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  • 8/19/2019 Revue concurrence

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    ConcurrencesRevue des droits de la concurrenceCompetition Law Journal

    E NTENTES

    Chroniques l Concurrences N° 1-2014 – pp. 53-64

    Michel D [email protected] Avocat, Reed Smith, Parisl Directeur d’Études, École de Droit et Management de Paris,

    Université Panthéon-Assas

    NathalieJ ALABERT -D OURY

    [email protected] Avocat, Mayer Brown, Paris

    Cyril S [email protected] Référendaire, Tribunal de l’Union européenne, Luxembourg

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    E NTENTESChroniques

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    Concurrences N° 1-2014 I Chroniques Ententes53

    1. UNION EUROPÉENNEIMPUTABILITÉ – CONTRÔLE CONJOINT PAR DEUX SOCIÉTÉS MÈRES : La Cour de justice de l’Union européenne rejette le pourvoi etexamine les conditions d’imputation du comportement d’uneliale à ses deux sociétés mères à 50 % (CJUE, 26 septembre 2013,The Dow Chemical Company c/ Commission, aff. C-179/12 P; CJUE, 26 septembre 2013,EI du Pont de Nemours c/ Commission, aff. C-172/12 P)

    Saisie de deux pourvois respectivement dirigés contre l’arrêt du Tribunal du 2 février2012, Dow Chemical e.a. c/ Commission (aff. T-77/08, cf. la présente chronique,Concurrences n° 2-2012, p. 48) et contre l’arrêt du Tribunal du même jour, e.i.DuPontde Nemours e.a. c/ Commission (T-76/08, cf. la présente chronique,Concurrences n° 2-2012, p. 48), la Cour de justice de l’Union les rejette dans leur intégralité.

    Pour rappel les requérantes, auteurs de chacun des pourvois, détenaient 50 % desparts de l’entreprise commune DuPont Dow Elastomers LLC (ci-après “DDE”).La Commission ayant considéré que les deux sociétés mères avaient exercé uneinuence déterminante sur le comportement de cette dernière, elle avait conclu queles trois entités formaient une entreprise au sens de l’article 101 TFUE. Dans chacundes arrêts sous pourvoi, le Tribunal avait conrmé ladite conclusion. Au soutien deleur pourvoi respectif, les requérantes alléguaient notamment que, en conrmantqu’elles avaient chacune exercé une inuence déterminante sur le comportement deDDE, le Tribunal avait méconnu les notions de “même unité économique”, de “seuleentreprise” et/ou de “l’existence d’une inuence déterminante”. Par des motifs quasiidentiques, la Cour rejette cette argumentation des deux requérantes comme étantnon fondée.

    Dans un premier temps, elle rappelle que, selon la jurisprudence constante, danscertaines circonstances, une société mère et sa liale peuvent former une même unitééconomique et ainsi une seule entreprise au sens de l’article 101 TFUE, de sorteque la Commission peut adresser à la première une décision inigeant des amendessans qu’il soit requis d’établir son implication personnelle dans l’infraction. Telest le cas lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, une liale nedétermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais appliquepour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard enparticulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent cesdeux entités juridiques.

    La notion d’entreprise s’apprécie du point de vue de l’objet de l’accord encause et la constatation de la responsabilité d’une société mère pour laparticipation à une infraction commise par sa liale s’apprécie sur la based’un ensemble d’éléments factuels

    La Cour, à l’instar du Tribunal, dit pour droit qu’il ne suft pas pour la Commissionde constater qu’une société mère est en mesure d’exercer une inuence déterminantesur le comportement de sa liale. Elle doit également vérier si cette inuence aeffectivement été exercée. En l’espèce, dès lors que les deux sociétés mères détenaientchacune 50 % de l’entreprise commune DDE, aucune présomption d’inuencedéterminante ne s’appliquait an de conclure à l’imputation du comportement deladite liale à ses deux sociétés mères. Dès lors, premièrement, an de conclureque les trois entités pouvaient être considérées comme faisant partie d’une unitééconomique et, partant, d’une même entreprise, il convenait, ainsi que l’a rappeléà bon droit le Tribunal, d’apprécier cette dernière notion au regard de l’objet del’accord en cause, même si, du point de vue juridique, cette unité économique estconstituée de plusieurs personnes physiques ou morales. Deuxièmement, an deconstater leur responsabilité pour la participation à l’infraction aux règles du droitde la concurrence commise par la liale commune DDE, il y avait lieu de vériersi la Commission avait démontré, sur la base d’un ensemble d’éléments factuels,l’exercice effectif de l’inuence déterminante par ces deux sociétés mères sur laditeliale commune. (aff. C-172/12 P, points 40 à 50, et C-179/12, points 51 à 61).

    Michel D [email protected]

    Avocat, Reed Smith, ParisDirecteur d’Études, École de Droit et

    Management de ParisUniversité Panthéon-Assas

    Nathalie J ALABERT -D OURY *[email protected]

    Avocat, Mayer Brown, Paris

    Cyril SARRAZIN **[email protected]

    Référendaire, Tribunal de l’Union européenne,Luxembourg

    * Avec la participation de Thibault Schrepel,Doctorant, Mayer Brown.

    ** Les opinions ici exprimées n’engagent que leur auteuret non l’institution à laquelle il appartient.

    Abstracts1. EU

    AGREEMENT – IMPUTABILITY OF THE UNLAWFUL CONDUCT – JOINTCONTROL BY TWO PARENT COMPANIES: 53The Court of Justice of the European Union rejects the appeal and examines theconditions of imputability of a subsidiary’s conduct to its two parent companiesCJUE, 26.9.2013, The Dow Chemical Company c/ Commission, case C-179/12P ; CJUE, 26.9.2013, P EI du Pont de Nemours v. Commission, case C-172/12

    ARTICLE 101 TFEU – FINE – IMPUTABILITY OF THE UNLAWFUL CONDUCT –“DUAL BASIS”METHOD: 54The Court of Justice of the European Union conrms its case-law on the“dual basis”methodCJUE, 26.9.2013, Alliance One International c./Commission, caseC-668/11 P ; CJUE, 26.9.2013, Alliance One International v. Commission,case C-679/11 P

    AGREEMENT – FINE – UNLIMITED JURISDICTION: 55The Court of Justice of the European Union rejects the appeal and recalls theunderlying principles of both the review of legality and the unlimited jurisdictionCJUE, 24.10.2013, Kone Oyj e.a. v. Commission, case C-510/11 PPARENTAL LIABILITY – EXCESSIVE DURATION OF THE PROCEEDINGS –EFFECTIVE JUDICIAL PROTECTION: 57The grand chamber of the Court of Justice of the European Union dismissesseveral arguments based on the Charter of fundamental rig hts, while

    opening the door to a future indemnication action based on the excessiveduration of the proceedings before the General Court CJEU, grand chamber, 26.11.2013, Groupe Gascogne v. Commission,case C-58/12 PPARENTAL LIABILITY – MOTIVATION – DURATION OF THEINFRINGEMENT – SINGLE AND CONTINUOUS INFRINGEMENT – EQUALTREATMENT – FINE: 57The Court of Justice of the European Union rejects all appeals in thebleaching cartel –including the Commission’s – and details the scope of theCommission’s motivation ob ligationCJEU, 05.12.2013, Commission v. Edison, Caffaro v. Commission, SNIA v.Commission, Solvay Solexis v. Commission and Solvay v. Commission,cases C-446/11 P, C-447/11 P, C-448/11 P, C-449/11 P and C-455/11 PCARTEL – EVIDENCE – ORAL STATEMENTS: 59The Court of Justice of the European Union rejects a rst part of theappeals brought against AIG cartel and gives some details about theassessment of the probative statementsCJEU, 19.12.2013, Siemens, Mitsubishi Electric and Toshiba.v. Commission, cases C-239/11 P, C-489/11 P et C-498/11 PPARENTAL LIABILITY – ABSENCE OF SHAREHOLDING PRESUMPTION

    – PRESUMPTION OF INNOCENCE – MITIGATING CIRCUMSTANCES –INFRINGEMENT COMMITTED AS A RESULT OF NEGLIGENCE: 59The General Court of the European Union upholds the Commission’s

    decision and provides important clarications on the issue of parental liability in the absence of shareholding presumptionGCEU, 13.12.2013, Holding Slovenske elektrarne v. Commission, case T-399/09)

    2. FranceCONCERTED PRACTICES – MARKET FOR INDUSTRIAL TOWELS –TERMINATION OF SUPPLY CONTRACTS: 62The Paris Court of appeal uphold s the decision by the French NCA todismiss a complaint based on alleged concerted practices resulting in thetermination of supply contractsCA Paris, 26.09.2013, Roland Vlaeminck Tisseur, 2012/08948

    AGREEMENTS – FINING GUIDELINES – SETTING OF FINANCIALPENALTIES: 62The Paris Court of appeal conrms the validity of the Notice of 16 May 2011on the Method Relating to the Setting of Financial Penaltiesbut states thatthe compliance of penalties imposed with the provisions of the CommerceCode is to be controlled in each caseCA Paris, 10.10.2013, Nestlé Purina Petcare France, Nestlé, Royal Canin,Mars Incorporated, Hill s Pet Nutrition, Colgate-Palmolive Company,2012/07909CARTEL – INTERCHANGE FEES – COMMITMENTS: 64The French competition authority accepts the commitments in the eld ofcard paymentFr. NCA,20.09.2013, dec. n° 13-D-17 relatedto MasterCard practicesin the eld of card payements ; Fr. NCA,20.09.2013, dec. n° 13-D-18relatedto Visa practices in the eld of card payements

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    L’autonomie d’une entreprise commune au sensde la législation sur les concentrations ne signiepas que cette entreprise commune n’est pas sousl’inuence déterminante de ses sociétés mèresau regard de l’article 101 TFUE

    Dans un second temps, la Cour écarte l’argument selon lequell’approche du Tribunal serait incompatible avec la législationde l’Union sur les concentrations. En effet, elle relève que,d’une part, une inuence déterminante d’une ou de plusieurssociétés mères n’est pas nécessairement liée à la gestionquotidienne d’une liale et, d’autre part, les preuves d’unetelle inuence doivent être appréciées au regard de l’ensembledes liens économiques organisationnels et juridiques quiunissent la société mère et sa liale. Or, en l’espèce, le Tribunalavait déduit de l’ensemble des preuves que les deux sociétés

    mères exerçaient effectivement une inuence déterminantesur leur liale commune DDE. Partant, la Cour conclut quec’est à bon droit que le Tribunal a relevé que l’autonomiedont jouit une entreprise commune au sens de la législationde l’Union sur les concentrations ne signie pas que cetteentreprise commune jouit également d’une autonomie en cequi concerne l’adoption de décisions stratégiques et qu’ellen’est donc pas sous l’inuence déterminante de ses sociétésmères au regard de l’article 101 TFUE. (aff. C-172/12 P,points 51 et 52, et C-179/12, points 64 et 65)

    C. S. n

    AMENDE – IMPUTABILITÉ DU COMPORTEMENT INFRACTIONNEL DE FILIALES À LEURS SOCIÉTÉS MÈRES – MÉTHODE DE LA “DOUBLE BASE” :La Cour de justice de l’Union européenneconrme sa jurisprudence sur l’applicationde la méthode dite de la “double base ” (CJUE, 26 septembre 2013, Alliance One Internationalc/ Commission, aff. C-668/11 P ; CJUE, 26 septembre 2013, Alliance One International c/ Commission, aff. C-679/11 P)

    Saisie, d’une part, dans l’affaire C-668/11 P, d’un pourvoiformé par Alliance One International Inc. contre l’arrêt duTribunal du 12 octobre 2011,Alliance One International c/ Commission (aff. T-38/05, Rec., p. II-7005, cf. la présente

    chronique, Concurrences n° 1-2012, p. 91) et, d’autre part,dans l’affaire C-679/11 P, d’un pourvoi principal formé parla même requérante et d’un pourvoi incident formé par laCommission, contre l’arrêt du Tribunal du même jour,Alliance One International c/ Commission (aff. T-41/05, Rec.,p. II-7101, cf. la présente chronique,Concurrences n° 1-2012,p. 91) la Cour de justice de l’Union les rejette dans leurintégralité.

    Pour les besoins de la présente contribution, l’attentiondu lecteur doit être attirée sur les motifs des arrêts souscommentaire concernant, tout d’abord, la conrmation parla Cour de sa jurisprudence sur la méthode de la “doublebase” pour imputer le comportement infractionnel d’uneliale à sa société mère, ensuite, les critères pris en comptepour iniger une amende d’un montant susceptible dedissuader les entreprises de violer les règles du droit de laconcurrence de l’Union et, enn, les motifs consacrés àl’exercice par le Tribunal de son pouvoir de réformation du

    montant de l’amende, l’ayant conduit à réduire ce dernier, ceque la Commission conteste, en substance, dans son pourvoiincident.

    Premièrement, s’agissant de l’application de la méthodede la “double base”, la Cour rappelle qu’elle consiste pourla Commission, an d’apprécier l’exercice effectif d’uneinuence déterminante sur une liale, de ne tenir sa sociétémère pour responsable de son comportement infractionnelque lorsque des éléments de preuve viennent conrmerla présomption capitalistique de l’exercice effectif d’unetelle inuence. Partant, en recourant à cette méthode, laCommission renonce à s’en tenir à l’application de la seuleprésomption d’inuence déterminante.

    Dans les deux arrêts sous commentaire (aff. C-668/11 P etC-379/11 P, points 36 à 41), la Cour, d’une part, se contentede citer les motifs, consacrés à la mise en œuvre de cetteméthode, gurant aux points 43 à 50 de son arrêt du 19 juillet2012, Alliance One Internationalet Standard CommercialTobacco c/ Commission et Commission c/Alliance OneInternational e.a. (aff. 628/10 P et C-14/11 P, cf. la présentechronique,Concurrences n° 4/2012, p. 66). D’autre part, elleconstate que, dans les arrêts attaqués, le Tribunal a fondéson appréciation de la méthode de la « double base » sur sapropre interprétation de celle-ci, interprétation qu’elle jugenon entachée d’erreur de droit (aff. C-668/11 P et C-379/11 P,points 42 à 44).

    Deuxièmement, s’agissant des critères pris en compte pour

    iniger une amende d’un montant susceptible de dissuaderles entreprises de violer les règles du droit de la concurrencede l’Union, la Cour était saisie de la question de savoir,en substance, si le coefcient multiplicateur aux ns dedissuasion devait être réduit an de tenir compte de laparticipation d’un opérateur concerné qui ne couvrait qu’unepartie de la période totale d’infraction en cause.

    Le lien entre, d’une part, la taille et les ressources globalesdes entreprises et, d’autre part, la nécessité d’assurerun effet dissuasif à l’amende ne saurait être contesté

    À ce titre, la Cour rappelle que l’application du coefcient

    multiplicateur aux ns de dissuasion vise non seulementà réprimer les violations de l’article 101 TFUE par lesentreprises concernées mais également à les dissuader,ainsi que les autres opérateurs économiques, de violer, àl’avenir, les règles du droit de la concurrence de l’Union.Or, selon la jurisprudence, le lien entre, d’une part, la tailleet les ressources globales des entreprises et, d’autre part, lanécessité d’assurer un effet dissuasif à l’amende ne saurait êtrecontesté. En effet, selon la Cour, c’est l’impact recherché surl’entreprises concernée qui justie la prise en considérationde la taille et des ressources globales de cette entreprise and’assurer un effet dissuasif sufsant à l’amende, la sanctionne devant pas être négligeable au regard, notamment, dela capacité nancière de ladite entreprise (aff. C-668/11 P,points 62 et 63, et C-379/11 P, points 73 et 74).

    La Cour en déduit que, aux ns d’iniger une amende d’unmontant susceptible de dissuader les entreprises concernéesde violer, à l’avenir, les règles du droit de la concurrence de

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    l’Union, il convient de prendre en considération la taille et lesressources globales de ces dernières au moment de l’adoptionde la décision litigieuse. Partant, le fait qu’un opérateurn’ait pas été tenu pour solidairement responsable au titrede l’ensemble de la période durant laquelle l’infractiona été commise est sans incidence pour la déterminationdu coefcient multiplicateur aux ns de la dissuasion(aff. C-668/11 P, point 64, et C-679/11 P, point 75).

    Le juge de l’Union est habilité à exercer sacompétence de pleine juridiction lorsque la questionde l’amende est soumise à son appréciation

    Troisièmement, s’agissant de la réduction par le Tribunaldu montant de l’amende inigée, réduction contestée par laCommission dans son pourvoi incident, la Cour dit pour droitque le juge de l’Union est habilité à exercer sa compétencede pleine juridiction lorsque la question du montant del’amende et soumise à son appréciation. Elle rappelle queledit juge est alors habilité, au-delà du simple contrôle delégalité de la sanction, à substituer son appréciation à cellede la Commission et, en conséquence, en tenant compte detoutes les circonstances de fait, à supprimer, à réduire ouà majorer l’amende ou l’astreinte inigée (aff. C-679/11 P,points 103 à 107).

    C. S. n

    AMENDES – PLEINE JURIDICTION : La Cour dejustice de l’Union européenne rappelle auxrequérantes et au Tribunal les principessous-jacents du contrôle de légalité et dela compétence de pleine juridiction (CJUE,24 octobre 2013, Kone Oyj e.a. c/ Commission, aff. C-510/11 P)

    Saisie d’un pourvoi introduit par des sociétés du groupeKone contre l’arrêt du Tribunal du 13 juillet 2011,Kone e.a.c/ Commission (aff. T-151/07, Rec., p. II-5313, cf. la présentechronique,Concurrences n° 4-2011, p. 90), la Cour de justicede l’Union, le rejette dans son intégralité. Pour les besoinsde la présente chronique, l’attention du lecteur sera tout

    particulièrement attirée sur les motifs de l’arrêt consacrésà l’exercice du contrôle de pleine juridiction par le juge del’Union.

    Ainsi que le relève la Cour, les requérantes formulaientdans leur pourvoi une critique transversale selon laquellele contrôle juridictionnel exercé par le Tribunal dans l’arrêtattaqué revêtait un caractère marginal et ne pouvait êtrequalié de “pleine juridiction”. Au demeurant, il convient derelever qu’à plusieurs reprises dans l’arrêt sous commentairela Cour a constaté que le Tribunal avait erronément décrit,de manière abstraite et déclaratoire, le contrôle juridictionneldont il est en charge s’agissant de décisions prononçant desamendes. Toutefois, à chaque reprise, la Cour a constaté que,nonobstant cette interprétation erronée, le Tribunal avaiteffectivement exercé un contrôle juridictionnel conformeaux caractéristiques d’un contrôle de “pleine juridiction”, àsavoir un contrôle plein et entier, en droit et en fait (voir lespoints 44, 56 et 93).

    Les considérations liminaires, exposées aux points 20 à 33 del’arrêt sous commentaire, sonnent donc comme un rappel àl’attention non seulement des requérantes mais également duTribunal, concernant les principes sous-jacents du contrôlede légalité exercé par le juge de l’Union ainsi que ceux dela compétence de pleine juridiction dont il bénécie danscertaines conditions.

    Ledit rappel, fondé sur une jurisprudence à présent bienétablie, traite de l’ensemble des questions que soulève demanière récurrente ces dernières années, l’exercice par le juge de l’Union de sa compétence concernant des décisionsinigeant des amendes en droit de la concurrence de l’Union.

    Premièrement, la Cour rappelle que, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme,l’article 6 de la Convention EDH n’exclut pas qu’une peinesoit imposée d’abord par une autorité administrative, sousréserve que la décision de cette dernière soit soumise aucontrôle ultérieur d’une organe judiciaire de pleine juridictionqui doit être habilité à réformer en tous points, en fait commeen droit, la décision litigieuse (points 21 et 22).

    Deuxièmement, la Cour rappelle que, en substance, lecontrôle de légalité consiste en un contrôle approfondi tantde droit que de fait, contrôle auquel le juge de l’Union nesaurait renoncer au motif que la Commission dispose d’unemarge d’appréciation tant quant au choix des éléments prisen considération lors de l’application de la communicationsur la coopération de 2002 que quant à l’évaluation de ces

    éléments (point 24).Troisièmement, la Cour rappelle que le contrôle prévupar les traités impliquant que le juge de l’Union exerceun contrôle tant de droit que de fait et qu’il ait le pouvoird’apprécier les preuves, d’annuler la décision attaquée etde modier le montant des amendes, il n’apparaît pas quele contrôle de légalité prévu à l’article 263 TFUE, complétépar la compétence de pleine juridiction quant au montantde l’amende, soit contraire aux exigences qui découlentdu principe de protection juridictionnelle effective tel quereconnu à l’article 47 de la Charte des droits fondamentauxde l’Union européenne (point 25).

    Le contrôle juridictionnel coné au juge del’Union ne consiste ni à ré-instruire de manièrecomplète l’affaire ni à contrôler d’office l’ensemblede la décision attaquée

    Quatrièmement, le contrôle juridictionnel coné au jugede l’Union, d’une part, n’a ni pour objet ni pour effet deremplacer une instruction complète de l’affaire dans le cadred’une procédure administrative et, d’autre part, ne consistepas en un contrôle d’ofce de l’ensemble de la décisionattaquée. Ces caractéristiques ne violent pas le principe deprotection juridictionnelle effective selon la Cour. En effet,ledit contrôle juridictionnel est destiné, conformément àla nature même du contrôle de légalité, dans le respect duprincipe du contradictoire, et hormis les moyens d’ordrepublic, à analyser les moyens soulevés par le requérant, ainsique les éléments de preuve apportés à l’appui desdits moyens,dans le cadre d’un recours en annulation contre la décision

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    litigieuse. Cette exigence de nature procédurale ne modie pasla règle selon laquelle c’est à la Commission qu’il appartientd’apporter la preuve des infractions qu’elle constate. En effet,il incombe “seulement” au requérant d’identier les élémentscontestés de la décision attaquée, de formuler des griefs à cetégard et d’apporter des preuves qui peuvent être constituéesd’indices sérieux, tendant à démontrer que ses griefs sontfondés (points 26 et 30 à 32).

    Cinquièmement, si le juge de l’Union ne saurait empiéter surla marge d’appréciation, dont la Commission dispose dansle cadre de la procédure administrative, en substituant sapropre évaluation de circonstances économiques complexesà celle de la Commission, en revanche, il doit démontrer, lecas échéant, que cette dernière est parvenue à ses conclusionsd’une manière qui n’est pas légalement fondée. C’est ainsique, dans les domaines donnant lieu à des appréciationséconomiques complexes, le juge de l’Union doit contrôlerl’interprétation, par la Commission, de données de natureéconomique. À ce titre, il doit notamment vérier nonseulement l’exactitude matérielle des éléments de preuveinvoqués, leur abilité et leur cohérence, mais égalementcontrôler si ces éléments constituent l’ensemble des donnéespertinentes devant être prises en considération pour apprécierune situation complexe et s’ils sont de nature à étayer lesconclusions qui en sont tirées (points 27 et 28).

    En l’espèce, la Cour constate que, nonobstant les différenteserreurs commises par le Tribunal au stade de descriptionsabstraites des règles de droit applicables, celui-ci a toutefois

    effectivement exercé un contrôle plein et entier, en droit et enfait sur les motifs litigieux de la décision attaquée.

    C. S. n

    IMPUTABILITÉ DES PRATIQUES ANTICONCURRENTIELLES – DURÉE EXCESSIVE DE LA PROCÉDURE – PRINCIPE DE PROTECTION JURIDICTIONNELLE EFFECTIVE : La Cour dejustice de l’Union européenne, en grandechambre, juge irrecevables et non fondésplusieurs moyens fondés sur la Charte desdroits fondamentaux de l’Union européenneet dirigés contre l’imputation de pratiquesanticoncurrentielles à la société mère, touten ouvrant la porte à une indemnisationfuture en raison de la durée excessive dela procédure devant le Tribunal (CJUE, grandechambre, 26 novembre 2013, Groupe Gascogne c/ Commission,aff. C-58/12 P)

    Cet arrêt pourrait se résumer comme étant celui d’une doubleoccasion manquée. La première occasion manquée est cellequi aurait permis de juger de la conformité de l’imputationsystématique des pratiques anticoncurrentielles d’une lialeà sa société mère avec la Charte des droits fondamentaux del’Union européenne (la “Charte”). La seconde est celle quiaurait permis à la Cour de privilégier les principes d’économiede procédure et de protection juridictionnelle effective, sur lavolonté de maintenir les sanctions prononcées, même en casde durée excessive avérée de la procédure. Double occasionmanquée, double regret, et double critique pour cet arrêt

    décevant et qui consacre une régression de la protection juridictionnelle effective en cas de durée excessive de laprocédure.

    Sur la question de l’imputation des pratiquesanticoncurrentielles, la Cour juge irrecevables etnon fondés plusieurs moyens fondés sur la Charte

    Le groupe Gascogne et sa liale dénommée Sascha àl’époque des faits (détenue directement et indirectement à100 %), ont été condamnés par la Commission à une amendede 13,20 millions d’euros le 30 novembre 2005, dont lasociété mère, requérante dans l’arrêt commenté, était tenuepour responsable conjointement et solidairement à hauteurde 9,9 millions d’euros. Dans la procédure devant le Tribunal,la requérante avait invoqué la contrariété de cette décisionavec le principe de présomption d’innocence consacré parl’article 48 de la Charte, mais seulement au stade de laréplique. La requérante soutenait que ce moyen ne faisaitque développer des arguments contenus dans le recours, etau surplus, que s’il devait être considéré comme nouveau, ilfaisait suite au fait nouveau constitué par l’entrée en vigueurdu Traité de Lisbonne en cours d’instance.

    Le Tribunal avait écarté ces arguments en considérant qu’ils’agissait bien d’un moyen nouveau, qui ne pouvait être justié par l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, dont leTribunal a jugé qu’il ne constituait en rien un fait nouveau,au motif que les principes invoqués par la requérante

    relevaient déjà de l’ordre juridique de l’Union, en leurqualité de principe généraux du droit de l’Union. La Courconrme en tous points l’arrêt du Tribunal et rejette commeirrecevables car nouveaux les deux moyens formés devant ellesur ce fondement (§ 30-36).

    En outre, la Cour examine ces mêmes moyens “pour autantque la requérante soutient (…) que le Tribunal a manqué à sonobligation de motivation” relative au caractère irréfragablede la présomption capitalistique. La Cour écarte ce moyenen jugeant – solution dont la régularité n’a d’égale que lecaractère peu convaincant – qu’en dépit d’arguments quiindiquaient que Sascha disposait d’une grande autonomie,le Tribunal n’avait pas commis d’erreur d’appréciation enimputant à la société mère la responsabilité pour l’infractioncommise par sa liale (§ 37-42).

    On soulignera encore que la requérante avait avancé un autremoyen visant à démontrer que la Commission et le Tribunalà sa suite, n’avaient pas correctement interprété la notiond’entreprise, en inigeant une sanction proportionnée auchiffre d’affaires de la totalité du groupe, en cumulant leschiffres d’affaires de toutes ses sociétés constituantes, sansdémontrer l’absence d’autonomie de chacune d’entre elles,individuellement. La Cour évite ce moyen davantage qu’ellen’y répond, en jugeant que l’imputation d’une pratique à lasociété mère et l’interdiction d’iniger une amende excédant10 % du chiffre d’affaires sont deux questions distinctes,et qu’il incomberait à chaque société, membre du groupecondamné, de contester l’exercice d’un pouvoir de contrôlede la société mère (§ 57). Il est permis de douter du caractèrepraticable, dans les faits, d’une telle démarche.

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    Tout en pointant du doigt la durée excessive dela procédure devant le Tribunal, la Cour enterre ànouveau la solution de l’arrêt Baustahlgewebe etrenonce à l’économie de procédure que consacraitcette dernière

    Le dernier moyen de la requérante portait sur la duréeexcessive de la procédure devant le Tribunal, la procédureayant duré près de 5 ans et 9 mois. La requérante soulignaiten particulier qu’une durée de 3 ans et 10 mois s’étaitécoulée entre la n de la procédure écrite et l’ouverture de laprocédure orale, sans justication particulière.

    Sur le fond, la Cour donne raison à la requérante, et critiquele Tribunal, en relevant que cette durée ne pouvait être justiée par aucune circonstance particulière (§ 91-96). Maiselle rejette toutefois la demande d’annulation ou de réductionde l’amende, et renonce à nouveau à la solution retenue parl’arrêtBaustahlgewebe du 17 décembre 1998 (aff. C-185/95).Cette renonciation est explicite, dans la mesure où la Courreconnaît que les circonstances de l’espèce sont similaires àcelles de l’arrêtBautsahlgewebe, mais que ce n’est que “dansun premier temps” que la Cour avait procédé à une réductiond’amende dans cette affaire, pour des raisons d’économie deprocédure et an de garantir un remède immédiat et effectifcontre l’irrégularité de la procédure sanctionnée. Par la suite,la Cour rappelle qu’elle a jugé dans l’arrêtDer Grüne Punkt du 16 juillet 2009 (aff. C-385/07), qu’un recours en indemnitéporté devant le Tribunal pouvait constituer un “remèdeeffectif”, et c’est à nouveau la voie qu’elle choisit au cas

    d’espèce. Mais puisqu’il ressort clairement de la rédaction del’arrêt, que seul est désormais privilégié le “remède effectif”et qu’il n’est plus fait référence ni au caractère “immédiat” dece remède ni à l’économie de procédure qui caractérisaientla solution de l’arrêtBaustahlgewebe, il faut en déduire quela Cour a expressément choisi d’enterrer cette solution. Outrequ’il est permis de douter qu’une institution, quelle qu’ellesoit, puisse être la mieux placée pour fournir un remèdeeffectif à ses propres manquements, on ne peut bien sûr queregretter la régression de la protection juridictionnelle contrela durée excessive de la procédure qui est ici consacrée parla Cour.

    M. D. n

    IMPUTABILITÉ DES PRATIQUES ANTICONCURRENTIELLES – MOTIVATION –INFRACTION UNIQUE ET CONTINUE – ÉGALITÉ DE TRAITEMENT – AMENDE : La Cour de justice del’Union européenne rejette tous les pourvoisdans l’affaire des agents blanchissants– y compris celui de la Commissioneuropéenne – et fournit des précisions surl’obligation de motivation (CJUE, 5 décembre2013, Commission c/ Edison, Caffaro c/ Commission, SNIAc/ Commission, Solvay Solexis c/ Commission et Solvay c/Commission, aff. C-446/11 P, C-447/11 P, C-448/11 P, C-449/11 Pet C-455/11 P)

    Les arrêts dans lesquels la responsabilité de la maison mèrepour les pratiques anticoncurrentielles d’une liale est rejetéepour défaut de motivation sont rarissimes. Si leur intérêtintellectuel et doctrinal est indéniable, leur portée pratiqueest toutefois limitée puisque la Commission dispose toujoursde la possibilité théorique de réadopter sa décision en lamotivant davantage. Dans ce contexte, parmi les cinq arrêtsrendus le 5 décembre par la Cour dans l’affaire des agentsblanchissants, l’arrêtEdison (C-446/11 P) dans lequel la Courrejette le pourvoi de la Commission contre l’arrêt T-196/06du Tribunal qui avait annulé, le 16 juin 2011, sa décisionC(2006) 1766 du 3 mai 2006 pour défaut de motivation, sedistingue donc.

    Toutefois, ceux qui, nombreux, critiquent la jurisprudencede la Cour et du Tribunal sur la responsabilité de la maison

    mère et le caractèrede facto irréfragable de la présomptioncapitalistique qu’elle institue, auraient tort d’y voir l’indiced’une évolution de ladite jurisprudence, bien au contraire.Car l’arrêt sanctionne essentiellement une forme de légèretérédactionnelle de la part de la Commission, qui s’étaitappuyée dans sa décision du 3 mai 2006 (laquelle étaitintervenue avant les arrêtsAkzo de 2009 (C-97/08 P) etElf Aquitaine de 2011 (C-521/09 P)) sur la seule force de laprésomption capitalistique et n’avait pas réellement examinéles moyens avancés par la requérante pour la contester. Si laCour approuve donc le Tribunal pour avoir sanctionné lesfaiblesses contenues dans la décision de la Commission,l’examen détaillé de ces faiblesses démontre que les éléments jugés manquants dans la démonstration de la Commission nesont, dans la plupart des cas, que des conséquences naturelleset intrinsèques à la nature même de toute relation mère-liale, et non des éléments “distincts” supposés compléter etrenforcer la présomption capitalistique.

    Dans l’arrêt Edison , la Cour sanctionne davantagedes faiblesses rédactionnelles propres au casd’espèce, qu’elle ne renforce les exigences demotivation supposées remédier au risque de rendrela présomption capitalistique de facto irréfragable

    La Cour rappelle la portée de l’obligation de motivation pesantsur la Commission, particulièrement lorsqu’elle s’appuie demanière exclusive sur la présomption capitalistique, “souspeine de rendre cette présomption, dans les faits, irréfragable”(§ 25). Or en l’espèce, le Tribunal avait constaté que laCommission n’avait pas répondu de façon circonstanciéeaux arguments précis et détaillés avancés par Edison pour

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    7/264Concurrences N° 1-2014 I Chroniques Ententes58

    soutenir qu’elle n’exerçait pas une inuence déterminante sursa liale Ausimont. La Commission a tenté de remédier à cedéfaut de motivation en faisant état, notamment de l’identitéd’un membre du conseil d’Ausimont et en relevant que leprésident et un membre du conseil d’administration d’Edisonavaient été membres du conseil d’administration pendant unepartie de la période d’infraction. Mais ces éléments, dont ilfait peu de doute qu’ils auraient été sufsants pour renforcerla présomption capitalistique, n’avaient été mentionnés quedans la décision litigieuse, et non dans la communicationdes griefs. La Cour approuve donc le Tribunal de les avoirécartés.

    Pour autant, la Commission eût-elle fait preuve d’unpeu plus de précision et de détails dans la rédaction de sadécision, elle n’aurait pas encouru la censure. Il suft, pours’en convaincre, de dresser un parallèle entre les éléments jugés manquants dans l’affaireEdison, et ceux avancés parla Commission dans l’affaireHSE commentéeinfra : cettecomparaison laisse apparaître que des éléments manquantsdans la première affaire, avaient au contraire été dûmentévoqués par la Commission dans la seconde. Au fond, ilsuft donc à la Commission d’énumérer spéciquement leséléments propres à toute relation mère-liale pour éviter les“foudres” (bienveillantes) du Tribunal. Elle avait omis de lefaire en 2006, mais pas en 2009.

    Dans l’arrêt SNIA, la Cour fait une applicationclassique de la jurisprudence en matièred’imputation de la responsabilité des pratiquesanticoncurrentielles en cas de successiond’entreprises

    Dans cette même affaire des agents blanchissants, laresponsabilité de SNIA, l’une des requérantes, avait été retenueen qualité de société mère, à la suite de l’acquisition pendantla période de l’infraction, de la société Caffaro, impliquéedans l’entente. L’acquisition avait été suivie d’une fusion-absorption, de telle sorte que la Commission, approuvéepar le Tribunal, avait appliqué à son encontre le principede continuité économique à la suite de la disparition de lapersonne morale de l’ex-société Caffaro. SNIA soutenait quele Tribunal n’aurait pas dû retenir le principe de continuité

    économique, en raison de l’absence de “continuité matérielleet humaine” entre elle-même et l’ex-Caffaro (en particulier,aucun dirigeant ou membre du conseil d’administration del’ex-Caffaro n’avait rallié SNIA à la suite de l’acquisition).

    La Cour rejette ce moyen et applique la jurisprudenceclassique (notamment l’arrêtErste Group Bank , C-125/07P et autres, 24 septembre 2009), en jugeant que SNIA estbien le successeur juridique de l’ex-Caffaro à la suite dela disparition de sa personnalité juridique consécutive àla fusion-absorption, et a donc endossé la responsabilitédes comportements de celle-ci, sans qu’il soit nécessaired’examiner, dans ces circonstances, une hypothétiquecontinuité matérielle et humaine entre l’ex-Caffaro et SNIA

    (§ 28-30).

    Dans les deux arrêts Solvay , la Cour préciseles notions d’accord et de pratique concertée,et réaffirme la possibilité pour la Commissionde qualier un comportement d’accord “et/ou”de pratique concertée, sans avoir à apporterexpressément la preuve des éléments constitutifsde chacune de ces qualications.

    Dans les arrêtsSolvay SA (C-455/11 P), les requérantes,respectivement société-mère et liale, reprochaientnotamment au Tribunal d’avoir appliqué aux comportementsincriminés les notions d’accord et de pratique concertéesans avoir vérié si, pour chacun desdits comportements, laCommission avait apporté la preuve des éléments constitutifsde chacune de ces qualications, prises individuellement.La Cour rejette ce moyen et juge que si la Commission est

    effectivement tenue de démontrer que l’interdiction édictéeà l’article 101 TFUE s’applique à chaque comportementincriminé, elle est en droit de qualier ces comportementsd’accord et/ou de pratique concertée. Ainsi, l’infraction estétablie dès lors que la Commission a pu rapporter la preuvedes éléments constitutifs de, à tout le moins, l’une de cesformes de collusion (aff.Solvay Solexis SpA, C-449/11 P,§ 60-6l). On notera aussi le rejet de divers moyens fondés surla gravité de l’infraction, le principe de non-discrimination etla détermination du montant de l’amende.

    Il faut également noter que dans l’arrêtSolvay SA (C-455/11 P), la Cour rejette le pourvoi incident qu’avaitformé la Commission, dirigé contre l’arrêt du Tribunal en

    ce qu’il avait accru le pourcentage de réduction d’amendeaccordé à Solvay au titre de sa coopération. La Cour juge quele Tribunal n’a commis aucune erreur de droit dans la priseen compte de la coopération de Solvay et n’a pas enfreint, enparticulier, le principe d’égalité de traitement en comparantles degrés de coopération respectifs d’Arkema et de Solvay(§§ 104-108).

    Signalons enn l’arrêtCaffaro (C-447/11 P), dans lequel larequérante sollicitait l’annulation du Tribunal notammentpour n’avoir pas pris en compte son état de dépendance etsa qualité alléguée de victime du cartel. La Cour écarte assezlogiquement ce moyen, jugeant qu’il visait en réalité à faireprocéder par la Cour à un nouvel examen des faits, et quela requérante n’avait fourni aucun élément probant laissantsupposer que le Tribunal avait dénaturé les faits et élémentsde preuve. Sont également rejetés les moyens tirés d’uneviolation de l’égalité de traitement résultant du choix, pourla société Caffaro, d’une année de référence différente decelle retenue pour les autres entreprises, ainsi que les moyensrelatifs à la durée de l’infraction, la prescription et la prise encompte de certaines circonstances atténuantes.

    M. D. n

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    8/264Concurrences N° 1-2014 I Chroniques Ententes59

    ENTENTE – PREUVES – DÉCLARATIONS :La Cour de justice de l’Union européennerejette une première partie des pourvoisintroduits contre les arrêts AIG et apporte àcette occasion quelques précisions relativesà l’appréciation de la valeur probante desdéclarations (CJUE, 19 décembre 2013, Siemens,Mitsubishi Electric et Toshiba c/ Commission, aff. C-239/11 P,C-489/11 P et C-498/11 P)

    On se souvient qu’en 2007 la Commission avait lourdementsanctionné les fabricants japonais et européens d’appareillagesde commutation à isolation gazeuse (les “AIG”) pour avoircoordonné l’attribution des projets d’AIG à l’échelle mondiale.Les recours exercés devant le Tribunal avaient notammentpermis à Mitsubishi et Toshiba de voir leur amende annuléepour violation du principe d’égalité de traitement dans ladétermination du montant de leur amende (cf. la présentechroniqueConcurrences n° 2-2011, p. 100). Leur participationà l’infraction ayant été conrmée par le Tribunal, leuramende a depuis été recalculée par la Commission (cf. laprésente chronique,Concurrences n° 4-2012, p. 68). Quant àSiemens, le Tribunal avait rejeté l’ensemble de ses moyens.

    Les pourvois introduits par ces trois entreprises ont étérejetés par la Cour le 19 décembre 2013, tandis que d’autrespourvois d’entreprises sanctionnées par la même décisionsont toujours pendants.

    Plusieurs moyens soulevés par les requérantes sont déclarésirrecevables pour incompétence de la Cour dans le cadre d’unpourvoi, les moyens présentés visant en réalité, sous couvertde dénaturation ou de non-respect des règles en matière decharge et d’administration de la preuve, à remettre en causel’appréciation souveraine du Tribunal.

    Les six critères d’appréciation de la valeur probanted’une déclaration dégagés de l’arrêt JFE Engineering ne s’imposent pas en toutes circonstances

    L’arrêt est l’occasion de revenir sur les critères d’appréciationde la valeur probante des déclarations fournies au titre de laclémence. Sur ce point, la rédaction de l’arrêtMitsubishi étaità tout le moins maladroite, le Tribunal rappelant que leurvaleur probante devait s’apprécier par rapport à six critèresdégagés dans l’affaireJFE Engineering (tubes et tuyaux enacier sans soudure) pour ensuite procéder à une appréciationglobale de la abilité des déclarations concernées, sansvérier la présence des six critères concernés.

    La Cour est dès lors contrainte de souligner que les sixcritères en question ne constituent pas une grille d’analyseapplicable en toutes circonstances et que le Tribunal est endroit d’accorder une valeur probante élevée à un témoignagesur la base d’une “appréciation globale et concrète de[sa] abilité”, en particulier lorsqu’il est corroboré par d’autreséléments de preuve.

    Il faut avouer que le Tribunal n’apparaît pas avoir xé unstandard de preuve intangible dans son arrêtJFE Engineering .Le résumé qu’en fera ultérieurement le Tribunal dans sonarrêt Mitsubishi et dans quelques autres qui ont suivi allaitdonc sensiblement au-delà du premier arrêt.

    Une déclaration contestée par plusieurs entreprisesdoit être corroborée pour être utilisée mais rienn’exige qu’elle soit corroborée par des preuvesdocumentaires contemporaines de l’infraction

    Autre précision utile apportée par la Cour à l’occasion durejet des pourvois, concernant cette fois la jurisprudenceselon laquelle la déclaration d’une entreprise à laquelle il estreproché d’avoir participé à une entente dont l’exactitudeest contestée par plusieurs autres entreprises concernées neconstitue pas une preuve sufsante sans être étayée d’autreséléments de preuve : cette déclaration peut certes être étayéepar des pièces documentaires contemporaines de l’infractionmais rien n’impose qu’elle le soit. D’autres déclarations demême nature peuvent permettre d’étayer à sufsance de droitune déclaration d’une entreprise contestée par plusieurs

    autres entreprises.La Cour approuve les arrêts du Tribunal sur les autrespoints soulevés par les parties, concernant notamment laqualication d’infraction unique et continue, les modalités dedétermination des sanctions et les moyens relatifs aux droitsde la défense.

    N. J. D. – T. S. n

    IMPUTABILITÉ DES PRATIQUES ANTICONCURRENTIELLES – ABSENCE DE PRÉSOMPTION CAPITALISTIQUE – PRÉSOMPTION D’INNOCENCE – CIRCONSTANCES ATTÉNUANTES – INFRACTION COMMISE PAR NÉGLIGENCE :Le Tribunal de l’Union européenne rejettele recours introduit contre la décision dela Commission européenne et fournit unéclairage important sur la responsabilitéde la maison mère, même en l’absence deprésomption capitalistique (Trib. UE, 13 décembre2013, Holding Slovenske elektrarne c/ Commission, aff. T-399/09)

    Voici un arrêt aussi intéressant que critiquable rendu par leTribunal, dont la lecture démontre paradoxalement que laprésomption capitalistique est bel et biende facto irréfragable,

    quand bien même elle n’était pas invoquée en l’espèce. Dansson premier moyen, à l’examen duquel le Tribunal consacrela majeure partie de l’arrêt, la requérante, une sociétéholding, soutenait que la Commission avait appliqué à tort laprésomption capitalistique alors qu’elle ne détenait que 74 %du capital de sa liale TDR. Le Tribunal juge cet argumentnon fondé dans la mesure où la Commission n’avait pasexpressément appliqué la présomption capitalistique, maiss’était au contraire appuyée sur une série d’éléments visantà fournir la preuve de l’inuence déterminante sur TDR, endehors de toute présomption capitalistique.

    C’est cet examen qui fait l’intérêt – et la faiblesse – de l’arrêt,dont il ressort que la Commission pouvait paradoxalementfaire l’économie de la présomption capitalistique, puisquel’ensemble des éléments cités au soutien de la démonstrationd’une inuence déterminante sur la liale, supposés“remplacer” cette présomption, ne sont nalement que desconséquences directes de la qualité même de liale.

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    9/264Concurrences N° 1-2014 I Chroniques Ententes60

    Comment la présomption capitalistique est-elle auto-justiée par le Tribunal : Les “éléments distincts”supposés remplacer la présomption capitalistiquelorsqu’elle n’est pas invoquée, ne sont généralementque les caractéristiques intrinsèques à toute relationmère-liale

    L’énumération des éléments invoqués par la Commission pourconclure à l’exercice effectif d’une inuence déterminantede la société mère sur sa liale, ainsi que des raisons pourlesquelles le Tribunal écarte les arguments contraires avancéspar la requérante, est éclairante.

    Sont ainsi invoqués tout d’abord les liens personnels etorganisationnels entre la mère et la liale, celle-ci étantprésentée comme faisant partie du groupe HSE et enparticulier d’une de ses divisions (§§ 33-40) ; sont ensuiteécartés comme non pertinents le fait que la requérante n’étaitdevenue l’actionnaire de TDR qu’à la suite d’une décision del’Etat slovène et pour une durée limitée (§§ 41-61), et le fait quela consolidation du chiffre d’affaires de la liale par la sociétémère relève d’une obligation légale (§§ 62-66). La requéranten’a guère plus de succès lorsqu’elle démontre que le droitdes sociétés slovènes limite les droits et prérogatives dontelle disposait via la détention de la majorité des postes ausein du conseil de surveillance (§§ 67- 87). Enn, le Tribunalconcède que si une certaine autonomie de la liale n’étaitpeut-être pas exclue, l’éventuelle absence d’inuence sur lagestion de la politique commerciale “stricto sensu” n’est pasincompatible avec l’appartenance de cette liale à la même

    unité économique que la société mère, notamment en raisondes rapports que recevait la société mère sur l’activité de laliale (§§ 92-100).

    “Damned if you do and damned if you don’t ” :Le Tribunal organise l’impossibilité pour la sociétémère de contester l’existence d’une inuencedéterminante sur sa liale

    On notera au passage une contradiction dans le raisonnementdu Tribunal, par rapport aux principes qu’il a lui-mêmerappelés. Ainsi, s’agissant de la situation où c’est la directionde la liale qui soumet à la société mère ou à ses représentants

    des propositions que ceux-ci se limitent à approuver, leTribunal estime que la possibilité théorique que conserve lamaison mère de s’en écarter “témoigne, précisément, d’uneinuence déterminante” (§ 84). Donc, quelle que soit l’attitudede la société mère, qu’elle approuve ou non les propositionsde la liale, la conclusion est la même, et la condamnation,immuable. Damned if you do and damned if you don’t…On perçoit d’ailleurs mal la compatibilité de ce raisonnementavec le rappel de la jurisprudence, auquel le Tribunal procèdelui-même (§ 29), selon laquelle la Commission ne sauraitse contenter de constater que la société mère “pouvait”exercer une inuence déterminante, mais doit au contraireen démontrer l’exercice effectif. D’où peut-on déduire d’uneinaction l’exercice effectif d’une inuence déterminante ?

    En substance, à suivre le Tribunal, il faudrait donc, pourconclure à l’inexistence d’une inuence déterminante surla liale, que la maison-mère n’ait pas de lien personnel etorganisationnel avec celle-ci, ne la présente pas comme

    faisant partie de son “groupe”, ne consolide pas son chiffred’affaires (le cas échéant, au mépris de ses obligationslégales, mais c’est sans doute une péripétie), ne reçoive aucunrapport sur son activité, ne nomme aucun membre du conseild’administration ou du conseil de surveillance, et ne secontente pas de s’abstenir de toute instruction contraignanteà son encontre, mais aille jusqu’à l’adoption d’une totalepassivité à son égard.

    En d’autres termes, la seule démonstration satisfaisanteserait la démonstration que la liale… n’est pas une liale,puisque la réunion de tels éléments est par nature étrangèreà toute relation normale entre une société mère et ses liales,et d’ailleurs souvent contraire aux obligations légalesqu’impose le droit des sociétés ou le droit comptable àl’actionnaire majoritaire d’une société. Mais le Tribunal n’a

    manifestement cure de tels “détails”.M. D. n

    À NOTERAMENDES – CLÉMENCE – IRRECEVABILITÉ :La Cour de justice de l’Union européennerejette le pourvoi d’une des entreprisescondamnées pour entente sur le marchédu bitume routier aux Pays-Bas (Ord. CJUE,21 novembre 2013, Kuwait Petroleum e.a. c/ Commission,aff. C-581/12 P)

    Le 13 septembre 2006, le groupe Kuwait Petroleum a étécondamné par la Commission au paiement de 16,632millions d’euros pour s’être entendue avec ses concurrentssur le marché du bitume routier aux Pays-Bas. Une réductiond’amende de 30 % avait alors été accordée conformémentà la communication sur la coopération de 2002. Le groupeKuwait Petroleum a ensuite déposé un recours au soutiende deux moyens, le premier sur le fondement d’une violationdes dispositions du point 23, sous b), dernier alinéa, de lacommunication sur la coopération de 2002 et, le second,sur le fondement d’erreurs commises par la Commissionen arrêtant le pourcentage de réduction du montant de

    leur amende. Le 27 septembre 2012, le Tribunal de l’Unioneuropéenne a rejeté le recours formé et a ainsi conrmé lemontant inigé par la Commission.

    Le 21 novembre 2013, la Cour de Justice de l’Unioneuropéenne a rendu une ordonnance rejetant le pourvoi dugroupe Kuwait Petroleum. De telles ordonnances permettentde rejeter tout pourvoi manifestement irrecevable oumanifestement non fondé. Le premier moyen au pourvoiportait sur l’interprétation des termes “ faits précédemmentignorés de la Commission”. La CJUE vient conrmer qu’ilne peut s’agir que des faits inconnus de la Commission. Pourle reste, la CJUE rappelle que l’appréciation des éléments

    de preuve relève du pouvoir souverain du Tribunal, et que,sauf à démontrer que le Tribunal a dénaturé les éléments depreuve qui lui étaient soumis, la Cour ne peut contrôler cetteappréciation.

    N. J. D. – T. S. n

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    10/264Concurrences N° 1-2014 I Chroniques Ententes61

    CARTEL – AFFECTATION DU COMMERCE INTRA-COMMUNAUTAIRE – CLÉMENCE : La Commissioneuropéenne sanctionne quatre négociants decrevettes à hauteur de 28 millions d’euros autitre d’une entente sur la xation du prix descrevettes de la mer du Nord (Com. eur., communiquéIP/13/1175, 27 novembre 2013, Entente : la Commission inigeune amende de 28 millions d’euros à quatre négociants encrevettes de la mer du Nord pour avoir participé à une ententesur la xation des prix)

    Le 27 novembre 2013, la Commission européenne a inigé desamendes à hauteur de 28 millions d’euros sur le fondementde l’article 101 du TFUE à quatre négociants en crevettesde la mer du Nord pour avoir participé à une entente surla xation des prix. Trois de ces sociétés, Heiploeg, KlaasPuul, et Kok Seafoof, sont établies aux Pays-Bas. Stührk estétablie en Allemagne. La part de marché cumulée de ces troisentreprises s’élève à plus de 80% pour un chiffre d’affairessupérieur à 100 millions d’euros.

    La décision indique qu’entre juin 2000 et janvier 2009,Heiploeg et Klaas Puul se sont entendues sur la xation desprix et la répartition des volumes de ventes de crevettes de lamer du Nord en Belgique, en France, en Allemagne et auxPays-Bas. Kok Seafood a pris part à cette entente à partirde février 2005 au moins, tandis que Stührk a participé àl’accord sur la xation des prix en Allemagne de mars 2003à novembre 2007. L’objet de l’entente était de stabiliserles parts de marché des fournisseurs an de faciliter deshausses de prix et de favoriser la rentabilité. L’ensemble dumarché européen a été affecté par ces pratiques, bien quela Belgique, l’Allemagne, la France et les Pays-Bas aient étéparticulièrement visés.

    Le commissaire Almunia a publiquement relevé le fait “quele secteur avait déjà reçu une mise en garde claire du fait de lacondamnation antérieure de certains négociants par l’autoriténéerlandaise de la concurrence”. La société Klaas Puul, lapremière entreprise à fournir des informations sur l’entente,a bénécié d’une clémence de 100 %. Aucune des sanctionsdes trois autres sociétés n’a bénécié d’une réduction autitre de la communication sur la clémence. La Commissiona ainsi imposé une amende de 27 millions d’euros à la société

    Heiploeg, tandis que les sociétés Stührk et Kok Seafood ontrespectivement été condamnées au paiement de 1,1 millionet 500 000 euros. L’absence de capacité contributive soulevéepar l’une des parties a été rejetée.

    N. J. D. – T. S. n

    ÉCHANGES D’INFORMATIONS – TRANSACTION – CLÉMENCE – AMENDES : La Commissioneuropéenne sanctionne plusieurs banquesà hauteur de 1,71 milliard d’euros pourune entente dans le secteur des produitsdérivés de taux d’intérêt (Com. eur., communiquéIP/13/1208,4 décembre 2013, Entente : la Commission inigedes amendes d’un montant de 1,71 milliard d’euros à desbanques ayant participé à des cartels dans le secteur des produits dérivés de taux d’intérêt)

    Le 4 décembre 2013, la Commission européenne a inigé desamendes à hauteur de 1,71 milliard d’euros sur le fondementde l’article 101 du TFUE à huit institutions nancièresinternationales ayant pris part à des ententes illicitessur les marchés des produits dérivés nanciers couvrantl’Espace économique européen (EEE). Tel que l’indique laCommission, l’EURIBOR, le LIBOR en JPY et l’EuroyenTIBOR sont des taux d’intérêt de référence destinés à reéterle coût des prêts interbancaires en euros ou en yens japonais.Dès lors, le dommage à l’économie causé par une entente surces taux d’intérêt était important.

    Deux ententes distinctes étaient visées par la Commission.La première concerne les produits dérivés de taux d’intérêten euros. Quatre institutions nancières internationales quise sont entendues entre septembre 2005 et mai 2008 dans lebut de fausser l’évolution normale des composants du prixdes produits dérivés concernés ont accepté de régler le litigepar voie de transaction. La société Barclays a bénécié d’uneimmunité d’amende au titre d’une clémence de premier rangalors que la Commission européenne estimait la sanction à690 millions d’euros. D’autres réductions d’amende ont étéoctroyées, à hauteur de 50 % pour RBS, 30 % pour la DeutscheBank, et 5 % pour la Société Générale. La procédure ouverteà l’encontre du Crédit Agricole, de HSBC et de JPMorgan, sepoursuivra dans le cadre de la procédure normale en matièred’ententes.

    La seconde concerne les produits dérivés de taux d’intérêten yens. La Commission a relevé sept infractions bilatéralesdistinctes d’une durée de 1 à 10 mois commises entre 2007et 2010. Des discussions et échanges d’informations sur leLIBOR en JPY ont été particulièrement visés. UBS a bénécié

    d’une clémence de premier rang, évitant ainsi le paiementd’une sanction de 2,5 milliards d’euros. D’autres réductionsd’amendes ont été octroyées, allant, selon les infractions,de 35 à 100 % pour Citigroup, de 30 à 35 % pour DeutscheBank, de 25 % pour RBS, et de 25 % pour RP Martin. Seulela sanction inigée à la société JPMorgan n’a pas été réduite.La procédure ouverte à l’encontre du courtier en liquiditésICAP se poursuivra dans le cadre de la procédure normaleen matière d’ententes.

    Suite à ces condamnations, le montant total des amendesinigées en 2013 en matière de concurrence par la Commissioneuropéenne atteint un niveau similaire à celui de 2012 (de1 882 millions d’euros, à jour du 5 décembre 2013).

    T. S. n

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    11/264Concurrences N° 1-2014 I Chroniques Ententes62

    SANCTION – PAY FOR DELAY – GÉNÉRIQUES :La Commission européenne sanctionnedeux sociétés pour avoir retardé l’entrée surle marché d’un médicament générique, lefentanyl (Com. eur., communiqué IP/13/1233, 10 décembre2013, Entente : la Commission inige une amende de 16 millionsd’euros à Johnson & Johnson et Novartis pour avoir retardé l’entrée sur le marché d’un analgésique générique, le fentanyl)

    Le 10 décembre 2013, la Commission européenne ainigé des amendes à hauteur de 16 millions d’euros sur lefondement de l’article 101 du TFUE à Johnson & Johnsonet Novartis pour avoir retardé l’entrée sur le marché dufentanyl, un analgésique générique. Les liales néerlandaisesdes deux groupes ont conclu un accord anticoncurrentielen juillet 2005 dans le but de retarder l’entrée sur le marché

    néerlandais d’une version générique meilleur marché del’analgésique fentanyl.

    Le communiqué indique que Janssen-Cilag, lialenéerlandaise de Johnson & Johnson, avait conclu un accorddit de “co-promotion” avec Sandoz, liale néerlandaisede Novartis. Or, les versements mensuels que faisaitJanssen-Cilag à Sandoz étaient supérieurs aux gains queSandoz pouvait espérer réaliser en vendant un patch defentanyl générique. L’accord a nalement été dénoncé endécembre 2006, soit après un intervalle de 17 mois. Durantcette période, le prix du fentanyl s’est maintenu à un niveau jugé articiellement élevé.

    N. J. D. – T. S.n

    2. FRANCEMARCHÉ DES SERVIETTES INDUSTRIELLES –RUPTURE DE CONTRATS DE FOURNITURE :La Cour d’appel de Paris conrme le non-lieuprononcé par l’Autorité de la concurrencepour des actions concertées alléguées, liéesà la rupture de relations commerciales (CA Paris,26 septembre 2013, Roland Vlaeminck Tisseur, RG 2012/08948)

    Signalons rapidement cet arrêt de la Cour d’appel, qui porteessentiellement sur le thème d’un abus de position dominante(non démontré en l’espèce) et qui, à ce titre, est traité dans lachronique Pratiques Unilatérales.

    La société Roland Vlaeminck Tisseur (RVT) avait saisil’Autorité de la concurrence de diverses pratiques mises enœuvre par l’un de ses concurrents, la société Mewa (rupture decontrat d’approvisionnement, clauses d’exclusivité contenuesdans les contrats entre ledit concurrent et ses clients), danslesquelles elle voyait un abus de position dominante visant àl’exclure du marché des serviettes industrielles, ainsi qu’uneentente entre Mewa et le groupe ELLIS, peu de temps avantla cession par le second au premier d’une ancienne liale deRVT. Dans sa décision 12-D-11 du 6 avril 2012, l’Autoritéavait prononcé un non-lieu pour les pratiques d’ententesalléguées et l’essentiel des pratiques d’abus alléguées, etavait renvoyé à l’instruction les pratiques liées aux clausesd’exclusivité dénoncée par RVT.

    Dans l’arrêt commenté, la Cour rejette le recours, en jugeantnotamment que la requérante n’avait fourni aucun élémentpermettant d’accréditer la thèse d’une action concertéeet d’une entente entre Mewa et ELLIS, qu’il s’agisse de ladécision d’ELLIS de mettre n à ses commandes à RVT, oudes contacts ayant précédé la cession par ELLIS à Mewad’une ancienne liale de RVT, ladite cession ne relevant pasdu contrôle des concentrations.

    M. D. n

    COMMUNIQUÉ SANCTIONS – AMENDES : La Courd’appel de Paris valide le Communiquésanctions mais indique qu’elle s’assureradans chaque cas de la conformité dessanctions inigées aux dispositionsapplicables (CA Paris, 10 octobre 2013, Nestlé PurinaPetcare France, Nestlé, Royal Canin, Mars Incorporated, Hill’sPet Nutrition, Colgate-Palmolive Company, RG 2012/07909)

    Par une décision du 20 mars 2012, l’Autorité de laconcurrence avait sanctionné plusieurs fabricants d’alimentssecs pour chiens et chats à hauteur de 35,3 millions d’eurospour avoir limité la concurrence au stade de la distributionen gros de leurs produits et, pour certains d’entre eux, pouravoir par ailleurs mis en place des prix de revente imposéset des restrictions territoriales injustiées (cf. la présentechroniqueConcurrences n° 2-2012, p. 61).

    Le principal intérêt de l’arrêt rendu par la Cour d’appel deParis sur les recours des trois entreprises concernées résidedans l’examen des moyens relatifs à la détermination dessanctions. Si la Cour d’appel a déjà eu à traiter de recoursconcernant des décisions ayant appliqué avant l’heureles principes du Communiqué du 16 mai 2011 relatif à ladétermination des sanctions pécuniaires, il s’agit du premierarrêt concernant une affaire où le Communiqué s’appliquaitpleinement.

    Le Communiqué sanctions n’est qu’une directiveadministrative explicitant “à droit constant”la méthode suivie en pratique

    Les origines du Communiqué relatif à la détermination dessanctions sont bien connues : le 19 janvier 2010, la Courd’appel de Paris prononçait un arrêt retentissant dans l’affairede l’acier, réduisant de 575 millions à 75 millions d’euros lesamendes qu’avait inigé l’Autorité de la concurrence danscette affaire emblématique. Dans les mois qui suivirent,l’Autorité s’employa à justier sa méthode de déterminationdes sanctions mais elle annonça aussi assez rapidement lapublication de lignes directrices sur la détermination dessanctions, dont cette affaire avait à tout le moins permis depointer l’absence.

    Il faut se souvenir en effet qu’à l’époque, les principes dedétermination des sanctions étaient uniquement dénis parl’article L 464-2 comme devant conduire à des sanctionsproportionnées à la gravité des faits reprochés, à l’importancedu dommage à l’économie, à la situation individuelle del’entreprise ou du groupe et à l’éventuelle réitération.La lecture des décisions n’était guère plus instructive,

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    12/264Concurrences N° 1-2014 I Chroniques Ententes63

    le montant de base étant exprimé sous la forme d’unpourcentage du chiffre d’affaires total de l’entreprise, avantapplication des circonstances atténuantes ou aggravantes etdes réductions liées à la clémence et la non-contestation desgriefs.

    Contrairement aux premières annonces, évoquant des “lignesdirectrices” xant un “standard” à destination des entrepriseset des juridictions de contrôle, le texte dénitivement adoptéest un communiqué qui “synthétise les principaux aspectsde la pratique décisionnelle de l’Autorité” (Communiqué,point 6).

    L’Autorité a en effet nalement fait le choix de se rattacherà la notion de directive administrative visant à accroître latransparence. Exercice de communication plus qu’exercicede régulation, donc, qui a le mérite de relever de la seulecompétence de l’Autorité, de n’être pas attaquable et mêmede pouvoir être écarté dans les cas qui le justieraient.Mais ses effets juridiques sont dès lors limités vis-à-vis des juridictions de contrôle et le rattachement à la notion dedirective explicative s’avère quelque peu articiel s’agissantd’une méthodologie résolument nouvelle (cf. E. Claudel,“L’art (et les limites) du communiqué”,Concurrences n° 1-2011, p. 7 et s.).

    Message parfaitement reçu par la Cour d’appel : elle rappelleque le Communiqué “se borne à décrire et à expliciter, à droitconstant, la méthode suivie en pratique par l’Autorité pourmettre en œuvre, au cas par cas, en se conformant à l’exigence

    de proportionnalité et d’individualisation des sanctions, dansl’ordre prévu par le code de commerce, les critères xés par ce code tenant à la gravité des faits, à l’importance dudommage causé à l’économie, à la situation de l’organismeou de l’entreprise sanctionné ou du groupe auquel l’entrepriseappartient, et à l’éventuelle réitération de pratiques prohibées par les règles de concurrence” (arrêt, p. 17).

    Premier satisfecit pour l’Autorité : la Cour d’appel relève quele Communiqué est dès lors effectivement assimilable à une“simple directive administrative” et qu’il ne peut recevoir laqualication de texte à valeur normative comportant desdispositions plus sévères, ce qui imposerait le respect d’uncertain nombre de garanties fondamentales. L’afrmationque le Communiqué explicite à droit constant la méthodesuivie par l’Autorité est une contre-vérité agrante, maisqu’importe.

    Deuxième satisfecit pour l’Autorité : la Cour d’appelconsidère que la méthode ainsi décrite, “exclusivement fondéesur les différents éléments énoncés par le code de commerce,s’inscrit bien, sans le modier, dans le cadre légal existant”(arrêt, p. 18). Si la formule est sibylline, on entend que laCour d’appel ne perçoit pasa priori de dissonance majeureentre l’exercice de communication de l’Autorité et le cadrelégal qui s’impose à elle.

    Troisième satisfecit pour l’Autorité : les ruptures par rapportà la pratique existante auxquelles conduirait l’applicationdu Communiqué ne peuvent fonder une condamnation duquantum des sanctions inigées… Dès lors que les sanctionssont déterminées par l’Autorité en fonction d’un ensembled’éléments de droit ou de fait particuliers, les appréciations

    diffèrent nécessairement d’une affaire à l’autre. L’énoncé duprincipe laissera cependant songeurs tous ceux qui aurontobservé qu’entre la première condamnation de Royal Caninpour des pratiques de même nature et celle-ci, l’amende a étémultipliée par 4,6 !

    Sur cette base, la Cour d’appel parvient naturellement à laconclusion qu’il lui appartient uniquement d’apprécier siles prescriptions de l’article L 464-2 du code de commerceont bien été appliquées dans les cas qui lui sont soumis(arrêt, p. 38). Elle ne se réfèrera donc quasiment plusau Communiqué lui-même dans la suite de l’arrêt maisuniquement à l’article L 464-2 pour effectuer ce contrôle.

    Le recours à la valeur des ventes, l’intégration aucalcul de la durée des pratiques et la prise en comptede l’appartenance à un groupe important sontconsidérés en l’espèce comme parfaitement justiés

    Indirectement mais sûrement, la Cour d’appel valide toutd’abord le recours à la valeur des ventes réalisées par lesentreprises en cause pour établir l’assiette de l’amende, lavaleur des ventes constituant en l’occurrence une référenceappropriée.

    La Cour d’appel valide également l’intégration de la duréedans le calcul des amendes en l’espèce au motif que sil’article L 464-2 n’y fait pas expressément référence, il n’yfait pas obstacle non plus : plus la période pendant laquellese déroule une infraction est longue, plus le dommage àl’économie susceptible d’être constitué est grand.

    Elle valide encore la prise en compte de l’appartenance à ungroupe disposant d’une taille ou d’une puissance économiqueimportante, cette appartenance étant même expressémentévoquée par l’article L 464-2.

    La Cour d’appel indique également que, dansle cas de pratiques verticales, une circonstanceatténuante est justiée lorsque l’entreprise a adoptéavant l’enquête un programme de conformitécorrespondant aux orientations du Communiqué

    Autre point d’intérêt de cette décision, la Cour reconnaîtla pertinence de la prise en compte à titre de circonstanceatténuante d’un programme de conformité adopté avantles enquêtes de l’Autorité s’agissant d’une infraction autrequ’une entente horizontale secrète (arrêt, p. 47). Cet aspectde l’arrêt mérite d’être souligné parce que si l’annonce decette circonstance atténuante a clairement été faite dans leCommuniqué sur les programmes de conformité du 10 février2012 (point 28), elle est régulièrement oubliée... (Wils,Wouter P. J., “Antitrust Compliance Programmes & OptimalAntitrust Enforcement”,Journal of Antitrust Enforcement,Volume 1, Issue 1, April 2013).

    N. J. D. – T. S. n

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    13/264Concurrences N° 1-2014 I Chroniques Ententes64

    COMMISSIONS INTERBANCAIRES – ENGAGEMENTS :L’Autorité de la concurrence accepte desengagements dans le secteur des cartes depaiement (Aut. Conc., 20 septembre 2013, déc. n° 13-D-17relative à des pratiques de MasterCard relevées dans le secteurdes cartes de paiement ; Aut. conc., 20 septembre 2013, déc.n° 13-D-18 relative à des pratiques de Visa relevées dans lesecteur des cartes de paiement)

    Le 20 septembre 2013, l’Autorité de la concurrence a rendudeux décisions dans le secteur des cartes de paiement.Deux procédures avaient été ouvertes à l’encontre de Visaet MasterCard suite à une plainte de la Fédération desentreprises du Commerce et de la Distribution pour avoirsupposément xé les commissions interbancaires par carteet retraits DAB à un niveau injustiable. An de clôturerces deux enquêtes distinctes, l’Autorité de la concurrencea accepté les engagements de Visa et MasterCard deréduire les commissions liées à des cartes utilisées par desconsommateurs. Ils sont mis en œuvre depuis le 1er novembre2013.

    Conformément à sa décision n° 11-D-11, l’Autorité de laconcurrence vient réafrmer que les chèques, les espèces,les virements et les prélèvements, ne constituent pas dessubstituts aux cartes de paiement. Sur le marché de lafonction de paiement des cartes de paiement, l’Autoritédistingue trois marchés distincts : (i) un marché amont surlequel les systèmes de paiement se font concurrence pourl’afliation des établissements de crédit, et deux marchés aval

    sur lesquels les établissements de crédit ou de paiement se fontconcurrence, (ii) l’un de l’émission des cartes de paiement,(iii) et l’autre de l’acquisition du traitement des encaissementset services associés des commerçants. Sur le marché dela fonction de retrait des cartes de paiement, l’Autoritédistingue deux marchés distincts : (i) un marché amont surlequel les systèmes de paiement se font concurrence pourl’afliation des établissements de crédit, et (ii) un marchéaval sur lequel les établissements de crédit ou de paiementse font concurrence pour la distribution des cartes ayant unefonction de retrait auprès des consommateurs. La dimensiongéographique de ces différents marchés est constitué par leterritoire national.

    Les commissions multilatérales d’interchangepeuvent constituer une restriction de concurrencepar objet ou par effet

    Comme l’Autorité de la concurrence l’a fait dans ses décisionsrécentes en matière bancaire, elle évoque le potentiel “objetrestrictif de concurrence” des commissions bancaires, iciles commissions multilatérales d’interchange (ci-après“CMI ”). Ce raisonnement est conforme avec celui tenu parla Commission européenne dans sa décision Visa-MIF du8 décembre 2010 sur les commissions interbancaires pourles cartes de débit. Également, l’Autorité de la concurrenceconsidère le potentiel effet restrictif de concurrence desCMI, comme elle l’avait fait dans sa décision 11-D-11 du7 juillet 2011 relative à des pratiques mises en œuvre par leGroupement des Cartes Bancaires où elle avait déduit que“de nombreux éléments du dossier tendent à montrer l’effetdes CMI sur les tarifs des commerçants”. Elle en conclut

    qu’au nal, “une CMI sur les opérations de paiement peut être justiée si elle permet concrètement de favoriser l’usage de lacarte, moyen de paiement efcace”. Elle clôture ainsi le débatsur la caractérisation exacte de la restriction de concurrenceen évoquant l’effet potentiellement pro-concurrentiel desCMI.

    En ce qui concerne les commissions autres que les CMI(commissions systématiques appliquées aux retraits oucommissions portant sur des opérations exceptionnelles),l’Autorité relève que le caractère multilatéral de la xationde ces dernières est susceptible de caractériser une restrictionde concurrence. L’Autorité conclut que ces commissionspeuvent être justiées à condition que leur niveau soit “ xéen prenant en référence les coûts de la banque la plus efcace”.En réponse à ces préoccupations de l’Autorité, Visa s’estengagé à réviser le montant des commissions interbancairesliées à l’utilisation des cartes consommateurs dans leurfonction de paiement. Visa s’est également engagé à réduirele montant de la commission applicable aux retraits DAB.Concernant les commissions autres que les CMI, Visa s’estengagé à se rapprocher de l’Autorité si un projet de hausse deses commissions se fait jour. L’ensemble de ces engagementsest adopté pour une durée de quatre années. Les engagementsadoptés par MasterCard sont de même nature et ne diffèrentque sensiblement sur le niveau des commissions.

    N. J. D. – T. S. n

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    ConcurrencesRevue des droits de la concurrenceCompetition Law Journal

    PRATIQUES UNILATÉRALESChroniques l Concurrences N° 1-2014 – pp. 65-83

    Frédéric M [email protected]

    l Chargé de recherche CNRS, Université de Nice-Sophia Antipolis

    Anne-Lise [email protected]

    l Professeur, Université de Liège, Belgiquel Professeur invité, Université Panthéon-Assas

    Anne [email protected]

    l Avocat, Linklaters, Paris

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    PRATIQUES UNILATÉRALESChroniques

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    Concurrences N° 1-2014 I Chroniques Pratiques unilatérales65

    1. UNION EUROPÉENNEABUS DE POSITION DOMINANTE – DÉFAUT D’INTÉRÊT DE L’UNION EUROPÉENNE – FAIBLE PROBABILITÉ D’ÉTABLIR LA PREUVE D’UNE INFRACTION – CISEAU TARIFAIRE : La Commission européennejouit d’une large marge de discrétion lorsqu’elle prenden considération les décisions et documents établis parles régulateurs sectoriels nationaux (Trib. UE, 16 octobre 2013,Vivendi c/ Commission, aff. T-432/10)

    En 2009, Vivendi et Iliad, détentrices de l’intégralité du capital social de Free SAS,avaient introduit une plainte devant la Commission pour dénoncer les abus deposition dominante de la société France Telecom sur le marché de l’accès à Internet àhaut débit et sur celui de l’abonnement téléphonique. Plus précisément, les pratiquesdénoncées consistaient pour l’opérateur verticalement intégré à proposer des tarifsd’accès à sa boucle locale plus élevés à ses concurrents qu’à sa propre divisionInternet, Wanadoo Interactive. Selon les requérantes, ces pratiques de FranceTelecom étaient discriminatoires et créaient un effet de ciseau tarifaire au détriment,notamment, de Free.

    La Commission avait rejeté la plainte pour défaut d’intérêt de l’Union européenne.Selon la Commission, la poursuite de l’enquête sur les infractions alléguées auraitété disproportionnée, compte tenu, non seulement de l’incidence limitée que lespratiques en cause étaient susceptibles d’avoir sur le fonctionnement du marchéintérieur, mais aussi de la faible possibilité d’établir la preuve d’une infraction àl’article 102 TFUE.

    L’incidence sur le marché intérieur : Des constatations générales suffisent

    Concernant l’incidence sur le marché intérieur, le Tribunal considère commesufsants les constats de la Commission qui relèvent du bon sens économique. Pourconsidérer que les pratiques dénoncées n’avaient que des effets très limités sur lefonctionnement du marché intérieur, la Commission s’était fondée sur des donnéesgénérales concernant l’évolution de la structure du marché de la téléphonie xe et ledynamisme du marché français du haut débit. La Commission avait souligné que,de manière générale, le niveau des prix était plus bas en France que dans le restedu marché intérieur et même dans le reste du monde. Elle avait relevé que près detrois quarts de la population française a le choix entre plusieurs opérateurs Internethaut débit. La Commission avait également observé que la croissance d’Iliad sur lemarché du haut débit français avait été soutenue et constamment rentable. De cesconstats, elle avait conclu que la dynamique du marché contredisait plutôt lesallégations selon lesquelles les opérateurs alternatifs efcaces auraient été évincés.

    Cette déduction paraît conforme au bon sens et il n’y a rien de surprenant à ce que leTribunal valide l’exercice par la Commission de sa marge de discrétion. S’il n’est pascertain que les pratiques de France Télécom aient été irréprochables, il est néanmoinsraisonnable de ne pas allouer des ressources rares (celles de la DG COMP) à lapoursuite d’infractions qui, si elles étaient avérées, n’ont à première vue pas empêchéle développement de la concurrence sur le marché concerné.

    La faible probabilité d’établir une infraction : La Commission peuts’appuyer sur les constatations des autorités de régulation

    L’arrêt Vivendi illustre à quel point la Commission reste maitresse de l’utilisationqu’elle fait des contrôles exercés par un régulateur sectoriel. L’affaireDeutscheTelekom avait établi que la Commission peut ne pas tenir compte de la décision d’unrégulateur national. À tout le moins, une telle décision ne protège pas un opérateuren position dominante contre un constat d’infraction par la Commission (CJUE,14 octobre 2010, Deutsche Telekom c/ Commission, aff. C-280/08 P, cette chroniqueConcurrences n° 1-2011, p. 91). Pour autant, l’indépendance des procéduresd’infraction devant la Commission par rapport aux procédures nationales n’estpas telle qu’elle permettrait à un opérateur non dominant, tel Vivendi, de former

    Frédéric M [email protected]

    Chargé de recherche CNRS, Université de Nice-Sophia Antipolis

    Anne-LiseSIBONY *[email protected]

    Professeur, Université de Liège, BelgiqueProfesseur invité, Université Panthéon-Assas

    Anne W ACHSMANN *[email protected]

    Avocat, Linklaters, Paris

    * Avec la collaboration de Iris Demouli, avocate, Linklaters.

    Abstracts1. EU

    ABUSE OF A DOMINANT POSITION – MARGIN SQUEEZE – LACK OF EU INTEREST – LOW PROBABILITY OFESTABLISHING THE EXISTENCE OF AN INFRINGEMENT: 65The General Court of the European Union states that theCommission enjoys a wide margin of discretion when takinginto account decisions and documents established by nationalregulatorsGCUE, 16.10.13, Vivendi v. Commission, case T-432/10

    2. France ABUSE OF A DOMINANT POSITION – SINGLE ECONOMIC

    UNIT – DOUBLE-SIDED MARKET – PREDATORY PRICING: 68The Paris Court of Appeals requests an opinion from the FrenchCompetition Authority on the predatory nature of zero pricing inonline mapping and localisation servicesCA Paris, 20.11.2013, Google v. Bottin Cartographe, case 12/02931

    REGULATION – RAILWAYS – OWNERSHIP UNBUNDLING –EXCLUSIONARY ABUSE: 70The French Competition Authority issues an opinion concerningthe proposed Bill on railway reform.Fr. NCA, 04.10.2013, opinion n° 13-A-14 concerning a bill on railwayreform

    FOOD RETAIL STORE – ORGANIC GROWTH – NORESTRICTION OF COMPETITION: 73The French Competition Authority rules for the rst time on theorganic growth of a food retail storeFr. NCA, 07.11.2013, opinion 13-A-20 related to the expansion project ofthe main food retail s tore in Saint-Barthelemy

    EXCLUSIONARY ABUSE – SPECIAL RESPONSIBILITY OFTHE DOMINANT UNDERTAKING – ESSENTIAL RESOURCES –

    ANTICOMPETITIVE LEVERAGING: 75

    The French Competition Authority nes the incumbent electricityoperator for an exclusionary abuse in the eld of photovoltaicelectricity Fr. NCA, 17.12. 2013, dec. n° 13-D-20, concerning practices of EDF in theeld of photovoltaic electricity

    EXCLUSIONARY ABUSE – DENIGRATION – FIDELITYREBATES – PHARMACEUTICAL SECTOR – FINES: 78The French Competition Authority nes a pharmaceuticalcompany for denigration and delity rebates granted to pharmacists with a view to hamper the market entry of a genericcompany Fr. NCA, 18.12.2013, dec. 13-D-21 related to practices implemented inthe market of high dose buprenorphine

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    l’attente légitime que la Commission examinera à nouveauet de manière approfondie des faits déjà analysés par lesautorités nationales de régulation.

    En l’espèce, Vivendi reprochait à la Commission d’avoircommis une erreur de droit et manqué à son obligation demotivation en considérant que la surveillance étroite exercéepar elle-même, par l’autorité de concurrence française et parle régulateur sectoriel (l’ARCEP) permettait de conclure àl’absence d’indication d’infraction à l’article 102 TFUE.Le Tribunal juge que rien n’empêche la Commission detenir compte, lorsqu’elle examine la probabilité d’établirl’existence d’une infraction à l’article 102 TFUE, nonseulement de la surveillance qu’elle a pu elle-même exercerdans des procédures antérieures à l’égard de la partie à lacause, mais aussi de la surveillance exercée par les autoritésnationales de concurrence et de régulation. Au contraire,selon le Tribunal, un telle prise en compte par la Commissiones