614
RAPPORT ANNUEL 2012 La preuve dans la jurisprudence de la Cour de cassation

Rapport_ccassation_2012 Etude Sur La Preuve

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Synthèse preuve en droit français

Citation preview

  • RAPPORT ANNUEL 2012

    La preuvedans la jurisprudencede la Cour de cassation

  • Ayant constat que des tudes ou des commentaires darrts avaient t reproduits sans son autorisation, la Cour de cassation, qui entend mettre fin ces pratiques illgales, rappelle que celles-ci sont constitutives de contrefaon. Toute nouvelle infraction serait poursuivie comme telle.

    CODE DE LORGANISATION JUDICIAIRE Article R. 431-9 (dcret n2008-522 du 2 juin 2008) :Il est fait rapport annuellement au prsident de la Rpublique et au garde des sceaux, ministre de la justice, de la marche des procdures et de leurs dlais dexcution.Article R. 431-10 (dcret n2008-522 du 2 juin 2008) :Le premier prsident et le procureur gnral peuvent appeler lattention du garde des sceaux, ministre de la justice, sur les constatations faites par la Cour loccasion de lexamen des pourvois et lui faire part des amliorations qui leur paraissent de nature remdier aux difficults constates.

    En application de la loi du 11 mars 1957 (art.41) et du Code de la proprit intellectuelle du 1erjuillet1992, complts par la loi du 3 janvier 1995, toute reproduction partielle ou totale usage collectif de la prsente publication est strictement interdite sans autorisation expresse de lditeur. Il est rappel cet gard que lusage abusif et collectif de la photocopie met en danger lquilibre conomique des circuits du livre. Direction de linformation lgale et administrative, Paris, 2013Direction artistique : A.D.N. Agence Drlement NcessaireISBN : 978-2-11-009264-9

  • 3COMPOSITION DE LA COMMISSION DU RAPPORT ETDESTUDES DE LA COUR DE CASSATION

    Prsidence: M.Vincent Lamanda, premier prsident de la Cour de cassation M.Jean-Claude Marin, procureur gnral prs la Cour de cassation

    Premire chambre civile : M.Christian Charruault, prsident de chambre Mme Ccile Petit, premier avocat gnral

    Deuxime chambre civile : Mme Laurence Flise, prsident de chambre M.Gilbert Azibert, premier avocat gnral

    Troisime chambre civile : M.Franck Terrier, prsident de chambre M.Yves Charpenel, premier avocat gnral

    Chambre commerciale : M.Raymond Espel, prsident de chambre M.Laurent Le Mesle, premier avocat gnral

    Chambre sociale : M.Alain Lacabarats, prsident de chambre M.Robert Finielz, premier avocat gnral

    Chambre criminelle : M.Bertrand Louvel, prsident de chambre M.Didier Boccon-Gibod, premier avocat gnral

    Service de documentation, des tudes et du rapport : M.Daniel Tardif, prsident de chambre

    Secrtariat gnral : Mme Marie-Pierre Lanoue, auditeur

  • 5SOMMAIRE

    COMPOSITION DE LA COMMISSION DU RAPPORT ETDESTUDES DE LA COUR DE CASSATION ................................................................................................................. 3

    Livre 1DISCOURS .................................................................................................................................................... 7

    Livre 2SUGGESTIONS DEMODIFICATIONS LGISLATIVES OU RGLEMENTAIRES ...................... 31

    Livre 3TUDE ............................................................................................................................................................ 83

    AVANT-PROPOS, par M.Jean-Franois Cesaro .................................................................................. 85

    LA PREUVE .................................................................................................................................................. 97

    Livre 4JURISPRUDENCE DE LA COUR ............................................................................................................ 371

    Livre 5ACTIVIT DELA COUR ............................................................................................................................. 499

    LISTE DES AbRVIATIONS ..................................................................................................................... 607

  • Livre 1

    DiSCOUrS

    Reproduction autorise avec indication de la source Utilisation commerciale interdite

  • / Discours du premier prsident

    9

    DISCOURS PRONONC lors de laudience solennelle dedbutdanne judiciaire, le vendredi 18janvier 2013, par :

    Monsieur Vincent Lamanda, premier prsident de la Cour de cassation

    Monsieur le Prsident de la Rpublique,

    Votre prsence parmi nous est un honneur dautant plus grand que lautorit judi-ciaire, dont les principaux reprsentants sont ici rassembls, salue en votre personne le garant constitutionnel de son indpendance.

    Que, ds les premiers mois de votre mandat, vous ayez tenu partager avec nous ce moment symbolique de laudience solennelle de dbut danne, nous touche.

    Les femmes et les hommes qui uvrent, chaque jour, pour quilibrer les passions, les intrts, les influences, sont naturellement sensibles cette marque de considra-tion, tmoigne aux serviteurs dune institution souvent malmene que des propos apai-sants, marquant votre confiance, ne peuvent que rassrner.

    Sachez notre gratitude.

    La mission de gardienne de la libert individuelle, que la Constitution confie lau-torit judiciaire, est essentielle dans un tat de droit, soucieux du respect de la spara-tion des pouvoirs et, par suite, de lindpendance du judiciaire.

    Mais il ne suffit pas que tous saccordent pour affirmer cette indpendance. Encore faut-il que chacun en accepte, en toutes circonstances, la manifestation, admette quon ne puisse pas toujours pressentir la sentence, souffre que le juge ne se prte un quel-conque accommodement.

    Acquis essentiel de notre tradition judiciaire, lindpendance doit constamment inspirer laction du magistrat vers lobjectivit, limpartialit, la vrit. Elle nest pas un privilge, mais un devoir envers lui-mme comme envers les autres. Si elle est une force, cest au service du justiciable quelle se dploie.

    Nous ne pouvons que nous fliciter, Monsieur le Prsident de la Rpublique, de votre volont de tout mettre en uvre pour renforcer leffectivit de ce principe salutaire.

    Au moment o notre pays est conscient de la ncessit dune rforme de ses struc-tures, pour mieux affronter les dfis dun monde globalis, la justice ne saurait demeu-rer lcart du mouvement engager.

    Surtout en premire instance, notre organisation judiciaire a vieilli. On constate, dune part, un miettement excessif de juridictions spcialises, que leur ncessaire dploiement lchelon local rend innombrables. On assiste, dautre part, une concen-tration progressive de divers contentieux dans certaines seulement des juridictions gn-ralistes, alors que toutes sont dites de droit commun.

  • LIVRE 1 / Discours

    10

    Au-del de ce paradoxe, qui tend faire de lexception la rgle, il en rsulte de vains conflits de comptence, une complexit droutante dans la mise en uvre des proc-dures et un risque de rupture dgalit entre les territoires.

    Sans mconnatre la difficult dune refonte de notre organisation judiciaire ni nier lvidente utilit dune spcialisation adapte, nous sommes prts prendre part la recherche dune simplification, dune clarification et dune plus grande efficience, sins-crivant dans la modernisation de ltat que vous projetez.

    Messieurs les Prsidents du Snat et de lAssemble nationale,

    Le motif central du plafond de cette salle reprsente la loi tendant la main la juris-prudence. Comme en cho cette allgorie, votre venue conjointe est le gage dune coopration fructueuse entre le Parlement et notre juridiction. Nous savons quil ne faut pas yvoir seulement la manifestation de votre courtoisie, mais lexpression dun hommage de la reprsentation nationale ceux qui ont la charge de veiller lapplica-tion de la loi. Soyez en vivement remercis, avec Monsieur le Prsident de la commis-sion des lois du Snat qui, toujours dlicatement attentif nos proccupations, a bien voulu vous accompagner.

    Madame la Garde des sceaux,

    Nous sommes heureux de vous accueillir nouveau dans cette grand chambre.

    Si rendre la justice nest jamais simple, il nest pas plus facile de ladministrer.

    Mais demble, vous avez embrass cette tche avec lenthousiasme, la finesse et le naturel chaleureux qui vous caractrisent.

    Sachant couter, vous attachant tudier en profondeur les dossiers, allant sur place pour mieux asseoir vos dcisions, vous avez cur de permettre la justice de sexer-cer dans toute sa plnitude, avec dignit et srnit.

    Dans cette dmarche, nous vous assurons de notre reconnaissance et de notre soutien.

    Excellences, Mesdames, Messieurs les hautes personnalits,

    Vous venez de tous les horizons o la vie de la cit sillustre dans sa riche diversit.

    La Cour tient vous associer cette crmonie en signe de cordialit entre nos juridictions, administrations ou organismes respectifs. Vous rpondez son invitation avec fidlit et sympathie. Elle vous en sait gr.

    Vous me permettrez de saluer en particulier les membres du Conseil suprieur de la magistrature dont jai lhonneur de prsider la formation plnire et celle comp-tente lgard des magistrats du sige.

    Voil bientt deux ans, le cordon qui reliait ce Conseil au pouvoir excutif a t dfinitivement coup. Je me rjouis de latmosphre constructive qui, convertissant nos diffrences en complmentarits, nous runit, chaque semaine, pour concourir au fonc-tionnement harmonieux des cours et tribunaux et assurer la magistrature les garan-ties effectives de son statut.

    La spcificit de la fonction judiciaire est inhrente la grandeur dune mission sur laquelle nos concitoyens portent un regard empli dexigences leves, parfois antino-miques, toujours difficiles satisfaire. La justice laisse rarement indiffrent.

  • / Discours du premier prsident

    11

    Chacun, croyant la connatre, sautorise la juger. Certes, elle nest pas faite pour plaire, ft-ce ceux qui la sollicitent le plus. Mais, gnralement elle est raille, mme par ceux qui yrecourent le moins. Le phnomne est invariable depuis le Moyen ge. En voici quelques illustrations.

    Le Roman de Renart met frocement en scne lastucieuse perversit de Renart, ses jugements lonins.

    Rabelais inscrit sur la porte de son abbaye de Thlme : Ici nentrez pas, [] juges anciens qui jetez au charnier les bons paroissiens ainsi que des chiens. Votre salaire est au gibet. Allez ybraire .

    Marot abandonne son badinage pour fulminer : Ils ont tant de glu dedans les mains, ces faiseurs de pipe, que toute chose o touchent est grippe .

    La Fontaine renchrit : Selon que vous serez puissant ou misrable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir .

    La Bruyre excite contre les murs judiciaires son amertume : Le devoir des juges est de rendre la justice ; leur mtier de la diffrer ; quelques-uns savent leur devoir et font leur mtier .

    Lesage prte Crispin ce sarcasme : La justice est une chose si prcieuse quon ne saurait trop lacheter .

    Voltaire traite les juges de cuistres fanatiques, misrables convulsionnaires, singes changs en tigre .

    Balzac npargne pas mme le jeune magistrat : Aux joues lamines par ltude et lenvie de parvenir .

    Hugo ironise : quoi bon disposer de vingt-quatre heures pour maudire ses juges, quand on a toute la vie pour les plaindre .

    Anatole France fait dire labb Coignard : Cela seul me cause un insurmontable embarras quil faille que ce soient les juges qui rendent la justice .

    Sans tre exhaustif, pourraient tre cits encore Marcel Aym ou Jean Anouilh.

    Et pour illustrer ces auteurs par le dessin et par le cinma, de Daumier Cayatte, les caricatures ne manqueraient pas.

    Cette constante acrimonie trouve sa source dans la qute inlassable dun impos-sible absolu, que le pouvoir confi quelques-uns de juger leurs semblables ne peut videmment assouvir.

    Le juge ne serait-il pas alors blm davantage en considration de son image que pour son action ?

    Cette image, en tout cas, possde deux caractristiques essentielles qui en altrent les traits.

    La premire est la prennit.

    Le roi de France, qui le plus humble de ses sujets pouvait faire appel, a commenc asseoir son autorit aux dpens de la fodalit par son rle judiciaire. Le roi rendait justice. Le roi tait justice. Cest le symbole de Saint Louis sous un chne Vincennes.

  • LIVRE 1 / Discours

    12

    Lorsque le roi dlguait le soin de rendre en son nom la justice, ceux qui le substi-tuaient devaient avoir les mmes habits que lui. Lcarlate en tant la couleur, les robes des conseillers furent, elles aussi, pourpres.

    Le roi, cette poque moyengeuse, portait le chaperon bonnet qui servait de coif-fure en mme temps que de vtement de cou. Les magistrats adoptrent le chaperon. Pour allger le poids de ce couvre-chef quelque peu incommode, ils prirent lhabitude den dtacher lappendice qui tait rejet sur lpaule gauche. Ainsi naquit lpitoge.

    partir du XIIIe sicle, lampleur des tches grandissant avec lextension rapide du domaine royal, le monarque dut se rsigner dlguer ses prrogatives des conseils de techniciens. Le plus important dentre eux, le parlement , sinstallera dans ses appartements.

    Si on nomme palais les btiments o la justice est tablie et chambres les salles o elle est rendue, cest que le roi de France, voil prs de huit sicles, lorsquil a quitt lle de la Cit pour la rive droite de la Seine, a laiss son palais aux juges qui ont investi sa chambre de parade, la grand chambre.

    Si on nomme audience la sance dun tribunal et cour certaines formations de juge-ment, cest qu lorigine, le monarque donnait lui-mme audience ceux de ses sujets qui lui demandaient justice, et que les premires juridictions taient composes des prin-cipales personnes constituant lentourage du roi et rsidant effectivement dans sa cour.

    Beaucoup continuent appeler placet lexemplaire dune assignation dpose au greffe en vue de sa mise au rle. En effet, pour obtenir audience, les solliciteurs priaient le roi quil lui plaise (placet en latin) leur accorder la faveur de les entendre. Leurs requtes taient inscrites la suite sur un rouleau de parchemin : un rle. Elles taient voques dans lordre o elles apparaissaient en le droulant, tour de rle .

    Mise sous main de justice et mainleve qualifient certaines mesures judiciaires en rfrence au geste que faisait le roi avec la main de justice pour indiquer sa dcision.

    Si on nomme parquet le lieu o se tient le ministre public, cest que ce mot dsi-gnait dans la grand chambre le cur de la salle, dlimit sur trois cts par les bancs des juges et sur le quatrime par une barre, enclos sacr, petit parc ou parquet , que les gens du roi traversaient pour gagner leur place.

    Si on nomme barreau lensemble des avocats, cest que ceux-ci se tenaient prcis-ment derrire la barre qui fermait le parquet.

    Le btonnier est le chef de leur ordre. Le roi lui avait confr le privilge, dans les processions de la confrrie de Saint-Nicolas, de porter le bton, cest--dire la ban-nire de ce saint.

    Le titre dhuissier, donn certains auxiliaires de justice, est, de mme, hrit de leurs devanciers, chargs de garder les portes de la chambre du souverain, den ouvrir les battants ou den maintenir les huis clos.

    En prononant, lors des rentres solennelles, des discours, nous prolongeons la tra-dition multisculaire des mercuriales, ne, dans la grand chambre, un mercredi, jour de Mercure.

  • / Discours du premier prsident

    13

    Prennit du costume, du vocabulaire et des crmonies, le juge apparat fig dans une attitude hiratique.

    Lambigut constitue le second signe distinctif de son image.

    On attend du juge quil soit totalement libre. Mais il ne peut, sans risque darbi-traire, saffranchir de la loi, mme sil la trouve injuste ou dpasse.

    Il est indispensable que le juge naffiche ni ses convictions ni ses prfrences et fasse abstraction delles quand il statue. Mais, il est peu de problmes moraux, cono-miques et sociaux qui ne lui soient soumis et peu de pripties de la vie publique aux-quelles il ne soit ml. Comment empcher, ds lors, que le parti quil est contraint de prendre, soit interprt ?

    On veut que le juge soit un recours, au sens de secours. On fait appel lui pour jeter la lumire sur une affaire tnbreuse. Mais il peut devenir aussi un recours, au sens de refuge. Sa saisine permet dluder les questions que lactualit fait poser avec une insis-tance qui drange : La justice est saisie, laissons la suivre son cours

    Le temps qui passe prend deux visages quand il sagit dtre jug : celui dun ennemi ou celui dun alli.

    Cest un visage ami que suggrent lerreur vite par la rflexion, lapaisement des passions et des emportements, le respect de la contradiction et des droits de la dfense. Le temps est un gage daccalmie et de justice.

    Cest un visage hostile que rvlent les piles de dossiers qui sentassent, leur trai-tement expditif, comme labus dun juridisme dilatoire. Le temps adultre linstance, abtardit les responsabilits, minimise les rparations, affaiblit la sanction.

    Dans le domaine pnal, lamphibologie est reine. Tantt le juge est stigmatis pour son laxisme : il ferait montre dune large tolrance lgard des dlinquants et dune compassion trique pour les victimes. Tantt sont dnonces son pre svrit, qui frapperait les gars de la vie comme dincorrigibles malfaiteurs, et sa trop grande sol-licitude pour les parties civiles, quil naurait pas vocation aider faire leur deuil.

    Si limage du juge est fortement empreinte dambigut, cest que, depuis des temps immmoriaux, elle nous rappelle lambivalence native de notre condition : les vertus sont frontires des vices, le mal est inhrent au bien, les mchants sont indissociables des bons, comme la nuit est insparable du jour, linspiration de lexpiration.

    Prennit et ambigut se conjuguent pour consolider une perception strotype.

    Il faut se librer des apparences.

    Nous avons le respect de nos traditions, car nous avons appris de nos anciens quun magistrat ne transige pas avec sa conscience et quil doit rester fidle au droit, juste et humain. Sans mmoire il ny a pas de justice.

    Mais nous avons galement le souci daller de lavant, de nous dfaire de ce qui est dpass, dinnover, non seulement pour demeurer en phase avec notre poque, mais aussi pour anticiper les changements venir. cet gard, si la critique est parfois bles-sante, elle ne peut que stimuler notre vigilance et notre dtermination voluer.

  • LIVRE 1 / Discours

    14

    Parce quelle est recherche dquilibre, la justice doit contrebalancer la force de la constance par llan du progrs.

    Les costumes dautrefois sont revtus par des femmes, dsormais majoritaires, et des hommes pleinement conscients des grands enjeux de notre temps.

    Dune moyenne dge de 47 ans, ils justifient souvent dune exprience profession-nelle antrieure, facteur denrichissement, les voies daccs la magistrature stant diversifies.

    Grce un enseignement initial rnov et une formation continue dont le carac-tre dsormais obligatoire a accru leffectivit, ils sont mieux mis en mesure de rpondre aux attentes de nos concitoyens. Pour sa part, en 2012, notre Cour a organis plus de quarante manifestations, confrences, colloques ou sminaires, sur des thmes allant du droit social lconomie de lenvironnement, en passant par la sant ou la rpara-tion du prjudice.

    Loin dadopter la position statique forge par lhistoire, la magistrature souvre volontiers sur lextrieur. En utilisant et en interprtant des normes de nature mul-tiple, le juge participe minemment aux mutations de la socit.

    Vivant reflet de lorigine transnationale croissante des rgles et des principes que nous appliquons, le dialogue des juges est une ralit. Nous sommes particulirement sensibles ce que dminents reprsentants des deux cours rgulatrices de notre conti-nent, la Cour europenne des droits de lhomme et la Cour de justice de lUnion, aient tenu prendre part cette audience.

    Ici, lan dernier, outre lassemble gnrale du Rseau des prsidents des Cours suprmes judiciaires dEurope, ont t accueillies soixante-dix dlgations trangres.

    Lcho du vaste monde rsonne en nos prtoires. Aussi, est-il devenu naturel pour le juge de confronter ses pratiques avec celles de ses homologues trangers, de mettre en place des partenariats et des changes en vue dune coopration plus efficace.

    La prsence parmi nous des ambassadeurs de grandes nations amies, aux cts du prsident de lAssociation des hautes juridictions de cassation des pays ayant en par-tage lusage du franais et du prsident de lAssociation africaine des hautes juridic-tions francophones, nous honore grandement. Elle tmoigne de lintensit des liens qui nous unissent nos pairs par-del les frontires.

    Mais les juges, quelles que soient leur implication, leur science juridique et leur droiture, ne peuvent garantir une vraie justice en comptant sur leurs seules forces et sur leur seul savoir. Rien ne saurait substituer, dans le processus juridictionnel, le dbat contradictoire, remplacer lintervention de lavocat.

    La Cour se flicite de lexcellence que lordre des avocats aux Conseils apporte ses travaux et du prcieux concours quil prte son rayonnement.

    Luvre de justice est collective. Le dvouement et la comptence des personnels des greffes, sans qui rien ne serait possible, mritent dtre souligns.

    Lutilisation gnralise, dans notre Cour, des technologies de linformation et de la communication doit beaucoup leur dynamique engagement et au climat serein qui, sous lautorit souriante de Madame le Directeur de greffe, rgne dans leurs quipes.

  • / Discours du premier prsident

    15

    Grce aux dispositions dun dcret du 28dcembre dernier, la signature lectro-nique de nos dcisions va, bientt, parachever la dmatrialisation complte de nos procdures civiles. Nous esprons, Madame la Garde des sceaux, que larrt que vous allez prendre, consacrera les modalits issues de nos exprimentations.

    Le passage lre du numrique contribue en outre faciliter un fonctionnement moins opaque. Ainsi, les parties au pourvoi en cassation, qui le souhaitent, disposent dun accs direct en ligne aux informations les concernant. Tout un chacun peut consul-ter lensemble de nos arrts sur le site Lgifrance.

    Lamlioration de laccueil et de lorientation des usagers est devenue une priorit. Ils doivent tre mieux informs de leurs droits pour pouvoir plus utilement les faire valoir. La nouvelle architecture des palais de justice traduit, sa manire, cette volont de transparence et daccessibilit.

    Les garanties dun procs quitable, notamment en matire pnale, ont t renfor-ces. Le nombre des affaires traites a grossi. Pour autant, les dlais de jugement se sont rduits. En moyenne, devant notre Cour, un pourvoi est jug, en matire pnale, en cinq mois, et, en matire civile, en un an, dont il faudrait dcompter le semestre quau total, le code de procdure laisse aux parties pour dposer leurs mmoires. Cette per-formance nous place en tte en Europe.

    Quon ne se mprenne pas. Je ne dis pas que tout va pour le mieux au sein de la jus-tice franaise. Bien des amliorations sont possibles et ncessaires. Mais nous navons pas rougir de nos rsultats confronts avec ceux obtenus, laide de moyens souvent suprieurs, dans dautres pays comparables au ntre.

    Mesurons les efforts accomplis. Restituons notre justice son vrai visage.

    Montrons la telle quelle est : ni distante ni dsincarne, active, sattachant, en dpit des incomprhensions et des difficults, relier le pass au prsent dans la perspec-tive de lavenir.

    Si son image est tributaire des habitudes et des apriori, elle dpend dabord de la sensibilit de lil qui la voit.

    Puisse donc 2013 tre lanne dun regard plus lucide port sur elle.

    ce souhait fervent, il mest agrable dajouter les meilleurs vux que la Cour pr-sente chacun dentre vous.

  • / Discours du procureur gnral

    17

    DISCOURS PRONONC lors de laudience solennelle dedbutdanne judiciaire, le vendredi 18janvier 2013, par :

    Monsieur Jean-Claude Marin, procureur gnral prs la Cour de cassation

    Monsieur le Prsident de la Rpublique.

    Le parquet gnral tout entier, mais aussi la magistrature toute entire, vient, par ma voix, se joindre celle de Monsieur le Premier prsident, pour vous tmoigner de lhonneur quils ressentent au tmoignage de considration que votre prsence notre audience signifie au plus haut degr.

    Monsieur le Prsident du Snat,

    Monsieur le Prsident de lAssemble nationale,

    Madame la Garde des sceaux,

    Monsieur le Prsident du Conseil constitutionnel,

    Monsieur le Vice-prsident du Conseil dtat,

    Monsieur le Dfenseur des droits,

    Monsieur le Premier prsident de la Cour des comptes et Monsieur le Procureur gnral,

    Monsieur le Grand Chancelier de la Lgion dhonneur,

    Messieurs les Ambassadeurs,

    Monsieur le Procureur gnral dEspagne Eduardo Torres-Dulce Lifante,

    Mesdames et Messieurs les Chefs de cours et de juridictions,

    Monsieur le Prsident de lOrdre des avocats aux Conseils,

    Mesdames et Messieurs les Membres de lOrdre,

    Mesdames et Messieurs,

    Paul Valry avanait lide que, je cite, lhumanit souffre de deux grands maux : la tradition et le progrs .

    Et si la justice offrait la preuve paradoxale que, de ces contraires, peut natre une alchimie cohrente ?

    Les crmonies judicaires qui marquent lavnement dune nouvelle anne dacti-vit des juridictions sont souvent loccasion de grands lans rhtoriques convenus pui-sant tantt au registre de lexaltation, tantt celui de la complainte.

    Par ses missions, notre justice mrite lexaltation, au sens pascalien de ce terme : gar-dienne de la paix civile, rempart contre les injustices nes du dsquilibre des situations

  • LIVRE 1 / Discours

    18

    et des cultures, ultime recours l o dautres institutions ont chou, elle est cet arbitre o vient se rfugier la qute du droit.

    Il nest sans doute pas opportun, aujourdhui, demprunter au registre de la com-plainte mais il convient nanmoins que puisse sexprimer linquitude.

    Les difficults financires majeures du moment imposent videmment des efforts importants en matire budgtaire, propres rtablir les quilibres essentiels, et les magistrats et fonctionnaires de justice en sont conscients.

    Mais se pose de faon non moins prgnante la question de la capacit de linstitu-tion laisser encore longtemps entendre quelle peut continuer assumer convena-blement lensemble des comptences toujours plus nombreuses qui lui sont assignes.

    La justice nest pas une administration comme les autres, confronte aux dfis de la modernit, elle a pour fin ultime la Justice, cest--dire une valeur nous enseigne le professeur Loc Cadiet.

    Je pourrais donc cder aux lois du genre et alterner, dans ce mme discours, lun et lautre de ces deux registres, hlas habituels, selon un ordre binaire cher nos profes-seurs des facults de droit.

    Mais la prsence du Prsident de la Rpublique, votre prsence Monsieur le Prsident, qui tmoigne ainsi, alors que votre mandat na que quelques mois, de votre attache-ment linstitution judiciaire et votre rle constitutionnel de garant de son indpen-dance, interdit, sans doute, de redire ce qui la t de trs nombreuses fois et que vous connaissez dj bien sr.

    Premier magistrat de la Rpublique, ancien magistrat de la Cour des comptes, ancien avocat au barreau de Paris, les choses de justice sont loin de vous tre trangres.

    Permettez cependant que je vous dise quelques mots des femmes et des hommes qui, mes cts, uvrent au sein du parquet gnral de la Cour de cassation.

    Si lappellation de parquet gnral a valu bien des vicissitudes cette institution mal connue, les membres de notre parquet gnral, parquet, faut-il le rappeler, tota-lement tranger la hirarchie du ministre public et jouissant dune totale et relle indpendance, nont pour boussole que la loi dans son application une socit vivante, apportant aux membres du sige de notre Cour, le regard crois dun autre magistrat impartial, regard nourri de sa conscience du droit, de son interrogation sur la perti-nence et lactualit de son application concrte et des chos sur les attentes lgitimes de la socit civile, que lui fournissent ses consultations des acteurs essentiels des dbats soumis la Cour.

    Nulle activit de reprsentation dun quelconque intrt autre que celui, suprieur, de la justice, nulle soumission un autre pouvoir que celui de lapplication claire et intelligible de la norme, ils sont, ces premiers avocats gnraux, avocats gnraux et avocats gnraux rfrendaires, lexemple vivant dune justice indpendante, riche dex-priences souvent uniques acquises au gr de carrires remarquables.

    En ce jour anniversaire de la naissance de Montesquieu, ils mritaient cet hommage public auquel je crois pouvoir associer votre chancellerie, Madame la Ministre, qui, en faisant appel certains des membres de ce parquet gnral pour participer des mis-sions de rflexion ou dvaluation, a su reconnatre ces savoirs et ces talents.

  • / Discours du procureur gnral

    19

    la place qui est la sienne au sein du ministre public, il revient, par ailleurs, au procureur gnral prs cette Cour dtre un des ambassadeurs des magistrats du par-quet pour rappeler, ici, combien, membres part entire de lautorit judiciaire, ils par-ticipent luvre de justice.

    Je ne saurais donc, en votre prsence, Monsieur le Prsident de la Rpublique, rester taisant sur la condition de notre ministre public, que lon dit dsormais la franaise .

    Compos de magistrats part entire tenus aux mmes rgles dontologiques et la mme thique que leurs collgues du sige dont ils partagent le serment, le minis-tre public franais ne peut se rduire au concept vague de partie poursuivante o cer-tains aimeraient tant le voir enferm.

    Investi du pouvoir de dcider de lopportunit mme des poursuites, premier outil dlaboration dune raction sociale adapte la personnalit de lauteur et propor-tionnelle la gravit des faits, rgulateur essentiel de lactivit judiciaire par le choix des modes de cette rponse sociale, garant des quilibres si dlicats entre ncessits de lordre public et liberts individuelles, mais aussi dfenseur de lordre public dans les affaires civiles, sociales ou commerciales, il ne peut tre, compte tenu de ces missions essentielles, cantonn dans le rle, certes noble, davocat de la poursuite.

    Directeur des investigations dans le cadre de la majorit des enqutes pnales, ambassadeur de lautorit judiciaire dans la Cit, les magistrats du ministre public doivent faire preuve dune impartialit et dune neutralit absolues dans ce rle digne dune desse judiciaire dont chacun des bras serait porteur dune mission singulire, qui toutes nont pour finalit que lintrt gnral, le respect des principes fondamen-taux de notre dmocratie et le bien de la justice.

    Cest pour cela que les membres de notre parquet la franaise ne peuvent tre que des magistrats et il serait temps de mettre fin cette vieille antienne, aussi simpli-ficatrice quindigne dun tat de droit, qui est dimaginer quil ya, dans ce pays, une partie de la magistrature dont le rle et le statut sont bien peu compatibles avec cet tat.

    Dans sa perception du ministre public, notre socit, dans nombre de ses com-posantes, ressemble ces hommes enchans au fond de la caverne de Platon qui ne connaissent deux-mmes et de ce qui les entoure, que les ombres projetes sur les parois obscures par une source lumineuse laquelle ils nont pas directement accs.

    Quand aurons-nous la chance de voir se rpandre la lumire de la ralit socra-tique due notre ministre public et steindre le mythe de lombre prisonnire des ides reues ?

    Sans doute, les interrogations qui ont entour le processus de nomination des magis-trats du ministre public ont longtemps contribu brouiller limage de ce dernier.

    Des progrs notables ont, nous le savons, t accomplis notamment avec la rforme du Conseil suprieur de la magistrature, ce Conseil qui vous assiste Monsieur le Prsident de la Rpublique, dans la garantie de lindpendance de lautorit judiciaire que vous confie larticle 64 de notre Constitution, comme je le rappelais lore de ce propos.

    Depuis le 3fvrier 2011, date dentre en vigueur de la rforme issue de la loi consti-tutionnelle du 23juillet 2008 et de la loi organique du 22juillet 2010, cest la nomi-nation de lensemble des magistrats du ministre public, quel quen soit le grade, qui

  • LIVRE 1 / Discours

    20

    est dsormais soumise lavis du Conseil dans sa formation comptente lgard des magistrats du parquet.

    Certes ces avis ne sont pas, de jure, contraignants pour lautorit de nomination mais Madame la Garde des sceaux, comme certains de ses prdcesseurs, a solennel-lement affirm quelle ne passerait pas outre les avis dfavorables ses propositions mis par le Conseil, engagement annonc comme devant figurer, terme, dans la loi.

    lcoute du Conseil suprieur de la magistrature, Madame la Ministre de la justice a permis une avance significative dans la ncessaire transparence qui doit prsider la nomination des magistrats du parquet, surtout aux niveaux des plus hautes responsa-bilits : dsormais lensemble des propositions de nomination des membres du minis-tre public fait lobjet dune publication comprenant outre la personne propose par lautorit de nomination, lensemble des candidats ces fonctions.

    Cela est de nature faire taire partiellement fantasmes et suspicions toujours vivants.

    Mais, des rformes venir du Conseil suprieur de la magistrature sont annonces.

    Parit ou imparit des membres, pouvoir de proposition pour lensemble des postes de responsabilit du sige comme du parquet, unicit ou pluralit des forma-tions, capacit dinitiative de la formation plnire dans la formulation davis sur les rformes utiles et le fonctionnement de la justice, les champs de rflexion et de pro-grs ne manquent pas.

    Mais je voudrais dire, cet instant prcis, que quelles que soient les ncessits de modifier la composition ou les comptences du Conseil suprieur de la magistrature, les membres des formations actuelles de ce Conseil, et pour celle que je connais davan-tage, les membres de la formation du Conseil comptente pour les magistrats du par-quet, assument leur mission avec un sens aigu de leurs responsabilits dans le respect dune dontologie au-dessus de toute critique avec un sentiment commun dapparte-nance, magistrats et non magistrats, une institution essentielle notre dmocratie.

    Pour Georges Bernanos lavenir est quelque chose qui se surmonte. On ne subit pas lavenir, on le fait et cest pourquoi les membres du Conseil sont disposs par-ticiper activement aux rflexions engages sur les rformes envisages, des groupes de travail sur diffrents axes de rformes ayant trs vite t constitus la fin de lt 2012.

    Mais, sil faut rformer, empruntons la devise de Pierre de Coubertin plus vite, plus haut, plus fort, plus loin .

    Et puisquil est question davenir, hissons-nous au-del des frontires de notre Hexagone et envisageons un autre futur, celui qui porte le nom de parquet europen.

    En effet, nous sommes, aujourdhui, un point cardinal de la construction dune Europe judiciaire apte faire face aux grands dfis de la criminalit de nos temps qui a tant su, et depuis longtemps, profiter des liberts quoffre notre Europe recompose.

    Le constat est ancien : les tats de lUnion europenne ont, dans un premier temps, celui du troisime pilier, vu, en matire judiciaire, lespace nouveau comme celui de la coopration dont lefficacit et loprationnalit se sont renforces au fil du temps tout en continuant sancrer dans une logique rgalienne caractrise par le morcel-lement et une vision classique dun droit pnal et dune procdure pnale relevant de la souverainet de chacun.

  • / Discours du procureur gnral

    21

    Certes, les instruments dharmonisation porteurs de confiance mutuelle, se sont multiplis de Maastricht Lisbonne en passant par Amsterdam sans oublier le Conseil europen de Tempr.

    Bien sr, la cration dEurojust, incomparable outil de coopration et de coordi-nation entre les 27 tats de lUnion, a, en simposant comme maillon essentiel de la lutte contre le terrorisme et la criminalit transfrontires, projet nos diffrents sys-tmes judiciaires dans la ralit europenne.

    Mais, pour essentielles que soient ces constructions nouvelles, il semblait beau-coup que, pour lutter contre une dlinquance qui a aboli les dcoupages sophisti-qus de notre gographie ancienne, pour utiliser au mieux les instruments de lutte de plus en plus complexes, notamment en matire de violation des intrts financiers de lUnion, o, il faut le dire, les succs sont confidentiels, et pour dpasser les limites du cadre contraint de la coopration, il fallait franchir un pas supplmentaire par la cra-tion dune sorte de ministre public europen.

    Trs tt, des contributions dont se sont partiellement inspirs les traits que jai cits, ont abord la ncessit de ce parquet europen et, lide de linstauration dune telle ins-titution a progress grce lapport essentiel de divers travaux mens, partir de 1997, tels ceux sur le Corpus Juris conduits par le groupe dexperts dirig par Madame le Professeur Delmas-Marty, tel, en 2001, le livre vert labor par la Commission euro-penne, tel le colloque organis ici mme en 2008 sur ce thme, telle la cration dun Rseau europen des procureurs gnraux de Cours suprmes et encore, plus rcem-ment, les rapports tablis par le Conseil dtat sur le parquet europen en 2011 et celui, en 2012, de Madame le Snateur Sophie Joissains au nom de la Commission des affaires europennes du Snat intitul : Vers un parquet europen .

    Car cest bien dsormais dune direction et non plus dune hypothse dont sagit.

    Nous le savons, une tape considrable a t franchie avec lentre en vigueur du Trait de Lisbonne le 1erdcembre 2009.

    Les dispositions de larticle 86 du Trait sur le fonctionnement de lUnion euro-penne (TFUE) prvoient en effet, je cite : Pour combattre les infractions portant atteinte aux intrts financiers de lUnion, le Conseil, statuant par voie de rglements conformment une procdure lgislative spciale, peut instituer un parquet europen partir dEurojust. Le Conseil statue lunanimit, aprs approbation du Parlement europen .

    Ce texte dispose encore qu dfaut dunanimit, neuf tats au moins, pourront dans le cadre dune coopration renforce, dcider dtablir un tel parquet lequel sera comptent pour rechercher, poursuivre et renvoyer en jugement les auteurs des infractions relevant de sa comptence, celle-ci tant limite, dans un premier temps, la violation dlictuelle des intrts financiers de lUnion et pouvant tre tendue ult-rieurement la lutte contre la criminalit organise transfrontire.

    Ces dispositions font basculer, en avons-nous pleinement conscience, notre espace judiciaire europen dun monde des relations de coopration entre autorits judiciaires, celui de la conduite dune action publique europenne par un organe unique qui devra, bien sr, sappuyer, pour relayer son action, sur chacun des ministres publics nationaux.

  • LIVRE 1 / Discours

    22

    Une remarque simpose demble, les comptences que le Trait confie au parquet europen, soit, je le rappelle, rechercher, poursuivre et dfrer au juge, sont celles dun ministre public continental plutt que celles confies traditionnellement la partie poursuivante dans le modle anglo-saxon.

    Cest donc ds la phase essentielle de la dcision initiale de procder des investi-gations et, celle, subsquente, de la direction de ces dernires, que ce parquet europen sera appel, en amont, intervenir, la franaise oserais-je dire.

    Ds lors que ces missions essentielles lui sont confies, cette structure nouvelle doit saffirmer dessence judiciaire et le statut de ses membres doit clairement faire appa-ratre une totale indpendance lgard de lexcutif europen ainsi qu lgard de celui des tats membres, aussi bien au niveau statutaire quau plan budgtaire et financier.

    Une telle exigence dindpendance, communment admise comme une vidence pour le parquet europen, ne devrait-elle pas rejaillir sur le statut des ministres publics nationaux, et par exemple sur celui du parquet franais, appels, pour certains, tre ventuellement, au niveau de chaque tat, des dlgus ou des substituts, au sens sta-tutaire de ce terme, du parquet europen ?

    Les dispositions du Trait voquent un parquet europen et non un procureur europen.

    Ce nest sans doute pas une approximation mais ce choix claire sans doute ce que seront, peut-tre, les premiers pas de ce parquet europen.

    Si, comme nous lavons dj dit, la souverainet des tats en matire rpressive cde peu peu devant les comptences nouvelles des institutions de lUnion euro-penne et les arrts fdrateurs de la Cour de justice de lUnion et de la Cour euro-penne des droits de lhomme, sans doute le choix dun parquet compos dun collge des reprsentants des tats participant la mise en uvre des dispositions de larticle 86 du Trait simposera, dans un premier temps, pour tester et organiser une institu-tion dont la cration pourrait effrayer certains.

    Mais il apparatra trs vite la ncessit davoir une incarnation de ce parquet et, quel que soit le choix du mode de dsignation de la personnalit destine remplir ce rle, au terme dun processus de nomination ou par lection au sein du collge par exemple, elle ne sera pas le prsident de ce collge mais sera identifie comme le procureur europen.

    Limage dun procureur europen semble dailleurs conforme au concept dun par-quet qui, organe dinvestigations et de poursuites, devra sorganiser autour dune hi-rarchie et dune indivisibilit.

    Il est intressant de constater que les juridictions internationales ont, de leur ct, adopt le concept de procureur plutt que celui de parquet.

    Mais, quoi quil en soit, et de manire vidente, lexistence de reprsentants du par-quet europen au sein des ministres publics nationaux, et intgrs ces derniers, devra simposer comme garant dune meilleure efficacit par la prise en compte des particu-larismes de chacun des systmes en prsence.

    Les sujets qui devront tre rgls sont nombreux : harmonisation des infractions rprimant latteinte aux intrts financiers de lUnion, socle processuel minimal sur

  • / Discours du procureur gnral

    23

    les garanties et les droits fondamentaux ainsi que sur la dlicate question de ladmis-sibilit des modes de preuves, nature des recours juridictionnels susceptibles dtre forms contre les dcisions du parquet europen, notamment en matire de dcisions de renvoi en jugement, laboration de critres objectifs de choix de la juridiction de juge-ment nationale comptente, sort des infractions connexes au socle de comptence, etc.

    Enfin, lexistence dun parquet europen, quels que soient ses liens organiques avec Eurojust, natteint en rien les missions dsormais traditionnelles de cette agence europenne dans le domaine de la coopration et de la coordination dune part avec les tats qui ne souhaiteront pas participer la cration de ce parquet et, dautre part, videmment, pour maintenir lefficacit de la lutte contre tous les phnomnes crimi-nels trangers la comptence de ce dernier.

    Nous le voyons, le monde des juges et des procureurs cerns par leurs frontires natio-nales steint et nat enfin, sous nos yeux, le monde dune justice lchelle de lEurope.

    En guise de conclusion, jaimerais, quen matire de justice, nous fassions ntre cette exhortation de Victor Hugo :

    Allez tous la dcouverte. O sont les terres promises ? La civilisation veut mar-cher ; essayons les thories, les systmes, les amliorations, les inventions, les progrs jusqu ce que chaussure ce pied soit trouve. Lessai ne cote rien ; ou cote peu Mais avant tout, et surtout, prodiguons la lumire. Tout assainissement commence par une large ouverture des fentres. Ouvrons les intelligences toutes grandes. Arons les mes. 1

    Je requiers quil plaise la Cour constater quil a t satisfait aux prescriptions du code de lorganisation judiciaire, me donner acte de ces rquisitions et dire que du tout il sera dress procs-verbal pour tre vers au rang des minutes du greffe.

    1. In William Shakespeare.

  • / Discours du Prsident de la Rpublique

    25

    DISCOURS PRONONC lors de laudience solennelle dedbutdanne judiciaire, le vendredi 18janvier 2013, par :

    Monsieur Franois Hollande, Prsident de la Rpublique

    Madame la Garde des sceaux,

    Monsieur le Premier prsident,

    Monsieur le Procureur gnral,

    Mesdames et Messieurs les Prsidents,

    Mesdames et Messieurs,

    Je vous remercie, Monsieur le Premier prsident, Monsieur le Procureur gnral, pour les paroles que vous venez de prononcer. Je suis trs sensible la confiance et lexigence quelles expriment. Je veux yrpondre.

    Dabord, en saluant les reprsentants de la Cour europenne des droits de lhomme et de la Cour de justice de lUnion, les prsidents de lAssociation des hautes juridictions de cassation et celui du Rseau des Cours suprmes africaines. Leur prsence tmoigne de la solidit des liens qui unissent ces hautes juridictions. Elle nous rappelle que la jus-tice doit se concevoir aussi au-del des frontires de chacun de nos tats.

    Dans la priode trs particulire que nous traversons, alors que nos soldats luttent, au Mali, pour la libert dun peuple ami et pour la dfense de valeurs universelles, lide mme de justice internationale prend tout son sens. Cest, dans une large mesure, une ide franaise. Notre pays, avec dautres, en a port le projet, il contribue son finance-ment et il en dfend inlassablement le principe. Je me rjouis notamment de la coop-ration exemplaire de la France avec la Cour pnale internationale. Nous continuerons la soutenir en dpit des critiques de ceux qui trouvent quelle va trop loin et de ceux qui considrent quelle ne va pas assez vite. Elle doit encore faire face de nombreux dfis, notamment pour rduire ses dlais de jugement. Mais elle est aussi larme du droit contre les dictatures.

    Je tiens aujourdhui par ma prsence exprimer la reconnaissance de la Rpublique la Cour de cassation. Depuis la Rvolution, vous tes lultime instance de la justice judiciaire, le dernier tribunal et donc le premier.

    travers vous, cest lensemble de la magistrature franaise que je madresse.

    Lefficacit de la justice est une condition du vivre ensemble, et linstitution char-ge de lincarner doit tre dfendue dans son autorit.

    Cette lgitimit est, dans notre pays, garantie par la sparation des pouvoirs : Tout serait perdu, crivait Montesquieu, si le mme homme, ou le mme corps, exerait ces trois pouvoirs : celui de faire des lois, celui dexcuter les rsolutions publiques, et celui de juger les crimes ou les diffrends des particuliers .

  • LIVRE 1 / Discours

    26

    Il ny a pas de justice sans indpendance des juges. Il ne suffit pas dtre une femme ou un homme libre pour rendre la justice. Il faut apparatre comme tel aux yeux de tous.

    Cest ma responsabilit. La Constitution men confre la charge. Jentends lassu-mer pleinement. Le Prsident de la Rpublique est le garant de lindpendance de la justice.

    Il est assist dans cette tche par le Conseil suprieur de la magistrature.

    Le Conseil suprieur de la magistrature, cette institution gardienne a dj fait lobjet de plusieurs rformes. La dernire en date visait raffermir lautorit judi-ciaire . Il est ncessaire aujourdhui daller au-del, vers plus dindpendance encore.

    Des consultations sont en cours cette fin. La Garde des sceaux a reu les membres du Conseil, les organisations syndicales de magistrats, les prsidents des assembles parlementaires. La rforme du Conseil suprieur de la magistrature figurera dans le projet de loi constitutionnelle qui sera prsent ce printemps, pour tre examin avant lt par le Parlement runi en Congrs.

    Elle permettra trois volutions majeures.

    La premire concernera la composition du Conseil suprieur de la magistrature, qui comprendra davantage de magistrats que de personnalits extrieures la magis-trature, conformment aux rgles en usage dans les autres dmocraties europennes.

    Le deuxime enjeu de la rforme portera sur le mode de nomination des membres du Conseil suprieur de la magistrature. Les personnalits extrieures seront propo-ses par un collge indpendant et non plus par le pouvoir politique. Et les commis-sions des lois de lAssemble nationale et du Snat devront approuver leur dsignation aux trois cinquimes. Cette tape permettra de lever le soupon sur lintervention du pouvoir excutif dans les nominations et le droulement des carrires des magistrats.

    Enfin, les comptences du Conseil suprieur de la magistrature seront tendues. Son avis conforme sera requis pour toutes les nominations des magistrats du Parquet. En toute transparence.

    Car lindpendance de la justice passe par la transparence. Celle des nomina-tions, celle des carrires, mais aussi celle des conditions de son exercice.

    Cette transparence, la Garde des sceaux la faite ds le mois dejuillet pour toutes les nominations aux fonctions dinspecteur gnral des services judiciaires, de magistrat du parquet gnral de la Cour de cassation, de procureur gnral prs une cour dap-pel. Les Franais peuvent ainsi avoir lassurance que les magistrats ne sont pas nomms par la faveur. La loi confirmera, dans les mois qui viennent, cette volution importante.

    Entendons-nous bien. Une justice indpendante, ce nest pas une justice sans lien avec ltat.

    La politique pnale est dfinie par le gouvernement. Elle continuera de ltre. Des instructions gnrales seront adresses aux parquets gnraux pour leur excu-tion. Lexcution de cette politique pnale par un ministre public la franaise , selon lexpression que vous avez employe, Monsieur le procureur gnral, est un gage defficacit. Cest, pour la justice, un lment dunit, une exigence de rigueur, et une garantie dimpartialit.

  • / Discours du Prsident de la Rpublique

    27

    Devant la loi, les citoyens doivent savoir quils sont gaux, et quaucune distinction, aucune hirarchie ne peut tre tablie entre eux.

    Pour que chacun en soit bien sr, ni la Garde des sceaux pas plus quaucun membre du gouvernement ne donnera dinstructions individuelles. La circulaire du 19septembre, dont jai tenu ce quelle soit communique en Conseil des ministres, a raffirm ce principe. La pratique instaure par cette circulaire sera inscrite dans la loi avant lt.

    Mais lindpendance de la justice nest pas seulement un devoir du pouvoir excutif. Elle est une obligation pour le juge. Elle est en chacun de vous. Elle repose sur une culture. Un sens lev de la fonction exerce. Certes, les magistrats doivent pouvoir disposer des liberts dont ils sont les garants, notamment celle de sexprimer et de faire connatre leurs opinions. Mais dans les limites fixes par la loi.

    Lindpendance, cest aussi une affaire de moyens.

    Le budget de la justice pour 2013 est en hausse de plus de 4 %. Dans un contexte o des efforts sont demands toutes les administrations, cest le signe le plus vident que la justice constitue une priorit.

    Ce budget rehauss est au service de trois objectifs principaux : la justice des mineurs, lexcution des peines, et enfin la justice de proximit.

    Dabord, la jeunesse. Une loi, qui sera soumise au Parlement au cours de lan-ne 2013, clarifiera et simplifiera lordonnance de 1945, autour de quelques principes.

    Le premier, cest la ncessaire spcialisation de la justice des mineurs. Le rle du juge des enfants sera consolid. Le tribunal correctionnel pour mineurs sera supprim.

    Le deuxime principe, cest la ncessaire modernisation de la procdure. Celle-ci doit permettre dune part au juge des enfants, ou au tribunal pour enfants, de se pronon-cer rapidement sur la culpabilit du mineur qui lui est prsent avec, le cas chant, un droit immdiat la rparation pour les victimes. Le cadre procdural doit permettre de statuer sur la peine la mieux adapte. Ainsi seront concilis les intrts de la socit, de la victime et du mineur.

    Car la rinsertion est un impratif pour viter la rcidive. Le nombre des centres ducatifs ferms sera doubl, mais je tiens assurer la diversit des solutions offertes aux juges des enfants : familles daccueil, foyers ducatifs, centres ducatifs renforcs tout doit tre fait pour permettre une rponse individualise et efficace chaque situation.

    Le deuxime des grands enjeux auxquels seront affects les nouveaux moyens dgags pour la justice, cest lexcution des peines.

    Certains automatismes, certaines habitudes sans doute, certaines drives peut-tre, ont conduit un phnomne dont nous sommes tous les tmoins : lengorgement des prisons. Qui sajoute souvent leur dlabrement. La situation du centre pnitenti-aire des Baumettes et de la prison de Nouma constitue une honte pour la Rpublique. Je demande que le programme de modernisation et dhumanisation des prisons engag par la Garde des sceaux soit poursuivi, et quil soit, mme, acclr. Nous devons rta-blir la dignit, la scurit, la salubrit, dans tous nos tablissements pnitentiaires.

    Ce qui suppose de remdier leur surpopulation, qui a deux principales causes.

  • LIVRE 1 / Discours

    28

    Linsuffisant recours lamnagement des peines. Une confrence de consen-sus a t runie sur ce sujet par la Garde des sceaux. Je respecterai ses conclusions mais je souhaite dores et dj que soit mise en place une peine de probation et que soit organis un vritable suivi des condamns.

    Une deuxime cause de la surpopulation carcrale, cest lautomatisme des peines. Je veux rendre aux juges leur rle vritable, celui dapprcier une situation toujours singulire. Si cet acte devenait mcanique, il cesserait dtre juste. Et votre fonction cesserait dtre ncessaire. Cest le sens de la rforme des peines planchers qui sera engage dans les prochains mois.

    Dernire priorit que je souhaitais voquer devant vous : la justice de proximit.

    La justice de tous les jours, celle qui est familire nos compatriotes, et qui est pour eux le visage mme du droit, doit voluer. Je prendrai un exemple, auquel jattache une grande importance : les juridictions sociales. Quelque 250 000 personnes font appel elles chaque anne. Cette justice de laide sociale, du handicap, des pensions, des allo-cations familiales, doit tre plus simple, plus accessible. Lensemble de ces contentieux sera regroup en une seule juridiction.

    Notre organisation judiciaire, qui aurait d tre pralable la rforme de la carte judiciaire doit elle-mme tre plus attentive aux situations de nos concitoyens qui ont besoin du juge pour rgler une difficult familiale, le paiement dun loyer ou le place-ment dun parent g sous un rgime de protection.

    Une juridiction de premire instance sera donc institue. Elle regroupera tous les contentieux du quotidien : litiges lis la consommation, au crdit, au logement, la dpendance mais aussi et surtout la famille je pense en particulier aux proc-dures de divorce ou de sparation.

    Le mode de saisine de cette juridiction sera facilit. Laccueil sera mutualis. Les procdures de conciliation et de mdiation seront encourages : je sais quun grand nombre de magistrats et davocats sont favorables ce mode de rsolution des conflits.

    Tous les Franais, o quils habitent, devront pouvoir accder quitablement la justice. Des chambres dtaches de ces tribunaux de premire instance pourront tre appeles dans des lieux o la prsence du service public de la justice doit se manifester davantage. Dautres structures devront tre renforces, notamment les maisons de la justice et du droit et les centres dpartementaux daccs au droit.

    Ce nest pas simplement une affaire de juges. Les avocats, les notaires, les huissiers sont attachs au dveloppement de la justice de proximit. Ils seront troitement asso-cis sa mise en uvre.

    Car linstitution judiciaire doit tre modernise, notamment travers deux pro-grammes prioritaires le premier pour linformatique, le second pour limmobilier.

    Je sais en particulier les difficults que le tribunal de grande instance de Paris connat en raison de ses installations devenues inadaptes. Je vous confirme que les travaux de construction du nouveau tribunal de grande instance commenceront en 2013, et que les locaux, aux Batignolles, ouvriront en 2017.

    Jentends rtablir, dans notre pays, la confiance lgard de linstitution judiciaire.

  • / Discours du Prsident de la Rpublique

    29

    Elle exige que les pouvoirs ne soient pas dresss les uns contre les autres : lexcu-tif, le lgislatif, le judiciaire.

    Je sais combien cette dfiance a t douloureusement vcue par les magistrats, qui ont ressenti comme autant de blessures laccumulation des soupons et lenchanement des mises en cause loccasion de certains faits divers dramatiques.

    L encore, je travaillerai lapaisement en me fondant sur une ide simple : le gou-vernement, le lgislateur et le juge participent, chacun la place qui est la sienne, lexpression de la volont populaire. Le juge na pas dautre devoir que dappliquer la loi vote par les reprsentants du peuple. Mais, dans toute la mesure o lexercice de ce devoir engage sa conscience et lui impose lobligation dinterprter les textes, il est un gardien de la loi.

    Mais une autre dfiance doit tre leve : je parle de celle des citoyens lgard de la justice.

    Vous nen ignorez pas lune des principales raisons : laccusation de lenteur. Nos concitoyens ont parfois le sentiment que le temps de la justice nest pas celui des hommes. Le pouvoir de juger, de dire le droit, de dcider de la libert dune personne, le plus grand de tous. Pour tre accept, il doit tre exerc avec clrit. Cest dabord, l encore, affaire deffectifs et de moyens. Je sais que la Garde des sceaux yaccorde toute lattention ncessaire.

    Lide que le magistrat se fait de lui-mme, lide que les justiciables se font de la justice, cest aussi votre responsabilit. La Cour de cassation construit lunit de lin-terprtation du droit. Elle contribue au dialogue des juges, dont la question prioritaire de constitutionnalit est venue renforcer le principe. Elle est aussi garante des liber-ts fondamentales. Elle la prouv, en 2012, plusieurs reprises, avec des arrts qui ont une porte exceptionnelle : je pense la reconnaissance du prjudice cologique dans la catastrophe de lErika.

    La cohsion de notre pays est notre bien le plus prcieux. La Justice, par son ind-pendance comme par le respect quelle inspire chez nos concitoyens, est un de ses fon-dements. Cest pourquoi jexprime linstitution judiciaire ma confiance et ma gratitude lgard des magistrats.

    Je vous remercie.

  • Livre 2

    SUGGeSTiONS DeMODiFiCATiONS LGiSLATiveS OU rGLeMeNTAireS

    Reproduction autorise avec indication de la source Utilisation commerciale interdite

  • 33

    / Propositions de rforme en matire civile

    I. PROPOSITIONS DE RFORME EN MATIRE CIVILE

    Le comit de suivi, compos des membres du bureau de la Cour de cassation ainsi que du directeur des affaires civiles et du sceau, sest runi le 28janvier 2013 afin, dune part, dexaminer les suites rserves aux propositions de rforme des dispositions de nature lgislative et rglementaire en matire civile figurant dans les prcdents Rapports annuels et, dautre part, dvoquer les propositions nouvelles de la Cour de cassation.

    A. Suivi des suggestions de rforme

    Droit des assurances

    Modification de larticle L.114-2 du code des assurances

    dix reprises depuis1990 1, les Rapports annuels ont soulev la question de la sus-pension du dlai de prescription pendant la dure des pourparlers avec lassureur. La difficult tient au fait que, ds lors que des pourparlers sengagent avec lassureur, ou quest mise en uvre une procdure de mdiation dans des conditions prvues au contrat, lassur ne peut concevoir que la prescription puisse courir pendant quils se droulent ; aussi, les assurs nutilisent pas la procdure dinterruption de la prescrip-tion par lettre recommande avec accus de rception. Cest la raison pour laquelle la Cour de cassation a suggr, ds1990, quil soit prcis par la loi que lexistence de pourparlers entre lassureur et lassur ou louverture dune proposition de mdiation suspendent la prescription aussi longtemps quils durent.

    Il tait relev dans le Rapport 2008 que larticle2238 du code civil, modifi par la loino2008-561 du 17juin 2008 portant rforme de la prescription en matire civile, navait pas envisag lhypothse o les parties, sans recourir formellement une pro-cdure de mdiation ou de conciliation, entament des pourparlers. Aussi tait-il tou-jours propos de modifier ainsi quil suit la rdaction de larticle L.114-2 du code des assurances :

    La prescription est interrompue par une des causes ordinaires dinterruption de la prescription.

    Elle lest aussi par la dsignation dun expert, linitiative de lune des parties, la suite dun sinistre, jusqu la notification lassur du rapport dexpertise, ainsi quen cas de pourparlers entre lassur et lassureur jusqu la notification de leur fin par lettre recommande avec demande davis de rception.

    1. Rapport 1990, p. 17 ; Rapport 1996, p. 21 ; Rapport 1997, p. 11 ; Rapport 2001, p. 17 ; Rapport 2002, p.14 ; Rapport 2007, p. 9 ; Rapport 2008, p. 9 ; Rapport 2009, p. 9 ; Rapport 2010, p.9, Rapport 2011, p.9.

  • LIVRE 2 / Suggestions demodifications lgislatives ou rglementaires

    34

    Elle peut ltre, en outre, par lenvoi dune lettre recommande avec accus de rception adresse par lassureur lassur en ce qui concerne laction en paiement de la prime et par lassur lassureur en ce qui concerne le rglement de lindemnit .

    Cette proposition na pas t suivie deffet.

    Procdure civile

    Proposition relative larticle600 du code de procdure civile

    Le Rapport 2011 2 a suggr la mise en place dune procdure, en matire de rvi-sion, permettant dviter que le demandeur au pourvoi obtienne la censure de la dci-sion dfre au seul motif dun dfaut de communication.

    Larticle8 du dcretno2012-1515 du 28dcembre 2012 portant diverses disposi-tions relatives la procdure civile et lorganisation judiciaire a modifi larticle600 comme suit :

    Le recours en rvision est communiqu au ministre public.

    Lorsque le recours en rvision est form par citation, cette communication est faite par le demandeur auquel il incombe, peine dirrecevabilit de son recours, de dnon-cer cette citation au ministre public .

    Modification de larticle424 du code de procdure civile

    Il a t propos, dans les Rapports 2004, 2010, 2011 3, dajouter un alina second larticle424 du code de procdure civile, destin largir en toute matire et pour tous les recours la solution pose par larticle L.661-8 du code de commerce (ancien article L.623-8 dudit code) rservant au seul ministre public le pourvoi en cassation pour dfaut de communication de certaines procdures en matire commerciale.

    Cette proposition na pas t suivie deffet.

    Droit de la construction

    Abrogation de larticle1792-4 du code civil

    La suggestion, plusieurs fois formule 4 dabroger, en raison de son imprcision et de son faible intrt, larticle1792-4 du code civil qui dfinit les lments dquipe-ment entranant la responsabilit solidaire (habituellement appels EPERS) sera vo-que loccasion de travaux lgislatifs en cours avec le ministre en charge du logement.

    2. Rapport 2011, p.28.3. Rapport 2004, p.14, Rapport 2010, p. 10, Rapport 2011, p. 10.4. Rapport 2007, p.17 ; Rapport 2008, p.12 ; Rapport 2009, p.12 ; Rapport 2010, p.11 ; Rapport 2011, p.11.

  • 35

    / Propositions de rforme en matire civile

    Fonds de garantie

    Harmonisation des textes relatifs la charge des frais et dpens affrents aux procdures judiciaires, en cas de mise en cause dun fonds de garantie

    Le Rapport 2011 5 a propos que des dispositions lgislatives ou rglementaires pr-cisent, voire harmonisent, les textes relatifs aux frais et dpens pour tous les fonds de garantie ou dindemnisation mis en place ces dernires annes.

    Cette proposition na pas t suivie deffet.

    Expropriation

    Modification de larticle R. 12-5-1 du code de lexpropriation

    Le Rapport 2011 6 a suggr, en cas dannulation dune dclaration dutilit publique et des arrts de cessibilit, de faire obligation lexpropriant de notifier cette dcision, aussitt quelle sera devenue irrvocable, tous les expropris concerns. Le dlai de forclusion de larticle R. 12-5-1 ne pourrait courir qu compter de cette notification.

    Le directeur des affaires civiles et du sceau se dclare favorable cette proposition qui pourrait tre satisfaite loccasion dune nouvelle codification du droit de lexpro-priation pour cause dutilit publique.

    Baux dhabitation

    Modification de larticle 17, c, de la loi no89-462 du 6juillet 1989 relatifla rvaluation du loyer manifestement sous valu au moment durenouvellement du bail

    Les Rapports 2009, 2010 et 2011 7 ont propos dajouter, la suite du dernier alina de larticle17c, les dispositions suivantes :

    Ces dispositions ne sont pas opposables au locataire g de plus de 70ans et dont les ressources annuelles sont infrieures une fois et demie le montant annuel du salaire minimum de croissance, sans quun logement correspondant ses besoins et ses pos-sibilits lui soit offert dans les limites gographiques prvues larticle13 bis de la loi no48-1360 du 1erseptembre 1948.

    Toutefois, les dispositions de lalina prcdent ne sont pas applicables lorsque le bailleur est lui-mme une personne physique ge de plus de 60ans ou si ses ressources annuelles sont infrieures une fois et demie le montant annuel du salaire minimum de croissance.

    5. Rapport 2011, p.29.6. Rapport 2011, p.31.7. Rapport 2007, p.17 ; Rapport 2008, p.12 ; Rapport 2009, p.12 ; Rapport 2010, p.11 ; Rapport 2011, p.11.

  • LIVRE 2 / Suggestions demodifications lgislatives ou rglementaires

    36

    Lge du locataire et celui du bailleur sont apprcis la date dchance du contrat ; le montant de leurs ressources est apprci la date de notification de la proposition du nouveau loyer.

    Cette suggestion na pas t suivie deffet.

    Coproprit

    Conditions dans lesquelles un juge peut habiliter un copropritaire leffetde convoquer une assemble gnrale

    Les Rapports 2009, 2010 et 2011 8 ont propos daligner larticle50 du dcret no67-223 du 17mars 1967 pris pour lapplication de la loi no65-557 du 10juillet 1965 fixant le statut de la coproprit des immeubles btis sur les autres textes relatifs au droit de la coproprit prvoyant une saisine du juge en la forme des rfrs. Il a ainsi t pro-pos de rdiger larticle50 comme suit : [] le prsident du tribunal de grande ins-tance, statuant comme en matire de rfr [] .

    La proposition na pas t suivie deffet.

    Actions possessoires

    Les Rapports 2009, 2010 et 2011 9 relevaient que les propositions de lAssociation Henri Capitant pour une rforme du droit des biens incluaient notamment la suppres-sion des actions possessoires et, corrlativement, du principe du non-cumul du pti-toire et du possessoire.

    Cette proposition avait fait lobjet dun amendement au projet de loi relatif la rpartition des contentieux et lallgement des procdures juridictionnelles du 3mars 2010 dpos par le gouvernement, que le Snat a repouss.

    La proposition, sur laquelle lattention de la chancellerie a t spcialement appe-le nouveau, na pas t suivie deffet.

    Contrat de travail

    Protection des conseillers prudhommes

    Il a t suggr cinq reprises 10 dans les Rapports annuels de modifier les disposi-tions de larticle L.514-2 du code du travail (dsormais L.1442-19) pour clarifier la dure de la protection du conseiller prudhommes salari et prciser les consquences dun licenciement prononc en mconnaissance de son statut.

    8. Rapport 2009, p.16 ; Rapport 2010, p.12 ; Rapport 2011, p.12.9. Rapport 2009, p.17 ; Rapport 2010, p.13 ; Rapport 2011, p.13.10. Rapport 2007, p.14 ; Rapport 2008, p.12 ; Rapport 2009, p.11 ; Rapport 2010, p.14 ; Rapport 2011, p.14.

  • 37

    / Propositions de rforme en matire civile

    Le Rapport 2011 prcisait que cette modification apparaissait dautant plus nces-saire que, par trois arrts rendus le 22septembre 2010 (Soc., 22septembre 2010, pour-voi no08-45.227, Bull. 2010, V, no190 ; pourvoi no09-40.968, Bull. 2010, V, no191 ; pourvoi no09-41.173, Bull. 2010, V, no192), la chambre sociale a jug que la protec-tion des conseillers prudhommes court compter de la proclamation des rsultats des lections le lendemain du jour du scrutin prvue larticle D.1441-162 du code du travail, indpendamment de la publication de la liste des conseillers lus au recueil des actes administratifs de la prfecture du dpartement prvue larticle D.1441-164 du code du travail.

    Faire obligation au salari lu dinformer son employeur de lexistence de son mandat au plus tard au moment de lentretien pralable semble toujours opportune pour viter ce dernier de prononcer, en toute bonne foi, un licenciement en mconnais sance du nouveau statut du salari.

    Cette proposition na toujours pas t suivie deffet.

    Retenues sur salaires des cadres au forfait en jours pour faits de grve demoins dune journe ou demi-journe

    Il a t suggr dans les Rapports 2008, 2010 et 2011 11 dintgrer dans le code du travail la solution adopte en la matire par la chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrt du 13novembre 2008 (pourvoi no06-44.608, Bull. 2008, V, no211), en ces termes :

    En labsence de disposition, sur ce point, de laccord collectif, la retenue opre rsulte de la dure de labsence et de la dtermination, partir du salaire mensuel ou annuel, dun salaire horaire tenant compte du nombre de jours travaills prvus par la convention de forfait et prenant pour base, soit la dure lgale du travail si la dure du travail applicable dans lentreprise aux cadres soumis lhoraire collectif lui est infrieure, soit la dure du travail applicable ces cadres si elle est suprieure la dure lgale.

    Il a t en outre propos, dans ces conditions, de modifier larticle L.212-15-3,III, devenu L.3121-45 du code du travail, afin de prvoir que laccord collectif instituant les conventions de forfait en jours comporte les modalits de dcompte des absences non comptabilisables en journe ou demi-journe et, qu dfaut daccord, lemployeur ait lobligation dutiliser un mode de dcompte dfini rglementairement.

    Ces suggestions nont pas t suivies deffet.

    Rupture du contrat de travail conclu avec un agent de scurit encasderetrait de son agrment par lautorit administrative

    Les Rapports 2009, 2010 et 2011 12 ont propos dajouter larticle6 de la loi no83-629 du12juillet 1983 rglementant les activits prives de scurit un alina prvoyant quen cas de recours contre la dcision administrative de retrait dagrment le contrat de travail est suspendu, et de prciser, au premier alina, que la rupture de plein droit du contrat de travail est acquise au terme du dlai de recours.

    11. Rapport 2008, p.16 ; Rapport 2010, p.14 ; Rapport 2011, p.14.12. Rapport 2009, p.17 ; Rapport 2010, p.15 ; Rapport 2011, p.15.

  • LIVRE 2 / Suggestions demodifications lgislatives ou rglementaires

    38

    Larticle6 de la loi no83-629 du 12juillet 1983a t abrog et partiellement codi-fi, par lordonnanceno2012-351 du 12mars 2012, compter du 1ermai 2012, lar-ticle L.612-20 du code de la scurit intrieure, sans intgrer la proposition soumise.

    Information des salaris quant au transfert de leur contrat de travail par application de larticle L.1224-1 du code du travail (anciennement L.122-12) en labsence de reprsentants du personnel dans lentreprise : transposition de la directive 2001/23/CE du Conseil du 12mars 2001, article7, alina6 (elle-mme ayant repris une prcdente directive 98/50/CE du Conseil du 29juin 1998)

    La directive2001/23/CE du Conseil du 12mars 2001 dispose que les tats membres prvoient que, au cas o il ny aurait pas dans une entreprise ou un tablisse-ment de reprsentants des travailleurs pour des motifs indpendants de leur volont, les travailleurs concerns doivent tre informs pralablement : de la date fixe ou propose pour le transfert ; du motif du transfert ; des consquences juridiques, conomiques et sociales du transfert pour les travailleurs .

    Cette directive europenne na pas encore t transpose en droit interne.

    Les Rapports 2009, 2010 et 2011 13 ont donc soulign la ncessit, pour le droit interne, de se conformer au droit de lUnion europenne.

    Cette proposition na pas encore t suivie deffet.

    Droit congs pays des salaris : transposition de la directive93/104/CE du 23novembre 1993, article7, remplace par la directive 2003/88/CE du Parlement europen et du Conseil du 4novembre 2003, depuisle2aot 2004

    Les Rapports 2009, 2010 et 2011 14 avaient propos de modifier larticle L.3141-3 du code du travail qui ntait plus conforme au droit de lUnion europenne.

    Larticle50 de la loino2012-387 du 22mars 2012 relative la simplification du droit et lallgement des dmarches administratives, suivant les propositions de la Cour de cassation, a modifi larticle L.3141-3 du code du travail comme suit :

    Le salari a droit un cong de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le mme employeur .

    13. Rapport 2009, p.18 ; Rapport 2010, p. 15 ; Rapport 2011, p.15.14. Rapport 2009, p.18 ; Rapport 2010, p. 16 ; Rapport 2011, p.16.

  • 39

    / Propositions de rforme en matire civile

    Modification rglementaire des articles R.2143-5, R.2314-29 etR.2324-25 du code du travail relatifs la procdure dexamen descontestations des dsignations de dlgus syndicaux et des lections professionnelles par le juge dinstance

    Lapplication des articles R.2143-5, R.2314-29 et R.2324-25 du code du travail ayant soulev des difficults, tenant la brivet du dlai davertissement des parties intresses par la contestation et la forme de cet avertissement, ralis par lettre simple, il a t propos, dans les Rapports 2008, 2009, 2010, 2011 15, de modifier ainsi quil suit le troisime alina de larticle R.2143-5 et le premier alina des deux autres articles :

    Il [Le tribunal] statue dans les vingt jours sans frais ni forme de procdure et sur avertissement donn dans les huit [quinze] jours lavance par lettre recommande avec demande davis de rception toutes les parties intresses .

    Cette proposition na pas encore t suivie deffet.

    Recours contre les dcisions rendues en matire dlections professionnelles et de dsignation des reprsentants syndicaux

    Le Rapport 2011 16 avait fait tat dun projet de dcret rformant la procdure en matire de contentieux lectoral professionnel, alors en cours dexamen, prvoyant louverture dun appel dans les diffrents contentieux lectoraux, selon une procdure spciale et rapide, ainsi que lextension de la reprsentation obligatoire pour les pour-vois forms dans cette matire, lequel rpondait aux suggestions prsentes en ce sens dans les Rapports 2008, 2009 et 2010 17.

    La direction des affaires civiles et du sceau avait toutefois indiqu que les organi-sations syndicales semblaient dsormais opposes louverture de lappel, craignant quil en rsulte un allongement des procdures.

    Cette proposition na ainsi pas encore t suivie deffet.

    Cration dun bloc de comptences en matire de droit syndical etdlections professionnelles

    Afin dunifier le contentieux en la matire, le Rapport 2011 18 avait propos que soit prvu de manire gnrale dans le code du travail que :

    Art. R.2221-1. Les contestations relatives la dsignation ou llection des reprsentants du personnel et syndicaux prvus conventionnellement, y compris ceux mis en place par les groupes spciaux de ngociation, sont formes, instruites et juges dans les conditions prvues par les articles R.2324-24 et R.2324-25 .

    Cette proposition na pas t suivie deffet.

    15. Rapport 2008, p.13 ; Rapport 2009, p.12 ; Rapport 2010, p.16 ; Rapport 2011, p.16.16. Rapport 2011, p.17.17. Rapport 2008, p.13 ; Rapport 2009, p.15 ; Rapport 2010, p.17.18. Rapport 2011, p.32.

  • LIVRE 2 / Suggestions demodifications lgislatives ou rglementaires

    40

    Dlgus syndicaux supplmentaires

    Il tait propos, dans les Rapports 2008, 2009, 2010, 2011 19, de modifier larticle L.2143-4 du code du travail en le compltant par les alinas suivants :

    Dans le cas o remplissent les conditions vises au 1er alina des syndicats ayant constitu une liste commune, le dlgu syndical supplmentaire est dsign par commun accord des syndicats ayant prsent des candidats sur la liste commune.

    Le mandat du dlgu syndical supplmentaire prend fin lexpiration du mandat des membres du comit dentreprise lus lors du scrutin ayant donn lieu sa dsignation .

    Larticle2143-4 du code du travail a t modifi par la loino2012-387 du 22mars 2012 relative la simplification du droit et lallgement des dmarches administra-tives et dispose dsormais :

    Dans les entreprises dau moins cinq cents salaris, tout syndicat reprsentatif dans lentreprise peut dsigner un dlgu syndical supplmentaire sil a obtenu un ou plu-sieurs lus dans le collge des ouvriers et employs lors de llection du comit den-treprise et sil compte au moins un lu dans lun des deux autres collges.

    Ce dlgu supplmentaire est dsign parmi les candidats aux lections profes-sionnelles qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprims au premier tour des dernires lections au comit dentreprise ou des dlgus du personnel, quel que soit le nombre de votants .

    Sort des actes conclus par des reprsentants syndicaux oudesreprsentants du personnel dont le mandat a t annul

    La loi ne prvoyant aucune disposition particulire quant la validit des actes qui ont pu tre conclus par un reprsentant dont la dsignation ou llection est ultrieu-rement annule, et lannulation rtroactive de tels actes tant susceptible de crer une situation dinscurit dangereuse pour les entreprises et les salaris, il tait propos, dans les Rapports 2008, 2009, 2010, 2011 20, dajouter, pour chacune des institutions reprsentatives du personnel, un article ainsi rdig :

    Lannulation de llection [ou de la dsignation] du reprsentant du personnel na pas deffet sur la validit des actes conclus par ce reprsentant avant la dcision dannulation .

    Cette proposition na pas t suivie deffet.

    Salaris mis disposition

    La loi no2008-789 du 20aot 2008 portant rnovation de la dmocratie sociale et rforme du temps de travail a ouvert un droit doption aux salaris mis disposition qui devront choisir dtre lecteurs soit chez leur employeur, soit dans lentreprise dac-cueil (articles L.2314-18-1 et L.2324-17-1 du code du travail). Il a t suggr, dans

    19. Rapport 2008, p.15 ; Rapport 2009, p.13 ; Rapport 2010, p.17, Rapport 2011, p.18.20. Rapport 2008, p.16 ; Rapport 2009, p.13 ; Rapport 2010, p.17, Rapport 2011, p.18.

  • 41

    / Propositions de rforme en matire civile

    les Rapports 2009, 2010, 2011 21, de complter ces dispositions pour prciser les moda-lits dexercice de ce droit, en dterminant notamment quel moment et de quelle faon il devait tre mis en uvre.

    Cette suggestion na pas encore t suivie deffet.

    Dlai de dpt du mmoire en demande en matire dlections professionnelles

    Les Rapports 2009, 2010, 2011 22 ont propos une harmonisation des rgles en la matire.

    Cette suggestion na pas encore t suivie deffet.

    Possibilit pour le juge de dcider dune prorogation du mandat desreprsentants du personnel dans lentreprise

    Les Rapports 2010 et 2011 23 ont suggr dintroduire une disposition lgale auto-risant le juge dinstance, si les circonstances lexigent, proroger les mandats en cours pour une dure prcise en fonction de la date fixe pour le renouvellement des insti-tutions reprsentatives.

    Cette proposition na pas t suivie deffet.

    Fixation dun dlai pour les recours contre les dcisions du mdecin dutravail en matire dinaptitude

    Le Rapport 2011 24 a suggr de prvoir un dlai pour encadrer le recours dirig contre la dcision du mdecin du travail prvu larticle L.4624-1 du code du travail.

    Cette proposition na pas t encore suivie deffet.

    Actes ltranger

    Rtablissement dans la loi de lexigence de lgalisation des actes deltatciviltranger

    Les Rapports 2009, 2010 et 2011 25 ont propos daffirmer, en droit positif, le prin-cipe dobligation de lgalisation des actes de ltat civil trangers, qui relevait, depuis labrogation de lordonnance royale daot1681 par une ordonnanceno2006-460 du 21avril 2006 ratifie par la loino2009-526 du 12mai 2009 de simplification et de clarification du droit, de la coutume internationale. Lobjectif tait, ainsi, dassurer la

    21. Rapport 2009, p.19 ; Rapport 2010, p.18, Rapport 2011, p.18.22. Rapport 2009, p.19 ; Rapport 2010, p.18, Rapport 2011, p.18.23. Rapport 2010, p.26, Rapport 2011, p.19.24. Rapport 2011, p.32.25. Rapport 2009, p.20 ; Rapport 2010, p.18, Rapport 2011, p.20.

  • LIVRE 2 / Suggestions demodifications lgislatives ou rglementaires

    42

    stabilit et la scurit juridique que requiert un principe comme la lgalisation des actes de ltat civil tranger.

    Le directeur des affaires civiles et du sceau nentend pas, faute de support, remettre en cause la lgislation et dit se satisfaire, en ltat, de la jurisprudence de la Cour de cassation.

    Scurit sociale

    Contentieux de lincapacit

    Les Rapports 2010 et 2011 26 ont propos de supprimer la distinction entre le conten-tieux gnral et le contentieux technique de la scurit sociale, source de complexit. Ainsi, a t propose labrogation des articles L.143-1 et suivants, R.143-1 et suivants du code de la scurit sociale qui instituent les tribunaux du contentieux de lincapacit et la Cour nationale de lincapacit et de la tarification de lassurance des accidents du travail. Cependant, lexistence de cette dernire pourrait tre maintenue pour le seul contentieux trs particulier de tarification vis larticle L.143-1 du code de la scu-rit sociale pour lequel elle statue en premier et dernier ressort.

    Cette proposition na pas t reprise par la loino2011-901 du 28juillet 2011 ten-dant amliorer le fonctionnement des maisons dpartementales des personnes han-dicapes et portant diverses dispositions relatives la politique du handicap.

    Selon le directeur des affaires civiles et du sceau, une rflexion sur les juridictions sociales est en cours la Chancellerie.

    Rparation des consquences de la faute inexcusable

    Il a t propos, dans les Rapports 2010 et 2011 27, de modifier ainsi les dispositions de larticle L.452-3 du code de la scurit sociale :

    Article unique

    I Les dispositions du premier alina de larticle L.452-3 du code de la scurit sociale sont abroges et remplaces par les dispositions suivantes :

    Indpendamment de la majoration de rente quelle reoit en vertu de larticle pr-cdent, la victime a le droit de demander lemployeur devant la juridiction de scu-rit sociale la rparation de lensemble des prjudices qui ne sont pas couverts par les prestations, majorations et indemnits prvues par le prsent livre.

    II La branche accidents du travail du rgime gnral et celle du rgime des sala-ris agricoles supportent dfinitivement, chacune en ce qui la concerne, la charge impu-table la modification de ltendue de la rparation, rsultant du I du prsent article, des accidents du travail survenus et des maladies professionnelles constates antrieu-rement au 19juin 2010.

    26. Rapport 2010, p.19, Rapport 2011, p.20.27. Rapport 2010, p.19, Rapport 2011, p.21.

  • 43

    / Propositions de rforme en matire civile

    Le directeur des affaires civiles et du sceau a fait part des rserves de la direction de la scurit sociale lies notamment des considrations financires.

    Contentieux de la dsignation des membres des unions rgionales desprofessionnels de sant

    Les Rapports 2010 et 2011 28 ont suggr de modifier les dispositions de larticle R.4031-31 du code de la sant publique de manire laisser au juge du fond le pou-voir dapprcier, in concreto, le respect du dlai imparti aux candidats pour contester le refus denregistrement de leur candidature, en remplaant les dispositions de la deu-xime phrase du quatrime alina par les dispositions suivantes :

    En cas de refus denregistrement, tout candidat de la liste intresse peut dans les trois jours saisir le tribunal dinstance dans le ressort duquel se trouve le sige de la commission dorganisation lectorale .

    Cette proposition na pas t suivie deffet.

    Recouvrement des indus par les organismes de scurit sociale etdemutualit sociale agricole

    Les Rapports 2010 et 2011 29 ont suggr de clarifier les dispositions rgissant le recouvrement de lindu en matire de scurit sociale. Une telle clarification devrait sinscrire autour de deux principes directeurs. Le premier tendrait la dtermination du champ dapplication respectif de chacune des procdures de recouvrement. Le second viserait larticulation des procdures de contrle et des procdures de recou-vrement de lindu, sagissant, en particulier, des rgles qui garantissent linformation et le respect du contradictoire et des droits de la dfense au bnfice des usagers du ser-vice public. Des dispositions propres aux procdures complexes (tel le recouvrement par les organismes dassurance maladie des indus auprs des professionnels et tablis-sements de sant la suite des contrles oprs par les agences rgionales de sant) devraient permettre lappel en la cause, lors du contentieux de lindu, de lorganisme qui a procd au contrle.

    Larticle94 de la loino2011-1978 du 28dcembre 2011 de finances rectificative pour2011a modifi les rgles de recouvrement des prestations indment versesselon ce qui suit :

    I.- Le titreV de la loino2000-321 du 12avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations est complt par un article37-1 ainsi rdig :

    Art.37-1.-Les crances rsultant de paiements indus effectus par les personnes publiques en matire de rmunration de leurs agents peuvent tre rptes dans un dlai de deux annes compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erron, y compris lorsque ces crances ont pour ori-gine une dcision cratrice de droits irrgulire devenue dfinitive.

    28. Rapport 2010, p.22, Rapport 2011, p.23.29. Rapport 2010, p.23, Rapport 2011, p.25.

  • LIVRE 2 / Suggestions demodifications lgislatives ou rglementaires

    44

    Toutefois, la rptition des sommes verses nest pas soumise ce dlai dans le cas de paiements indus rsultant soit de labsence dinformation de ladministration par un agent de modifications de sa situation personnelle ou familiale susceptibles davoir une incidence sur le montant de sa rmunration, soit de la transmission par un agent dinformations inexactes sur sa situation personnelle ou familiale.

    Les deux premiers alinas ne sappliquent pas aux paiements ayant pour fondement une dcision cratrice de droits prise en application dune disposition rglementaire ayant fait lobjet dune annulation contentieuse ou une dcision cratrice de droits irr-gulire relative une nomination dans un grade lorsque ces paiements font pour cette raison lobjet dune procdure de recouvrement.

    II. Le I ne sapplique pas aux paiements faisant lobjet dinstances contentieuses en cours la date de publication de la prsente loi.

    Communication du dossier mdical pour les besoins dune expertise judiciaire ordonne dans un litige opposant un employeur un organisme social sur le caractre professionnel dune affection

    Les Rapports 2010 et 2011 30 ont propos dinsrer dans le code de la scurit sociale, la suite des articles L.141-1 et suivants relatifs lexpertise mdicale tech-nique, ou bien la suite des articles L.142-1 et suivants relatifs au contentieux gn-ral, un article ainsi rdig :

    Lorsquune mesure dexpertise judiciaire est organise loccasion dune contes-tation opposant un employeur un organisme social sur le caractre professionnel dune affection ou dune rechute, le praticien-conseil du contrle mdical du rgime de scurit sociale transmet, sans que puissent lui tre opposes les dispositions de lar-ticle226-13 du code pnal, lattention du mdecin expert dsign par la juridiction comptente, lentier dossier mdical constitu par ses soins, et ayant contribu la dcision de prise en charge [layant amen mettre un avis favorable la dcision de prise en charge]. la demande de lemployeur, ce dossier est communiqu au mde-cin quil mandate cet effet.

    La victime de laccident du travail ou de la maladie professionnelle est informe de cette communication.

    Un dcret en Conseil dtat dtermine les conditions dapplication du prsent article.

    Cette proposition na pas t suivie deffet.

    30. Rapport 2010, p.24, Rapport 2011, p.26.

  • 45

    / Propositions de rforme en matire civile

    B. Suggestions nouvelles

    Procdure civile

    Modification de larticle526 du code de procdure civile

    Larticle526 du code de procdure civile a t modifi par l