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Prise en charge diagnostique et the ´rapeutique du carcinome e ´pidermoı¨de cutane ´ (spinocellulaire) et de ses pre ´curseurs. Recommandations §,§§ Guidelines for the diagnosis and treatment of cutaneous squamous cell carcinoma and precursor lesions. Guidelines Haute Autorite ´ de sante ´ Service e ´valuation des actes professionnels, 2, avenue du Stade de France, 93218 Saint-Denis La Plaine cedex, France Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com C es recommandations sont issues du guide de pratique e ´labore ´ sous l’e ´gide de la Socie ´te ´ franc ¸aise de derma- tologie et valide ´ en mai 2009. Ces recommandations professionnelles ont rec ¸u le label conjoint INCA-HAS. Ce label signifie que les recommandations ont e ´te ´e ´labore ´es selon les proce ´dures et les re `gles me ´thodologiques pre ´conise ´es par l’INCA et la HAS. Toute contestation sur le fond doit e ˆtre porte ´e directement aupre `s du promoteur. Introduction Les carcinomes e ´pidermoı ¨des cutane ´s (CEC) ou spinocellu- laires regroupent des tumeurs e ´pithe ´liales malignes cutane ´es primitives qui expriment une diffe ´renciation malpighienne et sont distinctes des carcinomes basocellu- laires. L’incidence annuelle du CEC en France est estime ´e a ` 30/ 100 000 dans la population ge ´ne ´rale. L’a ˆge moyen de de ´couverte est de 76 ans. La pre ´valence et l’incidence du CEC augmentent, du fait du vieillissement de la population et des habitudes d’exposition solaire. Les CEC peuvent survenir de novo ou plus souvent marquer l’e ´volution de le ´sions conside ´re ´es comme des pre ´curseurs non invasifs : les ke ´ratoses actiniques (KA) et la maladie de Bowen (MB). Le ke ´ratoacanthome est une tumeur spontane ´ment re ´gressive qui partage e ´galement avec les CEC une histogene `se et une e ´pide ´miologie communes. Le principal facteur de risque est la dose totale d’ultraviolets (UV) rec ¸ue au cours de la vie. Le risque de de ´velopper un CEC est influence ´ par le phototype, qui est de ´termine ´ ge ´ne ´tique- ment. Certains cocarcinoge `nes sont identifie ´s : tabac et CE de la le `vre infe ´rieure, papillona virus humains (PVH) et CEC ge ´nitaux ou anaux. Plus rarement, le CEC survient sur une MB, une ulce ´ration chronique, une cicatrice, une inflamma- tion cutane ´e chronique ou de novo. Le pre ´sent guide aborde la prise en charge de ces diffe ´rentes le ´sions chez l’adulte immu- nocompe ´tent. Les niveaux de preuve et les grades utilise ´s sont ceux de ´finis par la HAS. L’actualisation de la litte ´rature sur la the ´rapeu- tique des CEC et de leurs pre ´curseurs a repose ´ sur la recherche d’essais contro ˆle ´s. La litte ´rature consacre ´e aux CEC est habi- tuellement de faible niveau de preuve et, sauf mention Mots cle ´s : Carcinome e ´pidermoı ¨de, Carcinome spinocellulaire, Ke ´ratose actinique, Maladie de Bowen, Ke ´ratoacanthome, Guide de pratique, Me ´decine factuelle Keywords: Squamous cell carcinoma, Actinic keratosis, Bowen’s disease, Keratoacanthoma, Guidelines, Evidence-based medicine § Cet article a e ´te ´ publie ´ sous l’e ´gide de la Haute Autorite ´ de sante ´ ß HAS 2010. Publie ´ par Elsevier Masson SAS. Tous droits re ´serve ´s. Nous remercions la Haute Autorite ´ de sante ´ de nous avoir autorise ´s a ` reproduire ces textes. Le texte inte ´gral est consultable sur le site www.has-sante.fr rubrique Toutes nos publications. §§ La Socie ´te ´ franc ¸aise de stomatologie et chirurgie maxillo-faciale a parti- cipe ´a ` l’e ´laboration de ces recommandations. Recommandations 228 0035-1768/$ - see front matter ß 2010 Publie ´ par Elsevier Masson SAS. 10.1016/j.stomax.2010.06.002 Rev Stomatol Chir Maxillofac 2010;111:228-237

Prise en charge diagnostique et thérapeutique du carcinome épidermoïde cutané (spinocellulaire) et de ses précurseurs. Recommandations

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Page 1: Prise en charge diagnostique et thérapeutique du carcinome épidermoïde cutané (spinocellulaire) et de ses précurseurs. Recommandations

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Haute Autorite de santeDisponible en ligne sur

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Service evaluation des actes professionnels, 2, avenue du Stade de France, 93218 Saint-Denis LaPlaine cedex, Francewww.sciencedirect.com�

Mots cles : Carcinome epidermoıde, Carcinome spinocellulaire,Keratose actinique, Maladie de Bowen, Keratoacanthome, Guidede pratique, Medecine factuelle

Keywords: Squamous cell carcinoma, Actinic keratosis, Bowen’sdisease, Keratoacanthoma, Guidelines, Evidence-based medicine

C es recommandations sont issues du guide de pratiqueelabore sous l’egide de la Societe francaise de derma-tologie et valide en mai 2009. Ces recommandations

professionnelles ont recu le label conjoint INCA-HAS. Ce labelsignifie que les recommandations ont ete elaborees selon lesprocedures et les regles methodologiques preconisees parl’INCA et la HAS. Toute contestation sur le fond doit etreportee directement aupres du promoteur.

Introduction

Les carcinomes epidermoıdes cutanes (CEC) ou spinocellu-laires regroupent des tumeurs epitheliales malignes

§ Cet article a ete publie sous l’egide de la Haute Autorite de sante� HAS 2010.Publie par Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves. Nous remercions laHaute Autorite de sante de nous avoir autorises a reproduire ces textes. Letexte integral est consultable sur le site www.has-sante.fr rubrique Toutesnos publications.§§ La Societe francaise de stomatologie et chirurgie maxillo-faciale a parti-cipe a l’elaboration de ces recommandations.

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0035-1768/$ - see front matter � 2010 Publie par Elsevier Masson SAS.10.1016/j.stomax.2010.06.002 Rev Stomatol Chir Maxillofac 2010;111:228-237

cutanees primitives qui expriment une differenciationmalpighienne et sont distinctes des carcinomes basocellu-laires.L’incidence annuelle du CEC en France est estimee a 30/100 000 dans la population generale.L’age moyen de decouverte est de 76 ans. La prevalence etl’incidence du CEC augmentent, du fait du vieillissement de lapopulation et des habitudes d’exposition solaire. Les CECpeuvent survenir de novo ou plus souvent marquer l’evolutionde lesions considerees comme des precurseurs non invasifs :les keratoses actiniques (KA) et la maladie de Bowen (MB). Lekeratoacanthome est une tumeur spontanement regressivequi partage egalement avec les CEC une histogenese et uneepidemiologie communes.Le principal facteur de risque est la dose totale d’ultraviolets(UV) recue au cours de la vie. Le risque de developper un CECest influence par le phototype, qui est determine genetique-ment. Certains cocarcinogenes sont identifies : tabac et CE dela levre inferieure, papillona virus humains (PVH) et CECgenitaux ou anaux. Plus rarement, le CEC survient sur uneMB, une ulceration chronique, une cicatrice, une inflamma-tion cutanee chronique ou de novo. Le present guide aborde laprise en charge de ces differentes lesions chez l’adulte immu-nocompetent.Les niveaux de preuve et les grades utilises sont ceux definispar la HAS. L’actualisation de la litterature sur la therapeu-tique des CEC et de leurs precurseurs a repose sur la recherched’essais controles. La litterature consacree aux CEC est habi-tuellement de faible niveau de preuve et, sauf mention

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Prise en charge diagnostique et therapeutique du carcinome epidermoıde cutane

contraire, les recommandations figurant dans ce guide depratique sont de grade C.Les CEC des ongles et des muqueuses ainsi que les CECmultiples et leurs precurseurs observes precocement danscertaines genophotodermatoses (exemple. Xeroderma pig-mentosum) et chez les immunodeprimes (exemple. trans-plantes d’organes) ne sont pas traites dans ce guide.Les buts principaux du groupe de travail (GT) ont ete dedegager les elements les plus coherents de la litterature, defacon a :� clarifier la terminologie et la classification des CEC et deleurs precurseurs ;� proposer une classification pronostique ;� recommander une prise en charge diagnostique ettherapeutique adaptee au pronostic.

Prevention, depistage

Prevention primaireL’exposition solaire pendant l’enfance et l’adolescence joueun role important dans l’apparition d’un CEC, ce qui incite apromouvoir la photoprotection a ces ages de la vie. Lesprogrammes de prevention s’adressant aux scolaires et auxadolescents doivent insister plus sur les dommages causes a lapeau que sur le risque de cancer.L’information et les conseils de prudence vis-a-vis du soleildoivent etre renouveles pendant toute la vie, en particulierchez des sujets a risque (phototype clair, exposition solaireprofessionnelle ou recreative) :� prudence vis-a-vis du soleil en milieu de journee (60 % de ladose d’ultraviolets (UV) est recue entre 12 et 16 heures) ;� privilegier la protection vestimentaire et comportementale ;� utiliser les produits de protection solaire comme derniereligne de protection (indice UVB superieur a 15, etendu le pluspossible dans le spectre des UVA) et surtout pas comme unpretexte a d’augmenter la duree d’exposition ;� limiter l’utilisation des lampes a bronzer.

Prevention secondaire

Le depistage systematique dans la population generale n’apas fait la preuve de la reduction de la morbidite ou de lamortalite. En revanche, les patients qui ont eu un CEC formentun groupe a haut risque d’avoir un autre CEC et 52 % d’entreeux auront un autre cancer cutane dans les cinq ans quisuivent le diagnostic. Il a ete montre en Australie que lapromotion d’une protection solaire stricte, chez ces sujets,reduit l’apparition des KA et le risque de nouveaux CEC.La surveillance de ces sujets a risque est recommandeependant au moins cinq ans. Les donnees de la litteraturene precisent pas le rythme de la surveillance des groupes arisque, mais indiquent la necessite de former les medecins al’examen de la peau.

DepistageLe depistage du CEC ou de ses precurseurs est recommandeapres 50 ans, chez les sujets a risque definis par les criteressuivants : phototype clair, exposition solaire ou phototherapiecumulee importante, exposition aux autres carcinogenescutanes, heliodermie, radiotherapie, ulceration ou inflamma-tion cutanee chronique, transplantation d’organe, antecedentpersonnel de cancer cutane. Le benefice d’un tel depistage entermes de sante publique n’est pas connu.L’examen de la peau peut etre realise a l’occasion de touteconsultation medicale. Le rythme optimal de cet examen n’estpas connu.Devant une lesion cliniquement evocatrice de KA, l’informa-tion du patient doit comprendre les elements suivants :� cette lesion est un precurseur de CEC, mais le risque de lavoir evoluer vers un CEC est faible ;� cette lesion peut etre traitee de facon ambulatoire, simple,peu invasive, peu couteuse et efficace ;� la presence de cette lesion indique un risque d’apparitiond’un cancer cutane au meme site ou en d’autres zones ;� ceci rend souhaitable l’examen de l’ensemble du tegumentpour s’assurer de l’absence de lesion suspecte.Dans la mesure du possible, le patient doit etre eduque al’auto-examen, a l’autodetection d’une nouvelle lesion.

Prise en charge des precurseurs des CEC

Les keratoses actiniquesLe diagnostic de KA est habituellement clinique. Histologique-ment, le diagnostic repose sur la presence d’anomalies del’architecture epidermique et des keratinocytes qui, par defini-tion, n’interessent pas la totalite de l’epaisseur epidermique.

KA et dysplasies epitheliales des regions genitales :semantique

Du fait de l’analogie histologique entre KA et lesions dedysplasie du col de l’uterus, certains auteurs ont proposed’adopter pour les KA (et pour la MB) la denomination dekeratinocyte intraepidermal neoplasia (KIN).Pour le GT, l’interet de rapprocher des entites dont l’etiopa-thogenie et l’aspect clinique sont differents, est discutable. Iln’y a pas de raison de remplacer la denomination clinique deKA par une denomination histologique moins explicite pourles praticiens (accord professionnel).Il reste loisible pour le pathologiste de grader le niveau dedysplasie epitheliale.

KA : precurseur ou carcinome epidermoıde ?

Cette question a des implications importantes en termes detraitement et de retentissement psychologique et social. Lestenants d’une these uniciste considerent que toute KA estdeja un CEC. Il est cependant etabli que l’evolution d’une KA

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Haute Autorite de sante Rev Stomatol Chir Maxillofac 2010;111:228-237

peut relever de trois modalites : la disparition apparentespontanee, la persistance ou la progression vers un CEC. Letaux d’evolution des KA en carcinome invasif est faible. La KArepond donc bien a la definition clinique d’un precurseur et il ya lieu de conserver la distinction entre KA et CEC (accordprofessionnel).

Notion de champ de cancerisation

Le champ de cancerisation est defini comme une zone peri-tumorale comportant des anomalies infracliniques, multifo-cales, pouvant etre le lit de recidives ou de nouvelles lesionsneoplasiques. Ces faits sont frequents dans les zones cuta-nees photo-exposees et en peripherie des KA et des CEC. Ilspeuvent inciter a traiter preventivement toute la surfaced’une zone atteinte plutot qu’a traiter individuellementchaque lesion, mais, a ce jour, l’interet d’une telle attituden’a pas ete demontre.

Traitement des keratoses actiniques

L’interet de traiter systematiquement toutes les KA pourameliorer la survie specifique ou la qualite de vie n’est pasdemontre. Le groupe de travail estime toutefois qu’un trai-tement doit etre propose au patient en l’informant desmodalites therapeutiques disponibles. L’abstention therapeu-tique peut se discuter en fonction du souhait exprime par lepatient, de la situation oncogeriatrique, voire de l’eloigne-ment geographique.

Presentation des methodes� Chirurgie : toujours possible, mais fortement concurrencee ;� cryotherapie : rapide, peu couteuse, accessible. Son efficaciteest operateur-dependante ;

Tableau IRecapitulatif des options therapeutiques en fonction des caracteristpropositions par le groupe de travail, basees sur le type de situationeffets secondaires et du cout des traitements.).

1re intention 2e

Caracteristiques des KAKA isolee ou en petit nombre Cryotherapie 5-F

dicKA multiples ou confluentes 5-FU imiquimod ou PDT

KA hypertrophiques Biopsie recommandee Crypo

Echec traitement bien conduit Biopsie recommandee

LocalisationsVertex, oreilles, nez, joues, front Cryotherapie, 5-FU ImZones periorbitaires Diclofenac ou

cryotherapieAu

KA confluentes du vertex 5-FU Im

Caracteristiques du patientPatient peu autonome Cryotherapie 5-F

si sEloignement Cryotherapie 5-F

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� laser, curetage, electrocoagulation sont des methodes dedestruction possibles, mais mal evaluees ;� les cremes 5-FU et imiquimod et la phototherapiedynamique (PDT) sont des methodes efficaces, aux effetssecondaires locaux plus ou moins vifs, mais en generaltolerables. Traitements de premiere intention des KA multiples ;� la creme 5-FU a le meilleur rapport cout/efficacite/tolerance ;� 5-FU et imiquimod : leur efficacite est patient-dependante ;� la creme diclofenac est bien toleree, mais semble moinsefficace que les precedents ;� la PDT : couteuse, non remboursable, peu accessible ;� imiquimod : a utiliser prudemment si un traitementimmunosuppresseur est en cours (transplantes).

Options therapeutiquesLe tableau I represente les options therapeutiques.

La maladie de Bowen (MB)

La MB est un carcinome epidermoıde intra-epithelial (in situ).La population la plus concernee est la septieme decennie et lesexe feminin. Les formes genitales sont fortement liees auxpapillomavirus humains (PVH).Sur le plan anatomopathologique, l’epiderme est desorganiseet constitue sur toute son epaisseur de keratinocytes atypi-ques, mais qui, par definition, ne franchissent pas la mem-brane basale.La progression vers un carcinome invasif se traduit clinique-ment par l’apparition sur le placard plan d’une tumeur sou-vent ulceree. La frequence de cette progression n’est pasconnue avec precision.

iques du malade et des lesions. (Les choix exprimes sont deset sur l’evaluation de l’efficacite, de la facilite d’utilisation, des

intention Commentaires

U, imiquimod,lofenac ou PDT

Classement par cout : diclofenac,PDT non remboursesCryotherapie souventmal toleree

otherapie, si suivissible ; biopsie si echec

iquimod, PDTtres topiques Œdeme inflammatoire avec

une majorite de traitementsiquimod ou PDT

U, imiquimod, ou PDT,oins infirmiers disponibles

Suivi et soins a realiserpar une equipe paramedicale

U, diclofenac, imiquimod Surveillance souhaitable

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Prise en charge diagnostique et therapeutique du carcinome epidermoıde cutane

Traitement de la maladie de Bowen et des carcinomes in situ

� Lesion de petite taille : deux options

� e xerese avec controle anatomopathologique, � c ryotherapie « agressive » (duree optimale de congelation :

10, 20, 40 secondes ?), a trois conditions : eviter de traiterles jambes et les zones a trophicite precaire ; verification dudiagnostic par biopsie ; possibilite de suivi ulterieur ;

� Si la chirurgie et la cryotherapie semblent difficiles (lesionsetendues ou multiples ou zones cicatrisant mal) : chimiothe-rapie locale : 5-FU, PDT, imiquimod a deux conditions :verification diagnostique par biopsie prealable et surveillanceapres traitement.

Prise en charge des CEC infiltrants

Les CEC peuvent etre responsables de metastases locales,regionales ou a distance entraınant le deces.La dissemination par voie lymphatique est responsable de80 % des localisations metastatiques.Le risque metastatique (apprecie grossierement dans la litte-rature par le rapport nombre de metastases/nombre de casdecrits) est evalue a 2,3 % a cinq ans et a 5,2 % apres un suivisuperieur a cinq ans pour les CEC en peau photo-exposee.La survenue d’une rechute ou de metastases et la mortaliteliees aux CEC sont le plus souvent en rapport avec une prise encharge initiale tardive ou inadaptee de la tumeur ou enrapport avec des formes anatomocliniques agressives.

La place de la biopsie

Effectuee au bistouri ou a l’emporte-piece (punch no 4) :� recommandee (accord professionnel) :

� s i le diagnostic clinique est incertain, � s i un traitement non chirurgical est envisage, � p our confirmation diagnostique preoperatoire avant une

intervention extensive ;� elle peut permettre aussi :

� u n debut d’evaluation histopronostique (sous-type histo-

logique, profondeur),

� u ne cartographie de l’extension d’une tumeur mal limitee

cliniquement (par biopsies multiples).

Classification pronostique des CEC infiltrants

Onze facteurs de risque de rechute ont ete pris en compte

Six facteurs cliniques1. La localisation de la tumeur primitive.

Localisations a risque faible : zones photo-exposees (endehors de levre et oreille).Localisations a risque plus eleve : zones peri-orificielles, zonesnon insolees, CEC sur radiodermite, cicatrice de brulures,ulcere et inflammation chroniques.

2. La taille de la tumeur (diametre dans sa plus grandedimension).Dans les series retrospectives, les tumeurs de taille superieurea 2 cm ont deux fois plus de risque de recidiver et trois foisplus de metastaser que celles de taille inferieure, mais les tauxde recidive et de metastase a cinq ans des CEC au-dessous dece seuil sont respectivement de 7,4 et de 9,1 % (tous types ettoutes localisations confondus).Pour le GT : ces chiffres indiquent que le seuil de 2 cmest significatif, mais qu’il ne definit cependant pas leseuil de securite. Il propose donc de fixer ce seuil a 1 cm pourles CEC des zones a risque et a 2 cm pour les autres zones.3. L’infiltration en profondeur (adherence au plan profond).4. Les signes neurologiques d’invasion decrits dans les CECde la face : neuropathie carcinomateuse intracranienne symp-tomatique du trijumeau ou du facial. Ces symptomes indi-quent un niveau eleve d’invasion et definissent le stade T4 dela classification TNM : invasion des « structures profondes »,sous-hypodermiques.5. La recidive locale constitue un facteur de risque importantde metastase ganglionnaire ou a distance (taux de metasta-ses eleve apres recidive).6. L’immunodepression est hors champ de ce guide depratique, mais constitue un facteur de risque majeur. Lesetudes de cohortes de transplantes montrent un risque decancer cutane a cinq ans (hors melanome et CBC) � 100, lie audegre d’immunosuppression iatrogene au long cours.L’agressivite des CEC du transplante est superieure a celle desCEC de l’immunocompetent.Cinq facteurs histopronostiques1. Le type histologique.

Des 16 variantes histologiques decrites, le groupe de travail aretenu les formes semblant avoir a la fois une identite histo-logique et pronostique, classees en fonction de leur degred’agressivite :� quatre formes a risque faible (� 3 %) :

� C EC commun (majorite des cas de CEC � 70 %), � c arcinome verruqueux et ses variantes regionales : papil-

lomatose orale floride (bouche, pharynx), Buschke-Low-enstein (zone genitale et peri-anale) et carcinomecuniculatum (jambe, pied),

� c

arcinomes metatypique (intermediaire) et mixte(basosquamous) : rattaches au CEC plutot qu’au CBC,

� C

EC a cellules fusiformes en zone non irradiee ;� trois formes vraisemblablement plus agressives : � C E acantholytique : 2 a 4 % des CEC, tete et cou, � C E muco-epidermoıde (adenosquamous) : tres rare, � C E desmoplastique : assez frequent a condition de

l’identifier.2. Le degre de differenciation cytologique.Evalue dans la pratique selon une classification« approximative » en bien, peu ou non differencie dont lareproductibilite demanderait a etre evaluee.

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Haute Autorite de sante Rev Stomatol Chir Maxillofac 2010;111:228-237

3 et 4. L’epaisseur de la tumeur et la profondeur (Clark) del’invasion.Deux criteres importants, souvent absents du compte renduanatomopathologique, qui, de ce fait, ne sont pas pris encompte dans nombre d’etudes, mais dont la valeur predictiveest elevee. Les seuils retenus par les auteurs n’etant pashomogenes, une incertitude persiste sur le seuil classantideal :� les tumeurs d’epaisseur � 2 (ou 3) mm ou de niveau deClark � III ne metastasent qu’exceptionnellement ;� les tumeurs d’epaisseur > 2 (ou 3) mm et� 4 ou 5 mm sonta risque modere (3 a 6 % de metastases) ;� au-dessus de 5 (ou 6) mm et du niveau de Clark � V lerisque peut depasser 15 % et atteindre 45 %.5. L’invasion perinerveuse.Sa prevalence est estimee de 2,5 a 14 % selon les series. Elledonne lieu a des taux de recidive et de metastase eleves.

Proposition de classification pronostique

Les six criteres cliniques et cinq criteres histologiques retenusn’ayant fait l’objet ni d’une etude de leur valeur predictive, nid’une etude multivariee de leur caractere independant, le GTpropose un classement provisoire des CEC en deux groupes(tableau II).

Le groupe 1 de CEC a tres faible risque = n’ayant aucun descriteres de mauvais pronostic.Leur traitement est facile a codifier et peut etre decide horsReunion de Concertation Pluridisciplinaire (RCP).

Le groupe 2 d’autres CEC a risque significatif de recidive et/oude metastasesUn seul critere de la colonne « a risque significatif » estsuffisant pour faire classer le CEC dans ce groupe, mais il

Tableau IIClassification pronostique des CEC.Criteres Groupe 1 : aCliniques

Primitif vs recidive PrimitifDegre d’infiltration clinique AbsenceSymptomes neurologiques d’envahissement NonStatut immunitaire ImmunocomTaille (diametre) en fonction de la localisation < 10 mm en

< 20 mm eAnatomopathologiques

Envahissement perinerveux NonDegre de differenciation cellulaire BonFormes histologiques CEC commu

(hors zonemetatypiqu

Profondeur (niveau de Clark)et epaisseur tumorale

Niveau � IIIEpaisseur �

Zone a risque (R+) : zones peri-orificielles (nez, levre, oreille externe, paupiere) et le cuir cheveluinflammation ou ulcere chroniques. Zone a risque bas (R�) : autres localisations de l’extrem

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faut souligner que ce groupe est tres heterogene en termes depronostic, car :

� d’une part, le risque induit par chacun de ces criteres estvariable. Cinq d’entre eux (immunodepression, recidive,adherence au plan profond temoignant d’un niveau d’inva-sion eleve, symptomes cliniques et/ou histologique d’enva-hissement perinerveux) ont un caractere intrinsequementpejoratif. Pour chacun des six autres, le risque induitdemande a etre evalue en fonction de la situation de chaquecas.� d’autre part, l’association de plusieurs criteres indepen-dants augmente vraisemblablement le risque.Au total : les criteres pronostiques des CEC de ce groupedemandent a etre evalues individuellement sur une echelleallant de « risque moyen » a « tres haut risque ». Cela justifieque la conduite a tenir en matiere d’explorations et detraitement se discute en RCP.Le groupe de travail, conscient de la relative faiblesse duniveau de preuve de cette proposition, appelle de ses vœuxle recueil systematique, par les cliniciens et les anatomopa-thologistes, des facteurs pronostiques ci-dessus, en vue d’etu-des ulterieures plus concluantes.

Bilan initial

Il est motive par la necessite d’avoir connaissance de l’exten-sion locoregionale et a distance de la maladie.

Pour les carcinomes in situ et les CEC a faible risque (groupe 1)

Aucun examen paraclinique n’est justifie (accord profession-nel). L’examen clinique doit comporter au minimum l’inspec-tion de la totalite du tegument (recherche d’un secondcancer), l’evaluation du phototype et de l’heliodermie, lapalpation des aires ganglionnaires de drainage.

` faible risque Groupe 2 : a risque significatif

RecidiveAdherence au plan profondOui

petent Immunodeprimezone R+ � 10 mm en zone R+

n zone R� � 20 mm en zone R�

OuiMoyen a indifferencie

n, verruqueux, fusiformeirradiee), mixte oue

CEC desmoplastique >mucoepidermoıde >acantholytiqueNiveau � IV

3 mm Epaisseur > 3 (ou 4 ou 5) mm; zones non insolees (perinee, plante des pieds, ongle) ; radiodermite, cicatrice de brulure,

ite cephalique, du tronc et des membres.

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Prise en charge diagnostique et therapeutique du carcinome epidermoıde cutane

Pour les carcinomes primitifs a risque significatif de recidive oude metastase (groupe 2)

L’examen clinique doit en outre comporter la recherche delocalisations metastatiques. Une echographie locoregionalede la zone de drainage (etude de l’echogenicite du hile) peutetre proposee. Tout autre examen n’est justifie que devantdes signes cliniques d’appel ou par une decision prise en RCPdu fait de l’accumulation de criteres de mauvais pronostic.La procedure du ganglion sentinelle peut etre envisagee dansle cadre d’essais therapeutiques ou de protocoles d’evalua-tion.

Bilan gerontologique

Le CEC et ses precurseurs atteignant majoritairement lessujets ages, il est important de faire une evaluation globalede ces sujets avant instauration d’un traitement anticance-reux. Cette evaluation doit prendre en compte :� les comorbidites (risque de decompensations viscerales) ;� l’autonomie physique et psychique, les possibilites dedeplacement, liees a l’autonomie motrice et a l’environne-ment social et familial, pouvant affecter la compliance auxtraitements ;� l’existence de troubles cognitifs ;� l’etat nutritionnel et le statut biologique (hypo-albumine-mie, anemie).Elle permet d’individualiser trois groupes de patients :� des patients au vieillissement harmonieux, autonomes,dont les reserves fonctionnelles sont intactes. Ces patientssont les plus a meme de beneficier d’une prise en chargeproche de celle de l’adulte jeune (groupe I) ;� des patients « fragiles », aux reserves fonctionnelles tresdiminuees, ayant une esperance de vie plus faible que celle deleur classe d’age et un fort risque de mauvaise tolerancemedicamenteuse, dont le traitement doit se limiter a desobjectifs de confort et de qualite de vie (groupe III) ;� un groupe intermediaire de patients « vulnerables »(groupe II).La mise en œuvre et l’interet des differentes modalites the-rapeutiques des CEC dans les deux derniers groupes depatients demandent a etre evalues, si besoin, avec le concoursd’un geriatre.

Moyens de traitement des CEC infiltrantsL’efficacite des traitements medicaux topiques est insuffi-sante pour les CEC, lesions potentiellement metastatiques.L’utilisation de ces traitements est formellement deconseilleedans cette indication (accord professionnel).

Traitement chirurgical

La chirurgie est le traitement de reference, auquel les autrestraitements doivent etre compares.

Prealables et principesL’information du patient doit preceder tout acte chirurgical aucours d’une consultation preoperatoire qui doit repondre auxcriteres d’une consultation d’annonce si le diagnostic est dejaconnu.

Evaluation (soigneuse) de la tumeur :� recherche des signes fonctionnels, examen des airesganglionnaires ;� palpation, mensuration de la lesion, marquer les limites,dessiner les marges ;� apprecier les criteres de faisabilite : lies a l’equipementlocal et a l’operateur.Les imperatifs a respecter sont au nombre de trois : carcino-logique (exerese complete sans souci initial de la reparation),fonctionnel et esthetique. Cette exigence d’une exerese insano suivie d’une reconstruction a la fois esthetique et fonc-tionnelle est particulierement marquee au niveau de la face,et notamment pour les lesions proches des orifices naturels.

Les marges d’exerese « de securite »Marges laterales : les recommandations classiques reposentsur le travail de Brodland et Zitelli indiquant qu’une marge de4 mm suffit a eradiquer 95 % des CEC de moins de 2 cm dediametre, tandis qu’une marge > 6 mm est necessaire pourobtenir le meme resultat pour les tumeurs de diametre > 2 cm.

Considerant que la taille de la tumeur n’est qu’un refletapproximatif de l’agressivite tumorale, le groupe de travailpreconise :� une marge standardisee de 4 a 6 mm pour les tumeurs dugroupe 1, avec examen histologique et echantillonnagemacroscopique le plus informatif possible ;� une marge elargie, � 6 mm, voire 10 mm ou plus, pour lestumeurs du groupe 2, en particulier lorsqu’il existe plusieursfacteurs de risque d’extension infraclinique.Marge profonde : l’exerese doit interesser l’hypoderme enrespectant l’aponevrose, le perioste ou le perichondre, acondition que ces structures ne soient ni au contact, nienvahies par la tumeur.

Radiotherapie

ModalitesLa radiotherapie externe : utilise des photons X de faibleenergie (contact therapie), des photons X de forte energie, desrayons gamma (telecobalt) ou des faisceaux d’electrons(accelerateurs lineaires).

Une marge de securite de 1 a 1,5 cm autour de la tumeur estpreconisee du fait des incertitudes de repositionnement dupatient. Elle necessite en moyenne 10 a 30 seances etalees surtrois a six semaines : cette precision peut avoir son impor-tance s’agissant d’un sujet age et/ou grabataire.Les effets secondaires aigus a type d’epidermite sont reversi-bles en quelques jours ou semaines. Les effets tardifs(plusieurs mois ou annees) sont irreversibles : atrophie,

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dyschromie, sclerose cutanee, risque d’un second cancer sur lazone irradiee.La curietherapie interstitielle consiste a implanter dans latumeur, generalement sous anesthesie locale, des gainesplastiques permettant le chargement de fils d’iridium 192(Ir192 emetteur principal g).Durant le traitement, le patient est hospitalise en moyennetrois a quatre jours dans un service specialise. Cette donneedoit egalement etre prise en compte chez les personnes agees.

ImperatifsTous les CEC traites par radiotherapie doivent avoirprealablement une confirmation diagnostique histologique.

Quand l’indication de la radiotherapie est posee, elle doit etreadaptee et modulee selon la localisation et la taille du CEC, maisaussi l’age, l’autonomie et l’eloignement geographique dupatient.La radiotherapie n’est pas recommandee comme traitementde premiere intention :� si une chirurgie d’exerese simple peut etre realisee ;� sur certaines zones : mains, pieds, jambes, organesgenitaux (a l’exception de la curietherapie des CEC du penis).Elle est contre-indiquee en cas de maladie genetique predis-posant aux cancers cutanes (xeroderma pigmentosum, etc.).

Chimiotherapie systemique des CEC

Elle n’a qu’une place limitee, reduite aux echecs de la chirurgieet de la radiotherapie. La litterature sur le sujet est tres pauvreet les seules etudes controlees portent sur des CE de la tete etdu cou (bouche, pharynx, larynx) qui ne peuvent etre assimilestotalement aux CEC.Le cisplatine est la molecule de reference.

Chimioreduction preoperatoire (neoadjuvante)Elle a pu etre utilisee, sans succes probant, dans des tumeurstres volumineuses.

La thermo-chimiotherapie sur membre isole a ete proposee entraitement neoadjuvant ou a visee palliative dans des CECevolues des membres. Cette methode est lourde sur le plantechnique, elle comporte des risques non negligeables etparfois graves. Les taux de reponse obtenus sont eleves, maisil n’a pas ete demontre d’impact sur la survie.

Chimioradiotherapie adjuvanteLes resultats des traitements combines radiotherapie +chimiotherapie sont variables, mais ont pu montrer unbenefice par rapport a la radiotherapie seule. Il n’est paspossible d’emettre des recommandations relatives a cestraitements pour le CEC.

Chimiotherapie et chimioradiotherapie palliativesElles sont reservees aux formes inoperables d’emblee et auxformes metastatiques, a condition que l’etat general souventtres compromis des patients le permette.

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Diverses associations ont obtenu des resultats sans demon-trer d’augmentation de la survie par rapport au cisplatineseul.

Nouvelles therapeutiques : cetuximabCet anticorps monoclonal presente une forte affinite pour lerecepteur du facteur de croissance epidermique (EGFR) etinhibe la maturation cellulaire. Deux etudes incluant des CEmuqueux et une troisieme dans les CEC montrent une activitesignificative (reponses partielles). Le cetuximab peutrepresenter une option interessante, en particulier chez lessujets chez lesquels une chimiotherapie n’est pas envisageable,mais sa place dans le traitement demande encore a etreprecisee.

Etude anatomopathologique des prelevements

L’etude histologique peut etre realisee a partir de fragmentsbiopsiques ou de pieces d’exerese que le chirurgien auraorientes par tous moyens (fil repere, encrage, schema) avecindication, pour les exereses, de la marge clinique pratiquee.L’echantillonnage macroscopique depend, dans le cadre d’unechirurgie classique, de la taille des prelevements et doitchercher a etre le plus informatif possible.

Le controle des marges

Le controle histologique classiqueLe controle histologique classique peut etre extemporane ouretarde, sur coupes fixees. L’examen extemporane a unebonne valeur s’il est oriente par le chirurgien, mais nepermet l’examen que d’un faible pourcentage des marges.Il doit etre suivi d’une etude sur piece fixee et inclusion enparaffine du fragment examine extemporanement et du restede la piece operatoire, qui permet un controle plus precis quel’examen des coupes congelees.

Les chirurgies micrographiquesLes chirurgies micrographiques associent une exerese dela tumeur a un controle histologique de 100 % desberges peritumorales, soit extemporanement (chirurgiemicrographique de Mohs, CMM), rendant la reconstructionpossible dans le meme temps operatoire, soit de facondifferee : CMM avec inclusion en paraffine (slow Mohs) ousimilaires (Breuninger et autres).

Il n’existe aucune etude prospective controlee comparantchirurgie conventionnelle et chirurgie micrographique, maiscette derniere obtient les meilleurs taux de guerison de CEC ahaut risque, dans les series rapportees.Ces techniques seraient adaptables a la pratique des derma-tologues, chirurgiens et pathologistes francais a condition queces actes, consommateurs en temps medical, infirmier ettechnique, soient, a l’avenir, mieux valorises par la nomen-clature. Le groupe de travail regrette que la faible remunera-tion de la procedure empeche son utilisation dans les cas ou

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elle serait la plus utile, c’est-a-dire le traitement des CEC dugroupe 2 et notamment dans les situations ou le respect demarges standardisees pose un probleme de reconstruction(accord professionnel).La meilleure alternative a ces techniques est la chirurgied’exerese en deux temps avec controle des marges sur pieceoperatoire soigneusement reperees et echantillonnagemacroscopique le plus informatif possible.

Compte rendu d’anatomie pathologique

Il doit mentionner tous les elements permettant de determi-ner le pronostic de la tumeur, en particulier :� la methode d’echantillonnage macroscopique desprelevements ;� le statut des marges laterales et profondes sur les plans decoupes examines et eux seuls ;� la taille de la tumeur (grand et petit axes) ;� le type histologique ;� le degre de differenciation ;� l’epaisseur tumorale sur coupe histologique ;� la profondeur d’invasion selon les niveaux de Clark ;� l’existence d’images d’invasion perinerveuse et d’emboleslymphatiques microscopiques.

Recommandations therapeutiques pour les CECprimitifs

Differentes situations cliniques ont ete individualisees.

CEC ayant les criteres cliniques de groupe 1 (accordprofessionnel)

L’avis d’une RCP n’est pas necessaire (dossier presente maisnon discute).La biopsie n’est recommandee qu’en cas de diagnostic cli-nique incertain.Exerese chirurgicale : marges laterales standardisees a 4–6 mm des limites cliniques et marge profonde hypodermique.Reparation chirurgicale immediate.Controle anatomopathologique classique des berges de lapiece operatoire, sur piece orientee.En cas de marges positives (exerese incomplete), la reprise estindispensable : reprise chirurgicale dans les memes conditions(marge de 4–6 mm) ou recours a une chirurgie microgra-phique si elle est disponible.En cas de mise en evidence sur la piece operatoire d’unhistopronostic de groupe 2 : l’observation doit etre discuteeen RCP pour complement eventuel du traitement.

CEC ayant les criteres cliniques de groupe 2 (accordprofessionnel)

Les criteres pronostiques sont a evaluer au cas par cas : echelleallant de risque moyen a tres haut risque.

Une biopsie prealable (punch � 4 mm) est recommandee encas de doute diagnostique.L’exerese chirurgicale est le traitement de reference. Enl’absence de critere clinique pejoratif, on adoptera des margesstandardisees � 6 mm (si possible 10 mm ou plus) associees aun controle anatomopathologique extemporane et/ouretarde (chirurgie en 2 temps) avant tout geste de reconstruc-tion complexe tel qu’un lambeau.Le recours a une chirurgie micrographique est possible si celle-ci est disponible.L’avis de la RCP est indispensable. Il peut etre sollicite soit enpreoperatoire pour decider du geste therapeutique, soit apresl’intervention (et apres les resultats de l’histologie) pourvalidation de l’attitude pratiquee. En cas de critere pejoratifde pronostic, une discussion en RCP est recommandee pourstatuer sur la methode de controle histologique des berges, letype de reconstruction, la necessite ou non d’un traitementcomplementaire et les modalites du suivi. Les methodes decontrole exhaustif des berges seront privilegiees si elles sontdisponibles.

Chirurgie impossible (contre-indication medicale ou refus dupatient)

L’information du patient sur les avantages et les inconve-nients des options therapeutiques fera suite a la discussion del’observation en RCP.Les options therapeutiques sont les suivantes (accordprofessionnel) :� radiotherapie externe de haute energie (electrontherapie) ;� curietherapie interstitielle a l’iridium 192 dans les zones ageometrie complexe : CEC peri-orificiels (levres, paupieres),sillon nasogenien, sillon retro-auriculaire ;� traitement combine par radio-chimiotherapie ;� thermo-chimiotherapie sur membre isole en traitementneoadjuvant ou palliatif.

Risque chirurgical d’induction de troubles fonctionnels et/oumorphologiques majeurs du fait de la localisation et de lataille du CEC

Les CEC peri-orificiels du visage, des levres et des oreilles, et lesCEC avec invasion perineurale doivent etre pris en chargeapres avis d’une RCP, des lors qu’il y a une difficulte a respecterles marges standardisees sans grever le pronostic esthetiqueet fonctionnel (exemples : amputation nasale, chirurgie ducanthus interne, CEC facial etendu avec perte de substance ousacrifice du nerf facial, etc.) (accord professionnel).Une information detaillee du patient sur les avantages, lesrisques de recidive et les complications de la chirurgie et desoptions therapeutiques listees dans le paragraphe precedentest indispensable avant d’ecarter la chirurgie qui reste letraitement de reference.Les autres options therapeutiques seront discutees en RCP.

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CEC avec reliquat tumoral ou faible probabilite de controlecomplet de la lesion par la chirurgie

Exemples : exerese microscopiquement incomplete sans pos-sibilite de reprise chirurgicale, engainement perinerveux, nonaccessible chirurgicalement.Il convient de s’assurer d’abord qu’une reprise chirurgicalen’est pas possible.Le traitement complementaire est a discuter en RCP :� radiotherapie adjuvante ;� chimiotherapie de reduction tumorale (5-FU, platines), puischirurgie et/ou radiotherapie, cetuximab (hors AMM).Dans tous les cas, le curage ganglionnaire systematique n’estpas recommande (accord professionnel).

Surveillance post-therapeutique

La majorite des patients traites pour un CEC est guerie par letraitement primaire. Les risques evolutifs auxquels le patientest expose apres le diagnostic initial de CEC sont de deuxordres :� recidive locale, ou metastases en transit, regionales ou adistance ;� survenue d’un autre CEC ou d’une autre tumeur cutanee(carcinome basocellulaire, melanome).L’hypothese selon laquelle la surveillance d’un CEC a hautrisque conduit a une meilleure survie n’a jamais ete demon-tree.

Valeur diagnostique des methodes d’investigation

La performance de l’examen clinique dans la detection desmetastases ganglionnaires est limitee et sa sensibilite estinferieure a celle des methodes d’imagerie.L’echographie est l’examen le moins couteux et se montresuperieure en sensibilite et specificite a l’examen clinique. Sesperformances sont dependantes de l’operateur.Les etudes comparatives entre echographie, TDM, IRM et TEPaboutissent a des resultats variables en fonction des tissus oudu type de lesions explores. La mise en œuvre de ces techni-ques sera decidee en fonction des signes d’appel.La procedure du ganglion sentinelle permet le diagnostic desmetastases infracliniques avec peu de faux negatifs et unemorbidite faible. Son interet en termes de survie n’est pasdemontre. Elle peut etre envisagee dans le cadre d’essaiscontroles.En l’absence de donnees sur la strategie de surveillanceoptimale et sur la definition des patients susceptibles debeneficier de cette surveillance ni sur sa nature et son rythme,il n’est pas possible de fonder des conclusions formelles(accord professionnel).

Carcinomes in situ et CEC du groupe 1Le patient doit etre eduque a l’auto-examen, a l’autodetectiond’une recidive et a la photoprotection.

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Un examen clinique une fois par an est preconise pendant uneduree d’au moins cinq ans.Aucun examen biologique ou d’imagerie complementairen’est necessaire, en dehors de signes cliniques d’appel.

CEC du groupe 2Un examen clinique est preconise tous les trois a six mois,selon les criteres de pronostic, pendant cinq ans, puis sur uneduree a evaluer en fonction des criteres de gravite.

Le patient doit etre eduque a l’auto-examen, a l’autodetectiond’une recidive et a la photoprotection.Une echographie locoregionale de la zone de drainage estpreconisee tous les six mois pendant cinq ans, pour les CEC dugroupe 2 a haut risque, identifies en RCP. Tout autre examenn’est justifie que devant des signes cliniques d’appel.

Prise en charge des CEC metastatiques

Metastases locales (en transit)

La presence de metastases cliniquement observables autourde CEC primitifs ou recidives justifie une exerese chirurgicalesi le nombre, la taille, l’extension et la localisation des lesionssont compatibles avec l’obtention de marges cliniques saines.Une radiotherapie adjuvante est a discuter (cf. infra).

Atteinte ganglionnaire

L’atteinte ganglionnaire est le fait de CEC a haut risque dejadefinis. Elle est a rechercher systematiquement en preopera-toire d’un CEC de mauvais pronostic.Une suspicion clinique de metastase ganglionnaire impose unexamen echographique et/ou tomodensitometrique.Toute adenomegalie suspecte, clinique ou decelee par lestechniques d’imagerie, doit etre controlee histologiquementpar une biopsie chirurgicale.

CEC N�L’attitude choisie par le GT est le refus du curageganglionnaire de principe si le bilan d’extension cliniqueest negatif.

Options pouvant etre envisagees en RCP pour les CEC a hautrisque :� la technique du ganglion sentinelle, dans le cadre d’essaiscontroles ;� un curage selectif en cas de positivite du ganglionsentinelle.

CEC N+Le traitement curatif est le curage ganglionnaire complet,suivi d’un examen histologique de tous les ganglions reperesmacroscopiquement sur la piece operatoire.

Le compte rendu doit indiquer : le nombre total de ganglionsexamines et 2 facteurs importants du pronostic :� le nombre et taille des ganglions envahis ;� l’existence ou non de rupture(s) capsulaire(s).

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Prise en charge diagnostique et therapeutique du carcinome epidermoıde cutane

Une irradiation adjuvante est une option a discuter en RCPapres avoir pris connaissance du compte rendu anatomopa-thologique du curage :� si l’envahissement metastatique est modere (micrometas-tase ou macrometastase unique), sans rupture capsulaire : pasde traitement complementaire au curage complet ;� si l’envahissement metastatique est important et/ou si lecurage realise semble incomplet ou douteux une radio-therapie adjuvante sur le relais ganglionnaire est indiquee.

Metastase a distance

Un traitement palliatif est a discuter en RCP. Il peut reposersur la chirurgie, la radiotherapie, une mono une polychimio-therapie, le cetuximab.

Prise en charge du keratoacanthome

Le diagnostic de keratoacanthome repose classiquementsur l’association de criteres cliniques evolutifs ethistopathologiques :� tumeur d’apparition et de croissance rapides, centree parun cratere keratosique ;� organisation generale symetrique autour du craterecentral occupe par de la keratine ;� raccordement « en bec » de la tumeur a l’epiderme voisin,de part et d’autre de ce cratere ;� grands keratinocytes a cytoplasme clair ;� regression spontanee en deux a quatre mois.La nature du keratoacanthome et sa parente avec le CEC fontl’objet de discussions, nombre d’auteurs considerant le kera-toacanthome comme une forme particuliere de CEC, habi-tuellement regressive.CEC et keratoacanthome ont en effet en commun les facteursepidemiologiques, l’age d’apparition et la topographie. Deplus, un petit nombre de tumeurs, d’abord considereescomme des keratoacanthomes, ont evolue par la suite commedes CEC, alors que l’aspect anatomoclinique de depart sem-blait caracteristique.Ces faits restent trop rares pour nier l’existence du keratoa-canthome et son bon pronostic, mais un certain nombred’arguments doit etre pris en compte dans l’attitudetherapeutique :

� la duree d’evolution spontanee peut etre superieure aquatre mois ;� une evolution ulcereuse extensive est possible, surtout auniveau du nez et des paupieres ;� les cicatrices presentes apres regression spontanee sontsouvent inesthetiques ;� la distinction histologique entre keratoacanthome et CECd’architecture crateriforme peut etre difficile sur des biopsiesou des resections partielles et necessite l’examen de la totalitede la lesion.Le groupe de travail preconise donc que le pathologiste neporte le diagnostic de keratoacanthome que s’il a pu appreciersur le prelevement l’architecture de la totalite de la lesion. Ilestime que dans les cas atypiques, une exerese carcinologiqueest justifiee. Dans les cas typiques, l’exerese chirurgicale estpreferable a l’attitude attentiste classique.

ChirurgieLe geste chirurgical conseille apres un diagnostic clinique dekeratoacanthome est l’exerese complete. Dans les cas atypi-ques, cliniquement (infiltration profonde, ulceration centraleou absence de regression) ou histologiquement, le doutejustifie une exerese carcinologique (cf. supra).

Traitements medicauxBien que des essais d’injections intralesionelles de 5-FU,d’interferon a2 et surtout de methotrexate aient pu obtenirdes succes, avec pour ce dernier l’obtention, sur des lesions dezones sensibles (nez, levres), de resultats esthetiques dequalite, les donnees actuelles sont insuffisantes pour recom-mander une chimiotherapie locale du keratoacanthome.Le groupe de travail deconseille les traitements du keratoa-canthome qui ne permettent pas le controle histologique,lorsque tous les criteres cliniques du diagnostic ne sont pasreunis.

Conflit d’interet

Les auteurs declarent n’avoir aucun conflit d’interet pour cetarticle.

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