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COLLOQUE AGROPARISTECH-CNFPT « L’eau et ses nouvelles gouvernances : quelles solidarités, quelles échelles territoriales, quels métiers » 12 décembre 2013 - Montpellier RESUMES DES INTERVENTIONS CONFERENCE INTRODUCTIVE Evolutions de la gouvernance territoriale de l’eau potable en France et mise en perspective italienne Rémi BARBIER, sociologue, directeur unité de recherches, GESTE (ENGEES/IRSTEA) L’eau potable au défi de la sécurisation : quels changements ? En France, le défi de l’eau potable au XX ème siècle a été celui de la desserte universelle. Il a été réglé au moyen d’un vaste programme d’équipement, dont le legs est un maillage de 14000 services de taille modeste, dont de multiples syndicats à vocation unique composés en moyenne de moins d’une dizaine de communes (Pezon et Canneva, 2009). Mais la durabilité institutionnelle de cet héritage des Trente Glorieuses est questionnée depuis vingt à trente ans, sous l’angle de sa capacité à relever le nouveau défi de la sécurité hydrique, qui s’impose en France mais également à l’échelle internationale : le système en place et sa gouvernance sont-ils en mesure de garantir durablement la mise à disposition permanente des usagers d’une eau suffisante et de qualité conforme, à un coût acceptable et en préservant l’intégrité des ressources et des milieux ? De fait, on observe une mise en mouvement général des acteurs territoriaux de l’eau autour d’un nouvel impératif de rationalisation, mouvement qui s’accompagne d’une recomposition de la gouvernance territoriale de l’eau potable 1 . Une rationalisation portée par une coalition d’acteurs L’« impératif de sécurisation » s’est imposé à la suite d’alertes récurrentes et convergentes, concernant d’abord la quantité et la qualité de l’eau, puis l’état des infrastructures (réseaux). Cette mise à l’agenda du problème de la sécurité hydrique s’accompagne d’un discours dominant concernant le type de solution à mettre en œuvre, en l’occurrence une « rationalisation hydro- territoriale » qui apparaît comme la clef de voûte de la sécurisation. La rationalisation se décline plus précisément autour des traits saillants suivants : o une recomposition spatiale (regroupement) et fonctionnelle (nouvelles articulations entre production et distribution, mais aussi avec la planification, la solidarité, l’assistance et les systèmes d’information) des compétences donnant naissance à de nouveaux « arrangements territoriaux » ; le cas échéant, cette recomposition peut s’accompagner d’une intégration de la gestion de l’ensemble du petit cycle de l’eau ; o une tendance à la spécialisation de l’approvisionnement autour de ressources qualifiées de « stratégiques » à un titre ou à un autre et faisant l’objet d’une protection renforcée contre les pollutions diffuses mais aussi parfois d’une prise de contrôle territoriale via les dispositions du Sage par exemple ; o le développement de l’interconnexion des réseaux, dans le cadre d’une intégration institutionnelle des services ou au titre d’une forme d’assurance mutuelle entre services qui demeurent indépendants. 1 Le projet Aquadep « Gouvernance départementale de l'eau destinée à la consommation humaine » (2008-2012) a été soutenu par le programme Eaux et Territoires (MEDAD, Irstea, CNRS), ainsi que par l’ANR Eau&3E. Le nom des chercheurs et équipes impliqués ainsi que l’ensemble des productions issues de ce projet sont consultables sur : http://aquadep.irstea.fr/

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COLLOQUE AGROPARISTECH-CNFPT « L’eau et ses nouvelles gouvernances : quelles solidarités,

quelles échelles territoriales, quels métiers »

12 décembre 2013 - Montpellier

RESUMES DES INTERVENTIONS

CONFERENCE INTRODUCTIVE

Evolutions de la gouvernance territoriale de l’eau potable en France et mise en perspective italienne

Rémi BARBIER, sociologue, directeur unité de recherches, GESTE (ENGEES/IRSTEA)

L’eau potable au défi de la sécurisation : quels changements ?

En France, le défi de l’eau potable au XXème siècle a été celui de la desserte universelle. Il a été réglé au moyen d’un vaste programme d’équipement, dont le legs est un maillage de 14000 services de taille modeste, dont de multiples syndicats à vocation unique composés en moyenne de moins d’une dizaine de communes (Pezon et Canneva, 2009). Mais la durabilité institutionnelle de cet héritage des Trente Glorieuses est questionnée depuis vingt à trente ans, sous l’angle de sa capacité à relever le nouveau défi de la sécurité hydrique, qui s’impose en France mais également à l’échelle internationale : le système en place et sa gouvernance sont-ils en mesure de garantir durablement la mise à disposition permanente des usagers d’une eau suffisante et de qualité conforme, à un coût acceptable et en préservant l’intégrité des ressources et des milieux ? De fait, on observe une mise en mouvement général des acteurs territoriaux de l’eau autour d’un nouvel impératif de rationalisation, mouvement qui s’accompagne d’une recomposition de la gouvernance territoriale de l’eau potable1. Une rationalisation portée par une coalition d’acteurs

L’« impératif de sécurisation » s’est imposé à la suite d’alertes récurrentes et convergentes, concernant d’abord la quantité et la qualité de l’eau, puis l’état des infrastructures (réseaux). Cette mise à l’agenda du problème de la sécurité hydrique s’accompagne d’un discours dominant concernant le type de solution à mettre en œuvre, en l’occurrence une « rationalisation hydro-territoriale » qui apparaît comme la clef de voûte de la sécurisation. La rationalisation se décline plus précisément autour des traits saillants suivants :

o une recomposition spatiale (regroupement) et fonctionnelle (nouvelles articulations entre production et distribution, mais aussi avec la planification, la solidarité, l’assistance et les systèmes d’information) des compétences donnant naissance à de nouveaux « arrangements territoriaux » ; le cas échéant, cette recomposition peut s’accompagner d’une intégration de la gestion de l’ensemble du petit cycle de l’eau ;

o une tendance à la spécialisation de l’approvisionnement autour de ressources qualifiées de « stratégiques » à un titre ou à un autre et faisant l’objet d’une protection renforcée contre les pollutions diffuses mais aussi parfois d’une prise de contrôle territoriale via les dispositions du Sage par exemple ;

o le développement de l’interconnexion des réseaux, dans le cadre d’une intégration institutionnelle des services ou au titre d’une forme d’assurance mutuelle entre services qui demeurent indépendants.

1 Le projet Aquadep « Gouvernance départementale de l'eau destinée à la consommation humaine » (2008-2012) a été soutenu par le

programme Eaux et Territoires (MEDAD, Irstea, CNRS), ainsi que par l’ANR Eau&3E. Le nom des chercheurs et équipes impliqués

ainsi que l’ensemble des productions issues de ce projet sont consultables sur : http://aquadep.irstea.fr/

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La rationalisation opère – partiellement – sur une base volontaire. On observe ainsi des fusions entre services, et l’apparition de puissances métropolitaines de l’eau via la prise de compétences par les communautés d’agglomération (Hellier). Mais nos observations montrent que cette injonction, relayée par de nombreux rapports officiels (de la Cour des comptes 2010 au rapport Levraut de 2013 qui évoque l’émiettement des responsabilités et la taille insuffisante de nombreux services pour « exercer leurs prérogatives d’autorités organisatrices »), relève également d’une action publique départementale, confirmant que le département constitue encore aujourd’hui une unité de gouvernance pertinente pour l’eau potable. Cela tient notamment au fait que le département constitue le cadre spatial historique de l’administration territoriale républicaine, de la représentation des intérêts sectoriels (notamment agricoles), de la solidarité vis-à-vis des territoires ruraux, et qu’il est doté d’un acteur – le Conseil Général (CG) – qui occupe (souvent mais pas toujours) une position nodale et active dans la politique de l’eau. Ce constat conduit à complexifier le discours dominant sur la gouvernance de bassin : l’enjeu de la gouvernance territoriale consiste moins à définir a priori un territoire pertinent en fonction de critères prédéfinis, mais à identifier le ou les territoires dont les attributs physiques mais aussi sociaux, politiques et économiques permettent d’envisager la création d’une « communauté de gestion » (Mermet) apte à prendre en charge le problème tel qu’il est défini. On rejoint ici les débats sur l’impossible « optimum territorial » (Moss, 2012) et sur l’écart entre watershed et problem-shed ou policy-shed (Cohen, Davidson, 2011). Les enquêtes montrent plus précisément que deux acteurs ont joué jusqu’à présent un rôle majeur dans la rationalisation hydro-territoriale, souvent associés dans ce qu’on a qualifié de coalition de rationalisation : le Conseil Général (CG) et les services déconcentrés de l’État. Dans la lignée de leur rôle classique d’administration des territoires, les Services de l’État soutiennent la rationalisation, par la démonstration chiffrée de son intérêt, par la maîtrise d’ouvrage de la planification et/ou de sa révision, par la prise en main ou l’appui au façonnage des territoires de l’eau. Mais la fin de l’ingénierie publique tend à transformer assez radicalement leurs relations avec les collectivités. Ils interviennent également à titre régalien, rôle qui oscille entre l’injonction en cas de crise, et l’accompagnement compréhensif, notamment vis-à-vis de la qualité de l’eau. De son côté, l’implication des CG est souvent ancienne, volontariste, protéiforme. Une enquête par questionnaire menée auprès de l’ensemble des CG métropolitains a confirmé et quantifié les dimensions essentielles de cette implication (priorités et moyens d’action). Les modes d’intervention du CG ont pu être regroupés selon deux grandes dimensions :

o une dimension politique, via la planification, le façonnage des territoires de l’eau, la régulation intersectorielle (eau/agriculture) ou interterritoriale (urbain/rural) ;

o une dimension plus opérationnelle, de type maîtrise d’ouvrage, assistance technique et financière, qui s’exerce directement ou indirectement à travers des structures qui constituent le bras armé du CG : syndicats, associations, sociétés d’économie mixte locale et plus récemment sociétés publiques locales.

Nos observations confirment par ailleurs des liens très étroits avec les Chambres d’agriculture, dans une longue tradition de soutien à l’activité agricole et au modèle intensif, ainsi qu’avec les Agences de l’eau : en raison de leur « proximité » avec les collectivités et de leur capacité de maîtrise d’ouvrage, les CG constituent souvent un point de passage obligé de l’action territoriale des Agences. Le monde de « l’eau destinée à la consommation humaine » dans lequel se déploie la rationalisation est marqué par de profonds changements. Les Régions s’investissent de plus en plus dans le petit cycle de l’eau, en concurrence ou en association avec les Départements. Les pôles urbains peuvent de leur côté évoluer de manière largement autonome, ou à l’inverse, notamment lorsque les conditions de leur approvisionnement les rendent solidaires du reste du territoire, s’impliquer dans le jeu départemental et y exercer une forme d’hégémonie plus ou moins contenue par le CG, ravivant des frictions structurelles entre ces deux acteurs territoriaux. Le secteur agricole est traversé par un ensemble de tensions et de transformations par ailleurs bien documentées, parmi lesquelles on relèvera la lente légitimation de l’agriculture bio, ainsi qu’un relatif déverrouillage de la régulation eau/agriculture avec une pluralisation des acteurs de l’animation agricole. Même des Chambres a priori hostiles au bio l’intègrent dans leurs actions d’animation et de conseil, ne serait-ce que pour demeurer les interlocuteurs privilégiés des financeurs de programmes agri-environnementaux et pour ne pas perdre des parts de marché face aux nouveaux opérateurs, dont certains issus du bio. De son côté, la mobilisation associative, très variable selon les départements, est susceptible de jouer un rôle d’aiguillon et de vigilance.

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La sécurisation : une cible principale, des instruments et un répertoire d’options

Cette politique de sécurisation fait des élus de l’eau la principale cible à convaincre et de leurs réticences un des obstacles majeurs au changement. Les réticences à la rationalisation hydro-territoriale apparaissent liées à une pluralité de causes : crainte de perdre la maîtrise du prix et du mode de gestion; conviction que le modèle promu n’est pas celui qui correspond à l’intérêt local, notamment au regard d’un autre impératif, celui de la proximité qui réclame de la réactivité et la présence/engagement d’un élu local de facto considéré par les usagers comme garant de ce service essentiel; difficultés de solidarité, lorsque les services à rapprocher ont conduit dans le passé des politiques ayant conduit à des situations très différentes ; déni des problèmes et critique du « précautionnisme » de l’administration en matière sanitaire ; existence d’un dispositif ad hoc (syndicat de moyens) qui soutient le statut quo en offrant aux gestionnaires une gamme de services. Quant aux réticences à l’engagement dans la protection élargie des ressources, elles tiennent à une longue tradition d’évitement du conflit avec les agriculteurs, au monopole longtemps exercé par la profession agricole sur l’animation-conseil et corrélativement soupçon d’illégitimité qui pèse, en ce domaine, sur les acteurs non agricoles, à la difficulté enfin de faire valider politiquement d’éventuelles compensations pour services environnementaux. Portée par la coalition, la rationalisation est soutenue par une large gamme d’instruments d’action publique. Ceux-ci permettent en particulier : de clarifier le présent et d’ordonner l’avenir dans une vision partagée (planification) ; d’agir sur la conduite des acteurs (dispositifs de conditionnalité et pression réglementaire ; à cet égard, les SDCI – schémas départementaux de coopération intercommunale – ont été très diversement mis au service de cette rationalisation hydro-territoriale) ; de faciliter le mode de résolution de certains problèmes (régulation conventionnelle, en particulier pour la protection des captages) ; de recueillir, organiser et valoriser l’information sur l’eau DCH, avec des systèmes d’information parfois en cours d’intégration dans un observatoire départemental. Sur un plan opérationnel, la rationalisation procède par combinaison à partir d’un arsenal relativement restreint d’options élémentaires. Au plan technique, il s’agit d’une tendance à la focalisation sur les ressources stratégiques, à la réalisation d’interconnexions et de grosses unités de production. Au plan organisationnel, plusieurs mécanismes visent globalement à agrandir les territoires (de concertation / de gestion / de pilotage, de solidarité…), et/ou à recombiner les missions ou compétences exercées aux différents échelons territoriaux. On a ainsi été conduit à distinguer : i) la sectorisation, qui dessine des territoires de gestion cohérents au regard des enjeux, dotés d’un cadre commun de programmation de travaux et à même de faire émerger à terme un maître d’ouvrage unique; ii) la fusion, dont l’objectif consiste à faire émerger des autorités organisatrices spatialement plus étendues et plus puissantes; iii) le réagencement, qui repose sur un transfert partiel de compétences des entités de base à une (ou plusieurs) institutions supra-locales; iv) la création d’institutions conjointes, établies soit en vue de la réalisation de certaines tâches de soutien, notamment d’assistance, soit en vue de la mise en place d’une gouvernance concertée de la ressource commune, à l’image de ce qui se fait en Gironde. Des trajectoires au long cours et des convergences autour de quelques « arrangements territoriaux »

Globalement, les trajectoires de rationalisation s’inscrivent dans des temps longs, celui du travail d’intéressement/enrôlement face à une mobilisation des acteurs qui menace toujours de s’estomper une fois les alertes passées, celui aussi qui est nécessaire pour défaire les habitudes et réinventer de nouveaux modes de fonctionnement, celui enfin de l’éventuelle et progressive harmonisation des prix de l’eau. Elles relèvent aussi d’une logique de compromis et de composition, entre rationalisation et proximité, entre la lettre et la pratique de l’exercice des compétences, entre paradigmes gestionnaires (curatif VS préventif). Articulant vision globale et de long terme et saisie de toutes les occasions de changement, la coalition avance étape par étape. Elle peut cependant disposer d’une capacité d’action suffisante pour réussir à créer une rupture, en faisant accepter une nouvelle architecture institutionnelle d’ensemble ; mais le temps long peut se retrouver alors dans le passage des compétences formelles à leur exercice effectif. Ce processus a été observé par exemple en Ille et Vilaine, où l’architecture fédérale mise en place au début des années 90 n’est toujours pas complètement opérationnelle plus de 20 ans après. On peut imaginer de même que l’injonction au syndicat unique contenu dans le SDCI de l’Aube connaisse les mêmes lenteurs de mise en œuvre. Nos enquêtes montrent que les dynamiques en cours n’ont pas (à ce stade) donné naissance à des configurations complètement stabilisées. Néanmoins, il est possible de modéliser une série

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d’arrangements territoriaux génériques résultant des logiques identifiées préalablement. Ainsi, par rapport à une situation de référence d’atomisation « radicale » des services, non rencontrée dans nos études de cas, quatre arrangements typiques ont été identifiés et qualifiés en puisant dans le lexique des régimes politiques :

o multi-local : caractérisé par des autorités organisatrices en nombre relativement important, qui conservent la plénitude de leurs compétences (production et distribution), et peuvent compter sur le soutien d’une institution conjointe ;

o confédéral : caractérisé par un réagencement des compétences ayant conduit à un maillage intermédiaire du territoire par des structures exerçant une compétence opérationnelle – protection de la ressource et production d’eau –, et entretenant entre elles des relations fonctionnelles via des interconnexions ;

o fédéral : caractérisé par l’existence d’une structure en charge de compétences opérationnelles (production) et de missions de soutien, mais aussi et surtout de rôles stratégiques : la planification, le système d’information, voire la solidarité financière au service des objectifs définis dans le plan ;

o unitaire/centralisé, caractérisé par un transfert total des compétences vers un syndicat départemental ou à vocation départementale.

Un bilan en demi-teinte

Globalement, le modèle multi-local est fragilisé, et une tendance assez forte semble se dessiner vers des modèles confédéraux à fédéraux incluant le cas échéant le pôle urbain, accompagnés d’une spécialisation de la ressource en eau DCH sur laquelle s’exerce préférentiellement le nouveau paradigme de sécurisation axé sur la prévention. Au niveau des acteurs, les CG sont depuis ces toutes dernières années plutôt dans des postures de retrait, de transfert des responsabilités à une structure départementale, ou alors d’engagement contraint, loin en tout cas des postures très volontaristes qui étaient celles des années 2000. La tendance est assez similaire au niveau de l’État territorial, avec une réorganisation qui privilégie l’échelon régional et le désengagement de l’opérationnel. La régulation globale pourrait basculer vers une nouvelle coalition (typiquement l’institution fédérale et les services de l’État), à même d’activer une série de leviers dont la gestion de l’information, la planification, l’orientation des subventions, la négociation avec la profession agricole et la pression régalienne. La rationalisation est par ailleurs loin d’être achevée. Elle a surtout concerné jusqu’à présent la protection de la ressource et la production d’eau. Par choix (impératif de proximité, prise en compte d’un tempo du changement) ou par nécessité (arbitrage des priorités et des moyens), la distribution est plutôt restée en retrait, avec la perspective dans certains cas qu’émerge un enjeu orphelin (au moins à moyen terme), celui du renouvellement patrimonial que les collectivités de base ne seraient pas toujours en situation d’assumer financièrement. D’autres limites et risques doivent être soulignés. Le réagencement des compétences peut générer des frictions ou a minima des problèmes de coordination autour d’enjeux partagés, comme la lutte contre les fuites entre structures de production et de distribution. Il est également susceptible de conduire à une concentration du pouvoir sur l’eau, au sein de technostructures soumises à de faibles exigences de « redevabilité » et face auxquelles la « contre-démocratie » des vigies de l’eau, ces associations qui se mobilisent pour éplucher les comptes et modes de gestion des services, pourrait avoir du mal à constituer un contrepoids suffisant. Ensuite, la spécialisation des ressources induit mécaniquement une création d’interdépendances entre services et territoires d’approvisionnement extérieurs à leurs périmètres, porteuses de frictions potentielles à la hauteur des contraintes de développement que feront peser les mesures de protection. En parallèle, l’abandon potentiel de ressources jugées non stratégiques pour l’eau potable dessine en creux les territoires où la qualité de l’eau serait abandonnée aux pollutions agricoles diffuses, dont la réduction n’est alors plus prioritaire. Enfin, la question de l’articulation avec les politiques d’urbanisme demeure largement en chantier. On voit comment la gouvernance territoriale de l’eau potable fait intervenir une pluralité de régulations qui tentent à la fois de cadrer la définition des problèmes et des solutions et de capter pour les orienter tout ou partie des acteurs attachés à ce problème. On peut en proposer pour conclure la définition suivante : ensemble des mécanismes qui concourent à l’orientation et à la régulation des interactions entre les acteurs de la gestion intentionnelle et effective de l’eau potable sur un territoire diversement investi mais faisant sens pour tous, et dont la performance est indexée sur un ou plusieurs paramètres définis collectivement.

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Références

http://aquadep.irstea.fr/ Pezon C. et Canneva G., 2009. « Petites communes et opérateurs privés : généalogie du modèle français de gestion des services d’eau potable », Espaces et Sociétés, 139, pp. 21-38 Cour des comptes Levraut Moss, 2012 Cohen et Davidson, 2011

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Andrea MANGANO, consultant indépendant, ancien directeur des opérations internationales de ACEA SpA, Rome, Italie

Le Services d’Eau en Italie: économies d’échelle, gouvernance et soutenabilité L’état des exploitations des services d’eau en Italie avant la reforme de 1994 : morcellement des exploitations (environs 12 000 entités de gestion différentes à l’échelle nationale), aucun opérateur privé important, prévalence de la gestion en régie ou d’entreprises publiques à échelle municipale, dépendance presque totale de la puissance publique pour les investissements, tarifs souvent insuffisants à couvrir les seuls coûts d’exploitation. La loi de réforme du secteur (dite Galli par son proposant) visait à industrialiser les services en eau au moyen de : o intégration horizontale (groupement des communes en syndicats obligatoires définis par les

Régions, dits ATO selon l’acronyme italien) ; o intégration verticale : un seul opérateur responsable de tous les segments de la filière (eau

potable, assainissement et traitement) dans le même ATO ; o opérateurs ayant obligatoirement la forme d’entreprises (exclusion des régies) agissant en

régime de concession vis-à-vis des communes de l’ATO (séparation comptable et transparence administrative), quel que soit leur régime (propriétaire public, privé ou mixte) ;

o tarif identique à l'intérieur d’un ATO et établi à travers une « méthode normalisée » au niveau national, prenant en compte les coûts de fonctionnement et d’investissement, de manière à assurer l’équilibre économique et financier de chaque exploitation et une « rémunération adéquate du capital investi », qui anticipait le principe du « full cost recovery » prévu par la Directive 2000/60.

Suite à l'adoption des lois régionales, 92 ATO ont été établis au total, donc avec une division du nombre d'opérateurs de plus de 100 fois, par rapport à la situation d'avant 1994 . Chaque région a regroupé les communes selon ses propres critères d'optimisation : hydrographiques (Toscane), administratifs (Lombardie ou Latium, etc.). La gouvernance est aussi assez variable et prend la forme d'un consortium ou d'un contrat d'association entre communes. Le «poids» des communes est, en général, proportionnel au nombre d'habitants, mais dans de nombreux cas un système de double pondération (par habitant et par commune) a été adopté pour mieux garantir la représentativité des petites communes. Chaque ATO décide comment gérer le service (société publique, mixte ou privée) et le plan de développement (objectifs, investissements, etc.) en accord avec le Plan de Bassin conçu par l'Autorité de District Hydrographique. La réforme a connu de nombreux obstacles et retards dans sa pleine application, dus soit aux résistances des différents intérêts affectés, soit à une législation des services publics qui a beaucoup varié dans le temps, souvent suivant des dérives idéologiques de tout type, soit par l’absence d’un régulateur national chargé de l’application du tarif. La loi Galli n’est pleinement appliquée que dans 70% des cas. Suite à l’introduction par le gouvernement Berlusconi d’une loi imposant la privatisation complète du secteur (élimination des entreprises publiques ou à majorité publique), deux referendum ont été proposés et approuvés en 2011 : un visant à l’abrogation de cette obligation et l’autre visant à l’abolition de la rémunération du capital. Ceci a pratiquement bloqué les nouveaux investissements. Début 2012, une Autorité nationale de régulation du secteur a été finalement créée ; elle a élaboré une nouvelle méthode pour le tarif qui prévoit le recouvrement des coûts financiers prenant en compte le WACC de marché pour le secteur. Un cas d’étude est aussi présenté : celui de Publiacqua SpA, qui assure les services d'eau dans 49 communes de Toscane, autour de Florence, pour un total d’environ 1,3 millions d'habitants. Il s'agit d'une société mixte dont les communes détiennent 60% du capital et dont des entités représentant des gestionnaires (notamment Acea de Rome) détiennent le reste (40%). La société, opérationnelle depuis 2002, a pris la relève des gestions municipales précédentes (pour la plus grande partie des régies) et assure aujourd’hui l'équilibre économique et financier des frais

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d'exploitation et des investissements, avec un chiffre d'affaires d'environ 160 millions d'Euro en 2011.

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Table ronde 1 – Des services d’eau au service de la ressource ?

Comment les collectivités locales articulent leurs responsabilités sur la gestion de l’alimentation en eau et de l’assainissement avec celles relatives à la gestion des ressources ?

Luc ALLARD, directeur de l’eau, Métropole Nice Côte d’Azur

L’exemple d’une collectivité qui maîtrise les compétences « eau potable », « assainissement » et « gestion des ressources » Comment la construction de l’intercommunalité et le choix des modes de gestion de l’eau contribuent à la solidarité et à la politique de bassin ? La Métropole Nice Cote d’Azur a été édifiée en 2012 autour d’un bassin de vie historique, fermé au nord par les sommets du Mercantour et au sud par la méditerranée. L’amélioration de la gestion de l’eau était au cœur du projet métropolitain. C’est ainsi que dix neuf nouvelles communes du haut pays ont rejoint l’ancienne communauté urbaine en suivant le contour des bassins versants de la Tinée et de la Vésubie, depuis la confluence avec le fleuve Var jusqu’au sommet des montagnes du Mercantour, formant la Métropole. L’ensemble constitue un territoire très contrasté, de la plaine littorale très touristique et à forte densité de population, aux petites communes rurales de haute montagne, dispersées et accessibles par des vallées encaissées. Synergies et interdépendances caractérisent les relations entre montagne et littoral dans la gestion de l’eau : Le Mercantour est le château d’eau du littoral. Plus de trois quarts des touristes fréquentant le haut et le moyen pays viennent du littoral. Les communes de montagne aux moyens financiers limités sont confrontés à des besoins d’investissements importants : stations d’épuration en fin de vie et aux performances limitées, réseaux en mauvais état et fuyards, eaux distribuées parfois non conformes, absence de compteurs d’eau chez les usagers. La solidarité du littoral est indispensable pour y faire face. Celui-ci y trouve intérêt pour la protection de ses ressources, en qualité comme en quantité, ainsi que pour la préservation de la qualité des eaux de baignade. Cette solidarité s’exprime par des financements, mais aussi par la mise à disposition d’expertises, de moyens techniques et de personnel. La solidarité voulue par la Métropole entre littoral et montagne comporte un objectif ambitieux : l’harmonisation progressive du service et des tarifs de l’eau entre les 49 communes vers le meilleur niveau de service au coût le plus bas possible. C’est dans cette optique d’harmonisation et de solidarité qu’est intervenue l’évolution des modes de gestion du service de l’eau. Dans un premier temps, il s’est agi de fusionner les périmètres en DSP pour en limiter le nombre et la diversité. De 10 DSP en 2007, la Métropole est passée à 6 DSP en 2012, étagées sur le littoral (principalement) et le moyen pays, plus une régie métropolitaine. En 2012, l’application de l’arrêt Olivet au principal contrat de Nice (3/4 des habitants de la Métropole) a donné l’occasion de revoir la stratégie métropolitaine de l’eau dans son ensemble pour les prochaines années. Les constats suivants ont notamment déterminé la réflexion des élus sur les différents périmètres : o les élus du haut pays restent très attachés à la proximité de la gestion en régie qu’ils

pratiquaient précédemment dans le périmètre communal ; o les besoins d’investissement et de moyens du service sont plus que proportionnels dans le

haut pays ; o la régie directe métropolitaine est actuellement répartie sur un territoire sans continuité

géographique, dans des secteurs plus difficiles à exploiter, et ne bénéficie pas de la taille critique pour répondre à l’objectif d’harmonisation du service et, encore moins, à l’harmonisation des prix.

o après 150 ans d’un contrat jamais remis en concurrence, le besoin se fait sentir d’une gouvernance plus étroite, d’une maîtrise de l’évolution du prix de l’eau et de l’économie des échanges d’eau, et d’une maîtrise de l’affectation des moyens entre littoral et haut pays.

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Ces éléments ont naturellement conduit au choix de la régie pour Nice. C’est bien l’extension de l’intercommunalité au secteur rural de montagne qui, in fine, aura été le paramètre déterminant de ce choix. Cette orientation, et la volonté de solidarité entre les mondes ruraux et urbains qui l’a guidée, rencontrent aujourd’hui un large consensus parmi les élus de la Métropole. C’est aussi un défi pour la jeune régie Eau d’Azur qui doit à la fois maintenir le niveau de service dans la zone littorale, et l’étendre dans le secteur montagneux.

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Bruno de GRISSAC, directeur du SMEGREG (Syndicat Mixte d’Etudes et de Gestion de la Ressource en Eau du département de la Gironde)

Comment une collectivité gestionnaire de la ressource en eau se coordonne avec les autres collectivités ? Exemple des nappes profondes de la Gironde

Plus grand département métropolitain avec 10 750 km2, la Gironde compte 1 400 000 habitants répartis sur 542 communes dont la plus petite du territoire national (moins de 4 hectares) et parmi les plus grandes (Lacanau 214 km², Carcans 202, Hourtin 191, La Teste 180).

Alors que l'eau souterraine, y compris des nappes phréatiques, représente en moyenne moins de 60% de l'eau potable à l'échelle nationale, les nappes profondes fournissent 97% de l'eau potable du département, ce qui signifie que tous les girondins ont à leur robinet de l'eau issue, au moins pour partie, de ces ressources très bien protégées.

Du point de vue sanitaire, la qualité des eaux des nappes profondes et leur très faible vulnérabilité aux pollutions sont des atouts indéniables pour la production d'eau potable. Ceci explique que plus des trois quarts des prélèvements dans les nappes profondes sont ainsi destinés à l'alimentation en eau potable.

Alors que les nappes profondes sont plus que largement en capacité de satisfaire tous les besoins en eau, la concentration des prélèvements dans certaines nappes et sur certains secteurs à forte densité de population soumet ces ressources à des pressions locales trop importantes.

L'élaboration, à la fin des années 90, d'un schéma directeur départemental d'alimentation en eau potable a confirmé cette surexploitation ce qui a motivé deux décisions :

l'élaboration d'un schéma d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE) pour les

nappes profondes,

la création, par la Communauté urbaine de Bordeaux (CUB) et le Conseil général de

la Gironde, d'un établissement public spécialisé : le Syndicat mixte d'études et de

gestion des ressources en eau du département de la Gironde (SMEGREG).

Alors que tous les services de l'eau sont responsables, à des degrés divers, de la surexploitation de certaines de ces nappes profondes, on peut s'étonner de la composition de ce syndicat mixte dans lequel on trouve la CUB (plus grand service d'eau potable du département qui dessert près de 685 000 habitants) mais aucun des 107 autres services (dont le plus petit dessert moins de 100 habitants) même si l'on peut imaginer que le Conseil général les représente.

L'absence d'implication directe et immédiate des services de l'eau potable, à l'exception de la CUB, pour la gestion des nappes profondes n'est pas étonnante et ce pour plusieurs raisons, parmi lesquelles :

le service de l'eau raisonne en priorité à l'échelle de son territoire de compétence, la

gestion des nappes profondes se décline sur des emprises de plusieurs milliers de km²

;

le service est jugé au quotidien sur sa capacité à garantir à l'usager de l'eau de

qualité 24h/24, l'efficacité de la gestion des nappes se juge à 20 ans ;

le citoyen se dit préoccupé par la préservation de l'environnement, et en particulier

des ressources en eau, mais il se plaint, en tant qu'abonné du service de l'eau, d'un

prix trop élevé ;

etc.

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Approuvé en 2003 dans sa version initiale, le SAGE Nappes profondes des Gironde a confirmé la surexploitation de certaines ressources et imposé la réduction des prélèvements dans les nappes trop sollicitées.

Pour ramener les prélèvements à un niveau et une répartition spatiale acceptables pour les nappes, le SAGE a arrêté une politique combinant :

une priorité donnée aux économies d'eau et à la maîtrise des consommations pour

tous les usagers ;

la mise en service de nouveau pôle de production d'eau potable, dit de substitution.

Il a par ailleurs instauré des majorations des redevances pour prélèvements de l'Agence de l'eau, modulées en fonction de l'état des nappes, pour un partage solidaire des coûts entre tous les bénéficiaires de l'atteinte des objectifs du SAGE.

Chargé de l'animation de la mise en œuvre du SAGE sous l'autorité de la Commission locale de l'eau, le SMEGREG a apporté des éléments d'aide à la décision permettant d'une part d'arbitrer entre plus d'économies d'eau et plus de substitutions de ressources, et d'autres part, de choisir les solutions de substitution les plus efficaces du point de vue technico-économique.

Il a ainsi confirmé que le gisement d'économies d'eau techniquement et économiquement mobilisable est insuffisant pour atteindre les objectifs du SAGE et que des substitutions de ressources sont indispensables.

Il a également démontré que des substitutions ne pouvaient pas être demandées à tous les acteurs, comme c'est le cas pour les économies d'eau. En effet, si tant est que des solutions existent en tout lieu, ce qui n'est pas le cas, la multiplication de projets locaux constituerait une aberration économique avec un très fort impact sur le coût d'accès à l'eau.

Pour la dizaine de grands projets envisageables, il apparaît ainsi que la concentration des substitutions sur l'aire urbaine bordelaise constitue la meilleure solution pour atteindre les objectifs du SAGE en limitant autant que faire se peut l'impact sur le coût d'accès à l'eau.

Cette recherche d'une efficacité collective a crédibilisé la démarche et sensibilisé les différents services aux enjeux de la gestion.

Ainsi, consultées en 2010 sur la maîtrise d'ouvrage des projets structurants de substitutions ressources, les services de l'eau concernés par ces projets ont souhaités que soit mise en place une gouvernance partagée visant à assurer, dans l'objectif d'une gestion durable de la ressource :

une répartition équitable des efforts, notamment en matière d'économies d'eau ;

l'efficacité des opérations retenues, notamment en matière de substitutions de

ressources ;

un partage solidaire des coûts.

Pour répondre à cette attente, et à l'occasion de l'approbation, en 2013, de la version révisée du SAGE, les statuts du SMEGREG ont été modifiés de manière à :

ouvrir l'établissement aux services de l'eau qui le souhaitent :

lui confier une mission de régulation, par laquelle il veille notamment, dans le cadre

de la déclinaison opérationnelle du SAGE Nappes Profondes de Gironde :

à l’optimisation des usages de l’eau des nappes profondes de Gironde ;

au respect des principes de solidarité et de transparence dans la mise en œuvre

des projets ;

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à l’utilisation à pleine capacité des infrastructures de substitution de ressources

en eau.

Il ne lui a volontairement pas été confié la possibilité de porter la maîtrise d'ouvrages des projets pour que sa mission de régulation soit exercée en toute indépendance.

A ce jour, trois services ont officiellement demandé à rejoindre le SMEGREG et une dizaine ont en exprimé l'intention.

Dans le même temps, pour renforcer sa légitimité à réguler l'accès à la ressource et son usage, le SMEGREG a demandé à être reconnu en tant qu'établissement public territorial de bassin.

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Table ronde 2 – Quelle conduite de projets concertés dans les territoires de l’eau ?

Comment concevoir des projets qui répondent aux attentes des maîtres d’ouvrage et des bénéficiaires ? Comment les rendre plus résilients ?

Olivier PILLONEL, chargé de mission fleuves, stratégies d’agglomération, Gand Lyon

Un plan fleuve métropolitain : nouveaux modes de maîtrise d’ouvrage partagée La politique fluviale de l’agglomération lyonnaise Partenariats et échelles de projets La ville de Lyon et plus largement son agglomération se sont construites autour de la confluence entre le Rhône et la Saône. Ainsi, le développement économique et urbain de la Cité est intimement lié aux « fleuves ». Après un siècle d’éloignement entre la ville et l’eau, le processus de reconquête des fleuves engagé à l’échelle de l’agglomération depuis 25 ans, a fait l’objet de différentes politiques, de documents cadres et de nombreux projets établis pour l’aménagement et la réhabilitation des cours d’eau lyonnais. Le Plan Bleu constitue un document de référence en matière d’aménagement des « espaces bleus » avec pour objectifs de doter l’agglomération d’un schéma global d’aménagement afin de mobiliser les acteurs, d’organiser et de coordonner les projets, de planifier les actions et les financements. Dépassant le stricte cadre de l’aménagement, il mettra aussi en évidence les différentes thématiques liées aux fleuves : l’environnement et le patrimoine, l’économie, le paysage… Ainsi, il va contribuer à la préservation et la valorisation des grands espaces naturels fluviaux périurbains, à la création et au maillage d’un réseau de parcs urbains ainsi qu’au renouvellement de grands territoires urbains. Au-delà des grands projets emblématiques d’aménagement des berges du Rhône et des Rives de Saône, la reconquête des fleuves est illustrative de formes variées de partenariats et de constructions de projets : entre des acteurs publics (la charte de partenariat entre le Grand Lyon et Voies Navigables de France), entre les acteurs d’un territoire à forts enjeux (l’Anneau Bleu), entre des acteurs publics et privés (Navette fluviale de la Confluence). Le Scot de l’agglomération lyonnaise et l’InterScot affirment la mise en valeur d’un réseau bleu comme un des trois éléments piliers de la structuration de l’agglomération et un trait d’union entre les territoires. Le processus de métropolisation de l’agglomération lyonnaise et son rayonnement font émerger des projets et des thématiques qui trouvent leur pertinence à des échelles qui dépassent les limites de la communauté urbaine de Lyon. Ainsi, avec le projet de Voie verte des Confluences, le Pôle métropolitain lyonnais souhaite développer un grand itinéraire cyclable le long des fleuves et rivières. Afin de développer le transport fluvial et d’adapter les infrastructures portuaires, un schéma portuaire métropolitain est également en cours d’élaboration. Dans la région lyonnaise, des acteurs institutionnels engagent des réflexions, élaborent des schémas stratégiques et conduisent des projets à différentes échelles géographiques et à différents horizons temps. Toutes ces démarches, qu’elles soient territoriales ou thématiques, appellent du dialogue et des échanges pour contribuer à un développement cohérent, au risque notamment de contradictions et de conflits d’usage. Conscient de la nécessité d’appréhender l’ensemble des fonctions fluviales à la bonne échelle des enjeux, le Grand Lyon, souhaite engager, à partir d’une première étude conduite par l’Agence d’urbanisme pour le développement de l‘agglomération lyonnaise, un processus de concertation avec tous les territoires et acteurs concernés. Portée par la Région Urbaine de Lyon, cette démarche « Plan Fleuves » pourrait permettre de construire une vision prospective partagée, déclinée sur les territoires et par thématique. L’enjeu étant de construire un territoire vécu et reconnu comme une grande métropole fluviale.

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Lionel GEORGES, directeur EPTB Gardon, Gard

Intervention : d’une continuité écologique au projet de développement de territoire : conflits d’usages et co-construction avec les acteurs représentatifs de l’agriculture, des espaces naturels, des usagers… Résumé de l’intervention Entre programmes et projets, le monde de l’eau est confronté à de multiples obstacles, notamment sa complexité, pour créer des liens entre porteurs et citoyens. Pourtant ce lien est indispensable pour développer une politique de l’eau partagée et efficace ou mettre en œuvre un projet local. A travers son expérience de maître d’ouvrage, porteurs de projets d’aménagement locaux mais aussi animateur de la gestion de l’eau à l’échelle d’un bassin versant de 2000 km² (172 communes, 200 000 habitants, deux départements Gard et Lozère), l’EPTB (Etablissement Public Territorial de Bassin) Gardons, comme d’autres syndicats de bassin versant, fait appel à différents modes de concertation. Le bassin versant des Gardons est confronté à de nombreuses problématiques pour lesquelles la concertation est indispensable : fonctionnement méditerranéen typique, rythmé par des crises (crues cévenoles très violentes, étiages particulièrement sévères), qualité de l’eau pouvant être localement affectée (métaux lourds, pesticides, phénomènes d’eutrophisation…), milieux à la fois riches (Parc National des Cévennes, Gorges du Gardon…) et menacés (dégradation physique, espèces végétales invasives, faibles débits d’étiage…), forte pression démographique et touristique. La concertation est facilitée sur ce territoire par la gouvernance de l’eau en place depuis une vingtaine d’années. Elle s’organise autour de deux acteurs majeurs : - Le SMAGE des Gardons ou EPTB Gardons, qui constitue le syndicat de bassin, c'est-à-

dire l’opérateur local. Il est composé du Conseil général du Gard et de diverses collectivités (communautés de communes, syndicats locaux, communes) représentant 123 communes. L’EPTB Gardons dispose d’une compétence globale d’animation et de coordination à l’échelle du bassin versant, et porte à ce titre le SAGE (Schéma d’Aménagement et de Gestion de l’Eau), le contrat de rivière et le PAPI (Plan d’Action et de Prévention des Inondations), et une compétence « étude et travaux » à l’échelle du territoire de ses membres dans l’ensemble des thématiques de la gestion de l’eau : inondation, ressource en eau, milieux aquatiques. L’EPTB, présidé par Jacques LAYRE, s’appuie sur une équipe de 16 agents qui constitue une véritable ingénierie (technique, administrative, financière, d’animation) au service du territoire,

- La CLE (Commission Locale de l’Eau), qui élabore et met en œuvre la politique de l’eau à travers le SAGE. Elle est composée de 58 membres répartis entre 3 collèges rassemblant les principaux acteurs locaux de l’eau : élus (>50%), usagers (>25%) et administration (<25%). Présidée par Lucien AFFORTIT, la CLE porte actuellement la révision du SAGE et constitue un véritable parlement de l’eau en débattant des dossiers et des politiques dans ce domaine.

L’EPTB Gardons et la CLE constituent des acteurs intégrateurs au sein d’une organisation particulièrement complexe. La mise en œuvre d’une phase de concertation pour l’EPTB Gardons consiste en premier lieu à distinguer communication, sensibilisation et concertation. La concertation vise à prendre en compte l’avis des citoyens, dans un cadre toutefois particulièrement contraint (techniquement, réglementairement…). La concertation ne peut exister sans une volonté politique mais cela constitue également une étape qui apparait aujourd’hui indispensable pour la viabilité d’un projet et/ou l’efficacité d’une politique.

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La présentation distingue les projets et les programmes. Effectivement la concertation « directe » est possible pour des projets (aménagement notamment), qui sont généralement localisés, assez simples à appréhender, et concernent un éventail relativement réduit de citoyens. Par contre les programmes (contrat de rivière) et politiques (SAGE), plus complexes et associés à une échelle plus importante, nécessitent la recherche de solutions particulières, directement liés aux objectifs du maître d’ouvrage. Un exemple de concertation à l’appui d’un projet : la reconstruction du seuil de Remoulins Le seuil de Remoulins a été détruit par la crue de septembre 2002. La reconstruction de l’ouvrage était associée à des enjeux multiples, voire contradictoires, en partie liés à la côte de l’ouvrage. L’aménagement relevait de l’intérêt général à deux titres principaux : la stabilité du village et le maintien d’une nappe exploitée pour l’eau potable (tendance au maintien de la côte de l’ouvrage initial).Toutefois la forte inondabilité du village nécessitait l’abaissement de la côte d’origine. Une côte optimale a donc été déterminée. Ces enjeux d’intérêt général se sont confrontés à différents enjeux plus locaux : la baisse de la côte de l’ouvrage risque de perturber les prélèvements des agriculteurs situés à l’amont et de dégrader les conditions de baignade (camping amont, site du pont du Gard), l’ouvrage constitue un obstacle pour les pratiquants de canoë kayak, les agriculteurs aval, usagers d’un canal, craignent une perturbation de leur activité notamment pendant les travaux et le Département du Gard, porteur d’un projet de voie verte, s’interroge sur la possibilité de franchissement du Gardon sur l’ouvrage. Il a été mis en œuvre une concertation très classique avec la création d’un support (une plaquette), la rencontre des acteurs locaux et leur intégration dans le comité de pilotage du projet et la réalisation de réunions publiques (ensemble du village). Les effets de la concertation ont conduit à maintenir la côte « abaissée » de l’ouvrage (intérêt général) mais à l’équiper de rehausses estivales, mises en place en cas d’étiage très marqué et à aménager un débarcadère à canoë. La concertation pour la révision du SAGE des Gardons Au regard de la taille du territoire, du nombre d’habitants et de la complexité du sujet, la concertation mise en place dans le cadre de la révision du SAGE des Gardons a été majoritairement indirecte, par le biais des représentants des acteurs de l’eau. La concertation a donc été essentiellement ciblée au sein de la CLE. Sur environ 4 ans de travail, plusieurs outils ont été mise en place : une réunion préalable d’information, une quarantaine de rencontres individuelles, 4 sessions de formation, une dizaine de commissions de travail, 8 réunions publiques en deux sessions, 20 réunions « groupes d’acteurs », 13 comités de pilotage, 12 CLE… Les effets de la concertation se sont retrouvés dans l’amendement important du document produit : 13 versions, des centaines de remarques analysées individuellement (une justification est fournie lorsqu’une remarque n’est pas intégrée). Le retour informel des acteurs de l’eau met en évidence de bons résultats pour un document complexe mais sur la base d’une concertation assez formelle et sans réussir à atteindre le grand public (ce qui n’était pas forcément l’objectif recherché). D’autres exemples de concertation sur le territoire… Dans le cadre d’un projet de création d’une réserve de biosphère sur les Gorges du Gardon, le syndicat Mixte des gorges du Gardon a mis en œuvre différents processus de concertation. Le territoire relativement réduit (12 communes – 20 000 habitants) a permis au syndicat de développer une concertation « de proximité » par le biais de 4 démarches participatives :

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- des réunions publiques : 5 réunions, tous les habitants invités, 300 participants, - des réunions chez l’habitant : 12 réunions – 155 personnes. Cette démarche vise à cibler

des habitants qui invitent eux mêmes les personnes de leur choix, chez eux, lieu de la réunion,

- une réunion basée sur la démarche « global voices » – 100 participants (représentants d’acteurs du territoire) – 10 tables d’environ 10 personnes qui travaillent en parallèle sur des questions ciblées avec une synthèse en direct et un travail de priorisation,

- une réunion basée sur la méthode ARDI (acteurs, ressource, dynamique, interaction). Contact : JM CHANABE – SM des Gorges du Gardon Le Conseil général du Gard développe la concertation citoyenne sur de nombreuses actions et politiques qu’il porte. Une démarche spécifique a été conduite sur la politique de prévention des inondations, axée sur deux questions : l’acceptabilité du risque et le rôle du citoyen. Par le biais d’un prestataire, un panel de citoyens représentatifs par territoire (20 personnes) a été constitué selon plusieurs critères : âge, catégorie socio professionnelle, nouveaux arrivants ou non…La démarche s’est articulée ainsi :

- Une réunion par territoire sur l’acceptabilité du risque, avec une mise en situation

(animation, grande carte du territoire, les participants affichent leurs contributions…),

- Une réunion globale, rassemblant l’ensemble des participants à partir d’une méthode de type « World café » (plusieurs tables rondes, chacune associée à un thème, les participants changent de table en passant plus de temps sur les premières, principe de la capitalisation…).

Contact : L.A. SUITA (Directrice - Mission évaluation, organisation et pilotage – CG30) Le retour d‘expérience des quelques exemples présentés met en évidence, malgré la différence des contextes et des méthodes, une véritable richesse des démarches conduites mais la nécessité de mobiliser des moyens qui peuvent être conséquents (animation, organisation, délais…) et une véritable difficulté à toucher certains publics, notamment les jeunes. Enfin, si la prise en compte des résultats de la concertation est indispensable, elle n’apparait pas toujours aisée (cadre contraint, inertie,…). Ces expériences interrogent également nos métiers, avec le constat d’agents qui présentent un profil intégrant la concertation (travail partenarial, contact aux citoyens, recherche de la légitimité locale…), sans toutefois disposer de formations détaillées sur les techniques et les méthodes, ce qui constituera sans doute une des marges d’amélioration de nos pratiques.