felsiques anormalement riches en K (K2O jus-qu’à 20 wt% dans quelques syénites à kalsilite) avec des rap-ports initiaux de Sr et Nd très primitifs (87Sr/86Sr(t) ≈ 0.7022±0.0003), εNd(t) ≈-1,8 Ma ±0,2 dans les syénites à kalsiliteet -3,5 Ma ±1,2 dans les syénites à néphéline et des âgesmodèles de Nd (TDM) de 2,5 à 3 Ga.

Quatre échantillons ont été datés par U-Pb sur zircons (deux syénites à néphéline et deux syénites à kalsilite), et ces mêmes zircons ont été analysés pour lesisotopes d’oxygène. Les âges obtenus (2,46 ±0,01 Ga) sontidentiques pour les 4 échantillons, confirmant que lesdeux types de syénites sont de même âge. Cet âge (2,46±0,01 Ga) est également obtenu par Rb/Sr sur roche tota-le provenant de 15 échantillons appartenant aux deuxtypes de syénites qui se projettent ainsi sur la même isochrone, confirmant que les deux types de roches sontcogénétiques. Les isotopes d’oxygène sur les zircons donnent pour les deux types de syénites des signaturesclairement mantéliques, avec ∂18O entre 4,8 et 5,5.L’interprétation proposée pour la pétrogenèse de ces syé-nites à kalsilite est une refusion hydratée d’une couronneleucitique formée en profondeur (Bea et al., 2013, 2014).

La ceinture de roches vertes de Tichla est un corpsallongé NNE-SSW de ≈ 90 km de long, large de 5 km aunord et de 20 km au sud, encaissé dans les gneiss d’Aghay-las. Il est formé par des roches basiques et ultramafiques,principalement des serpentinites, et par des métasédi-ments. Un seul échantillon a été daté par U-Pb sur zircondonnant une population d’âge qui définit une discordia parperte de Pb avec un âge à l’intersection supérieure de 3,02±0,01 Ga, identique à l’âge 207Pb/206Pb des points les plusconcordants. L’âge obtenu est légèrement plus ancien quecelui des gneiss intrusifs dans la ceinture (3,01 Ga), maislégèrement plus jeune que celui des gneiss d’Aghaylas lesplus anciens (3,03 Ga). L’âge de cette « greenstone belt »se trouverait ainsi limité entre 3,01 et 3,03 Ga. Des

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métavolcanites acides terminant le cycle éruptif de laceinture ont cependant fourni un âge U-Pb-TIMS zircon de2,965 Ga dans des affleurements situés plus au sud (Keyet al., 2008). Les roches gabbroïques de Tichla présententun εNd négatif et l’âge modèle de Nd le plus ancien de toute la région étudiée (TCR = 3,4 Ga), impliquant ainsil’existence d‘une croûte plus ancienne non reconnue dansla suite d’Aghaylas (Montero et al., 2014).

Le Massif des Oulad DlimÀ l’ouest des sédiments paléozoïques autochtones

de Lititabyine-Lahwida, affleure d’abord une étroite ban-de d’écailles quartzitiques (formation Tisnigaten de Rjimatiet al., 2002) attribuables au Cambrien (Gärtner et al., 2017),puis une bande large de 20 à 40 km de gneiss felsiques(gneiss de Bu-Lautad, voir Fig. 1) avec de rares métasédi-ments et des couches d’amphibolites. Deux échantillonsde ces gneiss ont été datés par U-Pb sur zircon, donnantdes discordia par perte de Pb avec un âge à l’intersectionsupérieure de 3,0 ±0,01 et 3,12 ±0,01 Ga, légèrement plusancien que celui des gneiss autochtones d’Aghaylas (Mon-tero et al., 2014). Les gneiss de Bu-Lautad représententdonc une unité de socle archéen à la base du massif desOulad Dlim. Ils sont recouverts au nord par les micaschistesà grenat de Laglat dont les zircons détritiques les plusjeunes ont donné un âge de 2,84 Ga (Bea et al., 2016) et quisont intrudés par le granite peralcalin cambrien de Derraman. Au sud, les gneiss de Bu-Lautad sont intrudéspar les massifs à carbonatites paléoprotérozoïques deGleibat Lafhouda.

Le granite peralcalin de Derraman affleure à l’est dumassif des Oulad Dlim,dans la partie nord du domaine desgneiss de Bu-Lautad (voir Fig. 1). Il s’agit de deux corpsprincipaux de ≈ 2 km de diamètre et de quelques corps

satellitaires mineurs de granites peralcalins à aegirine etriébeckite. Ces roches sont affectées par une foliationvarisque à pendage ouest (Fig. 2) et critères de cisaille-ment à vergence vers l’est, comme dans les micaschistesde Laglat (Michard et al., 2010). Il s’agit de granites hyper-solvus avec des textures agpaitiques à grain fin à moyen,formés par feldspath mésoperthitique, quartz, riébeckite,aegirine et des quantités mineures de biotite. En géochi-mie, ils se classent comme granites de type-A1 (Eby, 1990,1992) caractérisés par de fortes concentrations de REE etdes éléments HFS, des rapports Th/U et Nb/Ta prochesde ceux du manteau,εNd(t) = -5,2 à -6,8, très négatifs et desâges modèles de Nd (TCR) = 1.83 Ga. Des zircons de deuxéchantillons de granites de grain grossier (un de chaquecorps principal) et deux de dykes de grain fin ont été datéspar SHRIMP U-Pb. Les granites ont donné des âges de 525 et 527 ±3 Ma, un des dykes a donné le même âge (524 ±3 Ma) alors que l’autre a donné un âge légèrementplus jeune (517 ±3 Ma). Ces âges de cristallisation sontconsidérablement plus jeunes que les âges modèles. Ceci,ajouté aux valeurs hautement négatives de εNd(525 Ma)laisse supposer que la source de ces roches peut résulterde la fusion d’une source crustale ancienne.

La présence de complexes intrusifs de carbona-tites est un caractère remarquable des Oulad Dlim. Deuxde ces complexes affleurent correctement et ont donc puêtre étudiés : Gleibat Lafhouda à l’est et Twihinate à l’ouest(voir figure 1). Or ces intrusions diffèrent profondémentl’une de l’autre ! Le complexe de Gleibat Lafhouda estintrusif dans les gneiss archéens du domaine de Bu-Lautad. Il est formé de trois corps lenticulaires sub-circulaires de magnésio-carbonatites avec un âge decristallisation U-Pb de 1,85 ±0,3 Ga, un âge modèle de Nd(TCR) de 1,89 Ga (identique à l’âge de cristallisation) etεNd(1.85Ga) positif entre +4,7 et +6,0 Ga. Ces carbonatitesfont partie de ce que nous avons appelé la Province alca-line occidentale des Reguibat (Montero et al., 2016). Lecomplexe de Twihinate, quant à lui, est formé de calcio-carbonatites. Il forme une structure annulaire intrusivedans les granites déformés de Laknouk, granites que nousavons datés du Siluro-Dévonien (voir plus loin). L’âge U-Pbsur zircon de ces carbonatites est de 104 ±4 Ma, avec unâge modèle de Nd (TCR) de 450 ±5 Ma (plus ancien quel’âge de cristallisation) et εNd(104) positif ( entre +4,5 et+5,3 Ga ). Ce deuxième type de carbonatites appartient au« Mid-Cretaceous Peri-Atlantic Alkaline Pulse » de Mattonet Jébrak (2009). La présence de nombreux zircons héritésavec des populations à ≈ 420, 620, 2 050, 2 500 et2 800 Ma implique que lors de leur ascension, les magmascarbonatitiques ont traversé des matériaux appartenantau craton de l’Ouest Africain.

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Photo 1. Aspect du granite de Derraman à l’affleurement. Ce granite cam-brien est affecté par la foliation à pendage WNW liée à la mise en placedes nappes varisques sur la bordure du craton de l’Ouest africain. Les critères cinématiques indiquent un cisaillement vers l’ENE (flèche noire).Cliché : A. Michard.

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Le complexe métamafique de l’Adrar Souttouf repo-se sur les gneiss de Bu-Lautad (voir Fig. 1). C’est l’un des plusgrands affleurements de roches à hypersthène connussur Terre. Il est composé de gabbros, gabbros-anortho-sites, anorthosites et charnokites associés à des affleure-ments mineurs de métasédiments et gneiss granitiques,tous métamorphisés sous le faciès amphibolite ou gra-nulite selon les cas. Des datations LA-ICPMS U-Pb sur zir-con ont donné des âges entre 605 et 635 Ma (Gärtner etal., 2016), indiquant ainsi des protolithes panafricains. Nosdonnées SHRIMP U-Pb confirment ces âges, mais révè-lent également que les protolithes deviennent progres-sivement plus jeunes vers l’ouest. Les contacts entre lecomplexe mafique panafricain et les gneiss archéens deBu-Lautad semblent être des failles de détachement àfaible pendage. Vers l’Ouest, les matériaux de ce com-plexe mafique deviennent de plus en plus felsiques, dio-ritiques à tonalitiques avec des charnokites et enderbitesplus abondantes. En plus des datations U-Pb sur zircon, denombreuses analyses chimiques et isotopiques ont étéréalisées ainsi que des études minéralogiques qui ont per-mis d’établir les conditions thermobarométriques dumétamorphisme. Toutes ces données sont en phase depréparation pour publication.

Des séries bimodales leucogranite-amphiboliteapparaissent vers la bordure occidentale du complexemafique de l’Adrar Souttouf. Elle est composée de leuco-granites avec des dykes minces abondants d’amphibo-lites. Nos datations SHRIMP U-Pb révèlent que les leuco-granites et les amphibolites sont panafricains et que leursâges suivent la même tendance que dans le complexemafique, devenant progressivement plus jeunes versl’ouest. Cette succession s’arrête brusquement au niveaude la faille SSW-NNE de Tageneddest, qui la met en contactavec des matériaux archéens non décrits jusqu’alors : lesgranites de Gareg.

Les granites de Gareg affleurent dans la partie occi-dentale du massif des Oulad Dlim. Le terrain qu’ils carac-térisent compte deux corps granitiques entourés de gneissfelsiques avec des intercalations d’amphibolites. Ce terrainest limité à l’est par la faille de Tageneddest et à l’ouest pardes zones de cisaillement qui le mettent en contact avecdes matériaux panafricains et siluro-dévoniens fortementdéformés. Les deux corps granitiques ont des dimensionsapproximatives de 28x10 et 30x14 km respectivement etconsistent en monzogranites à biotite et épidote forte-ment foliés. La géochimie indique des roches calco-alca-lines et magnésiennes avec des âges modèles de Nd (TDM)groupés autour de 3,12 ±0,04 Ga et εNd(2.9Ga) autour dezéro. Des zircons des deux corps granitiques, des gneiss etdes amphibolites associées ont été datés par SHRIMP U-

Pb. Les zircons des granites de Gareg indiquent des âgesde cristallisation de 2,95 Ga alors que les gneiss et amphi-bolites sont datés respectivement de 2,90 Ga et 2,87 Ga(données en phase de traitement). Les traits géochimiqueset isotopiques, minéralogiques, géochronologiques et lestypes de discordia dans les zircons sont similaires auxtermes granitiques de la suite d’Aghaylas, ce qui laisseenvisager l’hypothèse que les granites de Gareg et lesroches archéennes associées soient la réapparition ducraton de l’Ouest Africain vers l’Ouest. Une hypothèsealternative est que ces terrains archéens soient la réap-parition de ceux de l’unité des gneiss de Bu-Lautad del’autre côté d’un synclinal de nappes à matériel panafri-cain (Adrar Souttouf et séries bimodales).

Le granite de Laknouk et les terrains associés consti-tuent les derniers terrains affleurant à la marge occiden-tale des Oulad Dlim. Ils se situent entre les terrainsarchéens qu’on vient de décrire et les sédiments récentsde la marge atlantique (voir Fig. 1). C’est une série de maté-riaux felsiques très déformés. Parmi eux, le plus repré-sentatif spatialement et le mieux étudié est le granite deLaknouk, qui consiste en monzogranites à granodioritesfortement déformés à biotite + épidote + grenat riche enCa. La géochimie indique des granites de type-I transi-tionnels aux granites type-A, avec des compositions iso-topiques primitives (87Sr/86Sr(415 Ma) = 0,70465, εNd(415 Ma)de -1,5 à -0,6) et des âges modèles de Nd (TCR) de 1,22 ±0,1 Ga (Montero et al., 2016). Deux faciès avec la mêmeminéralogie ont été identifiés dans ces granites, un pre-mier à grain fin dont la datation par SHRIMP U-Pb sur zir-con a donné un âge de 421 ±3 Ma et un autre facies à grainplus grossier intrusif dans le premier et daté à 410 ±2 Ma.Des études thermobarométriques encore non publiéesainsi que l’absence de zircons pré-magmatiques et la pré-sence de grenat riche en Ca impliquent que les granites deLaknouk ont cristallisé à haute pression (P >10 kbar ; Green,1992) à partir de matériel en fusion de haute températu-re (T > 820ºC), suggérant la probabilité qu’ils soient asso-ciés à un processus de subduction. A côté des granites deLaknouk, d’autres matériaux de caractéristiques et âgesimilaires existent à la marge occidentale du massif desOulad Dlim, mais sont encore en phase d’étude.

ConclusionLes études pétrographiques, géochimiques et géo-

chronologiques que nous réalisons,depuis 2011,ont conduità une vision plus claire des relations entre le craton del’Ouest africain et les unités charriées des Oulad Dlim.Cependant, ces relations gardent encore une part de leurmystère ! Les unités des Ouled Dlim forment-elles un syn-

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6. Laser Ablation-Inductively Coupled Plasma-Mass Spectrometry.

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clinal de nappes métamorphiques posées sur le bordécaillé du craton, où sont-elles imbriquées systémati-quement d’ouest en est ? Rappelons qu’une interprétationstructurale des Oulad Dlim en synclinal de nappes a étéprivilégiée par Lécorché et al. (1991) avant d’être aban-donnée par les auteurs ultérieurs au profit d’un empile-ment de nappes imbriquées d’ouest en est (Villeneuve etal., 2006 ; Michard et al., 2010).

D’autres travaux utilisant les datations LA-ICP-MS6

sur zircon ont été réalisés depuis 2013 par une autre équi-pe de recherche (Gärtner et al., 2013, 2014 ; Villeneuve etal., 2015 ; Gärtner et al., 2016, 2017) dans les Oulad Dlim, ce

dont on ne peut que se réjouir car les unités rocheuses àidentifier sont encore nombreuses. Discuter des inter-prétations proposées par cette équipe quant à l’origine decertaines unités,considérées comme des terrains rattachésinitialement au super-continent Laurussia,serait en dehorsdes limites de la présente contribution.

Remerciements : Nous remercions le Pr. AndréMichard pour ses remarques et critiques constructives.Les résultats exposés dans cet article ont été financés parle projet de recherche national espagnol CGL2013-40785-P et par le projet de la Junta de Andalucía P12.RNM.2163.Cet article est la publication IBERSIMS N°42.

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1. Cet article a été rédigé d’après celui de Gasquet et Cheilletz (2009) avec l’autorisation du responsable de l’édition de la collection Edytem.2. EDYTEM, Université de Savoie Mont Blanc, CNRS-UMR 5204, Campus Scientifique, Pôle Montagne. 73376 Le Bourget du Lac cedex, France. Courriel : [email protected]. École Nationale Supérieure de Géologie, Université de Lorraine, Géoressources, CNRS-UMR 7359, BP 40, 54501 Vandœuvre-lès-Nancy, France.

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Au cours des années 1980, d’ambitieux pro-grammes d’exploration minière dans la Meseta hercy-nienne et l’Anti-Atlas du Maroc réalisés par les entre-prises d’état (ONHYM) et les compagnies privéesmarocaines (groupe Managem, CMT…) ont abouti à d’importantes découvertes de gisements comme, enparticulier, les VHMS (« Volcanogenic Hosted Massive Sulfide ») de Guemassa (Ajar) et des Jebilet centrales(Draa Sfar et gisements associés). Depuis ces années, lesprogrammes d’exploration intense consacrés, notam-ment, à la recherche des métaux précieux (Au et Ag), nesont pas parvenus à la découverte de gisements hydro-thermaux de « classe mondiale » capables de remplacer

les grandes mines marocaines connues depuis des siècleset toujours en activité, telles que celles du Djebel Aouam-Tighza (Pb-Zn-Ag), Imiter (Ag-Hg) ou Bou Azzer (Co-Ni-As-Au-Ag).

En outre, les avancées spectaculaires réalisées cette dernière décennie dans les techniques de datationin situ par laser (Ar/Ar) ou par sonde ionique (U-Pb) ont per-mis de préciser, soit directement par datation des miné-ralisations, soit indirectement par datation des encais-sants, magmatiques notamment, les époques les plusfavorables aux concentrations minéralisatrices. Suite àl’importante synthèse réalisée par Barodi et al. (2002),puis celles, entre autres, de Gasquet et Cheilletz (2009) et

de Bouabdellah et Slack (2016), il est pos-sible de : 1) rassembler les connaissancessur les gisements métallifères du Marocdu Nord (sans les provinces sahariennesdu Sud en cours d’exploration), pour l’es-sentiel hydrothermaux, 2) présenter une synthèse de la distribution spatio-tempo-relle des principaux indices et gisements et3) proposer,par conséquent,une aide pourla définition de guides pour les pro-grammes d’exploration au Maroc.

Le cadre géologique du Maroc

Le Maroc est situé à une triplejonction géodynamique entre le conti-nent africain, l’océan atlantique et la chaî-ne de collision alpine. La conséquence decette situation particulière est la pré-sence de roches dont l’âge s’étend depuisl’Archéen jusqu’au Cénozoïque, et decontextes tectoniques variés depuis celuides racines orogéniques métamor-phiques jusqu’à celui des bassins sédi-mentaires distensifs superficiels. Les prin-cipaux domaines géologiques du Maroc(Fig. 1) dont la révision a été réalisée pourl’ambitieux programme national de car-tographie géologique (PNCG) et pourl’édition récente de synthèses géolo-giques (eg. Michard et al., 2008) sont :

métallogénie et substances minérales

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Géodynamique et cyclicité métallogénique au Maroc1Dominique Gasquet2 et Alain Cheilletz3.

Figure 1. Carte simplifiée des domaines géologiques et des principaux gisements métalliques duMaroc du Nord (sans les provinces sahariennes du Sud). (1a) Bou Azzer I (Cr-Pt), (1b) Tiouit (Au), (1c) Ouir-gane (Cu,-Zn-Pb-Ag), (1d) Bleida (Cu-Au), (1e) Imiter (métaux de base), (1f) Imiter (Ag-Hg), Bou Madi-ne Cu-Pb-Zn), Zgounder (Ag), (2) Tamlalt-Menouhou (Cu-Au), (3) Meseta occidentale (Cu-Pb-Zn), (4)Iourirn (Au), El Hammam (F), Aouam-Tighza (W-Au-Pb), Bou-Azzer II (Co-Ni-As-Au) , (5a) Bou Azzer III(polymétallique), (5b) Imini (Zn), (6a) Tamazert (Terres rares), (6b) MVT Touissit-Bou Dahar (Pb-Zn), (6c)Zgounder (U). FSA : Faille Sud Atlasique, ZFAC : Zone de Faille de l’Anti-Atlas Central. Source : Gasquetet Cheilletz (2009).

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la chaîne du Rif au Nord qui s’étend le long de la Médi-terranée et prolonge, au sud de la mer d’Alboran, les cordillères bétiques alpines ;la Meseta et le Moyen Atlas, au sud du Rif, qui sontconstitués de fragments de la chaîne hercynienne recou-verts par des terrains mésozoïques et cénozoïques dis-cordants et plissés ;le Haut Atlas qui constitue une chaîne intracontinentaleactive où la tectonique tertiaire a porté à des altitudesde plus de 4 000 m des blocs hercyniens et précam-briens préservés ;l’Anti-Atlas au Sud qui est composé de boutonnièresprotérozoïques affleurant de part et d’autre de la Zonede Faille majeure de l’Anti-Atlas Central (voir figure 1) etrecouvertes par des formations édiacariennes (Néo-protérozoïque terminal) à paléozoïques ; dans le domai-ne nord-oriental, ces boutonnières sont constituées deterrains néoprotérozoïques polydéformés pendant l’oro-genèse panafricaine ; dans le domaine sud-occidental,affleure un socle paléoprotérozoïque et néoprotéro-zoïque, affecté par les orogenèses éburnéenne et pan-africaine (Gasquet et al., 2005). Les deux domaines ontégalement subi les déformations hercyniennes bienreconnues aujourd’hui (Burkhard et al., 2006) et lecontrecoup des événements tectoniques du cycle alpin(Frizon de Lamotte et al. 2008).

À l’exception du Rif, ces domaines contiennent desgisements métalliques hydrothermaux importants exploi-tés pour certains (Imiter par exemple) depuis l’Antiquité.

Les données temporellesLes nouvelles données géochronologiques (U-Pb,

Ar/Ar, K-Ar, U-Th-Pb, Sm-Nd, Rb-Sr, Re-Os) récemmentpubliées sur les gisements miniers du Maroc (illustrés

dans les photos 1 à 6) ont permis d’identifier six grandesépoques métallogéniques hydrothermales (ou magma-tiques-hydrothermales) caractérisées par différents para-mètres (Gasquet et al., 2005 ; Ikenne et al., 2017) :

Néoprotérozoïque. Les corps intrusifs dioritiques à gra-nodioritiques associés aux gisements de Tiouit (Au) dansl’Anti-Atlas et Ouirgane (Cu-Zn-Pb-Ag) dans le Haut Atlasoccidental, ont permis de les dater respectivement à 645 ±12 Ma et 625 ±5 Ma. En outre, l’âge du gisement detype Sedex (« Sedimentary exhalative ») de Bleida (Cu) estestimé à environ 600 Ma par référence à l’âge de l’en-caissant volcano-sédimentaire (Mouttaqi,1997).Plusieursgisements de la ceinture à métaux précieux de l’Anti-Atlaset du Haut-Atlas sont datés à 564 ±15 Ma (Zgounder,Ag),550 ±3 Ma (Imiter, Ag-Hg) et 552 ±5 Ma (Bou Madine,Cu - Pb-Zn) (Levresse et al., 2004 ; Gasquet et al. 2005) ;Ordovicien supérieur. Les minéralisations de type IOCG(« Iron Oxyde, Copper, Gold ») de Tamlalt (Cu-Au) dans leHaut Atlas oriental, ont été datées à 449 ±8 Ma par Pelleter et al., (2009) ; ces événements ordoviciens datéspour la première fois au Maroc, sont toutefois bienconnus dans la chaîne varisque européenne (e.g. Val-verde-Vaquero et Dunning, 2000) ;Carbonifère inférieur. Les gisements de type VMS (« Vol-canogenic Massive Sulphide ») de la Meseta occidentale(Cu-Pb-Zn) sont datés à ca 330 Ma (Belkabir et al., 2008) ;Carbonifère supérieur-Permien. L’important événementmagmatique tardi-varisque est caractérisé par des miné-ralisations hydrothermales à W-Au-Sn datées à 295-280Ma au Djebel Aouam-Tighza dans la Meseta, alors quedans le même gisement les minéralisations Pb-Zn-Agont été datées à 254 ±16 Ma par Rossi et al., in Bouab-dellah et Slack (2016). De plus, les boutonnières proté-rozoïques de l’Anti-Atlas contiennent deux zones de

métallogénie et substances minérales

48 Photo 1. Minéralisation Cu-Au de Tiouit (Saghro-Anti Atlas). Source :Gasquet et Cheilletz (2009).

Photo 2. Minéralisation Ag-Hg dans une brèche hydraulique (Imiter-Anti-Atlas). Source : Gasquet et Cheilletz (2009).

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cisaillement minéralisées en or et dont l’hydrotherma-lisme a été daté à ca. 300 Ma : Iourirn (300 ±7 Ma) etTamlalt Menouhou-II (293 ±7 Ma) ; cette dernière étantcaractérisée par une minéralisation d’or libre secon-

daire se superposant à la minéralisation à Cu-Au ordo-vicienne (Pelleter, 2007). Enfin, l’âge le plus fiable pourla minéralisation (II) à Co-As de Bou Azzer est de 302±9 Ma (Oberthur et al., 2008) ;Trias-Jurassique. L’identification d’une période métalli-fère liée à l’extension associée à l’ouverture de l’Atlan-tique Nord est en cours. Un âge de 218 ±8 Ma a été obte-nu pour les phases tardives (III) de la minéralisation deBou Azzer (Levresse et al., 2004) ; un âge de 205 ±1 Maest maintenant attribué aux minéralisations en fluorited’El Hammam (Cheilletz et al., 2010) ;Tertiaire. Le gisement de Terres rares de la carbonatitede Tamazert a probablement un âge Eocène (Mourtadaet al., 1997), les minéralisations Pb-Zn de type MVT deBou Dahar (Haut Atlas) et de Touissit (Maroc oriental),encaissées dans des formations jurassiques, ont peut-être un âge fini tertiaire (mio-pliocène, Bouabdellah etal., 2015) ; enfin un volcanisme messinien est associé àla minéralisation en Uranium à Zgounder.

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Photo 3. Veine à quartz-hématite-limonite-Au. Tamlalt (Haut Atlas oriental). L’échantillon, carotte de forage, mesure 5 cm de large. Source :Gasquet et Cheilletz (2009).

Photo 4. Minéralisation à fluorite (verte)-calcite-adulaire de El Hammam(Meseta). Source : Gasquet et Cheilletz (2009).

Photo 6. Exploitation des minéralisations de type MVT de Bou Dahar(Haut Atlas). Les minéralisations sont localisées dans un niveau karstifiédu Lias. Source : Gasquet et Cheilletz (2009).

Photo 5. Mine de Bou Azzer (Anti-Atlas). La minéralisation à Co-Ni-As estpolyphasée. Source : Gasquet et Cheilletz (2009).

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Le caractère cyclique de l’hydrothermalisme

La figure 2 présente une synthèse de la distributiondes principaux événements et des mines les plus impor-tantes du Maroc, classés dans une section lithostratigra-phique de la croûte continentale s’étendant du Paléoproté-

rozoïque au Cénozoïque. Les principaux événements mag-matiques et les contextes géodynamiques liés à ces six épi-sodes métallogéniques illustrent les relations entre les pro-cessus magmatiques, plutoniques ou volcaniques, et laformation des différents gisements.Chaque épisode hydro-thermal est corrélé à un événement tectono-magmatiqueorogénique,les magmas et les fluides étant transférés de la

métallogénie et substances minérales

50 Figure 2. Colonne lithostratigraphique des formations géologiques du Maroc avec les principaux évènements magmatiques et hydrothermaux ainsi queles gisements associés. Les nombres font référence aux gisements de la figure 1.

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profondeur vers la croûte supérieure à la faveur,la plupart dutemps, de grandes zones de failles. Les mélanges de cesfluides profonds avec des fluides superficiels ont été mis enévidence dans plusieurs gisements (e.g. Essaraj et al. 2005).

Les sources de métauxLes données isotopiques (Pb / Pb, Sm / Nd, Os / Re

et Rb / Sr) et des inclusions fluides sur les sources des élé-ments métalliques et des ligants (S, As…) dans les gise-ments types, conduisent, dans de nombreux cas, à desinterprétations complexes (e.g. El Ghorfi et al., 2006 ; Essa-raj et al., 2005). Malgré l’identification d’une source man-tellique pour la minéralisation Ag-Hg à Imiter (Levresse etal., 2004), la plupart des autres gisements Au et Pb-Zn-Cuassociés au magmatisme, montrent une signature mixteocéanique et/ou crustale. La source mantellique de laminéralisation Ag-Hg d’Imiter est toutefois en accord avecla géodynamique régionale en extension pendant la tran-sition Précambrien-Cambrien et une croûte continentaleamincie (Gasquet et al., 2005).

Un schéma global qui permet d’associer la distri-bution spatio-temporelle des gisements minéraux duMaroc à deux sources différentes d’éléments, peut êtreproposé : (i) soit une source juvénile de métaux prove-nant de sources profondes dans le cas des gisements épi-thermaux liés au volcanisme alcalin, (ii) soit de la re-mobi-lisation de métaux à partir des croûtes océanique etcontinentale supérieure pour les VMS, SEDEX, ou l’or oro-génique et les gisements polyphasés à Co-Ni. La source desmétaux W-Au-Sn et F nécessitera encore des complémentsd’études géochimiques fondamentales malgré les avan-cées récentes (Marcoux et al., 2015 ; Margoum et al., 2015)Les gisements de type MVT dans le Maroc oriental sontclairement liés à l’évolution des bassins sédimentaires,encaissants de la minéralisation et à la circulation defluides hydrothermaux (Bouabdellah et al., 2015).

Les guides d’exploration minièreLes stratégies d’exploration minière au Maroc

doivent prendre en compte les caractéristiques des gisements connus actuellement. Les cibles d’explorationsuivantes peuvent être proposées :

les terrains volcaniques et sédimentaires d’âge Ediacarien-Cambrien et le magmatisme calco-alcalin fortementpotassique à alcalin, enraciné dans la croûte inférieureet / ou le manteau, présentent un potentiel élevé car ilsapportent avec eux dans la partie supérieure de la croûte et depuis la profondeur, des fluides juvéniles etdes métaux ;

les formations ordoviciennes peuvent contenir des miné-ralisations de type IOCG, comme les concentrations aurifères mises en évidence à Tamlalt ; elles constituentdonc des cibles régionales intéressantes pour l’explo-ration ;les formations paléozoïques recouvrant les boutonnièresprotérozoïques de l’Anti-Atlas, affectées par les phasesorogéniques varisques, dont le rôle est aujourd’hui bienreconnu dans l’Anti-Atlas (Michard et al., 2008), pour-raient contenir des minéralisations en métaux de baseet métaux précieux importantes ;le magmatisme permo-triasique semble être fortementimpliqué dans la genèse de minéralisations du Maroccentral et probablement au-delà (Margoum et al., 2015) ;les grandes structures régionales (failles, zones de cisaille-ment) jouant le rôle de drain pour les fluides, quel quesoit leur âge, doivent être soigneusement repérées etétudiées dans tous les domaines structuraux du Maroc.

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1. UQAM, UQAT, Université de Lorraine. Courriel : [email protected]. Office National des Hydrocarbures et des Mines.3. Office Chérifien des Phosphates.4. Compagnie Minière de Touissit.5. Plan National de Cartographie Géologique.6. Bureau de Recherches et de Participations Minières.7. Iron, Oxyde, Copper, Gold.8. Omnium Nord Africain.

Le Maroc est un pays minier. C’est d’abord l’un destout premiers producteurs de phosphate (26 Mt en 2015)dans le monde, mais c’est aussi un pays où la géologie aoffert et offre toujours une très grande variété de gisementsde métaux de base, de métaux précieux et de substancesutiles. J’aimerais résumer en quelques paragraphes ma perception de l’évolution de l’industrie minière (qui repré-sente 10% du PIB marocain et 40 000 emplois en 2015) etdes travaux métallogéniques,hors phosphates,qui s’y sontpoursuivis avec intensité depuis le début du XXIe siècle.

Sur le plan minier, le Maroc est resté un pays trèsstable,avec une industrie minière libéralisée avec séparationdes rôles entre le Ministère des Mines et de l’Énergie, l’ON-HYM2,l’OCP3 et le privé avec des entreprises comme MANA-GEM, la grande société nationale, et CMT4, Maya G&S…

Le Ministère de l’Énergie des Mines et du déve-loppement durable du Maroc a lancé un vaste program-me de cartographie du territoire en 1997, le PNCG5. Ungrand nombre de cartes géologiques, mais aussi des levésgéophysiques et géochimiques ont été produits et ontpermis le développement de nouveaux projets. Ce pro-gramme a connu un certain ralentissement depuis 2005,et se poursuit actuellement pour compléter la couvertu-re géologique de l’ensemble du territoire marocain. Unenouvelle stratégie minière se développe en 2013 et unemodernisation de la loi minière, visant à attirer des inves-tisseurs, est votée en 2015, abrogeant la vieille loi de 1951.Étendant les produits de mines à de nouvelles substances,cette nouvelle loi met l’accent sur le respect de l’environ-nement et facilite l’exploration sur des surfaces plus impor-tantes que les anciens permis de 16 km2.

L’entreprise publique nationale, anciennement leBRPM6, est devenue en 2005 l’ONHYM avec la fusion desactifs pétroliers (Office national de recherches et d’ex-ploitations pétrolières, ONAREP) et miniers (BRPM) de l’É-tat. Il s’est ainsi constitué un groupe puissant, mais dontla capitalisation relativement faible implique la recherchede partenariats avec des entreprises privées. Le boom duprix des matières premières dans la première décennie2000 a conduit plusieurs compagnies juniors canadiennesou australiennes à s’impliquer sur des projets miniers(Fig.1) en association avec l’ONHYM : étain dans le MarocCentral (Achemmach), cuivre et polymétallique-or dansl’Anti-Atlas (Ighrem, Alous, Bou Madine), etc. La mine d’ar-gent de Zgounder a pu être réouverte par Maya Gold and

Silver en 2014, et celle d’Oumejrane pour le cuivre, mise enexploitation par Managem. Des projets ont été lancésdans la partie saharienne du Maroc où des indices de typeIOCG7 et des carbonatites ont été découverts.

Le troisième pôle minier,constitué par le secteur pri-vé, sera abordé en présentant Managem, une filière dugroupe ONA8, devenu en 2010, un élément de la Sociéténationale d’investissement (SNI), une entreprise de typeholding, composée d’actionnaires privés essentiellementmarocains. Managem exploite les mines historiques duMaroc, découvertes par le BRPM et cédées à Managemdans le cadre du processus de privatisations début desannées 90 : cobalt de Bou Azzer, argent d’Imiter, fluorined’El Hammam, métaux de base de la région de Marrake-ch, cuivre et argent de l’Anti-Atlas. Au cours de ces der-nières années, on a assisté à l’épuisement progressif del’amas sulfuré volcanogène d’Hajar, le fleuron du grou-pe, tandis que le gisement de Draa Sfar était développédans les Jebilet. Dans l’Anti-Atlas, l’exploration s’estprogressivement déplacée depuis les gisements sulfuréshistoriques du socle précambrien, tels Bleida, vers des gisements de cuivre oxydé dans la couverture fini-Protérozoïque, « adoudounienne », au potentiel plusimportant : Tazalaght, Tirez, Jebel Lassal, etc. Leur res-semblance avec la fameuse copperbelt de Zambie-RDC aattiré ainsi de nouveaux acteurs miniers. Des gisementsaux allures de porphyres ont aussi été reconnus, tel ceuxdu district de Bou Skour. Managem a également élargises ambitions à l’ensemble de l’Afrique.

Parmi les entreprises minières privées, on peutnoter la fin de la production de métaux de base dans leMaroc Oriental (district de Touissit), et le rachat des opé-rations de la Compagnie Minière de Touissit par un grou-pe d’investissement européen.

La science métallogénique a largement suivi cesdéveloppements miniers. Plusieurs universités sont trèsactives, notamment à Marrakech, Meknès, Oujda, Rabat,et ont permis une meilleure approche de la genèse desminéralisations classiques du Maroc. Ce sont surtout lestravaux géochronologiques qui ont renouvelé notre com-préhension (Voir l’article de Gasquet et Cheilletz dans cenuméro). De grandes synthèses (Mouttaqi et al., 2011 ;Bouabdellah et al., 2016) ont également permis de mieuxreplacer les gisements dans leur contexte géologique etgéodynamique. Les travaux de recherche se sont pour-

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Les mines et la métallogénie du MarocMichel Jébrak1.

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suivis sur les amas sulfurés volcanogènes, en particulierdans le district de Marrakech et sur la barytine de Bouz-nika, près de Casablanca. Enfin, les travaux géochimiquessur les grands filons du Maroc Central (El Hammam,Tirgh-za) ont permis de préciser les conditions de mise en pla-ce de ces systèmes hydrothermaux, centrés sur des intru-sions tardi-orogéniques.

Après des décennies de modèles syngénétiques,la plupart des minéralisations encaissées dans les sédi-ments au Maroc sont apparues bien plus jeunes qu’on nele soupçonnait, et bien plus jeunes que leur encaissant.Ainsi, le plomb-zinc de Touissit, encaissé dans le Juras-sique, s’est mis en place au Miocène. De même pour BouDahar. Les gisements de zinc oxydé du Jurassique et ceuxde manganèse du Crétacé du Haut Atlas ont une mise enplace polyphasée qui se poursuit actuellement… Dans lesocle de l’Anti-Atlas, de vives controverses ont opposé lestenants d’une mise en place synvolcanique, protérozoïque,des gisements d’argent d’Imiter, à ceux partisans de circulation de saumures de bassin bien plus récente, d’âgemésozoïque. À Bou Azzer, la complexité des âges resteencore irrésolue et le mystère de leur mise en place a plu-tôt tendance à s’épaissir !

En conclusion, le Maroc, plus grand pays minier duMaghreb, a connu en une quinzaine d’années, à la foisune continuité et quelques évolutions significatives. Conti-nuité car les gisements exploités restent dans des dis-tricts connus,à l’exception notable des gisements de cuivrede la couverture de l’Anti-Atlas. Évolution car les travauxd’infrastructure géologique ont permis d’ouvrir de nou-veaux territoires, notamment au Sud. Mais, malgré lepotentiel géologique, il manque encore des investisse-ments orientés vers la découverte de nouveaux gisementsmajeurs qui ne manqueront pas d’être découverts dans unpays en plein croissance économique.

RéférencesBouabdellah M., Slack J.F. Eds. (2016). Mineral deposits of Nor-th Africa. Springer, 593 p.Mouttaqi A., Rjimati E.C., Maacha L., Michard A., Soulaimani A,et Ibouh H. (2011). Les principales mines du Maroc.Vol. 9 Nou-veaux guides géologiques et miniers du Maroc. Notes etmémoires du Service géologique, N°564, 374 p.Avec mes remerciements à A. Mouttaqi (ONHYM) pour sa lecture critique.

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53Figure 1. Carte des projets miniers marocains (source : ONHYM, 2016).

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1. Doctorante. Laboratoire L3G. Equipe de recherche « Génie Civil et Géo-Ingénierie ». UCA. Courriel : [email protected]. Enseignant-chercheur. Laboratoire L3G. Equipe de recherche « Génie Civil et Géo-Ingénierie ». UCA. Courriel : [email protected]. Enseignant-chercheur. Laboratoire Géoressources, UCA. Courriel : ja rakech.ac.ma4. Enseignant-chercheur. Instituto Andaluz de Geofisica. Universidad de Granada. Courriel : [email protected]. Enseignant-chercheur. Instituto Andaluz de Geofisica. Universidad de Granada. Courriel : [email protected]. Enseignant-chercheur. UMR 7619 METIS. Université Pierre et Marie Curie. Paris. Courriel : [email protected]. Géologue Groupe OCP. Courriel : [email protected]. Directeur Géologie Groupe OCP. Courriel : [email protected] 9. En langage de mineur, opération consistant à extraire les couches de phosphate meuble.10. En langage de mineur, opération consistant à réaliser un tir à l’explosif après avoir chargé les trous forés dans les intercalaires stériles. Le déblayagedes blocs résultants de ce tir permet l’accès aux couches phosphatées.

IntroductionLe Maroc est l’un des plus grands pays producteurs

de minerai de phosphate au monde. Ses réserves sontévaluées à 85 milliards de mètres cubes et représententpresque les trois quarts des ressources mondiales actuel-lement reconnues. Le bassin sédimentaire des OuledAbdoun, situé au centre du Maroc (Fig. 1a), renferme laplus grande part de ces réserves. Dans ce bassin, la sériephosphatée d’âge Maestrichien à Yprésien est forméed’une succession régulière de couches phosphatées etd’intercalaires stériles marno-calcaires sur plus de 50 md’épaisseur. Par endroits, dans plusieurs gisements encours d’exploitation, cette régularité n’existe plus et tousles termes de la série phosphatée se trouvent mélangéset transformés pour donner lieu, le plus souvent à descorps stériles, qualifiés de dérangements, formés exclusi-vement de calcaires silicifiés ou de blocs de calcaires noyésdans une matrice argilo-marneuse.

La présence des dérangements dans la série phos-phatée (Fig. 1b) est à l’origine de deux problèmes majeurs.D’une part, masqués par une couverture quaternaire, ilsempêchent un calcul précis des réserves de chaque gisementavant le démarrage de toute exploitation, et d’autre part,par leur nature le plus souvent dure et compacte, ils alour-dissent les travaux d’exploitation. En effet, en présenced’un dérangement, les exploitants sont obligés de serrerla maille des forages nécessaires pour l’opération de défrui-tage9 du minerai et d’augmenter la quantité d’explosif, cequi entraîne une consommation excessive en explosif, unralentissement de la chaîne cinématique de l’exploita-tion et par conséquent une élévation du prix de revient del’extraction du minerai. De plus,même après les opérationsde sautage10 et de décapage, les dérangements formentparfois des « os » dans les chantiers d’exploitation et s’op-posent ainsi à la libre circulation des engins.

La cartographie et la délimitation des dérange-ments, sous couverture quaternaire, préoccupent les ingé-

nieurs miniers de l’Office Chérifien du Phosphate (OCP).Ces connaissances a priori leur offriraient une meilleureplanification des tranchées d’exploitation, leur permet-tant, par exemple, de les contourner lors de l’exploitationdes couches phosphatées. Plusieurs études géophysiquesexpérimentales par profils de résistivité (Kchikach et al., 2002), sondages électromagnétiques temporels (Kchikach et al., 2006) et par profils combinés de tomo-graphie électrique et géoradar (El Assel et al., 2011), ont étéréalisées dans le gisement de Sidi Chennane pour tenterde localiser les dérangements sous couverture. L’impor-tance du paramètre « résistivité électrique » a été en par-tie démontrée mais la faible amplitude des anomalies etla lourdeur des méthodes utilisées ne permettaient pas degénéraliser ces méthodes d’exploration à l’ensemble despérimètres presque illimités des futures zones d’exploi-tation des phosphates. Cet article vise une analyse syn-thétique des résultats obtenus par les méthodes préci-tées et à les superposer à d’autres résultats ultérieurementobtenus par la réalisation de profils électromagnétiquesen domaine de fréquences « EM31 » dans les mêmes par-celles expérimentales.

L’origine et les conditions géologiques d’apparition desdérangements restent mal connues. Cet article vise donc à faire une mise au point sur l’état des connaissances géolo-giques des zones dérangées et leur voisinage immédiat enprésentant les résultats récents issus d’une étude macro-scopique et microscopique de ces dernières.L’existence d’unesérie évaporitique intensément karstifiée au sommet duSénonien, sous la série phosphatée, est démontrée et illus-trée. Les karsts sénoniens sont incontestablement à l’origi-ne des dérangements ou fontis que l’on définit comme étantdes phénomènes de collapses,à l’aplomb de cavités souter-raines issues de la dissolution du gypse,à la faveur de périodesd’émersion et de rabattement du niveau piézométrique.Une ébauche du modèle de genèse des dérangements estenfin présentée et argumentée dans cet article.

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Les dérangements de la série phosphatée dans le district minier de Khouribga (Maroc) : une esquisse de leur origine et de leurs méthodes de cartographie sous couverture quaternaireNadia El Kiram1, Azzouz Kchikach2, Mohamed Jaffal3, José Antonio Pena4, Teresa Teixido5, Roger Guerin6,Oussama Khadiri Yazami7 et Es-Said Jourani8.

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Description de la série phosphatéeet de ses zones dérangées

Les tranchées d’exploitation à ciel ouvert des phos-phates offrent d’excellentes conditions d’observation

pour élaborer une description géologique précise de lapartie exploitée de la série phosphatée. L’analyse descoupes stratigraphiques des nombreux puits de recon-naissance réalisés par le groupe OCP dans le bassin desOuled Abdoun, complétée par plusieurs coupes géolo-

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Figure 1. (a) Localisation des zones étudiées dans le bassin des Ouled Abdoun, (b) exemple d’une tranchée d’exploitation des phosphates montrant desdérangements. Source : Kchikach et al., 2006 modifiée.

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giques que nous avons réalisées, permettent d’étendre ladescription au soubassement de la série phosphatée, nonatteint par les travaux d’exploitation.

La série phosphatée proprement dite (Fig. 2) débute par une formation où alternent des marnes phosphatées et des niveaux calcaires très riches en débrisosseux, connus sous le nom de calcaires à bone-beds d’âgemaestrichtien (Noubhani et al., 1995 ; Suberbiola et al.,2003). Elle est surmontée par des couches franchementphosphatées, formées de phosphates meubles et de cal-caires phosphatés à coprolithes et à nodules de silex d’âgemontien (Azmany et al., 1986). Cet étage est surmontépar une alternance de bancs réguliers de calcaires marneuxet phosphatés,de niveaux de phosphates meubles à grainsgrossiers,d’horizons continus de silex et,parfois,de niveauxsilto-pélitiques d’âge thanétien à yprésien (Azmany et al.,1986). Les derniers termes de la phosphatogenèse s’in-tercalent dans une série formée de niveaux à silex, demarnes et de calcaires peu phosphatés, coiffés par unepuissante barre carbonatée, riche en gastéropodes, appe-lée dalle à Thersitées, d’âge lutétien (Salvan, 1963). Cettedernière a joué, par sa résistance à l’érosion, un rôle primordial dans la protection des termes phosphatésactuellement exploités, généralement friables.

Structuralement, la série phosphatée dans le bas-sin des Ouled Abdoun est peu affectée par les déforma-tions tectoniques du Crétacé supérieur et du Cénozoïquebien matérialisées dans la chaine atlasique à l’Est de ce bas-sin. Elle est grossièrement sub-tabulaire et ne montre quequelques flexures et petites failles, particulièrement loca-lisées dans la zone de transition latérale, entre la sériephosphatée saine et les dérangements.

Cette étude a porté sur l’examen géologique dusoubassement sénonien, peu étudié jusqu’à présent, de lasérie phosphatée Dans les bassins intracontinentaux duMaroc, la série sédimentaire sénonienne est courammentconstituée de dépôts d’environnement marin très peuprofond et confiné (Boujo, 1976 ; (Salvan et Farkhany, 1982 ;Hardenbol et al., 1998). Les dépôts évaporitiques, en parti-culier gypseux, y sont fréquents. Ils ont été mentionnéset décrits dans de nombreuses régions du Maroc (Char-roud, 1990 ; Daoudi, 1996 ; Dogan et Özel, 2005). Dans lebassin des Ouled Abdoun, la série sénonienne demeuretrès peu étudiée, étant donné que ses couches sontdépourvues de phosphates et donc non atteintes par lestravaux d’exploitation. Les quelques descriptions relevéesdans les puits de reconnaissance qui ont recoupé en par-tie cette série, se contentent de ranger les couches séno-niennes en un seul terme de marnes grumeleuses et nementionnent pas la présence de gypse.

Plusieurs coupes géologiques réalisées dans le bas-sin des Ouled Abdoun (localisation, voir figure 1), en dehorsdes zones exploitées, ont cependant permis de décrired’autres faciès que celui indiqué dans presque toutes lescoupes de puits de reconnaissance. En effet, plusieurs sitesétudiés montrent des évidences d’évaporites et de figuressédimentaires et diagénétiques liées à la dissolution de sul-fates (Fig. 2). Des couches de gypse saccharoide d’épaisseurcentimétrique à métrique ont été décrites pour la pre-mière fois dans le voisinage immédiat des gisements encours d’exploitation. Des affleurements spectaculaires dedépôts évaporitiques sont, par exemple, situés non loin del’entrée de la ville d’Oued Zem et le long de la route rura-le entre Sidi Daoui et Sidi Maati. Le gypse, de couleurblanche, est finement saccharoïde et pulvérulent. Il formesoit des bancs massifs d’épaisseur métrique, soit desniveaux centimétriques alternant avec des lamines stro-matolithiques, des dolomicrites laminées et des marnesgrises gypseuses, jusqu’à présent appelés marnes gru-meleuses. Des cavités de dissolution non comblées, descuvettes et puits de dissolution, des structures de col-lapses et des figures de bréchification et de pseudomor-phose identifiées attestent du caractère franchement éva-poritique du Sénonien dans le district minier de Khouribga.Dans les niveaux épais de gypse, les cavités de dissolu-tion non comblées, de différentes dimensions, ont été fré-quemment relevées (voir figure 2). De nombreuses figuresde soutirage, liées à la dissolution du gypse sénonien, ontété observées dans les termes tendres sus-jacents de lasérie phosphatée. Ces dernières concernent préférentiel-lement les phospharénites maestrichtiennes mais aussi lesniveaux phosphatés du Paléocène, les marnes siliceusesde l’Yprésien-Lutétien, voire des formations superficiellesquaternaires.

À première vue, les zones dérangées de la sériephosphatée rappellent des structures de fontis issues del’effondrement de cavités sous-jacentes et remplies parcollapse, éboulement et soutirage des différents maté-riaux encaissants (Fig.3). Le remplissage est fréquemmentbréchifié et silicifié. La périphérie immédiate des zonesdérangées présente un amincissement des couches,notamment celles d’aspect tendre. Les fontis ont un dia-mètre compris entre 5 et 150 mètres (Kchikach et al., 2002).Ils traversent habituellement la totalité de la série phos-phatée. Dans les endroits où la dalle à Thersitées d’âgelutétien résiste à l’effondrement,on peut notamment iden-tifier des faciès bruns très altérés, formés essentiellementd’argiles à traces de racines et de galets mous témoignantprobablement d’une période d’émersion locale.

Parallèlement à la description macroscopique des

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dérangements, une étude microscopique a été menée surune dizaine d’échantillons prélevés dans la partie centra-le des fontis, dans la zone de transition et dans la sériephosphatée normale. Les résultats préliminaires de cetteétude permettent de mieux appréhender les processusdiagénétiques survenus au sein des fontis et montrentun caractère polyphasé de la genèse des dérangements

(Figure 3 a,b,c). Les résultats plus élaborés de cette étudeferont prochainement l’objet d’un article scientifique,à part.

Hormis les modifications diagénétiques fines,toujours en cours d’étude pour préciser, à l’échelle micro-scopique, la chronologie de formation des dérangements,on peut déjà esquisser un modèle de formation de cesderniers. Les dérangements sont incontestablement

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Figure 2. Description lithostratigraphique de la série phosphatée dans le bassin des Ouled Abdoun (1) formation évaporitique sénonienne montrant plusieursfigures de dissolution du gypse (2) phospharénites (3) calcaires à bone-beds (4) marnes phosphatées (5) phosphate meuble (6) calcaires à coprolithes (7) niveaucontinu et discontinu de silex (8) marnes siliceuses peu phosphatées (9) alternance de niveaux de siltites, marnes siliceuses et calcaires peu phosphatés, letout coiffé par la dalle à thérisités. Source : modifié, d’après les travaux de Azmany, 1979.

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des fontis formés à l’aplomb de cavités endokarstiques,développées dans le gypse sénonien sous-jacent à la faveurd’épisodes émersifs. La circulation d’eau météorique à travers les diaclases dans la série phosphatée a accentuél’élargissement des cavités et donc l’effondrement desformations encaissantes par processus gravitaires ou collapses.

Les travaux de recherche en cours visent à placerle processus de mise en place des dérangements dansson contexte géologique global en répondant aux ques-tions suivantes : quelle est la chronologie des événementsgéodynamiques régionaux responsables de l’abaissement

du niveau marin de base favorisant ainsi la circulationdes eaux météoriques et la dissolution du gypse séno-nien ? Les modifications diagénétiques rencontrées dansles fontis sont-elles marines ou continentales ? L’existen-ce d’une structuration tectonique parallèle aux accidentsmajeurs du domaine mésetien marocain est suspectée.Celle-ci aurait pu participer à la distribution des évaporitespar la formation d’un réseau dense de diaclases accen-tuant la dissolution du gypse une fois initiée. La réponseà ces questions permettrait de tirer des enseignements surla distribution et la fréquence des dérangements dans lasérie phosphatée.

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Figure 3. Schéma illustrant le développement de fontis à l’aplomb de cavités de dissolution du gypse sénonien. Les nombreuses figures de soutirage et depaléosols consolidées par l’étude microscopique des faciès dérangés permettent d’esquisser une évolution karstologique polyphasée des dérangements : enhaut à gauche, modèle génétique d’un dérangement ; en haut à droite, aspect superficiel et interprétation d’un dérangement. En bas : (a) différentes géné-rations de ciments sparitique (Z1, Z2, Z3) témoin de néoformations liées à des circulations successives (polyphasées) des eaux météoriques (b) grain phos-phaté corrodé et figures de dissolution (c) php : grain de phosphate dd : dédolomitisation. Source : travaux personnels des auteurs.

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11. Les méthodes géophysiques électromagnétiques basse fréquence en champ proche, type EM31 ou EM34, permettent l’acquisition, sans contact avec lesol, de données de conductivité électrique dont les variations traduisent les hétérogénéités et les variations de faciès du proche sous-sol.12. Geonics est un leader mondial dans la conception et la manufacture d’instruments électromagnétiques à buts géologiques, environnementaux ougéotechniques.

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Cartographie géophysique des dérangements

La compréhension du mode de genèse des déran-gements pourrait aider à orienter les investigations versles zones les plus potentiellement « dérangées » à l’échel-le du gisement. Il serait irréaliste d’imaginer prédire ladistribution spatiale des dérangements à l’échelle déca-métrique qui intéresse les ingénieurs miniers. Par consé-quent, le recours aux méthodes géophysiques pour loca-liser et délimiter les dérangements sous couvertures’impose.

Les premiers travaux géophysiques réalisés ontconsisté en des profils de trainés électriques et l’établis-sement d’une carte de résistivité sur une parcelle du gise-ment de Sidi Chennane (Kchikach et al., 2002). Une autreparcelle de 25 hectares du même gisement a été ulté-rieurement couverte par 2500 Sondages Electromagné-tiques Temporels (TDEM) selon une maille d’échantillon-nage de 10 m x 10 m (Kchikach et al., 2006). Des profils deTomographie Électriques (ERT) combinés avec ceux duGéoradar (GPR) ont été également exécutés tout près deparements d’exploitation, montrant des dérangementspour tester l’efficacité de ces deux méthodes (El Assel etal., 2011). Ces études expérimentales ont certes permis demontrer l’intérêt du paramètre « résistivité électrique » etde définir la signature TDEM et GPR des dérangements parrapport à la série phosphatée non dérangée mais la faibleamplitude des anomalies constatées et la lourdeur desméthodes utilisées limitent la possibilité de les générali-ser sur des étendues presque illimitées du bassin phos-phaté des Ouled Abdoun.

Les méthodes électromagnétiques basse fréquence,type EM31 et EM3411, permettent l’acquisition,sans contactavec le sol, de données de conductivité électrique dontles variations traduisent les hétérogénéités et les variationsde faciès du proche sous-sol. Ces techniques sont trèsfaciles à mettre en œuvre sur le terrain et permettent unrendement en acquisition nettement plus élevé que lesméthodes TDEM, ERT et GPR précitées. Plusieurs kilo-mètres peuvent être couverts quotidiennement selon lesconditions du site. Le dispositif de mesure peut mêmeêtre monté sur chariot et tracté à une vitesse donnée.

Le système de mesure, appelé conductivimètre,comprend un émetteur et un récepteur reliés au boitier decontrôle situé au milieu du dispositif. L’émetteur génère unchamp électro-magnétique primaire à une fréquence donnée. Lorsque le champ primaire rencontre dans le sol

un milieu conducteur, un champ secondaire est généréet détecté par le récepteur. Le rapport de la composanteverticale du champ secondaire en quadrature par rapportau champ primaire est proportionnel à la conductivitéapparente, inverse de la résistivité, exprimée en Sie-mens/mètre (Dubois, 2005). La profondeur d’investiga-tion des méthodes EM31 et EM 34 dépend de la distanceentre bobines émettrice et réceptrice, de la fréquence duchamp primaire et de la conductivité du milieu étudié(Geonics, 1979 ; McNeill, 1980 ; Nabighian, 1989 ; Hauch etal., 2001 ; Chouteau, 2001 ; Hördt, 2008). Théoriquement,pour un terrain moyennement conducteur, la profondeurd’investigation est égale à 1,5 fois la distance entre bobines.

La méthode EM31 a été utilisée dans le gisement deSidi Chennane, sur la même parcelle de 25 hectares anté-rieurement couverte par les sondages TDEM. Des profilsde conductivité électrique ont été réalisés selon une maillede 5 m x 5 m. Au total 50 km et 10 000 mesures ont étéexécutées avec le système EM31 de Geonics12 en utilisantune fréquence de 9600 Hz. Sachant que les travaux géo-physiques antérieurs ont montré que les termes de lasérie phosphatée sont grossièrement moyennementconducteurs, le système de mesure EM31 utilisé permet-trait une profondeur d’investigation de l’ordre de sixmètres. Les résultats sont présentés sous forme de la car-te des conductivités apparentes de la parcelle étudiée.

La carte des conductivités apparentes obtenue (Fig. 4) montre cinq anomalies (An1 à An5) pour lesquellesles conductivités apparentes mesurées sont les plus faibles.Ces anomalies correspondraient donc à des zones à faciesplus résistant par rapport à son encaissant. Des valeurs deconductivités apparentes élevées ont été mesurées dansla partie centrale ouest de la parcelle étudiée. Elles pour-raient être attribuées à des zones à teneur en eau du sous-sol importante. Le reste de la carte est représenté par desvaleurs moyennes de conductivités apparentes que nousattribuons à la série phosphatée non dérangée.

Sur la figure 4, nous avons volontairement placé lacarte des conductivités apparentes obtenue par le levéEM31 à côté de celle antérieurement établie pour la mêmeparcelle grâce à la réalisation des sondages TDEM. Il en res-sort que les anomalies de faibles conductivités se super-posent à celles de fortes résistivités repérées par la métho-de TDEM. Les résultats des deux méthodes utilisées secorroborent donc parfaitement. Ils ont aussi été contrôléspar des sondages mécaniques qui ont confirmé l’exis-tence de dérangements à l’aplomb des anomalies sus-mentionnées.

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Figure 4. Exemples de résultats des études géophysiques expérimentales réalisées dans le gisement phosphaté de Sidi Chennane (a) profil ERT combiné aveccelui du GPR réalisé à côté d’un parement d’exploitation montrant des dérangements (b) cartes des résistivités apparentes et des conductivités apparentesobtenues respectivement pat les méthodes TDEM et EM31. Source : Geonics et les auteurs.

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Conclusions et perspectivesCette étude a permis de préciser la nature des

dérangements de la série phosphatée et d’ébaucher unmodèle karstologique de leur genèse. Elle montre que leSénonien, qui constitue le soubassement de la série phos-phatée, est formé par une épaisse série évaporitique, pourla première fois identifiée et décrite dans le bassin desOuled Abdoun.

La distribution spatiale des dérangements affectantla série phosphatée montre un lien étroit avec la distri-bution du gypse du sommet du Sénonien. Dans la régiond’Oued Zem, où les couches de gypse sont épaisses, lesdérangements sont nombreux. Plus à l’Ouest, dans lestranchées d’exploitation des phosphates à Sidi Daoui oùles couches de gypse sont moins développées, les zonesdérangées existent mais sont plus rares et de dimensionsplus petites. Encore plus à l’ouest, dans le voisinage immé-diat de la ville de Khouribga, les dérangements sontabsents ou rarissimes de même que les niveaux de gyp-se. Les dérangements sont donc incontestablement desfontis qui se sont développés à la verticale de cavités sou-terraines issues de la dissolution par endroits du gypsesénonien (voir figure 3). Les arguments géométriques etles résultats préliminaires de l’étude microscopique, tou-jours en cours, montrent une histoire de formation poly-phasée de ces derniers.

Bien que le contraste de résistivité entre la sériephosphatée normale et la zone dérangée soit assez faible,les résultats des travaux géophysiques expérimentauxréalisés dans le gisement phosphaté de Sidi Chennaneont permis de définir une signature particulière des déran-gements. En effet, en dépit de sa faible profondeur d’in-vestigation, la méthode EM31 a démontré sa sensibilité auproblème étudié : elle offre par ailleurs, une densité demesures et un rendement en acquisition très important.Elle pourra donc être généralisée sur de grandes superfi-cies du bassin des Ouled Abdoun.

Le dispositif EM34 type Slingram de Geonics offreaussi un rendement en acquisition équivalent à celui del’EM31. Sa mise en œuvre avec un écartement de 40 m permettra d’atteindre une profondeur d’investigation quicouvrirait la totalité de l’épaisseur de la série phosphatée(40 à 50 m). Des mesures continues avec ce dispositif enadoptant un pas d’échantillonnage de 10 m, permettraitd’élaborer des cartes des conductivités apparentes dans lesfutures zones d’exploitation des phosphates. De tels docu-ments peuvent être directement exploités par les ingénieursde l’OCP aussi bien lors du calcul des réserves de chaquepanneau d’exploitation que pour contourner les zones déran-

gées, au cours des travaux d’extraction du phosphate.Un programme de recherche financé par l’OCP

vient d’être lancé en janvier 2017. Il réunit plusieurs labo-ratoires de recherche des universités Cadi Ayyad-Marra-kech, l’Institut Andaluz de géophysique-université de Granada, l’université Pierre et Marie Curie et l’universitéd’Avignon et des Pays de Vaucluse. Il porte, en particulier,sur le développement des études géophysiques expéri-mentales réalisées pour mettre en place une approchesystémique de cartographie des dérangements sous cou-verture quaternaire. La réalisation de levés EM34 sur degrandes superficies des futures zones d’exploitation desphosphates est un axe principal de ce programme derecherche. Les travaux du doctorat de Mme EL KIRAM, co-auteur de cet article, s’intègrent dans le cadre dudit pro-gramme. Ces travaux permettront aussi d’affiner le modè-le de genèse des dérangements.

RemerciementsLes auteurs remercient les responsables de l’OCP

pour leur collaboration et pour l’intérêt qu’ils portent à larecherche scientifique en finançant les travaux derecherche en cours. Cette étude a été réalisée grâce ausoutien du Comité Mixte Interuniversitaire Franco-Maro-cain (programme Toubkal 15/17, nº 32401XB).

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1. Consultant indépendant, ancien géologue PetroFina & Total. Courriel : [email protected]. Dyni, J.R., 2003. Geology and resources of some world oil-shale deposits. Oil Shale, vol. 20, no. 3, 2003, p. 193.3. Nummedal, D., Bartov, Y., Sarg, R. and Boak, J., 2009. Search and Discovery Article #30083, adapted from oral presentation at AAPG InternationalConference and Exhibition, Cape Town, South Africa, October 26-29, 2008.4. COSTAR, acronyme de Center for Oil Shale Technology and Research, localisé à Golden au CSM - Colorado School of Mines-, groupe de recherche interdisciplinaire dont les partenaires principaux sont Shell – Total – ExxonMobil.5. United States Energy Information Administration (EIA).6.Bencherifa,M.,2010.Moroccan oil shale :a new strategy.30th Oil shale Symposium,hosted by COSTAR,in http://www.costar-mines.org/oil_shale_symposia.html

Introduction : une première définitionLes schistes bitumineux (en anglais : oil shales)

désignent des roches sédimentaires à grains fins, de cou-leur noire, grise ou brune, pouvant dégager une odeur debitume à la cassure et contenant une quantité appré-ciable de matière organique dénommée kérogène. Contrai-rement à leur nom,ces roches ne sont ni des schistes ni desbitumes. Ce sont généralement des marnes, des péliteset/ou des argilites, non métamorphiques, exploitées enmines et/ou carrières qui renferment des substances orga-niques en quantité suffisante pour faire l’objet d’une valo-risation énergétique par transformation. Cette transfor-mation s’effectue soit par un traitement thermique, ditpyrolyse pour la production d’hydrocarbures liquides etgazeux, soit par combustion directe pour la productiond’électricité. Les résidus des schistes bitumineux peuventêtre utilisés comme matériaux de base dans les indus-tries chimiques (engrais) et des matériaux de construction.Par pyrolyse, la production d’un seul baril d’huile à partirde schistes bitumineux nécessite la mise en œuvre de 2 à3 tonnes de roches selon la teneur du minerai en huile.

À l’échelle mondiale, les environnements de dépôtdes schistes bitumineux sont très variés : milieux d’eaudouce,lacs fortement salins,bassins marins épicontinentauxet milieux sub-tidaux. Les schistes bitumineux sont desroches mères pétrolières qui renferment de 10 à 40 % dematière organique et de 60 à 90 % de matière minérale.Leurâge géologique s’étend du Cambrien jusqu’au Tertiaire.

Parmi les thématiques nonconventionnelles, il ne faut pas confondreles schistes bitumineux (oil shales) avecles huiles et gaz de schistes (shale oils &shale gas). Leur point commun est le faitque les hydrocarbures liquides et gazeuxsont piégés dans la roche et leur diffé-rence résulte dans le fait que ces hydro-carbures ne sont pas encore générés pourles schistes bitumineux alors qu’ils sontdéjà générés pour les huiles de schistes etles gaz de schistes. Leur différence dépenddonc de la maturité de la roche-mèreacquise lors des temps géologiques, enparticulier de son enfouissement et desa thermicité. Il ne faut pas non plus, les

confondre avec les sables bitumineux (appelés égalementsables asphaltiques). Les sables bitumineux sont des réser-voirs pétroliers, constitués d’un mélange de sable, d’argi-le, d’eau et de pétrole extra-lourd très biodégradé (huiletrès visqueuse) ayant migré, parfois sur de longues dis-tances, depuis leur roche mère.

Les ressources mondiales en schistes bitumineuxvarient selon les sources,certaines étant incontrôlables voi-re peu réalistes. Les professionnels se réfèrent aux tra-vaux de Diny (2003)2, révisés par Nummedal et al. (2009)3

via le Centre COSTAR4 à Golden (Co, USA) (Fig.1). Le Marocse situe en 6ème position mondiale, derrière le Brésil etjuste devant la Jordanie, avec des ressources de l’ordre de38 Gb (milliard de barils) peut-être sous-estimé (un chiffrede 50 milliards est souvent annoncé). L’ensemble des res-sources mondiales seraient supérieures à 3 000 Gb5.

Localisation des gisements marocainsLe Maroc compte plus de vingt indices de schistes

bitumineux répartis sur tout le territoire. Certains ont faitl’objet de travaux importants ; ce sont les deux princi-paux gisements de Timahdit et de Tarfaya6 (Fig.2). La loca-lité de Timahdit est située au cœur du Moyen Atlas à 240 km environ au Sud-Est de Rabat et à 40 km au Sudd’Azrou et d’Ifrane (Photo 1). Tarfaya, bien plus au Sud-Ouest, s’étend le long de la côte atlantique à plus de 500km au sud d’Agadir. Ces schistes bitumineux appartiennentà des formations d’âge Crétacé (Timahdit : Maestrichtien ;

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Les schistes bitumineux au MarocLaurent de Walque1.

Figure 1. Distribution mondiale (10 premiers pays) des ressources en schistes bitumineux, d’après Diny(2003) et Nummedal et al. (2009).

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7. Procédés de retorting (définition : voir note 12) américains (TOSCO II, PARAHO et UNION OIL), allemand (LURGI–RUHRGAS), estoniens (KIVITER et GALO-TER), canadien (TACIUK) et japonais (JOSECO).8. L’actuel Office National des Hydrocarbures et des Mines (ONHYM) a été créé en 2005, par la fusion du Bureau de Recherches et de ParticipationsMinières (BRPM) et de l’Office National de Recherche et d’Exploitations Pétrolières (ONAREP). Depuis leur création, en 1928 pour le BRPM et en 1981 pourl’ONAREP, ces deux organismes ont été les pionniers et les leaders au Maroc dans leurs domaines d’activité respectifs.9. Initiales des trois gisements de Tanger, Tarfaya et Timahdit.10. Voir note 6.

Tarfaya : Cénomanien). Leur matière organique estd’origine marine (kérogène sapropélique essentiellement).

On notera aussi, au nord du pays, les gisementsdu Rif,principalement celui de Tanger,qui pourrait être plusimportant et susceptible d’augmenter l’étendue des res-sources marocaines en schistes bitumineux.

Historique de la rechercheEn fait, c’est à Tanger que les toutes premières

recherches pour la valorisation des schistes bitumineuxmarocains ont été entamées, par la création dans lesannées trente, de la SOCIÉTÉ DES SCHISTES BITUMINEUXDE TANGER. Une étude préliminaire avait estimé à l’époqueles réserves de ce gisement à 2 milliards de barils d’huileen place. Entre 1939 et 1945, année de suspension du projet, cette société avait construit une usine pilote d’une

capacité journalière de 80 tonnes de minerai pour le trai-tement de ce gisement du Rif.

Les gisements de Timahdit et de Tarfaya n’ont étéétudiés que plus tard,durant les années soixante. Suite auxdeux chocs pétroliers de 1973 et de 1979 et aux cyclesrésultants de hausses des prix du brut, la recherche mon-diale et le développement pour la valorisation des schistesbitumineux ont connu un essor considérable, en particu-lier au Maroc. Dans les années soixante-dix, les deux gise-ments de Timahdit et Tarfaya ont fait l’objet de plusieursétudes géologiques et minières, des études de laboratoi-re ainsi que des tests de pyrolyse et de combustion direc-te. Un total de 1 500 tonnes de schistes bitumineux deTimahdit ont été testés par plusieurs procédés de pyrolyseà travers le monde7 et ont fait l’objet de nombreusesétudes de faisabilité technico-économiques. Les travauxgéologiques, miniers et de laboratoire, poursuivis jusqu’en1985, ont permis en plus de la mise en évidence desréserves en place et de la caractérisation des schistes bitu-mineux de Timahdit et de Tarfaya, de démontrer une valo-risation certaine de ces schistes par pyrolyse.

Ce qui a conduit le BRPM et l’ONAREP8 à entamer dès1979 leur propre expérience par le développement d’un pro-cédé dénommé T39 et la construction d’une usine pilote.Ceprojet d’ingénierie a été stoppé début 1986 (nouvelle chute des prix pétroliers).Par la suite, l’ONHYM a réactivé ledossier des schistes bitumineux dès le début 2005 par lasignature d’accords de partenariat avec divers groupementsindustriels. Enfin, indiquons que l’ONHYM a identifié cinqnouvelles cibles d’exploration de schistes bitumineux :Errachidia, Ouarzazate, Agadir, Essaouira et Tadla10 (Fig.3).

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Figure 2. Les trois principaux gisements des schistes bitumineux au Maroc.Source / ONHYM (Bencherifa, 2010).

Photo 1. Route d’accès au plateau de Tassemakht et aux schistes de Timahdit (cliché : L. de Walque).

Figure 3. Nouvelles cibles identifiées. Source : ONHYM (Bencherifa,2010).

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11. 22 000 mètres de carottes récupérées.

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Les trois gisements principauxTimahdit

Le gisement de Timahdit (Photo 2), d’âge CrétacéSupérieur (Maastrichtien),se situe dans la chaîne du MoyenAtlas à une altitude variant entre 1 700 m et 2 300 m.,à 240 km environ au Sud-Est de Rabat. La partie nord est couverte de basalte Quaternaire, formant le plateau deTassemakht.

Les séries les plus riches en matière organique ontété divisées en quatre couches lithologiques (T, Y, X et M)qui ont été corrélées parfaitement sur tout le gisement.Près de 80 sondages carottés11 ont été exécutés sur legisement de Timahdit et ont permis de déterminer desteneurs moyennes de plus de 60 l/t, pouvant excéderlocalement des valeurs de 70 à 80 l/t. Du point de vuegéologique, le gisement est constitué par deux bassinsdifférents : le synclinal d’El Koubbat au nord-ouest(250 km2) et le synclinal d’Angueur au sud-est (100 km2),séparés l’un de l’autre par l’anticlinal de Jbel Hayane. Lazone la plus riche se trouve au centre du synclinal d’El Koubbat et est caractérisée par les épaisseurs impor-tantes en marnes riches en matière organique (épaisseursmaximales de 250 m).

TarfayaLe gisement de Tarfaya (Photo 3), d’âge Cénoma-

nien, s’étend sur une superficie d’environ 2 500 km2 àl’est de la ville de Tarfaya, le long de la côte atlantique,à 500 km au sud d’Agadir. Il longe la lagune de Khenifiss-Naïla, en bordure du Parc national de Khenifiss. La sériela plus riche en matière organique est composée d’unealternance de niveaux sombres et clairs de calcairecrayeux. Cette couche contient également des interca-

lations de silex et des nodules carbonatés. Près de 140sondages carottés au total ont été forés sur le gisementde Tarfaya. La structure géologique de ce gisement consis-te en un anticlinal érodé formant deux flancs de part etd’autre d’une sebkha dite Sebkha Tazra. Une formationPlio-Quaternaire variant de 8 à 12 m couvre ces séries.La zone R, la plus riche, a été divisée en cinq coucheslithologiques différentes dénommées : R0, R1, R2, R3, R4,et corrélées parfaitement. Des teneurs moyennes del’ordre de 50 l/t ont été mesurées, pouvant être locale-ment supérieures.

Gisements du RifLes gisements du Rif (plus connus sous le nom de

gisement de Tanger) se concentrent sur 400 km2 dans lapartie nord-ouest du Rif. L’affleurement le plus connu estcelui de Tanger, mais il existe d’autres affleurements àArba Ayach, Beni Arous, Bab Taza et Tétouan. Les épais-seurs des banc principaux ne sont pas considérables, ellesvarient de 0.1 à 3 m, avec un rendement moyen d’huilede 25 à 83 l/t. Les schistes bitumineux du Rif n’ont pas faitl’objet d’évaluation détaillée récente ni de nouvelles esti-mations de ressources.

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65Photo 2. Affleurement des schistes bitumineux de Timahdit (cliché : L. deWalque).

Photo 3. Affleurement côtier des schistes bitumineux de Tarfaya (cliché :L. de Walque).

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12. Technique destructive de cuisson et de distillation des schistes bitumineux dans des fours mécaniques autoclaves.13. San Leon, travaillant avec les procédés estoniens d’Enefit (voir ci-après les projets à Tarfaya), a envoyé en 2014 en Allemagne 12 tonnes d’échantillonsde Timahdit pour des essais de transformation.

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Études de développementLe procédé de pyrolyse T3 à TimahditHistorique

En 1979, le BRPM, chargé de la promotion des pro-jets de valorisation des schistes bitumineux, a entamé undéveloppement d’un procédé de pyrolyse qui se voulaitsimple au niveau technologique, et de faible coût. Despremiers essais encourageants de cette pyrolyse « batch» par combustion de carbone résiduel ont amené le BRPMà s’allier avec SCIENCE APPLICATION Inc. aux États-Unispour envisager un procédé de pyrolyse in-situ dénomméplus tard « T3 » (voir note 9).

Le procédéIl s’agit d’un procédé semi-continu basé sur l’utili-

sation de deux fours verticaux identiques, fonctionnantalternativement en mode de pyrolyse et en mode de refroi-dissement. La pyrolyse est entretenue par l’injection d’airet de vapeur d’eau provenant du four en mode de refroi-dissement. Le refroidissement des résidus s’effectue parl’injection d’un mélange d’air et d’eau pulvérisée à la basedu four. La semi-continuité du procédé est assurée par lasimultanéité des opérations de pyrolyse et de refroidis-sement et le mode incrémentiel des opérations de déchar-gement et de chargement.

Unité pilote de TimahditEn parallèle avec les essais par les procédés cités

plus haut (voir note 7) et suite au pré-développement duBRPM, l’ONAREP a poursuivi le développement de ce pro-cédé de pyrolyse T3. Dans le cadre de ce projet, l’ONAREPa construit une unité pilote comportant deux fours de 80tonnes de capacité chacun (Photo 4).

Cette unité pilote a été construite en 1983-1984 sur lesite même de Timahdit, à l’aide d’un prêt de la BANQUEMONDIALE de 11 millions de dollars.Elle a été mise en marcheet testée à vide,entre janvier et mars 1985,et opérée à char-ge entre avril 1985 et octobre 1986.La durée de pyrolyse étaitde 18 à 36 heures avec une capacité horaire de 2,2 à 4,4 tonnesde minerai par heure.Dans le meilleur des cas,il était produitde 240 à 475 litres d’huile par heure et de 850 à 1 650 m3 degaz par heure.On peut estimer que plus de 2 500 tonnes deschistes bitumineux ont été testées par ce procédé qui aproduit 400 tonnes d’huile. L’unité commerciale de pro-duction envisagée à cette époque (mais non construite)aurait pu produire quotidiennement 8 000 barils d’huileet 200 tonnes de soufre à partir de 25 000 tonnes de schiste brut, schiste à extraire en surface (carrière) ou ensub-surface (technique minière) sous les basaltes.

Ces dernières années à TimahditEn 2009-2010 l’ONHYM a conclu un accord de par-

tenariat avec PETROBRAS,associé à TOTAL,visant une étudede faisabilité et de pré-développement d’un périmètre minierà Timahdit.En appliquant la technologie de retorting12 Petro-six, mise au point au Brésil. Plus récemment, l’ONHYM asigné de nouveaux accords avec TAQA (Abu Dhabi NationalEnergy Company) et SAN LEON ENERGY plc13.

Les projets à TarfayaHistorique

SHELL INTERNATIONAL PETROLEUM a travaillé surun projet à Tarfaya, dès 1982. Une première étude de pré-faisabilité a été réalisée entre 1982 et 1984. Par la suite,SHELL a entamé, dès le début 1985, une phase pré-expé-rimentale d’une durée de deux ans portant sur des travauxde terrain et des études de définition plus poussée duprojet de Tarfaya. Après une campagne exhaustive deforages, le projet s’est concentré sur une exploitationminière à ciel ouvert (Photo 5) et une étude de viabilité d’unprojet commercial.

Ces dernières annéesEn 2008-2010, le consortium PETROBRAS-TOTAL

travailla sur un périmètre du gisement de Tarfaya. En 2012,SAN LEON ENERGY, travaillant également à Tarfaya suiteà un accord de partenariat signé par l’ONHYM, contractaitaux estoniens de ENEFIT OUTOTEC TECHNOLOGY (« EOT »)une étude de faisabilité d’extraction des schistes de Tarfaya, et leur transformation via le procédé de retortingEnefit 280. EOT reprit la base de données des opérationsde SHELL et échantillonna de nouveau l’ancienne carriè-re excavée par SHELL. Citons enfin ZONATEC et GLOBAL OILSHALE ayant signé des conventions sur Tarfaya, respecti-vement en 2012 et 2014,pour réaliser des essais de centrale

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Photo 4. Vue générale de l’unité pilote T3 de Timahdit (cliché : L. de Walque).

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14. Voir référence note 6.15. Le rendement énergétique (ERoEI - Energy Returned On Energy Invested -) ou en français TRE (taux de retour énergétique), est le ratio d’énergie utili-sable acquise à partir d’une source donnée d’énergie, rapportée à la quantité d’énergie dépensée pour obtenir cette énergie. Les chiffres marocains ne sontpas publiés. Au niveau mondial, le rendement énergétique des schistes bitumineux est faible (ERoEI moyen de 4:1, mais pouvant varier selon les sourceset les techniques de seulement 1,3:1 à 7:1 ( Hall, C. et al (2014), Energy Policy, 64, pp 141–152).16. Les procédés de retorting sont consommateurs de grandes quantités d’eau (valeurs proches de 2,5 barils d’eau nécessaires pour la production d’1 barild’huile – procédé Petrosix- ; valeurs inférieures à 1 bw/bo pour la technologie d’Enefit – source TOTAL).17. Les émissions directes de CO2 du procédé Petrosix sont de l’ordre de 80 à 90 kg CO2 / boe ; de plus de 300 kg CO2 / boe pour le procédé Enefit (sourceTOTAL).

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thermique à lit fluidisé d’une puissance de 100 à 500 MWenviron.

Les défisSuite à toutes ces études et phases pilotes, on peut

résumer les principales caractéristiques des schistes maro-cains étudiés14 dans le tableau ci-après (Tableau 1).

Pour atteindre le stade industriel,l’industrie des schistesbitumineux devra faire face à trois défis principaux :

le défi économique, l’économicité de tels projets dépen-dant du prix du brut, lesquels à l’heure actuelle ne sontguère attrayants ;le défi technologique,quel procédé serait le plus rentable ?Quel est le rendement énergétique15 ? Quelle quantité deminerai à extraire pour assurer une durée de vie indus-trielle ? Et comment (carrière, mine, …) ;et enfin, le défi environnemental (utilisation de l’eaudans des régions où la pénurie d’eau est sensible16,empreinte carbone17, défi sociétal, zones naturelles protégées…).

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Photo 5. Ancienne carrière d’exploitation de SHELL à Tarfaya (cliché : L. deWalque).

Tableau 1. Résumé des principales caractéristiques des schistes bitumi-neux marocains. Source : ONHYM (Bencherifa, 2010).

Page 70: REVUE OFFICIELLE DE LA SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE DE FRANCE

1. Commission des infrastructures, de l’énergie, des mines et de l’environnement - Parlement marocain, Avenue Mohamed V, Rabat, Maroc.Courriel : [email protected]

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IntroductionL’importance stratégique des ressources en eau du

Maroc a façonné l’évolution historique de ce pays semi-ari-de et l’installation de sa population et de ses activitéssocio-économiques. Cette importance a contribué à pro-mouvoir les études hydrauliques en général et hydro-géologiques en particulier.

La situation du Maroc, à la limite du craton africainet de sa marge continentale, l’a positionné à la confluen-ce des orogénèses panafricaine, hercynienne, alpine etrifaine. Il en a résulté un assemblage diversifié de faciès étalés dans les étages géologiques et dans les classespétrographiques,affectés par des déformations ductiles etfragiles à différentes échelles, et structurés en domainesgéologiques assez complexes au premier abord. L’hydro-géologie marocaine a hérité de cette situation géologiqueparticulière, une grande diversité des systèmes aquifères,avec des caractéristiques lithologiques, structurales ethydrodynamiques tranchées.Cette variation a engendré ungrand nombre de problématiques qui ont nécessité ledéveloppement, la validation et l’application d’approcheset d’outils adaptés aux résultats escomptés aussi bien auniveau de la prospection que de l’exploitation,de la gestionde la planification ou de la protection,applications menéesdans le cadre d’études générales et/ou spécifiques.L’objectifde cet article est de présenter l’essentiel des résultats deces études, en termes de compréhension du fonctionne-ment et de quantification des termes du bilan des aqui-fères marocains. Il rappelle l’historique de ces études, lesméthodologies déployées et les outils utilisés, avec leursrésultats au niveau litho-stratigraphique, structural ethydraulique, et les perspectives à prévoir pour la capitali-sation de ces résultats pour aider à la prise de décisionrelative à la gestion d’une ressource stratégique pour toutdéveloppement socio-économique d’un pays semi-aride.

Une grande histoire hydrogéologiquePendant l’antiquité, le Maroc a été un haut lieu de

prospection et d’exploitation des ressources en eau. Lesavoir-faire des romains, des arabes et des andalous s’esttranscrit dans la tradition orale des artisans puisatiers etsourciers. Les seules reliques de ce savoir-faire restentcependant la jurisprudence y afférant et les réalisations

dont les plus représentatives sont les puits reliés par desconduites souterraines connus sous le nom de « khetta-ra », assurant la boisson, l’irrigation et l’abreuvement ducheptel. Au début du vingtième siècle, les besoins accrusdes nouveaux centres urbains et de la modernisationgrandissante de l’activité agricole ont stimulé la recherchede nouvelles ressources. Il en a résulté une analyse descontextes hydrogéologiques des sources pour préparerleur aménagement, une accélération de la cartographiegéologique, depuis les travaux d’explorateurs regroupéspar Louis Gentil (Gentil, 1912), d’une première étude géo-logique de la région prérifaine publiée en 1927, jusqu’auxtravaux de Choubert et Marçais dans les années 50. Autotal, 220 cartes géoscientifiques et 180 monographiesont fait l’objet de publications archivées (Direction duDéveloppement Minier, 2013). Les travaux de prospectioncommencèrent ensuite par se spécialiser, avec la premiè-re étude géophysique par sondage électrique dans le cou-loir Fès-Taza par exemple (1949), la réalisation de foragesd’eau avec la technique rotary qui ont atteint des pro-fondeurs inégalées auparavant, l’élaboration des pre-mières cartes hydrogéologiques (Margat, 1960), et despremiers documents de planification (plan directeur del’aménagement du Sebou, en 1968, par exemple). Suivantun découpage basé sur la typologie des bassins géolo-giques, une première synthèse de ces travaux est publiéesous forme de trois mémoires du Service Géologique duMaroc dans les années 70 sous l’appellation « Ressourcesen eau du Maroc ». Le premier tome a concerné le domai-ne rifain et l’Oriental (1971), le second a concerné les bas-sins atlantiques (1975) et le troisième a concerné lesdomaines atlasique et sud atlasique (1977). Cette publi-cation a été accompagnée par la rédaction d’une listebibliographique regroupant les références antérieuressusceptibles d’aider à l’élaboration de ces ouvrages (Dionet Moussu, 1976) et a donné lieu à la publication de lapremière carte hydrogéologique des nappes du Royau-me en 1977. Depuis, trois accélérations des études et destravaux hydrogéologiques peuvent être notées ; il s’agit del’accompagnement de la sécheresse de la fin des années70 qui a nécessité l’engagement de nouvelles ressourcespour alimenter les villes, du lancement au milieu desannées 90 du programme d’alimentation en eau potabledes populations rurales qui a nécessité l’exploration de

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Apports de la géologie du Maroc à la gestion et la planification de ses ressources en eau souterraine Omar Fassi Fihri1.

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2. Centre National de l’Énergie, des Sciences et des Techniques Nucléaires.

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zones reculées, et l’obligation, après l’avènement de la loi10/95, de réaliser un Plan National de l’Eau à l’échelle duRoyaume, et des Plans Directeurs d’Aménagement Intégrédes Ressources en Eau à l’échelle des bassins versants, cequi a nécessité la capitalisation de plusieurs études menéesau niveau de la Direction Générale de l’Hydraulique, de sesDirections Régionales devenues des Agences de BassinsHydrauliques,des centres de recherche spécialisés (CNESTEN2

par exemple) et des universités marocaines et étrangères.

Les conséquences hydrogéologiquesd’une géologie particulièrement riche

Le Maroc offre un échantillonnage varié depuis lesocle cristallin de l’Archéen aux terrains les plus récents(Michard, 1976 ; Piqué, 1994). L’analyse de la distribution desdifférentes formations géologiques permet de distinguerhuit domaines différents présentés sur la figure 1 ; il s’agitde quatre domaines montagneux (rifain, atlasique, anti-

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69Figure 1. Carte des grands domaines géologiques du Maroc. Source : modifiée et simplifiée à partir de la carte géologique du Maroc, 1985. Notes et Mémoiresn° 260 du Service géologique du Maroc.

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atlasique et le socle cristallin) et quatre bassins subsi-dents (plaines atlasiques, domaine oriental, sillon sud-atlasique et bassin de Laayoun-Dakhla). Le socle cristallina émergé au sud-ouest du Royaume suite à l’orogénèsepanafricaine. Ces roches n’abritent pas de ressources sou-terraines notables. Le domaine anti-atlasique fait partiedes chaînes hercyniennes qui ont résulté de la collisionentre la Laurasia et le Gondwana (domaine de l’Anti-Atlaset ses prolongements au sein des provinces sahariennesen plus de la Meseta). La série qui peut dépasser les 10 000 m commence par un Cambrien carbonaté avecdes intrusions de syénites (zone axiale de l’Anti-Atlas).L’Ordovicien est essentiellement représenté par des dépôtsdétritiques quartzitiques au sein de Jbel Bani et au niveaude la moyenne vallée du Drâ. Le Silurien correspond à despassages de calcaires qui, lorsqu’ils sont fracturés, peuventabriter des nappes locales émergeant au niveau de cer-taines mines du Bas-Drâ et Bani, et parfois utilisables parla population. Le Dévonien est caractérisé par des sériescalcaires récifaux,avec des séries argilo-gréseuses épaisses.Le Carbonifère inférieur débute par des argilites puis vien-nent les grès et les calcaires, avec en particulier la mise en place de laves et d’intrusions basiques,du Viséen supérieuret du Namurien. Dans ces formations, les ressources en eausouterraines sont liées à des formations détritiques,carbonatées et mêmes endogènes particulièrementproductives lorsqu’elles sont fracturées (forage de Bab Bouidir dans le massif de Tazekka, ou celui de Tamchachate par exemple). Les terrains permiens sonten discordance angulaire sur les structures hercyniennes.Ce sont des dépôts continentaux provenant de l’érosiondes reliefs de la chaîne hercynienne, repris au niveau desdépressions dans des dépôts quaternaires, comme c’est lecas à l’oued Seyad et l’oued Noun, du Hamada du Drâ oudans la région de Maïdère. L’importance de cette ressourceest à lier à l’alimentation en eau potable d’aggloméra-tions situées dans des zones arides et éloignées desréseaux régionaux de distribution. Le Mésozoïque etle Cénozoïque sont représentés par des dépôts de plate-forme épicontinentale plus ou moins tabulaires. Ainsi, leTrias est représenté par les argiles rouges et les basaltesdoléritiques, le Jurassique, marin, par les calcaires et lesmarno-calcaires, surmontés par une série marine littora-le du Crétacé supérieur au Néogène. Les bassins résiduelssont remplis par des dépôts lacustres au Plio-quaternai-re. Les ressources en eau les plus importantes du payssont emmagasinées dans ces formations, avec en parti-culier les carbonates fracturés et karstifiés du Haut etdu Moyen Atlas d’où émergent les principales sources alimentant les rivières du pays. Ces nappes deviennentcaptives et le plus souvent multicouches au sein du sillon

sud-atlasique, des plaines atlasiques, du domaine orien-tal. Le sillon sud-atlasique est considéré comme l’avant-fosse entre les domaines du Haut Atlas et de l'Anti-Atlas.Il est constitué d'Ouest en Est de trois cuvettes princi-pales que sont le Souss, le bassin d'Ouarzazate et le bas-sin d’Errachidia-Boudenib. Les affleurements y sont repré-sentés par des faciès post-liasiques et vont du Crétacéinférieur au Quaternaire récent, généralement détritiqueset dont les eaux assurent l’alimentation des populations.Les plaines atlasiques sont représentés par le sillon sud-rifain, situé entre les chaines rifaine et atlasique, regrou-pant le bassin Fès-Meknès et le couloir Fès-Taza, prolon-gé vers l’Est par la plaine de Guercif et le CouloirTaourirt-Oujda, et vers l’Ouest par les nappes du Gharb etde Dradère-Soueire. Il s’agit d’un système multicouchesconstitué, en fonction des aléas de la paléogéographie,de différentes formations de la série, avec une prédomi-nance des carbonates liasiques et des sables et calcaireslacustres du Plio-quaternaire. Ce domaine est prolongéplus au sud, et sur l’autre flanc de la Meseta centrale her-cynienne ; le domaine atlantique est représenté par lesnappes du Plateau des phosphates, du Tadla, de la Bahira,de Jbilete et Mouissate et du Haouz. Ces nappes coulentdans des formations de même type, séparées par deshauts fonds plus ou moins étanches. Leur ressource a tou-jours été décisive dans l’installation des populations etle développement de l’agriculture. En allant vers l’Atlan-tique, les nappes de la plaine de Berrechid et du synclinald’Essaouira-Chichaoua, occupent une situation intermé-diaire alors que les nappes de la Chaouia côtière, de Douk-kala-Abda, de Sahel de Safi à Azemmour, sont représentéspar des dépôts détritiques côtiers. Le même modèle est res-pecté au Sud-Ouest du bassin de Laayoun-Dakhla avecun aquifère profond du Crétacé, exploité à des profon-deurs qui peuvent dépasser les mille mètres. Enfin, ledomaine rifain a subi une évolution plus particulière avecla mise en place d’une zone axiale paléozoïque de faibleproductivité, d’une zone rifaine dont la dorsale calcaireliasique nourrit les principales sources et rivières du Rif, dela zone des rides prérifaines multicouches alimentantplusieurs sources et du Pré-Rif essentiellement marneuxavec des nappes perchées assez limitées.

Les développements des méthodologies et des outils

L’État marocain s’est orienté depuis les années1960 vers la maîtrise de ses ressources en eau commelevier de son développement socio-économique. Cetteorientation, consolidée par la promulgation de la loi surl’eau en 1995, a permis d’instaurer les principes de la

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3. Direction de la Recherche et de la Planification et de l’Eau.4. Agence du Bassin Hydraulique du Sebou.

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gestion rationnelle par bassin versant, de la concertationdans la planification,de l’intégration dans les interventions,et de la responsabilité dans les financements (principes pollueur-payeur et préleveur-payeur). L’implémentationde ces principes a nécessité la capitalisation des étudesantérieures et le lancement d’études complémentairesadaptées aux questions en suspens. Un exemple de cet-te dynamique pourrait être focalisé sur le sillon sud-rifainabritant une nappe phréatique plio-quaternaire et unenappe liasique profonde captive voire artésienne parendroits. L’essentiel des travaux menés dans la premièremoitié du siècle dernier s’est intéressé à la nappe phréa-tique accessible et essentiellement représentée dans lapartie ouest du sillon (bassin Fès-Meknès). Ces travauxont permis de dresser la carte hydrogéologique du bassin(Margat, 1960), outil avant-gardiste à l’époque et toujoursutilisé pour l’exploitation de cette nappe. En parallèle, lesforages de reconnaissance, et en particulier les foragespétroliers, ont mis en évidence la présence d’une nappeprofonde. L’augmentation des besoins des villes du bassinsuite à la sécheresse de la fin des années soixante-dix ainduit la réalisation de forages d’exploitation dépassantparfois les 1 400 m, avec une généralisation des résultatsdes études géophysiques à tout le bassin (DRPE3, 1988). Lasimulation du comportement de la nappe vis-à-vis descontraintes de la recharge et de la surexploitation quicommençait à se faire sentir est entreprise (McDonalds,1990) ; elle a bénéficié des résultats des analyses isoto-piques pour définir les conditions aux limites de l’aquifè-re (Louvat et Bichara, 1990) et a été reprise en 2010 pourintégrer les nouvelles données et préparer la concerta-tion dans le cadre du contrat de nappe entre les différentsusagers (ABHS4, 2010). Plus à l’Est, l’étude du couloir Fès-Taza subit la même évolution dans les années 1990, avecla définition par géophysique, de la géométrie des aqui-fères (DRPE, 1993 ; Fassi Fihri, 1996) et la synthèse hydro-géologique (Fassi Fihri, 1997). Ces études ont permis d’orien-ter la réalisation des forages de reconnaissance puisd’exploitation pour satisfaire les besoins de la ville de Tazaet du couloir qui la relie à Fès. Plus généralement et sur l’es-sentiel des bassins du Royaume, cette dynamique a per-mis de forger une méthodologie pluridisciplinaire baséesur un approfondissement de la connaissance de ces res-sources pour comprendre les facteurs influençant leurcomportement (lithostratigraphie, analyse structurale,géophysique, géochimie, hydrodynamique, synthèse car-tographique sur système d’information géographique),sur une quantification de leur recharge et de leur déchar-ge pour estimer leur ressource mobilisable (climatologie,hydrologie, inventaire des points d’eau, piézométrie, essaisde pompage, bilan hydraulique), et sur la modélisation

du système aquifère pour l’amélioration de la prévision de sa réponse vis-à-vis des sollicitations externes (Fassi Fihri et Sefrioui, 2014).

Conclusions et perspectivesLes études hydrogéologiques des aquifères maro-

cains présentent un exemple d’adaptation des outils et desméthodologies aux contextes et aux problématiques.Elles ont en effet bénéficié d’une grande richesse géologique et d’une intégration de la gestion et de la planification des ressources en eau dans les stratégies dedéveloppement socio-économique.Après une quarantained’années de la première synthèse nationale, il serait utilede mener une deuxième synthèse qui permettrait unecapitalisation des nouvelles connaissances pour les rendreaccessibles aux gestionnaires et aux usagers, une inté-gration des données relatives aux provinces sahariennes,une valorisation des efforts déployés dans les différentsaspects de gestion et de planification de ces ressources etune ouverture sur les perspectives de développement àprévoir et des études à mener pour améliorer l’état desconnaissances à l’avenir. Une telle synthèse pourrait êtrebasée sur l’élaboration d’une base de données sur systè-me d’information géographique,couplée à une analyse cri-tique des différentes études, définissant les caractéris-tiques intrinsèques des réservoirs souterrains et lesévolutions temporelles des ressources en fonction deschangements climatiques, des aléas hydrauliques et desfacteurs anthropiques.

Références bibliographiquesABHS., 2010. Étude de modélisation de la nappe Fès-Meknès.Rapport de la mission II.Dion J. et Moussu P., 1976. Bibliographie des publications hydro-géologiques des ingénieurs du B.R.G.M, Orléans Cedex, 25p.Direction de la Recherche et de la Planification de l’Eau, 1988.Synthèse géophysique des bassins de Fès-Meknès et Boudnib-Errachidia - Projet PNUD/DTCD, MOR 86/004, C.A.G., Direc-tion de la Recherche et de la Planification de l'Eau, 1er avril - 30 juillet, 158 p.Direction de la Recherche et de la Planification de l’Eau, 1993,Etude par sismique réflexion de haute résolution du bassin deTaza - Maroc. Rapport de la Mission CGG 350 25 35. 60 pages.Direction du Développement Minier, 2013. Catalogue des pro-duits du Service Géologique du Maroc. Éditions du ServiceGéologique du Maroc, Rabat, 149 p.Division des Ressources en Eau, 1971. Ressources en eau duMaroc - domaines du Rif et du Maroc oriental, tome 1.Éditions du Service Géologique du Maroc, Rabat, 321 p.Division des Ressources en Eau, 1975. Ressources en eau duMaroc - Plaines et bassins du Maroc atlantique, tome 2.

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Gentil L., 1912. Géologie du Maroc et la genèse de ses grandeschaines - Annales de géographie ,volume 21,numéro 116,130-158.Louvat D. et Bichara S., 1990. Étude de plusieurs systèmes aqui-fères du Maroc à l’aide des isotopes du milieu. AIEA-DRPE,Vienne-Rabat, 30p.Margat J., 1960. Carte hydrogéologique du bassin Fès-Meknèsau 1/100 000. Rabat : Édition de l’Office des irrigations.Mc Donald’s et Partners, 1990. Établissement et mise au pointdu modèle de fonctionnement des nappes du bassin de Fès-Meknès. Département de Coopération Technique pour le déve-loppement, Nations Unis. 340 p.Michard A., 1976. Éléments de géologie marocaine - Éditionsdu Service Géologique du Maroc, 408 p.Piqué A., 1994. Géologie du Maroc : les domaines régionaux etleur évolution structurale - Imprimerie el Maarif al Jadida,Maroc. 994 - 284.Sefrioui S., 2013. Caractérisation hydro-structurale et quanti-fication des ressources en eau souterraine dans le bassin deSebou - Maroc. Apport des outils isotopiques et du SIG.Thèse de Doctorat en Science, Université Moulay Ismail,Faculté des Sciences, Meknès, 234 p.

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1. Professeur. École Hassania des Travaux Publics, Casablanca, Maroc. Courriel : [email protected] 2. Professeur. Université Hassan II. Faculté des Sciences de Ben M’Sik, Casablanca, Maroc. Courriel : [email protected] 3. Ingénieur. Secrétariat d’État Chargé de l’Eau et de l’Environnement, Rabat, Maroc. Courriel : [email protected]. Un million de m3 = 106 m3 = 1 hm3 = 100 m x 100 m x 100 m.5. Agence du Bassin Hydraulique de Sebou.

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IntroductionLe bassin de Sebou est situé dans la partie nord-

ouest du Maroc, entre le littoral atlantique à l’ouest,le bassin de la Moulouya à l’est, la chaîne montagneuse duRif au nord et celle du Moyen-Atlas au sud. L’altitudemoyenne du bassin avoisine 500 m et sa superficie s’étendsur environ 40 000 km2. Le bassin du Sebou fait partiedes bassins les plus riches en eaux souterraines du Maroc,et sont contenues dans plusieurs aquifères.

Nous traiterons ici de l’amélioration et de l’actua-lisation des connaissances géologiques et hydrogéolo-giques du bassin, ainsi que des éléments des bilans desaquifères qu’il contient.

Contextes climatiques, hydrogra-phiques et géologiques

Le climat général du bassin de Sebou est de typeméditerranéen à influence océanique. La pluviométriemoyenne annuelle est de 750 mm avec un minimum de400 mm sur le Haut Sebou et un maximum de 1 800 mmsur les hauteurs de la chaine du Rif. Les températuresmoyennes annuelles varient selon l’altitude et la conti-nentalité entre 10 et 20°C. L’évaporationpotentielle moyenne annuelle du bassinvarie entre 1 600 mm sur la côte atlan-tique et 2 000 mm à l’intérieur du bassin.

Le réseau hydrographique du bas-sin de Sebou est représenté notammentpar l’oued Sebou et ses affluents. Ils drainent donc une superficie d’environ 40 000 km2, avec des apports évalués àenviron 5 000 hm3/an4 (représentant envi-ron 20 % du potentiel total en eau super-ficielle du Royaume). Le débit de l’ouedSebou est régulé par 10 grands barrages etpar 45 petits barrages ou lacs collinaires.Parmi ces barrages, figure le barrage Al Wahda, qui est le 2ème plus grand bar-rage d’Afrique, avec une capacité totalede stockage de 3,7 milliards de m3.

Géologiquement,le bassin du Seboupeut être divisé en quatre zones structu-

rales principales Fig. 1) :l’Ouergha en amont du barrage Al Wahda : constituéessentiellement par des formations argilo-marneusesimperméables du Crétacé ;les bassins du Gharb, le Saïss et le couloir de Fès-Taza(contenus entre les chaînes du Rif et du Moyen Atlas) àremplissage essentiellement tertiaire et quaternaire.Les deux dernières unités renferment également desformations calcaires du Lias ;le Beht est constitué par des formations permo-triasiques et primaires imperméables ;le Haut Sebou (qui fait partie du domaine atlasique) estconstitué essentiellement par les calcaires jurassiques.

Ressources en eau des principalesnappes du bassin de Sebou

Le bassin du Sebou fait partie des régions les plusriches en eau souterraine du Maroc, dont le potentiel s’élève à environ 800 hm3/an (20% du potentiel totalmobilisable). Ces ressources sont contenues dans plu-sieurs aquifères, dont les plus importants sont (Fig. 2) : leDradère-Souière, la Maâmora, le Gharb, le Sais (phréa-

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Évaluation du potentiel des ressources en eau souterraine d’un bassinhydrogéologique d’extension régionale. Cas du bassin du Sebou (Maroc)Mohamed Sinan1, Abdessadek Chtaini2, J. Filali Jaouad3.

Figure 1. Contexte géologique général du bassin de Sebou (source : ABHS5, 2006).

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tique et profond), le couloir de Fès-Taza (phréatique et pro-fond), le Causse moyen atlasique (basaltes quaternaireset calcaires et dolomies du Lias) et le Moyen Atlas, plissé.

Ces ressources contribuent considérablement audéveloppement économique et social de la population,en assurant l’approvisionnement en eau potable et indus-trielle (AEPI) d’une grande partie des centres urbains, l’AEPdu milieu rural et la satisfaction des besoins en eau despérimètres irrigués (petite et moyenne hydraulique).

Nappe de la MaâmoraCette nappe s’étend sur une superficie d’environ

1 500 km2 et circule dans des formations gréso-sableuses(d’âge Plio-Villafranchien). La profondeur de sa surfacepiézométrique varie généralement entre 0 et 40 m. L’écou-lement général de l’eau souterraine se fait du sud vers lenord et le nord-ouest, en direction de l’Océan Atlantique.L’épaisseur moyenne de la nappe est évaluée à 50 m et sesréserves totales sont estimées à environ 500 hm3. L’ali-mentation de la nappe est assurée exclusivement par l’in-filtration des eaux de pluie, dont le volume est estimé àenviron 150 hm3/an. Ses sorties sont constituées par ledéversement souterrain de l’eau dans la nappe du Gharb(située plus au nord), l’écoulement vers l’Océan Atlan-tique (à l’ouest) et l’oued Beht, et par les divers prélève-ments (agricoles, eau potable et industrielle). Le volumeactuel de ces sorties s’élève à environ 172 hm3/an. Les eauxde la nappe sont extrêmement douces, le résidu sec varieentre 250 et 500 mg/l et leur faciès chimique est du typebicarbonaté-calcique. Le bilan de la nappe est légèrementdéficitaire d’un volume moyen annuel d’environ 12 hm3/an,à l’origine des légères baisses piézométriques enregistrées

depuis l’année 1998,dont la hauteur varie entre 1.5 et 2.5 m.

Nappes du GharbLe bassin du Gharb (environ 4 000 km2) refer-

me un important complexe aquifère, constitué par unenappe superficielle libre et par une nappe profondesemi-captive. La nappe supérieure (de faible impor-tance) circule dans des formations silto-argileuses duQuaternaire et la nappe profonde du bassin (la plusimportante) circule dans des grès, galets, sables etcailloutis du Plio-Quaternaire, caractérisées par debonnes caractéristiques hydrodynamiques. La profon-deur de la nappe est généralement comprise entre 4 et 8 m et son écoulement général se fait du sud versle nord et de l’est vers l’ouest. L’épaisseur moyenne dela nappe est évaluée à environ 50 m et ses réserves eneau totales sont estimées à 500 hm3.

Le suivi piézométrique montre une baisse desniveaux variant entre 4 et 8 m dans les secteurs nord etest de la nappe et une stabilisation dans sa partie côtiè-re. L’alimentation de la nappe se fait par l’infiltration deseaux de pluie, le retour des eaux d’irrigation et par ledéversement souterrain de la nappe de la Maâmora. Lessorties de la nappe sont constituées par les prélèvementsagricoles et d’AEPI et par le déversement dans l’OcéanAtlantique à l’ouest, avec un volume total d’environ 261hm3/an. Le bilan hydraulique de la nappe enregistre undéficit annuel, évalué à environ 37 hm3/an.

Nappe de Dradère-SouièreLa nappe (s’étendant sur une superficie d’environ

600 km2) circule dans des lumachelles, des sables gréseuxdu Pliocène et dans des conglomérats duQuaternaire et du Plio-Villafranchien. Saprofondeur varie généralement entre 0,5 et 6 m. L’écoulement de la nappe sefait selon plusieurs directions,notammentvers l’ouest (Océan Atlantique et MejaZerga) et le sud-est (l’oued Dradère et sesaffluents). Le suivi piézométrique de lanappe montre une tendance variable dansl’espace : stabilisation dans les secteurscôtier, central et est, une remontée desniveaux au nord-est et le long de l’ouedDradère,une tendance à la baisse dans lesecteur central, au nord-est de MoulayBousselham et au sud de Merja Zerqa(environ 1 m par an). Les réserves totalesde la nappe sont estimées entre 1,2 et 2,5milliards de m3 d’eau.L’alimentation prin-

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74 Figure 2. Carte de situation des aquifères du bassin de Sebou (source : ABHS., 2006).

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cipale est assurée par l’infiltration des eaux de pluie et parle retour des eaux d’irrigation. Son volume total s’élève àenviron 111 hm3/an. Les sorties naturelles de la nappe sontconstituées par le drainage des oueds Dradère et Souière,par l’écoulement souterrain vers l’océan atlantique, par ledéversement de l’eau dans les merjas Zerga et Halloufa etpar les prélèvements agricoles et d’AEPI. Le volume totaldes sorties de la nappe s’élève à environ 111 hm3/an et sonbilan hydraulique est globalement équilibré.

Nappes du bassin de Fès-MeknèsLe bassin de Fès- Meknès s’étend sur une superficie

d’environ 2 100 km2 et renferme deux nappes superposées.La première est superficielle et libre et la seconde estprofonde,captive et artésienne par endroits.La nappe super-ficielle circule dans des sables, grès et conglomérats du Plio-Quaternaire, les marnes sableuses et localement dansdes calcaires lacustres karstifiés. Elle ne constitue pas unintérêt hydrogéologique dans le bassin,en raison de sa faibleproductivité et de la qualité généralement mauvaise de seseaux. Son substratum est constitué par les marnes bleuesdu Miocène (Tortonien), dont l’épaisseur peut atteindre 900 m, mettant ainsi en charge la nappe profonde du Lias.

La nappe profonde du bassin circule principalementdans des formations carbonatées (dolomies et calcaires) duLias. Elle se manifeste à travers une multitude de sources(dont certaines sont chaudes, cas de la source de Moulay Yaâkoub,débitant une eau avec une température compriseentre 35 et 40°C) et son écoulement général se fait du sudvers le NNE dans le bassin de Fès et vers le NNO dans le plateau de Meknès. La pression hydraulique en tête desforages varie entre quelques bars à 24 bars dans la plaine deFès et entre 2 et 5 bars dans le plateau de Meknès. La nappeconnaît une importante baisse de ses niveaux piézomé-triques depuis le début des années 80, évaluée en moyen-ne à environ 2 m/an (Fig.3). L’épaisseur moyenne du Lias auniveau du bassin de Fès-Meknès est d’environ 80 m et sesréserves totales sont estimées à 2,5 milliards de m3 d’eau.

La majorité des ouvrages capte une eau de miné-

ralisation inférieure à 0,7 g/l. Le faciès chimique de l’eauest généralement du type bicarbonaté-magnésien,chloruré-calcique.

L’alimentation principale de la nappe profonde sefait par abouchement souterrain avec le Causse moyenatlasique le long de sa limite sud. Les sorties de la nappesont constituées par des sources et des oueds, la drai-nance ascendante vers la nappe phréatique, les prélève-ments agricoles et d’AEPI. Le volume total des prélève-ments utilisés pour l’alimentation en eau potable desvilles de Fès et Meknès s’élève à environ 100 hm3/an. Lebilan de la nappe est très déficitaire. Ce déficit est évalué,à partir des baisses des niveaux piézométriques (environ 2 m/an), à environ 63 hm3/an. Le bilan hydraulique globaldu système aquifère du bassin de Fès-Meknès s’élève àenviron 100 hm3/an (3,2 m3/s).

Nappe du couloir de Fès-TazaLe couloir de Fès-Taza occupe sur une superficie

d’environ 1 560 km2. Sur le plan morphologique, ce couloirest un grand fossé compris entre deux unités monta-gneuses : le Rif au nord et le Moyen Atlas au Sud.L’aquifère principal de ce couloir est contenu dans desdolomies et calcaires du Lias moyen, découpés en horstset grabens par toute une série d’accidents, de failles àrejet sensiblement vertical, d’importance variée.

La profondeur de la surface de la nappe varie entremoins de 20 m au niveau des limites du couloir et plus de100 m à son centre. Le faciès chimique de l’eau est globa-lement du type carbonaté-calcique. L’alimentation prin-cipale de la nappe se fait à partir de l’infiltration des eauxde pluie, avec un volume estimé à environ 105 hm3/an.Les sorties de la nappe sont constituées par l’écoulementsouterrain vers le nord-ouest et par les prélèvements agricoles d’AEPI. Leur volume total s’élève à environ 108 hm3/an. Le bilan hydraulique de la nappe est excé-dentaire d’un volume moyen annuel d’environ 38 hm3/an.

Nappes du Moyen-Atlas tabulaireLe Moyen Atlas tabulaire est encadré au nord par

le bassin de Fès-Meknès, au sud par le Haut Atlas etla vallée de la Haute Moulouya, à l’est par la vallée de laMoyenne Moulouya et à l’ouest par la Méséta marocaine.La superficie totale du bassin s’étend sur environ 4 200 km2.Il est constitué de vastes plateaux karstiques, surplom-bant la plaine de Fès-Meknès (située au nord). Le MoyenAtlas tabulaire est drainé par une multitude de sources(plus d’une centaine), dont le débit total s’élève à environ6,4 m3/s. Les principales sources sont celles d’Ain Bittit(1,32 m3/s), Tizgdelt (0,32 m3/s), Regrag (0,30 m3/s)...

hydrogéologie

75Figure 3. Historique piézométrique de la nappe du Lias du bassin de Sebou– Sud du plateau de Meknès (source : ABHS., 2006).

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Le Causse moyen atlasique englobe deux aquifèresprincipaux d’intérêt inégal ; ce sont l’aquifère des basaltesquaternaires et celui des calcaires dolomitiques du Lias.D’une superficie totale d’environ 980 km2, l’aquifère basal-tique est constitué de dolérites,d’âge quaternaire,résultantd’une intense activité volcanique. L’aquifère liasique circuleprincipalement dans des fissures, fractures et chenauxkarstiques des calcaires dolomitiques du Lias inférieur etmoyen.La carte piézométrique de l’aquifère liasique (Fig.4),montre que l’écoulement général de la nappe se fait du sudvers le nord-est et le nord-ouest et est drainé par les nom-breuses sources limitant le bassin. L’alimentation totaledu bassin (d’origine essentiellement pluviale) s’élève àenviron 690 hm3/an et ses sorties totales s’élèvent à envi-ron 660 hm3/an. Le bilan hydraulique global du systèmeaquifère du Moyen Atlas tabulaire est légèrement défici-taire d’environ 30 hm3/an (soit environ un débit de 1 m3/s)à l’origine des baisses des niveaux piézométriques enre-gistrées (Fig. 5).

Nappes du Moyen Atlas plisséLe Moyen Atlas plissé constitue un massif allongé

d’environ 250 km dans le sens NNE-SSW, large de 10 à 50 km et s’étale sur une superficie d’environ 4 200 km2.Le Moyen Atlas plissé se présente sous forme de quatregrandes rides montagneuses parallèles séparées par dehautes vallées. Il est drainé par de nombreuses sources,dont le débit total s’élève à environ 8,5 m3/s (environ 266 Mm3/an). Les principales sources sont Ain Sebou (Q= 2,5 m3/s), Ain Tataw (Q= 1,6 m3/s), Ain Slilou (Q= 1,1 m3/s). Toutes les eaux souterraines ont globale-

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76 Figure 4. Carte piézométrique de la nappe du Lias du Causse du Moyen Atlas – mars-avril 2005 (source : ABHS., 2006).

Figure 5. Évolution piézométrique de la nappe du Lias du bassin de Agou-rai (source : ABHS., 2006).

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ment un faciès bicarbonaté, calco-magnésien, avec unrésidu sec inférieur à 1 g/l. L’alimentation principale de lanappe est assurée par l’infiltration des eaux de pluie, avecun volume moyen d’environ 215 hm3/an. Les sorties de lanappe sont constituées principalement par des sources,par les prélèvements agricoles et d’AEP. Leur volume total s’élève approximativement à 286 hm3/an. Le seul piézomètre contrôlé du bassin montre globalement unestabilité des niveaux de la nappe, traduisant l’équilibrede son bilan hydraulique.

Ressources en eau souterrainesmobilisables dans le bassin de Sebou

Les entrées nettes d’eaux souterraines du bassin deSebou s’élèvent à environ 1667 hm3/an et ses sorties nettessont évaluées à environ 1 823 hm3/an, ce qui indique undéficit annuel d’environ 156 hm3/an (environ 5 m3/s). Lesnappes actuellement déficitaires (niveaux piézométriquesen baisse) sont celles de Fès-Meknès (nappe libre etnappe profonde),du Gharb,de Maâmora,de Taza et de BouAgba. Seule la nappe profonde du Lias du couloir de Fès-Taza est excédentaire d’un volume moyen d’environ 38,5 hm3/an et celle des basaltes quaternaires du MoyenAtlas tabulaire d’un volume moyen de 15 hm3/an (Fig. 6).

ConclusionLes résultats de cette importante étude hydro-

géologique montrent que les nappes du bassin de Sebouont subi de façon significative, les impacts négatifs desannées successives de sécheresse et d’accroissement desprélèvements. En effet, les bilans hydrauliques des prin-cipales nappes du bassin sont déficitaires d’un volumeannuel variant entre environ 7 hm3/an (nappe de Taza) et100 hm3/an (système aquifère de Fès-Meknès). Ce déficitdes bilans s’est traduit par :

une baisse continue de leurs niveaux piézométriques(dont l’amplitude moyenne varie entre quelques cm etplus de 2 m/an). La baisse cumulée des niveaux piézo-métriques de la nappe du Lias du bassin de Fès-Meknèsa atteint 70 m (entre 1980 et 2003) ;une baisse des écoulements naturels des nappes(sources, drainage des oueds, déversement vers des lacsnaturels...) ;une dégradation de la qualité des eaux souterraines,notamment celles des nappes côtières (Gharb, Maâ-mora, etc.) en raison de l’avancée du biseau salé.

Cette situation hydraulique difficile impose unegestion plus rationnelle des ressources en eau du bassindu Sebou, en particulier par :

le renforcement du rôle de la police de l’eau et une plusgrande application de la loi 36/15 (notamment ses articlesrelatifs aux principes de préleveur-payeur et de pollueur-payeur) ;l’encouragement à mener auprès des agriculteurs,pour uti-liser des techniques économes d’eau (goutte à goutte)en remplacement du système gravitaire (majoritaire),grand consommateur d’eau ;la réutilisation des eaux usées épurées domestiques etindustrielles, notamment pour l’arrosage des espacesverts et pour l’irrigation des espèces agricoles adaptées ;la multiplication des opérations de recharge artificielledes nappes par des eaux superficielles hivernales excé-dentaires ;la collecte et l’utilisation des eaux pluviales et ;la rationalisation de l’utilisation des intrants chimiquesen agriculture (engrais et pesticides).

Références bibliographiquesABHS., 2005. PDAIRE Sebou. Mission I.2. Évaluation des Res-sources en eau du bassin de Sebou. Eau de surface.ABHS., 2006. PDAIRE Sebou. Mission I.2. : Évaluation des Res-sources en eau du bassin de Sebou. Eau souterraine.Amraoui F., 2005. Contribution à la connaissance des aqui-fères karstiques : cas du Lias de la plaine du Saïs et du Caussemoyen atlasique tabulaire (Maroc). Doctorat d’État. Univ.Hassan II. Ain Chock. Casablanca.Essahlaoui A., 2000. Contribution à la reconnaissance de for-mations aquifères dans le bassin de Meknès-Fès (Maroc). Pros-pection géoélectrique,étude hydrogéologique et inventaire desressources en eau.Thèse de Doctorat en Sciences Appliquées.EMI.Direction de l’Hydraulique, 1975. Ressources en eau du Maroc.Tome 2. Plaines et bassins du Maroc atlantique.

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Figure 6. Bilans hydrauliques des nappes du bassin de Sebou (source :ABHS., 2006).

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1. Équipe Hydrosciences, Laboratoire Géosciences Appliquées à I’Ingénierie de l’Aménagement (G.A.I.A.). Université Hassan II de Casablanca, Faculté desSciences Ain Chock, Km 8, route d’El Jadida, BP 5366 Maarif, Casablanca, Maroc. Courriel : [email protected]

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Introduction La demande en eau souterraine a connu, au cours

des dernières décennies, un accroissement considérablepour répondre aux besoins des programmes de dévelop-pement,notamment agricoles.En effet,l’ambition du « PlanMaroc Vert » est de moderniser l’agriculture, en dévelop-pant plusieurs filières à travers le pays. Ceci passe par lavalorisation de milliers d’hectares en y implantant desprojets irrigués, grands consommateurs d’eau, parfois ali-mentés uniquement à partir des eaux souterraines. Parconséquent, la plupart des nappes d’eau souterraine dupays enregistre un fort déficit qui s’aggrave en continu.

La réussite des projets agricoles irrigués passe parune maîtrise de la ressource en eau. La pérennité de cettedernière nécessite une rationalisation et un suivi rigoureux,pour avoir une visibilité à moyen terme et pour anticiperles dysfonctionnements.

L’objet de cet article est de montrer l’utilité d’unmonitoring, pratiqué depuis dix ans, sur une quinzained’ouvrages d’exploitation d’eau d’une ferme agricole d’oli-viers haute densité (Fig. 1) et de vignobles d’environ 600hectares, dont 530 irrigués. Ce monitoring permet decontrôler l’irrigation actuelle tout en se projetant sur lesévolutions futures.

Contexte de l’étudeLe secteur agricole contribue, au Maroc, à 19 % du

PIB. Il emploie plus de 4 millions de ruraux associés à envi-ron 100 000 emplois dans le domaine de l'agro-alimen-

taire. Il joue un rôle déterminant dans les équilibres macro-économiques du pays et supporte une charge socialeimportante (génération de 80 % des revenus en milieurural). Le Maroc a fait le choix de développer et de moder-niser plusieurs filières agricoles et ceci à travers des plansrégionaux « Plan Maroc Vert ». Ceci passe, entre autres,par : la valorisation de dizaines de milliers d’hectares, lalibéralisation du foncier étatique, l’établissement descontrats programmes avec les opérateurs privés et la maîtrise des irrigations (rationalisation et suivi).

L’eau souterraine représente le quart du poten-tiel en eau au Maroc. Elle a l’avantage d’avoir une bonnerépartition spatiale, une régularité assurée, une facilitéd’accès et un faible coût de mobilisation. Par contre, elleest vulnérable, notamment dans un contexte de change-ment climatique, et est exposée à la surexploitation, en rai-son de la grande demande domestique, touristique, indus-trielle et agricole. Ceci se traduit sur le terrain, par unetendance à la baisse du niveau des nappes et une dégra-

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Utilité du monitoring des forages d’exploitation d’eau pour la rationalisation de l’irrigation agricole au MarocFouad Amraoui1.

78 Figure 1. Champ d’oliviers haute densité (cliché : F. Amraoui).Figure 2. Domaine agricole avec les points d’eau, les bassins et les conduitesde transfert entre bassins (source : modifié sur fond d’image Google).

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dation parfois, de la qualité de l’eau marquée par l’appa-rition de teneurs alarmantes pour certains indicateurs dequalité.

Le domaine agricole en question (Fig. 2) est situéen bordure de la plaine du Saïs,à environ 20 km au sud-ouestde la ville de Meknès. Un projet oléicole (400 ha) et un pro-jet viticole (130 ha) y sont développés à travers un contratprogramme public-privé,sur 3 ex unités agricoles étatiques.À cet endroit, l’aquifère libre se développe en surface dansdes grès sableux plio-quaternaires et en profondeur dansla molasse du Burdigalien et surtout dans des grès etschistes paléozoïques (Fig. 3). On note une forte hétérogé-néité spatiale qui se traduit sur le terrain par une variabi-lité importante dans le rendement des forages. Ceci aconduit,pour gérer les irrigations,à foncer quinze ouvragesd’eau d’exploitation, profonds de 93 à 250 m (voir figure.2), et de mettre en place 4 bassins de stockage répartis surla ferme,avec des systèmes de transfert d’eau entre bassins :du B1 vers B3 (200 m3/h) et du B3 vers le B4 (230 m3/h).

MéthodologieLe protocole de suivi au pas de temps de quinze

jours, permet de mieux comprendre les modalités de fonctionnement des aquifères et de pré-venir tout dysfonctionnement ou réduc-tion des volumes prélevés. Le suivi portesur les paramètres suivants : niveaux sta-tiques et dynamiques,débits des ouvrages,heures de fonctionnement des ouvrages,transfert entre bassins et pluies journa-lières.Pour ces mesures,une sonde piézo-métrique, des compteurs, un débitmètre portatif et une station météorologiquesont mises à contribution (Fig. 4).

Les données ainsi recueillies sont traitées,et chaquefin de campagne agricole donne lieu à un rapport détailléqui relate les points suivants :

les principales interventions techniques sur les ouvragesd’eau (auscultations par caméra, réhabilitations,réparations ou changements de pompes, rajouts ouretraits d’éléments de refoulement, réparation despannes électriques…) ;les travaux programmés pour l’exercice suivant(diagnostic, nettoyage, débouchage…) ;les débits unitaires des ouvrages depuis le début dusuivi ;la production unitaire des ouvrages durant la campagneet leur contribution relative au volume produit ;le volume total produit pour subvenir aux besoins des530 ha irrigués, la dotation moyenne à l’hectare et sacomparaison avec les exercices passés ;les heures de transfert entre bassins qui génèrent unefacture énergétique importante qu’il faut rationnaliserau maximum ;l’importance et la répartition des pluies qui condition-nent le début de la campagne d’irrigation etl’importance des prélèvements dans la nappe.

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Figure 3. Photo d’un chantier de forage rotary (droite), caisse de cuttings (gauche) et enregistrement GammaRay (centre) montrant la superposition des deuxaquifères, un superficiel et un plus profond (source : clichés F. Amraoui, GammaRay : rapport Les Deux Domaines, 2012).

Figure 4. Sonde piézométrique, compteur, débitmètre (clichés : images Internet).

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RésultatsNiveau statique

En dehors des périodes d’irrigation, le niveau statique traduit l’état de la nappe au repos. Son suivi permet d’avoir une idée sur les battements de la nappe à l’échelle saisonnière et pluriannuelle. Il permetégalement de voir la tendance générale du niveau de la nappe dans la durée (stabilisation, remontée ou descente), pour établir l’état d’exploitation et par consé-quent le bilan local (équilibre, déficit ou excédent).

Les graphiques de la figure 5 montrent d’aborddeux niveaux statiques étagés, le premier allant d’environ13 m (forage Z9) à plus de 40 m (forages F8 et Z2), et lesecond beaucoup plus bas allant de 70 à 80 m (forages Z6et F2). Cette dénivellation traduit le caractère mono oubicouche de l’aquifère. En effet, quand l’aquifère domi-nant est celui du Plio-Quaternaire, le niveau statique esthaut, par contre quand la nappe profonde présente dansles grès et les schistes paléozoïques, est développée, leniveau statique se retrouve beaucoup plus bas.

La figure 5 montre qu’en période humide, les fluctuations saisonnières sont plus ou moins modestesselon les forages, par contre la période sèche est suivie pardes remontées spectaculaires dues aux pluies qui s’étalentgénéralement du mois de décembre au mois d’avril. Lesniveaux statiques mesurés en période sèche avant le déclen-chement des pompages d’irrigation peuvent être très bas,atteignant parfois 20 à 40 m de décote par rapport aux

niveaux des périodes humides (cas des forages Z2,Z6 et F2).À l’échelle pluriannuelle, et bien que le suivi des

niveaux statiques concerne une période bien arrosée (pluiemoyenne de 578 mm entre 2007 et 2016),on note une ten-dance générale à la baisse qui se chiffre entre 0.6 m/an pourle forage Z9 pour atteindre environ 4 m/an pour les foragesZ2 et F2.Cette tendance à la baisse ne peut être imputée qu’àune surexploitation de la nappe dans laquelle on prélève desvolumes supérieurs à ceux de la recharge annuelle.

Niveau dynamiqueCe niveau n’est mesuré qu’en période d’irrigation,

qui s’étale généralement du mois d’avril au mois d’oc-tobre. Le suivi permet de visualiser les fluctuations de lanappe soumise à l’effet du pompage à l’échelle saison-nière, mais également d’une année à l’autre.

La figure 6 montre que durant chaque période d’irrigation, les niveaux dynamiques sont de plus en plusbas et finissement parfois à des niveaux proches descalages des pompes (cas des forages Z2 et Z6). À l’échellepluriannuelle, on passe d’une situation de stabilité (cas du forage F8), à une situation de baisse modérée (cas des forages Z6 et Z9 avec respectivement 0,6 et 1,1 m/an),ou encore à une forte baisse (cas du forage Z2 où la bais-se se chiffre à 6 m/an). Cette différence de comportementdes ouvrages d’eau est tributaire de leur rendement,lui-même lié aux caractéristiques hydrauliques plus oumoins favorables.

Débits En fonction de la productivité des

forages au niveau du domaine agricole,l’équipement de pompage correspond àtrois catégories de débit : 7, 14 ou 21 l/s. Lamesure régulière des débits des ouvragespermet de vérifier le bon rendement desouvrages et de détecter d’éventuels pro-blèmes de fonctionnement.

La figure 7 montre pour chaqueouvrage des variations de débit entre2008 et 2015, qui marquent générale-ment une légère baisse dans le temps,qui peut être expliquée par le vieillisse-ment de l’ouvrage avec un colmatage descrépines. La multiplicité des creusementsde forages dans la région et leurs inter-férences peut également expliquer cettebaisse de rendement.

À chaque fois que la baisse estbrusque et significative, la pompe estremontée pour vérification : état des tur-

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80 Figure 5. Niveaux statiques de cinq forages d’eau du domaine agricole couplés à la pluie – 2007-2016(source : suivi interne).

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bines, raccords entre tiges, problèmes électriques…

Volumes produitsÀ partir des mesures de débit et des heures de pom-

page, on peut calculer les volumes produits par chaqueouvrage d’eau et versés dans les différents bassins. Cecipermet de : connaître la contribution de chaque ouvrageau volume total produit, calculer la dotation moyenne àl’hectare à la fin de la période des irrigations et détecter desbaisses importantes de productivité pour certains foragesqui nécessitent alors une intervention technique.

La figure 8 montre l’importance de ces volumes pro-duits par ouvrage entre 2008 et 2015.Certains bons ouvrages

se démarquent, notamment les foragesZ6, F2, F4, F5 et F3.

La dotation moyenne à l’hectarepour les cultures d’oliviers et de vignoblesa varié sur cette période de suivi entre 1900 et 3 200 m3/an. Cette variation peutêtre expliquée par l’âge des cultures etpar l’importance et la répartition de lapluie d’une année sur l’autre.

Transferts entre bassinsCompte tenu de la grande taille

de la ferme et de la mauvaise répartitionspatiale des ressources en eau, la fermes’est dotée de 4 bassins d’accumulationde l’eau,deux de taille modeste (6 000 m3

au B1 et 4 000 m3 au B2) et deux de gran-de taille (46 000 m3 au B3 et 55 000 m3 auB4).Ces bassins permettent de mieux gérerles irrigations qui concernent 530 hectares.

Le domaine agricole est formé detrois unités : la première située à l’Ouest est autonome etdispose de suffisamment d’ouvrages d’eau et de ressources; les deux autres unités situées à l’Est comportent deux sys-tèmes de transfert entre bassins (B1 vers B3 et B3 vers B4),car les forages les plus productifs sont concentrés sur l’axesud-ouest passant par les forages F2, F5, F4 et Z6.

La figure 9 montre les heures de pompage de trans-fert d’eau entre bassins entre 2008 et 2016. On remarqueque ces transferts ont connu une forte augmentationentre 2009 et 2013, puis une baisse significative jusqu’à2016. L’augmentation est due à la réponse au besoin crois-sant des cultures qui montaient en maturation. Depuis2013, un effort a été fait pour rationnaliser ce transfert,notamment du bassin B3 vers le B4, en creusant des puitsde faible profondeur, munis de galeries drainantes qui

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Figure 6. Niveaux dynamiques de quatre forages d’eau du domaine agricole couplés à la pluie – 2007-2016 (source : suivi interne).

Figure 7. Débits annuels moyens des quinze ouvrages du domaine agricole– 2008-2015 (source : suivi interne).

Figure 8. Volumes annuels produits par les quinze ouvrages du domaineagricole – 2008-2015 (source : suivi interne).

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versent directement dans le bassin B4.Cette optimisation des transferts d’eau, notam-

ment du bassin B3 vers le bassin B4 (230 m3/h), a eu unimpact très positif sur le plan énergétique et par consé-quent financier pour le domaine.

PluieLa nappe étant libre, la recharge s’opère principale-

ment par l’infiltration des eaux de pluie. Durant la périodede suivi, la pluie moyenne annuelle était de 578 mm avecdeux années hydrologiques exceptionnelles 2009-2010 et2012-2013 (Fig. 10). On peut considérer les dix années de suivi comme une période humide, comparée à la période1980-2010 où en 30 années on a dénombré 18 années desécheresse.

Du fait du caractère irrégulier des précipitations,aussi bien en quantité qu’en répartition, le recours à lanappe peut être plus ou moins important et plus ou moinsprécoce. Aussi, en année sèche les irrigations peuventdémarrer dès le mois de février et peuvent se prolonger jusqu’au mois de novembre, alors qu’en année humide,l’irrigation peut être retardée au mois de mai et peuts’arrêter au mois de septembre. Dans le premier cas, nonseulement la recharge est réduite, mais en plus on soutiredes volumes beaucoup plus importants de la nappe poursatisfaire les besoins.

ConclusionDans un contexte de rareté de l’eau souterraine,

il est impératif d’en faire une gestion rationnelle. La réus-site des projets agricoles passe par une maitrise de l’irri-gation. À cet effet,un suivi rigoureux de la ressource en eaupermet de mieux comprendre les modalités de fonction-nement des nappes et d’avoir une visibilité sur les évolu-tions futures. Ce suivi permet en effet de : quantifier la

consommation en eau et en énergie d’une campagneagricole à l’autre, faire le parallèle entre l’importance et larépartition des pluies avec la production d’eau et interveniren amont pour que les ouvrages continuent à fonctionnercorrectement.

RéférencesAmraoui F., 2005. Contribution à la connaissance des aqui-fères karstiques : Cas du Lias de la plaine du Saïs et du Caus-se Moyen Atlasique tabulaire.Thèse d’État, Fac. Sci., Univ. Has-san II Aïn Chock, Casablanca, 237 p.Amraoui F. et Moustadraf J., 2013. Nouveau plan d’action pourune gestion rationnelle des ressources en eaux souterrainesdu Maroc. Colloque international CFH-AIH-AHSP-AGSO : LesEaux souterraines : Hydrologie dynamique et chimique,recherche, exploitation et évaluation des ressources » : quoi deneuf ? Bordeaux 30 mai - 02 juin.Institut Royal des Études Stratégiques (IRES),2013.Changementclimatique :impacts sur le Maroc et options d’adaptation globales.Second rapport stratégique de synthèse. Rapport inédit. 56 p.Les Deux Domaines,2012.Auscultation des forages par caméra-vidéo et contrôle par diamétreur.Forage Z1.Géospec n° 09SC 12-13 août 2012.Ministère de l'Agriculture et de la Pêche Maritime. Agencepour le Développement Agricole, 2011. Projet d’Intégration duChangement Climatique dans la mise en œuvre du Plan MarocVert (PICCPMV). Étude Cadre de l’Impact Environnemental etSocial. Rapport inédit. 82 p.Ministère Délégué auprès du Ministre de l’Energie, des Minesde l’Eau et de l’Environnement, chargé de l’Environnement,2016. Rapport de la 3ème Communication Nationale du Marocà la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changementsclimatiques. Rapport inédit. 285 p.Ministre de l’Energie, des Mines de l’Eau et de l’Environne-ment. Département de l’Eau. 2012. Politique de l’Eau au Maroc.Rapport inédit 13 p.

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Figure 10. Pluie annuelle à Ras Jerry (pluie moyenne 2007-2016 = 578 mm)(source : suivi interne).

Figure 9. Heures de transfert entre bassins – 2008-2015 (source : suivi interne).

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1. Société Green Hand, 1 Rue Abou El Alae El Maari, 21, Rce Tarik 2 , Et 6, 30 000, Fès, Maroc. Courriel : [email protected]. Commission des infrastructures de l’énergie des mines et de l’environnement-Parlement marocain, Avenue Mohamed V, Rabat, Maroc.Courriel : [email protected]. Laboratoire d’hydrologie isotopique, Centre National de l’Energie, des Sciences et des Techniques Nucléaires (CNESTEN), 30 km au nord du Rabat - routede Kénitra - Maâmoura 10 000, Kénitra, Maroc. Courriel : [email protected]. International Atomic Energy Agency.

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IntroductionLe Maroc est un pays aride à semi-aride dont les res-

sources en eau souterraine revêtent une importance cru-ciale pour tout développement socio-économique. La pros-pection, la mobilisation, la gestion et la planification de cesressources nécessitent cependant le déploiement d’ou-tils scientifiques et techniques produisant des résultatsfiables, aussi bien pour comprendre le fonctionnementdes systèmes hydrauliques que pour quantifier et prévoirleur réponse aux sollicitations extérieures (Secrétariatd’État chargé de l’Eau et de l’Environnement, 2009). Lesoutils de l’hydrologie isotopique s’insèrent parfaitementdans cette perspective, puisqu’ils ont contribué depuisles années 1960 à résoudre un nombre important de pro-blématiques, en utilisant des moyens relativement abor-dables, et un temps d’analyse et d’interprétation relati-vement limité (UNESCO et IAEA4, 2001). Ces outils ont étéintroduits au Maroc dans les années 70, et sont devenusplus accessibles depuis les années 90 ; il s’agit en particulierde l’Oxygène 18, du Deutérium, du Tritium, du Carbone 13et 14, du Soufre 34 et du Strontium 36. Plusieurs problé-

matiques ont été traitées comme l’origine de l’eau, l’ori-gine de la salinité, l’altitude de la zone de recharge, le tra-çage des mélanges ou la datation des eaux. Les résultatsont fait l’objet d’un Atlas de synthèse publié conjointementpar le Secrétariat d’État chargé de l’Eau et de l’Environ-nement et l’IAEA (2010). Différents contextes hydrogéo-logiques ont fait l’objet de telles études. Les plus impor-tantes sont les nappes profondes qui représentent desréserves stratégiques utilisées pour l’approvisionnementen eau potable (Bassin Fès-Meknès, par exemple), lesnappes saumâtres qui représentent des réserves ultimesdans certains territoires du Royaume (Bassin de Boujdourau Sahara, par exemple), les nappes à ressources limitées(Tantan ou Essaouira par exemple), et les nappes kars-tiques qui donnent naissance aux sources les plus impor-tantes du pays (Haut et Moyen Atlas par exemple). La présente étude est un essai de synthèse des résultats lesplus marquants de l’application de ces outils à l’échelle duMaroc. Un intérêt particulier est donné au bassin de Sebouvu son importance à l’échelle nationale du point de vue desressources et des besoins, de sa diversité géologique et desa complexité structurale. Sa situation ainsi que les limitesde ses principales nappes sont présentées (Fig. 1).

Caractérisation isotopique du signald’entrée aux systèmes hydrauliques

Pour tout système hydraulique, les nouvelles pluiesconstituent une entrée dont la signature isotopique va subsister pendant tout le cycle de l’eau. La comparaison decette signature avec celle retrouvée dans les eaux analyséesconstitue la base du traçage isotopique des phénomèneshydrogéologiques.Vu l’importance de la caractérisation dece signal, un réseau dédié à cette fin est suivi par l’IAEA àl’échelle mondiale. Au Maroc,des analyses isotopiques ontété menées systématiquement au niveau de sept stationsmétéorologiques, dans le cadre de projets nationaux oude coopérations internationales (IAEA, 2010). La relationδ2H = f (δ18O),établie pour l’ensemble des analyses publiéesmontre que les valeurs isotopiques sont bien étalées entre-10 et 0‰ pour l’Oxygène 18, et entre -70 et 0‰ pour leDeutérium, avec une tendance générale qui suit la DMM5

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Apport des outils isotopiques à la compréhension du fonctionnementdes aquifères marocains et à la quantification de leurs ressources - Casdu Bassin de SebouSoumaya Sefrioui1, Omar Fassi Fihri2 et Hamid Marah3.

Figure 1. Répartition spatiale des nappes les plus importantes du bassin duSebou. Source : modifiée d’après S. Sefrioui, 2014.

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5. Droite Météoritique Mondiale.

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(Fig.2). Ces résultats reflètent la dominance des perturba-tions atlantiques sur l’ensemble du pays, avec des particu-larités locales comme des échantillons plus appauvris situésau-dessus de la DMM,au centre du bassin de Sebou (Sefriouiet al., 2011), situation retrouvée sur d’autres zones du norddu Maroc et généralement attribuée à une coexistencedans cette zone de pluies d’origine atlantique et méditer-ranéenne (Marah et al., 2007). Par ailleurs, l’évolution decette composition en fonction de l’altitude a été reconnuepour la première fois au Maroc par A. Marcé en 1975, dansune étude basée sur les données des températures. Cela aabouti à un gradient isotopique altimétrique de l’ordre de- 0,286‰ par 100 m. Depuis, ce gradient a été précisé pourles eaux souterraines, au niveau du bassin d’Errachidia (El Ouali, 1999), au sein du Rif, puis au niveau du bassin deTadla (Marah et al., 2007), avec une valeur de -0,27‰ par 100 m. Au niveau du bassin de Sebou, le calcul du gradient isotopique altimétrique basé sur la compositionisotopique moyenne des eaux de pluie de deux stationssituées à des altitudes différentes (Fès-Saïss et Bab Bouidir) permet d’aboutir à la même valeur de -0,27‰ par 100 m(Sefrioui et al.,2011). Des gradients plus faibles sont cepen-dant cités par Abourida et al. (2004), pour la plaine duHaouz qui l’estiment à -0,26‰ par 100m et par Winckel etal. (2002) qui l’estiment à -0,25‰ par 100m, pour le Rif etle Moyen Atlas et à -0,18‰ par 100m,pour la zone orientale.Il semblerait que ces valeurs sous-estimées soient calculéesen utilisant des données relatives à des points d’eau quiprésentent des différences notables entre les altitudesd’émergence et celles de recharge.

Altitude de recharge et quantification des ressources

La quantification de la recharge des réservoirs sou-terrains a toujours constitué une inconnue délicate à appré-hender en hydrogéologie. La démarche classique consistaità la déduire depuis le calcul théorique ou empirique desautres composantes du cycle de l’eau.Le traçage isotopiquepermet de faire une évaluation directe de cette recharge,enmettant en relation un exutoire et son bassin versant hydro-géologique. Cette zone de recharge est cartographiée etplanimétrée à l’aide d’un système d’information géogra-phique.La correspondance,au niveau de ces surfaces,entreles données pluviométriques et le débit de l’exutoire permetde remonter au coefficient d’infiltration et donc de quanti-fier la ressource renouvelable moyenne du réservoir. Cetteapproche est d’autant plus utile que les réservoirs sontcomplexes.C’est le cas par exemple des rides sud-rifaines quiabritent trois réservoirs superposés et compartimentés enpanneaux. En effet, l’analyse isotopique des eaux d’unesource drainant l’aquifère liasique (Sidi Abdallah ben Taazizte)permet de remonter à l’altitude de sa zone de recharge. Lacorrespondance,au niveau de cette surface entre les donnéespluviométriques et le débit de la source,suivis pendant troisannées hydrologiques successives, permet de remonter aucoefficient d’infiltration estimé à 27% et donc de quantifierla ressource renouvelable moyenne du réservoir qu’elle draine.La généralisation de ce résultat aux autres aquifèresdes rides,par extrapolation du coefficient d’infiltration,et sonapplication à leur surface d’affleurement permet d’estimerleur ressource (Sefrioui et al., 2014).

Traçage des mélanges Le traçage isotopique est égale-

ment utilisé pour détecter et quantifier lemélange entre eaux de différentes originesau sein d’un même aquifère. Au Maroc,des contacts latéraux ou verticaux entreréservoirs limitrophes sont connus maisleurs conséquences hydrogéologiquesétaient difficilement quantifiables. Deuxexemples d’apports du traçage isotopiquedans ce sens méritent d’être soulignés ;il s’agit du mélange entre nappes super-posées au niveau du bassin Fès-Meknèset de l’abouchement latéral entre la nap-pe liasique des Causses et celle,basaltique,du bassin de Tigrigra.Au niveau du bassinFès-Meknès, les deux nappes sont ali-mentées à des altitudes différentes ;la nappe phréatique plio-quaternaire

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84 Figure 2. Variation de l'Oxygène 18 en fonction du Deutérium dans les bassins marocains. Source :modifiée d’aorès S. Sefrioui et al., 2011.

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(calcaire lacustre et sables fauves) est alimentée par infil-tration sur sa surface d’affleurement,à des altitudes variantde 300 à 900 m (Margat, 1960), alors que la nappe profon-de du Lias est alimentée indirectement par l’infiltration desprécipitations au niveau des Causses moyen-atlasiquessitués à des altitudes variant de 900 à plus de 2000 m(Amraoui,2005).Les outils isotopiques ont été utilisés pourmieux cerner cet aspect (Louvat et Bichara,1990),usage quia cependant été limité et manquait de discernement entreles effets de l’altitude et ceux du mélange dans la quantifi-cation du bilan.Les travaux de Sefrioui (2013) ont permis delocaliser les zones du mélange entre les deux nappes et decalculer ses proportions au niveau de chaque point d’eau ana-lysé. Ainsi, l’analyse structurale et hydraulique du contextede ces points permet de généraliser les résultats aux différents panneaux du bassin, avec une contribution del’aquifère liasique profond au bilan de l’aquifère plio-quaternaire superficiel qui varie entre 0 et 94%.Par ailleurs,les basaltes quaternaires de la plaine de Tigrigra présen-tent un excès de bilan avec des débits cumulés des exu-toires qui dépassent les infiltrations des eaux de pluie(Sefrioui, 1999). Les travaux de Sefrioui et al (2010) permet-tent de relier l’origine de cet excédent au mélange souter-rain des eaux, de localiser les zones d’abouchement auniveau de deux secteurs différents de la plaine (Ougmès etTagounit) et d’estimer la contribution de la nappe liasique aubilan hydraulique de la nappe basaltique à plus de 80 % !

Salinité des eaux souterraines La salinité des nappes d’un pays semi-aride constitue

une limitation à leur exploitation.L’utilisation des outils iso-topiques et chimiques permet de remonter à l’origine de lasalinité des eaux souterraines marocaines et d’aider à leurmeilleure gestion. Pour les eaux saumâtres de la Chaouiacôtière par exemple, l’origine de la salinité est reliée à la dis-solution de sels dans l’encaissant,aggravée par le recyclagedes eaux d’irrigation et par l’évaporation (Marjoua et al.,1997). L’intrusion marine est évoquée d’une manière secon-daire et localisée par Fakir et al.,2001.Au niveau de la plainedu Souss,l’évaporation et la dissolution d’évaporites ont étéévoquées comme causes primaires par Dindane et al.,2003.Les résultats isotopiques montrent aussi un mélange avecl’eau de mer pour les quelques échantillons les plus prochesdu littoral (Bouchaou et al.,2008). Au niveau de la plaine deChtouka, il paraît que la formation schisteuse qui constituele substratum de la nappe est à l’origine des fortes teneursen chlorures mesurées dans certaines eaux souterraines,alors qu’un mélange limité avec l’eau de mer n’est pas exclu(Krimissa et al.,2004).Au niveau de la nappe de Guelmim,ladissolution semble être la cause primaire de la salinité,

cause aggravée par l’effet de l’évaporation le long des Oueds(Zine et al., 2001). Au niveau du bassin d’Errachidia, l’évapo-ration est citée comme cause principale de la salinité ;elle estcouplée à une dissolution de l’encaissant à relier avec lesécoulements lents des eaux (El Ouali, 1999).Au niveau de laplaine du Gharb et en fonction du contexte local, la salinitéest reliée à une dissolution des roches salifères ou à un mélan-ge avec les eaux de surface surchargées en sel. Un essai decalcul des proportions de mélange montre que la contribu-tion des eaux de surface est comprise entre 10 et 84 % deseaux de la nappe (Sefrioui et al., 2014).

Âge des eaux Les isotopes radioactifs, et en particulier du Tritium

et du Carbone 14 ont été utilisés pour la détermination de l’âgedes eaux de différentes nappes (Sahara, Guelmim, Souss,Errachidia,Tadla et Sebou) et de certaines sources thermales.Ces études ont montré que :1) le temps de transit est de plusen plus long depuis la zone de recharge vers la zone confinée,que les vitesses d’écoulement sont variables et évoluent dumm par an pour la nappe de Guelmim (Bouhlassa et Aiachi,2002) à quelques mètres par an pour la nappe de Tadla (Marahet al.,2007),2) que l’eau ancienne contribue de manière signi-ficative aux réserves des nappes situées dans des régionssemi-arides ou présentant un déficit de bilan hydraulique àcause d’une zone de recharge réduite ou d’une surexploita-tion (Direction de la Région Hydraulique du Sahara,2006),3)les sources thermales du domaine rifain sont rechargées à unepériode postérieure à 10 000 ans (Winckel et al.,2002),4) leseaux des principales sources du bassin de Sebou sont assezrécentes (âge inférieur à 50 ans) puisqu’elles renferment duTritium et 5) les eaux des sources situées en amont des écou-lements sont les moins âgées (Sefrioui,2013).

Conclusions et perspectivesBien que l’application des outils isotopiques en hydro-

géologie marocaine soit assez récente (moins d’une cin-quantaine d’années),elle a contribué à mieux comprendre lecomportement des aquifères et à mieux préciser leur ressource. L’approche la plus efficace est pluridisciplinaire,combinant l’inventaire des points d’eau,l’étude de leur contex-te hydrogéologique,la création d’une base de données sur unsystème d’information géographique,les analyses chimiqueset isotopiques et l’interprétation des résultats à la lumière desdonnées litho-stratigraphiques, structurales et hydrodyna-miques. Les développements envisageables dans l’utilisa-tion de cet outil seraient relatives à une meilleure caractéri-sation des eaux de pluie, à travers l’installation d’un réseaud’observation à long terme pour suivre l’évolution de leurs

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teneurs isotopiques dans le temps et dans l’espace, à l’élar-gissement de l’utilisation de l’hydrologie isotopique auxnappes non encore étudiées, aux milieux karstiques etaux domaines fissurés.De nouvelles problématiques restentà traiter comme en particulier la recharge artificielle,l’originede la pollution des eaux et la recharge en zone insaturée.

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1. Université Sidi Mohamed Ben Abdellah Fès, Faculté Polydisciplinaire de Taza, Laboratoire Ressources Naturelles et Environnement, B.P. 1223, Taza-Gare,Taza 35000, Maroc, [email protected]. Université de Paris-Est Marne-La-Vallée (UPEM), 5 Bd Descartes F-77450 Marne-la-Vallée Cedex 2 France; Laboratoire de Recherche en Géodésie - LAREG(UDD-IPGP-IGN-UPEM)/LASTIG (IGN/UPEM); Laboratoire International Associé D3E N° 536 CNRS-MOST France-Taiwan; [email protected]. Université Sidi Mohamed Ben Abdellah Fès, Faculté Polydisciplinaire de Taza, Laboratoire Ressources Naturelles et Environnement, B.P. 1223, Taza-Gare,Taza 35000, Maroc.4. Université Sidi Mohamed Ben Abdellah Fès, Faculté Sciences et Techniques, B.P. 2202, Route d'Imouzzer, Fès, Maroc.5. AlphaGéOmega, 62 rue du Cardinal Lemoine, 75005 Paris, France. Géologues n°194

IntroductionMaillon important du réseau autoroutier natio-

nal, la nouvelle liaison autoroutière Fès-Oujda (Nord duMaroc) prolonge l’autoroute Rabat-Fès, pour former, à ter-me, un grand axe structurant Est-Ouest qui s’intègre avecle réseau existant et les grands projets routiers en courscomme la liaison Taza-Al Hoceima et Oujda-Nador. Elleconstitue aussi un tronçon important de l’autoroute magh-rébine transnationale qui prend son origine à Nouakchott(Mauritanie) et dessert les principales métropoles duMaghreb pour arriver à Tobrouk en Libye.

Le récent tracé de cette autoroute relie les deuxvilles de Fès et Taza sur une distance de 127 km à traversune région collinaire argileuse, difficile d’accès et avecpeu/pas d'affleurements géologiques représentatifs. L’axedu tracé a été choisi de façon à suivre plus ou moins lescrêtes des collines rencontrées, afin de minimiser les tra-versées des oueds (rivières avec ou sans eau) et l'exposi-tion au risque de mouvements de versants. Cependant,même en suivant autant que possible le relief sommitalnaturel,ce tracé a impliqué localement de grandes hauteursde déblais (et de remblais) permettant une analyse géolo-gique et structurale originale et unique. Le tracé franchitnotamment plusieurs oueds dont les principaux sont :Sebou, Hamri, Bou Zemlane, Matmata, Bou Hellou, Zireget Inaouène (trois franchissements).

Les observations géologiques nouvelles permet-tent en particulier de mieux considérer les différencesentre les glissements de terrain et la néotectonique par lerelevé de l’orientation et du pendage des failles et desjoints tectoniques observés. L'interprétation visuelle dedonnées par satellite (Sentinel-2 à 10m de résolution spa-tiale ainsi que celles de haute résolution Digital Globe –pixel de 60 cm – telles que GeoEye) a permis de délimiterlatéralement l'extension planimétrique hors du périmètreautoroutier des différents types de mouvements de mas-se (glissements de terrain, écroulements et éboulementsde roches). La différenciation des écroulements et ébou-lements a été fait à l'aide de données complémentairestelles que géologie et modèles numériques de terrain. Eneffet, le drapage des images satellitaires, des cartes géo-logiques, sur un modèle numérique de terrain permet depréciser les mouvements de terrain (zones de détache-

ment amont, zones de transfert et zones d'accumulationde matériel en aval) ainsi que de mettre à jour la carto-graphie géologique, lithologique et structurale. En outre,la superposition, grâce à un système d'information géo-graphique (SIG), des cartes géologiques détaillées dispo-nibles (Taza, Tahala et Sefrou à l’échelle du 1/50 000), surles images satellitaires re-traitées, permet d'optimiser lesdifférences entre les caractéristiques et les faciès desécroulements de débris et de roches. Des campagnes devérification sur le terrain ont été effectuées pour valideret préciser la délimitation de ces mouvements de masse.

Cadre géologique et structural La nouvelle autoroute Fès-Taza traverse de l’ouest

vers l’est, trois domaines structuraux majeurs distinctsqui sont décrits ci-dessous (Fig. 1) : le Prérif situé au nord,le bassin du Saïs et le sillon sud-rifain situés au centre etle Moyen Atlas se développant au sud de l'autoroute.

Le Prérif (ou Unités prérifaines) a été défini parMarçais et Suter (in Durand-Delga et al., 1962). Il correspondà la partie méridionale de la zone externe du Rif marocaindéposé sur la marge nord de la plaque africaine (voir figu-re 1). Il est composé de la superposition de vastes nappestectoniques à structure plus ou moins chaotique qui résul-tent de la destruction du front de nappes se déplaçantvers le sud lors de la compression, du Miocène supérieurau Pliocène moyen. Dans le Prérif, au nord de Taza,Tribaket al., (2012) montrent que les mouvements de terrainsont essentiellement des glissements boueux (mudslides)et des glissements-coulées (flowslides).

Le bassin du Saïsconstitue,avec le bassin du Gharb,unegrande dépression miocène (ou Sillon sud-rifain) qui s'étendde l’ouest (depuis l'Atlantique), vers l'est ( jusqu’au « détroit » de Taza). Le Saïs est un bassin miocène ouvertaprès l'enfoncement de l'extrémité nord de la Meseta occi-dentale et du Moyen Atlas. Il s'est comporté comme un bassin marin régressant au cours du Miocène supérieur,devenant tout d’abord lacustre et émergeant progressive-ment au cours du Pliocène et du Quaternaire.

Le Moyen Atlas, situé au sud, forme un ensemblede plateaux qui surplombent le Saïs par le biais de flexuresde direction NE-SW. Les mouvements de terrain y sontreprésentés par des chutes de pierres de grès, de calcaires

aménagements et géotechnique

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Activités néotectoniques et mouvements de terrain dans le Prérif (Secteur de l'autoroute Fès-Taza, Nord Maroc)Hassan Tabbyaoui1, Benoît Deffontaines2, Fatima El Hammichi3, Abdel-Ali Chaouni4 et Samuel Magalhaes5.

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Géologues n°194

et de dolomies du Jurassique et quelques glissements etécroulements.

Dans ces trois domaines, les structures tectoniquesrésultent de l’effet de la tectonique chevauchante dans ledomaine rifain et de la tectonique cassante typique dudomaine atlasique. Les grandes failles traversées par l’au-toroute Fès-Taza sont (voir figure 1) : le front de déforma-tion E-O du Rif, la faille de Tahala orientée NO-SE, la zonede faille de Tizi n'Tretten (NE-SO), la faille de Sebou orientées NO-SE et la zone de failles de Sidi Harazemorientée NE-SO.

Le tronçon étudié de l’autoroute Fès-Taza longe lapartie sud du Prérif externe (nappes prérifaines) qui consti-tue le front méridional de la chaîne du Rif au contact duMoyen Atlas par le sillon sud-rifain. La nappe prérifaine estreprésentée dans la zone par des nappes de décollementet glissement dont la structure est caractérisée par des plis-sements souples et des écaillages avec rabotage basal(Fig. 2). Les séries sédimentaires s’échelonnent du Créta-cé supérieur ou de l’Eocène jusqu’à la limite Miocènemoyen-supérieur. Dans le détail, le Crétacé supérieuraffleure à proximité de la structure anticlinale de l’OuedEl Malleh (voir figure 2). Le Paléocène supérieur - Eocèneinférieur se présente sous forme d’une couche repère dansdes sédiments de nature marneuse du Prérif, créant unesaillie morphologique très continue et bien lisible au nord

du tracé de l’autoroute.L’Éocène moyen - supérieur (marneset grés turbiditiques) affleure sur le bord nord de la tranchéede l’autoroute au dessus de l’unité précédente.L’Oligocène,épais de plus de 350 m, forme les principales crêtes du secteur qui bordent la tranchée de l’autoroute (Koudiate Zar Amran,731 m au nord et Koudiate Bab El Qdima,634 mau sud ; voir figure 2). Le Miocène inférieur - moyen affleureau nord et au cœur du noyau de la structure chevauchanted’Oued Maleh au droit du tronçon de l’autoroute.L’ensemblede ces unités prérifaines a glissé par un mouvementtangentiel sur le sillon sud-rifain et le Moyen Atlas. Les formations du Miocène supérieur (Tortonien-Messinien)occupent le sillon sud-rifain et le bassin de Saïs. Le Quaternaire est constitué d’alluvions et de dépôts de piémont le long des principaux cours d’eau.

Du point de vue tectonique, les dépôts allochtonesdu Crétacé supérieur au Miocène supérieur sont répartisen nappes charriées vers le sud, et reposent sur le Miocè-ne supérieur autochtone. Ce contact, orienté générale-ment E-O, est localement souligné par des écailles etklippes de gypses, argiles rouges et de basaltes triasiqueset par quelques affleurements de sel injecté dans les zonesde failles. Il est découpé par des failles transverses verti-cales, d’extension kilométrique de directions NE-SO etNO-SE. Cette structuration s’est déroulée en plusieursphases du Crétacé supérieur au Quaternaire. La plus récen-

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Figure 1. Cadre géologique général avec tracé de l’autoroute et situation des mouvements de terrain observés. a) Position du domaine rifain et de son avantpays au nord du Maroc. b) les grands domaines structuraux du Nord Maroc : DI) Domaine Interne, F) domaine Des Flyschs, DE) Domaine Externe (Domainedu Prérif), AP) Avant-Pays (Bassin du Saïs) et DA) Domaine atlasique (Moyen Atlas). c) Cartographie géologique et géomorphologique : Pz) Paléozoïque,Mz) Mésozoïque, C) Crétacé, E-O-M) Eocène-Oligocène et Miocène, M) Miocène moyen-supérieur, M-P-Q) Mio-Plio-Quaternaire. Cercles + points : positiondes mouvements de masse. Trait rouge foncé : tracé de l’autoroute Fès-Taza. Source : travail des auteurs.

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te, plio-quaternaire est de type compressif et est orientéeNNO-SSE. Elle a accentué dans le sillon sud-rifain, la sur-rection des rides, la déformation souple et la réactivationde structures cassantes en décrochements.

Exemples de mouvements de masseobservés

Les mouvements de versant observés sur le tronçon de l’autoroute traversant le Prérif et le sillon sud-rifain, sont essentiellement des glissements, des tasse-ments et des coulées boueuses. En fonction de l’impor-tance des mouvements observés et de la surface derupture rencontrée, on distingue :

les glissements qui sont très fréquents dans le Prérif.Certains, de type rotationnel ont été réactivés suiteaux terrassements réalisés lors la construction de l’au-toroute et de ses talus. Ils sont visibles sur les versantsde pente assez forte (15 à 45°) constitués notammentde matériaux argileux ou marneux (Photos 1 et 2).D’autres, des glissements de type plan, s’observentdans le sillon sud-rifain. Ils se manifestent en surfacepar des cicatrices d’arrachement sur la voie de l’auto-route et par des rides centimétriques vraisemblable-ment associées à des processus de reptation lente. Cetype de glissement se développe le long de surfacesplanes représentées par les calcaires liasiques duMoyen Atlas, pentés vers le nord de plus de 25° surlequel glissent les formations marneuses miocènes

sub-tabulaires. L’eau (précipitation et percolation) joueun rôle important dans la mise en place et la ré-acti-vation de ces glissements.les coulées argileuses dominent les reliefs de Koudiate Lahwat, dans le Prérif (voir figure 2). La coulée argileuseest parfois de grande ampleur et constitue un risque en raison de son amplitude et de son caractère dévasta-teur.La nature géologique des terrains (argiles et marnesgrises du Miocène supérieur), la pente et la tectonique,la saturation des terrains en eau (fortes précipitations)jouent un rôle moteur dans le déclenchement de cesphénomènes. Ceci a conduit à des déformations irrégu-lières de la topographie et à un endommagement desouvrages de stabilisation des talus. Du point de vue tec-tonique,ces faciès correspondent à une klippe (lambeau

de nappe du Miocène inférieur-moyen, isolé par l’érosion).

Exemple d’observa-tions néotectoniques

Nous avons constaté lafaible présence de joints tecto-niques dans les bassins ; ils sonten revanche bien visibles dans les convexités sommitales des versants des grandes vallées. Ain-si dans la région de Bled Haricha,un affleurement d'argile mar-neuse du Messinien, montre une série de fentes en échelon etde joints tectoniques regroupésen trois familles d’orientation etde pendages bien distincts :

la première famille defentes correspond à des fentes detension en échelon orientées

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Figure 2. Bloc diagramme montrant la géologie, les mouvements de terrain et les systèmes de failles en coupe nord-sud dans le Prérif (d’après la carte géologique de Taza au 1/50000 et des observations de terrain).1- Quaternaire le long de l'Oued Inaouene ; 2- Miocène supérieur (Tortonien-Messinien) ; 3- Miocène inférieur -moyen (Burdigalien supérieur - Langhien inférieur) ;4- Miocène inférieur ;5- Oligocène ;6- Éocène moyen - supérieur ;7- Paléocène supérieur - Eocène inférieur ; 8- Crétacé supérieur ; 9- Trias ; 10- socle paléozoïque de Tazzeka ;11- Mouvements de masses ; 12- Déblais de l’autoroute. Source : travail des auteurs.

Photo 1. Exemple de glissements près de Koudiate Bab El Qdima dans le Prérif ; ils montrent l’extrême sensibilité des pentes naturelles en l’absen-ce de travaux de stabilisation et/ou confortement de talus. Source :photo des auteurs.

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N105-115°E (Photo 3) et présente des longueurs qui varientde 5 m à plus de 20 m avec une ouverture de ces fentescomprise entre 1 à 5 cm et donnant un déplacementpotentiel dextre.la deuxième famille de ces fentes en échelon est repré-sentée par la direction N165°E (voir photo 3) ; leurs lon-gueurs varient entre 1 m et 20 m et leur ouverture variede 2 à 4 cm ;ces fentes présentent un déplacement poten-tiel sénestre.la troisième famille correspond à des joints tectoniquesattribués à des fentes de tension orientées N130°E ( voir photo 3), situés dans l’angle bissecteur des deuxfamilles précédentes.Ces joints sont les plus fréquents auniveau de cet affleurement et sont disposés de manièresériée avec des espacements de joints de quelques centi-mètres en deux endroits espacés d’une dizaine de mètres.Leurs longueurs dépassent les 15 m et leur ouverture variede 1 à 5 cm.

Ces trois familles de fentes de tension en échelon etde joints montrent un remplissage ferrugineux de couleur rouge, issu du lessivage des formations superficielles (trèsprobablement des argiles pédogénétiques (Fig. 3). Ces remplissages se présentent aussi sous formes de plaquettesdurcies de couleur brune et d’épaisseur inférieure à 0,5 cm.

L’explication géologique et structurale la plus pro-bable sur l’origine de ces fentes de tension en échelonserait une déformation néotectonique en régime décro-chant où la contrainte maximale (σ1) est horizontale etorientée NO-SE créant les fentes de tension N130°E ; lacontrainte minimale est aussi horizontale (σ3) orientéeNE-SO (Fig. 3). Les mouvements gravitaires semblent réuti-liser et réactiver ces joints tectoniques pré-existants situésà proximité de l'Oued Sebou et de son fort potentiel

érosif. En effet ces fentes gravitaires à extension NE-SO,feraient partie de la cicatrice d'arrachement amont duglissement de ce versant de la rive gauche de l’Oued Sebou.

Discussion et conclusionDu point de vue climatique, l'autoroute Fès - Taza

est située sous un climat continental tempéré avec unemoyenne de précipitations annuelles variant de 390 mmà 840 mm. Généralement les chutes de pluie sont assezbrutales et les plus grandes précipitations sont concentréessur seulement quelques jours en saison humide. La suc-cession rapprochée d'événements pluvieux exception-nels, constitue ainsi une source de risques menaçant lesinfrastructures autoroutières. Ils accentuent en effet lesrisques géologiques liés aux différentes structures tecto-niques et gravitaires observées dans les talus de déblai de l’autoroute qui peuvent être décrites de la manièresuivante :

du point de vue sédimentaire, les matériaux affectéssont des marnes altérées, et contiennent une forte proportion d’argile. Les argiles représentent l’aspectpénalisant du phénomène, compte tenu de leurs mau-vaises caractéristiques mécaniques. Les analyses géo-techniques (Mouhssine et al., 2015) sur les marnes dutronçon autoroutier passant par le Prérif, montrent leurcaractère cohésif, leur forte plasticité et la dépendancede leur comportement géotechnique à la quantité d'eauqu'elles absorbent. Elles sont donc particulièrement sen-sibles aux variations climatiques.du point de vue tectonique, le tracé de l’autoroute estparallèle à deux contacts tectoniques chevauchants. Ilssont faiblement pentés voire subhorizontaux, et appa-raissent sur la carte par des contours sinueux paralléli-

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Photo 2. Déstabilisation du talus de l’autoroute Fès-Taza et destruction descanaux d’évacuation suite aux précipitations des mois de février et mars2014 près de Koudiate Lahwat, dans le Prérif. Source : photo des auteurs.

Photo 3. Fentes en échelons de direction N130°E à remplissage d’argilepédogénétique parfois indurée et joints de direction N105°E et N165°E à rem-plissage de calcite et gypse, visibles à proximité de Bled Cherada. Le ravi-nement emprunte les directions N130°E et souligne parfois les joints de faibleextension. Source : photo et interprétation des auteurs.

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sant les courbes de niveaux. Ils sont orientés E-O (voir figure 1) et sont décalés par des failles transversesorientées NE-SO et NO-SE qui entaillent les pentes topo-graphiques.Le chevauchement situé au sud de l’autorou-te a favorisé l’apparition du Trias argileux et évaporitique.C’est dans cette partie de la nappe que se sont développésdes glissements récents et des coulées de boue.

Concernant la déformation néotectonique du bas-sin du Saïs, l'analyse des joints tectoniques, effectuée àtoutes les échelles en termes de contraintes, confirme lerôle de la néotectonique dans l’évolution du paysageactuel et futur de cette région. La compression NO-SE àNNO-SSE associée à la distension NE-SO à ENE-OSO a per-sisté au cours du Quaternaire. Elle est attestée par la for-mation de cônes torrentiels actuels et le décalage duréseau hydrographique dans l’avant-pays oriental rifain(Tabyaoui, 2000). D’autres indices de manifestations néo-tectoniques ont été relevés sur les glacis et les cônes allu-viaux quaternaires récents du front sud-rifain au nord deFès (rides de Zalagh et Trhat) par Charai et al., (2004). Ladirection de raccourcissement est en accord avec le méca-nisme géodynamique régional marqué par un régime derapprochement Afrique - Europe, avec une vitesse moyen-ne de l’ordre de 4 à 6 mm/an (De Mets, 1993), confirméerécemment par les champs de vitesse GPS (Tahayt et al.,2008). Cette convergence est accompagnée d’une activi-té sismique, quoique faible, avec des magnitudes qui nedépassent pas la valeur de 4,6 (Cherkaoui, 1991). Cependantles secousses du tremblement de terre d'El Hoceima du 25février 2004 (magnitude 6.1), ont été ressenties dans lesvilles de Taza et de Fès…

La nouvelle autoroute Fès-Taza traverse une zonede terrains à dominante argileuse où de nombreux mou-vements de masse, de nature et de volume différents sontobservables. Les nouvelles tranchées révèlent des affleu-rements riches en enseignements géologiques qui permettent de mieux contraindre les rôles et les différencesentre les glissements de terrain et les structures néotec-toniques. La combinaison de l'interprétation des donnéessatellites optiques haute résolution, des relevés cartogra-phiques géologiques détaillées,de l’analyse structurale duMNT et enfin des campagnes de terrain, intégrés dans unsystème d'information géographique (SIG) nous permettentde créer des documents cartographiques thématiques géoréférencés,utiles pour les acteurs de terrain.Par ailleurs,il parait nécessaire de mettre en place de nouveaux moyensde surveillance des talus, tels que l’interférométrie radar(Deffontaines et al., 2015) pour déterminer l’évolution etl’activité des glissements proches de l’autoroute.

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Figure 3. Explication géologique et structurale des fentes de tensions et des fractures affectant les argiles marneuses du Messinien de la région de Bel Hri-cha. A : 3 familles verticales : N105°E échelon dextre, « couloir » N130°E fente de tension, N165°E en échelon sénestre compatibles avec un régime décrochantplio-quaternaire (σ1 = N130°E, σ2 = vertical, σ3 = N040°E) et B : réactivation en glissement de terrain si potentiel érosif favorable suivant les couloirs de frac-turation des N130°E. Détachement peu profond (15-20m) matérialisé par la localisation des fentes de tension et des fentes en échelon. Source : les auteurs.

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1. Doctorante, Laboratoire L3G, Equipe de recherche « Génie Civil et Géo-Ingénierie), UCA. Courriel : [email protected]. Enseignant chercheur, Laboratoire L3G, Equipe de recherche « Génie Civil et Géo-Ingénierie), UCA. Courriel : [email protected] * Auteur correspondant.3. Chef de division du développement technologique et relation avec l’extérieur, ADM. Courriel : [email protected]. Point Kilométrique.

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Les tracés autoroutiers au Nord et à l’Est du Maroctraversent des zones montagneuses générant une série dedéblais et remblais parfois de grandes hauteurs. Les déblaissont généralement établis dans des sols pélitiques et mar-neux très vulnérables à l’érosion pluviale. Sous l’effet deschangements climatiques, les précipitations sont très irré-gulières et se caractérisent par des averses souvent agres-sives. Ces dernières engendrent des pertes en terres importantes qui peuvent compromettre la sécurité et ladurabilité des ouvrages autoroutiers. La Société Nationa-le des Autoroutes du Maroc, déploie un important pro-gramme de recherche et des travaux de terrain pour mai-triser et lutter contre l’érosion hydrique des talus. Cetteétude concerne l’évaluation des pertes en terres de cestalus dans les sections autoroutières de Tanger-PortTanger Med et Fès-Taza. Elle est basée sur l’adaptation del’équation universelle des pertes en terres définie par lesagronomes à l’échelle du talus autoroutier. Ceci permet deproposer une méthode de dimensionnement d’un systèmed’arcades bétonnées pour les protéger. La stabilité des talusde déblais,plusieurs années après la mise en place des arcadestémoigne de l’efficacité de ce système de protection.

Importance du problème L’érosion et l’instabilité des masses rocheuses frac-

turées ou tendres qui constituent les talus autoroutiers etroutiers est un phénomène récurrent auquel s’affrontele projeteur, notamment au regard des problèmes demaintenance des infrastructures routières et de gestiondes risques. Les mécanismes d’instabilité en jeu sont sou-vent complexes et nécessitent des réflexions pluridisci-plinaires en vue de les prendre en compte dès la concep-tion et durant toute la vie des ouvrages. Dans les régionsoù les affleurements sont dominés par une alternance decouches tendres argileuses, marneuses ou de flyschs et debarres rocheuses, l’érosion externe du talus autoroutier estsouvent à l’origine de chutes de cailloux et blocs qui peu-vent parfois s’étaler à des distances considérables sur lachaussée avec des risques pour les personnes et desentraves à la circulation. Cette érosion engendre aussi undysfonctionnement du réseau d’assainissement routierpar le colmatage des voies destinées à acheminer l’eau

de ruissellement. Ceci conduit à des zones inondées si cesvoies ne sont pas régulièrement récurées et génère unalourdissement du coût d’exploitation de l’ouvrage.

La protection des talus autoroutiers et routierscontre l’érosion externe est donc nécessaire pour limitertous les effets précités et assurer une bonne rentabilité del’ouvrage. L’objectif de cet article est de présenter et dis-cuter les résultats de l’étude de l’érosion pluviale sur lestalus de déblais des autoroutes Tanger-Port Tanger Medet Fès-Taza (Fig. 1a). La méthode originale de protectionemployée a été celle des arcades bétonnées dont le fonc-tionnement et le dimensionnement sont développés ci-après.

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Étude de l’érosion pluviale des talus autoroutiers au Maroc et proposition d’un système de protection par arcades bétonnées :application aux sections Tanger-Port Tanger Med et Fès-TazaAmal Chehlafi1, Azzouz Kchikach2* et Abdelkrim Derradji3.

Figure 1. (a) : Localisation des sections autoroutières étudiées.Exemplesd’érosion pluviale des talus observée dans certains déblais de la section auto-routière Tanger-Port Tanger Med ; à gauche (b), un ravinement importantavec éboulement des matériaux et comblement de la cunette du pied dudéblai au PK4 27 ; à droite, (c) des ravinements constatés plusieurs annéesaprès la mise en place d’arcades bétonnées sur le talus du déblai situé auPK10. Source : les auteurs.

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5. Megajoule.

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Les premiers essais expérimentaux au Maroc dansl’utilisation des arcades bétonnées pour protéger les talusautoroutiers contre l’érosion pluviale ont été réalisés parla Société Nationale des Autoroutes du Maroc (ADM) auniveau des déblais situés au PK 10 et au PK 27 de l’autorouteTanger-Port Tanger Med (voir figure 1a). Des arcades d’unrayon de 25 m ont été arbitrairement utilisées. Les obser-vations faites quelques années après leur mise en placemontrent que pour diminuer considérablement le tauxd’érosion du talus, la dimension des arcades doit êtreadaptée au type de sol constituant le talus. C’est dans cecadre qu’une étude visant l’élaboration d’un modèle numé-rique de conception et de dimensionnement des systèmesde protection des talus autoroutiers par arcades béton-nées a été entreprise en collaboration entre l’équipe derecherche « Génie Civil et Géo-Ingénierie » de l’universi-té Cadi Ayyad-Marrakech et l’ADM.

Évaluation de l’érosion d’un talus autoroutier

L’érosion pluviale des sols des talus a jusqu’à pré-sent été étudiée par les agronomes et pédologues (Renardet al., 1997) qui ont analysé le phénomène et proposé desdémarches expérimentales pour tenter de la quantifier.Très sommairement, on peut schématiser l’analyse qu’ilsen ont faite, en disant que ce phénomène est un proces-sus qui, une fois amorcé, s’accélère tant que les condi-tions de pluie qui l’ont initié, ne régressent pas et qui,lorsqu’il est interrompu, peut reprendre dès que ces condi-tions sont à nouveau retrouvées. Le résultat, est l’appari-tion dans le talus de petites griffes ou rigoles de quelquescentimètres de largeur et profondeur qui se développentpour donner des ravines plus larges et plus profondes sus-ceptibles de mettre sérieusement en péril la stabilité dutalus (Fig. 1b et c).

Les gouttes de pluie frappant le sol, mis à nu par lestravaux de terrassement, délogent les particules miné-rales et organiques alors que le ruissellement de surfacetransporte ces dernières jusqu’aux zones de sédimenta-tion. Le potentiel érosif des pluies dépend de leur inten-sité, de la taille moyenne des gouttes et de la vitesse dechute. La vélocité du ruissellement de surface est pro-portionnelle à la pente du terrain. La force érosive et lacapacité de transport des particules augmentent avec lavitesse d’écoulement de l’eau. Les sols tendres à faiblecohésion (argiles, marnes, pélites, flysch, sable, terrerocailleuse, etc.) sont plus vulnérables à l’érosion.

Il existe plusieurs méthodes d’évaluation de l’érosiondes sols. Ces méthodes varient en fonction de l’objectif del’étude et des échelles spatio-temporelles considérées.L’éro-

sion peut être quantifiée par des méthodes directes tellesque les mesures topographiques sur parcelles expérimen-tales (avec ou sans simulation de pluie), étude du trans-port solide ou de la sédimentation dans les retenues (Sabir,1986 ;Wall et al., 2002 ; Reiffsteck, 2004 ;Yjjou, 2014). Nousavons développé un modèle de calcul basé sur l’équationuniverselle des pertes en terres (USLE : Universal Soil LossEquation,Wischmeier 1960),utilisée dans le domaine agri-cole pour évaluer le taux d’érosion des bassins versants. Lasimplification et l’adaptation de cette équation à l’échelledu talus autoroutier a permis d’en déduire la quantitéannuelle de terre érodée. Contraint par un seuil de tolé-rance fixé au comblement du tiers de la hauteur du fossédu pied du talus autoroutier, nous avons déterminé le dia-mètre optimal des arcades en fonction du type de sol consti-tuant le talus. L’étude a montré que la pente et la texturedu sol sont les facteurs les plus déterminants dans les tauxdes pertes en terres d’un talus autoroutier.

L’équation des pertes en terres est une relationempirique qui donne la perte de sol annuelle par hecta-re (A) comme le produit de six facteurs :A = R.K.L.S.C.PA : perte de sol annuelle moyenne possible à long terme(t/ha.an) ;R : indice d’érosivité des pluies (MJ5.mm/ha.h.an) ;K : facteur d’érodibilité (t.h/MJ.mm) ;L : longueur de l’arcade selon la pente (m) ;S : facteur d’inclinaison de pente (adimensionnel) ;C : indice de culture (adimensionnel) ;P : facteur de pratiques antiérosives (adimensionnel).

L’analyse fine des paramètres de l’équation USLEpermet de s’approcher au mieux des réalités du terrain. Lavéracité des résultats a été prouvée par plusieurs étudesde cas. Les données intégrées dans cette équation sontgénéralement disponibles ou acquises lors des étudesd’avant-projet liées aux projets autoroutiers et routiers.

Application au dimensionnementdes arcades bétonnées utilisées pourla protection des talus des déblaisdes sections autoroutière Tanger-Port, Tanger-Med et Fès-Taza.

L’étude de l’érosion pluviale des talus autoroutiersbasée sur l’adaptation de l’équation USLE à l’échelle de lasuperficie des talus des déblais a été réalisée dans le cadrede la construction des autoroutes Tanger-Port Tanger Medet Fès-Taza. La plupart des déblais sont établis dans des

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95Figure 2. (a) : Subdivision de la superficie du talus en plusieurs parcelles et pertes en terres annuelles globales pour chaque subdivision ; (b) : Nombre d’ar-cades à mettre en place pour chaque subdivision ; (c) : Dimensions des arcades et technique de mise en place ; (d) : Vue panoramique des arcades mises enplace sur le talus de déblai au PK 228 de la section autoroutière Fès-Taza. Source : les auteurs.

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6. Sols argileux : A ; sols intermédiaires : B ; formations rocheuses : C.

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Figure 3. Variations de la perte en terres (tonnes/an) pour un talus de 1hade la section autoroutière Tanger-Port Tanger Med en fonction de la lon-gueur de la pente L (m). (pente de talus S = 33% ; érosivité R = 312MJ.mm/ha.h.an ; érodibilité K = 0.072 t.h/MJ.mm). Source : les auteurs.

formations pélitiques pour le premier cas et dans desmarnes grises plus au moins compacts pour le secondcas. L’indice d’érosivité « R » moyen a été calculé par laformule de Wischmeier (1978),en considérant les intensitésmaximales des pluies (mm/h) extraites des données plu-viométriques des vingt dernières années fournies par lesagences des bassins hydrauliques de Loukous et de Sebou.Les valeurs d’indice d’érosovité obtenues sont très com-parables pour les deux régions étudiées. Nous avons rete-nu la valeur R = 312 MJ.mm/ha.h.an, pour le calcul despertes annuelles en terre.

L’érodibilité du sol représente sa vulnérabilité àêtre érodé par la pluie. Elle est essentiellement liée à sa tex-ture. L’effet de cette dernière a été analysé à l’échelle dutalus autoroutier en superposant la codification utiliséepar l’équation USLE à la classification selon le Guide de Ter-rassement Routier Marocain (GTRM) des sols étudiés,adapté de la classification générale française GTR 92. Lespélites de la section autoroutière Tanger-Port Tanger Medconstituent une formation rocheuse de classe « C »6. Unefois altérés,ces matériaux se délitent complétement et leurgranulométrie évolue vers la fraction fine et deviennent« A2/A3 ». Les essais d’identification effectués sur lesmarnes grises, dans lesquelles sont établis la plupart desdéblais de la section autoroutière Fès-Taza, permettentde les classer « B1 » à « B3 » selon le GTRM. Le pourcenta-ge des différentes fractions granulométriques des deuxmatériaux précités a été déterminé puis comparé auxcodes utilisés dans l’équation USLE pour calculer le facteurd’érodibilité des sols.

Les calculs effectués montrent que les sols de typeA, qui contiennent plus d’éléments fins, sont générale-ment facilement érodables. Pour un même sol, l’érodibi-lité diminue lorsque la teneur en argile augmente. Lesvaleurs parfois élevées du facteur d’érodibilité K des solsde type B peuvent être expliquées par leur structure hété-rogène qui favorise le détachement des particules fines.Nous avons ainsi retenu les valeurs maximales de K= 0,072t.h/MJ.mm et K = 0,054 t.h/MJ.mm pour calculer les pertesen terres, respectivement pour les pélites de Tanger etpour les marnes grises du couloir Fès-Taza.

Les facteurs d’érosivité R et d’érodibilité K étantdéterminés, on attribue la valeur de 1 aux paramètres « C» et « P » de l’équation USLE considérés sans influence àl’échelle du talus nu du déblai. La quantité des pertes enterres est alors uniquement fonction de la pente et de lalongueur selon la plus grande pente du talus. Sachantque le calcul de stabilité au glissement préalablementréalisé pour les ouvrages en déblai dans les deux sectionsautoroutières donne en général une pente de 3H/1V (33%),il reste à analyser l’effet de la longueur selon la pente sur

les quantités des terres érodées. Pour ce faire, nous avonspris un talus d’une superficie de 1 ha que nous avons sub-divisée en de petites parcelles carrées successivement de100, 50, 25, 20, 15, 10, 5, 3, 2 et 1 m de côté. On calcule toutd’abord les pertes en terres générées par chaque petite par-celle, en considérant les paramètres R et K préalablementdéterminés, puis on les additionne pour trouver la quan-tité annuellement érodée pour toute la superficie du talus.La figure 2 illustre la méthode adoptée pour définir lesarcades mises en place pour protéger les talus des déblaiscontre l’érosion pluviale.

Les pertes en terres varient énormément avec lalongueur de la pente (Fig.3) : la quantité annuellementérodée diminue, par exemple, de presque 40% en pas-sant d’une longueur de pente de 100 m à 25 m. Ce para-mètre est donc un facteur déterminant du taux d’érosionpluviale des sols. L’érosion est d’autant plus élevée que lalongueur du ruissellement est importante. La réduction dela longueur de ruissellement de l’eau selon la pente dutalus peut donc être un bon moyen pour limiter le tauxd’érosion de ce dernier.

La mise en place des arcades, réduit en réalité unpeu la surface du talus exposée à l’érosion. Nous avons ain-si déterminé pour chaque subdivision de la superficie dutalus du déblai, le nombre d’arcades à mettre en place etla surface réellement concernée par l’érosion. Le tableau 1,montre à titre d’exemple, quelques résultats obtenus.

Le choix du diamètre optimal des arcades a étédéterminé en tolérant un colmatage instantané du tiersde la hauteur de la cunette du pied du déblai. Pour untalus carré de 100 m de côté, une section de la cunette de0.5 m2 et un poids volumique du charriage de 20 kN/m3,on trouve un seuil tolérable de :

A = 1/3 x 0.5x 100x 20 = 33,33 tonnes.Ce seuil correspondrait à un diamètre d’arcades

de 7 m et par conséquent à une mise en place de 52 arcades

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7. Canal d’évacuation de l’eau pratiqué le long d’une chaussée.8. Replat intermédiaire dans un talus.9. Poutre rectangulaire de support.10. Revêtement en béton autour d’une arcade (voir figure 4b).

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pour couvrir la totalité de la superficie du talus. En réali-té, le seuil ainsi déterminé est surestimé, car nous avonsconsidéré un talus parfaitement nu, sans végétation etignoré la reprise des sédiments déposés dans la cunette7

à la faveur de précipitations successives. La mise en pla-ce des arcades réduit la surface exposée à l’érosion et laplantation et/ou la poussée d’herbacés font diminuerconsidérablement les pertes en terres annuelles.

Les calculs des pertes en terres ont permis de fixerle seuil tolérable pour deux talus de déblais représenta-tifs, choisis respectivement dans les sections autorou-tières Tanger-Port Tanger Med et Fès-Taza. Pour tenir comp-te de la poussée spontanée des herbacés sur les talus,nous avons pris la valeur de C= 0.8 pour le facteur du cou-vert végétal indiqué dans l’équation USLE. Les talus necontiennent pas de risbermes8, le facteur P de l’équationuniverselle est pris égal à 1. Les résultats des calculs don-nent respectivement un diamètre de 11,2 m pour le talusde flysch (Tanger) et de 7,36 m pour le talus de marnes (Fès-Taza).

Tenant compte des résultats de cette étude, l’ADMa opté pour la conception et l’utilisation d’arcades de 10 mde diamètre. Des travaux de construction et de mise en pla-ce de ces arcades pour protéger contre l’érosion pluvialeles sols pélitiques et marneux des deux sections auto-routières étudiés ont été ainsi lancés (Fig. 2c et 2d). L’ADMcompte généraliser ce système de protection des taluspour tous les futurs projets autoroutiers du Maroc.

Les arcades se présentent sous forme d’arcs enbéton armé coulé en place ou acheminés au chantier enéléments préfabriqués.La partie en voûte est prolongée pardes longrines9 selon la pente. Des perrés10 maçonnés entreéléments verticaux et éléments de voûtes complètent ledispositif. La largeur et la hauteur des longrines varient enfonction du diamètre des arcades. Elles sont respective-

ment de 10 à 40 cm et de 40 à 70 cm. De même la largeurdes perrés maçonnés varie avec de le diamètre de 0,4 à 1 m.Une fois mises en place, des raccordements en bétonarcs/cunette du déblai sont réalisés.

La protection des talus de déblais par le systèmed’arcades bétonnées a amélioré considérablement la sta-bilité des talus (Fig. 4a et 4b). De plus, ADM a développédans le cadre de programmes de recherche, des tech-niques ingénieuses de fixation des sols basées sur le géniebiologique. Il s’agit de fixer le sol en le couvrant avec descanisses de roseaux ou pailles. Les canisses sont forméesde matériaux biodégradables et permettent de limiterl’érosion pluviale en attendant la poussée des semencesqu’ils abritent. Une autre technique consiste à ensemen-cer le talus avec des espèces herbacées autochtones fine-ment choisies (Fig. 4c). Le couvert d’herbacés est consoli-dé par la plantation d’arbres et arbustes qui s’adaptent auclimat de chaque région.

Conclusions et perspectivesCette étude a permis de mieux appréhender le pro-

blème de l’érosion pluviale des talus autoroutiers dansles régions Nord et Est du Maroc. Elle montre que le tauxdes pertes en terres à l’échelle du talus de déblai est essen-tiellement lié à la texture du sol le constituant et à la lon-gueur du ruissellement selon sa pente. L’analyse de cesdeux paramètres a permis d’esquisser un modèle dedimensionnement d’un système d’arcades bétonnéespour protéger les talus de déblais contre l’érosion hydrique.Des arcades de 10 m de diamètre ont été conçues et misesen place sur les talus de plusieurs déblais des sectionsautoroutières Tanger-Port Tanger Med et Fès-Taza. Les cal-culs des pertes en terres annuelles intégrant les donnéespluviométriques et la nature des sols in situ, donnent uneréduction d’environ 40% si des arcades sont mises en pla-ce. La stabilité des talus, plusieurs années après l’expéri-mentation de ce système de protection, témoigne de sonefficacité.

La détermination des paramètres de l’équationuniverselle des pertes en terres et du diamètre optimal cor-respondant au seuil d’érosion tolérable nécessite des cal-culs parfois lents. Nous avons programmé une petite appli-cation qui permet d’avoir rapidement les résultats descalculs avec possibilité de les reprendre si nécessaire sansque cela ne soit contraignant. Cette application permetd’estimer les pertes en terres sur un talus nu sans protection, puis de calculer le diamètre des arcades quipermettrait de ramener ces pertes au seuil toléré.

Le coût de fabrication et de mise en place des

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Parcelle Nombre Superficie Pertes d’arcades concernée par en terres

l’érosion (m2) A (T/an)Parcelle sans arcades - 10000 345Parcelle avec arcades 2 9300 201, 81de 50 m de diamètreParcelle avec arcades 8 8700 123,30de 25 m de diamètreParcelle avec arcades 32 7650 72,03de 10 m de diamètreParcelle avec arcades 52 6970 36,24de 7 m de diamètre

Tableau 1. Nombre d’arcades pour chaque subdivision adoptée pour un talusde 1 ha et pertes en terres annuelles correspondantes.

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aménagements et géotechnique

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Figure 4. (a) : Photographies montrant un talus nu érodé et sa continuité latérale intacte où ont été mises en places des arcades au PK 185 de l’autorouteFès-Taza et (b) état du déblai au PK 27 de la section autoroutière Tanger-Port Tanger Med avant et après mise en place des arcades ; (c) : Fixation du sol parvégétalisation moyennant l’ensemencement du talus avant ou après la mise en place des arcades. Clichés : les auteurs.

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arcades peut apparaître assez élevé. D’autres techniquesantiérosives, notamment le développement d’un couvertvégétal à base d’espèces autochtones, pourront être com-binées aux arcades pour diminuer le coût global de la pro-tection du talus. Par ailleurs, elles n’offrent une protec-tion contre l’érosion que sur des talus dont on a vérifié lastabilité interne.

RemerciementsLes auteurs remercient les responsables de l’ADM

pour leur collaboration et pour l’intérêt qu’ils portent à larecherche scientifique et au partenariat avec les univer-sités. Cette étude a été réalisée grâce au soutien du comi-té mixte interuniversitaire franco-marocain (programmeToubkal 15/17, nº 32401XB)

Références bibliographiquesReiffsteck Ph., 2004. Érodabilité des sols dans le cadre des terrassements. Journées Nationales de Géotechnique et deGéologie de l’ingénieur, Lille 2004, 65-72.

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1. Directeur des Aménagements Hydrauliques (DAH), Ministère des Mines de l’Eau et de l’Environnement, rue Hassan Ben Chekroun, Agdal, Rabat, Maroc.Courriel : [email protected]

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La construction des barrages au Maroc

Les premiers barragesL'eau de surface subit des fluctuations d'apports

importantes selon l'hydraulicité de l'année. Pour assurerla permanence de la fourniture d'eau, il est nécessaire demaîtriser les apports d'eau des années humides pour pou-voir faire face aux besoins en eau des années sèches. C'està cette fin que sont réalisés les grands barrages réservoirset les adductions régionales de transfert d'eau au Maroc.

C’est en effet, dans les années 1920 que l’intro-duction des aménagements modernes a débuté avec laréalisation des premiers grands barrages réservoirs. L’ob-jectif de ces barrages était principalement orienté vers lafourniture d’eau potable, d’eau pour l’irrigation et la pro-duction d’électricité.

Le développement de la mobilisation des eaux desurface au moyen des grands barrages est passé par plusieurs étapes.

Durant la période allant de 1925 à 1956, la politiquede mobilisation de l'eau consistait à construire des barragesdans les régions à fortes potentialités en eau de surfacepour assurer la production d'énergie électrique et dansles régions à centres urbains importants pour répondre auxbesoins en eau potable.

Ainsi jusqu' à 1956, le bilan des équipements enmatière de barrages et de grande hydraulique en générala été très faible eu égard aux potentialités disponibles. Eneffet, en 30 années, il n'a été construit que 13 barrages autotal qui permettaient de stocker environ 1,8 milliards de m3

et de régulariser un volume de 1,5 milliards de m3,chiffre quireprésente moins de 10% du volume des eaux de surfacerégularisables estimé à environ 15 milliards de m3.

Le premier barrage à but énergétique, fut construiten 1925 à Sidi Saïd Maâchou sur l'Oum Er R'bia pour êtremis en eau en 1929. Le premier grand barrage à but agri-cole, à savoir Kasba Tadla, fut achevé en 1931.

Le plus grand barrage construit durant cette pério-de, en l’occurrence Bin El Ouidane sur Oued El Abid, fut misen eau en 1953. Il permettait avec la capacité utile de saretenue de 1,4 milliards de m3 d'assurer une productionannuelle de 500 millions de kWh.

La période de 1956 à 1966 a été marquée par laréalisation de trois barrages à savoir : Mohamed V sur laMoulouya, Nakhla au Nord et la digue de Safi.

Cette décennie peut être considérée comme unephase de transition qui a permis d'évaluer les ressources eneau du pays et de définir les objectifs permettant d'activerle développement du secteur de la mobilisation de l'eau.

Ainsi, dans l'ensemble jusqu'en 1966, la politiquede mobilisation de l'eau est restée assez timide puisqu'en38 ans, n'ont été construits que 16 ouvrages d'une capa-cité totale de 2,2 milliards de m3.

Le développement de la construction des barrages (1967-1986)

C'est à partir de 1967 que FEU SA MAJESTE LE ROIHASSAN II a donné une impulsion nouvelle et décisive àla politique des barrages, en décidant la constructionimmédiate de 6 grands ouvrages devant constituer la pre-mière phase d'un vaste et ambitieux programme dontl'objectif principal devait aboutir à l'irrigation d'un mil-lion d'hectares avant l'an 2000.

Au cours de cette même année, la Direction Géné-rale de l'Hydraulique fut créée pour se charger de l'éva-luation, la planification et la mobilisation des ressourcesen eau du pays, ainsi que de la mise en application de lalégislation de l'utilisation des eaux et de la sauvegardedu patrimoine hydraulique. Les principaux barrages réser-voirs ainsi mis en service durant cette période sont lessuivants :

Barrage Moulay Youssef, 1970, destiné à l'irrigation de laTessaout. Avec une hauteur de 100 m, sa retenue estd’une capacité de près de 190 millions de m3 (hm3) ;Barrage Hassan Addakhil, 1971, destiné à l'irrigation dela vallée du Ziz. Avec une hauteur de 85 m, il constitueun réservoir de 350 hm3 ;Barrage Mansour Eddahbi, 1972, destiné à l'irrigationde la vallée de Drâa. Avec une hauteur de 70m, il disposed’une retenue de 530 hm3 ;Barrage Youssef Ben Tachfine, 1972, destiné à l'irriga-tion de la plaine du Massa. Avec une hauteur de 85 m,il permet le stockage de près de 300 hm3 ;Barrage Idriss Premier, 1973, destiné à l'irrigation de la

aménagements et géotechnique

La construction des barrages et la politique de mobilisation des eaux de surface au MarocKhalid El Ghomari1.

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plaine du Gharb. Haut de 72 m, il constitue une rete-nue d’une capacité de 1 200 hm3 ;Barrage Sidi Mohamed Ben Abdellah, 1974, destiné àl‘AEPI de la zone Kénitra-Casablanca. Avec une hauteurde 98 m, sa retenue est de près de 486 hm3. Sa surélé-vation achevée en 2007 a permis de porter sa capacitéde stockage à 1 025 hm3.

Entre 1975 et 1986, la mobilisation des eaux de sur-face a été renforcée par la mise en service de cinq impor-tants ouvrages hydrauliques :

Barrage Al Massira, 1979, il permet avec une hauteur de82 m de constituer une retenue de près de 2 700 hm3 auprofit du périmètre de Doukkala ;Barrage Oued El Makhazine, 1979, avec une hauteur de67 m, la capacité de sa retenue est de 710 hm3. Il estdestiné à l'irrigation du périmètre du Loukkos, l'appro-visionnement en eau potable des centres urbains de larégion et la production d'électricité ;Barrage Abdelmoumen,1981, il permet avec une hauteurde 94 m de stocker 216 hm3 au profit de l'irrigation dansla plaine du Souss ;Barrage Mohamed Ben Abdelkrim El Khattabi, 1981,avec une hauteur de 40 m et une capacité de stockagede 36 hm3, il permet l'irrigation de la plaine du Neckoret dessert en eau potable la ville d'Al Hoceïma ;Barrage Hassan Premier, 1986, il permet avec une hauteur de 145 m de mobiliser 262 hm3 au profit de l'irrigation de la Tessaout – aval et de l'eau potable dela ville de Marrakech.

En parallèle avec les grands barrages, et en vue defavoriser un accès équilibré à l'eau sur l'ensemble du pays,FEU SA MAJESTE LE ROI HASSAN II a initié en 1984 le lan-cement d'un programme de construction de petits etmoyens barrages. De nombreux ouvrages ont ainsi étéédifiés à travers le Royaume dans les zones dépourvuesd'eau souterraine en vue de répondre à des besoins locauxd'eau potable, d'irrigation ou pour protéger les personneset les biens publics et privés contre les inondations.

Un barrage par an depuis 1986 À partir de 1986, et pour consolider cette politique

de barrages, FEU SA MAJESTE LE ROI HASSAN II décida laréalisation d'un grand barrage par an afin de renforcer lamobilisation de l'eau. Cette période a connu la réalisationde grands ouvrages structurants, dont :

Complexe Allal Al Fassi, 1991, composé du barrage d’unecapacité de 82 Mm3, de la galerie de Matmata d’un débitde 38 m3/s et du bassin de compensation de 1,5 Mm3. Ce

complexe assure le renforcement de la régularisation deseaux du Sebou pour l’irrigation, la production d’énergieet l’AEPI ;Barrage Smir, 1991, d’une hauteur de 45 m et de 43 hm3

de capacité, il assure l’alimentation en eau potable dela région de Tétouan ;Barrage Garde de Sebou, 1991 : c’est un ouvrage mobilequi permet la limitation des pertes d’eau en mer etmaintient un plan d’eau au profit des pompages destinés à l’irrigation ;Barrage Aoulouz, 1991, ouvrage en BCR (béton compac-té au rouleau) de 79 m de hauteur et de 110 hm3 decapacité. Il permet la réalimentation de la nappe duSouss qui souffre d’une intense surexploitation à des finsagricoles ;Barrage 9 Avril 1947, mis en service en 1995, avec 52 mde hauteur, il permet le stockage de 300 hm3, et estdestiné à l’AEPI de la ville de Tanger ;Barrage Sidi Chahed, 1997, d’une hauteur de 60 m, ilpermet la régularisation d’un volume annuel de 80 hm3

pour le renforcement de l’AEPI de la région de Meknès,l’irrigation et le soutien des débits d’étiage.

Ce programme de réalisation de grands barragesa été couronné par la réalisation du grand Barrage Al Wahda (Photo 1) inauguré par FEU SA MAJESTE LE ROIHASSAN II le 20 mars 1997.

Ce barrage, le plus important du Maroc avec uneretenue de 3 800 hm3 et le deuxième plus grand barraged'Afrique,a fait accroître la capacité de stockage des grandsbarrages de près de 40%. Il permet d'assurer l'irrigation de100 000 ha dans la plaine du Gharb,de produire en moyen-ne 400 millions de kWh par an et d'assurer la protectionde la plaine du Gharb contre les inondations. À ce titre, samise en eau est venue à point nommé puisqu'il a permis

aménagements et géotechnique

101Photo 1. Barrage de El Whada – région du Gharb. Source : cliché DAH.

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2. Béton Compacté au Rouleau.

Géologues n°194

de laminer les crues de décembre 1996 et janvier 1997 etd'éviter ainsi des dégâts aux infrastructures en aval et àla production agricole.

En confirmation de son rôle stratégique pour lepays, la politique des barrages a été consolidée par SAMAJESTE LE ROI MOHAMMED VI. Ainsi, parmi les plusimportants ouvrages structurants mis en service ces der-nières années on peut citer :

Barrage Oued Za,1998,barrage voûte de 61 m de hauteuret 275 hm3 de capacité, destiné à l’AEPI des villes d’Oujdaet Taourirt, à l’irrigation de 4000 ha en plus de la pro-tection du Barrage Mohamed V contre l’envasement.Barrage Mokhtar Soussi,2001,avec une hauteur de 61 met une retenue de 50 hm3 ; ce barrage permet de cou-vrir les besoins en eau d'irrigation d'appoint pour lasauvegarde du périmètre de Sebt El Guerdane.Barrage Ahmed al Hansali, 2001, 101 m de hauteur et740 hm3 de retenue. Associé au barrage Aït Messaoud,il assure l'irrigation de 35 000 ha dans le Tadla, la pro-duction de 170 GWh et fournit 65 hm3 d'eau potableaux villes de Beni Mellal,Khouribga,Oued Zem,Kasba Tad-la et Boujaâd.Barrage Aït Messaoud, 2003, avec une hauteur de 34 met une retenue de 13 hm3, il assure la compensation desdébits turbinés par l’usine Dchar El Oued destinés à l'ir-rigation de 35 000 ha dans le Tadla.Barrage Prince Moulay Abdellah, 2002, avec une hauteurde 65 m et une retenue de 110 hm3, il permet d’assurerl’AEPI de la ville d’Agadir.Barrage Moulay Hassan Ben El Mehdi, 2005, ouvrage enterre zonée de 49 m de haut et d’une retenue de 30 hm3.Il contribue à l‘AEPI de Tétouan et sa région côtière.Barrage Tamesna, 2005, ouvrage en BCR2 de 60 m dehauteur et d’une capacité de stockage de 57 hm3 ; des-tiné à la protection de la ville de Mohammedia contreles inondations, l’irrigation et l’alimentation en eaupotable des centres avoisinants.Barrage Hassan II, 2006, 123 m de haut, 400 hm3 decapacité. Ce barrage est destiné au soutien du volumerégularisé par le complexe Mohamed V-Mechrâa Hommadi pour l'irrigation, la protection contre les crueset le renforcement de l’AEPI.Surélévation du barrage Sidi Mohammed Ben Abdel-lah, 2007, Ce barrage a été construit en 1974 et a étéconçu pour être surélevé. La surélévation de cet ouvra-ge a permis de porter la hauteur du barrage de 87,5 mà 95 m et sa capacité de stockage de 486 hm3 à 1.025 hm3

d’eau destinée au renforcement de l’alimentation eneau potable de la côte Atlantique entre la ville de Kéni-

tra et Casablanca.Barrage Tanger-Med, 2007, 80 m de hauteur et 25 hm3

de capacité. Ce barrage est destiné à l’alimentation eneau potable du complexe portuaire de Tanger-Médi-terranée ainsi que sa protection contre les inondations.Barrage Yacoub Al Mansour, 2008, 70 m de hauteur et70 hm3 de capacité. Ce barrage est destiné au renfor-cement de l’alimentation en eau potable de Marrakech.Barrage Abou Al Abbas Sebti, 2013, 75 m de hauteur et24,5 hm3 de capacité. Ce barrage est destiné principa-lement au renforcement de l’alimentation en eaupotable de la ville de Chichaoua et sa région ainsi quel’irrigation de près de 5 200 ha.

Des barrages en chantierLa priorité ainsi donnée,depuis plusieurs décennies,

au développement des ressources en eau de surface a permisde doter le pays d'un patrimoine d'infrastructures hydrau-liques composé de 140 grands barrages d'une capacité destockage de l'ordre de 17,6 milliards de m3 et de 13 systèmesde transfert d'eau d'une longueur totale de près de 785 kmet d'une capacité totale de transport de 175 m3/s.

Actuellement, et sous les hautes instructions deSA MAJESTE LE ROI MOHAMMED VI, le Royaume poursuitla construction des barrages.

Ainsi, l’effort entrepris pour la mise en place del’infrastructure hydraulique du Royaume se traduit par laconstruction en cours de 12 grands barrages d’une capa-cité totale de stockage de 2,4 milliards de m3 et dont lesplus importants sont :

Barrage Oued Martil, 100 m de hauteur et 120 hm3 decapacité, ce barrage (photo 2) permettra d’assurer l’ali-mentation en eau potable de la ville de Tétouan et sa zonecôtière jusqu’à l’horizon 2030, ainsi que l’irrigation de 1 000 ha et la contribution à la protection de la ville de Tétouan et la vallée de Martil contre les inondations.

aménagements et géotechnique

102 Figure 1. Bilan actuel de la construction des barrages au Maroc. Nombreet capacités cumulés (capacités en milliards de m3). Source : DAH.

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Barrage Zerrar, 73 m de hauteur, 67 hm3 de capacité. Cebarrage est destiné à l'alimentation en eau potable etindustrielle de la ville d'Essaouira, du projet touristiqueMogador faisant partie du Plan Azur et des centres avoi-sinants jusqu’à l’horizon 2030. Il permettra égalementd’irriguer le périmètre de Ksob d’une superficie de 1 500ha et enfin à protéger la baie et la plage d'Essaouiracontre les inondations et la pollution dues aux cruesde l’oued Ksob.Barrage Dar Khrofa,71 m de hauteur et 480 hm3 de capa-cité. Ce barrage est destiné principalement à l’irrigationdu périmètre de Rissana-Souaken d’une superficie de 18 000 ha. Il permettra également d’assurer l’approvi-sionnement en eau potable de 16 communes et au ren-forcement du système d’alimentation en eau potabledu Tangérois.Enfin, il contribuera à la protection de la plai-ne du Loukkos contre les inondations en complémentdu rôle assuré par le barrage Oued El Makhazine.Barrage Tamalout, 61 m de hauteur. Cet ouvrage, d’unecapacité de stockage de 50 hm3, assurera l'irrigationd'un périmètre de plus de 5 000 ha planté d'arbres frui-tiers à l'aval du barrage et l'alimentation en eau potabledes agglomérations avoisinantes.Barrage Ouljet Essoltane,99 m de hauteur. Cet ouvrage,d’une capacité de stockage de 510 hm3,contribuera au ren-forcement de l’alimentation en eau potable de la ville deMeknès et les zones avoisinantes ainsi qu’à la sécurisa-tion de l’alimentation en eau potable des villes de Khémisset et Tiflet.Aussi, il est destiné à la production del’énergie hydroélectrique et au renforcement de l’irriga-tion des périmètres de la grande hydraulique du Beht etde la PMH située à l’aval. Et enfin, il contribuera à l’amé-lioration de la protection de la région du Gharb contre lesinondations importantes et récurrentes et à la protec-tion du barrage Al Kansera contre l’envasement.Barrage Kharroub, 56 m de hauteur. Avec une capacité

de 185 hm3, ce barrage permettra le renforcementdu système existant d’alimentation en eau potable de la région de Tanger, constitué essentiellement des barrages Ibn Batouta, 9 avril 1947 et Tanger-Med ainsique la nappe de Charf El Akab.Barrage Mdez, 109 m de hauteur. D’une capacité prévuede 700 hm3, cet ouvrage assurera l’alimentation en eaupotable des centres avoisinants et la protection contreles inondations des zones situées à l’aval. Il permettraégalement l’alimentation des exploitations du Saïss eneau d’irrigation.

Aussi, et tout récemment à savoir au courant del’année 2015, trois grands barrages d’une capacité totalede plus de 1 milliard de m3, sont en cours de lancement. Ils’agit de :

Barrage Kaddoussa, 62 m de hauteur. D’une capacitéprévue de 220 hm3, cet ouvrage assurera le renforce-ment de l’alimentation en eau potable de la ville deBoudnib et des centres avoisinants, le développementde l’irrigation des périmètres aval ainsi que la protectiondes zones situées à l’aval contre les inondations.Barrage Tiddas, 106 m de hauteur. Avec une capacité de507 hm3, ce barrage permettra l’amélioration de la régu-larisation des apports du bassin de l’oued Bouregreg etl’augmentation du potentiel du barrage Sidi MohammedBen Abdellah, la contribution à la protection de la val-lée de Bouregreg contre les inondations, l’irrigation despérimètres situés à l’aval ainsi que la production del’énergie électrique.Barrage Targa Oumadi, 116 m de hauteur. Avec une capa-cité de 287 hm3,ce barrage assurera l’alimentation en eaupotable de la ville de Guercif et des centres avoisinants,le développement de l’irrigation des périmètres de larégion de Guercif, la protection des zones aval contre lesinondations, la limitation de l’envasement du barrageMohamed V et enfin, la production de l’énergie élec-trique.Barrage Agdez, 110 m de hauteur. Avec une capacité de317 hm3, ce barrage assurera l’alimentation en eaupotable de la ville de Zagora et des centres avoisinant,l’irrigation des périmètres à l’aval et la protection contreles inondations des zones aval.Barrage Toudgha, 67 m de hauteur. Avec une capacité de33 hm3, ce barrage assurera la protection de la valléede Toudgha contre les inondations, la sauvegarde dusite touristique des gorges de Toudgha, l’irrigation desterrains cultivés à l’aval et l’alimentation en eau potable.

Les cartes présentées (Fig.2 et 3) montrent l’implan-tation des barrages actuels,en cours et projetés dans tous lesbassins versants de la région Nord et du Bassin du Sebou.

aménagements et géotechnique

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Photo 2. Barrage en construction de l’Oued Martil (région de Tétouan).Source : cliché DAH.

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Géologues n°194

Importance de la GéologieLa connaissance du contexte géologique et géo-

technique dans lequel s’intègre un projet de barrage estd’une importance capitale dans la phase des études d’au-tant qu’elle a pour objectif le choix du meilleur site pré-sentant des caractéristiques favorables à la faisabilité del’ouvrage ainsi que du type du barrage le mieux adapté ausite. À cet effet, la détermination de la nature et de lastructure géologique de la fondation à diverses échelles,voire régionale pour la cuvette et locale pour l’ouvrage etses appuis, s’avère indispensable. D’autre part, l’étuderégionale détaillée visant la prospection des gisementsdes matériaux de construction, l’analyse de la stabilitédes versants et la connaissance de l’aléa sismique de lazone en question sont des facteurs à considérer pour seprononcer sur la faisabilité du projet.

Par ailleurs,et lors de l’exploitation de l’ouvrage,plu-sieurs problèmes prennent place tel l’alluvionnement quiinflue négativement sur la capacité utile de la retenuepouvant mettre en cause la sécurité des organes hydrau-liques et compromettre également la qualité de l’eaustockée.

Bienfaits des barragesApprovisionnement en eau potable

La sécurisation de l’approvisionnement en eaupotable a été un des premiers soucis de la politique del’eau adoptée par le Maroc. Cet objectif a été assuré mal-gré la multiplication des années de sécheresse et ce grâ-

ce au développement important qu’a connu ce secteur.Actuellement, l’accès à l’eau potable est généralisé

en milieu urbain avec un taux de branchement individuelau réseau de 94% contre 57% en 1975. Le reste de la popula-tion, située dans les quartiers périphériques en zone semi-urbaine, est desservie par des bornes fontaines.

L’alimentation en eau potable des populationsrurales s’est développée notamment à partir de 1995 avecle lancement du Programme d’Approvisionnement Grou-pé en Eau potable des populations Rurales (PAGER). Letaux d’accès à l’eau potable, qui n’excédait pas les 14% en1994, dépasse les 94% actuellement.

Les ressources en eau de surface ont joué, grâceaux barrages, un rôle prépondérant dans la sécurisationde l’approvisionnement en eau potable notamment enmilieu urbain dont la contribution atteint 66%.

IrrigationL’irrigation est l’utilisateur principal de l’eau

au Maroc. Le potentiel des terres irrigables s’élève à 1 660 000 ha dont près de 1 360 000 ha d’irrigationpérenne et 300 000 ha d’irrigation saisonnière etd’épandage des eaux de crue.

À la veille de l’indépendance, la superficie irriguéene dépassait guère les 65 000 ha. L’objectif d’un milliond’hectares irrigués fixé par Feu Sa Majesté le Roi HassanII en 1967 a constitué un véritable tournant pour le domai-ne de l’irrigation.

Depuis, des efforts importants ont été consentispour le développement de l’irrigation. Actuellement, la

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Figure 2. Carte des barrages de la Région Nord. Source : MAH.

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superficie irriguée équipée par les soins de l’Etat dépasse1 million d’hectares dont 682 600 ha en grande hydraulique.

Énergie hydroélectriqueLes efforts déployés en matière de réalisation d’in-

frastructures ont réservé une place importante à la valo-risation de l’eau mobilisée pour la production de l’énergiehydroélectrique. Cette production joue un rôle appréciabledans la satisfaction des besoins énergétiques du pays.Une part importante de la puissance appelée durant lesheures de pointe pourrait être satisfaite à partir des usineshydroélectriques, en particulier lors des périodes où lademande en eau d’irrigation est maximale.

Les usines hydroélectriques réalisées jusqu’en 2014totalisent une puissance installée de l’ordre de 1 730 MW.La production hydroélectrique peut atteindre en annéehydrologique normale plus de 2 500 GWh, soit près de10% de la production totale d’électricité du pays.

Protection contre les inondationsEn plus de la satisfaction des besoins en eau, du

développement agricole et de la production énergétique,la politique des barrages a contribué d’une manière signi-ficative, à la protection des personnes et des biens contreles inondations grâce au rôle prépondérant des barragesdans l’écrêtement des crues.

La poursuite du développement de lapolitique des eaux de surface au Maroc

Pour accompagner le développement socio-économique du pays et consolider les acquis en matièrede mobilisation des ressources en eau, le Plan National del’Eau (PNE), qui constitue un prolongement de la stratégienationale de l’eau, propose des actions qui combinent lagestion et le développement de l’offre, aussi bien des ressources en eau conventionnelles que non convention-nelles, la gestion de la demande en eau, la valorisation etla préservation des ressources en eau.

Concernant la gestion et développement de l’offre,l’effort de mobilisation des ressources en eau de surfacesera consolidé pour maximiser la mobilisation des eaux desurface et développer l’offre en eau par :

la poursuite de la mobilisation des eaux de surface avecla construction d’une quarantaine de grands barragesà raison de trois ouvrages par an jusqu’à 2030 ;le transfert de l’eau à partir des bassins du Nord-Ouestvers les bassins du Centre-Ouest ;le dessalement de l’eau de mer avec une capacité en2030 estimée à près de 500 hm3/an ;la réutilisation des eaux usées épurées essentiellementdans l’agriculture irriguée et l’arrosage des espacesverts.

aménagements et géotechnique

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Figure 3. Carte des barrages du Bassin du Sebou. Source : MAH.

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1. Consultant. Courriel : [email protected]. Direction des Aménagements Hydrauliques. Courriel : [email protected]

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Historique du projetLe projet initial

Le barrage Moulay Bouchta est situé dans le Nord duRoyaume du Maroc (Fig. 1),à environ 12 km au N-W de la vil-le de Chefchaouen. Les premières études en 1999 débou-chèrent en 2002 sur un avant-projet suivi d’une consulta-tion des entreprises en 2008 avec démarrage des travauxen 2010.

Avec une capacité de stockage de 13 hm3, le barra-ge Moulay Bouchta doit permettre :

l’alimentation en eau potable de la ville de Chefchaouenet des centres avoisinants ;la protection du barrage Ali Thailat contre l’envasement ;l’irrigation des terres agricoles situées à l’aval du barrage,et la constitution d’une réserve d’eau pour lutter contreles incendies de forêts.

Les principales caractéristiques du projet initialsont les suivantes :

digue en remblai à noyau argileux de l’ordre de 60 m dehauteur maximale sur fondation, avec des rechargesen alluvions et enrochements ;parements réglés suivant une pente de 2.5H/1V à l’avalet 3H/1V à l’amont ;évacuateur de crue à seuil libre en arc de cercle de 130 m de longueur développée, disposé en rive droite ;dérivation provisoire en conduite sous remblai à deux per-tuis dont un est transformé en vidange en fin de travaux ;3 prises pour l’alimentation en eau potable inséréesdans une structure posée sur le versant gauche.

La figure 2 ci-après donne la vue en plan du projet

initial. Elle vise notamment à montrer l’importance del’évacuateur de crue comparé à la digue. Cette concep-tion avait été retenue dans le souci de réduire au mieuxla hauteur du barrage en assurant une grande capacité àl’évacuateur de crue.

Le démarrage des travauxIl convient de noter que la conception de l’éva-

cuateur était en cours et que les formes hydrauliquesdevaient faire l’objet d’une étude sur modèle pour exa-miner notamment la forme d’entonnement et les dispo-sitions à adopter au coude. C’est d’ailleurs pour cette rai-son que le phasage d’exécution des travaux prévoyaitd’engager en premier, les fouilles amont de l’évacuateur,en attendant la finalisation du design.

Mais dès leur démarrage, sur les 5 m supérieurscouvrant toute l’emprise amont de l’évacuateur (voir figure 2), des fissures d’ouverture parfois pluri-décimé-trique, dont certaines sensiblement parallèles aux courbesde niveau, sont apparues. Elles traduisaient clairementune instabilité généralisée du versant et évoluaient dejour en jour.

Des expertises ont alors été engagées en urgence,car les mouvements de terrain commençaient à mena-cer les habitations et une ligne haute tension en haut duversant, en dehors de la zone expropriée. Il a été immé-diatement décidé de remettre en place la totalité desmatériaux excavés pour redonner au versant sa configu-ration initiale. Deux autres dispositions ont été adoptées :

aménagements et géotechnique

Adaptations d’un projet de barrage en cours de construction :l’exemple du barrage de Moulay Bouchta en zone de flysch altéréAhmed F. Chraibi1 et Abdelaaziz Zaki2.

106 Figure 1. Carte de situation du barrage. Source : Google Earth.

Figure 2. Vue en plan selon la conception originale avec l’évacuateur de cruesen rive droite. Source : publication au congrès Africain 2017 : Hydropowerand Dams.

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3. Altitude 372 m. Nivellement Général du Maroc.

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la mise en place d’un drainage au droit du talus de fouillesprovisoires et le remplissage gravitaire de certaines sgrosses fissures à l’aide d’un coulis de ciment.

La stabilisation a ainsi été atteinte rapidement,laissant le temps pour un examen détaillé de la situation.Il s’est avéré que la zone concernée par les glissementsn’avait pas fait l’objet d’investigations et il a fallu lancerun programme de reconnaissances approprié pour mieuxcomprendre le contexte géologique et géotechnique local.

Ainsi, des forages carottés avec suivi piézométriqueont été réalisés. Ils ont montré que les terrains de cou-verture atteignaient plus de 30 m d’épaisseur dans la zoneconcernée et que la nappe était très proche de la surfacealors que c’était la saison sèche. Le maître d’ouvrage aalors décidé d’arrêter les travaux et s’est associé le concoursd’une autre ingénierie pour une revue complète de laconception. Il en a profité également pour revoir l’hydro-logie tenant compte des données disponibles depuisl’achèvement des études antérieures, couvrant notam-ment des années plus pluvieuses que la moyenne.

Pour se prémunir contre toute autre déconvenue,desinvestigations additionnelles ont été réalisées sur l’en-semble du site,en dehors même de l’emprise des ouvrages.Fort heureusement le contrat d’exécution comportait unerubrique ayant permis d’engager ces travaux sans délai.Pour aller vite, jusqu’à 6 ateliers de perforation travaillaientsimultanément en fond de vallée et sur les rives.

La prise en compte des résultats obtenus condui-sit au maintien d’un barrage en remblai à noyau argileux,mais avec des adaptations comportant entre autres :

déplacement de l’axe du barrage de plusieurs dizainesde mètres vers l’amont principalement côté rive droitepour échapper à la zone de forte épaisseur des terrainsde couverture ;déplacement de l’évacuateur de crues en rive gauche ;introduction d’une paroi moulée pour assurer l’étan-chéité de la fondation en vallée, évitant ainsi la réalisa-tion de fouilles profondes susceptible d’avoir une inci-dence sur la stabilité des versants ;substitution du pertuis de dérivation provisoire par unchenal à ciel ouvert au pied de la rive gauche et introduc-tion d’une vidange avec tour de vannage et de prise d’eau.

Le site du barrageTopographie

Le barrage Moulay Bouchta se trouve sur l’ouedMoulay Bouchta qui coule selon une direction généraleNord-Sud, avec une pente moyenne relativement fortede 2,4%. Les versants de la vallée sont relativement abrupts

du fait de la nature géologique des formations concer-nées. Au droit de l’axe du barrage, le fond de vallée estlarge d’environ 120 m, le versant de la rive droite présen-te une pente douce et régulière de l’ordre de 4.5 H/1V. Larive gauche a une pente irrégulière voisine de 2.7 H/1V.

HydrologieLe bassin versant de l’oued Moulay Bouchta a une

surface d’environ 64 km2, avec des apports annuels de 25 Mm3/an. L’aire de la retenue au niveau normal est0,68 km2,avec une capacité de retenue de l’ordre de 13 Mm3.Les apports solides annuels sont estimés à 190 000 m3/an.Des mesures visant à réduite l’importance de ces apportssont en cours d’examen.

Les principales caractéristiques hydrologiques sontles suivantes :

module interannuel : 0.84 m3/s (période 1945 à 2002) ;apport moyen annuel : 26 Mm3 ;minimum : 0.08 m3/s (année 1998) ;maximum : 2.36 m3/s (année 1962) ;crues :Période de retour (en ans) 10 50 100 1000 10 000Débit de pointe (m3/s) 300 490 575 865 1200Volume (Mm3) 4.2 6.8 8.0 12.0 16.6

cote de la retenue normale : 372 NGM3

aire de la retenue au niveau normal : 0.682 km2

volume de la retenue normale : 12.25 Mm3

Géologie du site du barrageLe barrage est situé dans le Rif occidental au Nord

du Maroc. La fondation est constituée de flyschs gréso-pélitiques avec une couverture argileuse instable, trèsdéveloppée en rive droite (épaisseur atteignant 20 à 30 m),peu présente en rive gauche (moins de 1 m).

C’est l’altération superficielle du substratum,conju-guée avec la présence de terrains de couverture à fortecomposante argileuse et gorgés d’eau, qui a conduit auxinstabilités importantes de la rive droite, apparues dès ledémarrage des fouilles de l’évacuateur suivant sa concep-tion initiale.

En fond de vallée la couverture est constituée d’alluvions grossières dont l’épaisseur peut atteindre 13m.Les flyschs du substratum sont à prédominance argileuse,comme pour tout le reste de l’environnement du site du barrage. L’armature rocheuse est constituée de bancs degrès disloqués, discontinus et plus ou moins écrasés par latectonique polyphasée qui a affecté cette région au cours

aménagements et géotechnique

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de son histoire géologique. Il en résulte un substratum argilo-gréseux dans différents états mécaniques en profon-deur, relativement rigide et schistosé par endroits, ou écrasé aux passages des failles. En rive droite, la tranche altérée résiduelle,présente sous la masse de glissement,estde l’ordre de 10 m d’épaisseur en général, localement plus.

Les vitesses sismiques mesurées sur ce site sont de300 à 800 m/s dans les zones superficielles des glissements(2 à 10 m),jusqu’à 1 800 m/s dans les zones inférieures de cesglissements, entre 1 800 et 2 800 m/s dans les zones d’al-tération du substratum et de plus 3 600 m/s dans le sub-stratum en place.Cela confirme,s'il en était besoin,le carac-tère particulièrement décomprimé des terrains de couvertureà l'origine de leurs faibles caractéristiques mécaniques.

La nouvelle conception de l’ouvrageReconnaissances complémentaires

Des investigations géologiques (sondages carottés),géophysiques et géotechniques ont permis entre autresde déterminer les courbes de niveau du toit du substratumen rive droite. La figure 3 donne les variations de l’épais-

seur des terrains de couverture et montre notamment lanouvelle implantation de l’axe du barrage au droit de lazone de plus faible épaisseur de la couverture. Aussi bienà l’aval qu’à l’amont, l’épaisseur augmente notablement(couleur rouge) où elle atteint localement les 35 m.

Choix de conceptionLes conditions géologiques du site principalement

en rive droite imposent pratiquement un barrage en remblai. En rive gauche le substratum est partout sub-affleurant. Les vitesses sismiques rappelées ci-dessus,traduisent en effet un terrain côté rive droite à forte défor-mabilité qui ne peut en aucun cas s'accommoder d'unevariante rigide, à moins de la fonder à grande profondeur.En dehors des volumes importants d'excavation et de bétonque cela exigerait,l'instabilité des fouilles côté rive droite res-terait un handicap incontournable pour une telle variante.

La solution la mieux appropriée est donc une digueen remblai à noyau argileux. Elle bénéficie en plus de laremontée locale du substratum côté rive droite (voir figure 3), d’où l’implantation retenue pour le nouvel axe.En ce qui concerne les ouvrages annexes, le seul choix

aménagements et géotechnique

108 Figure 3. Épaisseurs des terrains de couverture selon les résultats des investigations additionnelles. Nord orienté vers le bas. Source : publication au congrèsAfricain 2017 : Hydropower and Dams.

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d'implantation possible est la rive gauche,évitant ainsi toute excavation de gran-de profondeur dans les terrains de cou-verture de l’autre rive.

Une paroi moulée est introduitepour l’étanchéité des alluvions de fond devallée et au pied de la rive droite. Ce choixa été motivé par la volonté d’éviter touteexcavation profonde au pied de la rive droi-te de peur d’y créer des instabilités diffi-ciles, voire même impossibles à contenir.La profondeur de fouilles maximum consi-dérée a été limitée à moins de 10m conservant sous le rem-blai une partie importante du manteau de couverture,mal-gré les tassements dont ils peuvent faire l’objet. Le type debarrage et la hauteur des remblais sont jugés compatiblesavec ces tassements.

La figure 4 ci-après donne une vue 3D du barrageet de ses ouvrages annexes suivant la nouvelle conception.

Conception de la digueLa coupe type de la digue est classique avec un

noyau central argileux relativement mince,encadré par destransitions et des recharges en alluvions. En dehors durip-rap, les matériaux utilisés sont prélevés sur le site, lelong du cours d’eau. Deux importantes bermes ont étéintroduites pour optimiser le volume des recharges touten assurant la stabilité du barrage, une de 22 m à l'amontet une autre de 25 m à l'aval, côté rive droite, compte tenude la qualité de la fondation.

Le profil du barrage (Fig. 5) comporte :un noyau argileux mince symétrique,

un filtre et un drain cheminée chacun de 2,50 m de lar-geur horizontale disposés à l'aval du noyau. À l'amontdu noyau une transition grossière, d'une épaisseur hori-zontale de 4 m.des recharges en alluvions naturelles ;des protections sur les deux parements.

La continuité de l'étanchéité à travers les alluvionsen fond de vallée et au pied de la rive droite,où une trancheimportante des terrains de couverture subsiste, est assu-rée par une paroi moulée en béton souple.

Il convient de noter que la recharge amont est consti-tuée d’alluvions grossières considérées comme matériausemi-perméable.Pour garantir son essorage total à la vidan-ge rapide de la retenue, des drains horizontaux ont étéintroduits à intervalle régulier au-dessus de la cote 355NGM,correspondant au niveau minimal du réservoir.

Les bermes disposées sur les deux parements ontune largeur de 22 m à l’amont et de 25 m à l’aval, côté rivedroite, réduite à 5 m côté rive gauche. Cela se justifie par

la nature de la fondation nettement plusfavorable en rive gauche,s’accommodantd’une pente moyenne plus raide qu’enrive droite. De plus, une tranchée drai-nante de 5 m de profondeur a été réaliséedans cette rive pour y abaisser le niveaude saturation dans l’emprise de la rechar-ge aval et assurer ainsi des conditions destabilité satisfaisantes.

Ouvrages annexesPendant les travaux,l’oued emprun-

te un chenal de dérivation provisoire à cielouvert,implanté au pied de la rive gauche.Ce chenal est dimensionné pour passer ledébit de pointe de la crue de période deretour de 50 années. Il a une longueur de260 m et une pente de 1,5%. Le chenal a

aménagements et géotechnique

109Figure 4. Vue 3D du barrage depuis l'amont rive gauche (Nord vers le bas). Source :publication au congrèsAfricain 2017 : Hydropower and Dams.

Figure 5. Coupe type de la digue. 1A : noyau -2A : filtre - 2C : drain - 1B : alluvions - 3 : transition - A4 : pro-tection aval - 4B :rip-rap - 9 :drain.Source :publication au congrès Africain 2017 :Hydropower and Dams.

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une section trapézoïdale de 12 m de largeur à la base et desbajoyers au fruit de 1.5H/1V côté droit (oued) et de 1H/1V côtérive gauche. Il a été jugé nécessaire de le revêtir sur toute salongueur compte tenu de la vitesse d’écoulement atteignantles 13 m/s au passage de la crue de chantier.

La digue est ainsi réalisée en deux phases, dont lapremière correspond à la réalisation de la paroi moulée etdes remblais côté rive droite et la seconde à la fermeture côtérive gauche, comme cela est schématisé dans la figure 6.

La vidange de fond est conçue en conduite sous-remblai avec une tour de prise et de vannage accessibledepuis la crête à l’aide d’une passerelle à deux travées,cha-cune de 17 m de longueur (voir figure 4).La galerie a une sec-tion rectangulaire de 2,50 m de hauteur et de 2 m de largeuravec des goussets aux 4 coins. La section est agrandie àl’aval de la vanne de réglage du fait de la perturbation del’écoulement dans cette zone et de l’arrivée du conduit d’aé-ration. Le seuil de la vidange est calé à la cote 345,60 NGM,soit environ 10 m au-dessus du fond de l’oued au droit del’axe. Au-dessous de cette cote, le volume stocké est négli-geable et devra être rapidement comblé par les sédiments.La vidange est partout fondée au rocher et comporte destalus extérieurs adoucis dans l’emprise du noyau.

L’évacuateur de crue est conçu en seuil libre calé àla cote 372,00, de forme circulaire, d’une longueur déve-loppée de 25 m. Il permet de laminer la crue de projet d’undébit de pointe de 1 200 m3/s à 915 m3/s sous une charged’environ 7,20 m. La longueur relativement faible du seuilse justifie par l'espace très réduit disponible pour l'im-

plantation de l'évacuateur. Le coursier d’une largeur de10m a un tracé rectiligne et se termine par un élargisse-ment et une cuillère équipée de redents visant à disper-ser le jet. La mise au point des formes hydrauliques del’évacuateur et de la cuillère de la vidange de fond a faitl’objet d’une étude sur modèle réduit hydraulique.

Paroi mouléeLa paroi moulée dont la justification est détaillée

dans ce qui précède,est en béton souple capable de s’adap-ter aux déformations de la fondation sans se fissurer. Pourlui assurer un ancrage suffisant dans le noyau, avec ungradient hydraulique inférieur à 4, la paroi remonte dansle noyau de 4 m. Elle a une épaisseur de 1,20 m largementsuffisante pour les charges en présence.

Elle est réalisée à partir d’une plateforme à la cote337,00 obtenue moyennant 5 m de remblai argileux dela nuance la plus plastique destinée à la réalisation dunoyau, de sorte à obtenir les 4 m d’ancrage exigés, aprèsrecépage du mètre supérieur juste avant d’engager lamise en œuvre en grand des remblais susjacents. La paroia une profondeur maximale voisine de 20 m et une longueur de 156 m. Elle est ancrée dans le substratum de1,20 m minimum. Une injection de liaison paroi substra-tum est réalisée par forages.

La mise au point de la composition du béton souplea nécessité de nombreux essais visant à lui conférer lesparamètres spécifiés, à savoir une perméabilité inférieu-re à 10-9m/s et un module d’Young à 90 jours entre 300 et700 MPa dans un domaine de déformation inférieur à0,5%. La résistance mécanique à la compression arrêtéeaprès l’exécution des essais d’étude a été fixée à 1 MPa.

Déroulement des travauxDès la mise au point du nouveau projet, les tra-

vaux ont repris et se sont déroulés dans d’excellentesconditions. Pratiquement aucun incident majeur n’a eulieu. De nombreux glissements de faible extension se sontproduits en rive gauche, là où le substratum est très alté-ré, comme cela est illustré par la photo 1.

Côté rive droite où les craintes étaient bien réelles,aucune instabilité n’a eu lieu,grâce notamment au phasaged’exécution adopté. Celui-ci consistait à réaliser dans unpremier temps une tranchée étroite à la pelle,visant à drai-ner le terrain et à vérifier si les conditions réelles sont bienconformes aux prévisions.La tranchée a ensuite été élargieaux dimensions finales des fouilles en plan. Une nouvelletranchée étroite est ensuite réalisée dans le prolongementde la première et ainsi de suite. Les photos 2 ci-après mon-trent une des nombreuses surfaces de glissement relevées

aménagements et géotechnique

110Figure 6. Phasage d'exécution des remblais : vue en plan en haut (Nord versle haut) ; vue en coupe en bas. Source : publication au congrès Africain 2017 :Hydropower and Dams.

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sur les talus. Elles n’ont fort heureusement pas eu d’inci-dence sur les travaux car elles étaient parallèles au versantet avaient une composante pratiquement horizontale sui-vant les talus de fouilles de la tranchée d’ancrage du noyau.De plus, elles avaient préalablement été bien drainées.

Mis à part le contrat spécifique concernant la paroimoulée, tous les autres travaux ont été menés dans lecadre du contrat relatif à la première conception. Ils ont étéachevés en 2014. Les adaptations du projet ont finale-ment abouti à un ouvrage répondant parfaitement à l’usage auquel il était destiné avec la même capacité destockage, tout en s’inscrivant dans le budget prévu initialement. La date d’achèvement a connu une année deretard, ce qui est tout à fait normal compte tenu de l’ar-rêt des travaux durant plus de 6 mois et de l’introductionde la paroi moulée dans le projet.

Bilan généralLe barrage Moulay Bouchta est situé dans un

aménagements et géotechnique

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Photo 1. Exemple d'instabilité survenue en rive gauche. Source : cliché desauteurs.

Photos 2. A (à droite) et 2B (à gauche) :Surface de glissement identifiée dans les talus de fouilles de la tranchée du noyau en rive droite. Source :clichés des auteurs.

contexte géologique et géotechnique difficile, marquépar la présence de flyschs à forte composante argileuse,notamment en rive droite. L’insuffisance des reconnais-sances effectuées à l’avant-projet est la principale causedes problèmes rencontrés au démarrage des travaux.

Les décisions prises, suite à l’apparition de mouve-ments de terrain concernant l’ensemble du versant rivedroite, se sont révélées payantes. Il s’agit de l’arrêt des tra-vaux en cours, de la reconstitution à l’origine du versant,et de la revue de la conception du barrage et de sesouvrages annexes, basée sur de nouvelles investigationsgéologiques et géotechniques. Il a ainsi été possible demieux adapter le projet aux conditions particulières du sitetout en préservant la même capacité de stockage et en semaintenant dans le budget initial.

La relation de partenariat développée entre les parties,à l’occasion de leurs nombreuses collaborations sur d’autres pro-jets,a été le facteur principal derrière la réussite de ce projet.

Le barrage et ses ouvrages annexes ont eu un com-portement très satisfaisant depuis la mise en eau inter-venue à la fin de l’année 2013. Aucun signe d’instabilité desappuis ou de la digue n’a été observé. La paroi moulée estd’une efficacité remarquable, attestée par les mesures depression interstitielle : à l’amont la pression est pratique-ment confondue avec la charge de la retenue et en suitfidèlement les variations, alors qu’à l’aval, elle est faible etstable, voisine de la cote de pose des cellules.

RemerciementsCe travail est une adaptation faite par les auteurs

d’une publication au Congrès « Africa 2017, Hydropower &Dams, Marrakech, March 2017 ».

Les auteurs tiennent à remercier la Direction desAménagements Hydrauliques du Royaume du Maroc qui lesa autorisés à publier cet article.

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1. Académie Hassan II des Sciences et Techniques, Maroc. Courriel : [email protected]. Institut für Geologie und Paläontologie, Münster, Allemagne. Courriel : [email protected]. Institut für Geologie und Paläontologie, Münster, Allemagne. Courriel : [email protected]. Université Mohammed V de Rabat, Maroc. Courriel : [email protected]. Université Sidi Mohamed Ben Abdellah de Fès, Maroc. Courriel : [email protected]

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IntroductionLa notion de patrimoine géologique dérive de la

notion de patrimoine naturel qui reconnaît que des élé-ments de la nature font partie des biens communs, tels queles richesses géologiques, minéralogiques et paléontolo-giques. En tant que patrimoine naturel, le patrimoine géo-logique doit être considéré comme un bien commun d’unecollectivité, d’un groupe d’hommes, de l’humanité, et com-me un héritage transmis par les ancêtres.

La géologie marocaine présente des affleurementsreconnus mondialement parmi les meilleurs et les pluscomplets sur une très longue période de temps géolo-gique. Cependant, les richesse/ressources naturelles, dontdispose le pays, subissent une détérioration irréversible :fossiles et minéraux faisant l’objet actuellement de pilla-ge, d’exploitation abusive, de vente et d’exportation. Lesmesures réglementaires sont elles suffisantes pour saprotection, sa valorisation et sa préservation ? Ou biens’agit-il d’un système intégré où interviennent divers fac-teurs humains à différents niveaux ? Il s’agit là d’une pro-blématique complexe nécessitant, de notre part, d’émettreun avis scientifique pour faire connaître ce patrimoine, levaloriser et surtout le protéger pour que le Maroc demeu-re une référence mondiale en géologie.

La présente note s’intéressera aux merveilleuses suc-cessions de couches géologiques dévoniennes de la régiondu Tafilalt (Anti Atlas oriental) et représente une contribu-tion qui veut encourager la préparation d’un inventairenational des espaces géologiques (autre que dévoniens) etdes espèces (minérales et fossiles) nécessitant une conser-vation ou une gestion rationnelle. Cet inventaire, en plusdes mesures réglementaires susmentionnées,comblera unegrande lacune qui persiste dans le Plan Directeur des AiresProtégées du Maroc, récemment établi à l’initiative de l’Administration Forestière Marocaine.

Contexte et intérêt pour la sauvegardedu patrimoine géologique

Pour donner envie de protéger, il faut d’abord fai-re connaître le patrimoine. Le Maroc, comme on peut le liresur les cartes géologiques, est parmi les pays qui couvrentde manière la plus complète, l’histoire géologique du

globe (de l’Archéen, 3 Ga, au Quaternaire). Il présente, à cetitre, un intérêt majeur pour la communauté scientifiqueinternationale, ce qui lui vaut d’être régulièrement visitépar un grand nombre de géologues des cinq continents.

En plus de la grande diversité des terrains géolo-giques, plusieurs stratotypes et groupes de fossiles repré-sentatifs à l’échelle planétaire, ont été identifiés au Maroc.

Le Maroc présente également plusieurs curiosités(paysages) géologiques rares de par le monde (exemple :les mud-mounds Dévoniens de Hamar Lakhdad dans leTafilalet, les péridotites de Beni Bousera dans le Rif inter-ne, les nombreuses grottes, …).

Ces richesses restent de nos jours, méconnues par lamajorité des marocains,y compris les gestionnaires des espacesnaturels, voire la communauté scientifique non spécialisée.Ceci incite à des études de type « inventaire » auxquelles lesgéologues se livrent rarement, mais qui ont un rôle fonda-mental dans la sensibilisation du public à la sauvegarde, à lavalorisation et à l’utilisation rationnelle de ce patrimoine.

Il résulte de cette ignorance, une faible sensibili-sation à l’échelle nationale envers la conservation et/ou lavalorisation respectueuse des « sites patrimoniaux ».

Présentation de quelques exemplesdu patrimoine géologique marocain :le Dévonien du Tafilalt

Les coupes du Dévonien de l’Anti Atlas sont parmiles meilleures au monde, car elles permettent de suivre,sans interruption notable, les affleurements sur plusieurskilomètres. Leur étude tardive les a malheureusementexclues d’être élues « stratotypes » et l’on ne se réfèrequ’à une seule coupe adoptée par la Subcommission deStratigraphie du Dévonien (SDS) ; celle de Mech Irdanepour la limite Eifélien-Givétien (Walliser et al., 1995).

Mech IrdaneLe jbel portant le même nom, englobe le GSSP (Glo-

bal Stratotype Section and Point) après recommandationde la SDS en séminaire (1991) puis ratification par IUGS en1994 (Walliser et al., 1995). Le jbel Mech Irdane est unestructure synclinale située dans la partie SE du Tafilalt à12 km au SW de la ville de Rissani. Comme partout ailleurs

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Patrimoine géologique marocain et développement durable :l’exemple du Dévonien du Tafilalt, Anti-Atlas orientalAhmed El Hassani1, Sarah Aboussalam2, Thomas Becker3, Mohamed El Wartiti4 et Farah El Hassani5.

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6. Niveau calcaire à très nombreuses Terebratula pumilio.

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dans le Tafilalt, la coupe peut être entamée dès les niveauxcalcaires à Scyphocrinites, caractérisant, dans l’Anti Atlas,la limite Silurien - Dévonien (Photo 1).

La partie Dévonien inférieur est très bien repré-sentée et riche en fossiles (Goniatites notamment) : les cal-caires à Mimagoniantites avec le groupe des Anetoceras,dont Nowakia cancellata, apparaît dans la transition calcaires-schistes noirs du Dalejien.

Au jbel Mech Irdane, les calcaires eiféliens sont trèsfossilifère, avec d’abondants trilobites, des pélécypodes dugroupe « Panenka », des orthocône céphalopodes et desgoniatites, en particulier Subanarcestes et Cabrieroceras,mais aussi Werneroceras, Fidélites, Agoniatites.

La limite Eifélien-Givétien est située au niveau dubanc 117, limite attestée aussi bien par des méthodespaléontologiques (Walliser et al., 1995) que magnéto-stra-tigraphiques (Ellwood et al., 2011).

Le Givétien montre une large séquence de calcairesnoduleux et lamellaires avec deux niveaux de pumilio6

(provoquées par les tsunamis) situés à la base et dans la

partie centrale de la zone varcus,et avec la séquence de cal-caires fins noduleux, caractéristiques de la partie supé-rieure comprenant les genres Maenioceras, notamment leM. terebratum et Pharciceras amplexum. Les calcaires àPharciceras, qui coïncident avec l'ancienne zone à lunuli-costa du Dévonien supérieur, sont absents dans cette cou-pe. Au dessus de cette lacune, affleurent les calcaires àManticoceras dans un faciès crinoïdique.

Quelques exemples d’affleurements à intérêts scientifique et géo-touristiques

On ne peut pas parler du Tafilalt sans avoir enmémoire les merveilleux affleurements dévoniens et leurrichesse en fossiles qui font le trésor des bazars et le bon-heur des visiteurs/collectionneurs.Vu l’énorme variété etla richesse des coupes géologiques, nous ne donnons icique quelques exemples de ce riche patrimoine naturelmarocain, telles les séries stratigraphiques du jbel Boutchrafine, du jbel Amelane et de Ouidane Chebbi à la frontière avec l’Algérie et les mud-mounds de HamarLakhdad (Photos 2 à 5).

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Photo 1. Le Jbel Mech Irdane, son stratotype et ses événements géolo-giques (Photo : El Hassani). Photo 2. La série dévonienne au Jbel Amelane. (Photo : El Hassani).

Photo 3. La série siluro-dévono-carbonifère du Jbel Bou Tchrafine (Photo : El Hassani).

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7. Une des cinq extinctions massive de l’histoire de la Terre à la fin du Dévonien.

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L’analyse de la coupe géologique du Jbel Amelane(voir Photo 2), située à 25 km au SO d’Erfoud, très facile-ment accessible par la route goudronnée allant à Msissiet Alnif, permet de suivre une série complète depuis lafin du Silurien jusqu’au Famennien où l’on observe (aubord de la route goudronnée) de longs orthocères et desgoniatites de grandes tailles qu’on retrouve dans les bazarsdu Tafilalt (tables d’Erfoud : Photo 6). Cette coupe pré-sente plusieurs curiosités géologiques, mais l’évènementKellwasser (KW event)7 reste le plus important dans larégion par ses deux niveaux inférieur et supérieur.

Le jbel Bou Tchrafine (voir Photo 3) et le jbel Ame-lane sont des témoins d’une période géologique complè-te pour tout le Dévonien, ce qui leur vaut d’être visitéspar de nombreuses équipes de géologues de divers pays.

Les affleurements situés dans la partie orientale duTafilalt, à Ouidane Chebbi (voir Photo 4), montrent éga-lement une coupe complète du Dévonien avec le passageau Tournaisien (Carbonifère). Les terrains crétacés et néo-gènes de la Hamada du Guir sont en discordance angulairesur le Paléozoïque.

L’une des curiosités géologiques majeures du patri-moine litho-stratigraphique marocain reste manifestementles monticules dévoniens de Hamar Lakhdad dans le Tafila-let, à l’Est d’Erfoud (voir Photos 5) qui sont visités chaqueannée tant par les scientifiques que par les touristes.

Ces structures, assez particulières, ont été décritesdès le début du siècle dernier par Nicolas Menchikoff, géo-logue pétrolier franco-russe, comme une accumulationd’origine récifale (Roch, 1934), divers termes ayant été utilisés par la suite par nombre d’auteurs :

protubérances ou bulles pleines (Roch, 1934) ;curieux pitons récifaux (Massa et al., 1965) ;formations récifales du Dévonien inférieur (Hollard,1963) ;récifs du Dévonien inférieur (Hollard, 1974, Michard,1976) ;mud mounds (Gendrot, 1974 ; Brachert et al., 1992, Hüss-ner, 1994, Belka, 1998) ;buildups, reef-mounds ou mud mounds (Tönebohn,1991) ;venues hydrothermales localisées au droit du massifmagmatique de Hmar Lakhdad (Mounji et al., 1996,Belka, 1998) ;monticules de boue (Belka et al., 2015).

Il s’agit en fait d’accumulations de carbonate duDévonien,affleurant dans la partie est de l'Anti-Atlas (Tafi-lalt), connues sous le nom des monticules « Kess-Kess »,

nom que l’on donne localement au couscoussier tradi-tionnel qui décrit parfaitement la morphologie de ces édi-fices :conique, à base subcirculaire et sommet pointu pourla majorité d’entre eux. Ils sont au nombre de 46,étalés sur7km en direction E-W et dont la hauteur est comprise entre3 et 45 m avec des pentes variables de 15 à 60°, mais géné-ralement plus fortes vers le Nord.

Ces structures constituent un exemple classiquede monticules de boue en eau profonde (démontré parl’absence d’algues vertes) liés à l’hydrothermalisme. Ellesont été créées par des éruptions volcaniques sous-marinesau Dévonien inférieur. Ces infiltrations hydrothermalesont persisté pendant une longue période, depuis la fin duPraguien jusqu’au début du Frasnien. La réactivation desprocessus magmatiques vers la fin de l’Emsien a permisla formation de structure en dômes du complexe volca-nique, recouvrant des strates sédimentaires, et en consé-quence création d’un réseau de failles. Ces failles serventalors de conduits pour les fluides chauds qui migrent surle fond marin. Les données géochimiques suggèrent queles carbonates des monticules de boue se sont forméspar un mélange de fluides hydrothermaux et l'eau de mer(Belka et al., 2015).

L'un des traits caractéristiques de ces monticulesde boue est la présence d'un grand nombre de cavités quisont des fragments de plus grands espaces libres. À l'ori-gine, ils constituent un système complexe de fissures, decheminées et d’espaces ouverts remplis de sédimentslaminés micritiques à grains fins et à ciments de calcite.Bien que les phases de leur formation ne correspondequ’à une courte période (une seule zone de conodontes),ces monticules sont restés un lieu d'activité animale inten-se. En effet, les parties supérieures de ces structures,offrantune meilleure circulation des eaux, ont été colonisées pardes communautés diverses de Coraux tabulés, de Bivalves,de Crinoïdes,et de Brachiopodes. Les cavités et les fissures,

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114Photo 4. Le passage Dévonien-Carbonifère à Ouidane Chebbi (partie estdu Tafilalt) (Photo : El Hassani).

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anciennes voies de migration de fluides, sont devenues lelieu de développement du biotope,avant d’être remplies pardes sédiments. En outre, ces cavités ont été visitées pério-diquement par des centaines de trilobites (Scutellum,Harpes) qu’on retrouve actuellement à l’état fossile.

Cet environnement fait de cette région un lieu excep-tionnel dans le monde,méritant d’être conservé et protégé.

La protection de ce patrimoine géologique doit être envisagée

D’abord sur site La création de réserves naturelles ou géo-parcs,

permettra d’interdire la collecte d’échantillons à des finsautres que scientifiques, de valoriser des sites géologiquespar la création d’itinéraires guidés (qu’on peut tirer desexcellents documents des Notes et Mémoires du ServiceGéologique du Maroc), et la réalisation de panneaux expli-catifs à fixer sur les géo-sites, en organisant des confé-rences grand public, en confectionnant et en mettant envente des moulages (à buts éducatif et économique),et enréalisant des films documentaires.

Et hors siteLes collections des musées peuvent servir à

l’éducation relative à la conservation du patrimoine envi-ronnemental (au niveau des écoles) en permettant deconserver une partie de ce patrimoine. Mais, dans l’étatactuel, au vu de la rareté des musées, des magasins(bazars) se sont développés un peu partout au Maroc,particulièrement dans la région du Tafilalt (Erfoud,Rissani, Alnif, Ouarzazate, …). Ces édifices offrent de jolisspécimens mis à la vente, bien qu’une bonne partie aitété façonnée d’une manière peu conventionnelle (voirphoto 6, à droite).

Cependant, dans le Tafilalt, de petits musées ontété également élaborés par des particuliers : on peut yadmirer tant la richesse de la région que celles d’autresrégions grâce à l’exposition de pièces rares, de valeursscientifiques inestimables telles des copies de dino-saures, de reptiles et de poissons du plateau des phos-phates (de Khouribga) ou des météorites de tailles ettypes différents. L’un des plus importants se situe aucœur d’une des principales palmeraies entre Erfoud etRissani dans une bâtisse traditionnelle montrant, à l’extérieur, une emblématique copie de dinosaure. Cemusée comprend une partie exposition et une partiemagasin de vente. Les espèces rares sont jalousementgardées. Son objectif est de vulgariser ce type de pro-duits en le rapprochant d’un public large et diversifié(écoliers, touristes, scientifiques).

Dans le Tafilalt, le commerce des fossiles est unesource de revenu pérenne appréciable pour bon nombrede familles et permet d’attirer des touristes (dont desscientifiques). La mise au jour de la réalisation de piècesmises en vente nécessitent un travail acharné par deséquipes de spécialistes (de fortune), pendant plusieursjours, voire plusieurs semaines, pour dégager un trilobite,un crinoïde ou une goniatite.

Cette richesse en fossiles et minéraux est menacéede surexploitation ; seul prime ici, en effet, le prix de ven-te alors que la valeur scientifique est trop souvent laisséede côté. Et pourtant, le Tafilalt figure dans le réseau mon-dial des réserves de biosphère de l’UNESCO ! Il s’inscrit doncdans la convention de 1970 concernant les mesures àprendre pour interdire et empêcher l'importation, l'ex-portation et le transfert illicites de biens culturels qui citedans son article premier (paragraphe a) les fossiles com-me biens naturels à protéger. Cette convention a été rati-fiée par le Maroc en février 2003, mais pour le moment,aucune action sérieuse pour la protection de ce patri-moine n’est visible.

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Photo 5. Vue générale des mud-mounds (au nombre de 48) dévoniens deHamar lakhdad (kess-kess) et différents aspects de ces mud-mounds en 3Det en coupes (Photo : El Hassani).

Photo 6. Exposition de fossiles dans un Bazar à Erfoud (Photo : El Hassani).

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Mesures de protection du patrimoine naturel

Pour mieux protéger, il faudrait donc envisager desmesures et des lois pour la conservation et l’utilisation ration-nelle des ressources géologiques. Ceci passe par l’établisse-ment d’un inventaire national, sous forme de base de don-nées, des sites géologiques à valeur patrimoniale etégalement, la nécessité d’établir des sites web traitant etfaisant connaître le patrimoine géologique du Maroc. Cessites devraient comprendre toutes les propositions de lois etdes mesures prises par l’administration en charge de cettetâche (Ministère de la Culture, Ministère de l’Énergie et desMines) pour une meilleure gestion de ces ressources.

De telles initiatives nécessitent des mesures régle-mentaires et incitatives dont certaines sont déjà prises parle Ministère de l’Énergie et des Mines. Celui-ci a lancé uneétude pour l’établissement de mesures réglementairespour remédier à la disparition progressive du patrimoinegéologique national (par l’établissement de listes de fos-siles, minéraux et sites à protéger). Le Plan Directeur desAires Protégées, établi par le Haut Commissariat aux Eauxet Forêts et à la Lutte contre la Désertification, qui a iden-tifié un large réseau de SIBE (Sites d’Intérêt Biologique etEcologique) évoque, de temps en temps, les valeurs géo-logiques comme contribuant à la connaissance, la préser-vation et la protection de ce patrimoine.

Les mesures urgentes se résumentcomme suit :

réaliser un inventaire national pour combler cette lacune etcompléter le travail élaboré par l’administration forestière ;veiller à l’application des mesures établies par le Minis-tère de l’Énergie et des Mines et par le dahir (loi) de2002 relatifs à l’exploitation des carrières, en collabo-ration avec Ministère de l’Équipement ;mettre l’accent sur les moyens d’exploitation durable desressources et sur les mises en valeur conservatrices deces ressources.

Des partenariats avec les institutions éducatives(ou de recherche) sont à encourager dans le cadre de pro-jets intégrés pouvant impliquer les universités (Facultésdes Sciences), les AREF (Académies Régionales de l’Édu-cation et de la Formation), le Ministère de l’Énergie et desMines (Patrimoine Géologique), les Autorités et Collecti-vités locales, les Sociétés savantes et la Société civile. Tousdoivent se rendre compte qu’il s’agit d’un patrimoine dontl’exploitation abusive est irréversible et dont l’utilisationrationnelle est devenue aujourd’hui plus que nécessaire.

De telles initiatives permettront la description dessites et de leur richesse par la cartographie, par système d’information géographique (SIG) et aussi par l’élaborationde programmes d’inventaires et de documentation scienti-fique. Elle permet également la vulgarisation des connais-sances et sa médiatisation grâce à l’organisation de col-loques,de séminaires thématiques et de rencontres avec lesélus et les populations locales.

Cela entraînera, sans nul doute, des impacts et desretombées :

scientifiques : contribution à l’avancement des connais-sances sur le patrimoine géologique marocain et à saconservation en tant que valeur scientifique interna-tionale en facilitant l’accès aux données « patrimoniales »via la base de données et le site Web.socio-économiques : contribution à une exploitation durabledes ressources géologiques à caractère patrimonial duMaroc,tout en proposant de nouvelles formes de mise enexploitation à valeurs éducatives et touristiques.

Ces retombées permettront aussi la participationau développement durable par la création d’activités etd'emploi rémunérés autour des géo-sites.

ConclusionsL’étude du patrimoine géologique marocain nous

permet de constater que l’histoire de la Terre et l’histoire dela vie sur terre sont marquées par plusieurs épisodes enre-gistrés dans les couches stratigraphiques et leurs conte-nus en minéraux et fossiles. Elle nous apprend et confirmeen même temps, que les constituants de la Terre bougent(plaques tectoniques),que les climats et le niveau des merschangent sans cesse, que la flore et la faune évoluentconstamment et que l’on s’achemine très probablementvers la sixième extinction. Celle-ci, à la différence des cinqprécédentes, serait complètement due à la présence del’homme et à l’impact de ses actions sur les écosystèmes,dont le plus grave reste le réchauffement climatique qui pro-voquerait l’élévation du niveau de la mer par suite de lafonte des glaces de l’Arctique et de l’Antarctique.

Il est donc du devoir des hommes de science et dessociétés savantes d’informer les responsables et les déci-deurs de ce que nous savons de l’état de la planète Terre.Dansce contexte, la connaissance du patrimoine géologiquemarocain et sa conservation sont des valeurs scientifiquesinternationales inestimables qu’il faut préserver à tout prix.Le futur musée national d’archéologie et des sciences de la Ter-re, à Rabat, est, en ce sens, une excellente idée qu’il faudraitdémultiplier dans la majorité des régions du Maroc, avecprobablement, une spécificité associée à chaque région.

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1. Université Mohammed V de Rabat, Maroc. Courriel : [email protected]. Université Mohammed V de Rabat et Académie Hassan II des Sciences et Techniques du Maroc. Courriel : [email protected]

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PréambuleDans la Nature, au fil des siècles, l’Homme a puisé

pour ses besoins de survie et son développement. Actuel-lement,dans la trilogie Nature – développement durable –environnement,on se doit de tracer des limites rouges,carune dégradation irréversible, due à une exploitation irrai-sonnée, a été constatée. Peut-on agir à travers des mes-sages scientifiques explicites et ciblés pour remédier à cesdégâts, en montrant l’importance de la géologie au publicc’est-à-dire en la rendant populaire tout en la préservant ?

Introduction : Patrimoine géologiqueLe massif hercynien du Maroc central est le plus

gros noyau paléozoïque des hercynides marocaines. Il estcirconscrit dans une couverture méso-cénozoïque, repo-sent sur un socle cratonique précambrien similaire à celuide l'Anti-Atlas. Les seuls vestiges à l'affleurement de cecraton sont : le granite de Taïcha(situé au SW de Tiflet), legranite de Goâïda, ainsi que les rhyolites et les andésitesde Bou Acila dans le Maroc central orien-tal (Fig. 1).

Les principales unités structuralesde ce massif ont été rapprochées au coursde l’orogenèse hercynienne.Elles sont limi-tées par des failles et/ou des cisaillements.On distingue de l’Ouest vers l’Est :

le Bloc côtier : Cambrien à Dévonien ;la zone de cisaillement de la Mesetaoccidentale appelée également zonede l'Oued Cherrat ;le Bloc calédonien des Sehoul ;la zone de Rabat-Tiflet : Ordovicien àViséen ;le bassin de Sidi Bettache : Dévoniensupérieur à Carbonifère ;la zone de chevauchement Tsili-Tafoudeit ;l’unité de Khouribga-Oulmès : Ordovi-cien inférieur à Carbonifère ;la zone de faille Smaala-Oulmes ;

l’unité de Fourhal-Telt : Carbonifère ;le bassin carbonifère d'Azrou-Khénifra, à nombreusesunités allochtones.

Associé aux unités de ce massif central, on trouveun large spectre de minéralisations génétiquement biendifférenciées ayant fait l'objet d'exploitation : étain, tung-stène, or, plomb, zinc, cuivre, argent, fluorine, barytine,antimoine, etc...

Cette période géologique très favorable aux miné-ralisations,renferme aussi des gisements fossilifères de paléo-botanique, à la fois assez fréquents géographiquementmais aussi exceptionnels en termes de biodiversité, témoi-gnant du positionnement du territoire marocain dans uneceinture paléoclimatique tropicale. Sa valorisation et saprotection sont particulièrement légitimes, puisqu'il estavéré que les assises argileuses contenant ces végétauxfossiles sont en cours de disparition :exploitation pour usa-ge de briqueteries,de céramique,de poterie,de matériauxde construction, d'aménagement urbain, etc...

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Les marqueurs permiens comme patrimoine géologique à promouvoir et à protéger dans le massif hercynien du Maroc centralMohammed El Wartiti1, Mohamed Zahraoui1 et Ahmed El Hassani2.

118 Figure 1. Carte géologique du Massif Central Hercynien (source : rapport inédit ONHYM, Bled Jmeâ-Moulay Bou Azza, 2002).

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Géodynamique et traitsprincipaux du Permien

L’époque permienne est marquéepar la création de bassins intra-monta-gneux comblés par d'épaisses séries volcano-sédimentaires (Fig.2) ;elle est res-ponsable de l’essentielle de l’architectu-re actuelle du Maroc central. En effet, lachaîne varisque qui vient d'être créée,estinjectée d'importantes masses magma-tiques qui remontent plus ou moins haut,au cœur de la chaîne en la réchauffant. Ils’en est suivi un découpage en plusieursblocs à géométrie différenciée, limités pardes failles profondes qui servent de drainsà une importante circulation de fluideshydrothermaux chargés en éléments poly-métalliques,et qui finissent par précipiterdans plusieurs paragenèses de forte,moyenne et faible température.

La reconstitution géodynamiquede l'époque tardi-hercynienne est souvent problématique,dans la mesure où le magmatisme, calco-alcalin à alcalin,est considéré comme un marqueur de cet épisode de l'his-toire varisque au Maroc. L'origine de ce magmatisme oro-génique est interprétée dans un modèle qui fait interve-nir le découpage de la croûte continentale par de grandesdéchirures crustales cisaillantes permettant la genèse dece magmatisme (Boushaba et al., 1987 ; El Wartiti,1990).

Le premier cycle du magmatisme basique est unmarqueur de la distension viséo-namurienne.Le deuxièmecycle est calco-alcalin à alcalin, d'âge permien et terminel'histoire hercynienne du Maroc. Ce n'est qu'au Trias supé-rieur qu'auront lieu d'autres manifestations basiques, detype tholeïtique, annonciatrices du rifting atlantique.

Géologie des bassins permiensL'objectif de cette note sur l'étude du Permien conti-

nental du Maroc est d’actualiser les connaissances acquisesà la lumière des nombreuses et récentes découvertes d'élé-ments de datation. Ces nouveaux résultats se répartissenten trois catégories principales (El Wartiti, 1981 ; 1990) :

la première résume l'évolution verticale et latérale de lasédimentation continentale en relation avec les varia-tions paléo-climatiques et tectoniques ;la deuxième regroupe les données paléontologiquesqui sont intimement liées à des étages bioclimatiquesbien déterminés ;la dernière retrace l'évolution géodynamique (tecto-

nique et volcanisme associé) de chacun des bassinsdans un contexte régional.

Au Maroc, les dépôts permiens sont continentauxet reposent en discordance angulaire sur un substratumcambrien à carbonifère structuré par la phase asturienne.Selon les bassins, ils sont surmontés, à leur tour, en dis-cordance angulaire,par les dépôts du Trias supérieur ou pardes terrains plus récents.

L'étude litho-stratigraphique ainsi que l'analyseséquentielle et sédimentologique effectuée dans chacundes bassins permiens de la Meseta occidentale, montrentdes ressemblances et des différences dans leur mode deremplissage et leur évolution géodynamique.

Les produits rouges, souvent carbonatés, dominent.Ils sont toujours continentaux, à dominante détritique ets'organisent en séquences, le plus souvent positives, deconglomérats-grès-argile.Des cônes alluviaux de piedmontou des coulées boueuses, apparaissent au début de la sédi-mentation ou sur les bordures.Au centre,les produits fins deplaines d'inondation dominent ; ils sont localement asso-ciés à des carbonates lacustres (calcaires à ostracodes deMechraâ Ben Abbou), à des dépôts palustres (Freytet etal.,1992),et à des horizons pédogénétiques (Tiddas-Khénifra-Chougrane),parfois à des niveaux charbonneux et à cinéritesde décantation (Bou Achouch).La sédimentation fluviatile estlargement représentée dans la plupart des bassins par descours d'eau en tresse (Tiddas,Khénifra,Chougrane,MechraâBen Abbou),qui véhiculent le matériel arraché aux reliefs,sou-

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Figure 2. Litho-stratigraphie du Permien du Maroc (source : El Wartiti, 1990).

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vent proches,vers le centre des bassins.Les variations d'épais-seur et de faciès sont brusques, la subsidence soulignée parla succession de petites séquences,montrent que les bassinssont alimentés en majorité par le substratum (Cambrien àCarbonifère) environnant,alors en relief :mais localement lematériel provenant des plutons granitiques et de leur auréo-le métamorphique participe aussi à ce comblement carac-téristique de la fin de l’orogénèse hercynienne.

La présence de niveaux lacustres à ostracodes et denappes phréatiques oscillantes (marmorisation),l'abondancedes dépôts fluviatiles et l'existence d'empreintes de gouttesde pluie et de restes végétaux,montrent que le climat n'étaitpas aride, mais sans doute en ceinture équatoriale, avecpériodes humides et sèches plus ou moins longues.

L'ouverture des bassins permiens est toujours accom-pagnée de manifestations volcaniques sous forme d'appa-reils greffés sur des failles profondes.Les bassins étudiés ontconnu des distensions selon des directions NNO-SSE à NO-SE. Ces dernières sont mises en évidence par l'existence defailles syn-sédimentaires observées dans tous les bassins. Denombreux marqueurs mettent en évidence l'enfouissementdes bassins avec plusieurs épisodes de comblement. Il fautnoter la présence de failles syn-sédimentaires et de discor-

dances progressives,d’épaississements de séries vers le centre,la présence de petits horsts et grabens, etc.

La subsidence est également accentuée par uneactivité permanente des failles bordières en transtensionavec une composante verticale qui rajeunit les reliefs nour-riciers. Les limites des différents bassins permiens sonttoujours des contacts anormaux subrectilignes (Khénifra,Chougrane, Mechraâ Ben Abbou, Tiddas et Bouterhella) ;les marqueurs tectoniques observés dans le substratum àproximité des bordures de bassin indiquent un jeu coulis-sant dextre pour tous les bassins tardi-hercyniens.

Nous savons actuellement que les dernières phasesvarisques de raccourcissement entre l'Amérique du Nord,l'Afrique et l'Europe du SO ont induit la surrection d'unechaîne de montagnes, qui est en partie permienne (pha-se alléghanienne) dans les Appalaches du Sud. Il s’ensuitune tectonique tardive essentiellement décrochante(grands linéaments transformant E-O) correspondant vrai-semblablement à la réponse de cette hypercollision conti-nentale. C'est dans ce contexte compressif global qu'on ver-rait s'ouvrir des bassins permiens intracontinentaux desrégions péri-atlantiques dans un contexte géodynamiquede transpression-transtension.

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120Figure 3. Position géographique du bassin permien de Khénifra et sa stratigraphie (source : El Wartiti, 1990).a- Colonne stratigraphique du Permien dans le compartiment méridional du bassin de Khénifra.b- Carte géologique simplifiée du bassin Permien de Khénifra.

a b

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PaléontologieL’étude paléobotanique des gisements fossilifères

végétaux (El Wartiti et al., 1986,1987,1990,Aassoumi,1994,2007, Aassoumi et al., 1992, 1995) nous a servi d'outil pour,d'abord, dater avec précision les formations continentales du Permien du Maroc,et ensuite,avec les données structu-rales,replacer le Maroc dans un modèle géodynamique.Cesont les gisements de Bou Achouch, de Tiddas et Khénifra,de Chougrane et de Bouterhella qui ont livré de 1986 à 2000le plus de données nouvelles ; tous les végétaux fossiles,replacés dans leur contexte sédimentaire, ont permis derapporter le Permien du Maroc central à de l'Autunien etcela sans ambiguïté. Les ostracodes d'eau douce extraitsdes calcaires lacustres de Méchraâ Ben Abbou ont donné unâge permien inférieur. Les bassins de Bou Achouch, Boute-rhella,Tiddas et Khénifra se ressemblent tellement,que l'onpourrait faire d'eux un seul et grand bassin, ou des bassinstrès proches l'un de l'autre au sein du Massif central quivenait d'être édifié. Il est essentiel de faire ressortir qu'à cet-te époque, ces associations végétales sont clairement eur-américaines et appartiennent donc au domaine laurasien.Lepaléoclimat était celui d'une ceinture équatoriale. Lesempreintes de pattes de Vertébrés, les toutes premièresdécouvertes dans le Permien inférieur du Maroc (bassin deTiddas ;El Wartiti et al., 1986),se rapprochent exclusivementdes formes de la province euraméricaine.

Les données paléobotaniques constituent un paramètre essentiel pour les reconstitutions phytogéo-graphiques et paléogéographiques du domaine médi-terranéen occidental. Ceci d'autant plus que ces florescontinentales se sont développées dans des conditionstrès similaires aux flores contemporaines décrites dansle sud de l'Espagne (Broutin et al.,1986).

La connaissance paléontologique et chronologiqueapprofondie du Permien du Maroc apparaît absolument

indispensable à la compréhension des mécanismes ayantabouti à la constitution de la Pangée permienne suite à lasurrection de la chaîne hercynienne. Or,en raison même desa situation géographique exceptionnelle, l'Afrique duNord, et particulièrement le Maroc, constitue un domaineprivilégié pour que des études paléobotaniques, replacéesdans leur contexte sédimentaire et structural, puissentdéboucher sur des résultats phytogéographiques suscep-tibles d'être utilisés, avec un grand profit, pour appuyercertains modèles géodynamiques, proposés par différentsauteurs pour l'époque permienne (Broutin et al.,1986).

Analyses détaillées des bassins de Tiddas, Bou Achouch et Khénifra

Nous présentons ici les données liholostratigraphiqueset paléobotaniques des trois bassins du Maroc Central :Khénifra (Fig.3 et Photo 1),Bou Achouch (Fig.4 et Photos 2 et3) et Tiddas (Fig. 5 et Photo 4). Ces bassins ont livré des don-nées paléontologiques particulièrement importantes,en tantqu’outils de corrélation, notamment paléobotanique, paly-

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Photo 1. Vue générale du bassin permien de Khénifra, ville construite surles gisements fossilifères (source : El Wartiti, 1990).

Photo 2. Table cinéritique riche en végétaux fossiles (source : Bou Achouch,El Wartiti et al., 1987).

Photo 3. Complexe conglomératique associé à des Vulcanites riches envégétaux de Bou Achouch, reposant sur les schistes du Viséo-Namurien(Maroc Central septentrional ; Termier 1936 ; El Wartiti, 1990).

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nologique et palichnologique. Les paléoflores, abondanteset diversifiées,sont dominées par des Conifères,des Ptérido-spermes,des Cordaïtes et des Ginkgophytes,accompagnéesde Filicophytes et Sphénophytes.Elles sont contemporainesaux paléo-flores du Permien inférieur de l'Europe occiden-tale. Des éléments gondwaniens,cathaysiens et angaridiensont été trouvés ; il s’agit donc d’une flore « mixte ».

Les pélites rouges du bassin de Tiddas ont livré desempreintes de pistes d'Invertébrés, de pas de Vertébrés, etde gouttes de pluie, (El Wartiti et al., 1986 ; Broutin et al.,1987). Les genres Amphisauroides, Gilmoreichnus, du Per-mien inférieur du bassin de Thuringe (Allemagne), Hyloi-dichnus, qui sont bien connus dans les formations Hermit(Grand Canyon,Arizona) et Rabejac (Bassin de Lodève,Fran-

ce), ont été récemment réinterprétés (Hmich et al., 2006).La présence de végétaux hygrophiles dans les

pélites grises et rouges contemporaines, indique un envi-ronnement à périodes humides. Ceci est confirmé par lastructure d'un bois (Aassoumi et al., 1996).

Le bassin de Khénifra a livré aussi des empreintesde pistes de Vertébrés, attribuées à Limnopus, Dromopuset Batrachichnus (Hmich et al., 2006). Les premiers os de vertébrés amniotes, bien adaptés à la vie terrestre, ont étédécouverts (Hmich, 2004 ; Hmich et al., 2006). Le mêmegisement a fourni des végétaux méso-xérophiles etxérophiles adaptées à la sécheresse, indiquant un climatsemi-humide. L'unique association sporo-pollinique, àcaractère mixte, provenant de Khénifra indique un âge

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Figure 4. Position géographique du bassin permien de Bou Achouch et sa stratigraphie (source : El Wartiti, 1990).

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« saxonien » à fin Rotliegend (Broutin et al., 1998).Les trois bassins Tiddas,Bou Achouch et Khénifra ont

fournis des spores fossiles (macrospores et microspores),diversifiées et abondantes (Planches 1 et 2). L'ensemble deces associations a été corrélé avec celles connues dans lesbassins continentaux du Permien inférieur de l'Europe occi-dentale. C'est notamment avec les spores du bassin d'Autun (France), que des similitudes ont été remarquées,principalement avec les associations floristiques de l'assisede Millery. Les deux associations montrent la même domi-nance et la diversification des Calliptéridés (organes végé-tatifs surtout), des Cordaïtes et des Conifères.

Des similitudes étroites avec les spores du bassin deGuadalcanal situé au sud-est de l'Espagne, (Broutin et al.,

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Figure 5. Position féographique du bassin permien de Tiddas-Sebt Aït ikkou (source : El Wartiti, 1981).

Photo 4. Vue du bassin permien de Tiddas de direction SW-NE, situé encontre-bas des reliefs viséens (source : El Wartiti, 1990).

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Conclusion : le Permien marocain, unpatrimoine géologique à sauvegarder

Les gisements fossilifères découverts dans les sériescontinentales permiennes, en particulier dans les troisbassins de Khénifra, Bou Achouch, Tiddas doivent êtreidentifiés, valorisés et protégés, parce qu'ils constituentquelques chapitres essentiels de la mémoire de la Terre.La sensibilisation du grand public, toutes catégoriesconfondues, vis-à-vis de l’importance de sauvegarde de cepatrimoine géologique est la responsabilité de tous. Lesexemples pris ici, visent à faire des bassins permiens dessites protégés, vu leur grande richesse scientifique quinous permet de remonter dans le temps jusqu’à –285 Ma

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124Planche 1. 1- Culmitzschia laxifolia ; 2- Feysia minutifolia ; 3- Calamites gigas ; 4- Mostotchkia (Dycranophyllales) ; 5- Feysia sp. ; 6- Annularia cf. hunanen-sis ; 7- Walchia piniformis ; 8- Plagiozamites sp. ; Ullmania sp. ; 9- Cône mâle de Conifères ; 10- Walchia sp. ; 11- Ginkgophyllum sp. ; 12- Organe reproducteurde conifère detype Darneyella.

1998) ont été remarquées,surtout au niveau des groupes deConifères et de Ginkgophytes qui présentent de nombreusesespèces en commun. Ces deux sites, se caractérisent aussipar la présence des formes particulières caractérisant le Permien cathaysien. Ce qui confère aux spores de ces deuxrégions leur caractère mixte.Enfin, la présence des organesreproducteurs du groupe des Peltaspermaceae dans le Maroccentral est très importante. Ce groupe a été initialementconsidéré comme caractéristique du Mésozoïque. Il a étédécouvert à l'origine dans le Trias supérieur du Groenland.Puis, ces végétaux ont été reconnus dans le Permien supé-rieur de l'Europe du Sud, de Russie et de Chine, ainsi quedans le Permien inférieur de Chine (Broutin et al., 1998).

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(Fig.6) et d’en reconstituer lavie sous une ceinture paléo-climatique équatoriale à sai-sons humides. Ces recherchesvont certainement permettrela découverte de nouvellesdonnées qui enrichiront les col-lections paléobotaniques etfaunistiques, ainsi que le débatscientifique sur cette période.

L’inventaire et la typolo-gie des sites géologiques fossi-lifères et géomorphologiques àmultiples valeurs dans ces bas-

Planche 2. 1- morceaux de tige et de racine de Mesopityoxylon tiddasense ; 2 et 3- Cônes mâles de Conifères ; 4- Pecopteris cf. aspidioides ; 5- Section trans-versale d'une racine à encroûtement centrifuge ; 6- Rachiphyllum sp. (Peltaspermacées) ; 7- Peltaspermum sp. (Peltaspermacées) ; 8- Empreintes de pattesd’« Antichnium salamandroides » ; 9- Sphenopteris gemanica.

Figure 6.Reconstitution paléogéographique de bassins permiens marocains sur bloc diagramme (source : les auteurs).

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sins permiens marocains sont nécessaires pour permettre,à la fois, une exploitation de toutes substances utiles et uneprotection raisonné indispensable, ainsi qu'une promotiongéotouristique sereine et rationnelle des différents géo-sites. Pour cela, la mise sur pied d’un géotourisme, dans lecadre du développement durable, doit prendre en compteune approche évitant toute dégradation irréversible.

Enfin, l'élaboration d’une législation sur le géotourisme soutenable, fondée sur la protection despaysages, des coupes géologiques de références, des gisements paléontologiques et des sites classés « patri-moine culturel » qui sont une partie intégrante de notrehistoire naturelle, est indispensable et est de la respon-sabilité de tous.

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Le Maroc, paradis des géologues Le Maroc, paradis des géologues

Numéro 194 - septembre 2017 - 20 € - ISSN 0016.7916 - Trimestriel

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Haut Atlas de Marrakech, à 10 km au NO du col de Tizi n’Tichka. Cliché : H. Ouanaimi.

Cliché : H. Ouanaimi.

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