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Rapport remis à Joëlle Milquet, Vice-Première Ministre, Ministre de l’Emploi et de l’Égalité des Chances, en charge de la Politique de migration et d’asile, lors de la cérémonie de clôture des Assises de l’Interculturalité, le 8 novembre 2010 à Bruxelles.

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Rapport remis à Joëlle Milquet, Vice-Première Ministre, Ministre de l’Emploi et de l’Égalité des Chances,

en charge de la Politique de migration et d’asile, lors de la cérémonie de clôture des Assises de l’Interculturalité, le 8 novembre 2010 à Bruxelles.

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Table des matières

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Introduction1. Les Assises de l’interculturalité : quatre objectifs2. Le déroulement concret des travaux3. Un travail collectif, à la recherche de solutions viables4. Les positions de départ : cinq clarifications préalables

Chapitre I : EnseignementIntroduction1. L’enseignant2. L’élève3. Le programme scolaire4. La culture de l’école 4.1. L’enseignement dans un contexte multilingue 4.2. Les convictions religieuses et philosophiques à l’école 4.3. Relations avec le milieu extrascolaire : parents, associations,

relais locaux, quartier

Chapitre II : EmploiIntroduction1. Lutter contre les discriminations 1.1. Un monitoring socio-économique 1.2. L’établissement de quotas 1.3. Affiner les conventions collectives du travail 1.4. Le curriculum vitae anonyme 1.5. Centraliser les plaintes2. Les aménagements raisonnables3. L’adaptation du calendrier des jours fériés légaux4. Encourager l’esprit d’entreprise5. Reconnaître les compétences6. Soutien à des groupes spécifiques 6.1. Les jeunes peu qualifiés 6.2. Les femmes

Chapitre III : GouvernanceIntroduction1. La cohérence de la politique vis-à-vis des minorités ethniques, culturelles et religieuses2. Le pacte culturel3. Les signes convictionnels dans les services publics4. Les abattages rituels5. L’exigence de mémoire 5.1. Mémoire et négationnisme 5.2. Mémoire et colonialisme6. L’action de la police et de la justice dans leur fonction de service

au public7. Quelques recommandations générales pour la lutte contre le

racisme et la discrimination

Chapitre IV : Biens et services : logement et santéIntroduction1. Logement 1.1. Le marché du logement privé 1.2. Le marché du logement social 1.3. Les Gens du voyage

2. Santé 2.1.Mesurer et prévenir les obstacles à une bonne santé a.Lemonitoring b.Laprévention 2.2. L’interculturalisation des soins

Chapitre V : Vie associative, culture et médiasIntroduction1. Vie associative2. Culture3. Médias

ConclusionComposition du Comité de pilotageAnnexes Note minoritaire d’Edouard Delruelle Note minoritaire de Naima Charkaoui

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islamique,mais il est clair que laquestionagit commecatalyseur -font comprendre que les mécanismes de protection de la diversitéactuellement en place n’offrent pas nécessairement l’encadrementjuridiquerequisquipermettraitd’éviterl’escaladeetlaradicalisationdanslespositionnements,auxquellesnousassistonsactuellement.

Denombreuxtravauxontétéproduitsetsontaujourd’huidisponiblessurlamanièred’aborderlaquestiondeladiversitédansuncontextedesociétédémocratiquecontemporaine.Ilfauts’eninspirer.Enrèglegénérale, il est permis de dire que dans leur grande majorité cestravaux s’appuient sur les acquis de trois grandsprincipes: l’égalitéentrecitoyens,laluttecontreleracismeetlaxénophobie,etl’égalitéde l’hommeetde la femme.Enréalité toutefois, leschosesnesontpas si simples.Ces principesne sont effectivement pas absolus, ilscoexistentavecd’autresprincipes,cequiparfoisentraînelanécessitéd’unemiseenbalance.Certainesformesouactionsdedifférenciationrestent justifiables, et n’enfreignent donc pas le principe de non-discrimination, dans la mesure où elles permettent d’assurer unemeilleureharmonisationdes intérêtsenprésence.Toutestquestiondeproportionnalité.

Les Assises de l’Interculturalité venaient en quelque sorte à pointnommé.Non pas pour offrir des réponses toutes faites,mais parcequ’ellespermettentunemiseàjourdutableaudesquestionsconcrètesquesoulèvelaréalitédu«vivreensemble»auseindelasociétébelge:où se situent les points épineux, les noeuds durs, quelles réalitésmériteraient d’être davantage étudiées, quel est le rôle réservé -sciemment ou inconsciemment - aux opinions préconçues et quiempêchentundébat réellementouvert, lesprincipauxprotagonistess’écoutent-ilseffectivement?

Introduction

Lorsdelaconclusiondel’accorddegouvernementfédéraldu18mars2008, il a étéprévude lancerdes«Assisesde l’Interculturalité», àl’initiative de la Vice-PremièreMinistre, JoëlleMILQUET,Ministre del’Emploietdel’EgalitédesChances,chargéedelaPolitiquedemigrationetd’asile.

Cen’estbienévidemmentpasunhasardquelethèmedeladiversitéculturellesoitvenus’ajouterauxgrandsthèmesquioccupentlasociété.Il reflèteeffectivementune réalité qui, depar sonomniprésence, savisibilité surtout et son caractère désormais irréversible, nécessitequesoientmisesenplacedespolitiquesadéquates.Al’instard’autresthématiques,quiconcernentégalementlaquestiondelaparticipationàlavieensociété-onpensenotammentaucombatdesfemmes,àlasensibilitéaccrueenmatièredesdroitsdel’enfant,auxdroitsaussidesminoritésditeshistoriques-l’interculturalitéentenduecommeprojetde société impose que soient revues, renouvelées, et si nécessaireabrogéeslesapprochesexistantesenmatièrededroitsdelapersonneet de leur protection. En quelques décennies, les mentalités ontprofondémentchangésurlaquestiondelapositiondelafemmedanslasociétéet,plusrécemmentaussi,surlaconceptiondelapersonnedel’enfant,cequiapermislamiseenplace,graduellement,depolitiquesdeprotectionplusefficaces.Ilresteducheminàfaire,biensûr,maisleconstatestindéniable:onaréussiun‘forcing’.

Aujourd’hui, faceàladiversité,c’estàunnouveau‘forcing’quenousdevons nous préparer. Les sociétés européennes se transformentrapidement, la multiplication des besoins identitaires est laconséquence logique de ces transformations. La virulence aveclaquelle, de part et d’autre, il est actuellement débattu à propos decertainesrevendications-onnesefixerapassurlaquestiondufoulard

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CeComitédepilotageaétéchargéderédigerunrapportfinaldesAssises de l’Interculturalité et de formuler des recommandationsconcrètes au gouvernement fédéral, aux différentes autoritéspubliques,ainsiqu’auxacteursdeterrain.

Plusieurs partenaires institutionnels, comme le Centre pourl’Egalitédeschancesetlaluttecontreleracisme(CECLR),l’Institutpour l’Egalité des Femmes et des Hommes, l’ASBL « Promotionde la diversité ethnique et culturelle sur lemarché de l’emploi »,leSPFEmploi,TravailetConcertationsocialeetplusdecinquanteassociationsdelasociétécivileontétéassociésparlaVice-PremièreMinistreauprojet.

En outre, un Comité de parrainage, constitué de personnalitésreprésentativesdupaysetdel’interculturalitéaétéconstituéenvued’êtredes«porte-paroledel’interculturalitéetdeladiversité».Ilsetellesontétéinvitésàtémoignerdeleursconvictionsetexpériencesen matière d’interculturalité, entre autres lors de la journée delancementdesAssisesdel’Interculturalitéle21septembre2009,enprésencedeSonAltesseRoyalelePrincePHILIPPEetduPremierMinistredel’époque,HermanVANROMPUY.

2.Organiser dans l’ensemble du pays et de ses villes de nombreuxespacesdudialogueetderencontrescitoyennes.

Concrètement,surbasede troisappelsàprojetsen2009et2010,pasmoinsde302 projets locauxontétésoutenuspourorganiserdiverses activités (journées d’études, séminaires, manifestationsculturellesetc.)dansl’ensembledupays.

Achacundesorganisateursdecesprojetslocaux,ilétaitdemandédeproposerdesrecommandationsàl’issuedeleuractivitéquiseraientprisesencomptedansl’élaborationdurapportfinaldesAssisesdel’Interculturalité.

3.Développerunepolitiquedecommunicationdansl’ensembledupayspermettantdepromouvoirlarichessedescultures,laréussitedes

L’accord de gouvernement du 18 mars 2008 précise que « dansle cadre du développement d’une société ouverte et tolérante, leGouvernement favorisera le respect de nos valeurs démocratiquescommunesetorganiserades“Assisesdel’interculturalité”composéesde l’ensembledesreprésentantsconcernésetchargéesde formulerdes recommandations au Gouvernement en vue de renforcer laréussited’unesociétébaséesurladiversité,lerespectdesspécificitésculturelles,lanon-discrimination,l’insertionetlepartagedesvaleurscommunes».

Legouvernementapréféré,danscetaccord,parlerd’interculturalitéplutôtquedemulticulturalité.Cederniertermeévoquegénéralementlacoexistencededifférentesculturesauseind’unmêmeensemble,alorsquel’interculturalitéévoquelesliensinterpersonnels,ledialogue,lesinteractionsparfoisconflictuelles,danslecadred’unprojetcommunquiallieunitéetdiversité,respectdesidentitésetprojetcollectif.

Danscecadre,laVice-PremièreMinistreasouhaitéquelesAssisesdel’Interculturalitépoursuiventlesquatreobjectifssuivants:

1.Permettre, après un large débat d’une année avec l’ensembledes acteurs et personnes concernées, d’aboutir à de nouvellesrecommandations relatives à différentes thématiques liées àl’Interculturalité.

LesAssisesdel’Interculturalités’inscriventainsiexplicitementdansleprolongementdutravaildelaCommissiondudialogueinterculturel(CDI)quiavaitétéinstituéeensontempsàl’initiativedelaMinistreMarieARENA-dontlescompétencesontétéensuitereprisesparleMinistreChristianDUPONT-etquiapubliésonrapporten2005.

Pourréalisercepremierobjectif,unComitédepilotage,composéinitialement de vingt-neuf personnes - pourmoitié de néerlando-phoneset pourmoitiéde francophoneset d’unegermanophone -issuesdelasociétécivileetcomprenantdesexpertsdésignésparlesentitésfédérées,aétémisenplace.

Les Assises de l’interculturalité : quatre objectifs

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Le déroulement concret des travaux

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insertions,dumétissagedelasociété,lavalorisationdestalents,ettenterdebriserlesstéréotypesetcaricatures.

4.Permettre aux acteurs de terrain, associatifs ou publics, et auxautorités publiques des différents niveaux de pouvoirs d’échanger« les bonnes pratiques » développées au niveau local ou pluslargement.

LeComitédepilotageaconcrètemententamésestravauxenseptembre2009.Touteuneannéedurant,deseptembre2009àseptembre2010,vingt-deuxexperts-leursnomsfigurentàlafinduRapportfinal-sesontréunisàintervallesréguliersafindedresserunétatdeslieuxdelamanière dont notre pays gère aujourd’hui la diversité, de voir oùdes problèmes se posent encore et de suggérer des pistes pour lesrésoudre.

Afind’organiseraumieuxleurstravauxenvuedelarédactionduRapportfinal,leComitédepilotage,àquiilavaitétélaissétoutelibertéquantauxmodalitésdeparveniràcetobjectif,adésigné,ensonsein,deuxco-présidentes(néerlandophoneetfrancophone)etdeuxrapporteurs(néerlandophoneetfrancophone).

Au vu des objectifs annoncés et de leur grande ambition, le Comitéde pilotage a dû convenir d’unemodalité de travail qui soit à la foisrigoureuseetrespectueusedesexpertisesprésentesensonsein.

IlaétédécidédetravaillerenCommissions(àpariténéerlandophone/francophone) autour de cinq thématiques où l’interculturalité estprincipalement (mais pas exclusivement) en acte et en question :l’Enseignement,l’Emploi, laGouvernance,lesBiensetservices,etlaVieassociative,CultureetMédias.

ChaqueCommissionaétéprésidéepardeuxco-présidents(francophone/néerlandophone)chargésd’organiseraumieuxlestravauxdecelle-ci.

Pour donner une orientation commune aux travaux des cinqCommissions, il a été décidé, en Comité de pilotage, d’organiser laréflexionautourdespointssuivants:

•Une évaluation du suivi des recommandations du rapport de laCommissionduDialogueInterculturelde2005.•Unétatdeslieuxdesacquisetquestionscentralesquiseposentdansledomainetraitédepuis2005.•Desrecommandations,nouvelles,actualiséesoureprisesdurapportdelaCommissiondudialogueinterculturel.

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defonctionnementpourarriveraumieuxàleurfin.C’estainsiqu’outrelerecoursauxrecherchesprécitéesetàl’expertisedeleursmembres,ellesontentendudenombreuxtémoignagesd’acteursdeterrainetontparfois participé aux journées d’études et aux séminaires organisésdanslecadreduprocessusdesAssises.

Dès ses débuts, le Comité de pilotage s’est donné des règles dedéontologiestrictespourpouvoirmenerentouteconfiancesesdébats,même les plus controversés, en dehors de tout champ politique etmédiatique.

Programméespourêtremenéesendehorsdetoutcontexteélectoral,les Assises de l’interculturalité (initialement prévues de septembre2008àjuin2009maisqui,commenousl’avonspréciséplushaut,ontfinalement été mises sur le rail en septembre 2009) ont dû sauterl’obstacled’unimprévu:desélectionsfédéralesanticipéesenjuin2010etungouvernementfédéralenaffairescourantesdepuislors.

Néanmoins, legouvernementdémissionnaireadécidédepoursuivreleprocessusdesAssisespourlemeneràsontermevul’importanceetlesenjeuxdel’Interculturalité,quellequesoitlaconfigurationfuturedenotreEtat.Maiscetteconjoncturepolitiquen’aheureusementpasaffecté les travaux du Comité de pilotage. Aussi nous remercionsvivementtouslesmembresquiontacceptédecontinueràfairepartieduprocessusdesAssises.

Débutjuillet2010,TomNaegels,écrivainetjournalisteauStandaardquis’intéressedepuisplusieursannéesauxquestions liéesdirectementouindirectementauxchampsd’investigationdesAssises,acceptaitderéaliserunetoutepremièresynthèsedestravauxdesCommissions.Son travail,àunstadedéterminantde l’ensembleduprocessusdesAssises,futhautementappréciédetous.

Ensuite, le Comité de pilotage s’est organisé de sorte à pouvoirdébattre de cette synthèse et de trancher la question du choix desrecommandations qui seraient finalement avancées, et de leurformulation.UneretraiteàSpaserévélauneremarquableexpérience

Danslesoucidenepaslaissernontraitéescertainesproblématiquesparticulières, au motif que celles-ci ne sont pas directement liéesaux thématiques sur lesquelles se sont penchées les Commissionsprécitées,ilfutdécidé,enmai2010decréerunesixièmeCommission.Celle-cis’estatteléeàlatâchedifficile,maisimportante,d’avancerdespropositionsausujetdequestionsdiverses,tellesque,entreautres,lelogement,l’exigencedemémoireetl’actiondelapolice.

Afindesoutenir laréflexiondesCommissions, leComitédepilotagea confié à des équipes interuniversitaires et associatives et à desinstitutions la mission de faire un état des lieux des politiquespubliquesetdesrecherchesmenéesdepuis2005,danslesdomainescouvertsparlesCommissions.Enrelevant,lecaséchéant,lesbonnespratiquesetlesrecommandationsformuléesparleschercheurs.CesrecherchesontétémenéesparlaFondationRoiBaudouinetparuneéquipemixteduCentreBruxelloisd’Actioninterculturelle(CBAI)etdelaVUB-InstituteforEuropeanStudies,MigrationandDiversity.

Trois autres recherches ont été commanditées.Une première étudefut un sondage sur la perception desminorités culturelles sur leurparticipationdanslasociétébelge(Centrepourl’Egalitédeschancesetlaluttecontreleracisme,sous-traitéeàl’AgenceIBS).Unedeuxièmeétudeportesurlespratiquesd’harmonisationculturelledansl’emploi(Centrepourl’Egalitédeschancesetlaluttecontreleracisme,sous-traitéeà l’ULB-GERME-VUB).Enfin,une troisièmeétudeapprofonditlaquestiondelaneutralitédel’Etatetenparticulierleportdessignesconvictionnelsparlesfonctionnaires(VUB).

Des réunions régulières en Comité de pilotage ou rassemblant lesco-président(e)s des Commissions ont permis de suivre l’avancéedestravauxetd’identifierlescontroversesquiapparaissaientcheminfaisantdanslesdébats.

Danscecadre,chaqueCommissionaétéchargéederéaliserunrapportdontlescontenusontconstituélabasedecerapportfinal.

LesCommissionsétaientlibresdedéterminerleursmodalitéspratiques

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Un travail collectif, à la recherche de solutions viables

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Le Rapport final des Assises de l’Interculturalité est le résultatde ce long processus, mené par des femmes et des hommes qui,malgrétouslesécueilsetlesdifférencesdepointsdevue,croientauprojetde l’interculturalité. Ilsaspirentàunesociétéplus juste,plussolidaireetrespectueusedesespluralismes,lesquelsfontlesréellesdémocraties.

Faireoeuvredetravailcollectifn’estjamaischoseaisée.Enl’occurrence,leconstatestd’autantplusvraiquelethèmedeladiversitéet,àplusforte raison, de l’interculturalité et son agencement dans le cadred’un«vivreensemble»leplusréussipossible,nelaissentpersonneindifférent:ilyvadel’avenirdenotresociétépluspluriellequejamaisdanssacompositiondémographique.

Ledéfidetravailler,engroupe,surcesquestionsn’estpasseulementintellectuel,ilsesitueaussisurleplanpersonnel,celuidesémotionsetdel’engagementprofond.Aussi,s’agit-ildetrouverlejusteéquilibreentre,d’unepart,cequechacunetchacuneressentcommeunecausequi le/la concerne personnellement et, d’autre part, la nécessitédeposerdesbalises - lesplusobjectivespossibleset par lamêmeoccasion justifiables - qui permettent d’éviter que les désaccordsnesemultiplient: faut-ilet,sioui,dansquellemesuredavantagesemontrerconfiant,ouvertsurtout,faceàladiversificationdesbesoinsidentitaires?Pourlesuns,nossociétésdémocratiquesontfaitlechoixd’undroitséculariséquis’inscritdansunelogiquequidésormaisrefuselamontéeenpuissancedesparticularismesreligieux,philosophiqueset/ouculturels.Cetteréaliténesauraitêtreignorée,voirerelativisée.Pour les autres, cette option ne fait nullement obstacle à ce quesoientrevus,aubesoinenprofondeur,certainschoixhistoriquessurla question des pluralismes culturels et religieux et sur la façondelesagencer.Ilyvad’unequestiondejusticeàrendre,enparticulieràl’égarddesnouvellescommunautésparminous.

Ungouffreséparecesdeuxpositionnements.Enfait,ilapparaîtcommedifficilementsurmontabletellementsontdivergenteslesopinionsquinourrissent ledébatdesociétésur laquestion.LesAssisesnesontenquelquesortequel’émanationdecesdivergences.Adessein,nous

d’ouverture aux positions des uns et des autres et de laborieusesrecherches de terrain d’entente entre les différents points de vueautourdelatable.Nousyrevenonsci-dessous.

Lamodération des débats fut confiée àNadia Fadil, chercheur à laFaculté des Sciences Sociales de la Katholieke Universiteit Leuven,et Henri Goldman, journaliste indépendant. Ils se sont acquittés defaçon remarquable de leur tâche : ils ont géré les débats avec unegrandecompétenceetungrandengagement.Qu’ilsensoientvivementremerciés.

Par ailleurs, lesmembres du Comité de pilotage ont dûmettre lesbouchéesdoubles,sollicitéscommeilsl’ontétédurantplusieursmoisàsacrifiertantôtdesweek-ends,tantôtlapériodedeleursvacancesd’été, pour permettre que les Assises aboutissent. Sans eux, lesAssisesauraientétéunvainexercice.Puisselesuiviquisera,commenousl’espérons,donnéàcerapport,êtrepoureuxlarécompensedeleurseffortsetdeleurimpressionnantedisponibilité.

Nous tenons par la même occasion à remercier chaleureusementl’équipedesoutienquiaassistéleComitédepilotagetoutaulongduprocessusdesAssisesdel’Interculturalité,etenparticulierMesdamesVéroniqueLefrancq,CathyVanRemoortereetAminaNadipour leuraccompagnementprécieux.

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constatequecesavancéess’accompagnent,sansexception,defortesprotestationsdelapartdeceuxquivoient,enarrière-fonds,sejouerle risque d’une « culturalisation » à l’extrême et, avec elle, d’unfractionnement difficilementmaniable, du tissu social.Qu’il s’agissedes ‘aménagements raisonnables’, des discriminations (ou actions)positives,deladéfenseculturelleendroitpénal,del’incorporationdeprincipesdedroitreligieuxendroitcivil,ouencore,duperfectionnementde techniques d’enregistrement de données sur la personne (ledit‘monitoring’)etdesquotas,etc.Toutcelaestvuaveclaplusgranderéticence.Qu’onleveuilleounon,enBelgique,onneferapasl’économiedudébat,aussidifficilesoit-il,surcetype(pluscatégorique)demesures.Cesmesuresdérangent,nonseulementcheznous,maispartoutoùledébatestlancé,parcequ’ellesabordentlaquestiondel’agencementdeladiversitédemanièrerésolumentprotectricedesminoritésetpeuventdece faitêtreperçuescommeattentatoiresàune forme libéralede«vivreensemble».Ellestraduisentunevolontépolitiquequiposeladiversitécommefondementdel’avenirdenossociétésdémocratiques,etvalorisecelle-ciparrapportauxprincipesdel’égalitéetdel’égalitédeschances,etnoninversement.C’estuneoptiquequimetmalàl’aisecarellerappellequel’acquisc’estlaliberté,cequiremetsurlatablecertainséquilibresquel’oncroyaitdéfinitivementacquis:l’apparencedeneutralitédanslechefdesservicespublics,leretraitdureligieuxenmatièresciviles,l’utilisationducritèredereprésentativitépourlescultes reconnus, l’effacement juridique de critères d’appartenanceethnique,etc

Dans ce document de synthèse, on trouvera divers types dessuggestions, lesunesne fontensommequerappelerdesprincipesde base déjà connus; d’autres, par contre, plaident en faveur d’unrenouvellementplusoumoinsradical,voired’unepolitiquelégislativeplus cohérente et qui ne laisse pas le derniermot à la casuistiquecommecelaestnotammentlecasenmatièredecongésscolairespourmotifsreligieuxetsurlaquestionduportdesignesconvictionnels.Lepositionnementest,enfonctiondesthématiques,tantôtuniversaliste,tantôtparticulariste.Cettediversitédanslespositionnementsapartieliéeaveclaméthodedetravailutilisée,qui,commenousleprécisionsci-dessus,consistaitàdonnerlaparoleàungrandnombredepersonnes,

n’avonsvouluexclureaucunpositionnementparticulier.LesAssisesontétéavanttoutunexerciced’écoute.LeComitédepilotages’estdonnépourmandatd’êtreenpremier lieuungroupederésonance,qui faitéchoaux(dés)espoirs,aux(dés)illusions,auxattentesaussi,queviventlesnombreusespersonnesqu’ilnousaétédonnéderencontrerdanslecadredenotretravail.Cetteattituded’écouteexcluait,dèsledépart,quenousprenionspartipourl’uneoul’autreopinionparticulière.

Pour le surplus, les rédacteurs de ce document qui, ensemble,formentleComitédepilotage,neprétendentpasêtredequelconquefaçon représentatifs de l’ensemble des opinions qui, dans notrepays,aujourd’huis’exprimentsur laquestiondu«vivreensemble».L’intérêtdutravailfourniestailleurs.Leséchangesdevuesauxquelsont donné lieu les Assises et qui sont rassemblés ici sous formeramassée,mettentenlumièredifférentesmanièresde(conce)voir le« vivreensemble»et lanécessité, plusoumoinsurgenteselon lessujetsabordés,d’accompagnercelles-cidemesuresconcrètes.A ladifférence d’autres travaux et documents qui expriment une opiniontranchée émanant d’organisations et/ou groupes philosophiquementsitués,leRapportdesAssisesestlefruitd’undébatpluralistequisedonnepourambitiond’avancerdessolutionsdecompromis,enlaissantquelquefoisdesinterrogationsquiinvitentàlaréflexion.

Decefait,ilesttrèsprévisible,pournepasdirecertain,queleRapportneferapasl’unanimité.Pourd’aucuns,lasélectiondepropositionsiciavancéesrestefrileuseetn’estpassuffisammentinnovatrice.Ellenefaitensorteque(re)conforterl’opinionmajoritairesurlaquestiondeladiversité,notammentenposantsespropresconditions.Pourd’autres,aucontraire,nousavonsététroploinenavançantcertainessuggestionsqui manquent de prudence parce qu’elles se méprennent sur lesrisquesdedérivequ’entraîneuneplusgrandeouvertureàladiversité.Lerisquesesituant,dupointdevuedecesderniers,surtoutducôtédesrevendicationsidentitairesliéesauxconvictionsreligieuses.

Quiconque a suivi de près ces dernières années l’historique desavancéesconcrètesréalisées,dansledroitinternededifférentspaysdeparlemonde,enmatièredeprotectiondeladifférenceculturelle,

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Les positions de départ : cinq clarifications préalables

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Ilpeutêtreutileenintroductiondecerapportderésumer,brièvement,lesprincipalespositionsdedépartsous-jacentesàcelui-ci.Chacuneàsamanière,ajouéenarrière-fondsduprocessusdesAssises.Ellesontfait,dèsledépart,l’unanimitéauseinduComitédepilotage.Notresouciestd’éviterqu’ilsoitnécessaired’yreveniràchaquefoislorsqu’ils’agit de motiver une recommandation particulière. Elles sont aunombredecinq.

L’interculturalité : uneresponsabilitédetousetdanslaréciprocité

Un premier positionnement concerne les destinataires du travaileffectué. Qui sont-ils? A première vue, les recommandations iciretenues s’adressent surtout, pour ne pas dire exclusivement, auxautoritéscompétentes,chacunesursonterraind’action.Pourautant,les chancesde réussited’unepolitiquequi s’investit - sur la longueduréeetaumaximum-à faireaboutir leprojetde l’interculturalité,est tributaire de l’engagement de chacun et chacune, minorités etmajorités,acteurspublicsetprivés,toutesappartenancesconfondues.C’estdanslaréciprocitéquecevasteprojetdevraseréaliser,c’est-à-direquelesresponsabilitésneseconcentrentpassurlespolitiqueset/oulesminoritésconcernéesexclusivement.Uneplusgrandeouvertureà la diversité s’accompagne nécessairement d’aménagements, celapeutparaîtreévidentàl’abstrait,maisauquotidiencelarequiertparfoisdeschangementsdecomportement(s)relativementradicaux.

L’étude sur les pratiques d’aménagement commanditée dans cecadredesAssisess’estconcentréesurl’emploi.L’intérêtdelanotiond’aménagementdépassetoutefoislecadredumondedutravailencequ’elle renforce la dimension de réciprocité dans l’agencement desrapports sociaux en contexte d’interculturalité. Ce concept inverseen quelque sorte l’approche traditionnelle en prenant pour point dedépartquec’estàlasociétéetnonàl’individudésavantagéqu’incombela responsabilité de neutraliser les obstacles à sa participation à lavie en société, sauf à se voir imposerdesexigencesdéraisonnables(disproportionnées).L’aménagementapourbutdepermettrequ’unepersonnequisetrouvedansunepositiondésavantagéepuissepasseroutreetparticiperpleinementàlavieensociété.L’approcheinterpelle

directement ou indirectement, concernées par l’objet des travauxdes Assises. Il s’ensuit une inévitable diversité dans la portée desdiversespropositionsquelesAssisesnousaurontfinalementpermisd’avancer.Onpourraitnouslereprocher.Pourdéfense,rappelonsquelebutdesAssisesn’étaitpasdeprendrepositionenlieuetplacedupolitique,maisderefléterlesdifférentesmanièresdontsontvécues,actuellement, dans le Sud et le Nord du pays, certaines difficultésbiencibléesliéesau«vivreensemble»etd’avancerquelquespistes- lesunesplusaudacieusesque les autres - qui s’appuient surdesexpériences concrètes et permettent de peaufiner l’argumentaire. Al’issue de nos débats, deuxmembres avaient exprimé le souhait depouvoir se prononcer sur certaines propositions particulières, nonpour se distancier de l’ensemble du travail, mais pour ajouter unéclairagesurunargumentquileursembleessentiel.Nousavonsjointleursréactionsenannexedurapport,ellesserontluesconjointement,faisantenquelquesortepartiedudébatetdesonsuivi.

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Le mandat du Comité de pilotage fait en sorte que nous nousconcentronsdanscerapportsur lesproblématiques liéesau«vivreensemble»etquiprennentpourobjetlespolitiquesquipermettentderépondreenparticulierauxdifficultésrencontréespardespersonnesetcommunautés,quedanscerapportnousqualifionsde«minoritésethniques, culturelles et/ou religieuses »2. Cela ne veut pas direpour autant que nous ignorons les questions liées aux injusticessociales et économiques, qui sont des injustices profondes et doncinsupportables.Celaestd’autantplusvraique lespersonnes issuesde minorités ethniques, culturelles et religieuses restent, jusqu’àaujourd’hui,largementsurreprésentéesdanslegroupedepersonnesdésavantagéesd’unpointdevuesocio-économique.

Sinousnetraitonspasdirectementdeproblèmessocio-économiquesdanscerapport,c’estquecelanousferaitdéborderdenotresujet.Maisnouspartageons l’inquiétudedeceuxetcellesquimettentengardecontrel’aggravationdesproblèmesliésau«vivreensemble»etàlaluttecontrelesdiscriminations-directesetindirectes-depersonnessurbasedeleurappartenance,deleurconvictionet/oudeleurculture,dès lors que ces dernières restent confinées dans des positionssocio-économiques fragiles et défavorables comparées à cellesdanslesquellessetrouvelamajoritédelasociété.Lerisquederepliidentitaire - quin’estparailleurspas caractéristiquedesminorités,commenouslesoulignonsàplusieursreprisesdanscerapport-estd’autantplusréellorsqu’unepersonneet/ousacommunautésesentsystématiquementexclueoudésavantagée.Unerecommandationquipourraitenquelquesorteaccompagnerchacunedespistesquenousavançonsdanscerapport,consisteàexigerquedansl’élaborationdepolitiquesàmettreenplaceetquiserapportentauvivreensembleetàl’interculturalité,deseffortsconjointssoientfaitspourrenforcerlapositionsocio-économiquedesgroupescibles.

en ce qu’elle définit la relation entre la personne désavantagée etla société environnante en des termes qui prennent pour acquisque l’aménagement à faire se situe, sauf dérogation au critère duraisonnable, du côté des autorités publiques, des employeurs, descontractantsengénéral,etc.,enbref,delasociété.Cepointdedépartestplusrespectueuxdelapersonnevulnérable,sanspourautantposerdesexigencesdisproportionnéesàceuxoucellesàquiilestdemandédetenircomptedecettevulnérabilitéparticulière.L’idéederéciprocités’entrouverenforcée.

A l’instar d’un examen auquel procédait récemment le Conseil del’Europe1,leComitédepilotageinviteàsepenchersurlaquestionquiconsisteraitàétudierlesavantagesqu’offriraitl’extensionduconceptd’aménagement raisonnable, tel qu’il est aujourd’hui défini dans laloidu10mai2007,àdesfinsd’aménagementsneselimitantpasaumondedutravail,maisqu’ilpuisseaussibénéficierauxpersonnes(in)directementdésavantagéesdufaitdeleurorigine,deleurconvictionet/oudeleurculture.

Une réciprocité qui engagerait davantage la société face au défide l’interculturalité permettrait à plus juste titre d’exiger que lespersonnesquisesententdésavantagéesdufaitdeleurappartenance,deleurconvictionet/oudeleurculture,deleurcôté,s’investissentets’engagentàleurtouràfaireréussirleprojetduvivreensemble.C’estcelaaussi,laréciprocité.

L’obstacle des clivages socio-économiques

Unesecondepositiondedépartseraitplutôtunrappel,ilserapporteà l’inquiétant constat que de nombreux observateurs n’ont cessede rappeler depuis des années, et qui est la persistance de l’écartfondamentalement injuste entre franges de la population aisée,très généralement bénéficiaire de l’arsenal des droits sociaux etéconomiques mis à leur disposition, et le groupe – trop important– de ceux et celles qui, pour diverses raisons, restent en situationd’exclusion. Ce groupe, extrêmement vulnérable, doit être l’une despremièresprioritésdetoutepolitique,quelquesoitsonobjet.

1���Accommodements�institutionnels�et�citoyens:�cadres�juridiques�et�politiques�pour�interagir�dans�les�sociétés�plurielles,�Conseil�de�l’Europe�(Tendances�de�la�cohésion�sociale,�n°�21,)�Strasbourg,�2009��2�Sur�ce�concept,�voyez�ci-dessous�:�Quelle�définition�de�«�minorité�»�?

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faitl’expérienceconcrèted’unetelleconfusion,carelleslaressententcommeunrejet,unetotale ignorancedeleurtrajectoirepersonnelledevieenBelgique.Parailleurs,unepolitiquemigratoirefloueetopaqueestégalementinjuste,dedifférentspointsdevue,vis-à-visdesnouveauxarrivants,mais cela ouvrirait un autre débat. Le Comité de pilotage s’est, àdiversesreprises,interrogénotammentsurlaquestiondesavoirquelleattentionilyavaitlieudeprêteràlasituationdesnouveauxarrivants,quisurmaintspointssontungroupeparticulièrementvulnérable.Celaauraitrequisunexamenquis’éloignedel’objetprécisdesAssises.

Quelle définition de « minorité » ?

Comment nommer les groupes de personnes parfois appelées« personnes issues de l’immigration », « minorités culturelles »«allochtones»…,etdontilestquestionàplusieursreprisesdanscerapport?

En2005,laCommissiondudialogueinterculturels’étaitposélamêmequestion. Elle avait récusé les termes « allochtones » (dont l’usageest prépondérant en Flandre) et « immigrés » (utilisé surtout enWallonieetàBruxelles)avecl’argumentquecestermesnedevraients’appliquerqu’auxpersonnesarrivéesrécemmentetsûrementplusàleursenfantsetpetits-enfants:ceux-ci,nésici,sont,ausenspropre,des«autochtones».Ilsnesontpaseux-mêmes«immigrés»etilneconvientpasnonplusdelesréduirepourl’éternitéàlacatégoriedespersonnesissuesdel’immigration,bienqu’unpatrimoinecultureloureligieuxpuisseêtreimportantpourcertainesd’entreelles.

LaCommissiondudialogueinterculturelavaitproposédelesdésignersousletermede«minoritésculturelles»,uneexpression«quitraduitàlafoisuneréalitéspécifiquementculturelleetunesituationd’inégalitédefaitparrapportàunmodèlecultureldominant».LaCommissionajoutait cette précision fondamentale : « Il ne s’agit pas d’enfermerlesindividusdansdesidentitésclosessurelles-mêmes(…),maisaucontraire de leur permettre de faire reconnaître la complexité et larichessedelasituationoùilssetrouvent».Cesminoritésn’existentdonc pas de façon figée. Elles doivent leur existence au libre choix

La difficile démarcation entre politiques migratoires et d’intégration

Latroisièmepositiondedépartestd’unordredifférent,ellechercheà mettre en garde contre certaines conséquences indirectes d’unepolitiquemigratoirequi,àdéfautdetransparence,jetteuneombresurlaréalitédu«vivreensemble».Dequois’agit-il?EnBelgique,commedans la plupart des autres Etats-Membres de l’Union Européenne,le cadre législatif enplacepourgérer lamobilité internationaledespersonnes diffère selon qu’il s’agisse de libéraliser cette circulationauseindel’UnionEuropéennepourlescitoyens(nationaux)desEtats-Membres,ouaucontraire,demainteniruncontrôlesurcelle-ci,danslescasderessortissantsdepaystiers.Aveclesannées,lesrèglessesontassoupliespourlespremiersetdurciespourlesderniers.Enpratiquetoutefois,cedurcissementestopaque,leslégislateursdesdifférentspayseuropéensvotantdestexteslégislatifsqu’ilsontbeaucoupdepeineàfairerespecter.LaBelgiquenefaitpasexception: ilrègneauseindel’opinionpubliqueunsentimentd’arbitraireparrapportàlafaçondont lapolitiqued’accèsau territoireet l’éloignementdesétrangersestmenée.Laperceptiondefluxnoncontrôlésdenouveauxarrivants–quel’imagesoitobjectiveounon–peutinsécuriser.Enréalité,ellesuscitedes inquiétudesquis’exprimentdemanièresdiverses,tantôtauniveaudelacohésionsocialedelasociétéquiseraitainsimiseenpéril, tantôt par rapport aux politiquesmigratoires qui devraient semontrerplusfermes.Toutcelaengagel’aveniretrequiertundébatquidépasselemandatdesAssises.Maisilestvraiquel’unetl’autresontétroitementliés.L’ouvertureàladiversitéseramoinsdifficileavecuneopinionrassuréesurcesquestions.

Dansl’attente,l’écartquiexisteentreundiscoursofficieldecontrôledes frontièreset laréalitédemigrationsquicontinuent,seretournecontre les minorités dont il est question dans ce rapport. CespersonnesrésidentparfoisdepuisdenombreusesannéesenBelgiqueet peuvent prétendre à tous les droits liés à leur position (en droitsocial,endroitdela famille,enmatièred’emploi,etc.)maisduseulfaitdeleurorigine,deleurconvictionet/oudeleurculture,ellessontprises pour des nouveaux arrivants en situation de séjour précaire.L’amalgamepèseparticulièrement lourdpour lespersonnesqui ont

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ignorer lesargumentset réservesde ceuxet cellesqui, finalement,acceptaientd’accéderàlasolutionavancéeetlefaisaientenpremierordreparvolontéd’aboutissement,nousavonsoptépour lasolutionquipermetauxopinionsdivergentesdes’exprimer.Onlesliraàtraverslesdifférentsargumentaires,ainsiqu’enannexedecedocument.

Pour le surplus, comme nous l’écrivions déjà, le rapport ne couvrepas l’entièreté des matières en lien avec l’interculturalité. Ainsi,par exemple, nous ne nous exprimons pas sur certaines questionsfortementmédiatisées,telledébatsurleportduvoileintégral;nousnenousprononçonspasdavantagesurladimensioneuropéennedespolitiques liées à l’interculturalité.Mais là n’est pas le principal.CequiànosyeuxcompteestquelesAssisesaurontpermisdecontinuerun processus qui avait commencé avec la Commission du DialogueInterculturel en 2004 et qu’il est important de ne pas interrompre.Dansunebrèveconclusionàcerapport,nousmettonsenexerguelesquelquesrecommandationsqui,selonnous, illustrentaumieuxceàquoil’effortderecherchedesolutions,quefurentdurantdouzemoislesAssises,apermisd’arriveretsoulignonsaussi l’importanced’unsuivi.Celui-ci seradepréférencecontinu, enprévoyant à intervallesréguliersdesmomentsd’évaluation,quisontlaseulemanièredefairedroitauxinjusticesrécuséesdanscerapporttoutenavançant,leplusconcrètementpossible,danslaréalisationduprojetdel’interculturalité.Ilseraitdommagedesecontenterdepromesses.

Pour le Comité de pilotage Marie-Claire FOBLETS & Christine KULAKOWSKI,

Co-présidentesOctobre 2010

despersonnesquis’enrevendiquent,toutenétantconditionnées«del’extérieur»par le regardque lasociétéengénéralportesurelles.La Commission soulignait encore que c’est le droit individuel despersonnes d’affirmer une identité collective si elles le souhaitent etd’inscrirecetteidentitédansl’espacepublic.

LeComitédepilotageestimenéanmoinsquel’adjectif«culturel»necouvre pas toutes les situations. La lutte contre les discriminations,qui occupe une place importante dans ce rapport, concerne des«minorités visibles» identifiablespar leur couleur depeauou leurpatronyme, indépendamment de toute caractéristique culturelle. Etcertainespersonnesnediffèrentdelamajoritéqueparleurreligion,cequiestparexemplelecasdespersonnesdereligionjuiveouconvertiesàl’islam.

C’est pourquoi nous avons préféré ici opter pour une expressionplus complète et parler de «minorités ethniques, culturelles et/oureligieuses»,enmettantl’accentsurl’unoul’autrequalificatifselonlecontexte.

Quel suivi ?

UnedernièrepositiondedépartsurlaquellelesmembresduComitédepilotagesesontaccordés,estlaposturedurapport:celui-cin’estpas étayé à la façon d’une analyse scientifique, ainsi le travail desréférencesestlimitéauminimum.Enlieuetplace,onverradanscerapport le résultat d’uneffort collectif d’avancement le plus concretpossiblesurunnombredequestionsdifficilesetsouventtrèssensiblesenrapportavecl’interculturalitéetdontnousrendonsicicompte.

LesmembresduComitédepilotagequiacceptaientdemenerjusqu’auboutcetexercice,l’ontfaitauprixdelonguesheuresdediscussionsetd’intensetravailpréparatoire.Lebutétaitd’aboutiràlaformulationdesolutionslesplusconcrètespossiblesdansdesdossiersoùlepolitique,depuis des années parfois, peine à s’entendre. Ce rapport requiertqu’onlelisecommelerésultatd’unexercicederapprochemententrepositionsparfoisdiamétralementopposées.Dans lesoucidenepas

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EnseignementIntroductionDans ledomainede l’enseignement,notreréflexionaétéguidéepartroislignesdeconduite.D’abord,lefaitqu’ilnousfallaitcomprendrelaquestiondel’interculturalitéàl’écoleausenslarge,au-delàdecequiestconsidérégénéralementcommefaisantproblème,etqu’ilnousfallaitlatraitercommeundéfietuneopportunité,contribuantàaméliorerlaqualitédenotreenseignement.Ensuite,qu’onnepouvaitabordercesquestionsqu’enayantimpérativementcommeguidel’intérêtdesélèves,desenseignantsetdespersonnelsscolaires,dansuncontexteoù,nousensommesconvaincus,cesenjeuxrenvoientauxinégalitéssocialesetàl’inégalitédeschances.Enfin,considérantquel’enseignementrelèvedesCommunautés(flamande,françaiseetgermanophone)enBelgique,nousavonsvoulumeneruneréflexionquiailleau-delàd’uneapprochestrictement communautaire et proposer des pistes qui s’imposent,quandcelaestpossible,auxtroisCommunautésetà l’ensembledesréseaux.

Onnepeutcomprendrelaquestiondel’interculturalitéàl’écolesansprendre en considération ce qui la structure : à savoir que l’écoledemeureunlieudeproductionoudereproductiondesinégalités,quelesdiscriminations liéesà l’origineethniqueouà l’identitéculturellesontcorréléesauxdiscriminationssocialesetquelaségrégationyest–entreautresraisons–leproduitdesdiscriminationsàl’inscription.Desorteque l’égalitédeschancesscolairesnepeutnaîtrequed’unsystèmequiengarantitlesconditions,plusquedesseulesmeilleurespratiquesenmatièred’interculturalité.

Uneségrégationscolairepersistantegrèvelarésolutiondenombredeproblèmesquiagitent l’école3.Le rapportfinalde laCommissionduDialogueinterculturel,en2005énonçaitquelasituationlaplusgrave

concernantlaquestioninterculturelleàl’écoleestlaformationd’écoles(appelées de manière courante mais impropre « écoles-ghettos »)scolarisantessentiellementdesélèves issusdeminoritésethniques,culturellesetreligieuses.L’écoledoitdoncgéreràlafoislesinégalitéssocialesdesesélèves,leursaspirationsidentitaires,lesdiscriminationsauquotidienquiaffectentbonnombred’élèves,demeurerfidèleàsonobjectifpédagogiqueetauxvaleurscommunesquilesous-tendentettoutàlafoiss’adapteràunmondequichangeenintégrantladiversitéculturelledanssonprojet.

Ségrégation « ethnique » et sociale se croisent donc, et c’est à larésolutiondecettedramatiqueéquationqu’ilfauts’atteler,enrefusantquelaségrégationspatialenecontinueàproduireunenseignementàdeux vitesses,oùces inégalitésseperpétuent.Cinqansaprès2005,leconstatesttoujourslemêmeetsupposeunchangementradicaldeperspectivesinousvoulonsbriserunesituationquiestaufondementmême du caractère souvent inégalitaire de notre enseignement etquiestencontradictionavec l’undesocles fondamentauxdecequedoit être l’école : un cadre d’émancipation, un lieu où les inégalitésdiversessontcompenséesetoùlaréussitedesélèves,commeleurschances,nesontplusuniquementfonctiondecequepeutleuroffrirleurenvironnementsocialetfamilial.

L’écoleestparexcellenceune institutionobligatoirequi a vocationàréaliserl’égalité.Sesmissionsessentiellessont:instruireàunsavoiraussi objectif que possible, socialiser par des valeurs communes,cultiver l’égalité des chances et de réussite, amener les élèves à seconstruire, notamment, par l’ouverture culturelle et le rapport auxautres,leurpermettredes’éleverdanslasociétésansêtredéterminés,favorisés ou défavorisés par des caractères différenciés comme legenre, la classe sociale, l’origine ethnique, l’identité culturelle oureligieuse.

3���Jean�HINDRIKS�et�Marijn�VERSCHELDE�rappellent�que�les�traitements�de�l’enquête�PISA�de�2006�permettent�de�conclure�:�1)�que�le�taux�de�ségrégation�en�Belgique�est�le�deuxième�le�plus�élevé�de�l’Union�Européenne�(après�la�Hongrie),�2)�que�la�moitié�de�la�différence�du�résultat�entre�élèves�s’explique�par�des�différences�entre�écoles,�3)�que�«�les�pays�les�plus�performants�présentent�un�système�éducatif�équitable�dans�lequel�l’origine�socio-écono-mique�des�élèves�a�une�faible�influence�sur�les�résultats�scolaires�».�J.HINDRIKS�et�M.VERSCHELDE,�L’école�de�la�chance,�Regards�économiques�n°77,�février�2010.

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enseignementestindispensablesinousvoulonsgarantirl’égalitédeschancespourtouslesélèves.Cetteinterculturalisationdoits’attacheràdiversescibles:l’enseignant, l’élève, les programmes, la culture de l’école (notamment pour ce qui est de l’usage de la langue), l’attitude par rapport aux convictions philosophiques et religieuses et, enfin, les relations avec les parents et le milieu extrascolaire.

Nousallonsexaminertouràtourchacundecesaspects.

Sansvouloirfairel’impassesurlesdiscussionsparfoistrèsvivessurlessignesconvictionnelsdansl’enseignement–sujetsurlequelnousreviendronslonguement–ilparaîtplusimportant,auxyeuxduComitédepilotage,derechercherdesmoyensderéduirelesgrandesinégalitésdanslesystèmescolaire.UneétudefaiteàlademandedelaFondationRoiBaudouin(FRB)montreque les élèves « d’origine belge » réalisent en moyenne de meilleurs résultats que leurs condisciples issus de minorités ethniques et culturelles, et ce tant en Communauté française qu’en Communauté flamande.EnCommunauté française,pour les mathématiques, en moyenne 18% des élèves « d’originebelge»n’atteignentpasleniveaudebaseexigépourpouvoirs’insérernormalementdanslavieprofessionnellealorsquecetauxmonteà36%pourlesenfantsissusdesminoritésethniquesetculturelles,etmêmeà 53% pour les nouveaux arrivants. En Communauté flamande, ceschiffress’élèventrespectivementà9%,35%et35%.Lesrésultatssonttoutaussidésolantspourlescompétencesenlecture.Si21%desélèvesfrancophones«d’originebelge»présententdegraveslacunes,c’estlecaspour35%desjeunesissusdesminoritésethniquesetculturelleset pour 50%des nouveaux arrivants. EnCommunautéflamande,ceschiffress’élèvent respectivementà12%,44%et40%.Desdisparitéssemblablessontobservéesdanstouslesréseaux(officieletlibre)età tous lesniveauxd’enseignement :maternel, primaire, secondaire,supérieuretenseignementpouradultes.

TantlaCommunautéfrançaisequelaCommunautéflamandefournis-sentdegrandseffortspourcomblercefossé.Ducôtéfrancophone,ilexistedepuis1998unepolitiquede«discriminationpositive»quiviseàpermettreà tous lesélèvesd’exploiteraumaximum leurs talents.EnFlandre, le décret sur l’égalitédes chancesdans l’enseignement(courammentappelé«décretGOK»–GelijkeOnderwijskansen)avulejouren2002.Ilviseàcontrerl’exclusion,laségrégationsocialeetladiscriminationetàoffrirunmeilleursoutienauxenfantsdemilieuxdéfavorisés.Lesrecommandationsquisuiventn’ontpaspourbutdesesubstitueràcespolitiques,maisaucontrairedelespoursuivredelamanièrelaplusintensivepossible.

LeComitédepilotageestconvaincuqu’une interculturalisation de notre

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Les défis que doivent relever les enseignants dans la sociétécontemporaine ne sont pas minces. Un bon enseignant n’est passeulement celui qui maîtrise sa matière. Il doit aussi être capabledegérer lesdifférencessociales,culturelleset individuellesdanssaclasse,transmettrelesensdurespectdecelles-ciet,pouryparvenir,posséderuneexcellentecapacitédecommunicationdanssescontactsaveclesélèvesetlesparents.

L’undespremiersécueilspouratteindrecetidéalestlapénuriecrianted’enseignants maîtrisant toutes ces capacités – il est vrai que celaprésupposeénormément–cequienpratiqueamènelesétablissementsscolaires à recourir à des personnes qui n’ont pas toujours lescompétences requises. Ces enseignants se sentent rapidementdépasséspardesproblèmesauxquels ilsnepeuventpas trouverdesolution.Dèslors,ilssedémotiventet/oufinissentparrenoncer.

Le Comité de pilotage préconise de revaloriser le métierd’enseignantafindepouvoirànouveaudisposerdesuffisammentde professeurs préparés à la réalité de la diversité en contextescolaire. Il faut prendre des initiatives de nature à inciter lesjeunes,enparticulierceuxquisontissusdeminoritésethniques,culturelleset/oureligieuses,àopterpourcemétier.Ilfautéviterdemettredevantuneclassedespersonnesquin’ontpassuiviuneformationpédagogiqueadéquate.

Inciterdesjeunesissusdecesminoritésàsetournerversl’enseignementest une tâche indispensable. C’est indispensable parce qu’un corpsenseignant aux origines et aux appartenances diverses peut exercerune fonction d’exemple, non seulement vis-à-vis des élèves (et desparents)decesminorités,maisaussivis-à-visdesautres.Dufaitdecesoriginesetdecesappartenances,ilspeuventégalementapporteruneprécieuseplus-valuedanslescontactsaveclesparentsetlesélèvesetfavoriserleurimplication(mêmes’ilnefautpasnonplusleurenfairesupportertoutelaresponsabilité).Mais c’est aussi une tâchedifficileparceque la sous-représentationde ces minorités au sein du personnel enseignant est due entre

1 L’enseignant

4��Toutefois,�ce�constat�n’implique�pas�que�nous�prenions�ici�position�sur�le�droit�des�enseignants�de�porter�ou�non�des�signes�convictionnels�dans�l’exercice�de�leur�profession.�Cette�attitude�renvoie�à�la�conception�qu’on�peut�se�faire�de�la�neutralité�des�services�publics.�Elle�sera�traitée�plus�loin�dans�le�rapport�(voir�Chapitre�III.3).5��Les�compétences�interculturelles�sont�des�compétences�citoyennes�particulières.�Elles�permettent�aux�personnes�et�aux�groupes�de�faire�face,�de�manière�plus�ou�moins�efficiente,�à�des�situations�complexes�et�difficiles�engendrées�par�la�multiplicité�des�référents�culturels�dans�des�contextes�psychologiques,�sociologiques,�économiques�et�poli-tiques�inégalitaires.�Ces�contextes�peuvent,�par�exemple,�être�caractérisés�par�le�déni�social,�la�discrimination,�la�concurrence,�des�tensions�ou�oppositions,�des�difficultés�de�communication�etc.�L’efficience�en�pareilles�situations,�c’est-à-dire�la�capacité�de�produire�de�«�bons�résultats�»,�valorisants�pour�l’individu�et�son�groupe�en�tant�que�por-teurs�d’appartenances�spécifiques,�demande,�notamment,�de�pouvoir�se�décentrer�par�rapport�à�certains�éléments�de�sa�propre�«�culture�»�pour�comprendre�–�ce�qui�ne�veut�pas�dire�nécessairement�accepter�–�ceux�de�l’autre.�Voir�Manço�Altay,�Compétences�interculturelles�des�jeunes�issus�de�l’immigration,�Approches�théoriques�et�pratiques,�Editions�L’Harmattan,�Paris,�2008.���

autres au faible nombre de jeunes qui en sont issus, qui atteignentl’enseignement supérieur. C’est un constat sociologique général surlequelnousreviendronsencore.Parailleurs,silemétierd’enseignantn’intéressepastoujourscertainsd’entreeux,c’estaussiparcequ’ilsont souvent accumulédes expériencesnégatives durant leur proprescolarité : sentimentsd’exclusion,écartsentre lemondescolaireetl’éducation reçuepar lesparents, décrochagesprécoces, lemanqued’encouragementencasdedifficultésàmeneràbienlecurriculum,etc.L’interdictionduportdu foulardpour lesenseignantesparticipeégalement,danslesfaits,àécarterdenombreusesjeunesmusulmanesdelacarrièredeprofesseur4.

LeComitédepilotageestimequ’ilyalieud’inciterlesécolesàdiversifierleurpersonneletdelesaideràlefaire.>ensensibilisantlesdirectionsetlecorpsenseignant;>enrécompensantsymboliquementlesétablissementsquiaurontréussiàdiversifierdemanièresignificativeleurcorpsenseignant.Plus une école est confrontée à de grands défis sociaux etinterculturels,pluselleabesoindecompétencespédagogiques.Lesprofesseursdoiventdoncêtrerecrutésdemanièreciblée,entenantcomptenotammentdeleurscompétencesinterculturelles5etdeleurmotivationàenseignerdanscetyped’établissements.Cettemotivationdoitêtresoutenueetcescompétencesvalorisées.

Il est tout aussi importantd’intégrer la diversité dans la formation des enseignants.EnCommunautéfrançaisecommeenCommunauté

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Les professeurs doivent disposer des moyens de se mettre àdistance des événements, d’échanger et de questionner leurspratiques,d’envisagerdesperspectivesconcrètesleurpermettantde sortir d’un récurrent sentiment d’impuissanceet d’isolementetdeconstruiredesprojetscollectifscohérents.Pourcefaire,desmoyens structurels d’accompagnement d’équipes devraient êtremisenplace.

Il existe, dans les deux Communautés, une série d’acteurs (écoles,associations socio-pédagogiques, universités etc.) qui ont créé desoutils pour travailler dans des classes multiculturelles avec unedémarcheinterculturelle.Ilseraitintéressant,dansunpremiertemps,d’en faire l’inventaire,enchoisissantdanschaqueCommunautéuneinstance/organisationquipourraitenêtreresponsable.Dansunsecondtemps, lesmeilleures pratiques de terrain pourraient être diffuséessousformed’unsiteinternet,d’unebasededonnéesoudetoutautremoyenadéquat.Enpratique,detelssitesexistentdéjà.Lapisten’estdoncpas inédite.Mais ilsnecouvrentpasdemanièresuffisammentsystématique les expériencesqui, du fait d’être renduesaccessiblesàunpluslargegrouped’utilisateurs,pourraientservird’inspirationàceuxquifontfaceàdesréalitéssemblables.

flamande, ce thème est déjà abordé, aussi bien en théorie qu’enpratique,danslesformationsdesfutursinstituteursetenseignantsdusecondaire inférieur,mais on pourrait encore augmenter le nombred’heures de cours qui y sont consacrées. Quant aux formationsuniversitaires,ellessontenretardnetsurceplan-là.

L’acquisition de compétences interculturelles – les aptitudesà pouvoir communiquer avec succès avec des personnes dediversescultures–doitfairepartieintégrantedetouteformationpédagogique. Les enseignants et les directions qui n’en ont pasbénéficiéaucoursdeleurformationinitialedoiventêtreinvitésàlacompléterdanslecadredelaformationcontinuée.

Ce sont souvent dans les écoles qui sont confrontées aux plusgrand défis sociaux et interculturels que se fait sentir une pénuried’enseignants. En outre ces écoles, où se concentre une populationsouventissuedemilieuxprécarisés,ontgénéralementdumalàattirerlesmeilleurs professeurs. Un concept intéressant dans ce contexteet qui pourrait servir d’inspiration est celui de « Teach First » quecertains pays anglo-saxons ont mis au point: on recrute de jeunesdiplômés(Masters)quiontobtenudetrèsbonsrésultatsdurantleursétudesetquin’avaientpas initialement l’intentiondes’orienter versl’enseignement. Plusieursmois de formation pédagogique intensiveles préparent à ensuite donner cours pendant deux ans dans desécoles qui connaissent une forte concentration d’élèves de milieuxsocio-culturellement défavorisés, dont la plupart sont souvent issusdesminoritésethniquesetculturelles.

Toutaussi important,enfin,est lesoutien apporté aux enseignants.NousreprenonsicicetterecommandationdelaCommissiondudialogueinterculturel, qui ne vise pas spécifiquement les enseignants encontactavecdesenfantsissusdesminoritésethniques,culturellesoureligieuses,maisdontceux-cienseraientlespremiersbénéficiaires:

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Certains élèves, issus ou non deminorités ethniques, culturelles etreligieuses,fontl’expérienced’unfosséquileursembleséparerleurculturefamilialeetcelledel’école.Cetteexpériencerendlatrajectoirescolaireplusdifficilepoureux.Commentyremédier?

Dans certains cas, desmoyens simples permettraient de combler –du moins partiellement – l’écart. On pense ici notamment au casparticulier des enfants qui débutent leur scolarité à un âge plus avancé,parfoisàsixansseulement,âgedel’obligationscolaire.Mêmesilascolarisationdèslamaternellesegénéralisedanstouslesmilieux,elleresterelativementmoinsfréquenteauseindespopulationsissuesdeminoritésethniques,culturellesetreligieuses,làoùelleestsansdoute la plus nécessaire puisque les langues de l’enseignement –français,néerlandaisouallemand–nesontpas toujourspratiquéesàlamaison.Orunenfantquifréquentelamaternelleentreplustôtencontactavecceslangues,quisontàlafois«lalangueparléeàl’école»et«lalangueplusabstraitedel’apprentissage».

Ilfauttoutmettreenœuvrepourquetouslesenfantsfréquententrégulièrement l’école dès la maternelle. À cet égard, certainsmembresduComitédepilotageplaidentpourunabaissementdel’âgedel’obligationscolaire.

Le talentdevraitêtre leconceptcentraldans l’enseignement.Savoirdétecter, découvrir et développer des talents et les transformer encompétences:cen’estpasseulementunchoixéthiqueetsocial,c’estaussiunenécessitééconomique.Dansuncontextedevieillissementde la population et de dénatalité, les talents sont d’autant plusprécieux.Orilarrivetropsouventquelescapacitésparticulièresdesenfants ne soient pas repérées à temps, et parfois pas repérées dutout.Tropsouvent,ondoitconstaterquemêmel’écoleetlesservicesd’accompagnement ne croient pas suffisamment dans les capacitésdesenfantsissusdeminoritésethniques,culturelleset/oureligieusesetdecefaitlesoriententtropaisémentversunniveaudeformationquin’estpasàlahauteurdeleurspossibilités.

2 L’élève

Lesenseignantsdoiventêtreattentifsàdétecter les talentsdeleursélèves.Ilsprêterontsinécessaireuneattentionparticulièreà ceux qui sont issus des minorités ethniques, culturelles et/ou religieuses, et encourageront ceux qui en ont les capacités,à s’orienter vers l’enseignement supérieur. De leur côté, lesconseillersduPMSnedoiventpaslimiter les informationsqu’ilsfournissentauxétudesproprementdites,maisdoiventaussiêtreàl’écoutedesbesoinsspécifiquesdecesélèvestelsqu’ilspeuventdécoulerdedifficultéssocialesetdusentimentdeminorisation,ainsi que du manque d’estime de soi qui en est souvent laconséquence.

Par ailleurs, le Comité de pilotage préconise le développement dusystèmedetutorat,tantdansl’enseignementsecondairequesupérieur.Lestuteurssontdesétudiantsquiréussissent(ouontréussi)desétudessupérieuresetquiapportentunsoutienpédagogiqueàdesélèvesoudesétudiants,notamment issusdesminoritésethniques,culturelleset religieuses. LeComité de pilotage plaide pour que le tutorat soitintroduitleplustôtpossibledansleprogrammescolaire,àunmomentoù les lacunes dans l’apprentissage ou dans le développement decompétencesnesontpasencoretropgrandes.

LeComitédepilotagepréconiselacréationd’uncentrederéférencepour le développement du tutorat enCommunauté française.6Cecentre assurerait les missions de coordination, d’information, deformation, de recherche et de représentation. En Communautéflamande, le « Steunpunt Diversiteit en Leren » existant dans cedomainepourraitêtrereconnupourlesmêmesmissions.

6��Comme�le�recommande�une�étude�de�la�Fondation�Roi�Baudouin�intitulée�«�Le�tutorat�en�Communauté�française�de�Belgique�–� Inventaire�des�pratiques,� éléments�d’évaluation�et� recommandations�»,�Pascale�LEPAGE�et�Marc�ROMAINVILLE,�Centre�de�didactique�supérieure�de�l’Académie�universitaire�Louvain,�Facultés�Universitaires�Notre-Dame�de�la�Paix-Namur,�Service�de�pédagogie�universitaire,�mars�2009

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3 Le programme scolaire

LeComitédepilotagedemandeaussiquel’onsepréoccupededeuxgroupesd’élèvestrèsspécifiques:d’unepart,les réfugiés et, d’autre part, les enfants des Roms et des Gens du voyage.Pourlespremiers,il importe surtout que l’école soit un facteur d’apaisement dansleurexistenceet lesaideàsurmonter leurs traumatismes.Pour lesseconds, leComitédepilotagepréconiseunecollaboration intensiveavecdesmédiateurs culturels.Parsesméthodes,soncontenu,sespratiquesdidactiquesetpédagogiquesetsesambitions,notresystèmed’enseignementclassiqueest,danscertainsaspects,trèséloignédusystèmed’apprentissagefamilierauxRomsetauxGensduvoyage.Dansdenombreuxcas,ilfaudradoncprévoirdesmodèlesd’apprentissageadaptés. On pourrait s’inspirer de la méthode des « Trajets dedéveloppementpersonnel»(PersoonlijkeOntwikkelingstrajecten)quiafaitsespreuves.

Enfin,toujoursenrapportaveclesélèvesissudeminoritésethniques,culturelleset/oureligieuses,leComitédepilotagetientàrappelerquede nombreux obstacles financierssubsistentdansnotreenseignementetqu’ilsexcluentdecefaitlescatégoriesprécariséessurleplansocio-économique, parmi lesquelles de nombreuses familles issues deminoritésethniques,culturelleset/oureligieuses.

Conformément à la Constitution, l’enseignement obligatoiredoiteffectivementêtregratuit.Lesaidesfinancières,commelesallocationsd’études,doiventparconséquentêtreaccessiblesauxplusvulnérableset,danslamesureoùcelas’avéreraitnécessairepourassurercetteaccessibilité,êtreoctroyéesautomatiquement.Dans une même logique, les Hautes écoles devraient pouvoirproposer des horaires flexibles aux étudiants contraints detravaillerdurantleursétudespourfinancercelles-ci.

Au niveau le plus général, notre enseignement doit avoir pour butde transmettre à tous les élèves, quelle que soit leur identité, descompétences interculturelles quipeuventlesaideràtrouverleurvoiedanslasociétédiversifiéedanslaquelleilsfontleurvie,etquellequesoitlafonctionqu’ilsyexercerontdanslefutur.

Àunniveautoutaussigénéral,leComitédepilotageaffirmequecertainsprincipesdebasedenotreenseignementsontessentiels.Ainsi,aucune sensibilité culturelle, religieuse et/ou philosophique ne peut être invoquée pour se dérober à l’obligation scolaire ou pour se soustraire au caractère de mixité (garçons et filles) de notre enseignement.

Lesrecommandationsquisuiventreposentsurdeuxgrandsprincipes:l’interculturalisation du contenu de l’enseignement et le caractèreimpératifdecelui-ci.

LeComitédepilotageconstatequemalgréleseffortsfournis,ilresteunlongcheminà fairepour intégrerréellement ladiversitédanslesprogrammes scolaires. En particulier dans les cours de sciences humaines (histoire, géographie, littérature…), notre enseignement doit sortir de ses représentations encore fortement euro-centréesetdevenirvéritablementuniverselendonnant toute laplacequ’ellesméritentauxculturesextraeuropéennes.

Le Comité de pilotage insiste pour que soit donnée une placedanslesprogrammes,lesmanuelsetlesbibliothèquesscolairesàl’histoiredelacolonisation,del’immigration,desdiscriminations,ainsi qu’à lamémoire desminorités ethniques,culturelles et/oureligieusesprésentesenBelgique.

LeComitédepilotagerappelleàcetégardquecetterecommandationfiguraitdéjàenpartiedans lerapportde laCommissiondudialogueinterculturel,en2005.D’unepart,l’élargissementducontenudescoursdescienceshumainesestunenrichissementpourtouslesélèves,de

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Encequiconcernelesprofesseursdereligion,leComitédepilotagesoulignel’importance que ceux-ci suivent leur formation en Belgiqueou soient, si la formation s’est fait préalablement, pour le moinssuffisammentfamiliarisésaveclaréalitédelasociétébelgeetdesonsystèmededroit.

Enfin, le Comité de pilotage s’inquiète de voir que, dans certainesécoles, des élèves (ou leurs parents) remettent en question, parfoisde façonagressive, le contenudecertainesmatières, etnotammentlathéoriedel’évolution.Ceconstatdoitnéanmoinsêtresituédansuncontexte plus large. Il s’avère ainsi qu’une grande partie des élèvesn’estpas capable de reconnaître une thèse scientifique.Ceconstatest pour partie lié à la pénurie de professeurs de sciences ce quientraînelanécessitépourlesdirectionsscolairesd’avoirrecoursàdesprofesseurs issusd’autresdisciplines.Au regarddes contestataires,lasciencequ’onleurenseigneestsouventperçuecommedogmatiqueet participant d’une autre tradition que la leur. Il faut néanmoinspouvoirréagiradéquatement.L’approcheinterculturellenesignifiepasqu’il faille fairedesconcessionssur l’importancedesconnaissancesscientifiquesàacquérir.

LeComitédepilotagesoulignequel’acquisitiondecompétencesinterculturelles,dans leur formation initialeoupar lebiaisde laformationcontinuée,concerneégalementlesprofesseursdecoursscientifiques.

l’autre ilpeutcontribueràdonnerunsentimentdefiertéàceuxquisont issusdesminoritésethniques,culturelleset/oureligieuses,quisesentirontainsiplusconcernésparlamatièreenseignée.

LeComitédepilotageestfavorableàcequ’unecitoyenneté active et responsable fasse partie des socles de compétences enseignées.C’estdéjàlecasenFlandre7.EnCommunautéfrançaise,lapossibilitédel’intégrerdanslescoursestàl’étudedepuisledécret«Citoyennetéàl’école».

Parailleurs,encequiconcernel’organisationdecoursdereligionetdemoralelaïqueséparésdansl’enseignementofficieltellequ’elleestprévueparlePactescolaire,leComitédepilotagenemetpasencauseleurutilitédanslastructurationspirituelledesélèvesàl’intérieurdeleurpropretraditionconvictionnelle.Toutefois,cetteorganisationséparéea pour inconvénient d’empêcher une connaissance des différentestraditionset,afortiori, le dialogueentreelles.Orlescitoyensd’unesociétépluralisteetinterculturellenedoiventpasseulementconnaîtreleurpropretradition,maisaussicelledel’autre–ycomprislatraditionlaïque.Deleurpropreinitiative,denombreuxprofesseursdecoursdits«philosophiques»pratiquentdéjàcedialogue.Ilfautencouragercesinitiatives,maisellesnesuffisentpas.

Le Comité de pilotage recommande que, dans le respect descoursphilosophiquesetdemoralenonconfessionnelleexistants,soitfavorisél’enseignementcomparédesreligionsetphilosophiesd’unpointdevuephilosophique,anthropologiqueetsociologique.

Cetenseignementpeut,selonlescas,donnerlieuàl’organisationd’uncoursspécifiqueoutrouversaplaceenrevisitantlescoursgénéraux.

7��http://www.ond.vlaanderen.be/dvo/;�http://www.ond.vlaanderen.be/dvo/secundair/1stegraad/a-stroom/eindtermen/burgerzin/htm��

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La règle de l’utilisation de la langue officielle de l’enseignement nesignifie cependant pas que l’unilinguisme doive pour autant êtrepartoutettoujourslanorme.Desrecherchesdémontrentqu’unebonneconnaissancedelalanguematernelleconstitueunebasesolidepourapprendreunedeuxièmelangue(voireunetroisième,unequatrième…).À l’inverse, interdireà l’école l’utilisationde la languequiestparléeen famille n’entraîne pas forcément unemeilleure connaissance dela langueofficiellede l’école,aucontrairemême.Deplus, la languematernellevéhiculeaussitoutunpatrimoineculturel.Pourbeaucoupdejeunes,elleestunmoyendecommunication(parexempleavecleursparents)etunélémentindispensabledansledéveloppementdeleuridentitépersonnelleetplurielle.Reconnaîtreleurlanguematernelle,c’estreconnaîtrequiilssonteux-mêmes.

Les écoles doivent aborder le multilinguisme de fait de lapopulationscolairedemanièreréalisteetcohérente.L’écoleetlesparentssesoucientdelamaîtrisedelalangueofficielleetdelalanguematernelle.Laclasse,lacourderécréationetlaruesontdesuniversdifférentsdanslesquelsonutilisedeslanguesetdesregistres différents. L’important, c’est que l’école permette auxjeunes d’apprendre àmaîtriser tous ces registres et les y aide,sanspourautantcloisonnerlacommunication.

Certainesparmileslanguesparléesauseindesminoritésethniques,culturelleset/oureligieusessontreliéesàd’importantes languesdeculture,dontlamaîtrisepeutconstituerunatoutpournotreéconomieinternationale. Conformément à l’objectif d’interculturalisation,l’apprentissagedecertainesdeces languesdoitêtreproposéà tousles élèves. Seule cette option peut offrir une pleine reconnaissanceà ces langues qui peuvent être utiles à tous, tout en faisant partiedu patrimoine symbolique des élèves issus de certaines minoritésethniques,culturelleset/oureligieuses,mêmes’ilsnelesparlentpas.

Nousentendonspar«culturedel’école»lesconceptions,lesvisionset les usages qui sont en vigueur dans un milieu scolaire donné.Ceux-cipeuventavoirune incidencesur leschancesderéussitedesélèves issusdeminoritésethniques,culturelleset religieuses.Nousenexamineronstrois:leslanguesquisontparléesàl’école,l’attitudevis-à-visdesconceptionsreligieusesetphilosophiquesetlesrapportsaveclemilieuextrascolaire,notammentlesparents.

4.1. L’enseignement dans un contexte multilingue

La plupart des écoles fonctionnent aujourd’hui dans un contextemultilingue, en particulier dans les grandes villes. Outre la langueofficielle – le français, le néerlandais ou l’allemand – les élèvesintroduisentencontextescolairel’usaged’autreslangues,qu’ilsparlentdansl’espacepublicouenfamille.Certainsd’entreeuxneconnaissentpasbien,voiretrèspeu,lalangueofficielledel’enseignement.D’autreslamaîtrisent,maisparlentspontanémentuneautrelanguequandilssontensemble.Lesécolesrépondentgénéralementàcemultilinguismedefaitparunepolitiqueunilingueexagérémentrigoureuse:seulelalangueofficiellepeutêtreparléedansl’enceintedel’école,danslacommunicationentrelecorpsenseignant,lesélèvesetlesparents,aussibienenclassequ’àlarécréation.

Le Comité de pilotage recommande de poursuivre et mêmed’intensifierlesinvestissementsquisontconsentispourquetousles élèves maîtrisent la langue de l’enseignement. Les écolesdoiventdéfinirpourcelaunepolitique transversale,par-delà lesdifférentes matières. Le Comité de pilotage souligne toutefoisqu’unetelleapprochedoitêtrepositiveetstimulante.L’objectifn’estpasdesanctionnerlesélèvesquiontdesdifficultéslinguistiques,même–etsurtoutpas–danslescoursoùilsexcellent.

La culture de l’école4

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D’autrepart,descasdepressions(pourinterdirelefoulardetc.)ou,àl’inverse,deprosélytisme(pourporter le foulardetc.)ontégalementété signalés au Comité de pilotage. Dans certains quartiers, celas’observe aussi aux alentours de l’école. Le phénomène ne touchepas uniquement les personnes de confession musulmane; d’autrescommunautés sont également concernées.Onpense ici notammentauxcourantsévangéliquesetaux«Eglisesduréveil».

Le problème est désormais bien connu et a déjà été débattu à demultiplesreprises.Ledébat,trèssouvent,estravivéàlasuited’unedécision judiciaire. Ilestvraique lapositiondes tribunauxn’estpasunivoque.

Jusqu’ici,lelégislateuratoujourschoisidenepasprendrelui-mêmed’initiatives et de laisser le soin aux pouvoirs organisateurs dans lesecteurdel’enseignement,c’est-à-direenpremierordreauxécoles,de décider de leur ligne de conduite. Cette retenue législative n’apas simplifié les choses. On assiste aujourd’hui à une profusion demesures,derèglesetderèglementsqui,danslesfaits,ontgénéralisél’interdiction du port de signes convictionnels, en particulier en cequiconcerneleportdufoulardislamique(et,parextension,d’autressignesreligieuxcommeleturbanoulakippa).Celui-ciestactuellementinterditdansprèsde95%desécolesdelaCommunautéfrançaise,tantpour lesenseignantsquepour lesélèves.EnFlandreaussi,deplusenplusd’écolesmarquentunenettepréférencepouruneinterdictiongénéraliséedetoutsigneconvictionnel.Laraisonlaplusfréquemmentinvoquéeestd’éviter leprosélytismeou lespressionssur les jeunesfilles.

Composéàl’imagedupaysageconvictionneldelasociété,leComitédepilotages’est,dansunpremiertemps,diviséquantàlanaturedesmesures qui permettraient de sortir de l’équivoque et de l’impasseactuelle. Si tous ses membres adhèrent aux principes de libertésindividuelles(dontcelledereligion),deneutralité(dansl’enseignementofficiel) et de pluralisme et reconnaissent que le rôle fondamentalde l’école est d’assurer l’émancipation des élèves et de former desadultescapablesd’autonomie,leurspositionsdivergentquantàsavoirquelestlecadrequirespectelemieuxl’espritdecesprincipesetde

Le Comité de pilotage propose qu’un enseignement desprincipaleslanguesstandarddespaysd’originesoitorganiséenparallèle avec d’autres langues étrangères et selon lesmêmesmodalitésqu’elles, c’est-à-dire sous lemême intitulé« languesétrangères»etàdestinationdetouslesélèves.

4.2. Les convictions religieuses et philosophiques à l’école

Indépendamment des cours dits « philosophiques », la place desconceptionsreligieusesetphilosophiquesdanslapratiquequotidiennede l’école donne lieu ces dernières années à de vigoureusescontroverses. Les principes qui sont en jeu sont, d’une part, laneutralitépourcequiconcernel’enseignementofficielet,d’autrepart,laliberténotammentreligieuseetlepluralismequisontlarègledansunesociétédémocratique.

Laneutralitédel’enseignementofficielestl’unedespierresangulairesduPactescolaire,quimitunterme,en1958,àla«guerrescolaire»qui avait opposé les réseaux catholiqueet officiel.En vertude cetteneutralité, l’institution scolaire officielle ne peut pas elle-mêmemanifester de conviction philosophique ou religieuse, mais doit enmêmetempspermettrel’expressiondesconvictionsdesesélèvesetdeleursparents,etlesrespecter.

Dans lenouveaucontexte intercultureld’aujourd’hui, l’applicationdecette neutralité de l’enseignement officiel est l’objet de discussions.Lescontroversessesontconcentréessurl’enseignementsecondaire.De plus en plus d’écoles veulent restreindre ou interdire le droitd’exprimer certaines prescriptions vestimentaires d’une religion, enportant par exemple un foulard ou un turban, alors que de plus enplusd’élèvesrevendiquentcemêmedroit.Ilyaaussidesdemandessporadiquespourquesoitproposéelanourriturehalaloukasherauréfectoire.

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Notons que cette recommandation, indépendamment du fait qu’ils’agitd’uncompromisentredeuxpositionsopposées,peutsolidements’argumenter pour elle-même. Aujourd’hui, en Belgique, un jeunepeutêtreamenéà témoignerdevantunTribunalàpartirde12ans.Lamajoritésexuelleestfixéeà16ans,maissurcertainsaspectselleestabaisséeà14.Lamajoritépénaleestfixéeà18ans,maiscertainsproposentdelaramenerà16.Enfin,desparlementairesdeplusieurspartissouhaitentabaisserà15ansl‘âgeauquelunmineurauraitledroitdedemanderuneeuthanasiepour lui-même.Lasociétédonneainsidemultiplessignesdereconnaissancequ’unâgedelamaturitéestatteintautourde15ans.

Parailleurs,cedébatnesauraitêtretransposéàl’enseignementnonobligatoire, notamment l’enseignement supérieur et l’enseignementdepromotionsociale.Cetenseignements’adresseàdesadultes,ceux-cidisposentdu librearbitreetdoiventêtrecomplètement respectésdansl’exercicedeleurslibertés.

LeComitédepilotages’inquiètedesrèglementsd’interdictiondeportdesignesconvictionnelsqui semultiplientdans lesHautesécoles de l’enseignement officiel. Il rappelle que, s’agissantd’adultes,lalibertéd’expressionestundroitfondamental.Ilsaluelesuniversitésquirespectentscrupuleusementceprincipe.

Quellequesoitlasolutionfinalementchoisie,ilfautqu’elles’appliqueleplus largementpossibleà tous lesétablissementspouréviter leseffets délétères du « marché scolaire » où le sort fait aux signesconvictionnelscontinueraitàêtreunfacteurdedistinctionentre«écolesd’élite»–d’oùcessignesseraientbannis–et«écolesderelégation»–oùilsresteraientautorisés.Lesétablissementsduréseaulibre,quiscolarisent la majorité des enfants, devraient être associés à cettepréoccupation.

cet objectif. Pour certains, l’école doit garantir que les adolescentsdontellealacharge,puissenteffectuerleurscolaritéàl’abridetoutepressionobjectiveousubjective,cequipostule,àleursyeux,notammentl’interdiction du port de signes convictionnels pour les élèves. Pourd’autres, le souci d’émancipation des élèves doit commencer parrespectercequistructureleplusintimementleurpersonnalité,cequiimpliquel’autorisationdesmêmessignes.Toutefois,pourunemajoritédesmembresduComitédepilotage,etsansrenierleurpositiondedépart,lefaitdedevoirtrancherentredeuxpositionsaussiradicalementopposéesnesauraitconstituerunélémentd’apaisementdansune situation tendueà l’extrême. Il ne s’agit passeulementd’imposerunpointdevue, ils’agitaussiquecelui-cisoitjugéacceptableàlafoisparunemajoritédenotrepopulation,dontlesgroupeslesplusexposésàladiscriminationetàlastigmatisation.Seuluncompromiséquilibrépeutaussiéviterdescascadesderecoursenjusticedontpersonnenepeutprévoirl’issue.

C’est pourquoi, sur cette question extrêmement sensible, le Comité de pilotage se rallie à une solution de compromis et invite le législateur à la suivre.

Cette solution doit être proposée par voie décrétale de façon às’appliquer à tous les établissements de l’enseignement officiel, lasituationactuelleoùseulesquelquesraresécolesautorisentencoreleportdufoulardislamiqueensetransformantdecefaiten«écoles-ghettos»étantjugéeintolérableparlatotalitédesmembresduComitédepilotage.

Enmatière de signes convictionnels à l’école et dans le cadredel’enseignementobligatoire,leComitédepilotagepréconiselalibertégénéralisée8duportdesignesconvictionnelsparlesélèvespourlestroisdernièresannéesdel’enseignementsecondaire,etl’interdictioncomplètejusqu’autroispremièresannéesduniveausecondaire.Cesrèglesdoiventêtre formuléesparvoiedécrétalepourassurerleurgénéralisation.

8��Dans�les�limites�qui�s’appliquent�à�l‘exercice�de�toute�liberté�fondamentale,�il�s’entend.

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Le Comité de pilotage préconise une réforme du calendrierscolaire, afin que celui-ci tienne compte de fêtes culturelles oureligieusesquinesontpasliéesàuneseuletradition.Àcôtédesjoursdecongés«séculiers»(1erjanvier,1ermai,21juillet…),ilyalieudetrouverunéquilibreentrelesfêteschrétiennesetcellesd’autrescourantsreligieuxetphilosophiques.

Le Comité de pilotage est conscient du poids des habitudes qu’unetelle recommandation est susceptible de bousculer. En outre, touteréformeducalendrierscolairedoitêtrecoordonnéeavecuneréformeducalendriercivilquenousrecommandonségalement10.

La place des conceptions religieuses et philosophiques en contextescolaire prête également à discussion sur un autre plan tout à faitpratique, à savoir en lien avec certaines prescriptions alimentaires.Certainsélèvesouleursparentsdemandentàl’écoledetenircomptedecelles-ci.Dansquellemesureunétablissementscolaireest-iltenudefairedroitàcesdemandes?

4.3. Relations avec le milieu extrascolaire: parents, associations, relais locaux, quartier

Enfin,ilestimportantquel’écoleentretiennedesrelationsconstructivesavec tous les acteurs extérieurs directement ou indirectementconcernés:parents,familles,habitantsduquartier...

Les parents sont des partenaires incontournables de l’école toutcomme l’écoleestunpartenairedans l’éducationdesenfants. Il estdonc importantdeviserunebonnecommunicationentreeuxetuneparticipationactivedesparentsàlaviedel’école.

LeComitédepilotagepréconisequ’aucoursduprocessusquidoitmeneràlapromulgationdedécretsorganisantleportdesignesconvictionnelsàl’école,unespacedeconcertationsoitouvertavecl’enseignementlibreavecl’objectifd’unifierautantquepossiblelamanièredontlesdifférentsréseauxabordentcettequestion.

Mais la question de la place des conceptions religieuses etphilosophiquesdanslapratiquequotidiennedel’écoleneselimitepasauportdesignesconvictionnels.Ilestaussifréquentquedesélèvesoudesparentsdemandentàl’écoledetenircomptedefêtesreligieuses.

Enmatièred’agencementducalendrierscolaireenFlandre, ilexistedéjàunedispositiondécrétaledu8 juillet 2005 relative aux joursdefêtedansl’enseignementdelaCommunauté9(«Afwezighedenenin-en uitschrijvingen in het voltijds gewoon secundair en het deeltijdssecundair onderwijs »): moyennant une déclaration des parents ouundocumentofficiel,lesélèvesontdroitàuneabsencejustifiéepourparticiperàdesjoursdefête«inhérentsàlaconvictionreligieusedel’élève tellequ’elleestreconnuepar laConstitution».LeComitédepilotageplaidepourque lesystèmed’absences justifiéesenvigueurenFlandreserved’inspirationpourl’enseignementdelaCommunautéfrançaise.Avectoutefoiscetteimportanteréservequesicettedispositionestsusceptibledemettreempiriquementplusd’égalitéentrelesélèvesqui professent diverses convictions religieuses et philosophiquesreconnues,ellen’assuretoutefoispasuneégalitéendroitàtoutescesconvictions, puisque les congés d’inspiration chrétienne s’imposentà tousensemaintenant commeréférence.C’estpourquoi il faut sedonnerunobjectifplusambitieux.

10��Voir�Chapitre�II.39�http://www.ond.vlaanderen.be/wetwijs/thema.asp?id=209�

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Les pouvoirs publics peuvent aussi prévoir des incitants (financiers)pour que les écoles et d’autres organisations mettent sur pied, làoùc’estutile,des cours de la langue officielle en vigueur (français, néerlandais ou allemand)pourlesparentsdontcen’estpaslalanguematernelle.Laplus-valuedecetteinitiativesesitueraitsurdifférentsplans:lesparentsaméliorentleurpratiquedelalangueofficielle,enparticulier dans le contexte scolaire (vocabulaire et situations liés àlaviede l’école).Enmêmetemps,cescourspeuventêtre l’occasiond’aborder des aspects informatifs (par exemple, des difficultés parrapport au choix des études) et supprimer certaines entraves à lacommunicationentrelesparentsetl’école.La réussite scolaire d’un enfant ne devrait jamais être tributairede l’attitude de ses parents. La mission de l’enseignement doit précisément consister à donner à chaque enfant les mêmes chances d’épanouissement, quelle que soit sa situation familiale.S’ilestbonderesponsabiliserlesparents,celanepeutjamaissefaireauxdépensde l’enfant. L’objectif ne doit pas être d’imposer des normes auxparents,maisbiendefavoriserledialoguesurlascolaritédesenfantsetd’ouvrirdespossibilitésdeparticipation.

Lesecteur associatifetcertainsacteurs locaux peuventjouerunrôleclépourrapprocherl’écoleetlesparents.Certainesécolesfontdéjàappelàdesmédiateursprofessionnelsquisontchargésdesuivreetde(re)mobiliserdesélèvesirréguliers,d’intervenirlorsdeconflits,desensibiliserdesfamillesetdelesencadrerpourqu’elless’investissentdanslascolaritédeleursenfants.Cecisefaitencollaborationétroiteavecd’autresacteursconcernés,commeparexemplelesassociationsquifontdusoutienscolaire.

Le Comité de pilotage constate qu’il y a actuellement un manquede reconnaissance des relais locaux et que leur position n’est passtructurellementancréedanslepaysagedel’enseignement.

Danslapratique,lescontactsentrel’écoleetlesparentsnesepassentpastoujourstrèsbien.Mêmesi,enrèglegénérale,lesparentsd’élèvesissusdeminoritésethniques,culturelleset/oureligieusesontunevisionpositivedel’enseignement,nombred’entreeuxviventdifficilementlesrapportsaveclesdirectionset lesenseignants.Cesderniersattirentégalementl’attentionsurlesdifficultésdecommunicationaveceux.

LeComitédepilotageplaidepourquechaqueécoledéveloppeune politique positive d’implication des parents, avec une visionclaireetunprogrammedecommunicationetdeparticipation.

Untelprogrammepourraitcomprendrelesélémentssuivants:

•Des informations accessibles.Touteslesécolesdevraients’assurerdel’accessibilitédeleurmatérield’informationetdecommunication.Les organes de coordination de l’enseignement et les comités deparentsontunrôleimportantàjoueràcetégard.•LeComitédepilotageplaidepourunepolitique linguistique flexiblevis-à-visdesparents.Lalangueofficielleesttoujourslaréférenceetonestendroitd’attendredesparentsuneattitudepositivevis-à-visde cette langue.À l’inverse, l’écoledoit aussi adopteruneattitudepositive vis-à-vis des autres langues. Ainsi, il est inacceptabled’obligerlesparentsàneparleraveclesenfantsquelaseulelangueofficielleàlaportedel’écoleoumêmeàlamaison.Lacommunicationaveclesparentspasseavantlesprincipeslinguistiques.•Lesécolesdoiventprévoiraussibiendescanauxformelsdecontactetdeparticipation(momentsderencontre,comitédesparents,conseild’école…)–etlesinterculturaliser–quedespossibilitésdecontactsinformels (comme une petite conversation à l’entrée de la classeou lors d’une fête scolaire). Elles doivent être attentives à ce quel’informationcirculedanslesdeuxsens.Eneffet,lesécolesoublientsouventquelesparentspeuventaussiêtredessourcesd’informationutiles.

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Le Comité de pilotage souligne la plus-value que peuventapporterlesmédiateursinterculturels,lesservicesdetraductionetd’interprétariatenmilieusocialetd’autresrelaislocaux,notammentissusdesminoritésethniques,culturellesetreligieuses.Ilconvientdesouteniretdevaloriserleuraction,cequiimpliquenotammentdeleurdonneruneplacestructurelledansl’enseignementetunvéritablestatutuniformisé(qualifications,dénomination,…).

EmploiIntroductionNousavonsfaitauchapitreprécédentleconstatinquiétantquelesélèvesissus deminorités ethniques ou culturelles réussissaient nettementmoinsbienàl’écolequeleurscondisciples.Malheureusement,maisdefaçonassezlogique,onretrouvecemêmeécartdanslesstatistiquesrelatives à la participation au marché de l’emploi. Près de quatreadultessurdixd’originemarocaine,turque,algérienneoucongolaisesont actuellement sans travail. Dans certains quartiers, notammentà Bruxelles, où ces minorités sont fortement représentées, le tauxdechômagedépasseles50%.Danslemêmetemps,10,3%desactifssontsansemploiparmilapopulationd’originebelgeet16%parmilesBelgesnaturalisés11.

On assiste en outre à ce qu’on appelle une « ethnostratification »du marché de l’emploi : les personnes d’origine européenne sontsurreprésentéesdans les segments supérieurs (lemarchéprimaire)alorsquecellesquisontissuesdel’immigrationnoneuropéenne(qu’ilspossèdentounonlanationalitébelge)seconcentrentdavantagedansles segments inférieurs (lemarché dit secondaire). En comparaisonaveclemarchéprimaire,cemarchésecondairesecaractériseparunrisquedechômageplusélevé,dessalairesplusbas,demoinsbonnesconditionsdetravailetuneplusgrandeprécaritédel’emploi.Autrementdit,lesadultesissusdeminoritésethniquesouculturellesontsouventnonseulementplusdemalàtrouverdutravail,maisaussiàlegarder.

11��Source� :� L’ascenseur� social� reste� en� panne.�Performances� des� élèves� issus� de� l’immigration� en�Communauté�Française�et�en�Communauté�Flamande,�Fondation�Roi�Baudouin,�mai�2009

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1 Lutter contre les discriminations

Ce chômage élevé a de lourdes conséquences, et pas seulementpourles intéresséseux-mêmes.L’exclusiondelavieprofessionnelleentraîneaussiuneexclusionpluslargedelaviesociale,surtoutparmilesjeunes.Ceux qui s’inquiètent de l’intégration, de la radicalisation et de la constitution de « ghettos » ne doivent pas se focaliser uniquement sur la langue, la religion et la culture, mais chercher à développer davantage une politique économique d’inclusion pour les personnes appartenant à des minorités ethniques, culturelles ou religieuses dans l’espace public et sur le marché de l’emploi.

LeComitédepilotageestconscientqueplusieursmesuresontdéjàété prises qui œuvrent en ce sens. Mais il s’inquiète de la lenteuravec laquelleellesproduisent leurseffets.C’estcequinouspousseà formuler ici des propositions complémentaires, volontaristes etambitieusesafindedésamorcer cequi autrement risquededevenirunebombesocialeetéconomiqueàretardement.

À formationégale,desécartsconsidérablessubsistententre le tauxde chômage, d’une part, des ressortissants européens (d’origine)et, d’autre part, des personnes issues des minorités ethniques etculturelles,desnouveauxarrivantsetenfindespersonnesdenationalitéétrangère.Lespersonnesrattachéesàcesminoritésquisonttitulairesd’undiplômedel’enseignementsupérieurrisquentenmoyennedeuxfoisplusdeseretrouverauchômagequelesautresBelgesdemêmeniveaudediplôme.Pourlespersonnesd’origineturqueetmarocaine,cerisqueestsixfoisplusélevé.Etpourlesautresétrangers(horsUE),ilestquatrefoisplusgrand.Enfin,lestravailleursissusdeminoritésethniques,culturellesetreligieusesetlesnouveauxarrivantsexercenttroisàquatrefoisplussouventdesemploisàtempspartieloudesjobsintérimaires12.

Cesconstatsrappellentl’importancedesmesuresquipermettentdecombattrelesdiscriminations sur le marché du travail.Toutefois,lespratiquesincriminéesnesontsouventpasaisémentdécelables.

À tous les stades de la vie professionnelle - que ce soit lors de laprocédure de recrutement, durant l’emploi proprement dit ou aumoment du licenciement - les candidats et les travailleurs issus deminoritésethniques,culturelleset/oureligieusessontsouventtraitésdifféremment. Il arrive que des pratiques pour le moins douteusessoientmisesenœuvrepourlesécarter,commel’exigenceclairementdisproportionnéed’avoirlefrançaisoulenéerlandaiscommelanguematernelle,alorsqu’unebonnemaîtrisedecettelanguesuffiraitpourl’emploiproposé.Desaspectsplussubjectifspeuventégalementjouer,commelapersonnalitédeceluiquifaitpasserl’entretiend’embaucheetquipeutêtreinconsciemmentinfluencéparsespréjugésenverslespersonnesissuesdeminoritésethniques,culturelleset/oureligieuses.On ne généralisera pas, bien évidemment, mais le constat que cessituationsseproduisentencoreaujourd’hui,méritequel’onyprêteuneattentiontouteparticulièreetsurtouttrèscritique.

12��Ibidem

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àl’article9delaConventioneuropéennedesdroitsdel’Hommeetdeslibertésfondamentales.LeComitédepilotageestconscientqueplusieursinitiativeslouablesontdéjàétéprisespourluttercontrelesdiscriminations,notammentdansl’applicationdelaloiantidiscriminationdu10mai2007.Lespropositionsquisuiventontpourbutderendreplusefficaceslesmesuresexistantesetdelescompléteroud’enproposerdenouvelles.

1.1. Un monitoring socio-économique

Onnepeutpasluttercontrelesdiscriminationssanslesobserver.Etonnepeutpaslesobserversansdisposerd’instrumentsobjectifspourlesmesurer.

À la demande de la Conférence interministérielle « Emploi », uninstrument statistiquea été élaborépar leCentrepour l’égalité deschancesetlaluttecontreleracismeetrendupublicen2007souslenomde«monitoringsocio-économique».Cetinstrumentintègrelesdonnéesobjectivesd’oresetdéjàdisponiblesdanslesregistresdelapopulationet auprèsde laBanque-Carrefourde laSécurité sociale.Ces données renseignent la nationalité et l’origine nationale. En lescroisant, ilestpossiblededessiner l’imagede ladiversitéseloncescritèresauseindessecteursoudesentreprises,etdoncdemettreenévidenceleslieuxoùladiscriminationdefaitestlaplusproblématique.Cemonitoring,quirespectescrupuleusementlavieprivéeetl’anonymatdespersonnes,aétésoumisauxpartenairessociauxetauxRégions.Ànotreconnaissance,après troisans, leprojetavance.Toutefois, leComité de pilotage insiste pour que lamise en place soitmenée àtermeetdanslesmeilleursdélais.

Le Comité de pilotage est conscient que le monitoring socio-économiquen’estpasapteàmesurerladiversitédansl’emploiselontous les critèrespouvantdonner lieuàdiscrimination.Parexemple,lafaiblereprésentationdepersonnesissuesdeminoritésreligieusespourraitnepasêtrecorrectementappréhendée.Maistouteextension

Sur le lieu de travail, les problèmes qui se rapportent à l’identitésontdenaturediverse.Lesétudesquenousavonspuconsulterdansle cadre des Assises fontmention de plusieurs types de situations,certainessontliéesaucontexteconcretdulieudetravail,d’autresenrevanchesontdenaturestructurelleetrequièrentdoncdesmesuresadaptées. Dans la première catégorie, on s’inquiétera par exemplede certaines plaisanteries plus ou moins de bonne foi à propos del’identité religieuseouethniqued’unepersonne, et qui peuvent êtreressentiescommeparticulièrementblessantesparletravailleurvisé.Ilpeutenrésulterdestensionsentrecollègues,quisontelles-mêmespréjudiciablesau«vivreensemble»auseindel’entreprise.Denatureplusstructurelleestl’expériencediteduplafonddeverrequefont,àl’instar des femmes, des personnes issues de minorités ethniques,culturellesetreligieusesetquiempêcheleurpromotionàdesfonctionsplusélevées.Autreexempledeproblèmesurleplanstructurelestleconstat-souventdénoncé-quecesontenparticulierlespersonnesissuesdeminoritésethniques, culturelleset/ou religieusesqui sontpremièresvictimesdeslicenciementsencasderestructuration.

Uneautreréalitéquipourraitinquiéterd’unpointdevueinterculturelestl’évocationduprincipe de neutralité dans des entreprises privéesquiexigent,àl’instardecertainspouvoirspublics,quelesmembresdeleurpersonnelneportentaucunsigneconvictionnel.Lessituationsnesont,bienévidemment,pasidentiquespourtouslestypesd’entreprises,certaines entreprises de droit privé remplissent des missions deservices publics (écoles libres, associations, etc.), d’autres exercentdes activités qui supposent une déontologie spécifique (formation,recherche,santé,etc.).Quellequesoitl’attitudeprisedansledébatsurlaneutralitéquis’imposeauxservicespublics13,laneutralitén’estpasuneobligationlégalepourlesentreprisesprivées–notammentcellesdontlesactivitéssontpurementcommerciales14–etilfautdoncéviterqu’elle soit arbitrairement opposée à « la liberté demanifester sareligionousaconvictionenpublicqu’enprivé»,garantienotamment

13�Voir�Chapitre�III.3.�14��La�question�des�entreprises�de�droit�privé�qui�prestent�des�missions�de�service�public�est�abordée�dans�le�chapitre�«�Gouvernance�»�

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1.2. L’établissement de quotas

Onsaitcombiensensibleestlaquestion(del’instrument)desquotas,ceux-cidoiventêtrescrupuleusementsoupesésàlalumièredurisqued’entrainerd’autresformesdediscriminations.LapropositionqueleComitédepilotageformuleici,etquiconsisteàétablirdes«quotas»d’embauchepourlespersonnesissuesdegroupesdiscriminés,partageune même logique que la proposition précédente de « monitoringsocio-économique».Eneffet,ilnesuffitpasd’inciterlesemployeursàneplusdiscriminer, l’exempledes«plansdediversité»auxquelsà ce jour n’ont souscrit qu’un nombre limité d’entreprises sur basevolontairemontreleslimitesd’uneapprochebaséesurlaseulebonnevolontédesemployeurs.

Enselimitantauxseulescatégories«objectives»tellesqu’ellesontétédéfiniesdanslemonitoringsocio-économique(nationalitéetorigine),leComitédepilotageestimequelespouvoirspublicsdoiventdonnerl’exempled’unepolitiqued’embauchecorrectriceauxfinsderestaureruneégalitéentrelesdiversespopulationsdenotrepays.

Le Comité de pilotage plaide pour que les pouvoirs publicsélaborent un système de quotas, temporaires dans le temps,qui, tout en prenant soin de respecter les limites posées parle principe constitutionnel et les modalités d’interdiction dediscrimination, permettent le recrutement de personnes issuesdesminorités.Concrètement,leComitédepilotagerecommandeau Gouvernement fédéral de finaliser dans lesmeilleurs délaisl’arrêtéroyalprévudanslaloiantidiscriminationdu10mai2007,etfixantlesconditionsdesactionspositives.

LeComitédepilotageneplaidebienévidemmentpaspourquedescandidats qui ne conviennent pas pour un emploi soient néanmoinsengagés,uniquementenraisondeleurnationalitéoudeleurorigineétrangère.Ils’agitplutôtpourlespouvoirspublicsdemontrerlebonexemple en s’obligeant à rechercher des candidats dans le groupediscriminéetquipossèdentleprofiladéquat.

dumonitoring à d’autres catégories est questionnée tantôt par desdifficultés techniques - commentmesurerde façon indiscutabledesdifférencessubjectives?-,tantôtpardesobjectionsdeprincipe-est-iléthiquementacceptabledeclasserlespersonnessurdetellesbases?Lesmembres du Comité de pilotage divergent entre eux quant à lapossibilitéderésoudreàbrefdélaicesdifficultésetderéfutertouteslesobjections:ilestdoncnécessairedecontinuerlaréflexionsurun«monitoringdel’égalité»permettantdemesurerlesdiscriminationsfondéessurdepluslargescritères(commelacouleurdepeauoulesconvictionsreligieuses).

Mais tous se retrouvent dans l’affirmation de l’urgence à mettreen place un outil, sans doute imparfait,mais susceptible de donnerdes informations indispensables sur l’état d’un certain nombre dediscriminations dans l’emploi fondées sur des critères « objectifs »(comme la nationalité ou l’origine), informations sans lesquellesaucunepolitiquecibléedeluttecontrelesdiscriminationsnesauraitêtremenéeenprofondeur.

LeComitédepilotageinsistepourqueleprojetdemiseenplaced’un système de «monitoring socio-économique » soitmené àtermeetdanslesmeilleursdélais.Cemonitoringestlaconditionminimale indispensable pour objectiver la discrimination dansl’emploietengagerdesmoyensadéquatsafindelafairereculer.

Par ailleurs, le Comité de pilotage conseille d’étendre le champd’applicationde la loi du22décembre1995 «portantdesmesuresvisantàexécuterleplanpluriannuelpourl’emploi».Cetteloiobligechaque entreprise, au moment du dépôt de ses comptes annuels,àdonnerun relevédesonpersonneletdesmouvementsqui y sontintervenus. Le Comité de pilotage propose aux partenaires sociauxd’étudier les possibilités de communiquer à cette occasion des informations sur la diversité au sein de l’entrepriseenprenantsoind’examinerdansquellemesureune telle informationpermettraitdecontribuer à la lutte contre les discriminations dans le secteur del’emploitoutenrestantdansleslimitesdurespectdelavieprivée.

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des entreprises est nécessaire. Il s’agit d’un processus évolutif; leprésenttexteapourbutdeformulerdesrecommandationsindiquantlabonnedirection.»

LeComitédepilotageseréjouit,bienentendu,vivementdesavancéesque les partenaires sociaux ont accomplies,même s’il est vrai que,en pratique, les cas d’application concrète de la Convention se fontattendre. Mais des améliorations sont nécessaires. La principaleobjectionestquelesrecommandationsducodedenon-discriminationsontencoretropvagues.Enpratique, lesemployeurs indifférentsouhostilesàcecodepeuventtrèsbienlesigneretensuitel’ignorer.

LeComitédepilotageconseilleauxpartenairessociauxd’amenderlesCCTn°s38et95auxfinsd’y fairefigurerdesmesuresplusprécisesenmatièred’égalitéetdenon-discrimination.

Le Comité de pilotage formule également une recommandation àl’adresseduMinistredelaJusticeconcernantlacirculaireCOL6/2006desprocureursgénéraux,quidéfinitunsystèmededétectiondescasde racismeet dediscrimination.Les critèresqui y sontmentionnéssontfortementaxéssurdesfaitsderacismeaisémentconstatablesetpunissables.Orleracismepeutaussiêtreplussubtiletdoncindétectableaumoyendecetoutil-là.Enpratique,lesplaintespourdiscriminationnebénéficientsouventpasencoredelaprioritérequise.

LeComitédepilotagerecommandeauMinistredelaJustice,encollaborationavecleCollègedesProcureursgénéraux,d’adopterunecirculairepourinsistersurlecaractèreprioritairedelaluttecontreleracismeetladiscrimination.

Ces mêmes quotas pourraient aussi s’appliquer aux entreprisespubliquesouauxentreprisesprivéesquisouhaitentaccéderàcertainsmarchéspublics.

LeComitédepilotageestconscientquecetterecommandationn’apporteaucuneréponseàladiscriminationquivisedescaractéristiquesnonobjectivables–commelaconvictionreligieuseoul’ethnicité.Ilestimetoutefois qu’il est indispensable que les pouvoirs publics posent ungeste volontariste qui puisse contrer de manière mesurable desdiscriminationsquipersistentdepuistroplongtemps.

1.3. Affiner les Conventions collectives de travail

Ungrandnombred’entreprisesetd’organisationspossèdentdéjàunrèglement du travail qui contient un code de non-discrimination. Laconventioncollectivedetravail(CCT)nationalen°38prévoitelleaussinonseulementl’interdictiondetoutediscriminationdanslecadred’unrecrutement et d’une sélection,mais également un certain nombrede règles de comportement pour les recruteurs, les employeurs etlescandidats.UnetelleCCTnationaleestconclueauseinduConseilnationalduTravail,unorganecomposéparitairementd’organisationssyndicalesetpatronales.Elles’appliqueenprincipeàtouslessecteursdel’économie,maisrestesubordonnéeàlalégislationenmatièredetravailoudenon-discrimination.

Danslecadredel’accordinterprofessionnel2007-2008,lespartenairessociauxavaientfaitconnaîtreleurintentiond’étendrel’interdictiondediscriminationdecetteCCTn°38(recrutementetsélection)àtouteslesphasesdelarelationdetravail.IlsontchoisidemoderniserlaCCTn° 38 et de conclure parallèlement une nouvelle CCT nationale 95,quiportesurtouteslesphasesdelarelationdetravail.AupointIdel’annexeàlaCCTn°38,lespartenairessociauxaffirment:«L’inégalitédetraitementn’apastoujourslieudemanièretotalementconsciente.Ilpeuts’agird’habitudesbienancréesoud’exigencesdelafonctionquisontdépassées.C’estlaraisonpourlaquelleunengagementconscient

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1.5. Centraliser les plaintes

Le Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme(CECLR)enchargede la lutte contre lesdiscriminations, fonctionnedepuis 2009 avec un nouveau système informatique, Metis, quicentraliselesplaintespourracismeetdiscrimination.

L’avantage est que d’autres acteurs peuvent également utiliser cesystèmeetquediversesdonnéespeuventêtrecombinées.Celapermetdeconcluredesprotocolesdecollaborationavecd’autresinstitutions.Ainsi,unpartenariataétémissurpiedavecActirisetavecl’InspectionduTravailduSPFEmploi.

Metis suppose par définition des protocoles de collaboration.Aussi, le Comité de pilotage soutient cette dynamique decollaborationetinviteàcequed’autresprotocolesdecollaborationsoient conclusentre leCECLRet certaines institutions, telsquelesservicesd’insertionprofessionnelle(VDAB,Forem),lespointsde contact « anti-discrimination », ainsi qu’avec les partenairessociaux et les organisations qui luttent contre le racisme et lesdiscriminations.

Pourcequiconcerneplusspécifiquementl’emploi,leComitédepilotagedemandeauxservicesde l’inspectionsocialed’accordertoute leur attention aux situations de discrimination souventsubtiles dont sont victimes les travailleurs issus de minoritésethniques,culturelleset/oureligieuses.

1.4. Le Curriculum vitae anonyme

Le Curriculum vitae (CV) anonyme est unmoyen de contourner lesconsignes discriminatoires de certains employeurs. Ceux-ci nepourraientplusécarterunesollicitationsurbased’uneidentitéethnique,culturelleet/oureligieusesupposée,lesélémentsnécessairesàunetellesuppositionétantprotégésparl’anonymatduCV.

Onremarqueraquecettesuggestionn’estpastoujoursaccueillieavecenthousiasmeparlescandidatsàunemploi,carloinderemettreencausedirectementlescausesdeladiscrimination,ellepèsesursesvictimesen leur infligeant la violencesymboliquede la cécité. Il esttoutefois recommandé d’exploiter cette technique comme un outilparmid’autresdelaluttecontrelesdiscriminations.

En Belgique, un arrêté royal entré en vigueur en octobre 2005 aofficialisé l’utilisationduCVanonymedans l’administration fédérale.La Région bruxelloise envisageait récemment de l’introduire danssa propre administration. En France, le recours au CV anonyme estobligatoiredepuis2006danslesentreprisesdeplusde50personnes,maisledécretd’applicationsefaitattendre.

Le Comité de pilotage recommande aux partenaires sociauxd’envisagerd’introduirelaprocéduredesélectionanonyme–sansnom,nationalitéouphoto–pourlesentreprisesoccupantaumoins50personnes.

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possibledemodifierlarèglepourévitersesconséquencesnéfastesouindésirables.Dansd’autres,c’estimpossible.Ilfautalorsprévoirdesaménagementsparticulierspourquel’égalitédetousdevantlarèglepuisseêtreétablie.

Initialement, ces aménagements particuliers – qui concernentprincipalementl’emploimaispeuventaussis’appliqueràl’écoleetausecteurditdes«biensetservices»(santé,logement,loisirs…)–ontétéenvisagésuniquementenfaveurdespersonneshandicapées.Celles-cipeuvent,malgréelles ilestvrai,seréclamerd’unecaractéristique«objective».Selonlaloidu10mai2007,c’estmêmelaseuleobligationlégaled’«aménagementraisonnable»quiestprévue.Précisonsquecette obligationd’aménagementn’est pasabsolueet qu’ellenedoitpasimposerune«contrainteexcessive»àl’employeur,celle-cidevants’évalueraucasparcas.

Un des objectifs des Assises étant, comme nous l’écrivions enintroduction,de«[…]promouvoirlarichessedescultures,laréussitedesinsertions,dumétissagedelasociété,lavalorisationdestalents[…] », il était légitime que le Comité de pilotage se penche sur laquestion de la transposition de l’approche des aménagements enfaveur de personnes faisant état d’une appartenance culturelle oud’uneconvictionreligieuseouphilosophique:peut-oncontraindreunemployédereligionjuiveàtravaillerlesamedialorsqu’ilestpossibled’aménagerseshorairesdeprestation;peut-oninterdireparprincipeàuntravailleurdereligionmusulmaned’effectuersesprièresaucoursdesajournéedetravailsilanaturedesesprestationsetlaconfigurationdeslieuxlepermettent?

Cesaménagementspeuventemprunterplusieursvoies.Lapremière,àprivilégier,estcequelesQuébécoisappellentla«voiecitoyenne»etquiviseàlarecherched’«ajustementsconcertés»:entrepersonnesde bonne volonté, il doit être possible de trouver des solutionsmutuellementsatisfaisantes.Lasecondeestla«voiejudiciaire»:fauted’unaccord,lademandeestprésentéedevantunjugequistatuesoitendéboutantledemandeurdesademandejugée«déraisonnable»,soitenimposantunaménagementàl’autrepartie.

Au moment de leur lancement, les Assises de l’interculturalitéavaientproposéunelistenonlimitativedetreizethématiques16.L’uned’entreellesportaitsur«l’analysedelanotiond’“accommodementsraisonnables”et de sonéventuelle implémentation».Peude tempsaprès, le nouveau Gouvernement de la Communauté françaiseinscrivaitcecidanssa«déclarationdepolitiquecommunautaire»:«EnarticulationaveclesAssisesdel’interculturalitéetavecleCentrepourl’égalitédes chanceset la lutte contre le racisme, leGouvernementorganisera le débat sur la notion d’accommodement raisonnable etsurlamanièredontellepourraitêtremiseenœuvrepourpréveniretrésoudredesdifficultésoudesconflitsliésàl’interculturalité.»

Decespropos,onpouvaitdéduirelegrandintérêtportéàcemoment-làenBelgiqueàl’expériencequébécoiseetlesentimentqu’ilyavaitlàunepistedontonpouvaits’inspirer.Nousavonsdoncembranchésurla question dans le cadre desAssises.Nos débats,mais égalementles différentes études auxquelles nous avons eu recours pour lesdesseinsdeceux-ci,ontrévéléunprofondclivageentrelespartisansd’aménagements«àlaquébécoise»etleursadversaires.Jusqu’àuncertainpoint,cettepolarisations’estretrouvéeauseinduComitédepilotage.

Maispourcomprendrel’enjeududébat,ilfautd’abordl’expliciter.

Il arrive que des mesures ou des règles à portée générale et quipoursuiventunbutlégitimepuissentdésavantagercertainespersonnesàcausedecaractéristiquesquileursontpropres.Onparlealors,àtortouàraison,de«discriminationsindirectes».Celles-cineprocèdentpas nécessairement au départ d’une volonté de discriminer, c’estdanssesconséquencesque larègledeportéegénérale touchepluslourdementcertainespersonnesqued’autres.Danscertainscas,ilest

2 Les aménagements raisonnables15

15��Dans�ce�rapport,�nous�avons�choisi�de�nommer�«�aménagements�»�ce�que�les�Québécois�nomment�«�accommode-ments�»,�traduction�littérale�de�l’anglais�«�accommodations�».�Ce�choix�se�justifie�par�le�vocabulaire�en�vigueur�dans�la�tradition�juridique�francophone�européenne,�où�des�«�aménagements�raisonnables�»�existent�déjà�en�faveur�des�personnes�handicapées.�Toutefois,�c’est�surtout�la�terminologie�des�«�accommodements�raisonnables�»�qui�a�été�utilisée�dans�les�débats,�le�plus�souvent�à�partir�de�l’expérience�québécoise.�

16�www.interculturalite.be�

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•mieuxconnaîtrelesdemandesd’aménagementtellesqu’ellessontformuléessurleterrain,lamanièredontellesontétésatisfaitesetlaprocédureutilisée.UneétuderéaliséeàlademandedeJoëlleMilquet,Ministrefédéraledel’égalitédesChancesdanslecadredesAssisesparlaVUBetl’ULBdanslechampdel’emploiapportedespremiersélémentsprécieux.Ainsi,ilapparaîtquelesdeuxaménagementslesplusdemandésportent,d’unepart,sur lapossibilitédes’absenterlesjoursdefêtesreligieusesfixeset,d’autrepart, lapossibilitéderegroupersescongéspourdelonguesabsencesestivales;

•partant de l’idée que la plupart des situations incriminées sontcréées involontairement, mutualiser les meilleures pratiques et ysensibiliserlespartenairessociaux;

•mettre en place un corps de médiateurs interculturels labelliséspour faciliter la négociation, s’il y a lieu, autour de demandesd’aménagementpourraisonsculturellesoureligieuses;

•àl’instardecequepratiquentlaCommissievoorGelijkeBehandelingaux Pays-Bas et la Halde en France, prévoir qu’une instanceparfaitementneutreetexperteenlamatièrepuisseformulerdesavisquasi-juridiques(c’est-à-direjuridiquesdansleurforme,maissanscaractèreexécutoire)àdesdemandesd’aménagementraisonnable.

En matière d’aménagements raisonnables, le Comité de pilotagesouhaiteélargir la« voiecitoyenne»enmettantenplaceuneséried’outils utiles pour mieux traiter les demandes légitimes, tout enfaisantl’économiedelavoiejudiciaire.

Au terme d’une période raisonnable pendant laquelle ce processusaura été accompagné, il y aura lieu d’évaluer dans quelle mesurela démarche proposée aura été de nature à diminuer les tensionsinterculturelles.

C’est icique leComitédepilotages’estdivisé.Ensonsein,certainsestiment qu’il y a lieu d’étudier dans quelle mesure un droit àl’aménagementraisonnablepourdiversautrescritèresprotégésparlaloianti-discrimination(soitnotammentpourdesraisonsliéesàlacultureoulaconvictionreligieuseouphilosophique)permettraitd’offrirune protection plus adéquate. Pour d’autres, il est difficile, si pasimpossible,d’objectiverlebienfondéd’unedemanded’aménagementfondée sur une caractéristique « subjective » : comment évaluer lasincéritéd’uneconviction?Pourlespremiers,ilfautmodifierlaloidu10mai2007.Pourlesseconds,ilnefautsûrementpasytoucher.Le Comité de pilotage, dans sa grande majorité, pense cependantquecesargumentsdoiventêtredéveloppésetqu’ilestnécessairedepoursuivrelaréflexion,commenousyainvitésrécemmentleConseildel’Europe17.D’oùlarecommandationsuivante:

LeComitédepilotage invite à étudierplusavant les éventuelsavantages et inconvénients qu’offrirait l’extension du conceptd’aménagements raisonnables, tel qu’il est défini dans la loi du10 mai 2007, afin que ces aménagements ne concernent plusseulementlespersonneshandicapées,maisqu’ilspuissentaussiêtreappliquésàd’autressituations,notammentcelles liéesà laconvictionreligieuseouphilosophique18.

Maissansattendrelerésultatd’unetelleréflexion,leComitédepilotagesouhaiteélargir la«voiecitoyenne»etmettreà ladispositiondelasociétédesoutils pour lui permettrede satisfairepragmatiquementlesdemandesd’aménagementformuléespourdesraisonsculturellesoureligieuses.Celasignifie:

17��Accommodements�institutionnels�et�citoyens:�cadres�juridiques�et�politiques�pour�interagir�dans�les�sociétés�plu-rielles,�Conseil�de�l’Europe�(Tendances�de�la�cohésion�sociale,�n°�21),�Strasbourg,�2009.

18��La�loi�anti-discrimination�du�10�mai�2007�établit�la�liste�des�critères�protégés�de�toute�discrimination�directe�ou�indirecte� :�«� l’âge,� l’orientation�sexuelle,� l’état�civil,� la�naissance,� la� fortune,� la�conviction�religieuse�ou�philoso-phique,�la�conviction�politique,�la�conviction�syndicale,�la�langue,�l’état�de�santé�actuel�ou�futur,�un�handicap,�une�caractéristique�physique�ou�génétique,�l’origine�sociale�».

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3 L’adaptation du calendrier des jours fériés légaux

LeComitédepilotageestparfaitementconscientdufaitqu’enavançantcetteproposition, il toucheunpointsensible, lecalendrierdes joursfériés étant perçu, par beaucoup, comme un patrimoine historique,intégréauxacquissociaux.Leprojetdel’interculturalitéengagesurlelongterme.Decefait,ilimpliquequel’onsoitpourlemoinsdisposéà discuter de questions qui permettront aux personnes issues deminorités ethniques, culturelles et/ou religieuses, désormais partieintégrantede lasociété,departiciperpleinementàcepatrimoineetsonrenouvellement.Ils’agitd’uneformedeparticipationsymbolique,quipermettraitderenforcerle«vivreensemble»,danslerespectdeladiversité.

Pour l’instant, lecalendriercivildonneuneplaceprépondéranteauxfêteschrétiennesquifournissentsixjoursfériéslégauxsurdix.Cettesituation crée une inégalité de traitement entre les chrétiens et lespersonnesquiontuneautreconvictionphilosophiqueoureligieuse :celles-cidoiventchaquefoisprendreunjourdecongépersonnelpourleurspropresfêtes,etcepourautantqueleuremployeurdonnesonaccord. Par ailleurs, l’objectif d’interculturalisation doit égalements’appliqueraucalendrierdefaçonquelemarquagedutempsnesoitpasassociéàuneseuletraditionreligieuse.

LaCommissiondudialogueinterculturelavaitjugélégitime«[…]quelesjoursdefêtedegroupesculturelsautresquelegroupenord-européensoientprisencomptedansl’organisationdel’agendaculturel»,maissansavancerdepropositionsconcrètes.

LeComitédepilotagepréconisequelespartenairessociaux,auseinduConseilnationaldutravail,mettentcettequestionàleuragendaetélaborentdessolutionsquiintègrentdavantageleprincipedel’égalitédesdifférentesreligionsetconvictionsphilosophiquesreconnuesquantàleurinscriptiondanslecalendrierdesjoursfériéslégaux.

Le Comité de pilotage propose de réformer comme suit le calendrier des jours fériés légaux: 1.Conserverlescinqjoursfériéssuivants:1janvier,1mai,

21juillet,11novembreet25décembre. 2.Permettre à chacun de choisir librement deux jours

flottants,selonsacultureousareligion. 3.Créertroisnouveauxjoursfériésnonreligieux.Ceux-ci

pourraientcoïncideravecdesjournéesinternationalesquicélèbrentladiversitéetlaluttecontrelesdiscriminationscomme, par exemple, la journée internationale desfemmes (8 mars), la journée internationale contre leracisme(21mars)etlajournéemondialedeladiversitéculturelle(21mai).

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5 Reconnaître les compétences4 Encourager l’esprit d’entreprise

Ceuxqui ontobtenuunequalificationà l’étrangerontgénéralementdumal à exploiter leurs compétences sur lemarché de l’emploi enBelgique.Eneffet,lesparcoursprofessionnelsoudeformationsuivisà l’étranger ne sont généralement pas reconnus tels quels et lesdiplômespasaisémenthomologués.

Unsystèmespécifiqueetplusdétaillédecollectededonnéessurlesformationssuiviesetlescompétencesacquisespourraitaideràmieuxvaloriserlesdiplômesdécernésàl’étranger.Untelsystèmedevraitêtrebasésurunecatégorisationclaireetuniformiséedesdifférentsniveauxetformesd’enseignement.

Pourlesurplus,leComitédepilotageinsistepourquesoitvaloriséeet exploitée de la manière la plus ciblée possible, l’expérienceprofessionnelle-acquiseenBelgiqueet/ouàl’étranger-despersonnesquirelèventdel’article60(allocatairessociauxàquileCPASafourniunemploi).Celapourrait leurdonnerdavantageconfianceeneuxetleurfourniruneexpérienceprofessionnelleutilepourlasuitedeleurcarrière.

Une recherche du « Studiecentrum voorOndernemerschap » révèlequeplusd’untiersdesréfugiésetdesdemandeursd’asilequiarriventenBelgiqueenvisagentdese lancerdansuneactivité indépendanteafindefavoriserleurintégrationdanslasociétéd’accueiletdemettresurpieduneactivitélucrativedontilsconserverontlamaîtrise.

Les Assises n’ont pas traité de la situation des nouveaux arrivants.Toutefoiscertainesdifficultésrencontréesparcespersonnesméritentqueleursoitprêtéeuneattentionparticulière.Aussi,nouspréconisonsquelquesmesuressimplesàmettreenœuvre,maissansnousengagerplusenavantsurlaquestion:

Les informations sur la création d’une activité professionnelle indépendante doivent être formulées de manière claire dès le moment où les nouveaux migrants entrent dans les conditions pour exercer un emploi en Belgique.

L’accès aux formations de gestion d’entreprise et aux formations professionnelles pour entrepreneurs doit être accessible aux nouveaux arrivants qui entrent dans les conditions pour exercer un emploi en Belgique étant donné l’importance de ces formations dans le lancement d’une activité indépendante.

Le Comité de pilotage propose aussi d’encourager la formule des micro-crédits, spécialement adaptés aux besoins des petites entreprises débutantes, dans les secteurs où beaucoup de nouveaux arrivants sont actifs : l’horeca et le commerce ambulant.

Pour autant qu’elle puisse établir son identité, toute personne résidant en Belgique devrait avoir accès un à crédit bancaire – une question de justice sociale et d’éthique bancaire – afin de pouvoir disposer de cet outil économique indispensable.

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Lesservicesd’orientationetd’insertion,lesservicessociauxetl’entreprisesontlespartenaireslesmieuxplacéspourcollaborerentreeux,danslebutd’éviterqu’unjeunequis’investitneperdetropaisémentsonemploi.

Il faut en outre redéfinir les tâches des accompagnateurs de cesjeunes.Compte tenuducaractèredifficileet complexedecepublic,unespécialisationdesaccompagnateursestsouhaitable.

Lorsdurecrutementdesaccompagnateurs,l’accentdevraitêtremissurcertainescompétencesspécifiques :utiliserdescanauxdecommunicationadaptésaupubliccible,êtredisponiblepourdutravaildeterrain(oùl’onpeutcréerunerelationaveclesjeunes),pouvoir faireofficed’interlocuteurdirect avec lesemployeursetlesservicesd’insertionprofessionnelle,avoirleprofild’uncoachquiproposeuntrajetd’insertionbasésurunenégociationetnonpassurunecommunicationunidirectionnelleetpouvoirsemettredanslapeaudesbénéficiaires.

Certainesmesuressontparailleurssimplesàmettreenœuvre,ellespermettraientnéanmoinsd’agirenfaveurdesjeunesconcernés.Nousendonnonsdeuxexemples:

Les jobs intérimaires de courte durée sont un fait fréquent chez ces jeunes. Qu’est-ce qui empêche de les assimiler à de l’expérience professionnelle à part entière ?

On pourrait également inciter dans lamesure du possible lesentreprisesàouvrirdespostesde jobsdevacancesquiseraientconfiésàdesjeunesendifficulté,notammentissusdesminoritésethniques, culturelles et/ou religieuses, et ce en concertationavec lesassociations implantéesdans lesquartiers touchésparl’exclusion sociale, notamment ceux qui sont habités par despopulationsissuesdesditesminorités.

Le Comité de pilotage souhaite attirer l’attention sur deux groupesspécifiques parmi les personnes appartenant à des minoritésethniques,culturelleset/oureligieuses:lesjeunespeuqualifiésetlesfemmes.Desmesuresparticulièrespeuventêtreprisespourfavoriserleuraccèsàl’emploi.

6.1. Les jeunes peu qualifiés

En2007,prèsde60.000jeunes(demoinsde25ans)peuqualifiésseretrouvaient sans emploi alors qu’ils ne suivaient pas non plus uneformation.Prèsdelamoitiéd’entreeuxrecherchaientdutravaildepuisaumoinsunan.Lagrandemajoritédecesjeunes,trèssouventissusdeminoritésethniquesouculturelles, aquitté l’écolesansdiplôme.Ils constituent le groupe le plus nombreux parmi les demandeursd’emploi.Une récente étude des Facultés Saint-Louis (Bruxelles) et de l’Hiva(Leuven)19aidentifiélesfacteursclésquipermettraientd’augmenterleschancesd’insertionprofessionnelledecepublic.L’approchequalitativedoit primer ; il faut de préférence prévoir un accompagnement surmesure, intensifetquisoitconçusurle longterme,etenfin, l’accèsauxformationsdoitêtreassuré.

Pour les jeunes qui abandonnent leurs études trop tôt, il fautaméliorer l’articulation entre l’enseignement et le marché del’emploi par la mise en place d’un accompagnement individueletdeparcoursd’insertionintensifs.Celapourraitsefairesouslaresponsabilitécommunedesservicesdel’emploietdesécoles.

Pour les jeunes qui ont peu de qualifications, l’accès à l’emploi negarantitpaspourautantlemaintienàl’emploi.Ilestdoncindispensable,pourlesinsérerdurablementdanslavieprofessionnelle,demettreenplaceuntravailaxésurlarelationentrelejeuneetl’entreprise.

Soutien à des groupes spécifiques

6

19��Raphael�Darquenne�&�Line�Van�Hemel,�Une�autre�approche�pour�l’activation�des�jeunes�chômeurs�peu�qualifiés,�Bruxelles,�Fondation�Roi�Baudouin,�mars�2009�

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6.2. Les femmes

Onobservedepuisplusieursannéesuneféminisationdel’immigration.Ce phénomène est particulièrement marquant pour l’immigrationmarocaine et turque, deux importants pays d’origine des minoritésen Belgique, ainsi que pour celle en provenance de l’Afrique sub-saharienne. Dans le cas duMaroc, si au début des années 90, 100femmessur234hommes immigraient, aujourd’hui laproportionestde 100 sur 125. Ces chiffres sont significatifs. Ils jouent en arrière-fondsd’uneautreréalité,quiestcelledutauxd’activitédesfemmes,nettementinférieuràceluideshommes,aussibienparmilesBelges«desouche»queparmilespersonnesd’origineétrangère20.

A cela s’ajoute que pour les femmes qui immigrent en Belgique ilest souvent difficile de savoir dansquellemesure il leur est permisd’espérer que leurs formation(s)/expérience(s)/qualification(s)répondentauxexigencesdumarchéde l’emploi. Unemeilleurevued’ensembledesexigencesdumarchédel’emploipourraitlesaideràélaborerunparcoursdepréparationplusefficace.

LeComitédepilotageproposequesoientexaminéesdeprèslescompétencesspécifiquesquepossèdent lesnouvellesarrivantesenvuedepouvoir lesaccompagneraumieuxvers lemarchédel’emploi.

20��L’écart�est�plus�grand�pour�ces�dernières:�27%�contre�14%�pour� les�Belges.� (Source� :�Fondation�Roi�Baudouin,�Synthèse�des�recommandations� issues�des�travaux�de� la�Fondation�Roi�Baudouin�depuis�2001,�Bruxelles,�mars�2010,�document�non�publié)

GouvernanceIntroductionLe concept de « Gouvernance » risque de prêter à confusion.Traditionnellement,ilcouvrelevastechampdel’actionpolitiqueetdelagestiondesservicespublics,cequi impliqueraitqu’ilenglobeunebonnepartiedesmatièrestraitéesdanscerapport.

LeComitédepilotageaoptépouruneapprochedifférentequiconsisteàregrouper,sousl’intitulé«Gouvernance»,différentspointsdetensionsafférantàl’actualitéimmédiateetquisuscitentledébatet,decefait,occupentuneplaceparticulièredanscerapport.

Le but n’est nullement d’être exhaustif, ni d’apporter des solutionstoutes faites,mais au contraire de tracer quelques pistes qui, dansdesdossiersbrûlantsdegestiondesaffairespubliques,soulèvent laquestiondesavoircommentlesgéreraumieuxsousl’angled’unprojetd’interculturalité.DutravailaccompliparlesdifférentesCommissions,ilressortquelesthèmessuivantsméritentuneattentionparticulière:la mise en concordance des politiques migratoires et d’intégration;l’actualité du Pacte culturel de 1971; la technique juridique desaménagements raisonnables; les signes convictionnels dans lesservices publics; les abattages rituels; l’exigence demémoire enfin,l’action de la police et de la justice dans leur fonction de service aupublic.

On ne se trompera donc pas sur l’étendue de ce chapitre, qui estillustratifdequestionstouchantàlaGouvernancedansuncontextedesociétéplurielle,maisquinelescouvrepastoutes.

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Le Pacte culturel21 La cohérence de la politique vis-à-vis des minorités ethniques, culturelles et religieuses

Lapolitiquerelativeauxminoritésethniques,culturellesetreligieusesest actuellement scindée entre les différents niveaux de pouvoir enBelgique. L’accès au territoire des étrangers relève de lapolitique d’asile et d’immigrationquiestune compétence fédérale. L’égalité des chancesestunematière interfédérale.Quantàlapolitiqued’accueildesnouveauxarrivantsetàcelledelapromotiondela diversité et de l’interculturalité,ellerelèvedesentitésfédérées.

Deplus,d’autrespolitiquessurdesthèmesindissociablementliésàladiversitésontmenéesàchacundecesniveaux.Celavautnotammentpourl’emploi,l’enseignement,lelogementetlasanté.L’undesenjeuxmajeursconsistedèslorsàfaireensortequela«politiquedediversité»ne soit pas un domaine politique distinct, mais une préoccupationpartagéepartouteslesautoritésconcernées,passeulementaumoyendemesures spécifiquesmais aussi en soumettant l’ensemble de lapolitiqueàun«testdeladiversité»(mainstreaming).Enoutre, lesactions des différents domaines et niveaux politiques doivent êtrecoordonnéesdemanièreàcequeletoutsoitdavantagequelasommedesparties.

LeComitédepilotageinviteàcequelapolitiqueantidiscriminationet la politique de diversité soient indissociablement liées à touslesdomainespolitiques,àchaqueniveaudepouvoirenBelgique.Les actions initiées dans ces différents domaines doivent êtrecoordonnéesetdonnerlieuàuneévaluationintégrée.

LePacteculturelde1971garantit l’implicationde tous lescourantsidéologiques et philosophiques (y compris confessionnels) dans lapolitiquepubliquede la culture.Ce dernier termedoit être comprisdanssonsenslepluslargeetenglobetouteunesériededomaines:aussibienlaculturestrictosensu(arts,bibliothèques,musées…)quelajeunesse,lesport,lesloisirs,lesmédias,lalangueetlascience.Touslescourantsdoiventavoiraccèsàcettepolitiquedelaculture,personnenepeutêtrediscriminé.Àl’instarduPactescolaire21,lePacteculturelavule jourà l’issued’unlongconflitentreles«piliers»catholiqueet laïque en Belgique. Il vise donc essentiellement à surmonter undesgrandsclivageshistoriquesquiontdivisé lasociétébelge.Mais,pourdes raisonsévidentes liéesaux circonstancesdesonadoption,ilneprendpasenconsidérationlaprésenceauseindelapopulationbelgede«nouvelles»minoritésculturelles.Cequidébouchesurunesituationd’inégalitéstructurellequiestcontraireauprinciped’égalitéentrelescitoyens.

LeComitédepilotageproposequ’uneréformeduPacteculturelde1971soitexaminéeauregarddelanouvelledonnemulticulturellede notre pays. En tant que chambre de réflexion, le Sénat, parexemple,pourraitsepenchersurcettequestion,parexempleauseind’unecommissionexistanteouàcréer.

21����Voir�Chapitre�I.3��

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3 Les signes convictionnels dans les services publics

Onadéjàtellementdébattudessignesconvictionnelsdanslesservicespublics – en particulier aux guichets des administrations et dansl’enseignement22–quecettequestionsusciteunmélangedelassitude,d’irritationetd’amertumeauprèsdesdécideurs,descommentateursetdupublic,tantparmilescroyantsquelesnon-croyants.C’estd’autantplusvraiqu’àcejour,cesdébatsn’ontpaspermisdedébouchersuruneconclusionclaire,nimêmesurunemanièreclairedecirconscrireleproblème:s’agit-ildelafonctionpublique,dessociétésdedroitpublic,dessociétésdedroitprivéeffectuantdesmissionsdeservicepublic,parnatureoumêmeoccasionnellement?Commel’aditunnégociateurlors des discussions sur la formation du prochain gouvernement :«C’estleB-H-Vdelamulticulturalité.».

À l’heure actuelle, il est généralement laissé aux diverses autoritésresponsables–communesetCPAS,pouvoirsorganisateurs,directionsd’institutionspubliques…–lesoindeprendrepositionsurlaquestion,cequ’ellesfontindépendammentlesunesdesautres.

Le Comité de pilotage rappelle que le point de départ de toutpositionnement sur les signes convictionnels doit être la libertéd’opinion, de religion et de conscience au sens affirmé par la Coureuropéennedesdroitsde l’Homme. Il revientàchaquepersonnededéfinirpourelle-mêmeenquoiconsistentlesobligationsinspiréesdesaconviction,danslerespectilestvraidesexigencesqueposentlesprincipesdelasociétédémocratiqueenmatièredelibertéreligieuse.Ce droit n’est en effet pas absolu. Il appartient au pouvoir législatifde préciser, très clairement, les restrictions qu’il estime nécessaired’apporter à ce principe, et cela peut se faire uniquement pour desmotifslégitimesetclairementprécisés.

L’exigence de « neutralité de l’état » constitue à cet égard unmotiflégitime.Mais celle-ci ne dispose d’aucune définition claire en droit

22��Nous�n’abordons�pas�ici�la�question�du�port�de�signes�convictionnels�par�les�élèves,�question�qui�ne�relève�pas�de�l’exigence�de�neutralité�des�services�publics,�étant�donné�que�cette�exigence�ne�s’applique�pas�aux�usagers.�Ce�point�a�été�traité�dans�le�Chapitre�I.4.2��

23��À�ce�stade,�nous�laissons�de�côté�la�définition�du�terme�«�agents�».�Vise-t-on�sous�ce�terme�uniquement�les�fonc-tionnaires�–�définition�étroite�–�ou�tout�prestataire�d’une�mission�de�service�public�–�définition�large?�Cette�question�sera�éclaircie�plus�loin.

positif.Ainsi,lefaitquelaneutralitédel’étatimposeque«lorsqu’ilest,danslecadredesesfonctions,encontactaveclepublic,l’agentdel’Etatévitetouteparole,touteattitude,touteprésentationquipourraientêtredenatureàébranlerlaconfiancedupublicensatotaleneutralité,ensacompétenceouensadignité»(AR14juin2007),n’entraînepasautomatiquementl’interdictionduportdesignesconvictionnelsparlesagentsdel’état.Pourcertains,cen’estpasparcequetoutcitoyenaledroitd’êtretraitédemanièreégaleparl’autoritépublique–quellesquesoientsesconvictions–quelereprésentantdecetteautoritépubliquepuisse d’office être interdit d’exprimer ses propres convictions.Et, inversement, ce n’est pas parce qu’il manifesterait ses propresconvictions qu’il serait incapable d’un traitement équitable. Pourd’autres,laprésomptiondeneutralitéestindispensablepourétablirlaconfiancedupublicàl’égarddesagentsdesservicespublics23etcelle-cipostuleuneneutralitéd’apparence,l’agentétantpriéden’afficherd’aucunefaçonsespropresconvictionsphilosophiquesoureligieuses.

Bref, il s’agitdes’entendredemanièrenonéquivoquesur lesensàdonnerauconceptdeneutralité,etnotammentsurladistinctionquipeutêtre faiteentre lesactesdesagentset leurapparence.Etc’estexactementsurcepointquedifférentespositionssesontmanifestéesdans la sociétéainsiquedans ledroit, puisque la jurisprudenceestdiviséesurlaquestion.Onpeutendénombrerquatre:

Position1:interdictionduportdesignesconvictionnelspourtouslesagents.

Position2:interdictionlimitéeauxagentsencontactaveclepublic.Position3:interdiction limitée aux agents investis d’une fonction

d’autorité.Position4:autorisationgénéralisée.

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En matière de port de signes convictionnels par les agentsdes services publics, le Comité de pilotage préconise uneliberté générale du port desdits signes, avec une interdictionlimitée aux seuls agents investis d’une fonction d’autorité.Destexteslégauxdevraientdéfinirdemanièrenonéquivoquelesfonctions (certainement police, justice, armée) visées par cetteinterdiction.

Notons que cette recommandation permet de mieux définir lescatégories qui sont visées sous l’intitulé « agent des servicespublics».L’élaborationd’unelistelimitativedefonctionstellequelarecommandationlepréconiseanotammentpourbutd’éviterl’arbitrairedansl’applicationduprincipedeneutralité.

Bienquedivisésurcettequestionàl’imagedelasociété,leComitédepilotagerejettel’option2(interdictionduportdesignesconvictionnelslimitéeauxagentsencontactavec lepublic)commecompromettantl’égalitéentreagentssanspourautantgarantirl’impartialitéduservicepublic. Les trois autres positions trouvent des partisans au sein duComitédepilotage.

Toutefois,pourunemajoritédesmembresduComitédepilotage,etsansrenierleurpositiondedépart,lefaitdedevoirtrancherd’autoritéentre plusieurs positions dont deux sont radicalement opposées nesauraitconstituerunélémentd’apaisementdansunesituationtendue.Ils’agitaussideproposerunpointdevuequisoitjugéacceptableàlafoisparunemajoritédenotrepopulationetparlesgroupeslesplusexposésàladiscriminationetàlastigmatisation.

C’est pourquoi, dans cette question sensible, le Comité de pilotageserallieàlaposition3commeunepositiondecompromisetinvitelelégislateuràs’eninspirer.Cettepositionformuledoncuneautorisationgénéraliséeduportdesignesconvictionnelspourtouslesagentsdelafonctionpublique(peuimportequ’ilssoientencontactoupasaveclepublic),àl’exceptiond’uneexigencedeneutralitéexclusived’apparenceauxseulesfonctionsquidisposentd’unpouvoirdecoercitionàl’égarddescitoyensoudontlesdécisionspeuventaffecterdefaçonmajeureleurexistence.

LeComitédepilotageinsistesurlecaractèrerestrictifdel’exceptionetdel’interprétationquidoitluiêtredonnée:lanotionde«fonctiond’autorité»selimiteà l’évidenceauxfonctionsrégaliennes:armée,justice, police. Pour certains membres du Comité de pilotage, ilconvient à tout le moins d’y inclure également les enseignants del’enseignementobligatoire.Maiscettepositionn’estpasdéfendueparl’ensembleduComitédepilotage.

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L’exigence de mémoire54 Abattages rituels

Les religions juive et musulmane formulent des prescriptions pourl’abattagedesanimaux.Lamanièredontceladoitse faire–dans lerespectà la foisde la libertéreligieuseetdubien-êtreanimal–estrégieparledroiteuropéenetbelge.LaCoureuropéennedesdroitsdel’Hommeconfirmeque l’abattagerituelestun«rite»,unepratiquereligieuse essentielle qui est protégée à ce titre par la liberté deculte. Le législateur belge (AR du 14/08/1986, complété par l’AR du11/02/1988)aajoutélestroisrestrictionssuivantes:

1.l’animaldoitêtreanesthésiéavantd’êtreabattu,saufpourlescasrituels;

2.l’abattagedoitavoirlieudansunabattoirpublic;3.l’abattage ne peut être réalisé que par des personnes désignéesparleConsistoireisraélitecentraldeBelgique(pourlecultejuif)etparla«représentationdesmusulmansenBelgique»(pourleculteislamique).

Cette réglementation équilibrée, qui trace depuis plus de vingt anslescontoursàl’intérieurdesquelslesjuifsetlesmusulmanspeuventexercer leurs pratiques religieuses, est à présent remise en cause.Plusieurs propositions de loi déposées ces dernières années auParlement fédéral visentà supprimer la clausede la loi quipermetlesritesreligieuxd’abattagesansanesthésierl’animal:celui-cidevraitalors être anesthésié en toutes circonstances. Ceci va à l’encontredesprescriptionsreligieusesdesjuifscommedesmusulmansetlesempêcheraitd’encoreconsommerdelaviande,conformémentàleurrite,dansnotrepays.

Le Comité de pilotage recommande que soit maintenue laréglementationactuelleenmatièred’abattagerituel.

Le Comité de pilotage est conscient de l’importance de l’histoire etde lamémoire pour l’identité de tout être humain. C’est aussi vrai,etpeut-êtreencoreplus,pourceuxquiserattachentàuneminoritéethnique, culturelle et/ou religieuse. L’histoire de la migration, despaysd’origine,enparticulierdelacommunautédontonseréclame,joueunrôleimportantdansla«consciencedesoi»debeaucoupdepersonnes.

Souvent, cette histoire est une source de fierté. Mais parfois aussi,cettefiertéestblessée.Celuiquialesentimentquesonhistoiren’estpas reconnue, qu’elle est caricaturée oumême niée, peut se sentirlui-mêmenié.Quand il s’agit en plus d’un épisode particulièrementdouloureuxdecettehistoire,celapeutexerceruneinfluencenégativesur le développement d’une identité positive et consciente d’elle-même.

5.1. Mémoire et négationnisme

Dansdescasextrêmes,lanégationdel’histoirepeutservirdemoyenpourhumilier,stigmatiseretappeleràlahainecontreunecatégoriede la population, ou gravement porter atteinte à samémoire. C’estnotamment le cas pour la négation du génocide des Juifs, et c’estla raison pour laquelle laBelgique a adopté la loi du 23mars 1995« tendantà réprimer lanégation, laminimisation, la justificationoul’approbation du génocide commis par le régime national-socialisteallemandpendantlasecondeguerremondiale».

Depuis lors,cette loisuscite fréquemmentdesquestions fondamen-tales. N’est-elle pas en contradiction avec la liberté d’opinion ? Nefreine-t-ellepaslarecherchehistorique?Est-ceaulégislateurdedéfinircequ’estl’Histoire?Cependant,forceestdeconstaterqu’aujourd’huilaplupartdesdémocrateshostilesàl’idéederéprimerpénalementlenégationnismeadmettentqu’abrogerladiteloiadresseraitàl’opinionpubliqueunmessageextrêmementnégatifenmatièrederacisme.

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Lessituations,autresquecelleviséeparlaloide1995,etauxquellesilestsouventfaitréférenceetquiinvitentàs’interrogersurlanécessited’unemodificationéventuellede la loi,sont legénocidecommisparlerégimejeune-turcottomanpendantlapremièreguerremondialeetlegénocidecommispar lerégimedit«hutupower»auRwandaen1994. Le traumatisme vécupar lesArménienset les Tutsi rwandaisquirésidentenBelgique,esttoujoursvivace.Orilexisteaujourd’huienEuropediversactivistesquiprovoquentdestroublesàlapaixpubliqueen contestant l’extermination des Juifs, le génocide des ArméniensouceluidesTutsiduRwanda.Dans leurchef, cettecontestationestinséparabled’appelsàlahaineàl’égarddecespopulations.Ilconvientdoncd’élargirlechampdelaloide1995pourpermettredepénaliserdetelsappels.

LeComitédepilotagerecommandedesupprimerdansladiteloilaréférenceexpliciteaugénocidecommisparlerégimenational-socialiste allemand pendant la seconde guerre mondiale, demanièreàpermettreaux jugesdepouvoir l’appliqueràd’autresgénocides.

5.2. Mémoire et colonialisme

LaBelgiquedoitaussimettreauclairsaproprehistoire.D’ailleurs,siune importantecommunautécongolaisevitaujourd’huienBelgique,c’estuneconséquencedirectede lacolonisationdecepays,d’abordparleroiLéopoldII,ensuiteparl’étatbelge.L’idéologiequiestalléedepairaveccettecolonisation,certainesviolencesqu’elleaimpliquées,l’usurpationdesrichessesetlefaitquecettepagedel’histoirebelgesoitlargementpasséesoussilenceaujourd’huiencore,sontressentisdouloureusementparbeaucoupdemembresdescommunautésissuesdel’immigrationd’Afriquesub-saharienne.

LeComitédepilotagerecommandedemaintenir,dansl’arsenallégislatif belge, la loi du 23 mars 1995 tendant à réprimer lanégation, la minimisation, la justification ou l’approbation dugénocide commis par le régime national-socialiste allemandpendant la seconde guerremondiale, pour le simplemotif que,dans les circonstances actuelles, elle reste essentielle dans laluttecontreleracisme.

Leprincipalargument invoquéàchargede la loide1995estqu’elleporte gravement atteinte à la liberté d’expression. Le législateur de1995atoutefoisestiméqueleslibresmanifestationsd’opinionsdoiventêtrecombattueslorsque:•d’unepart,ellesmenacentnotredémocratieentendantderéhabiliteruneidéologieraciste;•d’autrepart,ellesoffensentlamémoiredesvictimesdugénocideetdeleurssurvivants.Lapriseencomptedecesdeuxconditionsapermis lavalidationdela loi de1995par laCourconstitutionnelle.Leur inscriptiondans laloipermettraitd’améliorersa lisibilitétoutenrenforçantsasécuritéjuridique.Cen’estdoncpas lesimple fait,en lui-mêmenonrépréhensible,decontesterlaréalitéoul’ampleurdugénocidedesJuifs,quitombesouslecoupdelaloi,maisl’actequiconsisteàinciteràlahainecontrelesJuifs – soit à l’antisémitisme–en instillant l’idéeque, parexemple,ceux-ci ont « inventé » leur propre extermination pour servir leursintérêts.

Le Comité de pilotage recommande au législateur d’inscrireexplicitement dans la loi de 1995 les deux conditions qui enprécisentlechampd’application:àsavoirlamenacepournotredémocratieparlerisquederéhabilitationd’uneidéologieracisteet l’offenseà lamémoiredesvictimesd’ungénocideetde leurssurvivants.

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6 L’action de la police et de la justice dans leur fonction de service au public

De par leurs missions, les forces de l’ordre occupent une placeessentielledansunEtatdedroit:c’estpourcelaqu’ellesdétiennentlemonopoledela«violencelégale».Aussi,desfaitsdeviolencedansleurchefquiseraientinjustifiéssontinacceptables.

LeComitédepilotages’estpenchésurlaproblématiquedespersonnesissues des minorités ethniques, culturelles et/ou religieuses quise plaignent de faire l’objet de profilage ethnique qualifié aussi de«délitdufacies»:l’expressionpeutchoquer,maisdetropnombreuxtémoignages fontétatdecontrôlesd’identitéou fouilles justifiésparl’origine étrangère ou la couleur de peau. De même, les coups etblessuresàl’encontredepersonnessuspectéesdedélitounonsonttrop fréquents. Le plus souvent, cette violence intervient durant ouaprèsuneinterpellation.

Dansnombredecas, lesvictimesdeviolencespolicièressontelles-mêmes poursuivies pour des faits de rébellion, outrage, coups etblessures ou incitation à l’émeute. S’il arrive que les victimes aientcommisundecesfaitsaucoursd’uneescaladedeviolence,mêmeleComitéP,la«policedespolices»,estconscientquelesallégationsservent trop fréquemmentà«couvrir» lecomportementdélictueuxdesforcesdel’ordre.

Lamultiplication-ouàtoutlemoinslapermanence-decomportementspoliciersdiscriminatoiresetviolentspréoccupeleComitédepilotagecarellen’estpassansimpactsurlapopulation:ellesetraduitparunepertedeconfiancedanslesinstitutionscenséeslaprotégeretgarantirlerespectdesesdroitsfondamentaux.Lesentimentd’impunitéquisedégagedunombreextrêmementréduitdecondamnationsdespolicierscontestésentraînepoursapartuneremiseencausedesinstitutionsjudiciaireset,enfindecompte,undécouragement,voireunrejetdesinstitutionspubliquesdansleurgénéralité.

Cependant,diverseffortssubstantielssontmenésafinderéduirelescomportementsdiscriminatoiresauseindesservicesdepolice.Ainsi,unebonnepratiquea été relevéedans la zonedepolice 5344 (zone

LeComitédepilotagerecommandequelesautoritéspolitiquesmanifestentunereconnaissancedecepassépourquelesjeunesgénérations, pour laplupart belgesdésormais, puissentgrandirdansunpaysquireconnaîtcecontentieuxhistoriqueetexprimesaresponsabilitéetsesregretsdanscesévénementsdramatiques.

Sur un plan symbolique, le Comité de pilotage recommanded’inscrirecettereconnaissancedefaçonvisibledansladénominationdeslieuxetdesespacespublics.Ilfautécarterlesdénominationsquiblessentlespersonnesissuesdespaysanciennementcolonisés.

Le Comité de pilotage recommande de reconnaître laproblématiquedesenfants«métis»abandonnéspardesBelgesauCongo, auRwandaet auBurundi. Il faut aider celleset ceuxqui le souhaitentà renouer lefilavec leursoriginesbelgesetàrencontrer leurs parents encore vivants si ceux-ci le souhaitentégalement.

Le Comité de pilotage recommande, de manière urgente, depayer lespensionsauxancienssoldatsde laForcepubliquequicombattirentaunomdelaBelgiqueauxcôtésdesAlliésdurantlasecondeguerremondiale.

Pas de reconnaissance sans connaissance. étant donné que lesmigrationsontfaçonnélevisageactueldenossociétés,enparticulierdans les grandes villes, il importe que l’histoire desmigrations soitrendueaccessibleauplusgrandnombre.LeComitédepilotagedéplorequeleprojetd’unMuséedel’immigration,dontlaréalisationsemblaitacquiseen2002,soitrestélettremortejusqu’àaujourd’hui.

LeComité de pilotage recommande donc de relancer le projetd’un Musée de l’immigration dont la fonction pédagogique estindispensablepourfaireconnaîtreàtous,etnotammentauxélèves,unaspectimportantdelagenèsedenotresociété.

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7 Quelques recommandations générales pour la lutte contre le racisme et la discrimination

La Belgique doit se mettre en conformité avec la directiveeuropéenne anti-discrimination qui fait obligation aux états-membres de créer une/des institution(s) indépendante(s) desoutienauxvictimesdediscrimination.Cetobjectifpeutnotammentêtreatteintparlaconclusiond’unaccorddecoopérationentrelepouvoirfédéraletlesentitésfédéréesafindetransformerleCentrepour l’égalitédes chanceset la lutte contre le racisme (CECLR)enunorgane interfédéral,etnonplus fédéral,ouencore,par lacréationauniveaudesentitésfédérés,d’instancesindépendantesqui,parlaforcedeschosestoutefois,serontamenéesàcollaborerétroitementavec leCentrepour l’égalitédeschanceset la luttecontreleracisme.

La décision-cadre 2008/913/JAI « sur la lutte contre certainesformesetmanifestationsderacismeetdexénophobieaumoyendudroitpénal»doitêtretransposéeendroitbelge.Cettetranspositionsefera,bienévidemment,danslerespectdesdroitsetdeslibertésconstitutionnelles.

La Belgique doit poursuivre le travail entamé pour parvenir àune directive européenne sur l’égalité de traitement entre tousles citoyens, quels que soient leur origine, leur religion, leursconvictions,leurhandicap,leurâgeouleurorientationsexuelle.

Schaerbeek,Saint-Josse,Evere)quiapris ladécisiond’installerdescamérasdesurveillancedanslescommissariats.Cequipeutprésenterunintérêttantpréventif(dissuasion)querépressif(contrôle).Ceprojetdevraitêtredavantagesoutenuetétenduàtouslescommissariats.Demême,laformationdespoliciersetledéveloppementd’unepoliceplus multiculturelle, à l’image de la population, constituent, parexemple,deschantiersdontl’importanceestindéniable.

Tout en se réjouissant des dynamiquespositives observées ici et là,leComitédepilotageasouhaitéprivilégierdespistesquiseveulentréalistes,c’est-à-diresusceptiblesd’aboutiràunrésultatrapidesansexigerunemobilisationdémesuréeentermesdetempsetdemoyenshumainsoubudgétaires.

Le Comité de pilotage recommande : •latenued’unregistrededétentioncompletdanslequel

doit notamment figurer la mention de blessures aumomentdelamiseencellule;

•l’installation de caméras de surveillance dans lescommissariatsetlesvéhiculesdepolice;

•l’entamed’uneréflexionsurlesmoyens,lacompositionet lesmissions de la « police des polices », leComitéP,envuedegarantirsonefficacitéetuneplusgrandeindépendance;

•uneréformelégislativepourrendreobligatoirel’ouverture(etlasuspension)depoursuitesdisciplinaires,encasdepoursuitespénales(pouréviterlescasdeprescription);

•la jonction systématique des dossiers introduits parla victime (de violences policières racistes) et à sonencontre (pour rébellion), aux fins de permettre à uneseule instance judiciaire de connaître l’ensemble desfaits,aumêmemoment.

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1 Logement

« Biens et services »: Logement et santé IntroductionNous regroupons dans un seul chapitre deux domaines, logementet santé, qui sont, dans l’opinion commune, désignés sous l’intitulé« Biens et services ». Dans ces domaines, les personnes sontappréhendéescommedes«clients»oucommedes«usagers».C’estàcetitrequ’ellespeuventêtrevictimesdediscriminationsouqu’ellespeuventvouloirobtenirlareconnaissancedeparticularitéspropresauxminoritésethniques,culturelleset/oureligieusesauxquellesellessesententappartenir.

Enrèglegénérale,lescontraintesquipeuventéventuellementlimiterl’exercicedelalibertéd’affichersesconvictionsauprèsdesprestatairesdeservicespublics24nesauraients’appliquerauxclientsetauxusagers.Enaucunemanière,ilsn’ontàseconformeràunequelconqueexigencedeneutralitéoudelaïcité.Pourles«clients»etles«usagers»,c’estla liberté qui prime, dans les limites qui s’imposent à l’exercice detoute liberté fondamentale, ce qui signifie notamment que l’exerciced’uneliberténepeutattenteràlalibertéouauxdroitsfondamentauxd’autrui.

Commeilaétérelevédansl’introductionetdansdiversespartiesdece rapport, les personnes issues deminorités ethniques, culturelleset/oureligieusesappartiennentsouventauxcouchessocialeslesplusprécarisées.Ellessontàcetitreparmilespremièresbénéficiairesdespolitiques«généralistes»quivisentàplusd’égalité.Celasemanifestenotammentdanslesdeuxdomainesquenousabordonsicidemanièreplusdétaillée:lelogementetlasanté.Maiscespolitiquesnesuffisentpas à assurer la participation harmonieuse de ces personnes à lasociété.Pouryarriver,desmesures«ciblées»sontnécessaires.Nousrappelleronslespremièresmais,conformémentàl’objetdecerapport,nosrecommandationsconcernentessentiellementlessecondes.

Unlogement,cen’estpasseulementuntoitau-dessusdelatête.C’estunlieusûr,unrefugepourl’individucommepourlafamille.C’estaussiun espace de liberté où il est possible de vivre selon ses habitudesculturelles.C’estenfinundroitfondamentaluniversellementreconnu.C’estpourcelaquelesdiscriminationspersistantessurlemarchédulogement sont ressenties demanière aussi aiguëet qu’elles doiventêtrecombattuesavecuneextrêmeénergie.

1.1. Le marché du logement privéSurlemarchéprivé,lesprixdesloyersenBelgiquesontdéterminésparlespropriétaires,quiseconformentàlaloidel’offreetdelademande.Enparticulierdanslesgrandesvilles,oùlapressionimmobilièreestforteetoùlespropriétairespeuventdoncsepermettrededemanderdesloyersélevéspourdeslogementsattrayants,lespersonnesàfaiblesrevenus,dontungrandnombredepersonnesd’origineétrangère,sontdoncsouventcontraintesdesecontenterde logementsdemédiocrequalité,pourlesquelsellespaientmalgrétoutdesloyersélevés.

Pour limiter autant que possible ce phénomène, il est nécessaire d’élaborer un système susceptible d’enrayer la hausse prohibitive des loyers.

L’un des outils pour y arriver consiste à faire gérer les logementsprivés par des Agences immobilières sociales (AIS) pour lesmettreà disposition desménages à faibles revenus. Ce système, en pleineexpansion,negèretoujoursqu’unepartinfimeduparcdeslogementsdisponibles.IlfautaugmenterlesmoyensmisàdispositiondesAISetleur permettre de démarcher les propriétaires privés pour remettredanslecircuitlesnombreuxlogementsinoccupésfauted’unegestionactive.

Enfin,ilconvientquelesmultiplesprimes(àl’isolation,àlarénovation)ciblentenpriorité leslogementsmodestesdont lespropriétairesontmoinsqued’autreslesmoyensd’investir(oul’intérêtdelefairequandils’agitd’immeublesderapport).

24����Voir�Chapitre�III.3��

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LeComitédepilotagerecommandedecréerdanstoutlepaysdescomitésdelocatairesetdepropriétairesquipourrontjouerunrôledemédiation entre ces deux parties, conclure des conventionslocatives et favoriser la collaboration entre des associationsantiracistesetdesassociationsdedéfensedeslocataires.Ilfautêtreattentifàcequelacompositiondecescomitéssoitautantquepossibleàl’imagedelapopulationconcernée.

1.2. Le marché du logement socialEn Belgique, la majorité des ménages sont propriétaires de leurlogement.Maisceconstatn’estpasvalabledanslaRégionbruxelloisequicomptetoujoursunemajoritédeménageslocataires.Enoutre,ily aune corrélationévidenteentre l’accèsà lapropriétéet leniveausocio-économique.Même si de nombreuses personnes appartenantaux minorités ethniques, culturelles et/ou religieuses ont pu fairel’acquisitiondeleurlogement(etmême,pourcertainesd’entreelles,ontpuinvestirdansdesimmeublesderapport),cesminoritésrestentsur-représentéesparmilespersonnesquidoiventrecouriraumarchélocatif.

C’est évidemment à ces personnes que doit s’adresser en prioritéla politique publique du logement social. Or, celui-ci ne couvre que6,3% des logements proposés sur le marché. Cette proportion doitabsolument être augmentée. On ne peut que déplorer la mauvaisevolontémanifestedecertainspouvoirslocauxquirefusentderespecterl’obligationlégaled’offriruncertainquotadelogementssociauxdansleur commune, accentuant de ce fait la ségrégation spatiale dontles personnes appartenant aux minorités ethniques, culturelles et/ou religieuses sont parmi les principales victimes.Les autorités de tutelle devraient veiller de façon beaucoup plus stricte au respect de cette législation.

Mais on ne s’y trompera pas. Les problèmes qu’éprouvent despersonnesissuesdeminoritésethniques,culturelleset/oureligieusesnesontpasuniquementd’ordreéconomique.Mêmesiellesdisposentdesressourcesnécessaires,ilarrivequecespersonnessoientvictimesde discriminations sur le marché du logement. Il est très difficiled’apporterlapreuved’unetellediscrimination,surtoutlorsqu’ellesefaitdemanièresubtile,cequiestgénéralementlecas.Ilestrarequedespropriétairesdisentdebutenblanc:«JeneveuxpaslouermonbienàunArabeouàunNoir».Ilspréfèrentprétendrequelelogementestdéjàloué,qu’ilsontl’intentiondel’occupereux-mêmes…

À cet égard, les agences immobilières (privées) jouent un rôleimportantdansl’allocationdeslogementsdisponiblesàlapopulationenrecherche.Àcetitre,ellessontco-responsablesdelaségrégationqui opère sur le marché du logement et qui aboutit à renforcer lastratificationethnique desquartiers.Lorsquedespropriétaires leurdemandent d’écarter « en douce » des candidats locataires de telleoutelleorigineethniqueouculturelle,ellesdoiventcatégoriquementrefuser:ils’agiteneffetd’unediscriminationdirectequitombesouslecoupdelaloietdontellesserendraientcomplices.Parailleursetdemanièreplusgénérale,leurpersonneldoitdisposerdecompétencesinterculturelles.

Les locataires – ainsi que tous les autres acteurs impliqués(associations, syndicats, propriétaires, agences immobilièressociales et privées…) doivent être sensibilisés à la persistancedesdiscriminationssurlamarchédulogementetencouragésàsignalertouslescasdontilsauraientconnaissance.

Entre2005et2007,des«commissionsparitaireslocales»,composéesde locataires et de propriétaires, ont étémises sur pied dans troisvillesbelges(Bruxelles,GandetCharleroi).Cesconcertationssesontavéréesfructueuses.

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céder laplaceàdespersonnesquiauraient,elles, lesmoyensde lefaire.Ceneseraitpasunproblèmesil’offredelogementssociauxétaitsuffisanteet,notamment,sil’impératifdemixitésocialetrouvaitaussiàs’appliquerdansles«quartiersbourgeois»,cequin’estpaslecas.Dans une situation de pénurie de logements sociaux, l’impératif demixitésocialepeutaboutiràpriverde logement lesménagesquienontleplusbesoin.

Dansunesituationoùl’offredelogementssociauxestinsuffisante,leComitédepilotageattirel’attentionsurlefaitqu’enaucuncas,l’impératifdemixitésocialenepeutavoircommerésultatdepriverdelogementlesménagesquienontleplusbesoin.

Parelle-même,unepolitiquedemixitésocialenesuffitpasàrésoudrelesproblèmesdecohabitation.Ilyaunfortbesoind’accompagnementsocial et interculturel. Par ailleurs, il est aussi important demettresurpieddesactionsquistimulentlacohésionsocialeetd’inciterleslocatairesàassumereux-mêmesleursresponsabilitéspouraméliorerle«vivreensemble»dansleurquartier.

Le Comité de pilotage recommande d’organiser des activitéssociales et interculturelles susceptiblesde favoriser la cohésionsocialeetlaqualitédevieengénéraldanslescitésdelogementssociaux.

1.3. Les Roms et gens du voyageLes expulsions récentes des Gens du voyage des terrains qu’ilsoccupaientdansdescommunesflamandesetwallonnesen juilletetaoût2010,ontretenul’attentiondel’opinionpubliqueetincitentàmettreenexergueunesituationparticulière,souventobjetdestigmatisation.

Actuellement,leparcimmobiliersocialsecomposeprincipalementdepetits appartements. Les sociétésde logement social invoquent desargumentsfinanciers :avec les faiblesmoyensdontellesdisposent,elles préfèrent acheter davantage de logements qu’en aménagerde plus grands. Ce choix débouche dans les faits sur une forme dediscrimination indirecte, puisque les famillesnombreuses sont ainsiempêchées d’accéder à un logement social. Or, certainesminoritésethniques, culturelles et/ou religieuses comptent une proportionrelativement élevée de familles nombreuses, se répartissant parfoissurtroisgénérations.

Le Comité de pilotage recommande de prévoir davantage delogements sociaux de grande taille, adaptés aux besoins desfamillesnombreuses.Cettepréoccupationdoitêtreprésentetantdans lesnouvellesconstructionsqu’à l’occasiondes rénovationsd’immeubles.

Enfin,dans l’affectationdes logements, il ya lieude fairepreuvedesouplesse quant aux normes d’occupation, en tenant compte deshabitudesculturellesdeslocataires.Ainsi,pourcertainesfamilles,ilestdecoutumequelesenfantspartagentlachambre,lesfillesetgarçonsétant logés séparément, il n’est pas nécessaire de disposer d’unechambre par enfant. Par contre, évidemment, les critères générauxdesalubrité(dontleratiosurface/nombred’occupants)doiventresterd’application.

Afindeluttercontrela«ghettoïsation»descitéssociales,beaucoupdesociétésdelogementsocialmènentunepolitiqueditede«mixitésociale»etacceptentdeslocatairesquiontdesrevenusplusélevés.Ellescherchentainsiàéviterlesproblèmesrésultantd’unetropgrandeconcentration de personnes pauvres et/ou présentant les mêmescaractéristiquesethniquesouculturelles,ainsiqu’unestigmatisationdeslocatairesquirésulteraitdecetteconcentration.Toutefois,celaapourinconvénientquebeaucoupdecandidatsquinepeuventpassepermettredelouerunbiensurlemarchéprivédoivent

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2 Santé

Ausensdel’OrganisationMondialedelaSanté(OMS),«lasantéestunétatcompletdebien-êtrephysique,mentaletsocial,etneconsistepas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité25» . Unebonnesanténepeutdoncêtrecombléesanslapriseenconsidérationdesvaleurs,convictionsetculturedechaquecitoyen,encecompriscelles des personnes issus des minorités ethniques, culturelles etreligieuses.

Lesdites minorités triplement fragilisées (par la maladie, par leurmarginalisationculturelleet/oureligieuseetparleursituationsociale)rappellent l’importance d’une démarche réellement interculturelledanslesecteurdelasanté.Cetteexigenceinvitetoutparticulièrementlesprofessionnelsdelasantéàacquérirdescompétencesspécifiquesetàdévelopperuneculturedenégociationcréative.Concrètement,leComitédepilotageobservequeladémarcheinterculturelles’imposede plus en plus à l’attention desdits professionnels, surtout dansdes localitésdensémentpeupléesdepersonnes issuesdeminoritésethniques, culturelles et religieuses, notamment dans les maisonsmédicalesetcentresdeconsultationspsychologiques.

Dansledomainedelasantéautantquedansd’autressecteurs(ex:enseignement), l’interculturalité est donc autant un objectif qu’unprocessus.Ilfautlaréussir.

2.1. Mesurer et prévenir les obstacles à une bonne santé

a. Le monitoring

L’undespremiersconstatsquipeutêtrefaitenlamatière,estqu’onnedisposepasassezdedonnéessur l’étatdesantédesdifférentespopulationsdenotrepays,dontceluidespersonnesissuesdesminoritésethniques,culturelleset/oureligieuses.Commecefutdétaillédansle

Le nombre de Gens du voyage qui mènent encore une existenceréellement nomade va décroissant. La plupart d’entre eux mènentaujourd’huiuneviesédentaire,mêmesic’estdansunecaravaneetsurunterrainréservéàdescaravanes. C’estunepartiedeleurcultureetde leur identitéà laquelle ils sont trèsattachés.Or, enBelgique,il y a beaucoup troppeude terrains qui permettent un séjour aussibienpermanentque temporaire :cinqenFlandre,unenWallonie (àBastogne)etaucunàBruxelles.Legouvernementflamandallouedessubsidespour l’achat, l’aménagementet l’élargissementde terrainsdontilcouvre90%desfrais.Poursapart,laWalloniealloueunsubsidecouvrant 60% des frais aux communes qui ouvrent un terrain pourles Gens du voyage,mais rares sont celles qui font usage de cettepossibilité.CettecarenceapoureffetquebeaucoupdeGensduvoyageviventdansdesconditionslamentablesetdanslacraintepermanented’êtreexpulsés.

Le Comité de pilotage recommande aux autorités de tutelled’inciterlesvillesetlescommunesàmettredavantagedeterrainsàladispositiondesGensduvoyage.

Danstouteslescommunesquioffrentuntelterrain,ilestnécessairede pouvoir faire appel à un médiateur disposant des compétencesinterculturelles nécessaires afin d’assurer les contacts entre lespouvoirslocauxetcepublic.

Le Comité de pilotage recommande que les caravanes soientreconnues comme des logements à part entière et soient dèslors protégées contre la violation du domicile. Il recommandeaussid’apporterlesnuancesnécessairesdansletextedela«loiNapoléonsurlestationnement»,quiinterditdeséjournerplusde48heuresàunendroitsouspeined’êtreexpulsé,defaçonànepaspénaliserinutilementdesGensduvoyagelorsqueceux-cifontfaceàunesituationquiestsansalternativeimmédiate.

25��Voir�le�préambule�de�la�constitution�de�l’Organisation�Mondiale�de�la�Santé�(OMS),�New�York,�22�juill.�1946,�disponi-ble�via�:�http://whqlibdoc.who.int/hist/official_records/constitution.pdf�

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améliorer l’état de santé de leur communauté et diffuser des infor-mationssurdesquestionsdesantéetdebien-être.LeMHNcollabore,tant au plan national que local, avec des organisations britanniquespubliques et privées (depuis des réseaux d’établissements de soinsjusqu’à des associations spécialisées, par exemple dans le domainedu diabète). Il a ainsi lancé la campagne « Smoke FreeRamadan »quiviseàtirerpartidecettepériode,où lemusulmanpratiquantnepeutpasfumerjusqu’aucoucherdusoleil,pourinciterlesmusulmansbritanniquesàcesserdéfinitivementdefumer.

LeComitédepilotagerecommandedefaireanalyserlesobstacleset les freins à la prévention, au sein des minorités ethniques,culturelleset/oureligieuses,pardesprofessionnelsdedifférentesdisciplines (sociologie, anthropologie, psychologie), avec pourobjectif demettresurpieddesprogrammesd’informationetdesensibilisationainsiquedesactionsdepréventionefficaces.Cesprogrammesetcesactionsdevrontêtreconçusavec lespublicsconcernésetlesmédecinsquitravaillentaveceux.

2.2. L’interculturalisation des soins

Ces dernières années, certaines polémiques ou propositions deloi tendaient à alerter l’opinion publique ou le législateur sur desdemandes, jugées comme exorbitantes, émanant de patients issusde minorités ethniques, culturelles et/ou religieuses. Le Comité depilotageestimeque,dansl’étatactueldesconnaissances,iln’yapasd’élémentssuffisantsquiobjectiventcesdemandesetquipermettentdevérifiersiellessonttraitéescorrectement.

En la matière, deux écueils doivent impérativement être évités. Lepremier consiste à imposer les normes et valeurs dominantes enabusant de la position d’autorité dont dispose le corps médical.Le second consiste à accepter d’emblée, sans les questionner,toutes les demandes fondées sur des appartenances culturelles ouphilosophiques.

chapitre«Emploi»duprésentrapport, ilestessentieldemettreenplaceunoutilpermettantd’observeretmesurerlesdiversesréalitésen lamatière. Tant qu’on ne dispose pas de données objectives, onnepeutpasnonplusproduiredesolutionsspécifiquesàd’éventuelsproblèmes.

Le Comité de pilotage préconise une collecte systématiquede données sur la santé de la population vivant enBelgique, etnotamment celles relatives aux personnes issues de minoritésethniques, culturelles et/ou religieuses aumoyen d’un systèmedemonitoring,ens’inspirantdu«monitoringsocio-économique»préconiséparailleurs26.

b. La prévention

« Mieux vaut prévenir que guérir », ce sage adage est bien connu.Le Comité de pilotage observe cependant lemanque d’efficacité deplusieurscampagnesdepréventionàl’égarddesminoritésethniques,culturelleset/oureligieuses.

Le Comité de pilotage recommande le décentrement (pour éviterl’eurocentrisme, fût-il involontaire, de certaines campagnes deprévention)etlerecoursàtouslescanauxdisponiblesetappropriésquipermettentd’optimaliserladiffusiondeprogrammesd’informationàproposdelasanté,etquipeuventcontribuerausuccèsdecampagnesde prévention : écoles et secteur de l’enseignement en général,associations, et aussi, là où cela est possible, certains canaux decommunicationspécialisésdesminorités(radios,sitesinternet,lieuxcommunautaires,etc.).

Un exemple de bonne pratique qui pourrait inspirer notre pays : enGrande-Bretagne, des musulmans de différents secteurs (santé,enseignement, médias, entreprises, associations culturelles etreligieuses) ont fondé le « Muslim Health Network » (MHN) pour

�26�Voir�Chapitre�II.1.1

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établiesenBelgique.Pourdiversesraisons,cespersonnesâgéeset leurs familles semontrent engénéralméfiantes vis-à-vis desmaisonsdereposetdusecteurdessoinsdesanté.Parailleurs,le secteurdes soinsgériatriquesdoit sediversifier, par exempleenrecrutantdupersonnelissudeminoritésethniques,culturelleset/oureligieusesouàtoutlemoinsprofondémentfamiliariséavecla réalitédecelles-ci.Ceseraitd’ailleurs faired’unepierredeuxcoups : pour les résidents, c’est un facteur rassurant, et pour lepersonnel, c’est un facteur d’intégration (par l’accès à l’emploi).Celaestd’autantplusimpérieuxque,commelerévèlentlesactesducolloque«BienvieilliràBruxelles: lesridesdel’immigration»organiséen2006parlaCommissioncommunautairecommunedeBruxelles-Capitale, lenombredecespersonnesdu3èmeâged’origineétrangèrequiserontamenéesàfaireappelauxservicesad hoc – qu’il s’agisse de soins à domicile, ou de placement enmaisondereposetdesoins–necessed’augmenter.

2. Cette offre de soins de haute qualité implique de la part dessoignants une attitude empathique et sensible à la dimension culturelle (et interculturelle). Cela s’impose surtout dans lescontactsaveclesservicesd’aide,oùlesnormesetlesvaleursdudemandeur s’opposent parfois à ceux du soignant. Celui-ci doitposséderdescompétencesinterculturellespourcomblercetécart,soitunensembled’aptitudes,d’attitudesetdeconnaissancesquiluipermettentderéagirdemanièreprofessionnellefaceàladiversitéculturelle.

3. Chaquepatientestunique,ilaunparcoursdevieuniquedansuncontexte unique. Il ne faut pas succomber à la tentation d’une « surculturalisation » : le fait qu’un patient soit de telle origineou de telle conviction, ne dit pas tout de lui. D’abord, parce quechaque communauté se subdivise en un grandnombre de sous-communautéstrèsdiverses.Ensuite,parcequ’ilfautaussiprendreencomptel’histoirepersonnelledechaquepatient.Ceciexigeunautreregardsurlaculture,inspiréd’uneconceptiondynamiquedanslaquellelesexpériencespersonnelles,leschoixetlecomportementde l’individu, les circonstances démographiques et sociales ainsiquelesprocessusdesocialisationsontdesfacteursd’influence.

Aussi, le Comité de pilotage invite, dans ce domaine-ci aussi (cf. lechapitre«Emploi»),àemprunterlatechniquedes«aménagementsraisonnables » : pour éviter des discriminations indirectes portantatteinte aux droits fondamentaux des patients, les services de soindoivent, pour principe, répondre aux demandes fondées sur desconsidérations culturelles ou religieuses, tant qu’elles n’engendrentpasune«contrainteexcessive»auxditsservices,cecidevants’évalueraucasparcas.Exemple:iln’yaaucuneraisonderefuseràunefemmequiledemande,ledroitdebénéficierd’uneconsultationauprèsd’unedoctoresse(plutôtqu’undocteur),saufsil’établissementdesantén’apaslesmoyensderépondreàcechoixdansundélairaisonnable(ex:encasd’urgence).

Le Comité de pilotage préconise qu’à l’instar de l’étudecommanditéedanslecadredesprésentesAssisessurlespratiquesd’harmonisation dans l’emploi, une étude similaire soit initiéedansledomainedessoinsdesantépourobjectiverlesdemandesparticulièresdespatientsmotivéespardesraisonsculturellesoureligieuses,lamanièredontellesontétéounonrencontréesetledegrédesatisfactiondespartiesquantauxsolutionsproposées.Cen’estquesurcettebasequ’onpourraappréciers’ilestnécessairede renforcer lesoutilsdemédiation interculturelleoudemettreéventuellementenplacedenouveauxdispositifsnormatifs.

En matière d’interculturalité dans les soins de santé, le Comité depilotagesuggèrequatregrandsprincipesquipermettentdedévelopperunevisionplusadéquateetharmonieuseencedomaine.

1. Toutpatientadroitàdes soins de haute qualité qui respectent son intégrité (culturelle, philosophique ou religieuse, etc.).

Prenonsl’exempledespersonnesissuesdel’immigration(originairesduMaghreb,deTurquie,duCongo,desBalkans,etc.)quiconnaissentunvieillissementavancé.Denouveauxdéfisseposentpouradapterlesstructuresd’accueil,lesservicesdesantéetdesécuritésocialeetlesrelationsintergénérationnellesàcespopulationsâgéesnéesàl’étranger,ayantmigréàl’âgeadulteetaujourd’huidéfinitivement

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4. L’individualisation des soins. Le fait que des soins prodiguéssoient conçus « surmesure », suppose un patient autonome etcorrectementinformé.Orlespatientsissusdeminoritésethniques,culturellesetreligieusessontsouventmalinformésdeleurmaladieetdesontraitement,etdecefaitsontmoinsenmesured’exercerleurautonomie.Àcelapeuvents’ajouterdesproblèmesspécifiquesdecommunicationetdecompréhensionmutuelleentrelesoignantetlesoigné.

LeComitédepilotageinviteàsouteniretdévelopperaumaximumlescompétences interculturellesdesprofessionnelsde lasanté,d’augmenter lenombredemédiateurs interculturels intervenantdans les centres et notamment en première ligne, et demettreà contribution les compétences des services de traduction etd’interprétariatenmilieumédical.

Vie associative, culture et médiasIntroductionCette partie du rapport est le fruit de nombreux échanges avec desacteursassociatifsetculturelsissusounondesminoritésethniques,culturelles et/ou religieuses. Le projet d’un véritable dialogueinterculturelaétésystématiquementtestéenmettantenlumièrelespossibilitésetlesconditionsdesaréalisationainsiquelesrichessesqu’ilestsusceptibled’engendrer.Etcesanss’aveuglersurlesdifficultésquisontinhérentesàunteldialogue.Commenous l’écrivons en introduction à ce rapport, le repli sur soiest l’un des défis majeurs auxquels notre société est confrontée.Contrairementàcequ’onentendtropsouvent,cereplin’estpaspropreaux minorités ethniques, culturelles et/ou religieuses. Les sociétésdu monde occidental se sont renfermées sur elles-mêmes depuisle 11 septembre 2001, elles n’autorisent pas ou très difficilementd’ouverture(s) aux nouvelles minorités parmi elles, surtout quandcelles-ci se réclament de l’islam. C’est largement la méfiance, lapeur, ainsi que l’agressivité, le racisme et la discrimination qu’ellesengendrentquiprovoquentl’isolementsocialdepersonnesissuesdecesminoritéset,quelquefois,leurradicalisation.

Lors de nos échanges, il est apparu que les minorités développentsouventleurpropredynamiqueculturellequin’estpasnécessairementcellequeleurdicteraitvolontierslasociétéenvironnante.Relevonsdeuxmatièresparticulièrementsensibles:laplacedesfemmesetlerôledelareligion.Alorsquecertainsgroupesissusdesminoritésethniques,culturelleset/oureligieusesrestentattachésàleurspropresmodèlesfamiliaux,laculturedominanteàtendanceàs’immiscer,parexempleàtraversdesactionsspécifiquementdestinéesauxfemmesdanslebutdelesinciteràs’émanciperdescontraintesdelafamille.

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1 Vie associative

LafédéralisationprogressivedelaBelgiqueaeuunprofondimpactsurlavieassociative.LefinancementdesassociationsrelèvedésormaisdelacompétencedestroisCommunautés27:Communautéfrançaise,CommunautéflamandeetCommunautégermanophone.Ceciexpliqueégalement les disparités dans lemodede fonctionnement ainsi quedanslesattentesexpriméesvis-à-visdesdécideurspolitiques.

LeComitédepilotageestd’avisque lecapitalsocialquereprésentelavieassociativeetsurtoutl’engagementdespersonnesàtraverslesréseauxassociatifs,pourraientdavantagejouerunrôledanslamiseenplaced’unvéritableprojetd’interculturalité.

Souvent, les associations fondées par des personnes issues deminorités ethniques, culturelles et/ou religieuses se composent demembresquipartagentlamêmeoriginenationaleouethnique,voiremêmequisontoriginairesdelamêmerégion,delamêmeville,oudumêmevillage.

Ellesontnotammentpourbutdemaintenirvivantesetderenforcerlesidentitésquiendécoulent,enorganisantdesactivitésculturelles,enentretenantlelienaveclepaysd’origine,enorganisantdesactionsdesolidaritéaveclui,eninformantsurcetteidentité.Toutcelafaitpartieducapitalsocialauquelcontribuelavieassociative.

Celaestd’autantplusprécieuxquedansunpayscommelaBelgique,diviséendeuxgrandescommunautéslinguistiques,l’identitéestunedonnée importante. Les identitéswallonne, flamande ou bruxelloises’imbriquent avec l’identité belge dans toutes les combinaisonspossibles. Les nouveaux arrivants qui sont invités à s’identifier à laBelgiquefontl’expériencequeparmilesBelgesditsdesouche,certainséprouvent de plus en plus de difficulté à le faire. Cela ne simplifiepasleschoses,lavieassociativedanscecontextepermetparfoisdefairecontrepoids.Pour les jeunesenparticulier, enpleinephasedeconstructiondeleuridentité–cequiencontexteplurielpeuts’avérerune question difficile de choix personnel à faire – une identification

Delamêmemanière,lareligionestconsidéréecommeuneentraveàl’émancipation,tandisqu’ellepeutconstitueruneimportanteressourceidentitaire.

La culture, les médias et le secteur associatif sont trois leviers« immatériels»susceptiblesdecontrercettedynamiquecentrifuge.Ils offrent des plateformes privilégiées de rencontre et d’interactionintensesentredesindividusoudesgroupesdepersonnesàlaconditionquecelles-ciacceptentdecommuniquerentreellespouréchangerdesinformations,desexpériencesdevieetdespointsdevuesurcequilestoucheetlesconcerne.C’estdanscesenslàquelesdiscussionssesontorientéesdanslecadredestravauxdelaCommission«Culture,médiasetvieassociative»etc’estdanscecontextequ’ilconvientdesituerlesréflexionsetrecommandationsquisuivent.

�27�Du�côté�francophone,�la�Région�wallonne�et�la�COCOF�assurent�également�des�soutiens�aux�associations.

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Le Comité de pilotage demande aux autorités régionales etcommunautaires de mettre tout en œuvre pour encourager laprofessionnalisation du secteur associatif en pérennisant leursmoyensdefonctionnementetlessubventionspourlepersonnel.À travers des dispositifs décrétaux, elles devront veiller à unevalorisationdeladiversitéculturelle,notammentparunemeilleurereconnaissancedel’expertisedespersonnesissuesdesminoritésethniquesetculturellesencedomaine.

claireetpositivepeutêtreunebasepourdévelopperunepersonnalitéplusforteet,parlamêmeoccasion,plusassertive.

Aleurmanièrepropre,lesassociationscontribuentàcetteconstructionidentitaire positive, à plus forte raison lorsqu’elles s’efforcentd’entretenirdebonscontactsaveclespopulationsdetoutesorigines.Cela permet également au monde extérieur d’apprendre à mieuxconnaîtrelaculturedelacommunautéenquestion.Pourlespouvoirspublics,lesassociationspeuventêtreunprécieuxinterlocuteurdanslamiseenplacedepolitiquesd’intégration,ilnes’agitpasderéduirele réseau associatif à un instrument,mais au contraire à entrer endialogueavecluidanslebutdel’associeràl’élaborationdepolitiquesadéquates.

EnFlandre,ledialogueentrelespouvoirspublicsetlesassociationspassepar leForumdesminorités (Minderhedenforum)qui regroupelesassociationsconstituéessurunebaseethno-culturelleetquiestégalementactifàBruxelles.Danslesrégionswallonneetbruxelloise,le contact avec les associations actives au sein des minoritésethniqueset/ouculturellesestprincipalementbasésurunelogiquededéveloppementlocal.EnWallonie,cettepolitiqueestimpulséeparlaRégionwallonne.LesCentresrégionauxd’intégrationcoordonnentetaccompagnentlesinitiativeslocales,tantassociativesquepubliques.ABruxelles,cesassociationssontprisesencompteàtraverslesdispositifsdespolitiquesdecohésionsociale.LaCommunautéfrançaisesoutientégalementlavieassociative,entreautresdesminoritésethniqueset/ouculturelles,à travers lamiseenœuvredudécret sur l’Educationpermanente.

Toutefois,unepartieduComitédepilotageestimeque lesautoritésfrancophones devraient, à l’instar de ce qui existe en Flandre,reconnaître directement des associations issues des minoritésethniqueset/ouculturelles,lessubventionnersurcettebase,favoriserleurregroupementetenfaireuninterlocuteurprivilégiédespolitiquesdel’interculturalité.

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En Flandre, des pas ont déjà été accomplis dans ce sens avec le«ActieplanInterculturaliseren»misenplaceen2006.

PourcequiestdelaFlandre,leComitédepilotagerecommandede poursuivre les efforts de l’Actieplan Interculturaliseren. Desprogrès peuvent encore être faits pour intégrer le principe del’interculturalisationdans tous lessegmentsde lavieculturelle.Il faut en outremieux informer le public sur le plan d’action etaméliorerlaformationdespersonnesquisontresponsablesdesamiseenœuvre.

DucôtédelaCommunautéfrançaise,onpeutregretterquebienqu’ily ait un intérêt manifeste pour les actions interculturelles, aucunprogrammespécifiqued’enverguren’existeàcejour,lesoutienàcesactionsse faisant viadesdomainesdesubsidiationnonspécifiques,telsquelesArtsdelascèneoul’Educationpermanente.

Le Comité de pilotage s’est centré sur trois thèmes majeurs,interdépendants et transversaux : identités, diversité, et politiquesculturellesauniveaudesRégions.Lesquestionsdes identitésetdeladiversitéayantétéévoquéesplushaut,cettepartieselimiteraauxpolitiquesculturelles.Les pouvoirs publics devraient encourager les initiatives permettantà différentesminorités ethniques et/ou culturelles de valoriser leurpatrimoine. Cela permettrait par lamême occasion à de nombreuxBelges«desouche»des’ouvrirdavantageauxcontributionsdecesdiverses cultures et aux personnes qui les composent. A ce jour,les personnes issues de ces minorités sont manifestement encorelargement sous-représentées dans le secteur culturel, cela vautaussi bien pour les activités culturelles en tant que telles que pourtout letravailqui lesprécèdeet laparticipationdupublic.C’est trèsprobablementcequiexplique,proportionnellementparlant,lepeudevisibilité de créations artistiques émanant deminorités en contextebelge.

Une politique qui chercherait à impulser une véritable« interculturalisation » du secteur culturel doit se donner plusieursobjectifs:faciliterl’accèsàlacultureetauxloisirspourlesminoritésdesorteàleurpermettred’accroîtreleurcapitalculturel(unpointfaibledesgroupeslesplusvulnérables,quisetransmetd’unegénérationàl’autre),favoriserleurémancipation(objectifsocioculturel)etenrichirlaproductionartistiqueexistante(objectifartistique).Bref,ils’agitdefavoriser et d’assurer la promotion des expressions artistiques desminoritésculturelles,ainsiqueleséchangesinterculturels.

Les institutions culturelles et sociales ont beaucoup à gagner,parlaconcertationavecletissuassociatif,àimpliquerdavantagedesacteurs issusdesminoritésethniquesetculturellesdans leprocessus de décision et à diversifier autant que possible leurpersonnel,leurpublicetleurprogrammation.

2 Culture

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La Comité de pilotage recommande, dans l’organisation desstages dans lesmédias, de veiller à une présence équitable dejournalistes issus des minorités ethniques, culturelles et/oureligieuses.Le Comité de pilotage recommande aussi de stimuler, par desbourses,desstagesetdeséchanges,lacollaborationentredifférentsmédias(nationauxetlocaux,sipossibleaussiinternationaux,maisaussiceuxquis’adressentspécifiquementauxpublicsvisés).Celadonneranaissanceàunensembledepratiquesquiquestionnerontetmodifierontàtermelavisiondominanteetcelapermettraàdesjournalistes ayant peu de réseaux d’entrer en contact avec desfiguresclésdumondedesmédias.

En Communauté française, le Conseil supérieur de l’audiovisuel(CSA) reconnaît, depuis 2008, cinq profils de radios, dont les radioscommunautaires.Cesdernièressontaunombredehuitetdiffusentdesémissionsenlanguesitalienne,turque,arabe,berbère,espagnoleetgrecque.50%desprogrammessefontdanslalangueétrangèreet50% sont bilingues (français et langue étrangère). ÀBruxelles, 50%des ondes sont réservées à la Communauté flamande et 50% à laCommunautéfrançaise,maisseulelaCommunautéfrançaiseaprisencompteladiversitébruxelloisedanslagestionduparcradiophonique.

Récemment,enprenantàsoncompteunedesrecommandationsdelaCommissiondudialogueinterculturel,leCSAafaitun«étatdeslieuxdes programmes communautaires radiophoniques en CommunautéfrançaisedeBelgique»,quianalyselaplacedel’interculturalitédansces programmes et avance des pistes pour augmenter la place del’interculturalitésurcesradios.

LeComitésaluelareconnaissancedesradioscommunautairescomme une initiative qui va dans le sens de la valorisationnécessaire de la diversité linguistique et culturelle du public etrecommande qu’elle soit élargie à la Flandre. Il recommandeégalement l’affectation d’une longueur d’onde aux minoritésculturellesissuesdel’Afriquesub-saharienne.

LesmédiasenBelgiquereflètentencore imparfaitement ladiversitémulticulturelle désormais caractéristique de la société, aussi biendans les contenus qu’ils diffusent - il y a peu de reportages sur cesujetet,lorsquec’estlecas,ils’agitsouventdesujets«racoleurs»- que dans leur fonctionnement interne. Les personnes issues desminorités ethniques, culturelles ou religieuses sont généralementparlant encore peu présentes dans les équipes de production et lesstructuresdécisionnellesdesmédiasbelges.Onnepeutqueregretterlesraisonsquipermettentd’expliquercettesituation,d’unepart,trèsvraisemblablement,l’insuffisancedesréseauxprofessionnelsouvertsà ladiversité et, d’autrepart, uneméfiancequi resteperceptibledela part de personnes issues desminorités ethniques, culturelles oureligieusespar rapportà lamanièredontparlentd’elles lesmédiasgrandpublic.

Un rapport récent du Conseil de l’Europe28 souligne la nécessitéd’encourager les professionnels desmédias à produire et à diffuserdes informationsdequalitéquistimulent ledialogue intercultureletqui contribuent à la lutte contre les discriminations en Europe. Cerapportprésentenotammentlesactionsmisesenplacedanslecadredelacampagne«Ditesnonàladiscrimination»,initiéeparleConseildel’Europeen2008etdontlesobjectifssontlessuivants:•prépareretformerlesprofessionnelsdesmédias,viadespartenariatsdurablesaveclesécolesdejournalismeenEurope,afinqu’ilssoientplusàmêmedetravaillerdansuneEuropemulticulturelle,l’objectifétant de promouvoir une couverture médiatique -professionnelleet de qualité- des enjeux interculturels et des problèmes dediscrimination,•contribueràrenforcerl’expressiondeladiversitéauseindessociétéseuropéennesendéfendantavecforcel’accèsdespersonnesissuesdesminoritésauxprofessionsjournalistiquesetauxproductionsdesmédias,•informer le public, en partenariat avec le secteur desmédias, surles enjeux interculturels et sur les politiques de lutte contre ladiscriminationmenéeauniveaunationaletauniveaueuropéen.

3 Médias

�28����Campagne�du�Conseil�de�l’Europe�«�Dites�non�à�la�discrimination�»,�Média�&�Diversité�:�promouvoir�l’accès�des�minorités�aux�médias,�Stephen�WHITTLE,�décembre�2009

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Par ailleurs, le Comité soutient l’attention portée à l’interculturalité dans les programmes de ces radios.

Si les principauxmédias restent en général axés sur une audience«belgedesouche», il existedesdizainesdemédias«ethniques»dedifférentstypes(pressepapier,radio,télé,blogs…)quis’adressentaux différentes communautés. Ils peuvent répondre aux besoinsd’identificationdecesminoritésethniques,culturellesoureligieuses,situer des informations dans une perspectivemieux adaptée à leurpublicetfaireentendreleurvoix,parfoisdemanièrepolémique,dansdesdébatsdesociété.Cesmédiaspeuventexercerunefonctionutilederelaisvis-à-visdeschaînespubliquespourinformerousensibiliserlapopulationissuedesminoritésethniques,culturelleset/oureligieuses.Pourlesurplus,ilpeuvents’avérerunpartenaireincontournablepourlesentreprisesquicherchentàfairedel’«ethnomarketing».

Le Comité de pilotage recommande aux autorités politiques d’aider les « médias communautaires» à se stabiliser dans la durée.Parallèlement, il recommande à ces médias de collaborer davantage entre eux, dans une perspective réellement interculturelle.

Enfin, le Comité de Pilotage recommande d’intensifier la lutte contre le racisme sur Internet, en particulier sur les sites des médias officiels, où des forums publics sont encore trop souvent des moyens utilisés pour répandre la haine.

�26�Voir�Chapitre�II.1.1

Conclusion

Autermedecetravail, ilparaîtutiledemettreenévidencequelqueséléments qui, avec un certain recul, résument le plus honnêtementpossible ce à quoi les Assises auront permis d’aboutir. La sociétémulticulturelle est aujourd’hui un fait. Pour la faire réussir, il fauttoutefoisunprojet.LesAssises,àleurmanière,ontcherchéàcontribueràceprojet,quiestceluidel’interculturalité.Letravailaccompliestlerésultat d’unprocessusqui durait plusieursmoiset quenousavonsdécritdansl’introduction.Lesrecommandationsquienrésultentsontmultiplesetdenaturediverse.

Pourrappel,lesAssisesprenaientlerelaisdelaCommissiondudialogueinterculturel,aprèscinqans.Ellesnesesonttoutefoispasdérouléesdanslemêmecontexte,maisilestpermisdetirerdesparallèles..Avecla création de la Commission du dialogue interculturel, en 2004, leGouvernementfédéraldel’époquecherchaitàdonneruneréponselaplusconstructivepossiblefaceàuncontextequi,aprèsle11septembre2001,étaitprofondémentmarquépar les tensions interculturellesetuneislamophobiequiavaittendanceàs’exacerber.Cinqansplustard,les tensionsn’ont pasdisparu. Le climat général reste difficile, faceauxdéfisde lamondialisation,de lacriseéconomiqueetduspectredes flux migratoires non contrôlés, la figure du bouc émissaire faitœuvre d’explication commode,et cible le plus souvent les minoritésculturelles,ethniqueset/oureligieuses.

Cela est d’autant plus préoccupant que les choses perdurent,s’aggraventmême,etqu’unesociétéquiselaisseainsitravaillerparlapeurdéclineunedangereusetendanceàserepliersurelle-même.Cequifaitcraindrepoursoncorollaire,quiestl’angoisseidentitaire.

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valoriselesdifférencescompatiblesaveclesdroitsfondamentaux.Lesdeuxpointsdevuenesontpasnécessairementinconciliables,maisilestvraiquedans lapratique leurarticulationn’estpaschoseaisée.Ces disparités se sont naturellement et très librement expriméesdurant les travaux duComité de pilotage, elles n’ont heureusementpasempêchénombrederapprochements.

LadémarcheadoptéeparlaCommissiondudialogueinterculturelen2005futdifférente:lesauteursdurapportfinalavaientjugépréférabledenepastranchersurlesquestionslesplussensibles,liéesnotammentauportdesignesconvictionnelsàl’écoleetpourlesagentsdel’état,selimitantàrépertorierlespositionsenprésence.Cinqansplustard,lescontroversesliéesàcesquestionscontinuentdepeserlourdementsurledébatpublicàproposdelasociétéinterculturelle,sansqu’uneissuenesedégage.LeprésentComitédepilotageauraitpu,chaquefois qu’undésaccord semanifestait – et ils furent nombreux, ce quin’étonnerapersonne–formulerlespositionsdesunsetdesautresettransmettreletout,telquelànoscommanditairespolitiques.Maisilapréféréprendresesresponsabilités.

Quelles que soient leurs convictions personnelles sur ces questionsqui divisent, les membres du Comité de pilotage ont ainsi estiméqu’il était de leur responsabilité, dans le cadre de la mission quele Gouvernement leur avait confiée, de proposer des compromissusceptibles d’être simultanément acceptables pour la majorité delapopulationetpourlesgroupeslesplusexposésàladiscriminationet la stigmatisation. Les uns et les autres sont aujourd’hui inquietspourdesraisonssymétriques,lesunsetlesautresontbesoind’êtrerassurés.Maispersonneneleserasicesontlespositionspenchantpourune interprétationmaximaliste - de la liberté ou, au contraire,de ses limites - qui l’emportent, même si ces positions sont parailleursparfaitementlégitimesetsicertainsmembresduComitélesontrevendiquéesjusqu’aubout.CettedémarcheaguidéleComitédepilotagesurunnombredequestionsparticulièrementsensibles,cellessurlesquellesilétaitparticulièrementattendu,etquisontfinalementlesmêmesqu’en2005:leportdesignesconvictionnelspourlesélèvesdel’enseignementobligatoireetpourlesagentsdel’état.

LaBelgiqueéchappe-t-elleauxrisquesdurepliidentitaire?Ilnefautpassemasquerlaface, laréalitéesttroublante.Entrelapopulationissuedelaculturemajoritaireetlesminoritésethniques,culturelleset/oureligieusesissuespourlaplupartdemigrationsd’après-guerremaisquiconstituentdésormaisunepartducorpssocial,lasuspicionréciproque et les malentendus sont encore trop souvent de règle.C’était le cas, déjà, en 2005. Cela l’est encore, si pas davantage,aujourd’hui.Enparticulier,leraidissementautourdesquestionsliéesàl’islamsauteauxyeux.Ilgénèreenretourunreplidescommunautésmusulmanessurleurspropresréseauxsociauxetsurleurpatrimoinecultureletreligieux.Tropsouvent,plusieurspopulationssefontface.Des«minoritaires»souhaitents’affirmerdansl’espacepublicqu’ilsontenpartage,cequialimentelacraintedes«majoritaires»d’êtredéstabilisésdansleursrepèresculturels.

Cetableauestsansdoutesimplifiéetnerendpas,ouinsuffisamment,justice aux autorités politiques de tous niveaux qui, ces dernièresannées,sesontengagéesdanslaluttecontrelesdiscriminations.Onaurait tortaussidenégliger la rôlede la légendaire«culturebelgedu compromis » qui est arrivée jusqu’ici à arrondir les angles et àgérerpragmatiquementauplusprèsduterrainlestensionssocialeset culturelles. Il y a enfin, bien évidemment, la fonction d’un tissuassociatifdensequiconstitueunatoutmajeurdelavieensociétéetquipermetdeprotégerlespersonneslesplusfragilesdel’isolementet du désespoir. Mais tout cela ne suffit plus. Aussi, les Assises sesontdonnéespourbutd’avancerquelquesmesures-phares,àimpactsymboliqueetpratiquefort,quipermettentd’alleràcontre-courantdupessimismeetdurepli.Silavolontépolitiqueyest.

Celan’apasétéfacile,lecontraireauraitsurpris.LeComitédepilotagedesAssisesdel’Interculturalitéaétécomposéàl’imagedelasociétéetcelle-ciestprofondémentdivisée,ycomprisducôtédeceuxquiseveulentlargementouvertsàladiversitéculturelleetaunobleprojetdel’interculturalité.Surmaintesquestionsconcrètesetdeprincipe,ilafalluconjugueravecladisparitédespointsdevue,lesunsprivilégiantl’affirmationdevaleurscommunesetd’unecultureciviquepartagéeetlesautressemontrantdavantagepreneursd’unesociétéinclusivequi

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Recommandation 1

En matière de signes convictionnels à l’école et dans le cadre del’enseignementobligatoire,leComitédepilotagepréconiselalibertégénéraliséeduportdesignesconvictionnelspar lesélèvespour lestroisdernièresannéesdel’enseignementsecondaire,etl’interdictioncomplètejusqu’autroispremièresannéesduniveausecondaire.Cesrègles doivent être formulées par voie décrétale pour assurer leurgénéralisation.

Recommandation 2

Enmatièredeportdesignesconvictionnelsparlesagentsdesservicespublics (qu’ilssoientounonencontactavec lepublic), leComitédepilotagepréconiseunelibertégénéraleduportdesditssignes,avecuneinterdictionlimitéeauxseulsagentsinvestisd’unefonctiond’autorité.Des textes légaux devraient définir de manière non équivoque ettrès restrictive les fonctions (police, justice, armée) visées par cetteinterdiction.

Recommandation 3

LeComitédepilotageinsistepourqueleprojetdemiseenplaced’unsystème de «monitoring socio-économique » soitmené à terme etdans les meilleurs délais. Ce monitoring est la condition minimaleindispensablepourobjectiverladiscriminationdansl’emploietengagerdesmoyensadéquatsafindelafairereculer.

Recommandation 4

LeComitédepilotageplaidepourquelespouvoirspublicsélaborentunsystèmedequotas,temporairesdansletemps,qui,toutenprenantsoinderespecterleslimitesposéesparleprincipeconstitutionneletlesmodalitésd’interdictiondediscrimination,permettentlerecrutementde personnes issues des minorités. Concrètement, le Comité depilotagerecommandeauGouvernementfédéraldefinaliserdanslesmeilleursdélaisl’arrêtéroyalprévudanslaloiantidiscriminationdu10mai2007,etfixantlesconditionsdesactionspositives.

Enavançantdessolutionsdecompromissurcesdeuxquestionsetlesargumentant, leComitédepilotagefaitappelàtousceux,departetd’autre,dontlepointdevuen’aurapasététotalementrencontré:enacceptantdessolutionsdecompromis,plusieursmembresduComitédepilotageontfaitviolenceàleurconvictionpersonnelle.Celavautautantpourceuxquioeuvrentpouruneinclusionmaximaledeladiversitéquepourceuxquicombattentégalementpourl’inclusion,maisnevoientpasladiversitécommeuneconditionpouryparvenir29.LeComitédepilotageexprime lesouhaitquecettedémarcheconstructivedepartetd’autredelatabledesAssisesinspireralesautoritéspolitiquesaumomentdelégiférer.

Dans l’ensemble des recommandations formulées dans ce rapport,nousenrelevonsseptdont l’impactsymboliqueetpratiqueestsansdouteleplusfortetdontl’adoptionconjointeestsusceptiblederelancerde manière volontariste les politiques d’interculturalité. Les deuxpremièresconcernentlessignesconvictionnels.Lesdeuxsuivantesserapportentà ladiscriminationdans l’emploi.Lacinquièmeconcernela question controversée des aménagements (ou accommodements)raisonnables. La sixième vise à introduire plus d’égalité dans lemarquageducalendriercivil.Etenfin,laseptièmeportesurl’importanteproblématiquedelamémoire.NousenajoutonsunehuitièmeàproposdusuividestravauxdesAssises.

Onsereporteraaurapportpouruneargumentationpluscomplètedecespropositions.

�29��Dans�le�souci�de�faire�justice�aux�divergences,�nous�avons�accédé�à�la�demande�de�certains�membres�qui,�sans�pour�autant�se�distancier�du�processus�des�Assises�et�de�son�aboutissement,�ont�souhaité�explicité�leur�argument.�Celui-ci�est�repris�en�annexe�du�présent�rapport.���

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Recommandation 7

LeComitédepilotagerecommande:1.Surlenégationnisme:demaintenir,dansl’arsenallégislatifbelge,uneloitendantàréprimerlanégation,laminimisation,lajustificationoul’approbationdesgénocidesàconditionsque:

•d’unepart,ellesmenacentnotredémocratieentendantderéhabiliteruneidéologieraciste,•etd’autrepart,ellesoffensentlamémoiredesvictimesdugénocideetdeleurssurvivants,carcetteloiresteessentielledanslaluttecontreleracisme.Ilestdoncrecommandéd’ysupprimerlaréférenceexpliciteaugénocidecommis par le régime national-socialiste allemand pendant lasecondeguerremondiale,demanièreàpouvoirl’appliqueràd’autresgénocides.2.Sur le colonialisme : que les autorités politiquesmanifestent unereconnaissancedecepassépourquelesjeunesgénérations,pourla plupart belges désormais, puissent grandir dans un pays quireconnaîtcecontentieuxhistoriqueetexprimesaresponsabilitéetsesregretsdanscesévénementsdramatiques.

Recommandation 8

Enfin,nousjugeonsnécessaired’ajouterunehuitièmerecommandationà cette sélection.Elle est la conséquencedubilanqui a été tiré, aumomentoùfurentlancéeslesAssises,surlapostéritédurapportfinalqu’avait rédigé laCommissiondudialogue interculturel en 2005.Aumomentdeleurpublication,lesrecommandationsdelaCommissionfurentaccueilliestrèsfavorablement,maisforcefutdeconstaterqu’àderaresexceptionsprès,ellessontrestéeslettremorte.

Au terme des travaux de la Commission du dialogue interculturel,aucuneinstancen’aétéchargéed’assurerlesuividesespropositions,mêmesionentrouvedestracesdansdemultiplesrapportsspécialisésmaisparcellairesémanantd’institutionsbelges(commeleCECLR)oueuropéennes. L’absence de suivi systématique pendant cinq ans estd’ailleurslacausedel’impossibilitéd’enfairel’évaluationetlebilan.Il s’agit là d’un reproche adressé fréquemment à l’action publique :l’absence de suivi – pour vérifier si les recommandations ont été

Recommandation 5

En matière d’aménagements raisonnables, le Comité de pilotageinvite à étudier plus avant les éventuels avantages et inconvénientsqu’offrirait l’extensionduconceptd’aménagementsraisonnables, telqu’ilestdéfinidanslaloidu10mai2007,afinquecesaménagementsneconcernentplusseulementlespersonneshandicapées,maisqu’ilspuissentaussiêtreappliquésàd’autressituations,notammentcellesliéesàlaconvictionreligieuseouphilosophique30.

Recommandation 6

LeComitédepilotageproposeauxpartenairessociauxd’envisagerderéformercommesuitlecalendrierdesjoursfériéslégaux:1.Conserverlescinqjoursfériéssuivants:1janvier,1mai,21juillet,11novembreet25décembre.

2.Permettreàchacundechoisirlibrementdeuxjoursflottants,selonsacultureousareligion.

3.Créertroisnouveauxjoursfériésnonreligieux.Ceux-cipourraientcoïncideravecdesjournéesinternationalesquicélèbrentladiversitéetlaluttecontrelesdiscriminationscomme,parexemple,lajournéeinternationaledesfemmes(8mars),lajournéeinternationalecontreleracisme(21mars)etlajournéemondialedeladiversitéculturelle(21mai).

Une réforme inspirée du même principe pourrait s’appliquer aucalendrierscolaire.

30��La�loi�anti-discrimination�du�10�mai�2007�établit�la�liste�des�critères�protégés�de�toute�discrimination�directe�ou�indirecte� :�«� l’âge,� l’orientation�sexuelle,� l’état�civil,� la�naissance,� la� fortune,� la�conviction�religieuse�ou�philoso-phique,�la�conviction�politique,�la�conviction�syndicale,�la�langue,�l’état�de�santé�actuel�ou�futur,�un�handicap,�une�caractéristique�physique�ou�génétique,�l’origine�sociale�».�

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Jean-Michel Heuskin, VicePrésidentduCentred’ActionLaïque(CAL)etDirecteurduCentrerégionalpourl’intégrationdespersonnesissuesdel’immigrationdeLiège(CRIPEL)

Jean-Philippe Schreiber, Professeuràl’UniversitéLibredeBruxelles(ULB)etMaîtredeRecherchesauFondsNationaldeRecherchesScientifique(FNRS)

Memet Karaman, CoordinateurIntercultureelNetwerkGentNaima Charkaoui, DirectriceduMinderhedenforumNorah Van Den Daele, CollaboratriceRomsinVMCOmar Ba, ReprésentantdelaPlateformeAfricainePaul Dahan, PrésidentduCentreCulturelJudéo-marocainPaul Salmon, ResponsableaffairessocialesGenkRadouane Bouhlal, Juristespécialisédanslesdroitsdel’Homme

etPrésidentdumouvementcontreleRacisme,l’AntisémitismeetlaXénophobie(MRAX)

Sultan Balli, ProfesseuràlaKatholiekeHogeschoolLeuven(KHL)

Suzanne Monkasa, ConsultantechezCentrumvoorIntercultureelManagementenInternationaleCommunicatie(CIMIC)

Volkan Uce, ResponsableDiversitéduondernemersplatformVKW

Les présidentes :

Christine Kulakowski, DirectriceduCentreBruxelloisd’ActionInterculturelle(CBAI)

Marie-Claire Foblets, ProfesseuràlaKatholiekeUniversiteitLeuven(K.U.Leuven)etlaUniversiteitAntwerpen(UA)

appliquées et dans quelle mesure – et d’une véritable culture del’évaluation–pourvérifiersilamiseenapplicationdesrecommandationsa produit les résultats escomptés. Faute d’évaluation et de suivi, denouvelles Assises seront nécessaires dans cinq ans et sans pouvoirs’appuyersurlesacquis.

Dans lamesure où la plupart de nos recommandations nécessitentlamiseenplacedeprocessusadaptésetcontinués,ceux-cidoiventpouvoirêtrestimulés,accompagnésetcoordonnés.

Au terme de ses travaux, le Comité de pilotage des Assises de l’interculturalité préconise que, pour toutes les recommandations, un mécanisme de suivi et d’évaluation soit rapidement mis en place, à chacun des niveaux concernés de l’État, en désignant les instances ad hoc pour assurer ce suivi et en leur affectant un timing précis pour leur mise en œuvre. Les recommandations qui postulent une issue législative ou décrétale requièrent une attention spécifique.

Composition du Comité de pilotage

Les membres :

Albert Guigui, GrandrabbindeBruxellesetGrandRabbinattachéauConsistoireCentralIsraélitedeBelgique

Altay Manço, Directeurscientifiquedel’InstitutdeRecherche,FormationetActionssurlesMigrations(IRFAM)

Christa Schaus, PrésidenteduConseilpourlacoopérationaudéveloppement,lasolidaritéetl’intégrationdelacommunautégermanophone(RéseauRESI)

Edouard Delruelle, DirecteuradjointduCentrepourl’EgalitédeschancesetlaLuttecontreleracisme

Farid El Machaoud, Présidentdel’UniondesMosquéesGily Coene, ProfesseuràlaVlaamseUniversiteitBrussel(VUB)Hassan Boujedain, CoordinateurdeOnthaalbureauInburgering

Antwerpen

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etdes«minorités»quineseraientpassuffisammentreconnuesentantquetelles.Certes,lapolaritémajorité/minoritésculturellesestprésentedanslasociété,maisàmesyeux,lapolaritécapital/travailrestestructurellementdéterminantepourexpliquerlesenjeuxdenotresociété.C’estpourquoijesuisconvaincuquelasolutionauxproblèmesinterculturels,endernierressort,n’estpas…culturelle,maissetrouvedansunerefondationdel’Etatsocialeuropéenetdansdespolitiques« généralistes » en matière d’emploi, de logement, d’urbanisme,etc. Pour s’inscrire pleinement dans cette logique, et articuler plusadéquatement et plus concrètement les questions spécifiques dediversitéetlesquestionsdepolitiquegénérale,ilauraitfalluorganiserlestravauxduComitédepilotageselonuneautreméthode.

Malgré ces remarques critiques, et d’autres désaccords mineursque je n’ai pas la place d’exposer ici, j’approuve une majorité desrecommandationsquisetrouventdansceRapport.Enespérantqu’ildonnera lieu à un débat public plus large et plus fructueux que leDialogueinterculturelde2005…

Note minoritaire deNaima Charkaoui

Certains membres du Comité de pilotage ne partagent pas le‘compromis’ayanttraitauxsignesconvictionnels,d’unepartpourlesélèvesdansl’enseignementet,d’autrepart,pourlafonctionpublique.Cesmembresconsidèrentquelalimitationdelalibertédanscesdeuxcasn’estpasnécessairenimêmesouhaitable.

Leur proposition, pour l’enseignement, est d’appliquer pour touslesâgeslaréglementationvalablepour lesélèvesàpartirde la4èmeannéedusecondaire,àsavoirque tous lessignessont tolérésdansles limites fixées par la loi. A cet égard, il convient de remarquerquesi lespratiques lespluscourantesprévalentsurtoutàpartirdel’enseignement secondaire, certaines pratiques, comme le port duturban chez les Sikhs, prévalent également dans l’enseignementfondamental.Lesargumentsdestenantsdecettepositionsontlessuivants:

Annexe

Note minoritaire deEdouard Delruelle

Le Rapport final des Assises est de grande qualité, et il honore laBelgique.Pours’enconvaincre,ilsuffitd’observerlesdébatssouventnauséabondssur lemêmesujetdansdenombreuxpayseuropéens.Ayantco-rédigéleRapportduDialogueinterculturelde2004-2005,jemesureladifficultéd’unetelleentreprise.

LeComitéafaitlechoixdenepasexposersystématiquementlesdissentopinions.C’estpourquoijevoudraismarquermondésaccordsurdeuxrecommandationsimportantes,ainsiquesurlaphilosophiegénéralequiaprésidéànostravaux.Jelefaisàtitrestrictementpersonnel.

Au sujet des signes convictionnels à l’école, j’approuve la doublerecommandationfaiteauxlégislateurscommunautairesd’interdictionjusqu’auxpremièresannéesdusecondaire,etderespectdelalibertédeconvictiondansl’enseignementsupérieur.Parcontre,jepensequ’ilfaut laisser aux établissements une possibilité d’interdiction totale,dansdesconditionsclairementdéfiniesparlesDécrets.

Ausujetdes«accommodementsraisonnables»enmatièreculturelleet religieuse, je suis opposé à une modification de la loi anti-discriminationde2007.L’analogieentrelasituationdehandicapetlalibertédeconvictionmesembleuneerreurdedroitfondamentale.Laloi anti-discrimination a pour but de protéger l’égalité des individusdansl’exercicedeleursdroits(dontceluideleurconviction),maisnedoitpasêtre instrumentaliséepourrésoudreunautreproblème,quiestceluiduvivre-ensembledansuncontextedepluralismeculturel.Cettequestionnepourraêtrerégléequeparl’ajustementconcertédesacteurssociaux.

D’unemanièreplusgénérale,jeregrettequeleRapportavaliselavisiond’unesociétédiviséeentreune«majorité»culturellementdominante

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D’unautrecôté,ilestattendudesusagersdesservicespublicsqu’ilsjugentleserviceprestéquantauxfaitsetnonquantauxperceptionsqu’ils en ont. Il ne suffit pas qu’une personne présente unecaractéristique religieuse apparente pour en inférer un traitementinégalitaire.Laneutralitéduservicepresténepeut–etnedoit–êtrejugéequesurleplanfactuel.

•Unediversitéapparentedansdesdomainesclésapporteuneplus-value enmatière de gestion de la diversité. En étant en contactdirectavecunprestatairepublicdeservice,unlargepublicpeutainsiapprendreparexpériencequeladiversité,danslaviequotidienne,nedoitpasêtreproblématique.Notreenseignementdoitinculquerauxenfantsetauxjeunesde gérer la diversitéd’unefaçonrespectueuseetpositive.Ladissimulationdesdifférencesest,àcetégard,absurde.Ilestnettementpluspréférablepourlesélèvesd’apprendre,parlapratique,quel’expressiondesapropreidentitédoitallerdepairaveclerespectdel’expressiondel’identitéd’autrui.

•Danslesprocessus d’émancipation,laformationetletravailoccupentuneplaceimportante.Aussi,sommes-nousfortpréoccupésquantauxconséquencesdesdispositifsd’interdictionstoujoursplusnombreuxdansl’enseignementetsurlemarchédel’emploi,parexemplepourun groupe important de jeunes filles et de femmesmusulmanes.Une interdictiondessignesreligieuxpeuthypothéquer lourdementle parcours scolaire des jeunes : ils ne peuvent pas exercer leurdroitaulibrechoixdel’établissementscolairenimêmeleurdroitàl’enseignement.Surlemarchédel’emploi,uneinterdictiondanslesecteurpublicest rapidementcopiéedans lesecteurprivé. Ainsi,àcausede lamanifestationde leurcroyance,beaucoupd’hommesetdefemmessevoientprivésdelamoindrechancesurlemarchédel’emploi.Notreéconomiesepriveainsidebeaucoupdetalents.Notresociétéexcluttoutungroupedepersonnesdelaparticipation.

•Une interdiction des signes convictionnels n’est pas une solutionsensée au prosélytisme, au militantisme ou au harcèlement d’inspiration religieuse. Lorsque ces problèmes surviennent, lemieuxestdelesappréhendersoi-même.Dechaqueétablissementscolaire, on attend une politique de lutte contre le harcèlement.

•Sur le plan des droits universels de l’Homme, le point de départobligatoire est la liberté de religion et la liberté de manifester sa religion. Seuls des motifs dirimants, tels la sécurité publiqueou l’intégrité physique, peuvent limiter cette liberté. La limitationdoit, en outre, être nécessaire et proportionnelle. La propositiond’interdiction partielle, contenue dans le rapport, ne satisfait pas,selonnous,àcesconditions.

•Toujoursenmatièred’enseignement,la liberté des parentsd’éduquer(ou non) leurs enfants selon une certaine tradition convictionnelleestégalementd’application.Cettelibertéestdéjàbienancréedansnotresystèmeéducatif.Lesparentsjouissenteneffetdelafacultédechoisirlecoursconvictionneldeleursenfantsàpartirdelapremièreannée.

•L’interdiction de ces formes demanifestation religieuse est, à nosyeux,uneformedediscrimination fondée sur la religion. C’est laraisonpourlaquellenousnepouvonspassouscrireaucompromis:on ne peut pas accepter la moindre discrimination, fût-elleinstitutionnalisée

•Laneutralité des pouvoirs publicsestunepréoccupationimportanteetpartagée. C’estenadoptantuneapproche pluraliste activequecetteneutralitépeutlemieuxseréaliser.Lesdifférencesnedoiventpasêtredissimuléesparuneprétendueneutralitéuniforme.Seulelaprésencevisibledesdifférencespeutrassurerl’usagerdesservicespublicsquantàlapositionneutredel’autorité.

•L’attitude neutre du fonctionnaire (ou de l’enseignant, ...) commepersonneestégalementd’importance.Chaquefonctionnaireadesconvictions (politiques, sociétales, philosophiques, …) et présentedes caractéristiques visibles qui peuvent susciter une certaineaffinitéaprèsdupublic(p.ex.:sexe,couleurdepeau).C’estàjustetitrequ’ilestattendudechaquefonctionnairequecesconvictionsetcaractéristiquesnejouentaucunrôledansl’exercicedesafonction.Danslecascontraire, ilseraitquestiond’unefauteprofessionnellegravecontrelaquelledesmesuresappropriéesdoiventêtreadoptées.

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Les règlements scolaires peuvent interdire le prosélytisme. Lesétablissementsscolairespeuventprendredessanctionscontre lespersonnes responsablesde tels agissements. Interdire les signesconvictionnelsnemènepasseulementàuneimpasse,maisplutôtàladissimulationdecesproblèmes,aulieudelessolutionner.

•Cette autorisation générale des signes convictionnels, tant dansl’enseignementquesurleplanprofessionnel(encecomprislafonctionpublique),devraitêtreuneévidencedans lecadre législatifactuel.Mais,commecen’estpaslecas,nousdemandonsauxresponsables politiques d’expliciter cette position via des instructions clairespourtouteslesautoritésetservicespublicsetpourtouslesréseauxd’enseignement.Lalibertéd’enseignementesteneffetsubordonnéeà l’interdiction des discriminations. Pour autant, il existe déjà unlarge cadre réglementaire auquel l’enseignement subventionnédoit satisfaireet l’autorisationdessignesconvictionnelspeut sansproblèmeyêtreexplicitée.