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45 Décembre 2017 La PoLiTique De Taux négaTiF Dans La zone euRo eT L’oFFRe De PRêTs BancaiRes La politique de taux négatif dans la zone euro et l’offre de prêts bancaires M. de Sola Perea M. Kasongo Kashama Introduction À compter de l’été de 2014, le conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne (Bce) s’est attelé à prendre une série de mesures destinées à assouplir davantage l’orientation de sa politique monétaire face au recul de l’inflation. Parmi ces décisions, les plus embléma- tiques ont consisté en l’abaissement graduel – jusqu’à le conduire en territoire négatif – du taux de la facilité de dépôt, soit le taux directeur de référence des marchés de la zone euro dans un contexte de liquidités abondantes. alors qu’il campait à 0 % depuis juillet 2012, celui-ci a ainsi été ramené à –0,1 % en juin 2014, avant de tomber à –0,2 % en septembre 2014, d’être réduit à –0,3 % en décembre 2015, pour finalement s’établir à un étiage de –0,4 % en mars 2016. synonyme de plongée en terrain inconnu, la « politique de taux négatif » de la Bce n’a eu de cesse de susciter interro- gations et critiques de la part des commentateurs. L’objet de cet article n’est toutefois pas de revenir de manière exhaustive sur celles-ci, ce qui consisterait à aborder tant les distorsions présumées au niveau de la transmission de cette politique que ses effets indésirables possibles sur le plan de la stabilité financière. L’article apporte plutôt un éclairage spécifique sur plus de trois années d’expérience de taux négatif dans la zone euro en se concentrant sur un seul pan de la transmission, à savoir le canal des prêts bancaires. ce dernier suppose qu’un choc de politique monétaire produise ses effets en affectant la capacité de prêter des banques (1) . en adoptant un tel angle, l’article s’attache essentielle- ment à comprendre en quoi une politique de taux infé- rieur à zéro peut revêtir un caractère spécial du point de vue des banques. il examine ainsi de plus près l’argument selon lequel le taux négatif aurait un impact défavorable sur la profitabilité des banques et, partant, sur leur capa- cité d’octroyer de nouveaux prêts. Le point de vue adopté est particulièrement intéressant dans le cas de la zone euro puisque les banques jouent un rôle prépondérant dans le financement de son économie réelle (2) . En outre, la pertinence de cette analyse ressort clairement des derniers tests de résistance menés par la Bce, qui sondaient l’effet sur la profitabilité des banques de différents scénarios concernant la courbe des rendements (ecB, 2017b). L’article se décline en cinq parties. La première vise à contextualiser la décision prise par le conseil des gouver - neurs de conduire le taux de la facilité de dépôt en terri- toire négatif à partir de l’été de 2014. outre le fait qu’une telle pratique de politique monétaire ne constitue depuis quelques années pas une exception dans les économies avancées, cette partie explique que, dans la zone euro, celle-ci s’est véritablement intégrée à une stratégie glo- bale visant à contrer le repli de l’inflation en s’appuyant sur le levier du taux d’intérêt réel. (1) selon ce canal, aussi appelé « canal du bilan de la banque », c’est en influant sur la valeur nette (c’est-à-dire les fonds propres) des banques que la politique monétaire affecte leur capacité de prêter (cf. Bernanke et gertler, 1995). (2) Bien que le phénomène de la désintermédiation bancaire se soit quelque peu accéléré depuis la crise financière globale, près de 50 % du financement des entreprises de la zone euro restent issus des banques, tandis que les 50 % restants proviennent des marchés financiers. on reste donc bien loin de la structure du système financier américain, où les entreprises se financent principalement (à hauteur de 75 %) au travers des marchés financiers, tandis que les 25 % restants sont fournis par les banques (ecB, 2016a).

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45Décembre 2017 ❙ La PoLiTique De Taux négaTiF Dans La zone euRo eT L’oFFRe De PRêTs BancaiRes ❙

La politique de taux négatif dans la zone euro et l’offre de prêts bancaires

M. de Sola PereaM. Kasongo Kashama

Introduction

À compter de l’été de 2014, le conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne (Bce) s’est attelé à prendre une série de mesures destinées à assouplir davantage l’orientation de sa politique monétaire face au recul de l’inflation. Parmi ces décisions, les plus embléma-tiques ont consisté en l’abaissement graduel – jusqu’à le conduire en territoire négatif – du taux de la facilité de dépôt, soit le taux directeur de référence des marchés de la zone euro dans un contexte de liquidités abondantes. alors qu’il campait à 0 % depuis juillet 2012, celui-ci a ainsi été ramené à –0,1 % en juin 2014, avant de tomber à –0,2 % en septembre 2014, d’être réduit à –0,3 % en décembre 2015, pour finalement s’établir à un étiage de –0,4 % en mars 2016.

synonyme de plongée en terrain inconnu, la « politique de taux négatif » de la Bce n’a eu de cesse de susciter interro-gations et critiques de la part des commentateurs. L’objet de cet article n’est toutefois pas de revenir de manière exhaustive sur celles-ci, ce qui consisterait à aborder tant les distorsions présumées au niveau de la transmission de cette politique que ses effets indésirables possibles sur le plan de la stabilité financière. L’article apporte plutôt un

éclairage spécifique sur plus de trois années d’expérience de taux négatif dans la zone euro en se concentrant sur un seul pan de la transmission, à savoir le canal des prêts bancaires. ce dernier suppose qu’un choc de politique monétaire produise ses effets en affectant la capacité de prêter des banques (1).

en adoptant un tel angle, l’article s’attache essentielle-ment à comprendre en quoi une politique de taux infé-rieur à zéro peut revêtir un caractère spécial du point de vue des banques. il examine ainsi de plus près l’argument selon lequel le taux négatif aurait un impact défavorable sur la profitabilité des banques et, partant, sur leur capa-cité d’octroyer de nouveaux prêts. Le point de vue adopté est particulièrement intéressant dans le cas de la zone euro puisque les banques jouent un rôle prépondérant dans le financement de son économie réelle (2). en outre, la pertinence de cette analyse ressort clairement des derniers tests de résistance menés par la Bce, qui sondaient l’effet sur la profitabilité des banques de différents scénarios concernant la courbe des rendements (ecB, 2017b).

L’article se décline en cinq parties. La première vise à contextualiser la décision prise par le conseil des gouver-neurs de conduire le taux de la facilité de dépôt en terri-toire négatif à partir de l’été de 2014. outre le fait qu’une telle pratique de politique monétaire ne constitue depuis quelques années pas une exception dans les économies avancées, cette partie explique que, dans la zone  euro, celle-ci s’est véritablement intégrée à une stratégie glo-bale visant à contrer le repli de l’inflation en s’appuyant sur le levier du taux d’intérêt réel.

(1) selon ce canal, aussi appelé « canal du bilan de la banque », c’est en influant sur la valeur nette (c’est-à-dire les fonds propres) des banques que la politique monétaire affecte leur capacité de prêter (cf. Bernanke et gertler, 1995).

(2) Bien que le phénomène de la désintermédiation bancaire se soit quelque peu accéléré depuis la crise financière globale, près de 50 % du financement des entreprises de la zone euro restent issus des banques, tandis que les 50 % restants proviennent des marchés financiers. on reste donc bien loin de la structure du système financier américain, où les entreprises se financent principalement (à hauteur de 75 %) au travers des marchés financiers, tandis que les 25 % restants sont fournis par les banques (ecB, 2016a).

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La deuxième partie revient d’abord brièvement sur la bonne transmission du taux négatif aux taux des marchés financiers de la zone euro où opèrent les investisseurs institutionnels. elle prête ensuite une attention particulière au fait que les taux rémunérant les dépôts de la clientèle de détail ont été les seuls à montrer une certaine résistance à diminuer davan-tage à un moment donné. aussi, la suite de cette partie s’at-tache à comprendre plus précisément pourquoi cette rigidité est présente, recourant pour ce faire entre autres au concept de « borne inférieure physique des taux nominaux ».

Partant du constat d’une certaine rigidité à la baisse des taux des dépôts de détail, la troisième partie analyse dans quelle mesure cela affecte, d’un point de vue conceptuel, la transmission de la politique de taux négatif par le biais du canal du prêt bancaire. cet examen fait apparaître que le taux négatif peut en venir à contraindre une banque dans sa capacité de prêter davantage à l’économie. cette contrainte s’explique notamment par des pressions baissières sur sa marge nette d’intérêts. La borne de taux à partir de laquelle des banques vont freiner l’octroi de prêts sera appelée « borne inférieure économique des taux nominaux ».

La quatrième partie s’attache à étudier comment les caractéristiques des banques influencent le niveau de la borne inférieure économique des taux nominaux, en s’appuyant sur des données propres à la zone euro. L’idée est de montrer qu’en pratique, certaines spécificités des banques vont accentuer (ou, au contraire, compenser) les possibles effets récessifs de la politique de taux négatif.

enfin, la dernière partie s’attelle à offrir une perspective plus globale sur l’effet de l’ensemble des mesures de politique monétaire prises par le conseil des gouverneurs depuis l’été de 2014 sur la capacité de prêter des banques de la zone euro. il y est notamment montré comment les autres mesures de politique monétaire, en complémen-tant et en interagissant avec la politique de taux négatif, peuvent pallier l’incidence potentiellement défavorable de cette dernière sur la profitabilité des banques et, partant, sur la dynamique d’octroi de prêts. au regard de l’évolu-tion positive de la dynamique des prêts, de la faiblesse des taux appliqués à ceux-ci ou encore de l’assouplissement continu des critères d’octroi qui y sont liés, il semble que la combinaison de mesures a permis d’assurer une trans-mission sans heurt par les banques dans la zone euro.

1. mise en contexte de la politique de taux négatif de la zone euro

1.1 Les politiques de taux négatif dans les économies avancées depuis la crise (1)

une politique de taux négatif consiste à abaisser sous 0 % le taux directeur effectif, soit celui qui sert de référence pour fixer les taux pratiqués sur les marchés. Lorsqu’il est jugé nécessaire de rendre l’orientation de la politique monétaire encore plus accommodante alors que les limites « conventionnelles » de celle-ci ont déjà été atteintes, cette plongée sous zéro peut faire partie de la stratégie de la banque centrale. s’inscrivant en soi dans la continuité de la politique conventionnelle par les taux, elle s’emploie ainsi souvent conjointement avec des mesures non convention-nelles telles que les programmes d’achats d’actifs.

Bien que la pratique ait été mise en œuvre pour la pre-mière fois au Danemark (d’abord de juillet 2012 à avril 2014, puis à partir de septembre 2014), la Bce a fait figure de précurseur parmi les banques centrales d’une zone monétaire majeure en amorçant le mouvement dès l’été de 2014. À l’heure actuelle, il ne s’agit plus d’une politique marginale au sein des économies avancées – on parle en effet de près d’un quart du PiB mondial soumis au taux négatif, la suisse, la suède et le japon ayant depuis lors emboîté le pas au Danemark et à la zone euro (respectivement à partir de janvier 2015, de février 2015 et de février 2016). La motivation sous-tendant le taux négatif est naturellement étroitement liée à l’objectif ultime des banques centrales concernées. Pour plusieurs économies, à savoir la zone euro, la suède et le japon, il s’agit donc d’atteindre la cible d’inflation. Dans les cas du Danemark et de la suisse, la pratique vise toutefois plu-tôt directement un objectif de taux de change : elle doit contrer les pressions à l’appréciation exercées sur la devise nationale en décourageant les flux de capitaux entrant dans le pays.

en pratique, la politique de taux négatif s’est traduite, dans la majorité des économies évoquées, par l’applica-tion d’un taux de rémunération négatif aux dépôts des banques auprès de la banque centrale (hors éventuelles réserves obligatoires). autrement dit, pour pouvoir entreposer leurs liquidités dites excédentaires auprès de la banque centrale, les banques doivent payer celle-ci. ce taux de dépôt négatif fait en principe office de référence pour la fixation de l’ensemble des conditions de financement au sein de l’économie : cela s’explique car les juridictions en question se trouvent, à la suite des mesures exceptionnelles prises face la crise financière globale, dans un régime de liquidités abondantes (2).

(1) L’objectif de cette partie est de faire le point sur les politiques de taux négatif mises en œuvre ces dernières années au sein des économies avancées. Pour une description plus détaillée de chacune de ces politiques, cf. notamment Bech et malkhozov (2016), jobst et Lin (2016) ou imF (2017).

(2) Parmi les pays évoqués, la suède est le seul où le taux de dépôt (négatif) de la banque centrale ne constitue pas son taux directeur effectif, c’est-à-dire le taux qui influence véritablement les conditions de financement au sein de l’économie. cela dit, une politique de taux négatif y est d’application dans la mesure où le taux repo (taux auquel la banque centrale prête des fonds aux banques pour couvrir leurs besoins de liquidités), soit le taux directeur effectif pour ce pays, est également tombé sous zéro.

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en impliquant le déboursement d’intérêts sur les liquidités parquées par les banques auprès de la banque centrale, un taux de dépôt négatif entraîne un coût brut direct pour celles-ci. c’est pourquoi il peut être associé à un régime d’exemption(s), une part des liquidités excédentaires des banques n’étant pas soumises au taux de rémunération négatif. c’est par exemple le cas au Danemark, en suisse et au Japon (1). De telles exemptions ont pour but de ré-duire le coût brut direct de détention de liquidités pour les banques, tout en assurant une transmission appropriée du taux négatif aux marchés monétaires et financiers. assurer ce double objectif peut requérir, en fonction du poids et de l’évolution projetée des liquidités excédentaires ainsi que de la distribution de celles-ci sur le marché interban-caire, des systèmes plus ou moins complexes comportant un aspect dynamique (autrement dit, la part des liquidités non soumises au taux négatif n’est pas statique). De tels régimes sont généralement jugés particulièrement attractifs lorsque le taux négatif est mis en œuvre en vue de défendre le taux de change de la devise du pays. s’ils sont calibrés de manière adéquate, ils permettent en effet dans une certaine mesure de protéger le secteur bancaire national du taux négatif. en ce sens, ils peuvent constituer une solution pour aller plus loin sur le plan de l’objectif du taux de change tout en évitant une pénalisation brute (perçue comme) excessive des banques domestiques.

1.2 Le cas de la zone euro : une politique intégrée pour lutter contre le recul de l’inflation

La Bce dispose de trois taux directeurs formant un corridor à l’intérieur duquel l’eonia, c’est-à-dire le taux interbancaire au jour le jour dans la zone euro, varie. on distingue : (a) le taux (plancher) de la facilité de dépôt, qui permet aux banques de placer leurs liquidités excédentaires auprès de la banque centrale jusqu’au jour suivant ; (b) le taux (central) des opérations principales de refinancement ; et (c) le taux (plafond) de la facilité de prêt marginal, qui permet aux banques d’emprunter des liqui-dités au jour le jour auprès de la banque centrale. aussi, la zone euro fait partie des économies pour lesquelles le déploiement des mesures de crise a fait basculer le cadre opérationnel de la politique monétaire. celui-ci est passé d’un système de corridor – où les conditions de liqui-dité équilibrées assurent que l’eonia s’établit à un niveau proche du taux directeur central – à un système de plan-cher – où l’abondance des liquidités au sein du système bancaire pousse l’eonia vers le taux directeur plancher, qui devient ainsi le nouveau taux de référence des marchés (2).

Dans de telles conditions, une politique de taux négatif dans la zone euro est d’application dès lors que le taux de

la facilité de dépôt – qui rémunère en pratique le surplus de liquidités dans son ensemble (3)– est ramené sous 0 %. avec quelque quatre réductions en territoire négatif du taux de la facilité de dépôt au cours des trois dernières années, le Conseil des gouverneurs a procédé graduelle-ment sur ce plan. en juin 2014, le taux est ainsi revenu de 0 % (le niveau en vigueur depuis juillet 2012) à –0,1 %. il a ensuite été fixé à –0,2 % en septembre 2014, avant de tomber à –0,3 % en décembre 2015 pour finalement s’établir à –0,4 % à compter de mars 2016.

ce processus de plongée sous zéro a été intégré à une stratégie mise en œuvre pour éviter une période prolon-gée de faible inflation (4) dans un contexte d’essouffle-ment de la reprise et de détérioration des perspectives. concrètement, les mesures visaient donc à contrer le bas niveau persistant de l’inflation dans la zone euro – laquelle a continué d’afficher, à partir de la mi-2013, un taux en deçà de celui qui est compatible avec la stabilité des prix telle que définie par la Bce (5). en outre, étant donné la dynamique du crédit particulièrement atone sur la période, certaines mesures voulaient également garantir une transmission efficace de l’assouplissement à l’octroi de prêts bancaires.

À partir de l’été de 2014, parallèlement à son action sur les taux, le conseil des gouverneurs a ainsi octroyé aux banques de nouvelles séries de prêts à long terme à des conditions avantageuses, de même qu’il a mis en œuvre en plusieurs phases un programme d’achats d’actifs, tout en adaptant en permanence sa communication quant à la voie future que suivrait la conduite de sa politique (les « orientations prospectives »). ces différentes mesures ont été ajustées à plusieurs reprises, notamment en réaction aux événements économiques et financiers inattendus ve-nus alourdir les risques baissiers pesant sur l’inflation. Bien que notre but ne soit ici pas de décrire ces mesures en détail, certains aspects de la stratégie déployée méritent d’être soulignés.

sur le plan strict des taux, on notera que les réductions opérées durant l’été de 2014 et en mars 2016 ont éga-lement touché les deux autres taux directeurs (le taux des

(1) Pour plus de détails sur ces régimes d’exemption(s), cf. notamment Bech et malkhozov (2016) ou jobst et Lin (2016).

(2) Pour de plus amples informations sur l’évolution du volume des liquidités dans le système bancaire depuis la crise et sur ses conséquences sur le cadre opérationnel de la politique monétaire dans la zone euro, cf. notamment eser et al. (2017).

(3) Le surplus de liquidités comprend les avoirs sur la facilité de dépôt mais aussi les avoirs en compte courant en sus des réserves obligatoires.

(4) Pour une discussion des risques et enjeux associés à une période prolongée d’inflation faible, cf. Deroose et stevens (2017).

(5) Durant l’été de 2014, alors que le surplus de liquidités s’expliquait principalement par la demande de fonds des banques (soit avant le programme étendu d’achats d’actifs), les réductions du taux de la facilité de dépôt en territoire négatif ont en fait servi un double objectif : outre l’assouplissement monétaire dirigé vers l’objectif d’inflation, il s’agissait de préserver la marge d’intermédiation de l’eurosystème (soit, en principe, le bon fonctionnement du marché interbancaire) étant donné les abaissements simultanés du taux directeur central. Pour plus de précisions sur ce point, cf. Kasongo Kashama (2014).

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opérations principales de refinancement est ainsi revenu de 0,25 à 0 % en passant par 0,15 puis 0,05 %, tandis que celui de la facilité de prêt marginal est retombé de 0,75 à 0,25 % en passant par 0,4 puis 0,3 %). Toujours concernant les taux, le conseil des gouverneurs a par ail-leurs constamment réaffirmé, au travers de ses orientations prospectives, que ceux-ci seraient maintenus à un niveau historiquement bas sur une période prolongée. jusqu’en

juin 2017, il a même maintenu l’option de procéder à de nouvelles réductions si celles-ci s’avéraient nécessaires.

Du côté du bilan de l’eurosystème, la mise en œuvre du programme étendu d’achats d’actifs (aPP) en mars 2015, incluant des achats de titres souverains de la zone euro et élargi aux titres du secteur des entreprises en mars 2016, a été le principal moteur de la croissance

Graphique 1 LES MESURES DE POLITIQUE MONÉTAIRE PRISES DANS LA ZONE EURO DEPUIS L’ÉTÉ DE 2014 ONT PERMIS DE PILOTER LE TAUX RÉEL DANS UN CONTEXTE D’INFLATION EN RECUL

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TAUX DIRECTEURS DE LA BCE (pourcentages)

INSTRUMENTS DE POLITIQUE MONÉTAIRE (NON CONVENTIONNELS)

TRANSMISSION DE PREMIER ORDRE SUR LE MARCHÉ SANS RISQUE

COURBES DES RENDEMENTS NOMINAUX (pourcentages)

BILAN DE L’EUROSYSTÈME(milliards d’euros)

TAUX RÉEL À CINQ ANS (pourcentages)

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3M 1A 2A 3A 4A 5A 6A 7A 8A 9A 10A

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Taux directeur central

Taux de la facilité de dépôt (DFR)

Taux de la facilité de prêt marginal

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Anticipations d’inflation (πe) (1)

Taux réel (= i – πe)

Taux nominal (i)

DFR à 0 % (07/2012)

sources: Bce, Thomson Reuters.(1) Les attentes d’inflation sont dérivées des taux des contrats de swap couvrant le risque d’inflation à cinq ans. ces données de marché incluent toutefois une prime de risque.

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considérable observée. Cette progression, pilotée par la banque centrale elle-même, contraste ainsi avec celle de 2011-2012, qui était guidée principalement par la demande de fonds des banques dans le cadre des deux opérations de refinancement à plus long terme d’une durée de trois ans. cela dit, les emprunts à plus long terme proposés aux banques entre juin 2014 et mars 2017 (les deux séries d’opérations de refinancement à plus long terme ciblées, TLTRo i et TLTRo ii) ont égale-ment eu un impact quantitatif certain, tout en introdui-sant pour la première fois la possibilité pour les banques d’emprunter à un taux négatif (1).

si on observe les indicateurs témoignant de la première phase de transmission (cf. graphique 1), il apparaît que les mesures ont permis non seulement un abaissement de la courbe des rendements sans risque nominaux de la zone euro sur tout le spectre de maturités, mais également un aplatissement de celle-ci. cet aplatissement s’explique principalement par la sensibilité des taux à plus long terme aux achats de titres. cela dit, le fait qu’une politique de taux négatif élimine, ou du moins repousse, la borne des taux directeurs initialement perçue peut aussi être de nature à aplatir davantage la courbe (rostagno et al., 2016). quoi qu’il en soit, un tel effet sur le segment long de la courbe contraste quelque peu avec le champ d’action traditionnel de la politique monétaire, qui se limite aux taux à plus court terme. aussi, par son action combinée, le conseil des gouverneurs a (plus) efficacement pesé sur un des leviers importants de la politique monétaire, à savoir le taux réel à moyen terme. celui-ci importe dans la mesure où il est à même d’influencer les décisions de consomma-tion et d’investissement des agents et, à terme, la dyna-mique d’inflation (2). sur la base de la décomposition du taux sans risque à cinq ans, on note plus particulièrement que la poussée baissière sur le taux nominal a permis de contenir la hausse du taux réel dans un contexte d’attentes d’inflation pourtant en net recul.

malgré une transmission de premier ordre relativement encourageante, les effets de la panoplie de mesures sur d’autres indicateurs d’importance – notamment la dyna-mique du crédit bancaire, la prise de risques, l’activité et, ultimement, l’inflation – semblent plus incertains, prêtant régulièrement à discussion (cf. par exemple Woodford (2012) ou Borio et zabai (2016)). ces débats semblent logiques dans la mesure où aucun des instruments non conventionnels qui composent la panoplie (et donc pas seulement le taux négatif) n’avait jusqu’alors été mis à l’épreuve à une telle échelle. comme annoncé, la suite de l’article s’attache à analyser essentiellement la question de la transmission de la politique de taux négatif (via les banques). cet examen à la loupe ne signifie pour autant nullement que l’aspect multidimensionnel de la politique monétaire menée ces dernières années par le conseil des gouverneurs de la Bce et l’évaluation de la transmission complète de celle-ci – a fortiori aux conditions macroéco-nomiques et à l’objectif d’inflation – sont à négliger. ces aspects dépassent néanmoins le cadre du présent article.

2. Rigidité à la baisse des taux des dépôts de détail

si on s’intéresse aux doléances exprimées par les banques face au taux négatif, il apparaît que celles-ci se concentrent principalement sur un élément, à savoir leur capacité limitée de transmettre le passage sous zéro aux taux rémunérant les dépôts des épargnants (3). cette partie revient d’abord brièvement sur la bonne transmission de la politique de taux négatif aux taux des marchés de la zone euro où opèrent les investisseurs institutionnels, avant d’examiner plus en détail l’évolution des taux rémunérant les dépôts depuis la mi-2014. confirmant l’existence d’une résistance à la baisse de ces derniers, elle expose alors les raisons plus précises qui pourraient expliquer ce phénomène.

2.1 Propagation de la politique de taux négatif aux taux dans l’économie

La réduction sous zéro du taux de la facilité de dépôt s’est transmise sans heurt notable aux taux des marchés monétaires à court et à moyen termes de la zone euro. cette transmission a été effective en dépit de certaines craintes initiales, par exemple quant à la capacité de ces marchés d’intégrer (techniquement) des valeurs négatives ou de conserver un volume d’activité normal dans ces conditions (4). Le taux au jour le jour et le taux sans risque à un an ont ainsi évolué sous zéro dès septembre 2014.

sur les autres marchés financiers, aucune résistance à la baisse particulière des taux n’a été constatée. Depuis

(1) Pour les opérations de la seconde série (TLTRo ii), le taux d’emprunt peut retomber au taux de la facilité de dépôt d’application lors de leurs adjudications respectives dans le cas où les banques accordent suffisamment de nouveaux prêts aux sociétés non financières.

(2) Pour une analyse plus poussée du rôle joué par la politique monétaire dans l’évolution du taux réel dans la zone euro ces dernières années, cf. De Backer et Wauters (2017).

(3) une partie des critiques se concentrent plus exclusivement sur le coût brut direct lié au taux négatif, c’est-à-dire le fait même que le dépôt de liquidités excédentaires auprès de la banque centrale implique le paiement d’un droit de garde par les banques. nous revenons sur ce point dans la quatrième partie, qui explique comment les caractéristiques des banques (dont le poids relatif des liquidités excédentaires dans leur bilan) sont de nature à influencer l’effet du taux négatif sur leur dynamique de prêts.

(4) L’effet de la politique de taux négatif sur le fonctionnement des marchés monétaires de la zone euro, et en particulier sur le volume des opérations, a retenu beaucoup d’attention. D’aucuns arguaient qu’une telle pratique allait considérablement contracter l’activité sur ces marchés, ce qui est de nature à remettre en question la pertinence des taux qui y sont pratiqués. Toutefois, dans les faits, le volume des opérations effectuées sur les marchés monétaires repo (c’est-à-dire les prêts interbancaires garantis par l’échange d’un collatéral) est resté relativement stable ; les banques de la zone euro ne se sont donc pas montrées réticentes à se prêter entre elles à un taux négatif. Le repli du volume des opérations en blanc (c’est-à-dire non garanties) tient quant à lui en grande partie à l’accroissement important des liquidités disponibles au sein du secteur bancaire à la suite de l’aPP ainsi qu’à l’altération de la notion de risque depuis la crise (Bindseil, 2017).

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l’été de 2014, les rendements nominaux souverains n’ont par exemple pas affiché d’élargissement structurel de leurs spreads vis-à-vis des taux sans risque de matu-rité correspondante. Dans un contexte ponctué par des fuites vers les valeurs refuge, les rendements des obliga-tions souveraines allemandes à dix ans ont même plongé sous zéro à plusieurs reprises. Le même constat vaut pour les marchés (plus risqués) des obligations d’entre-prise : hormis quelques périodes de tensions financières, les rendements corporate ont suivi une tendance descen-dante notable au fil du cycle de baisses sous zéro du taux de la facilité de dépôt. certaines entreprises notées aaa ont même émis des titres à court terme assortis d’un rendement négatif.

Parallèlement au déclin notable des taux nominaux sur les marchés financiers, le taux de change de l’euro s’est ins-crit en recul à partir de la seconde moitié de 2014. cette tendance baissière a été observée tant vis-à-vis du dollar américain que sur le plan nominal effectif (soit vis-à-vis des monnaies des principaux partenaires commerciaux de

la zone euro, pondérées par leur poids dans les échanges). cela dit, il est extrêmement ardu d’isoler la contribution exacte du taux négatif à la dépréciation constatée. Le taux de change constitue en effet typiquement un indicateur soumis à des chocs de natures très variées, en ce compris les chocs externes.

malgré de fortes baisses et une compression très marquée de leur distribution entre les banques depuis la mi-2014, les taux rémunérant les dépôts bancaires des ménages et des sociétés non financières ont été les seuls taux à présenter une certaine résistance à baisser davantage lorsqu’ils approchaient de 0 %. cette rigidité se vérifie tout particulièrement pour les dépôts des ménages. ainsi, en avril 2017, un nombre toujours très réduit de banques de la zone euro leur appliquaient une rémunération néga-tive (1). cette situation contraste donc fortement avec ce qui a été observé au niveau des autres taux, qui n’ont pas

Graphique 2 DISTRIBUTION DES TAUX OFFERTS PAR UN ÉCHANTILLON DE 283 BANQUES DE LA ZONE EURO SUR LES DÉPÔTS DE LA CLIENTÈLE DE DÉTAIL (1)

(pourcentages)

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Lavr. 2017

janv. 2016

mars 2015

juin 2014

déc. 2013

sept. 2012

mai 2010

janv. 2008

Ménages

Sociétés non financières

sources: Bce, BnB.(1) Le rectangle comprend les valeurs situées entre les quartiles inférieur et supérieur. La ligne verticale dans le rectangle indique la médiane. Les lignes horizontales incluent les

valeurs comprises entre le quartile inférieur moins 1,5 fois l’écart interquartile et le quartile supérieur plus 1,5 fois l’écart interquartile. Les gros points indiquent les valeurs extrêmes.

(1) cette extrapolation se base sur l’échantillon composé de 283 banques repris dans le graphique 2.

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montré une résistance spécifique. un tel phénomène se manifeste également dans les autres économies où une politique de taux négatif a été mise en œuvre (cf. par exemple arteta et al. (2016) ou, plus spécifiquement pour les cas suédois et danois, madashi et nuevo (2017)).

2.2 Les raisons de la rigidité des taux des dépôts de détail

La principale raison de la résistance à la baisse des taux des dépôts de détail est l’existence des espèces – soit les pièces et les billets de banque – comme instruments de réserve de valeur alternatifs offrant un taux de rémunéra-tion a priori égal à 0 %. Les agents ayant à tout moment la possibilité de convertir leurs dépôts en espèces, la rigidité à la baisse constatée s’explique en fait par les craintes qu’éprouvent les banques de subir une vague de retraits de leurs dépôts dans l’éventualité où les taux de rémunération de ceux-ci venaient à trop diminuer. ces craintes sont d’autant plus prégnantes que les dépôts constituent typiquement la source de financement stable des banques. en pratique, la détention d’espèces est cependant assortie d’un certain nombre de coûts, essen-tiellement liés à leur stockage, à leur transport (en ce compris la gestion des paiements) et à leur protection contre le vol et autres accidents (c’est-à-dire les coûts de sécurité et d’assurance). autrement dit, le taux de rému-nération nominal des espèces n’est pas strictement égal à 0 %. ce qu’on appelle la « borne inférieure physique des taux nominaux » se situe donc en territoire négatif (cœuré, 2016).

en pratique, le niveau de cette borne diffère d’une entité économique à l’autre. Pour les petites parmi elles telles que les ménages, il est généralement admis que les coûts de détention d’espèces sont relativement faibles : cela explique la rigidité particulièrement forte des taux des dépôts de la clientèle de détail.

Par ailleurs, cette borne comprend aussi un aspect dyna-mique. Plus les agents prévoient que la période de taux négatif sera longue, plus ils auront la possibilité d’amortir les coûts fixes importants liés à la détention d’espèces (pour les grosses entités, les coûts d’assurance), et donc de réduire le coût moyen par unité de monnaie d’une telle détention. concrètement, la persistance d’un taux négatif, si elle est adéquatement anticipée, pourrait donc avoir pour effet de rapprocher la borne inférieure phy-sique de 0 %.

une frange entière de la littérature économique (1) s’inté-resse aux stratégies de réduction de la borne inférieure physique des taux nominaux. ces stratégies peuvent

impliquer de limiter la dénomination des billets de banque, d’instaurer un taux de change pour la conversion des dépôts bancaires en espèces, ou encore de supprimer purement et simplement les espèces. ces solutions sont de nature à créer une marge de manœuvre supplémen-taire pour la politique monétaire en période prolongée de faible inflation (goodfriend, 2016).

Le phénomène d’illusion monétaire, soit la propension des agents à raisonner en termes nominaux plutôt qu’en termes réels, est une seconde raison possible de la rigidité à la baisse des taux des dépôts. Parce qu’ils pensent en termes nominaux, les agents vont en effet avoir tendance à percevoir un taux nominal négatif comme un vol ou, à tout le moins, comme un phénomène anormal. Dès lors, les agents choisiront de convertir leurs liquidités en espèces ou sous une autre forme (or, etc.) plutôt que de les maintenir sur des comptes de dépôt portant un taux de rémunération nominal négatif. La résistance à la baisse des taux des dépôts s’explique donc à nouveau dans ce cas par la crainte des banques de perdre leur source de financement la plus stable.

L’illusion monétaire est généralement de l’ordre du biais psychologique / cognitif (2). Dans les faits, de nombreux taux réels (c’est-à-dire une fois pris en compte l’effet de l’inflation) sont négatifs depuis plusieurs années déjà dans la zone euro. autrement dit, alors même que l’inflation et un taux nominal négatif peuvent avoir le même effet en matière de pouvoir d’achat réel, l’impact de ce dernier est perçu comme plus coûteux. Pourquoi ? Parce que, dans le cas de l’inflation, l’agent possède le même montant nomi-nal au final, alors que le taux nominal négatif implique le déboursement d’intérêts. L’illusion monétaire se manifeste donc généralement surtout au niveau des agents non ins-titutionnels tels que les ménages. cela corrobore la résis-tance à la baisse plus forte des taux des dépôts de détail.

enfin, les restrictions légales constituent un dernier motif de la résistance à la baisse des taux des dépôts. Dans ce cas, la rigidité est directement imposée par le législateur. on retrouve de tels régimes légaux en France (le taux appliqué au livret a – un compte d’épargne spécifique assorti d’un plafond – est révisable deux fois par an par le gouvernement et s’élevait à 0,75 % en octobre 2017 (3)) ou encore en Belgique, où, sur la base d’un arrêté royal, le taux minimum appliqué aux dépôts d’épargne

(1) cf. notamment goodfriend (2000), Buiter et al. (2003), Buiter (2009), Kimball (2013), Rogoff (2014) ou mcandrews (2015).

(2) Borio et zabai (2016) relèvent toutefois que le phénomène d’illusion monétaire n’est pas toujours forcément une manifestation d’irrationalité de la part des agents économiques.

(3) Le taux appliqué au livret a sert aussi de base pour calculer le taux d’un certain nombre d’autres comptes d’épargne (les comptes spéciaux sur livret du crédit mutuel, le livre d’épargne populaire, le livret d’épargne-entreprise et le compte d’épargne-logement).

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réglementés s’établissait à 0,11 % (soit, un taux minimum de base de 0,01 % et une prime de fidélité minimale de 0,10 %) en octobre 2017. De tels comptes bancaires sont généralement réservés aux ménages et aux associations, dans un but de protection du petit épargnant.

3. effets récessifs possibles de la politique de taux négatif sur l’octroi de prêts

Pour comprendre en quoi la résistance à la baisse des taux des dépôts de détail peut affecter la bonne transmission d’une réduction du taux directeur effectif sous zéro, il est logique de s’intéresser aux acteurs qui sont touchés au premier chef par ce phénomène : les banques.

3.1 effets d’une réduction du taux directeur sur le bilan des banques

afin d’expliquer la transmission par les banques, nous allons procéder à un examen conceptuel, en ayant recours au bilan stylisé d’une banque commerciale dont l’activité principale consiste, d’une part, à collecter les dépôts de détail et, d’autre part, à octroyer des prêts à l’économie réelle. en marge de son activité de prêt, la banque détient des titres négociables et dépose ses liquidités excéden-taires auprès de la banque centrale (cf. graphique 3).

L’effet d’une politique de taux négatif sur cette banque s’apprécie de manière dynamique et par rapport la situa-tion contrefactuelle dans laquelle le taux n’est pas abaissé (cf. graphique 4). cette évaluation est purement écono-mique. nous négligeons donc les effets de la comptabilité et de la réglementation bancaire sur la comptabilisation des gains et pertes de la banque et, partant, sur ses résultats (c’est-à-dire l’évolution de ses fonds propres). en outre, nous imposons tout au long de l’analyse un comportement « statique / habituel » à la banque (busi-ness as usual behaviour), et ce afin d’isoler l’effet direct de la politique de taux négatif. en d’autres termes, nous

n’introduisons pas la possibilité (immédiate) pour la banque d’altérer la composition de son bilan (par exemple, en prenant plus de risques ou en diversifiant ses activités) à la suite de la diminution du taux directeur en territoire négatif. Nous soulignons toutefois que, dans la réalité, ces effets comptable et réglementaire ainsi que la réaction des banques sont des facteurs importants, de nature à changer le raisonnement schématique simple présenté dans la suite de l’article. cela dit, notre cadre simplifié reste utile en tant que point de départ pour appréhender l’effet d’une politique de taux négatif sur les banques.

Par souci de facilité du point de vue illustratif, il est en outre supposé que les taux des dépôts de détail restent totalement rigides face à la politique de taux négatif.

Dans le cadre défini, la banque est affectée par une réduc-tion du taux directeur au travers de trois canaux : (a) les gains en capital, (b) la qualité et la demande de(s) prêts et (c) la marge nette d’intérêts (mni).

Le canal des gains en capital

une réduction du taux directeur se propage en principe aux autres taux du marché. aussi, la baisse généralisée des taux implique mécaniquement une montée des prix des obli-gations existantes et fait typiquement grimper les prix des actions (le taux d’actualisation des flux de trésorerie liés à ces actifs étant diminué). Dès lors que la banque décide de vendre les obligations et actions qu’elle détient, elle réalise des gains en capital. Ces gains correspondent à la diffé-rence entre le prix auquel elle a acheté ces actifs et celui auquel elle les revend. Concernant les obligations, plus leur maturité moyenne (c’est-à-dire leur duration) est longue, plus leur prix sera sensible à une baisse de taux. autrement dit, les gains en capital réalisés seront d’autant plus élevés que la banque possède des obligations à plus long terme.

Les gains en capital sont le résultat de la vente des titres ; ils sont donc restreints dans le temps. Par souci de simpli-cité, il peut être supposé que la vente des actifs s’effectue directement après la baisse de taux et qu’elle concerne l’ensemble des titres négociables de la banque. Dans le graphique 4, qui schématise la situation de manière dyna-mique, la barre en vert clair indique ainsi l’effet positif immédiat sur les résultats de la vente des actifs négo-ciables dont le prix a augmenté. en d’autres termes, dans la mesure où les gains en capital engrangés engendrent des profits, toutes choses égales par ailleurs, les fonds propres de la banque (au sens économique) sont poussés à la hausse dès la diminution de taux.

Les barres en vert clair assorti de pois blancs montrent par ailleurs que le réinvestissement du produit de la vente de

Graphique 3 BILAN SIMPLIFIÉ D’UNE BANQUE

Actif Passif

Titres Fonds propres

Prêts Dépôts de détail

Réserves auprès de la banque centrale

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ces titres dans des titres de même type génère des pertes périodiques en intérêts. si le taux directeur n’avait pas été diminué, la banque vendant des titres négociables ne réali-serait certes pas de gains en capital mais serait néanmoins capable de réinvestir le produit de cette vente dans d’autres titres similaires, sans effet sur sa marge nette d’intérêts. en revanche, lorsque le taux directeur est abaissé en terri-toire négatif, le réinvestissement de la vente (y compris les gains en capital) comprime la marge nette d’intérêts de la banque. Le rendement des titres nouvellement acquis est en effet moindre à la suite de la réduction du taux directeur, mais les coûts pour les financer demeurent, quant à eux, inchangés car les taux des dépôts de détail sont censés être totalement rigides à la baisse (1).

Le canal de la qualité et de la demande de(s) prêts

outre les gains en capital réalisés sur le portefeuille de titres, une baisse du taux directeur entraîne des gains sur le portefeuille de prêts de la banque. une partie de ces gains sont de nature immédiate et concernent les prêts à taux variable. Dans la mesure où les taux de ces prêts sont liés à des taux de référence – fluctuants – du marché, ils s’ajusteront rapidement à la baisse en cas de réduction du taux directeur. Pour les emprunteurs, cela signifie que leurs emprunts deviennent plus faciles à rembourser. La banque fait ainsi face à des taux de défaut moindres et ré-alise des économies sur les provisions de précaution prises sur ces prêts par rapport à la situation contrefactuelle dans laquelle le taux n’est pas diminué. De tels gains sont non seulement immédiats mais s’étalent également sur toute la période durant laquelle les taux restent abaissés. ils sont représentés dans le graphique 4 par les barres en vert foncé entourées d’une ligne continue.

une autre partie des gains réalisés sur les prêts s’expliquent par l’amélioration des conditions macroéconomiques as-sociée à la baisse du taux directeur. L’action de la politique monétaire mettant un certain temps à porter ses fruits en termes d’activité, ces gains ne se font pas ressentir immédiatement après la réduction du taux directeur mais apparaissent de manière progressive, comme l’indique le

profil temporel des barres en vert foncé entourées d’une ligne pointillée dans le graphique 4. Trois canaux princi-paux peuvent être identifiés à ce niveau. Premièrement, la hausse du prix des actifs utilisés en garantie des prêts entraînera un moindre taux de perte en cas de défaut. Deuxièmement, l’augmentation des revenus nominaux des agents leur permettra de rembourser plus facilement leurs prêts (qu’ils soient à taux variable ou à taux fixe), faisant diminuer les taux de défaut et les provisions liées. enfin, troisièmement, grâce à la reprise, les projets des emprunteurs potentiels gagneront en profitabilité, ce qui boostera la demande de prêts et permettra des gains en volume sur l’activité d’intermédiation de la banque (2).

Graphique 4 ILLUSTRATION DE L’EFFET TOTAL D’UNE BAISSE DU TAUX DIRECTEUR EN TERRITOIRE NÉGATIF SUR LES RÉSULTATS ÉCONOMIQUES D’UNE BANQUE (1) (2)

+

Gains en capital réalisés sur les actifs négociables

Pertes sur la marge nette d’intérêts liées au réinvestissement de la vente des actifs négociables (3)

Gains en provisions sur les prêts à taux variable

Gains sur les prêts liés à l’amélioration des conditions macroéconomiques (progressifs avec plafonnement)

Pertes sur la marge nette d’intérêts liées aux prêtsà taux variable (3)

Pertes sur la marge nette d’intérêts liées aux refinancements des actifs à taux fixe (progressives avec plafonnement) (3)

Effets « immédiats »

Temps

source : BnB.(1) L’effet total sur le résultat est évalué par rapport à la situation contrefactuelle

dans laquelle le taux directeur n’est pas abaissé. Les magnitudes des gains et des pertes ainsi que le profil temporel de ceux-ci sont purement illustratifs. en pratique, les magnitudes et le profil temporel des gains et des pertes de chaque banque dépendront de la structure de son bilan (cf. quatrième partie de l’article).

(2) Le schéma suppose que (a) le passif hors fonds propres de la banque est composé à 100 % de dépôts de détail dont les taux restent totalement inchangés à la suite de la baisse du taux en territoire négatif; (b) la banque ne détient pas d’actions et vend l’ensemble de ses obligations à taux fixe négociables dès que le taux directeur a diminué. elle réinvestit par ailleurs le produit de ces ventes (gains en capital inclus) dans des obligations à taux fixe négociables du même type; (c) l’activité de la banque repose principalement sur sa marge d’intermédiation (prêts-dépôts) : elle ne perçoit ni marge commerciale, ni autres frais ou commissions; (d) le comportement de la banque est, de manière générale, « statique / habituel ».

(3) effets directement liés à la rigidité à la baisse des taux des dépôts de détail.

(1) D’un point de vue économique, le choix de la banque de maintenir ses titres en portefeuille ou de les vendre lorsque les taux diminuent n’implique pas de différence pour ses résultats à terme, toutes choses égales par ailleurs. Dans le cas où la banque garde ses titres en portefeuille, la baisse des taux n’aura aucune incidence sur ses résultats, du moins jusqu’au moment où ces titres arriveront à échéance. elle investira alors le principal remboursé dans de nouveaux titres de même type, mais offrant des intérêts moindres, ce qui comprimera sa marge nette d’intérêts si, dans le même temps, ses coûts de financement restent rigides. si la banque vend ses titres, elle réalisera certes des gains en capital immédiats, mais le réinvestissement du produit de cette vente dans de nouveaux titres de même type, offrant un rendement plus bas à la suite de la baisse des taux, impliquera une perte d’intérêts (toujours par rapport à la situation contrefactuelle dans laquelle le taux directeur n’est pas réduit). on peut démontrer que ces pertes d’intérêts périodiques jusqu’à l’échéance des titres vendus correspondent en fait exactement aux gains en capital réalisés au départ. cela signifie donc que la vente des titres n’a pas d’incidence sur les résultats de la banque si on prend en compte l’ensemble de la période jusqu’à échéance des titres vendus : les gains en capital sont parfaitement compensés par les pertes d’intérêts du réinvestissement. Les pertes nettes d’intérêts dues à la rigidité des coûts de financement surviennent ainsi – comme dans le cas du maintien des titres en portefeuille – une fois passée l’échéance des titres initialement détenus en portefeuille.

(2) comme on l’a signalé précédemment, notre analyse est « statique » pour ce qui est du comportement de la banque. Plus précisément, nous supposons ici que la banque ne change pas son comportement d’offre de prêts à la suite de la baisse du taux directeur. il est simplement admis qu’elle ajuste son offre au surcroît de demande des emprunteurs, et ce pour tous les nouveaux prêts sollicités qui satisfont un taux critique de rentabilité fixé antérieurement.

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Le canal de la marge nette d’intérêts

Le dernier canal au travers duquel une baisse du taux directeur affecte une banque est celui de la marge nette d’intérêts. ce dernier se démarque des deux canaux pré-cédents puisque c’est ici que la résistance à la réduction des taux des dépôts de détail va principalement jouer, et donc que la particularité d’une baisse du taux directeur en territoire négatif par rapport à une diminution du taux directeur en territoire positif va se révéler.

une banque dont l’activité principale consiste à collecter des dépôts de détail et à octroyer des prêts s’appuie sur la transformation des échéances pour faire des profits. elle se finance à relativement court terme tout en ayant tendance à prêter à un terme plus long. une réduction du taux directeur en territoire positif ne devrait pas diminuer la marge nette d’intérêts d’une telle banque mais pourrait même au contraire temporairement l’augmenter : cette dernière peut en effet profiter de la diminution plus rapide des taux de ses passifs (courts) comparativement aux taux de ses actifs (typiquement plus longs), toutes choses égales par ailleurs (Heider et al., 2017).

Dans le cas d’une réduction du taux en territoire négatif, les taux des dépôts sont cependant rigides à la baisse. si les taux de l’actif ne montrent pas de résistance particu-lière à s’ajuster, la diminution du taux directeur va alors, à comportement inchangé de la banque, résulter en une pression baissière sur sa marge nette d’intérêts. Les pertes sont en fait de deux ordres. D’une part, elles concernent la marge réalisée sur le stock de prêts à taux variable (soit, les barres en rouge entourées d’une ligne continue au graphique 4). cette marge est immédiatement compres-sée puisque les taux de tels prêts s’ajustent directement, tout en restant financés par des dépôts à taux rigides. D’autre part, les pertes touchent la marge réalisée sur le stock de prêts et d’obligations à taux fixe non négociables maintenues en portefeuille jusqu’à échéance (soit, les barres en rouge entourées d’une ligne pointillée). ces pertes sont graduelles, leur vitesse de progression dépen-dant du rythme de refinancement du portefeuille. Le niveau plafond est atteint lorsque l’ensemble du stock de prêts à taux fixe et d’obligations à taux fixe est renouvelé.

3.2 La borne inférieure économique des taux nominaux

L’analyse dynamique des trois canaux au travers desquels une réduction du taux directeur affecte une banque commerciale type mène à une double conclusion-clé. Dans ce cadre, lorsque la diminution du taux directeur se déroule en territoire positif, les résultats de la banque

sont poussés à la hausse, quelle que soit la durée de la période d’abaissement du taux. Les mécanismes des trois canaux se rassemblent alors sous l’appellation usuelle de « canal du prêt bancaire » : puisqu’une réduction du taux directeur fait grimper la valeur nette de la banque, elle est de nature à encourager une augmentation de l’octroi de prêts par celle-ci (Bernanke et gertler, 1995).

en revanche, lorsque que la baisse du taux directeur sur-vient en territoire négatif, elle a un effet ambigu sur les résultats de la banque, et, partant, donc aussi potentiel-lement sur sa capacité d’offrir des prêts. L’effet total est d’autant plus difficile à capturer que les profils temporels des gains et des pertes associés aux trois canaux sont dif-férents. Dès lors, la longueur de la période durant laquelle la réduction de taux en territoire négatif est d’application est importante pour évaluer l’effet total de la mesure : on peut notamment remarquer que l’impact sur la marge nette d’intérêts persiste alors que celui des gains en capi-tal est limité dans le temps.

ce dernier constat suggère l’existence d’une autre borne inférieure aux taux nominaux, en sus de la borne infé-rieure physique : la borne inférieure économique des taux nominaux. Lorsque, pour une réduction du taux en territoire négatif donnée durant une période de temps déterminée, la somme des gains et des pertes associés pour les banques – actualisés de manière adéquate – se révèle négative, un phénomène récessif peut apparaître. en pesant sur les résultats des banques, la diminution du taux directeur est en effet de nature à décourager l’octroi de prêts par celles-ci. La borne inférieure économique des taux nominaux se définit ainsi comme le niveau de taux à partir duquel un tel phénomène récessif peut émerger. Le fait d’atteindre une telle borne implique un renverse-ment du traditionnel canal du prêt bancaire : la réduction du taux directeur résulte en une pression baissière sur la dynamique des prêts. c’est pourquoi elle est aussi appelée « reversal rate » par Brunnermeier et Koby (2017).

en pratique, la borne inférieure économique des taux nominaux n’est pas forcément inférieure à zéro. Les taux des dépôts de détail peuvent effectivement afficher une forte rigidité au-dessus de ce niveau, par exemple s’ils sont régis par le législateur. ainsi, la borne inférieure éco-nomique peut donc aussi déjà concerner les réductions du taux directeur en territoire non négatif mais relativement proche de zéro.

en outre, il convient de souligner que la borne dépend d’une estimation effectuée par les banques elles-mêmes. Dans cette évaluation, l’aspect dynamique a son impor-tance. Le niveau de la borne va ainsi s’ajuster en fonction de la durée de la période de taux négatif qui est anticipée.

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on voit ainsi ici poindre les dangers associés à une période trop longue de politique de taux négatif (1). Si la période se prolonge encore et encore, il se peut par exemple que, à un moment donné, les gains en capital initialement réalisés finissent par être totalement « avalés » par les pertes directes estimées sur la marge nette d’intérêts. À partir de là, les gains périodiques liés à l’amélioration de la qualité des prêts et à l’avivement de la demande seront alors seuls et potentiellement insuffisants pour compenser ces pertes.

il convient toutefois de rappeler que notre analyse conceptuelle suppose que les banques ne changent pas leur comportement face à la baisse du taux directeur. Dans les faits, les banques pourront néanmoins décider d’adapter largement leur modèle d’entreprise afin de faire face au mieux au nouvel environnement de taux, par exemple en développant leurs activités générant des revenus autres que d’intérêts. cela peut, entre autres, permettre de préserver la dynamique des prêts, ce qui équivaut à repousser la borne inférieure économique des taux nominaux.

4. quelles sont les caractéristiques des banques qui influencent l’effet de la politique de taux négatif sur l’octroi de prêts ?

La diversité des canaux au travers desquels le taux négatif a un effet sur la profitabilité bancaire implique que la composition du bilan des banques et, plus généralement, leur modèle d’entreprise, déterminent l’ampleur relative des gains et des pertes associés à une réduction de taux en territoire négatif donnée, ainsi que leur profil temporel.

4.1 Financement par des dépôts de détail

La rigidité de la rémunération des dépôts de détail étant au cœur de la particularité du taux négatif, la part relative de cette source de financement pour chaque banque est un déterminant-clé de l’impact potentiel du taux négatif sur leur profitabilité. si une banque bénéficie dans une moindre mesure d’une diminution de ses coûts

de financement parce que les taux des dépôts qu’elle détient sont rigides, sa marge nette d’intérêts se rétré-cira, ce qui pourrait peser sur ses résultats. Des analyses empiriques consacrées à des banques de la zone euro prouvent l’existence de cet effet. claessens et al. (2017) montrent par exemple qu’une réduction du taux directeur comprime dans tous les cas la marge nette d’intérêts des banques, mais que l’effet se multiplie quand les taux sont à des niveaux bas. Dans une analyse qui vise à identifier le rôle spécifique joué par la rigidité des taux des dépôts, ampudia et Van den Heuvel (2017) constatent que les baisses de taux au niveau de ou en-dessous de zéro ont été interprétées par les marchés comme préjudiciables à la profitabilité future des banques, a fortiori de celles dont la part relative des dépôts est plus importante : leurs valeurs boursières se sont réduites dans une plus grand mesure à la suite des décisions d’abaisser le taux directeur au niveau de ou en-dessous de zéro. selon cette analyse, portant sur 56 banques de la zone euro, de nouvelles diminutions du taux directeur dans cet environnement auraient un impact négatif sur le prix des actions des banques dont la part relative des dépôts est très élevée (soit les banques qui se situent au-dessus du 90e percentile de la distribution concernant la proportion des dépôts des ménages). Par contre, l’incidence sur les valeurs boursières des banques dont les dépôts sont moindres ne serait pas significative-ment différente de zéro (2).

De surcroît, en pesant sur leur profitabilité actuelle ou future, la compression de la marge nette d’intérêts peut éventuellement amener les banques à limiter la trans-mission de la politique monétaire par le canal du prêt bancaire. Pour vérifier et quantifier cet impact, nous avons procédé à une analyse économétrique de la provision de prêts bancaires aux entreprises à la suite de la baisse de taux décidée en juin 2014, et ce à l’aide d’un modèle de différences en différences que nous avons appliqué à un panel de 256 banques de la zone euro avec une fréquence mensuelle (3). Dans une première phase, l’objectif était de comparer l’évolution de la croissance des crédits aux sociétés non financières selon la part relative des dépôts de détail dans le bilan de la banque concernée (4). dans une seconde phase, pour vérifier si l’effet d’une réduc-tion de taux en territoire négatif est différent de celui d’une réduction en territoire positif, nous avons ajouté un terme faisant référence à la diminution du taux directeur effectuée en juillet 2012, dans le cadre de laquelle le taux directeur effectif avait été ramené à zéro. L’équation utili-sée est la suivante :

croissance_créditit = α + β (dep_ratioi5/2014 x après(6/2014))+ θ(dep_ratioi6/2012 x après(7/2012)) + γi + φtc+ εit

(1) on notera toutefois qu’une période prolongée de taux négatif est dans le même temps de nature à pousser les barrières psychologiques initiales de la clientèle de détail par rapport au taux négatif. cela peut impliquer une marge de manœuvre supplémentaire pour les banques afin de diminuer leurs coûts de financement.

(2) L’étude montre par ailleurs que des baisses de taux en territoire strictement positif étaient considérées comme profitables pour les banques (car elles se traduisaient par une hausse de leur valeur boursière, cet impact positif étant toutefois plus réduit dans le cas des banques comptant plus de dépôts).

(3) Pour plus d’informations sur la structure de la base de données utilisée, cf. Boeckx et al. (2017).

(4) Les résultats de cette spécification, similaires à ceux de l’équation plus large, ne sont pas montrés ici.

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la variable dépendante est la croissance annuelle des prêts aux sociétés non financières. dep_ratio indique la proportion des dépôts des ménages par rapport au total bilanciel de la banque i au cours de la période antérieure à la baisse de taux. elle est incluse dans l’équation en interaction avec deux variables binaires, l’une faisant référence à la période qui a suivi la diminution de taux pratiquée en juillet 2012 et l’autre à celle qui a suivi la baisse de taux de juin 2014, c’est-à-dire lorsque le taux de la facilité de dépôt de la Bce est devenu négatif pour la première fois. L’analyse couvre la période allant de janvier 2011 à décembre 2015. en réalisant l’analyse sur une période de temps relativement courte après l’implé-mentation du taux négatif, nous pouvons supposer que les changements en matière de modèle d’entreprise des banques ont été relativement limités. Pour tenir compte des spécificités des banques individuelles et de la situation économique et financière du moment, on a inclus des effets fixes par banque et par pays-mois.

Les résultats montrent qu’une proportion plus large de dépôts des ménages par rapport aux actifs implique une augmentation plus faible des prêts aux sociétés non finan-cières dans les 18 mois postérieurs à l’introduction du taux négatif. Plus spécifiquement, 1 point de pourcentage sup-plémentaire de dépôts de ménages (par rapport au total

bilanciel) comprimerait le taux de croissance annuelle des prêts aux entreprises de 8 points de base. À la suite de la baisse de taux opérée en juillet 2012, l’effet avait été inversé, la hausse du taux de croissance des prêts étant plus vive lorsque la part relative des dépôts des ménages dans le bilan est plus grande.

cette conclusion est similaire à celle obtenue par Heider et al. (2017), qui observent que les banques comptabili-sant plus de dépôts prêtent moins aux entreprises après la mise en œuvre du taux négatif que celles dont les dépôts étaient moindres. De plus, ils constatent que les banques dont la proportion de dépôts est plus élevée concentrent leurs prêts sur des entreprises plus risquées : une augmentation de la part des dépôts est associée à un octroi de prêts à des entreprises présentant une volatilité relativement plus grande de leur rendement sur actifs. notre base de données ne nous permet malheureusement pas d’analyser de possibles effets sur la prise de risques des banques.

Les analyses, telles celles présentées ici, basées sur des modèles de différences en différences, se caractérisent par la mise en évidence d’un effet relatif résultant de la com-paraison des comportements d’individus distincts. ces modèles ne montrent donc pas que le taux négatif exerce

Graphique 5 DYNAMIQUE DES PRÊTS ET PART RELATIVE DES DÉPÔTS DE DÉTAIL DANS LE BILAN DES BANQUES

2013 2014 2015

–10

–8

–6

–4

–2

0

2

4

6

8

10

Ratio dépôts des ménages x après (06/2014)

Ratio dépôts des ménages x après (07/2012)

Effets fixes par banque

Effets fixes par pays-mois

Nombre de banques

Observations

IMPACT DU NIVEAU DES DÉPÔTS DES MÉNAGES SUR LA CROISSANCE DES PRÊTS AUX SOCIÉTÉS NON FINANCIÈRES (SNF)

(2)

Taux de croissance annuelle des prêts

aux SNF (%)

–0,09***

0,10***

Oui

Oui

Haut niveau de dépôts

Bas niveau de dépôts

256

15 171

TAUX DE CROISSANCE DES PRÊTS AUX SOCIÉTÉS NON FINANCIÈRES

(1)

(pourcentages)

source: BnB.(1) « Bas niveau de dépôts » fait référence aux banques situées dans le quartile le plus bas de la distribution de la proportion des dépôts dans le total bilanciel. « Haut niveau de

dépôts » fait référence aux banques du quartile le plus élevé.(2) *** correspond au seuil de signification statistique de 1 %.

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57Décembre 2017 ❙ La PoLiTique De Taux négaTiF Dans La zone euRo eT L’oFFRe De PRêTs BancaiRes ❙

un effet négatif en termes absolus sur l’octroi de prêts. il en découle plutôt que, plus la part relative des dépôts de détail dans le bilan d’une banque est large, moins le taux de croissance des prêts de celle-ci est élevé comparative-ment à celui d’une banque moyenne. notre spécification n’examine pas l’effet du taux négatif sur l’octroi de prêts d’une banque moyenne. Tant pour les banques dont le niveau de dépôts est élevé que pour celles dont les dépôts sont moindres, le graphique 5 montre que la croissance des crédits est restée positive après la baisse de taux opérée en juin 2014, même si, comme on le verra dans la cinquième partie, l’effet assouplissant du taux négatif n’en est pas le seul responsable.

L’impact du volume des dépôts des ménages sur la pro-fitabilité des banques et, en fin de compte, sur l’octroi de crédits, peut aussi être conditionné par la marge dont disposent les banques, au moment de la baisse de taux, pour diminuer le taux sur leurs dépôts. cette marge déterminera la vitesse et l’ampleur avec lesquelles les banques seront confrontées à des pressions négatives sur leur marge nette d’intérêts. il ne s’agit toutefois pas d’un concept absolu : des contraintes légales, variant d’un pays à l’autre, peuvent par exemple établir des planchers différents pour certains taux de dépôt. Tester l’effet de cette marge disponible reste cependant une tâche ardue.

4.2 composition et duration des actifs bancaires

La borne économique inférieure des taux serait aussi sensible à la composition et à la duration des actifs des banques. Détenir des actifs assortis d’une duration plus longue, dont les revenus d’intérêts sont moins sensibles aux changements de taux, peut être profitable aux banques. un portefeuille d’obligations à long terme ou de prêts à taux fixe peut permettre à la banque de continuer de percevoir des revenus d’intérêts inchangés jusqu’à l’échéance des obligations ou des prêts, impliquant dans l’intervalle une marge nette d’intérêts plus élevée (toutes chose égales par ailleurs), dans la mesure où le coût de financement s’ajuste – ne serait-ce que partiellement – à la suite de la réduction de taux.

Dans le cas des prêts, la période de fixation des taux, plutôt que leur échéance, détermine dans une grande mesure la rapidité d’ajustement au nouveau niveau des taux. Les taux de référence pour les prêts à taux variable sont généralement des taux du marché qui, comme on l’a vu précédemment, se sont fortement adaptés aux baisses du taux directeur, et ce même en territoire négatif. il en ressort que les prêts à taux variable, et surtout ceux dont le taux est révisé à des échéances relativement courtes,

Graphique 6 L’OCTROI DE PRÊTS À TAUX VARIABLE PAR RAPPORT À L’OCTROI DE PRÊTS À TAUX FIXE DANS LA ZONE EURO

0

10

20

30

40

50

60

70

80

90

2007 2009 2011 2013 2015 20170

1

2

3

4

5

6

7

DE BE FR NL EA EL LU IE AT IT ES PT FI

PROPORTION DE L’ENCOURS TOTAL DES PRÊTS AUX MÉNAGES ET AUX SOCIÉTÉS NON FINANCIÈRES ACCORDÉS À TAUX VARIABLE EN MARS 2014 (pourcentages)

TAUX SUR LES ENCOURS DES PRÊTS AUX MÉNAGES ET AUX SOCIÉTÉS NON FINANCIÈRES (pourcentages)

Pays où les prêts sont surtout à taux variable

Pays où les prêts sont surtout à taux fixe

sources: Bce, calculs propres.

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peuvent entraîner des pertes de revenus d’intérêts consi-dérables sur le portefeuille existant des banques.

La part des prêts à taux variable varie fortement d’un pays de la zone euro à l’autre, les approches ou habitudes étant vraisemblablement assez établies dans chaque pays, surtout en ce qui concerne les prêts hypothécaires aux ménages. cette disparité se traduit par un impact différent des changements de taux directeurs. Bien que de manière moins automatique et moins généralisée, les banques qui prêtent majoritairement à taux fixe sont cependant aussi susceptibles d’être affectées par des ajustements de taux lorsque les prêts sont refinancés. Lorsque le processus de refinancement entraîne une compensation pour le prêteur, l’effet négatif sur le revenu de la banque concernée est toutefois atténué en partie (à tout le moins, à court terme).

Le volume et la maturité des obligations à taux fixe dans le portefeuille de titres négociables déterminent aussi la sen-sibilité de la rentabilité de la banque au taux négatif. une proportion plus élevée d’obligations par rapport au total bilanciel et une maturité résiduelle plus longue vont ainsi de pair avec une incidence moins nuisible sur la profitabilité. en effet, la valeur des titres détenus augmente lorsque les taux baissent, a fortiori quand leur échéance est plus longue. au contraire, si les banques détiennent peu d’obligations ou plutôt des titres à courte échéance, les gains de capital générés suite à la réduction des taux seront moindres. Les banques ont ainsi moins le loisir de compenser les pertes à venir sur leur marge nette d’intérêts quand leurs coûts de financement ne s’adaptent que partiellement.

Plus généralement, la proportion de titres négociables détenus par les banques semblerait atténuer l’impact défa-vorable du taux négatif sur l’offre de crédits aux sociétés non financières. en appliquant la même analyse écono-métrique que précédemment, d’une part, aux banques dont la proportion d’actifs négociables (1) est plus élevée et, d’autre part, à celles dont cette proportion est plus faible (respectivement, les quartiles supérieur et inférieur de la distribution), les résultats diffèrent significativement. Pour les banques dont le volume d’actifs négociables est élevé, le ratio des dépôts n’a pas contraint la croissance des prêts aux entreprises en période de taux négatif (le coefficient est considérablement plus réduit que celui des banques pos-sédant moins d’actifs négociables, et pas significativement différent de zéro). Par contre, pour les banques dont le vo-lume d’actifs négociables est limité, l’incidence des dépôts

des ménages sur la croissance des prêts explose (–22 points de base au lieu de –9 points de base en moyenne). en atté-nuant l’effet défavorable du taux négatif sur la profitabilité bancaire, la revalorisation des titres semble aussi tempérer le possible effet négatif de celui-ci sur l’octroi de crédits.

en fin de compte, les actifs des banques dont la maturité est la plus courte et la sensibilité aux taux la plus forte sont les liquidités excédentaires qu’elles déposent en sus de leurs réserves obligatoires auprès de la banque centrale. une banque souffrira de pertes sur ses liquidités excé-dentaires lorsque le taux appliqué à celles-ci est inférieur au coût marginal de leur financement (Buiter et Rahbari, 2016). Bien que ces pertes ne se limitent pas aux périodes de taux négatif, il est probable que, lorsque le taux tombe en dessous de zéro, le coût marginal de financement soit relativement élevé pour des banques détenant une grande proportion de dépôts des ménages, et ce en raison de la ri-gidité de leur rémunération. La détention d’un gros volume de liquidités excédentaires peut donc peser sur les revenus d’intérêts des banques et, dans la mesure où les coûts de financement sont rigides, sur leur profitabilité. Plusieurs facteurs nuancent pourtant l’importance de cet impact.

Premièrement, même s’il s’est fortement accru depuis le début de 2015, le poids des liquidités excédentaires dans le total bilanciel des banques de la zone euro reste relati-vement bas (6 % en août 2017), surtout en comparaison de celui des dépôts de détail (22 % à la même date). ainsi, une baisse de moins de 3 points de base du taux sur les dépôts des ménages compenserait la perte de revenu net d’intérêts induite par une baisse de 10 points de base du taux de la facilité de dépôt de la Bce.

Deuxièmement, la forte augmentation des liquidités excé-dentaires observée ces dernières années est la contrepar-tie des titres achetés par l’eurosystème dans le contexte de l’aPP. Dans la mesure où ces titres étaient détenus par les banques elles-mêmes, ils leur ont rapporté des gains de capital au moment de leur vente.

enfin, troisièmement, la distribution des liquidités excé-dentaires entre banques est un important facteur permet-tant d’en évaluer l’incidence : si elles sont surtout concen-trées entre les mains de banques détenant une proportion réduite de dépôts de détail, l’effet sur la profitabilité du secteur bancaire devrait être très limité (2).

4.3 L’offre de prêts bancaires a-t-elle pâti du taux négatif ?

il reste important de préciser que ni l’expérience observée jusqu’à présent ni les analyses citées ici ne démontrent

(1) somme des titres de dette (émis par le secteur public ou par le secteur privé, sauf d’autres banques) et des actions du secteur privé (hormis les banques), en proportion du total du bilan.

(2) Baldo et al. (2017) montrent que la distribution des liquidités dépend, entre autres, des modèles d’entreprise des banques : les banques d’investissement et les institutions de clearing ont ainsi tendace à accumuler plus de liquidités excédentaires par rapport à leur total bilanciel. cela suggère que les liquidités excédentaires ne poseraient pas de risque pour le transmission de la politique monétaire aux prêts bancaires.

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59Décembre 2017 ❙ La PoLiTique De Taux négaTiF Dans La zone euRo eT L’oFFRe De PRêTs BancaiRes ❙

d’effet récessif du taux négatif en termes absolus, tel que défini par Brunnermeier et Koby (2017) (1). De manière générale, la mise en œuvre de la politique de taux négatif dans la zone euro est allée de pair avec une accélération de l’octroi de crédits, de même qu’avec une baisse mar-quée des taux débiteurs bancaires. Les taux des prêts ont significativement plus décliné que le taux moyen de réfé-rence sur le marché interbancaire (soit le taux auquel les banques peuvent se financer sur ce marché) (ecB, 2017a). ces développements positifs sont confirmés par les réponses des banques à des questions portant sur l’impact du taux négatif sur l’octroi de crédits dans le cadre des enquêtes trimestrielles sur l’octroi de crédits dans la zone euro. malgré l’effet négatif sur le revenu net d’intérêts, le taux négatif aurait un effet positif sur le volume prêté et aurait contribué à réduire les taux débiteurs (ecB, 2017c). Dans le même temps, certaines banques de la zone euro se sont davantage tournées vers des activités générant des frais et commissions pour compenser la compression de leur revenu net d’intérêts (ecB, 2016b).

il reste cependant difficile de cerner la contribution spé-cifique du taux négatif à l’évolution observée des taux débiteurs et du crédit bancaire, vu que la BCe a dans le même temps mis en œuvre d’autres mesures, telles que les orientations prospectives, les programmes d’achats d’actifs et les opérations de refinancement à plus long terme ciblées. La partie suivante aborde les interactions entre le taux négatif et ces mesures.

5. interactions et complémentarités entre la politique de taux négatif et les autres mesures de politique monétaire

Les effets et les canaux de transmission des différentes mesures de politique monétaire prises par la Bce depuis juin 2014 interagissent et se complémentent. La combi-naison de ces mesures peut dès lors aussi avoir des consé-quences supplémentaires spécifiques sur la profitabilité bancaire et sur la transmission au travers des banques.

De manière générale, la présence d’une borne inférieure peut contraindre la capacité de la banque centrale de s’engager à assouplir encore la politique monétaire (goodfriend, 2016). Le taux négatif peut donc être considéré comme une mesure qui renforce l’action de la politique monétaire, tant conventionnelle que non conventionnelle (rostagno et al., 2016). s’agissant de la

politique conventionnelle, les réductions de taux sous zéro peuvent ainsi avoir un plus gros impact sur les conditions financières que des baisses de taux en territoire positif si elles changent la perception quant à la borne inférieure des taux directeurs. Dans le contexte de la zone euro, le taux négatif a ainsi permis d’amplifier l’effet des orienta-tions prospectives (cœuré, 2016) : dans la mesure où des taux faibles sont encore attendus à l’avenir, la plongée sous zéro a en effet diminué les attentes de taux futurs, ce qui a déplacé le reste de la courbe des rendements – bien au-delà du segment court – vers le bas.

Dans le même temps, certaines des autres décisions de la Bce complémentent l’incidence des baisses de taux en ter-ritoire négatif sur la courbe des rendements, notamment les orientations prospectives et le programme d’achats d’actifs, dont l’effet est plus marqué sur les segments moyen et long de la courbe des rendements. ainsi, outre le déplacement vers le bas causé par les diminutions de taux, la courbe des rendements s’est aplatie, ce qui peut avoir des effets différents sur la profitabilité des banques. D’une part, vu que les banques tirent normalement profit d’une courbe des rendements plus pentue, cela peut davantage endommager leur rentabilité. en effet, les actifs détenus auparavant sont remplacés par des actifs rapportant un revenu d’intérêts plus faible, impliquant des pertes directes sur la marge nette d’intérêts, dans le cas où les coûts de financement ne s’ajustent pas dans la même mesure.

D’autre part, l’implémentation simultanée des différentes mesures contribue à renforcer l’assouplissement des conditions financières et, ce faisant, à accroître l’incidence positive de la baisse des taux sur l’économie de la zone euro. en conséquence, l’objectif des mesures, à savoir la relance de l’économie et de l’inflation, pourrait être at-teint plus rapidement, réduisant ainsi la période de temps pendant laquelle les taux doivent rester à de très bas niveaux – et donc l’impact potentiellement négatif qu’une longue période de taux négatif peut avoir sur les banques.

en outre, la baisse additionnelle des taux à plus long terme induite par l’effet des orientations prospectives et des programmes d’achats gonfle la valeur des actifs négo-ciables détenus par la banque, comme on l’a expliqué précédemment. Les gains en capital dérivés de l’apprécia-tion de ces actifs seraient donc plus substantiels pour les banques que dans le cas où le taux négatif était la seule mesure appliquée par la banque centrale.

Le taux négatif complémente aussi la mise en œuvre des programmes d’achats d’actifs (aussi appelés « pro-grammes d’assouplissement quantitatif »), dans la mesure où il accentue le rééquilibrage des portefeuilles typique

(1) une analyse menée par goldman sachs economic Research (Hazell et Pill, 2016) montre toutefois que la croissance du crédit aux entreprises diminue à la suite d’une baisse des taux lorsque ceux-ci sont à des niveaux très bas ou inférieurs à zéro.

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de ces derniers : le fait que la banque obtienne un revenu marginal négatif sur ses réserves excédentaires l’incite à affecter ces réserves différemment, c’est-à-dire à les convertir en d’autres types d’actifs. Le taux négatif peut dès lors se traduire par une croissance des prêts (y compris interbancaires) ou par une exposition plus importante à des actifs plus risqués (parmi lesquels des actifs libellés dans d’autres devises). ainsi, l’interaction entre le taux négatif et les achats d’actifs permettrait d’augmenter l’efficacité de ces derniers.

Les programmes d’assouplissement quantitatif peuvent aussi altérer la composition du bilan des banques et, par-tant, leur rentabilité. en effet, les achats d’actifs impliquent une forte hausse des liquidités excédentaires dans le système bancaire. Bien que la distribution des liquidités excédentaires dépende des stratégies et alternatives des banques individuelles, la réduction de la duration de l’actif d’au moins certaines banques – découlant donc de leur détention de liquidités – peut accentuer les pressions exercées sur leur profitabilité si, dans le même temps, elles font face à des coûts de financement relativement rigides. ces effets seraient plus marqués dans le cas où les taux directeurs diminuent fortement sous zéro, mais aussi lorsqu’ils restent sous zéro plus longuement qu’anticipé. Les programmes d’achats ont ainsi aussi une dimension dynamique (avec des liquidités excédentaires croissantes), qui vient s’ajouter à celle de la politique de taux négatif.

ces pressions peuvent être d’autant plus exacerbées que les programme d’achats d’actifs sont associés à une augmentation du volume des dépôts et, en particulier, des dépôts de détail, soit de manière directe si la banque centrale achète des titres à la clientèle de détail et si cette dernière dépose les gains auprès des banques de la zone euro, soit de manière indirecte si les effets de second tour des achats impliquent un accroissement des prêts aux ménages et aux entreprises (pour une explication intuitive de cet effet, cf. cordemans et al., 2016).

de ces interactions découlent des répercussions pour le séquençage des mesures de politique monétaire, en ce qui concerne tant leur implémentation que leur retrait. selon Brunnermeier et Koby (2017), pour que l’impact des mesures au travers du canal du crédit bancaire soit maximal, les taux directeurs devraient être retombés à leur borne inférieure avant qu’on envisage la mise en œuvre d’un programme d’assouplissement quantitatif. en effet, lorsque de nouvelles baisses de taux (qui reva-loriseraient les actifs maintenus dans leur bilan) ne sont plus attendues, les détenteurs d’actifs – en ce compris les banques  – sont plus disposés à vendre ceux-ci à la banque centrale dans le cadre d’un programme d’achats. au contraire, si les taux n’ont pas atteint leur borne

inférieure, les détenteurs peuvent préférer garder les actifs qu’ils détiennent, érodant ainsi l’efficacité du programme d’achats. en outre, ce séquençage précis implique que les banques peuvent bénéficier des gains en capital associés à la baisse des taux jusqu’à leur borne inférieure, atténuant le possible impact défavorable du taux négatif sur la marge nette d’intérêts. une réduction de taux inattendue après la vente des actifs serait associée à un gain en capital moins prononcé (ou une diminution de la rémunération des liquidités excédentaires créées par la vente des actifs), ce qui est de nature à limiter la résilience des banques en cas de période prolongée de taux négatif (et, partant, la transmission de l’assouplissement à l’économie).

Pour les banques, la complémentarité des mesures a aussi des retombées par rapport au séquençage du retrait des différentes mesures : clôturer le programme d’achats en premier lieu permettrait de rendre la courbe des rende-ments plus pentue (la prime de terme augmente), ce qui pourrait alléger l’impact potentiellement négatif d’une période prolongée de taux négatif sur la profitabilité des banques, tout en maintenant les taux à court terme à de relativement bas niveaux.

La complémentarité entre le taux négatif et les TLTRo est plus spécifique et plus centrée sur les banques. ces opéra-tions, qui visent à encourager l’octroi de crédits bancaires

Graphique 7 IMPACT DES TLTRO SUR L’OCTROI DE PRÊTS AUX SOCIÉTÉS NON FINANCIÈRES

(pourcentages des banques répondant à la question « Dans quelle mesure les fonds obtenus des TLTRo passées ont-ils contribué à l’octroi de prêts aux sociétés non financières? »)

0

10

20

30

40

50

60

70

80

90

100

Quelque peu contribué

Considérablement contribué

Fondamentalement pas d’incidence

2015‑T3 2016‑T1 2016‑T3 2017‑T1

source : Bce, enquêtes trimestrielles sur la distribution du crédit bancaire dans la zone euro.

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61Décembre 2017 ❙ La PoLiTique De Taux négaTiF Dans La zone euRo eT L’oFFRe De PRêTs BancaiRes ❙

aux entreprises, assurent un financement à moyen terme très aisé aux banques qui y participent (1) ; elles exercent ainsi une pression baissière sur les coûts de financement des banques (tant directe, pour celles qui empruntent des fonds, qu’indirecte, en offrant une source de financement additionnelle concurrençant les sources traditionnelles, telles que l’émission d’obligations bancaires ou les prêts interbancaires, et comprimant leurs rendements). Plus par-ticulièrement, la deuxième série de TLTRo, mise en œuvre depuis juin 2016, offre des fonds pendant une période allant jusqu’à quatre ans à un taux potentiellement égal à celui de la facilité de dépôt. en octobre 2017, la liquidité créée grâce aux TLTRo s’élevait à 758 milliards d’euros, soit 42 % des liquidités excédentaires du système bancaire de la zone euro et 2,4 % du total bilanciel des banques.

en diminuant leurs coûts de financement, les TLTRo auraient atténué l’impact négatif de la rigidité des taux des dépôts sur la marge nette d’intérêts des banques et, dès lors, sur l’octroi de crédits. en effet, si on en croit les réponses aux enquêtes trimestrielles sur la distribution du crédit bancaire dans la zone euro, les banques estiment que les TLTRo ont contribué positivement à l’octroi de prêts aux sociétés non financières.

Conclusion

La politique de taux négatif est devenue ces dernières années, conjointement avec d’autres mesures de politique monétaire à caractère non conventionnel, un instrument additionnel pour les banques centrales. Bien que son uti-lisation se soit répandue, tant pour combattre les risques de déflation que pour contrôler le taux de change, elle présente des limites quant à la transmission monétaire au travers des banques.

ces limites trouvent leur origine dans l’existence d’une borne inférieure aux alentours de 0 % pour les taux des dépôts de détail. cette borne implique en effet une rigi-dité à la baisse des coûts de financement des banques lorsque le taux directeur est trop diminué et, a fortiori, lorsqu’il tombe en territoire négatif.

La rigidité à la baisse des coûts de financement des banques peut créer des pressions baissières sur leur marge nette d’intérêts et, in fine, les contraindre dans leur capacité d’octroyer plus de prêts à l’économie. aussi, plus la période de taux négatif se prolonge, plus il semble possible que des effets récessifs sur la dynamique de prêts émergent. Les banques peuvent cependant aussi bénéfi-cier de gains de capital et de l’amélioration des conditions macroéconomiques liée à l’assouplissement monétaire. ainsi, l’effet ultime du taux négatif sur la profitabilité des banques et sur l’octroi de prêts dépendra de la composi-tion des bilans des banques.

en outre, la politique de taux négatif dans la zone euro n’est pas une mesure isolée. Par le biais des interac-tions et des effets de complémentarité avec les autres mesures de politique monétaire, l’impact potentielle-ment défavorable d’une politique de taux négatif sur la profitabilité des banques et sur leur capacité de prêter davantage peut être atténué. Par ailleurs, la combinai-son des mesures est de nature à faciliter la transmission, ce qui contribue à atteindre les objectifs de la politique monétaire plus rapidement et à limiter la longueur de la période durant laquelle le taux négatif est nécessaire. Les évolutions observées au niveau de l’octroi de prêts dans la zone euro depuis la mise en œuvre de la politique de taux négatif semblent indiquer une transmission sans heurt par les banques.

(1) Pour plus d’information sur les TLTRo, cf., entre autres, ecB (2017d).

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