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CAHIER DU « MONDE » NO 23436 DATÉ SAMEDI 16 MAI 2020NE PEUT ÊTRE VENDU SÉPARÉMENT
TÉMOIGNAGESLESÉTUDIANTSENSANTÉ
ENPREMIÈRE LIGNEFACEÀL’ÉPIDÉMIEPendant deuxmois, 160000 étudiants enmédecine
et élèves infirmiers se sontmobilisés aux côtésdes soignants dans les hôpitaux et les Ehpad.Unbaptêmedu feu qui a renforcé leur vocation
PAGE 6
ORIENTATIONPARCOURSUPATENUBON
Malgré la suppressiondes concours
et le confinementdes élèves, les futursbacheliers inscrits surla plate-forme vont
recevoir les premièresréponses à leurs
demandes le 19maiPAGE 2
ENSEIGNEMENTUNRISQUED’ERREURS
DERECRUTEMENTC’est pendant l’épreuveorale que s’apprécie
la capacitéd’un futur professeurà communiquer avecsa classe. Cette année,beaucoup serontpourtant admis
sur la seule foi des écritsPAGE 5
POST-PRÉPALESGRANDES
ÉCOLESREBATTENTLESCARTESEmpêchées
d’organiser des oraux,les écoles d’ingénieurs
et de commercene se fient plus qu’auxépreuves écrites…Et les candidats aux
classements des écolesPAGE 4
STÉPHANE KIEHL
Lesétablissementsontdûs’adapterà lacrisesanitaire
et revoir lesprocédureshabituelles
derecrutement.Alorsque lesbibliothèques
universitairessontfermées, lapériodedeconfinementa
accentué les inégalitésentre lescandidats
ÉPREUVES ANNULÉESOUREPORTÉES
SÉLECTIONCHAMBOULE-TOUT
*De l’audace, toujours !
audencia.com
DEPUIS 18 ANNÉESCONSÉCUTIVES
CLASSEMENTSIGEM
6e
AU CLASSEMENT DES ÉCOLES DE COMMERCEOÙ IL FAIT BON ÉTUDIER D’APRÈS LES ÉTUDIANTS
1er
PROGRAMMEGRANDE ECOLE :
CANDIDATS 2020, RENDEZ-VOUS SURWELCOME.AUDENCIA.COM
V1Sortie par capdeville le 14/05/2020 18:37:19 Date de Publication 16/5/2020
2 |à la une LE MONDE CAMPUS SAMEDI 16 MAI 2020
PASDEBUGDANSLAMACHINE PARCOURSUP
L e mercredi 19 mai n’est pas unjour comme les autres pour les658000 lycéens qui se sont inscritssurParcoursup cette année, dans lebut de poursuivre des études supé
rieures. Le 19mai, c’est en effet le jour à partirduquel ils commenceront à recevoir les réponses des formations qu’ils ont demandées: licences,BTS, écoles…Reçu?Recalé?Surlisted’attente?Admissousconditions?Rêvesbrisés, désirs exaucés, dilemmes cornéliensen cas d’hésitation entre deux admissions:des semaines décisives vont s’ouvrir.Dans les agendas des lycéens de terminale,
une autre date était marquée d’une pierreblanche. C’était celle du 12 mars 2020: ledernier jour pour établir, sur Parcoursup,sa liste de vœux de formations. Impossibled’imaginer que ce serait aussi le jour oùEmmanuelMacronannoncerait la fermeturedes lycées, jusqu’à nouvel ordre, pour luttercontre l’épidémie de Covid19. La dernièrepartie de l’année scolaire, période durantlaquelle se scellent l’orientation et la sélection des futurs bacheliers dans les filièresde l’enseignement supérieur, a ainsi pris untournant totalement inédit.Cette troisième édition de Parcoursup de
vait pourtant être celle de l’accalmie, avantle grand chambardement attendu en 2021,avec l’arrivée des jeunes issus de la réformedu lycée, lourde de conséquences sur lesprocédures d’admission dans l’enseignement supérieur. Des changements, en 2020,il y en avait tout de même eu certains. Acommencer par l’apparition des nouvellesvoies d’accès aux études médicales, et parl’intégration sur la plateforme de plus de1000 formations: les licences de l’universitéParisDauphine, les Instituts d’études politiques (IEP), certaines écoles de commerce,certaines formations paramédicales…Si les élèves de terminale avaient établi
leur liste de vœux juste avant le début duconfinement, il leur fallait «confirmer»tous leurs choix avant le 2 avril, et compléter
les dossiers avec différentes pièces demandées. Pas évident alors que les lycéensétaient tous dispersés dans la nature. «Profsprincipaux et équipes de direction se sontmobilisés pour ne pas perdre des élèves enroute. Certains collègues ont passé plusieursjours au téléphonepour rappeler le calendrieraux étourdis», raconte Florence Delannoy,proviseure et secrétaire générale adjointedu syndicat SNPDENUNSA. «Le suivi à distance des élèves a été très compliqué.D’autant que les remontées que nous avionsdu terrain, notamment des lycées accueillantles publics les plus fragiles, nous indiquaientque de nombreux élèves n’avaient toujourspas validé leurs vœux quelques jours avantla clôture du 2 avril», souligne par sa partClaire Guéville, secrétaire nationale duSNESFSU chargée des lycées.
SÉLECTION SURDOSSIERLe 1er avril, les syndicats de la FSU ont ainsidemandé un report de la procédure Parcoursup, pour permettre «un traitementmoins inégalitaire» : «Avec le confinementdans les familles, les différences de conditions de vie et de logement devraient s’ajouter aux inégalités sociales préexistantes etcelles habituellement engendrées par Parcoursup», écrivaientils alors. Le ministèrede l’enseignement a pourtant maintenu le
calendrier initial. «La procédure essentiellement dématérialisée est un point de repèredans l’année pour les lycéens et leurs familles. Cette stabilité, dans un paysage particulièrement mouvant, permet d’organiserla rentrée en septembre», justifie JérômeTeillard, chargé de mission Parcoursup auministère. Mais un peu de souplesse a étéconcédé: 5000 candidats qui n’avaient pasconfirmé leurs vœux ont été accompagnéspour les finaliser dans les quelques joursqui ont suivi la limite officielle du 2 avril.Juste avant que les jurys semettent au tra
vail, une décision du Conseil constitutionnel est arrivée à point nommé, le 3 avril. A lasuite des recours juridiques sur l’opacité desprocédures d’examen des vœux, ses membres ont acté: le secret des délibérations estconforme à la Constitution, sous réserveque les établissements publient, à l’issuede la procédure, les critères d’examen descandidatures.Du 7 avril au 11 mai, chaque filière a exa
miné les milliers de dossiers reçus, etclassé les candidats. Le tout entièrement àdistance. Pour les universités et classespréparatoires, cette dématérialisation n’apas entraîné de changements majeurs.«Nous travaillions déjà comme ça, chacundans son coin, depuis des années», confieun enseignantchercheur.La tâche a été plus ardue pour les facultés
de médecine, en pleine réforme de leur scolarité et mobilisées par l’épidémie. A la rentrée, la première année commune aux étudesde santé (Paces) sera remplacéepar deuxtypes de formation: le Pass (parcours spécifique accès santé), et les licences option accès santé (LAS). Comment classer les étudiants qui souhaitent s’inscrire dans ces formations inédites? Quels types de parcoursfautil valoriser? «Mettre en place ces nouvelles licences accès santé, pluridisciplinaires, demande beaucoup plus de concertationentre les départements, surtout dans cettephase de lancement. Tout ne peut pas toujours se faire par visio, note Jean Sibilia,
doyen de la faculté de médecine de Strasbourg. Dans les régions les plus touchées,l’énergie que nous a demandée la crise duCovid19 nous a éloignés un temps de la faculté. Tout le monde était sur le pont, étudiants et professeurs», concède le rhumatologue, qui a, par exemple, été mobilisé sixsemaines d’affilée à l’hôpital.Si 80%des filières (licences, classes prépa,
la majorité des BTS et IUT…) présentes surParcoursup effectuent leurs procéduresd’admission sur la base d’une étude de dossier, ce n’est pas le cas d’un grand nombred’écoles postbac (commerce, ingénieurs,instituts d’études politiques, formationsparamédicales…), qui sélectionnent entemps normal par des concours. Certainsréunissent plusieurs milliers de candidats,entre avril et mai. Le 24 mars, le ministèrede l’enseignement supérieur a annoncél’annulation des épreuves écrites de tousles concours postbac, remplacées par unexamen de dossier. Un «coup de massue»pour le directeur de l’école de commercepostbac Ieseg, JeanPhilippe Ammeux:«Nous préparons pendant de longs mois cesconcours. Mimars, il a fallu se rendre à l’évidence: on déchire tout et on repart à zéro.»Les épreuves orales, dans la grande majo
rité des cas, ont elles aussi été supprimées.La question a suscité un vif débat entre lesécoles et le ministère. Beaucoup d’écolesplaidaient pour les maintenir, à distance.«Nous avons l’habitude de faire des entretiens en visio,même demanière asynchrone,avec nos candidats internationaux parexemple», assure Nelly Rouyres, directricegénérale adjointe du pôle Léonard de Vinci.La crainte d’une iniquité dans le traitementdes candidats selon leur équipementinformatique et leur situation de confinement, et la possibilité de recours juridiquesont fait pencher la balance de l’autre côté.Seules quelques formations, dans le secteurparamédical ou pour les écoles d’art soustutelle du ministère de la culture notamment, ont conservé un oral.
DES ALGORITHMESQUI DÉCIDENTRemplacer un concours par l’examen desnotes du lycée: pour les candidats à ces formations sélectives, cela change la donne.Elise, qui vise des écoles d’ingénieurs postbac, attendait l’oral pourmontrer au jury samotivation. «J’ai 13 de moyenne générale.Même si mon dossier n’est pas excellent,j’aurais pu défendre mon projet.» Elle apeaufiné sa lettre de motivation, en espérant qu’elle puisse faire la différence: «Maisen 1500 caractères maximum, difficile d’êtreaussi convaincante que pendant un oral.»Joshua Palazy, en terminale ES à Bor
deaux, misait aussi sur l’oral pour être admis dans la seule formation qui l’intéresse:le bachelor de l’école de commerce Kedge.«Bien sûr, je le vis mal. Dans mes plans, lesbulletins scolaires n’entraient pas en ligne decompte. J’ai à peine la moyenne. Mon dossier scolaire ne reflète ni mon niveau réel, nima motivation. Avec ce nouveau système,mes chances d’entrer dans cette école sontbeaucoup plus faibles.» Chloë Lazard, enterminale S à La CelleSaintCloud, avaitsuivi une prépa pendant les vacances de février en vue des concours des écoles decommerce postbac. «Cela fait cinqmois queje me préparais.» Aucune épreuve n’auralieu. Selon les concours, les frais d’inscription ont été remboursés intégralement, à50 % ou pas du tout.Pour sélectionner les candidats sur dos
sier, et non plus sur concours, ces formations ont dû mettre au point, en urgence,des algorithmes pour trier les dossiers.Appréciations des bulletins, la «fiche avenir» et la lettre demotivationont été examinées par les écoles pour tenter, faute d’oral,de cerner la personnalité et le projet du candidat. «Nous avons établi une quinzaine decritères et regardé par exemple l’implicationdans des activités extrascolaires commenous le faisons lors des entretiens», détaillePatrice Houdayer, vicedoyen de l’école decommerce Skema. A l’Ieseg, JeanPhilippeAmmeux raconte qu’il a reçu de très nombreux emails de candidats tentant de plaider leur cause. «Certains lycéens nous ontenvoyé des vidéos pour nous montrer leurmotivation. D’autres ont fait état de leur casparticulier. Mais nous ne pouvons examinerque les données présentes sur Parcoursup»,affirmetil. La sélection seratelle différentede celle réalisée au travers d’un concours? Ala veille des premiers résultats d’admission,Chloë est fataliste: «Si je n’ai pas la formation que je voulais, c’est qu’il y a une raison.C’est le destin!» j
sylvie lecherbonnier
Lescandidatsàdesétudessupérieuresrecevront lespremières réponses des formations
àpartirdu19mai. Avec lasuppressiondesconcours, cesontsurtout lesécolespost-bac
quiontvu leursélectionchamboulée
«AVECCENOUVEAUSYSTÈME,
MES CHANCESD’ENTRERDANSCETTE ÉCOLE
SONT BEAUCOUPPLUS FAIBLES»
JOSHUAcandidat dans une écolede commerce post-bac
STÉPHANE KIEHL
LICENCES ET BTS TOUJOURS EN TÊTE DES VŒUX658000 lycéens se sont inscrits sur Parcoursup en 2020, soit 7000deplusque l’an dernier, selon les statistiquesministérielles disponibles fin avril, quine comprennent pas les candidats en réorientation. Au total, 98%des inscritsont confirmé aumoins un vœu, un chiffre enhausse deprès de deux pointspar rapport à la session 2019. Les formations plébiscitées restent inchangées:68%des lycéens ont formulé aumoins un vœuen licence, et un candidat surdeux a placé aumoins un vœuenBTS. Les études de santé continuent d’êtretrès attractives: 10%des candidats ont confirméun vœudans l’un des 227Pass(parcours spécifique accès santé), qui remplace la Paces (première année com-mune aux études de santé), et 19%ontmis un vœudans l’une des 457 licencesLAS (licence option accès santé). L’université Paris-Dauphine, qui faisait sonentrée sur la plate-forme, a enregistré 19000 candidatures contre 9000 en 2019.
V1Sortie par capdeville le 14/05/2020 18:36:57 Date de Publication 16/5/2020
LE MONDE CAMPUS SAMEDI 16 MAI 2020 à la une | 3
Coupdechaudpour lesaspirantsmédecinsLesépreuvesd’accèsauxétudesdesantéontchangédeforme,déstabilisant lescandidats
I maginez: vous vous trouvez au beaumilieu du désert, une oasis se dessine et, hop, une tempête balaie tout
sur sonpassage; vousn’avez plus aucunevisibilité. Supposez: depuis des mois,vous vous entraînez pour un sprint et,paf, on repousse la ligne d’arrivée.En pleine crise sanitaire, les étudiants
en première année commune aux études de santé (Paces) – voie d’accès auxétudes de médecine, maïeutique, odontologie, kinésithérapie et pharmacie –ne manquent pas d’idées pour filer lamétaphore du report de leur concours,le dernier du genre avant la grande réforme des études de santé à la rentrée2020. Les épreuves ont été repousséesd’un mois, voire plus, selon les facultésde médecine, et se tiendront pendant laseconde quinzaine de juin.Pour les 60000 inscrits qui concourent
à ces épreuves ultrasélectives, chaqueminute compte, quand on sait que plusdes trois quarts d’entre eux échouent àdécrocher une place dans le numerusclausus. Aussi chacun atil dû repenserses méthodes de travail, dans l’urgenceet l’incertitude, alors que, dans certainesuniversités, les épreuves ont mêmechangé de format en cours de route. Pluscourtes, plus condensées. Aucun droit àl’erreur n’est autorisé.La pression est d’autant plus forte que
tous les étudiants ne sont pas logés à lamêmeenseignepour réviser dans le contexte du confinement, et même à partirdu 11mai, tant que lesmesures de distanciation physique resteront en vigueur.PourManon Camilli, 19 ans, redoublanteà Marseille, c’est mission impossible, oupresque. Enfermée dans un petit appartement du quartier de la BelledeMai,
elle a installé une table de camping danssa chambre, faute de posséder un vraibureau. En temps normal, l’étudiante serend de 8 heures à 22 heures à la bibliothèque universitaire (BU).Avant, comme grand nombre de ses ca
marades,Manonne rentrait chezellequepour dormir: trop de bruit, trop d’agitation. Il faut dire que sa mère, assistantematernelle, s’occupe de quatre toutpetits. «Leurs parents ont compris ma détresse, raconteManon. Ils ont gardé leursenfants chez eux au début, mais là, ilssont obligés de les ramener.» dans quelques jours, il y aura deux lits de bébédans sa chambre, comme dans celle deson frère. Le salon redeviendra un terrain de jeu. «Il me reste le balcon, parterre», souffle Manon. Boursière d’unéchelon élevé, la jeune femme veut«kiné ou rien». «C’est ma dernière chance de faire le métier de mes rêves», assuretelle, inquiète d’avoir déjà perdubeaucoup de temps, perturbée par ledécès de son grandpère, atteint duCovid19, tandis qu’ellemême a étéclouée au lit plusieurs jours à cause duvirus. «C’est le concours de notre vie, onplonge corps et âme dans ces études, ondonne tout. Mais là, c’est plus du toutégalitaire. Internet, je ne l’ai qu’une foissur deux, même le réseau est saturé!»Alice Baguier, installée à Sarcelles
(Vald’Oise), a été obligée de se faireprêter un ordinateur: «Je me suis tué lesyeux à lire les annales surmon téléphone,relatetelle. C’est une catastrophe, j’aicomplètement arrêté de travailler alorsque j’étais classée dans le numerusclausus au premier semestre.» Alex (sonprénom a été modifié) lance «un appelau secours». Redoublant comme Alice, il
est inscrit à ParisXIII, sur le campus deBobigny (SeineSaintDenis). Il rêve dedevenir orthodontiste. «On nous empêchedenous rétracter d’un contrat dont lesclauses ont été changées», résume l’étudiant, qui vit à RosnysousBois avec sescinq plus jeunes frères et sœurs et sesdeux parents. Commepour tant d’autrescamarades, la BU représentait sa bouéede survie : «On est deux enfants parchambre. Je mets des boules Quiès et uncasque pardessus, imaginezvous le dispositif.» Sa parade pour grappiller quelques heures de concentration: décalerses horaires et travailler la nuit quand lamaisonnée est couchée.A l’instar de plus de 2600 personnes,
Alex a signé une pétition sur la plateformeChange.orgpourdemander la suppression du deuxième semestre de Paceset ne prendre en compte que les classements du premier. «Face à des conditionsinégales d’apprentissage, les résultats auconcours du second semestre ne serontque le reflet du cadre environnemental descandidats», argue le texte, dénonçant unénième «coup demassue» et «deuxmoissupplémentaires d’acharnement». Pour lamajorité des étudiants interrogés, cetteoption ne serait pas juste non plus. Ceuxqui n’entraient pas dans le numerus
clausus au premier semestre revendiquent le droit à rattraper leur retard.«Les conditions sont les mêmes pour
tous les étudiants, je ne pense pas qu’il yait rupture d’équité, assume de son côtéPatrice Diot, président de la Conférencedes doyens de médecine. Je ne vois pascomment on pourrait tenir compte des situations individuelles sans prendre le risque d’autres injustices. Je reconnais quenous sommes dans un mode dégradé,adapté à la crise sanitaire.Mais je n’ai pasde solution à tous les problèmes.»
UNEBIBLIOTHÈQUEVIRTUELLESelon une enquête ministérielle publiéeen 2015, les études en santé affichent«une surreprésentation des classes favorisées» mais sont aussi «parmi les formations les plus clivées socialement».Parmi les inscrits en première année, unenfant de cadre a deux fois plus de chances qu’un enfant d’ouvrier d’intégrerune deuxième année, cet écart s’élevantà 2,5 pour les études de médecine. Leconfinement du printemps 2020 cristallise de telles inégalités – d’autant plusface à un concours qui, pour beaucoup,«se joue à rien». Ce «rien» n’est pourtant pas anodin. «C’est énervant de perdre du temps pour faire les courses»,peste Yasmina, 18 ans, primante à Marseille, confinée seule dans sa chambredu Crous (9m2), quand d’autres sontnourris, logés, blanchis, dorlotés parleurs parents.Pour pallier les disparités de situations,
les tutorats des facultés ont mis les bouchéesdoublesdepuis lamimars. Faceauxorganismes privés de préparation auxconcours (les «écuries» demédecine), cesassociations étudiantes accompagnent à
l’année les jeunes en Paces, avec l’ambition de rétablir une égalité des chances. «Notre planning est bien plus chargé qu’avant le confinement», note LéaChevreux, présidente du tutorat associatif marseillais, ellemême étudianteen troisième année demédecine.Dans un tel contexte, primants et dou
blants ne subissent pas le même stress.Juliette Hode, étudiante sur le site deNîmesde l’université deMontpellier, saitdéjà qu’elle devra faire une deuxièmepremière année. Confinée chez ses parents dans une maison avec jardin, dansle village de Cadenet (Vaucluse), elles’autorise de vraies pauses pour faire dusport. A l’inverse, Lucas, redoublant àBesançon, enrage de perdre l’avance qu’ilavait gagnée dans cette compétition.«Avec le report du concours, les primantsont eu le temps de nous rattraper. On n’aplus de contacts avec les autres étudiants:je surestime leur travail et je sousestimele mien. On ne peut plus savoir qui estencore en course!» Pour se motiver, il serend régulièrement à la BU virtuelle,imaginée par le tutorat santé de sa faculté. Ouverte du lundi au samedi de8 heures à 20 heures (sans oublier lesnocturnes jusqu’à 23 heures les mardiset jeudis), elle permet, via l’applicationZoom, d’apercevoir d’autres visagesenfouis dans des bouquins.Car, si tout le monde n’est pas dans le
même bateau, les valeureux Paces foncent, la tête dans le guidon, dans lamême direction. Admiratifs de leursaînés qui sont au front. «Cette crise sanitaire me fascine, confie Ranim Ghdiri,étudiante à Lyon. Cela me fait aimerencore plus lemétier que j’ai choisi.» j
léa iribarnegaray
«ONNOUS EMPÊCHEDENOUS RÉTRACTER
D’UN CONTRATDONT LES CLAUSESONT ÉTÉ CHANGÉES»
ALEXredoublant à Bobigny
Repenser lanotion de savoirs
L’Expérience EM Normandie, c’est une vision globale tournée vers un seul objectif : donnerles moyens à ses étudiants d’être acteurs de leur épanouissement personnel et professionnel.À travers le Parcours Carrière, dispositif d’accompagnement réflexif unique à l’École, ilsapprennent à prendre conscience de leurs talents, des valeurs qui les animent et de leurmontée en compétence tout au long de leur parcours.
Des cours différents, une pédagogie innovanteLes étudiants qui choisissent l’EM Normandieoptent pour une version différenciante del’acquisition de connaissances. En mobilisant à lafois des savoirs fondamentaux (marketing, finance,droit…) essentiels à tous les étudiants en gestionet des connaissances électives (psychologie,éthique, histoire…) pour se spécialiser sur desmatières distinctives, les futurs diplômés de l’Écolese construisent un parcours qui leur ressemblentet développent leur attractivité. Au cours de ceprocessus d’apprentissage, ils apprennent àmaîtriser le savoir-faire comportemental essentielpour prendre des initiatives, avoir des idées et lesexprimer efficacement tout en adoptant le reculnécessaire pour travailler en équipe en respectantle rôle de chacun.
Une ouverture internationaleAméliorer son niveau d’anglais en partant enAmérique du Nord, découvrir d’autres manièresde penser aux portes de l’Europe, s’immerger dansune culture insolite en Asie…Vivre une expérienceà l’international est un choix fondateur dans unevie, une chance à saisir et une opportunité quel’EM Normandie offre à ses étudiants. En suivantle Programme Grande École, ils peuvent effectuerjusqu’à cinq années d’études à l’étranger sur lescampus de Dublin, d’Oxford ou dans l’une des 200universités partenaires de l’EM Normandie. Il neleur reste plus qu’à choisir !
S’investir dans ses passionsPosséder un savoir, c’est bien. L’utiliser dans desprojets qui ont du sens, c’est encore mieux. Avecla vie associative à l’EM Normandie, les étudiantsont la liberté de s’impliquer dans des sujets quiles passionnent. Lors des années précédentes, lesétudiants de l’École ont notamment participé à laconstruction d’une école au Pérou, se sont engagéspour la planète en faisant évoluer les habitudes duquotidien des campus et organisé de nombreuxévénements sportifs et sociaux à travers leursassociations.
Une professionnalisation continueChoisir et vivredesexpériencesprofessionnalisanteset complémentaires est le meilleur moyen defaciliter son intégration dans le monde du travail.En proposant un mélange de périodes de stagesobligatoires, cas concrets et missions d’entreprises,l’EM Normandie permet à ses étudiants de trouverleur voie et de se préparer pour le job de leursrêves. Pour ceux souhaitant acquérir encore plusd’expérience, la filière alternance de l’École est laréférence des écoles de commerce pour décrocherun emploi avant même l’obtention du diplôme.
Préparer l’avenirPour apprendre à construire aujourd’hui sanshypothéquer demain, des modules dédiés audéveloppementdurable,à laRSEet aumanagementdes technologies sont désormais inclus dans
chacun des programmes de l’École. Grâce à descours sur l’économie alternative et appliquée,l’entrepreneuriat social et solidaire ou les outilsdigitaux, les étudiants se forment pour anticiperles défis du quotidien, développer une ouverturesociétale et anticiper les évolutions du monde del’entreprise. Pour les étudiants souhaitant s’orientervers des métiers liés au conseil, le nouveau TrackStrategy and Consulting leur permet, en seulementdeux ans, de devenir des experts dans ce domaineet de jouer un rôle majeur dans la construction del’entreprise de demain.
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V1Sortie par capdeville le 14/05/2020 18:36:59 Date de Publication 16/5/2020
4 |à la une LE MONDE CAMPUS SAMEDI 16 MAI 2020
GRANDESÉCOLES :
SÉLECTIONINÉDITE
Tous lesétablissements,saufPolytechnique,
ontdûannuler leursoraux,augranddamdescandidats.
Unepremière
C haqueannée, les grandes écoles sélectionnent leurs étudiantsdes classes préparatoires aumoyen d’un
dispositif bien rodé, à based’épreuves écrites communes etd’épreuves orales individuellesorganisées dans chaque établissement. En ce printemps 2020,marqué par le Covid19, ce rituelest bouleversé. Non seulementles écrits ont été reportés de plusieurs semaines – ils se dérouleront entre la fin juin et le débutdu mois de juillet –, mais lesoraux n’auront tout simplementpas lieu.«La décision n’a pas été facile à
prendre,affirmeAliceGuilhon,quipréside le Chapitre des écoles demanagementde laConférencedesgrandes écoles. Mais à contexteexceptionnel, mesures exceptionnelles.» «Obliger des candidatsstressés à faire le tour de Francedes écoles en plein été n’était pasraisonnable», argumente le directeur d’ESCP Business School,Frank Bournois.Du côté des élèves, «c’est une
immense déception», se désole
Robins, en prépa économique etcommerciale àMontpellier. Comme plusieurs de ses camarades, ilcomptait sur les oraux pour «remonter des places» et se faire uneidée de l’ambiance de chaqueécole en s’y rendant pour passerles oraux. «Les langues, dans lesquelles je suis à l’aise, représentent un gros coefficient, notamment à l’Edhec. Et j’avais bien préparé l’entretien de personnalitéoù je comptais mettre en avantmon expérience associative…»
«CHOC» DES ENSEIGNANTSLaura, au lycée Voltaire d’Orléans, est frustrée à l’idée de nepas pouvoir se confronter à cetteépreuve orale et mettre en pratique les techniques d’affirmationde soi qu’elle avait acquises aucours des séances d’entraînement. Sacha, qui redoublait sadeuxième année de «mathsspé», comptait capitaliser surcette année de prépa supplémentaire pour décrocher de meilleures notes que les autres candidats à l’oral, et intégrer SaintCyrou l’Ecole navale. «Franchement,c’est pas de bol !», regrettetil.
Parmi lesenseignantsdeprépas,qui préparent depuis deux ansleurs élèves à ces épreuves, «c’estle choc», résume Alain Joyeux,présidentde l’Associationdesprofesseurs des classes préparatoireséconomiques et commerciales.«Même si elle est frustrante, c’étaitla meilleure décision», estime leprésident de l’Union des professeurs de classes préparatoiresscientifiques,Mickaël Prost.Seule Polytechnique, en raison
de son petit nombre d’admissibles, sera en mesure d’organiserdes oraux, dans le calendrierministériel imparti. Resserréesautour des maths et de la physique, et groupées sur une journéemaximum, les épreuves se dérouleront la deuxième quinzaine de juillet, dans les locaux dePalaiseau (Essonne).
CARTES REBATTUESL’école a beaucoup insisté pourmaintenir ces oraux. Notammentparce qu’ils permettent «d’évaluer d’autres compétences et d’apporter de la diversité, en particulier de genre», justifie le directeurde l’enseignement et de la recherche de l’X, Yves Laszlo. Ainsi, auconcours 2019, les jeunes femmes représentaient 13 % des admissibles de la filière mathsphysique.Mais elles comptaientpour19 % des admises. «Nous avonsobservé que les filles réussissentmoins bien aux épreuves d’entréede certaines formations scientifiques très sélectives comme Polytechnique ou les ENS [Ecoles normales supérieures], et ce pour desraisons qu’on n’explique pas clairement, commente la sociologue
Marianne Blanchard. En revanche, celles qui franchissent cettebarrière, sans doute parce que cesont les plus adaptées aux exigences, s’en sortent proportionnellementmieux aux oraux.»Mais il est certain que la sup
pression des oraux, partout ailleurs, aura une conséquence: lescandidats ne seront pas sélectionnés sur les soft skills, cescompétences humaines évaluéeslors des oraux. Ces entretienssont en effet l’occasion, pour lesjurys, d’apprécier la réactivité ducandidat, sa capacité à établir undialogue avec l’examinateur, à argumenter ou à soutenir un pointde vue… Autant de qualités fondamentales pour ces futurs cadres amenés à piloter des équipes. «Savoir argumenter est aussiimportant que la résolution d’uneéquation différentielle», insisteJacques Fayolle, président de laConférence des directeurs desécoles françaises d’ingénieurs.C’est aussi l’occasion de rebattre
les cartespourunepartiedes candidats. «Chaque année, j’ai plusieurs étudiants qui parviennent,grâce à d’excellentes performancesà l’oral, à compenser des résultatsmoyens à l’écrit, et à remonter plusieurs centaines de places…», remarque Alain Joyeux, enseignanten prépa. Et inversement, d’autres, moins à l’aise ou stressés,craquent et dégringolent.«Les étudiants bons à l’écrit et
moins bons à l’oral auront cetteannée de meilleures écoles, et inversement», résume JeanFrançoisHauguel, directeur d’ISC Paris etprésident du Système d’intégration aux grandes écoles de management. Résultat : les écolesles mieux classées «risquent dese retrouver avec un public plusacadémique», estime LaurentChampaney, de la Conférencedes grandes écoles.«A charge pour nous d’aider les
étudiants à acquérir ces soft skillsque nous n’aurons pas pu évaluer,l’idée étant qu’à la sortie, les entreprises ne voient pas la différence avec d’autres promos recrutées avec un oral», indique JulienManteau, directeur de la stratégie et du développement d’HEC.Pour tenter de mieux prendre en
compte les soft skills, les banquesde concoursd’écolesd’ingénieursenvisagent de modifier légèrement les coefficients de l’écrit, enaccordant davantage de poids aufrançais. Les business schools,elles, ont préféré ne toucher àrien afin d’éviter de déstabiliserles étudiants.L’impossibilité de se rendre
physiquement dans les écolespour passer les oraux pourraitégalement jouer sur les vœuxd’affectation des étudiants. Enparticulier dans les écoles decommerce, où les oraux d’admission sont devenus une institution. Ces établissements privés separent alors de leurs plus beauxatours pour tenter de séduire lesélèves de prépa en vadrouilledans plusieurs écoles, et dont leschoix restent pour beaucoupdictés par les classements.
UNE EXPÉRIENCE FESTIVEDes groupes d’étudiants «admisseurs», tels qu’ils se dénommenteuxmêmes, formés et habillésaux couleurs de l’école, sontchargés d’aiguiller les candidatsqui passent les oraux, mais ausside leur faire découvrir le site et deles divertir le temps d’une journée. Une expérience festive ethumaine, très attendue par lesétudiants : «C’est l’occasion desaisir l’ambiance, l’esprit de l’écoleet de préciser ses vœux», apprécieRobins. Le ressenti de l’étudiantle jour de ses oraux pèse de plusen plus dans les choix d’écoles,observe le professeur de prépaAlain Joyeux. «Avant, un étudiantde prépa admis dans plusieursécoles de commerce ne se posait
pas de questions: il allait dans lameilleure. Depuis quatrecinq ans,les étudiants sont très sensibles àla manière dont ils sont reçus etn’hésitent pas à s’affranchir desclassements. Ce qui risque d’êtremoins le cas cette année…»Même en l’absence d’oraux, les
très bonnes écoles n’auront pasde mal à remplir. En revanche,les écoles de milieu et de fin detableau, qui comptent sur cetteopération séduction pour tirerleur épingle du jeu, pourraient enpâtir. Pour tenter d’inverser ladonne, elles n’ont pas ménagéleurs efforts : miniséries décalées, «webinaires», journées portes virtuelles et même un Facebook Live, le 7 juin, à BurgundySchool of Business, avec discoursdu directeur, présentation desprogrammes, ateliers détenteavec les étudiants, et un DJ…
«MICRO-INCERTITUDES»Objectif: conserver le lienavec lescandidats et tenter de «susciterl’effet coup de cœur, à distance, enrecréant un dialogue avec des étudiants qui connaissent bien l’école», résume le directeur généralde Rennes School of Business,Thomas Froehlicher. Des initiatives, qui «permettront aux candidats de découvrir les spécificitésdes écoles et de ne pas s’en remettre qu’aux classements!», veutcroire JeanFrançois Hauguel.Autant de «microincertitudes
qui pourraient avoir un impact surla répartition finale des étudiantsdans les écoles», observe Marianne Blanchard. ClaudeGillesDussap, président du comité depilotage du Service de concoursécoles d’ingénieurs, en minimisele bouleversement. Le nombre deplaces ouvertes aux concours restant identique, la plupart des candidats devraient, comme les années passées, avoir une proposition d’intégration dans au moinsune école. «De manière individuelle, on ne peut pas promettreque la répartition soit exactementlamême. Un élève pourra dire: “Sij’avais eu un oral, j’aurais pu intégrer telle école” mais macroscopiquement, l’effet sur le classementglobal seramarginal.» j
cécile peltier
LES ORAUXÉTAIENT AUSSIL’OCCASION
POURLES CANDIDATSD’APPRÉCIERL’AMBIANCEDES ÉCOLES
AVANTDE FAIRELEUR CHOIX
STÉPHANE KIEHL
37000C’est le nombre d’élèvesde prépa scientifique oucommerciale inscrits auxconcours des grandes écolescette année. Les écoles d’in-génieurs offrent 17 000 pla-ces (pour 27 000 candidats),et les écoles demanagement7 800 (pour 10 000 candidats)
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V1Sortie par capdeville le 14/05/2020 18:36:40 Date de Publication 16/5/2020
LE MONDE CAMPUS SAMEDI 16 MAI 2020 à la une | 5
Defutursprofesseurs recrutés sansépreuvesoralesCertainscandidatsauxconcoursde l’enseignementserontadmisdès lesécrits
M arion (sonprénomaété changé) se rappellera longtempsla date du 17 mars 2020. Le
premier jour du confinement en Francedevait aussi être celui de la premièreépreuve écrite de l’agrégation de philosophie, que l’étudiante prépare depuisun an. Dimanche 15 mars, elle a reçu cemessage laconique: «Les concours destrois prochaines semaines sont reportésen raison de l’épidémie de Covid19.»S’ensuivit un mois de silence. «Ça ététrès compliqué de trouver du sens sanssavoir si on travaillait encore pourquelque chose», reconnaît la jeunefemme de 26 ans, qui est allée se confiner chez un ami après la fermeture deson internat, loin de chez elle, pour untemps indéfini et un concours devenuhypothétique.Leministère de l’éducation nationale a
mis fin à cette angoissante attente le15 avril : le concours est maintenu pourles 256377 candidats aux concours del’enseignement, dont 128217 à ceux del’enseignement secondaire (capes, capeps, capet, agrégation…). Le nombre depostes ouverts ne change pas, et lesépreuves devraient se tenir «entre le15 juin et le 21 juillet» (mais pas avantseptembre pour les oraux du concoursinterne).Deux règles sont établies. Ceuxqui ont
passé et réussi les écrits avant le confinement passeront l’épreuve orale, depréférence en visioconférence. Lesautres s’arrêteront aux écrits : c’est le casde lamoitié des candidats aux concoursdu secondaire. Ces écrits feront officed’épreuves d’admission pour devenirenseignant stagiaire en septembre (àmitemps en classe, à mitemps en formation). Pour ces jeunes, la procédure
de titularisation sera renforcée, notamment grâce à un oral exceptionnel àl’issue de l’année de stage.De l’avis de chacun, le constat a beau
être amer, il est implacable : la situationne laissait pas d’autre choix. Cette annonce a cependant engendré de nombreuses questions. Dans quelles conditions auront lieu les épreuves écrites?En quoi consistera l’oral exceptionnel àla fin de l’année de stage pour ceux quin’auront passé que l’écrit ? Seratilaussi sélectif que l’oral des concours? Sioui, que deviendront les candidats renvoyés au bout d’un an (ce qui est habituellement très rare), et commentcombler les postes vacants ? Sinon,comment les accompagner et s’assurerqu’il n’y a pas eu plus d’erreurs de recrutement que d’habitude? Les précisionsmanquent encore.
CRAINTE DE «L’ANNÉE BLANCHE»La décision n’en constitue pasmoins unsoulagement. «Ces concours doiventavoir lieu, sinon il manquera l’équivalentde 5000 postes à temps plein à la rentréedans le secondaire», rappelle AlainBillate, responsable des questions deformation au SNESFSU, premier syndicat dans le second degré. Sans compter que les candidats, qui préparent cesconcours très exigeants depuis aumoins un an, craignaient «l’année blanche», sans être certains d’avoir lesmoyens de recommencer; notammentles boursiers, qui s’inquiètent aussi desépreuves en juillet qui les empêcherontde trouver un travail durant lamoitié del’été. Mais «si l’épidémie repart, les décisions peuventelles changer?, s’interrogeMarion. J’ignore comment je vais restermotivéemalgré l’incertitude.»
Leur préparation a été bouleversée parle confinement. Si les candidats devaient être prêts pour les écrits en mars, cen’est pas le cas pour les oraux, généralement préparés dans un second temps.Pour les quelques milliers de candidatsaux concours externes du secondairequi les passeront, impossible de s’entraîner dans les conditions des épreuves,ou d’avoir accès aux bibliothèques, toutes fermées. «Nous nous sommes adaptés pour leur proposer des alternativesen visioconférence, mais ce sont des pisaller», reconnaît Alex Esbelin, responsable de formation à l’Institut national supérieur du professorat et de l’éducation(Inspé) ClermontAuvergne.Les inquiétudes se focalisent toutefois
sur les plus de 163000 candidats qui nepasseront que des écrits, dont plus de60000pour les concours du secondaire.«Jem’attendais à tout sauf à l’annulationdes oraux, déplore Pauline, 22 ans, candidate au capes de mathématiques. Cesont des épreuves très spécifiques, je nepréparais que ça depuis un mois, je misais beaucoup dessus. J’ai travaillé pourrien et perdu du temps.» Un temps précieux, car, faute d’oral, les écrits serontdeux fois plus sélectifs.
Mais plus sélectif ne signifie pas forcément plus pertinent. Les candidats redoutent d’être recalés à l’écrit alors qu’ilsauraient pu atteindre les oraux en tempsnormal, et que «c’est là qu’on montrequ’on peut être un bon prof». Les jurys redoutent, eux, l’erreur de recrutement.Une crainte d’autant plus vive que la rentrée de septembre s’annonce délicate,face à des élèves qui auront, pour la plupart, passé troismois loindes écoles l’année précédente et que les enseignantsseront chargés d’accompagner.
CAPACITÉ À «FAIRE COURS»«Il y ades compétences qu’onnepeut évaluer qu’à l’oral», explique Alain Frugière,président du jury du capes de sciences dela vie et de la Terre (SVT) et viceprésidentdu réseau Inspé. Comme la capacité às’exprimer en public, à «faire cours», oules compétences pédagogiques. Des éléments dont les écrits ne disent rien, oupresque, et pourtant fondamentauxpour sélectionner des enseignants.«Il y a des gros ratés à l’oral, y compris
de gens qui n’ont pas un bon niveau académique alors qu’ils ont réussi les écrits»,assure une présidente de jury de capes,qui souhaite rester anonyme. Selon lejury du capes d’histoiregéographie,27,9 % des candidats recalés aux orauxdans cette matière en 2019 auraient étéadmis si seuls les écrits avaient compté,et plus d’un quart des admis nel’auraient pas été.L’absence d’oral est déplorée dans tou
tes les disciplines. Si beaucoup en prennent acte, insistant surtout sur le fait quecela devra rester exceptionnel, d’autresla dénoncent. «Certains candidats nes’expriment pas correctement à l’oral, soiten anglais, soit en français, car certains
sont étrangers… On ne peut pas les recruter sans avoir entendu le son de leurvoix, ensuite ce sont les élèves qui essuientles plâtres, et ces gens sont embauchéspour quarantecinq ans!», s’emporte unmembre du jury du capes d’anglais.Au capes d’histoiregéographie, une
lettre ouverte du jury demande au ministère de repousser l’admission d’unan et d’organiser les oraux du concoursen juin 2021. Dans cette matière, oncraint le candidat inadapté dans unediscipline censée aborder des «questions socialement vives» avec des adolescents. Selon une membre du jury,«c’est à l’oral que nous apprécions le recul du candidat sur les faits historiques,sur le monde qui l’entoure, sa capacité àles enseigner de manière éthique. Nousne pouvons pas laisser des gens qui n’ontpas le niveau, ou qui tiennent des proposdangereux – nous en voyons chaque année – devant des élèves.» Sans le filtre del’oral, «nous risquons de voir plus dejeunes profs en difficulté que d’habitudedevant les classes, prédit Alain Frugière.Il faudra muscler leur accompagnement,adapter nos formations.»Ces aléas aurontils raison de la volonté
des candidats? Cette entrée atypiquedans lemétier occupedéjàuncoinde certains esprits. «Il faudra s’adapter pourrattraper le confinement, reprendre lesprogrammes…», s’inquiète Chloé, candidate en histoiregéographie. «On a vu lesdifficultés des élèves avec le confinement,et l’importance de la présence de l’enseignant,estimepour sapart Sana, quipassele capes d’espagnol. J’ai encore plus enviede réussir et d’être à leurs côtés, d’avoircette mission de les former.»Dans quellesconditions? Personnene le sait encore. j
éléa pommiers
«NOUSRISQUONSDEVOIR PLUS
DE JEUNESPROFSENDIFFICULTÉQUED’HABITUDE
DEVANT LESCLASSES»ALAIN FRUGIÈRE
président du capes de SVT
IL EST TEMPSD’ÊTRESOIMÊME.
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V1Sortie par capdeville le 14/05/2020 18:36:42 Date de Publication 16/5/2020
6 |génération LE MONDE CAMPUS SAMEDI 16 MAI 2020
MOBILISÉS PAR L’ÉPIDÉMIE
ÉTUDIANTSENSANTÉ
SURLEFRONT:UNEEXPÉRIENCE
INITIATIQUE
Pour lesétudiantsenmédecineouenécolesd’infirmiers
venusenrenfortdans leshôpitauxou lesEhpad, l’épidémie
deCovid-19aétéaussiéprouvantequeformatrice
Blandine Jousset,étudiante externe enmédecine, travaille
en renfort dansun Ehpad, en région
parisienne. JULIENDANIEL/MYOP/POUR «LE MONDE»
L a vague, Marc Astrié, 24 ans, l’avue se former «progressivement»,d’abord au loin, comme lamenaced’un tsunami, avant de la prendrede plein fouet. Fin février, le jeune
interne est en stage au service de réanimation du CHU de Strasbourg quand l’épidémie de Covid19 commence à flamber enFrance. Il ne le sait alors pas encore, maisson service sera l’un des premiers touchésdans l’Hexagone par cette pandémie sansprécédent, à laquelle sa région, le GrandEst,paiera un lourd tribut.Les cas arrivent d’abord au «compte
gouttes» et, avec eux, la mise en place denombreuses protections pour éviter toutecontamination: surblouse, masque, gants,lunettes… «Cela a engendré, dès le début, dela fatigue et de la pression, car l’habillage etle déshabillage doivent être très précis et répétés à chaque visite de patient», témoigneMarc Astrié. Les premiers jours, internes etexternes enmédecine sont préservés, expliquetil. Ce sont principalement les seniorsqui, dans son service, ont pris en charge lesmalades du Covid19, notamment lors desintubations.«Mais, très vite, cela a été l’explosion, se
souvient l’interne strasbourgeois. Les chefs
ne pouvaient plus se permettre de se passerde nous. Tout s’est accéléré: les gardes ont étédoublées, la charge de travail renforcée.»Alors que même les plus chevronnés dessoignants redoutent ce saut dans l’inconnu,face à une maladie dont on ne connaît encore rien, Marc Astrié monte soudain enpremière ligne, commedesmilliers d’autresétudiants en santé partout en France.Des soinsmédicauxou infirmiers à la régu
lation du SAMU, en passant par le brancardage et le nettoyage… près de 100000 futursmédecins viennent en renfort face à l’épidémie, selon la Conférence des doyens de médecine, auxquels s’ajoutent quelque 60000étudiants infirmiers estimés par la Fédération nationale des étudiants en soins infir
miers (Fnesi). Une «mobilisation exceptionnelle et très spontanée», salue Jean Sibilia,doyen de la faculté de médecine de Strasbourg: «Ils ont été nombreux à se portervolontaires très tôtdans les réserves sanitairesqui se sont formées. Répartis dans les servicesselon leur expérience, ils ont été accueillis avecsoulagement par les soignants. Une vraie abnégation face à une crise d’une intensité sansprécédent, pour ces jeunesquiont été confrontés à une grande mortalité, comme ils n’enavaient jusquelà jamais fait l’expérience.»Pour ceux qui se sont rendus en réanima
tion, il a parfois fallu encaisser le choc, faceaux tubes et aux corps inertes. «Mes premières gardes ont été très impressionnantes : je n’avais jamais vu de personnes intubées, ni avec une saturation aussi basse»,se remémore Emma (son prénoma étémodifié), étudiante infirmière de 22 ans enAuvergneRhôneAlpes.
«REMPLIR UN TONNEAUPERCÉ»Puis il y a le roulement infernal des patients,dont la chambre, sitôt vidée, est presque immédiatement occupée à nouveau. «Notreservice était dédié aux patients Covid les plusgraves. Dès qu’on avait réussi à les stabiliser,ils étaient transférés dans une autre unité etimmédiatement remplacés», raconte AloïsGrivet, 22 ans, externe en stage de réanimation à l’hôpital GeorgesPompidou à Paris.«Le premier mois, on n’a pas vu un seul patient être extubé. Ils laissaient trop vite leurplace à d’autres patients au pronostic vitaltrès engagé. C’était comme remplir un tonneau percé», ajoute le jeune homme, «soulagé» de pouvoir à nouveau suivre le rétablissement de ses patients, avec la diminution progressive des flux demalades.Face à ces hôpitaux qui débordent et à cette
maladiepeuconnue, beaucoupde jeunesonteu la sensation d’être «démunis», commeAudreyMusanda, en troisièmeannéed’internat demédecine à l’université de Strasbourg.Elle s’est portée volontaire aux urgences de
Sélestat, dans le BasRhin. «Ne pas avoir toutes les réponses face à la maladie, cela questionne forcément sur le métier auquel on sedestine. C’est un sentiment qu’on a de tempsà autre enmédecinemais, dans de telles proportions, c’était dur à porter», admetelle.Dans les services lesplus touchés, la charge
émotionnelle est lourde, notamment lorsqu’il s’agit de contacter les familles, privéesde se rendre au chevet de leur proche. «Nousleur donnons des nouvelles quotidiennementpar téléphone: cela nous lie, explique le jeune Marc Astrié. Quand j’ai le temps, je vaisdans la chambre avec un téléphone mis surhautparleur, pour que les patients puissententendre la voix de leur époux, de leur fils. Onest immiscé dans leur intimité et, quand l’évolution est défavorable, cela nous affected’autant plus.»Le contact direct avec la mort, dans des
proportions considérables, est difficile àgérer pour ces jeunes d’à peine plus de20 ans. Des cellules psychologiques ont étécréées dans les hôpitaux et les facultés pouraccompagner les étudiants. Une populationdéjà fragile: 27 % des jeunes médecins présentaient des symptômes dépressifs dansune enquête de 2017.D’autant plus que, dans ce longmarathon,
l’épuisement physique et moral est apparu.«La charge de travail était continue et sa finincertaine: on n’en voyait pas le bout, insisteFerhat Meziani, chef du service de médecine intensive et réanimation du CHU deStrasbourg. Les jeunes internes étaient surles rotules, et parfois choqués par les cas graves qu’ils rencontraient. Nous, soignants titulaires, avons aussi laissé nos faiblesses apparaître. Voir des seniors exprimer leur stressa pu être déstabilisant pour eux.»De nombreux étudiants sont également
allés prêter mainforte dans les Ehpad, enmanque criant de personnel pour faire faceà l’épidémie. Blandine Jousset, externe enmédecine de 22 ans, s’est détachée à mitemps de son stage de neurologie pour
«NE PASAVOIRTOUTES LES
RÉPONSES SURLAMALADIE, CELA
QUESTIONNEFORCÉMENT
SUR LEMÉTIERAUQUEL
ON SEDESTINE»AUDREYMUSANDAinterne enmédecine
à Strasbourg
100000C’est le nombre d’étudiantsenmédecine (externes et internes)mobilisés dans les structureshospitalières ou les Ehpad pour faireface à l’épidémie, auxquels se sontajoutés 60000 étudiants infirmiers.
V1Sortie par capdeville le 14/05/2020 18:35:42 Date de Publication 16/5/2020
LE MONDE CAMPUS SAMEDI 16 MAI 2020 génération | 7
ÉTUDES SUPÉRIEURES EN APPRENTISSAGE
L’ALTERNANCESTOPPÉEDANSSONENVOL
Lesétudiantsquicherchentàpoursuivredesmastersenalternancepeinentàtrouverdescontratspourseptembre.Sansmesuresd’aides,
ilscraignentdefairepartied’unegénération«sacrifiée»
T out se présentait bienpour Eva, étudiante à Supde Pub, une école privée àBordeaux. A la rentrée,elle devait commencer un
contrat d’alternance dans une petiteagence d’événementiel à Paris afind’obtenir, au bout d’un an, sonmasteren communication. Mais le confinement est tombé. Quelques jours plustard, unmessage de l’agence a douchétous ses espoirs. «Nous ne savons passi nous serons en mesure de prendreun alternant, nous n’avons aucune visibilité sur l’avenir, annonçait le mail.Nous reviendrons vers vous.»Depuis, Eva cherche une alternative
malgré «les rares offres». Confinée àBordeaux, cette étudiante de 21 ans sedit stressée, et son sommeil est agité:«Mon école coûte 10000 euros l’année. Sans alternance, je suis perdue.»Contracter un prêt bancaire, prendreune année de césure ou mettre sesétudes entre parenthèses pour trouver un job alimentaire: Eva envisagetoutes les possibilités.Pourtant l’apprentissage, synonyme
d’indépendance économique et demeilleure insertion professionnelle,est devenu un mode d’étude de plusen plus attractif dans l’enseignementsupérieur. Ainsi, 166000 étudiantspréparent un diplôme de l’enseignement supérieur en apprentissage,selon le dernier décompte de 20172018, alors qu’ils n’étaient que 70000en 2005. L’entreprise signe un contratde travail avec l’étudiant, prend encharge la totalité de ses frais de scolarité et lui verse un salaire selon sonâge et son niveau d’étude. Le printemps est traditionnellement le momentclé où se concluent les contratspour la rentrée.Mais la crise économique qui ac
compagne la pandémie de Covid19a précipité les entreprises dans laconfusion et rend la recherche decontrats particulièrement compliquée. Aurélien Cadiou, président del’Association nationale des apprentisde France (ANAF) prévoit «une baissed’au moins 50000 apprentis à larentrée prochaine».
En effet, l’apprentissage est en lienavec la santé économique d’un pays,explique Alexandre Léné, maître deconférences en économie à l’universitédeLille.«En tempsde crise, plus il ya de chômage, moins il y a de contratsd’apprentissage signés. Si une entreprise a des incertitudes sur sa pérennité, elle aura tendance à ne pas embaucher du tout ou, au mieux, à recruter des apprentis comme substituts àune maind’œuvre plus chère, et sansavoir à les garder», ajoutetil.Pourtant, tous les secteurs ne sont
pas logés à la même enseigne. Lesplus touchés restent le tourisme, laculture, l’événementiel, le luxe. Pourson master de commerce international à l’IAE Paris, David cherche dansce secteur. Il a envoyé 94 CV et n’a obtenu que 12 réponses, toutes négatives. Ce Parisien a poursuivi toute sascolarité sur ce mode d’études et nejure que par lui. «Ce n’est jamais facilede trouver ce type de contrat, mais làc’est cent fois pire», souffletil. S’il nedécroche pas d’alternance, David préfère «travailler et reprendre l’année
prochaine». D’autres restent optimistes, comme Florian, qui recherche unposte en alternance dans le secteurbancaire: «Je pense que mon milieusouffre moins, il faut juste attendreque les entreprises s’organisent.»Beaucoup de grandes entreprises
ont «maintenu leurs objectifs de recrutement et attendent la fin du confinement pour reprendre leurs processus et rencontrer les candidats», tempère Olivier de Lagarde, président duCollège de Paris, un réseau d’établissements qui compte 3000 apprentis.Resteà savoir si cela sera suffisant, et siles PME et TPE seront prêtes à embaucher des alternants. Deux scénarios seprésentent: «Soit les entreprises recrutentdesalternantsà laplacedeCDDouCDI, soit, si la crise s’avère plus brutale,les entreprises coupent tous leurs budgets alloués aux recrutements, dontceux des alternants», analysetil.A Kedge Business School, on préfère
miser sur le premier scénario et fairele pari de doubler le nombre d’apprentis du programme Grande école à larentrée prochaine. «Dans deux ans,lorsque l’économie va redémarrer, cesentreprises auront besoin de talentsqu’elles auront formés dès aujourd’hui», justifie Christophe Mouysset,
directeur des relations entreprises deKedge. Pour assurer que ses étudiantsaient bien une alternance, l’écolemiseavant tout sur des secteurs qui tirentleur épingle du jeu en pleine crise,comme «les entreprises du digital etdes fonctions de support».
RENFORCER LES PARTENARIATSLes établissements redoublentd’efforts pour renforcer leurs partenariats et maintenir ce mode d’études, en particulier pour leurs étudiants aux faibles revenus pour lesquels l’alternance est un moyend’accéder à de grandes écoles sanspayer les frais de scolarité. A l’IAELyon, au Collège de Paris ou encore àMontpellier Business School, différents dispositifs ont été mis enœuvre : «coaching CV» en ligne, forums emplois «virtuels», accompagnement personnalisé des étudiants,prospections d’entreprises…En soutien aux établissements,
l’Association nationale des apprentisdu supérieur (l’Anasup), l’ANAF et laConférence des grandes écoles plaident pour une aide renforcée del’Etat. D’autant qu’une baisse dunombre d’apprentis aura des conséquences sur les centres de formation
des apprentis, qui sont financés,depuis la nouvelle réforme de l’apprentissage, «au contrat», c’estàdire en fonction du nombre d’apprentis qu’ils accueillent. «L’Etat doitsoutenir des mesures pour éviter uncoup de frein sur l’alternance et surl’égalité des chances. L’alternance estun enjeu sociétal», affirme PierreEmile Ramauger, directeur du développement et relations entreprises àMontpellier Business School.Deux propositions sont notam
ment défendues auprès du gouvernement: rallonger la période de troismois supplémentaires pour signerun contrat (les étudiants inscrits enseptembre ont jusqu’au 31 décembrepour trouver une alternance) et élargir l’aide d’Etat au recrutement desapprentis, réservée aux entreprisesde moins de 250 salariés. Au cabinetde Muriel Pénicaud, ministre du travail, on promet prochainement un«plan d’appui pour l’apprentissage»dont ces deux propositions restent«des pistes qui ne sont pas écartées».Enième incertitude qui n’a pas dequoi apaiser les nuits agitées d’Eva,angoissée à l’idée de faire partied’une «promotion sacrifiée». j
rahma adjadj
«DANSDEUXANS, LORSQUEL’ÉCONOMIE REDÉMARRERA,CES ENTREPRISES AURONT
BESOINDE TALENTSQU’ELLES AURONT FORMÉS
DÈS AUJOURD’HUI»CHRISTOPHEMOUYSSETde Kedge Business School
remplir le rôle d’infirmière dans un établissement de la région parisienne. Malgré lamaigre formation d’une demijournéequ’on lui dispense alors, elle se rend volontaire sans appréhension: elle a déjà officiécomme aidesoignante trois étés de suite etveut être utile.Quand Blandine arrive dans l’Ehpad, en
avril, quinze résidents sur la centaine quecompte l’établissement ont déjà été emportés par lamaladie. Il y règne une atmosphèrede findumonde, entre la tristessedupersonnel et la résignation des résidents qui, confinés dans leur chambre et privés des repascommunautaires, se laissent lentement glisser et cessent de s’alimenter. Tous lesmatins,lesmasques sont rationnés, et sontparfoisdemauvaise qualité. En manque de surblouses,les infirmières craignent de transporter desgermes de chambre en chambre.«Nos résidents, atteints de démence ou
d’Alzheimer, cherchent de l’affection, ils viennent faire des bisous sur les mains : on estobligés de les repousser, avec beaucoup dedouleur, raconte Blandine Jousset. La situation d’isolement, surtout, est très dure à imposer. Certains vivent mal le fait d’êtreenfermés et tentent de s’enfuir. Il faut trouver des stratagèmes, courir vers la sortie, enlever les poignées… Il arrive que le résident,ne comprenant pas la situation, nous supplie derrière la porte. On a le sentiment de lesmaltraiter, malgré nous.»A l’Ehpad, le lien avec les soignés est tout
autre qu’à l’hôpital : ce ne sont pas despatients, mais des résidents, dans leur cadre de vie. «On sort de la blouse blanche, etune autre relation humaine se tisse. C’étaittrès nouveau pour moi», analyse l’externeen médecine. Le rapport à la mort en estaussi changé. L’étudiante, qui avait pourtant déjà connu des décès lors de ses stages, assiste pour la première fois à la miseen housse des défunts, dans des chambresoù des photographies, affichées au mur,retracent leur vie.
VOCATIONS CONFIRMÉES«Cela a été dur, mais j’ai énormément apprisde cette expérience d’infirmière. Plus tard, entant que médecin, ce sera essentiel pourmieux comprendre le métier de celles quisont le premier contact avec le patient», estime Blandine Jousset. Les étudiants, amenés àmener diverses tâches durant cette période, en ressortiront forts de cet aspectpluridisciplinaire, juge le doyen Jean Sibilia:«C’est extrêmement salutaire, car les métiersdu soin fonctionnent encore trop en silos.»Pour tous les jeunes contactés par Le
Monde, cettemobilisationaucœurde la crisea fortement confirmé leurvocationde futurssoignants.«Lesétudesdemédecineapportentbeaucoup de doute, car elles sont longues, etqu’on s’en prend plein la figure, juge BlandineJousset. Mais là, j’ai vraiment été confortéedans mon choix. J’ai vu que je pouvais êtreutile au contact des patients.»D’autant que, si l’aspect monopathologi
que de l’épidémie n’a pas permis de consolider beaucoup de connaissances techniques,l’immersion dans un hôpital en pleine réorganisation a été un moment de formationparticulier. «J’y ai beaucoup appris sur leplan humain et sur la gestion hospitalière.On parle d’équipe médicale: là, on en étaitvraiment une», estimeMarcAstrié. «Il y a euune cohésion incroyable entre les différentsagents hospitaliers, ajoute AudreyMusanda.Cette crisem’a fait grandir.»La période a cependant apporté davantage
d’interrogations que de réponses à l’internestrasbourgeoise.«Ona tous réponduprésent,maisdansunsystèmedesoinsdéfaillant, soulignetelle. Dans certains hôpitaux, les blouses fournies se déchiraient, parfois les protections étaient faites avec des sacspoubelle.C’est comme partir à la guerre avec un couteau. Où les moyens sontils mis? Cela devrafaire partie des questionnements postcrise.»Ces deuxmois s’achèvent aussi sur des in
quiétudes concernant un retard dans la formation initiale, notamment pour ceux quiremplissent des tâches qui ne sont pas aucœur de leur discipline. «Pas encadrés, mobilisés sur des postes d’aidessoignants… Certains étudiants infirmiers ne se sentent pasavancer dans leur formation. Ils fournissentun travail épuisant, indemnisé à moins de2euros de l’heure», regrette Vincent Opitz,viceprésident de la Fnesi.C’est le cas d’Emma, l’étudiante infirmière
mobilisée en réanimation: «On est comptésdans le staff d’aidessoignants, sans la possibilité de se former aux gestes infirmiers», témoigne cette jeune femme, en dernière année d’études. Elle s’inquiète de ne pas «êtreopérationnelle» après le diplôme. Pourtant,il le faudra, rappelle VincentOpitz: «Quand,en fin de crise, les équipes seront épuisées, ceseront à nouveau les jeunes soignants qu’onappellera à la rescousse.» j
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PROGRAMMEBTSCOMMUNICATIONDIPLÔME D’ÉTAT / en Initial ou en Alternance> Admission 1ère année à bac, bac+1
V1Sortie par capdeville le 14/05/2020 18:35:48 Date de Publication 16/5/2020
8 |génération LE MONDE CAMPUS SAMEDI 16 MAI 2020
SOUTENANCES
THÉSARDSDANSLEBROUILLARD
Thèsesreportées, vacationouterrainsd’étudessuspendus,bibliothèques fermées... Lesmesuressanitaires liéesà l’épidémie
bouleversent lesplansdesdoctorants
C es dernières semaines, LeonardoOrlando, 38 ans, a eu le sentiment de perdre son temps. Cedoctorant à Sciences Po Parisavait prévu de franchir l’étape la
plus symboliquede son travail de recherchele 19mars, avec la soutenance de sa thèse degéopolitique sur les eaux transfrontalières.Un moment important. «C’est comme unpermis de conduire: le sas qui nous permetd’entrer dans la vie active après des annéesépuisantes de recherche», estimetil. Mais,à trois jours du but, le confinement entraîné par la crise sanitaire est venu doucherses plans. Soutenance repoussée. Date?Toujours indéterminée.Audébutduconfinement, les processusde
soutenance de thèse ont en effet été arrêtés,et de nombreux doctorants ont été plongésdans le flou. La doctrine générale a d’abordconsisté à les reporter au maximum dansl’espoir depouvoir les reprogrammer lors dejours meilleurs. Mais, face à la perspectivede plus en plus floue d’un retour à la normale en septembre, les consignes commencent à changer. Les écoles doctorales peuvent désormais s’appuyer sur un arrêté qui,depuis le 21 avril, encadre davantage les soutenances à distance, permettant de passeroutre la présence obligatoire du candidat etdu président du jury dans lamême salle.Pour les doctorants, les reports occasion
nés ont eu des conséquences très concrètes.«J’ai déjà raté deux candidatures en postdocqui m’intéressaient», s’agace Leonardo Orlando, qui craint de voir de nombreusesautres opportunités s’envoler d’ici à l’obtention de son diplôme.Marion (son prénom aété modifié), doctorante parisienne en sociologie, dont la soutenance, initialementprévue le 1er juillet, reste incertaine, appréhende aussi la suite. «La bourse que j’avaisobtenue pour travailler dans un laboratoire
de recherche américain devait débuter enseptembre, mais il n’est pas sûr que je puissesoutenir d’ici là et encore moins voyager àcette période. Je risque de me retrouverpendant plusieurs mois sans poste et sanscontrat», racontetelle.
«DESANNÉESDETRAVAIL»«On ne peut pas accumuler le retard indéfiniment jusqu’à un déconfinement quasitotal, admet Thomas Coudreau, présidentdu Réseau national des collèges doctorauxet directeur de celui d’Université de Paris.Partout, on travaille à présent à une généralisation du passage en visioconférence. Lessoutenances sont peu nombreuses à cettepériode, mais elles s’intensifient dès septembre : il ne faut pas créer d’embouteillagepour les 15000 doctorants qui soutiennentchaque année.»Leonardo Orlando n’est pourtant pas cer
tain de trouver rapidement une nouvelledate. «Cela a déjà demandé un tempsmonumental d’organiser la première, car il fauts’assurer que tous les enseignantschercheurs,très occupés, puissent bloquer quatre à cinqheures de leur temps, explique le candidat.Je ne sais pas si cela sera possible avantseptembre. C’est très frustrant.»Pour certains, la perspective d’un passage
à la visioconférence est un crèvecœur.«Cela fait si longtemps que j’attends de soutenir ma thèse… C’est une vraie déception»,souffle Pierre, 29 ans, doctorant en histoireà l’université de Lorraine, qui travaille surles mouvements sociaux contemporains.Toutes les personnes qu’il avait interrogéeslors de ses recherches se faisaient une joied’assister à sa soutenance, qui aurait dûavoir lieu le 16 mars. Elle sera sûrementbasculée en numérique.«Une thèse est un travail énorme auquel
on a consacré des années de notre vie, on a
envie de le partager avec les collègues et lesproches, regrette Marion, qui sent qu’elleaussi va devoir se résoudre au distanciel. Lavisioconférence fait perdre beaucoup desymbolique à ce qui est considéré comme unrite de passage.»D’autant que l’organisation de ces épreu
ves en tout distanciel n’est pas toujours évidente.«Unmembrede l’administrationouducollège doctoral doit impérativement y assister, pour s’assurer du bon déroulé de la soutenance et pour servir d’assistance sur les outilsnumériques», explique Thomas Coudreau.«L’exercice va demander une tout autre préparation», rappelle aussi Kevin, doctoranten microbiologie à Narbonne. Il devraitpasser son grand oral en ligne, en septembre, et craint que lemanque d’interactionnerende «trop monotone» sa présentation.«C’est pourquoi nous demandons beaucoupde flexibilité, afin qu’aucun doctorant ne soitcontraint de passer en visioconférence»,avertitKimGauthier, présidentede laConfédérationdes jeunes chercheurs. Alors qu’elleobserve ces derniers jours «des pratiquestrès diverses», la confédération alerte sur lanécessité de «ne pas sacrifier la compositiondu jury et la publicité des débats», inhérenteaux soutenances de la thèse.Du côté de ceux qui sont en pleine recher
che, le confinement a mis en péril certainstravaux. La fermeture des lieux de documentation, notamment, a constitué un vraifrein pour beaucoup, comme Mylène. Cettedoctorante en histoire de l’art à Paris n’a paspu avoir accès aux ouvrages patrimoniauxqui sont essentiels à sa thèse. «J’ai pu acheter quelques livres en ligne, mais j’ai très viteété coincée», confieMylène, 29 ans, qui s’inquiète de l’incertitude qui pèse sur la réouverture des bibliothèques universitaires.L’interrogation sur la reprise est d’autant
plus forte pour la jeune femmeque, atteinte
de la mucoviscidose, elle fait partie des personnes très fragiles face à l’épidémie. «Estceque je prends le risque d’être en contact aveclamaladie? Ou je laisse en suspensma thèseencore quelquesmois, avec le danger de fairemauvaise impression au moment de passerdevant le jury?», s’alarme Mylène. Afind’éviter les transports en commun, elle aenvisagé de prendre sa voiture, mais le prixde l’essence pèsera lourd dans son budget,car elle n’a pas de financement dédié pourson doctorat.Avec la fermeture des laboratoires, Anaïs,
doctorante en chimie, a perdu ses expérimentations en cours, des analyses de résidus de produits pharmaceutiques qui pourraient venir contaminer l’environnement.Il faudra recommencer à zéro cequi avait étéengagé depuis fin février. «J’ai perdu bienplus que les deux mois de confinement»,
déplore la jeune chercheuse de 27 ans, dontles manipulations ne pourront reprendrequ’en juin. Sonia, elle, devait se rendre enItalie, son terrain de recherche, pour sathèse sur les économies circulaires dans lesrégions de l’EmilieRomagne et des HautsdeFrance. La pandémie en a décidé autrement. «Je cherche un plan B, mais cela remet en cause une bonne partie de mathèse», témoigne Sonia.Pourpallier ces prises de retard inévitables,
le ministère de l’enseignement supérieur aannoncé, le 23 avril, que des prolongationsde thèse et de contrat de financement pourront être accordées, «pouvant aller jusqu’àun an», précisetil. «C’était un bon signalface à des situations de plus en plus compliquées, commente Thomas Coudreau, duRéseaunationaldes collègesdoctoraux.Maisnous sommes toujours dans l’attente dedétails sur les moyens financiers complémentaires. Les établissements craignent dedevoir avancer ces frais très importants,dans une période où ils sont déjà exsangues.Les doctorants nous pressent de questionsauxquelles nous n’avons pas la possibilitéde répondre.»
FINANCEMENTS PROLONGÉSLa Confédération des jeunes chercheursévalue à 37,5 millions d’euros le budget nécessaire pour prolonger ces contrats. Ses représentants craignent qu’un arbitrage soiteffectué entre le nombre de recrutementsde nouveaux doctorants et ces prolongations exceptionnelles. «Ce sera inévitable sic’est aux universités et aux écoles doctorales d’abonder financièrement», alerte KimGauthier, qui souhaite une systématisationdu prolongement, avec une durée variable,en fonction de l’impact de la crise sanitairepour chaque doctorant. L’Agence nationalede recherche allait dans ce sens, le 12 avril,annonçant que chacun des projets en coursqu’elle finance, et qui devait courir audelàdu 17 mars, serait «prolongé de façon systématique d’une durée de sixmois».La Confédération demande aussi que soit
maintenue la rémunération qui était prévue avant le confinement pour les enseignants vacataires, parmi lesquels de nombreux doctorants, «que les enseignementsaient été poursuivis sous une forme à distance, ou non». En effet, 27 % des jeuneschercheurs ne disposent pas d’un financement dédié pour leur thèse en premièreannée, dépendant d’autres apports de cetype – et leur proportion augmente lorsquela durée de leur doctorat dépasse les troisans réglementaires de contrat. Ceuxci nepourront donc pas prétendre aux prolongements exceptionnels de financement. Poureux, chaque mois de thèse supplémentaireajoute son lot de difficultés à des conditionsde vie déjà précaires.«Nous nous retrouvons avec toutes les
problématiques combinées des étudiants etdes chercheurs face au Covid, et avec très peud’avantages», regrette Hugo, doctorant endroit de 26 ans, sans financement. En plusdu ralentissement de ses recherches, le jeune Toulousain craint que ses futures finances ne soient fragilisées. Son job d’été de formateur BAFA, sur lequel il compte chaqueannée pour mettre de l’argent de côté, risque d’être annulé. «Les six prochainsmois, jepuiserai dans mes dernières ressources. Sansaucune visibilité pour la suite.» j
alice raybaud
«CELA FAITSI LONGTEMPSQUE J’ATTENDSDE SOUTENIRMA THÈSE...
C’EST UNEVRAIEDÉCEPTION »
PIERREdoctorant en histoire
«NOUSNOUS RETROUVONSAVEC TOUTES
LES PROBLÉMATIQUESCOMBINÉES DES ÉTUDIANTS
ET DES CHERCHEURSFACEAUCOVID, ET AVECTRÈS PEUD’AVANTAGES»
HUGOdoctorant en droit
V1Sortie par capdeville le 14/05/2020 18:33:36 Date de Publication 16/5/2020
LE MONDE CAMPUS SAMEDI 16 MAI 2020 génération | 9
INSERTION PROFESSIONNELLE
RESTAURATION,TOURISMELESJEUNESDIPLÔMÉSVONTDEVOIRÊTREPATIENTS
Nouvelles formations, servicecivique…certainsadoptentdenouvellesstratégies
J uste avant le confinement, Tobias,étudiant en master hôtellerie deluxe à l’université de MarnelaVallée (SeineetMarne), était enstagedepuis deuxmoisdansunpalace parisien. Sanglé dans un uni
forme de gouvernant, il apprenait, pourclore ses études, à encadrer une équipe. Ilaurait pu être embauché par la suite.Mais, avec le confinement, le palace afermé ses portes. «Je vais devoir chercherun travail dans un secteur en crise avecseulement deuxmois d’expérience», se désoletil. Il a aussi perdu son job au parcd’attractions de Disney. Désormais, pource jeuneAllemandquia suivi toute sa scolarité en France, les plans sont totalementchamboulés. Si le palacene rouvre pas cetété, Tobias envisage de suivre une annéed’études supplémentaire. Pourquoi pas«unMBAdansune école degouvernants».Alors que l’hôtellerierestauration, le
tourisme et la culture sont particulièrement affectés par la crise liée au coronavirus, les futurs diplômés de ces secteursanticipentdegravesdifficultéspour trouver un emploi. Hervé Becam, viceprésident de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH), présageuneannéenoire, avec«20%à25%desentreprises qui ne rouvriront pas» si les aidesne sont pas maintenues. «La priorité àcourt termedesentreprises estde se releveret de refaire travailler leurs équipes», estimeGeorgeRudas, président de l’Institut
français du tourisme. Les embauchespassent au second plan. «Les perspectives sur lemarché du travail sont sombres,au moins équivalentes aux crises de 1993et 2008. Les derniers arrivés, de n’importequel secteur, sont les premiers touchéspar la crise. Les jeunes se retrouvent dansune file d’attente, et vont être touchés deplein fouet par cette récession», expliquePhilippeAskenazy, économiste du travailet directeur de recherches au CNRS.Conscients de ces difficultés, les étu
diants en finde cycle tententde s’adapter,pour éviter le chômage à la rentrée. Inès(son prénom a été changé) est en mastertourismemondechinois etdigitalmarketing à Angers, et continue son stage dansune agence de voyages en télétravail.Bilingue en mandarin et passionnée parl’Asie, elle sait qu’elle devra revoir ses ambitions à la baisse: le tourisme international se trouve au pointmort. Pour les prochains mois, cette Angevine, qui a l’habi
tude de se «débrouiller seule», compte«trouver un job alimentaire etmiser sur lemarketing digital, plus porteur». Florent,qui devait commencer un CDD dans unegalerie d’art à Marseille, travaille dans leschamps de son père, agriculteur. Optimiste, il pense qu’il sera rappelé plus tardmais qu’en attendant il «acceptera n’importe quel job, sans faire la fine bouche».
«MASTER CHÔMAGE»Certains, comme Agathe, étudiante enmaster médiation culturelle à Icart, uneécole privée à Paris, ont la possibilitéd’être conventionnés par leur établissement jusqu’en décembre. Elle profite dureport de son stage dans unmusée d’artcontemporain parisien pour «suivre descours en ligne et valoriser son CV».Adrienne, en master culture à l’Institut
d’études politiques de Bordeaux, a optépour une autre stratégie: le service civique, en septembre. Aumoment du confinement, elle était en stage de fin d’étudesdans un théâtre parisien où elle s’occupait de l’accueil du public scolaire. De retour chez ses parents, elle ne se sent «pascapable de postuler à un emploi» à causede sonmanqued’expérience. «Un servicecivique, c’est plus facile à trouver qu’unCDD ou un CDI, même si c’est frustrantd’être payée 500 euros à 25 ans, confietelle. Je sais que le secteur culturel n’est pasfacile. D’ailleurs, à Sciences Po, on dit queceux qui suivent ma spécialité sont en
“master chômage”. J’étais prête à tout affronter,mais je nem’attendais pasà cela.»Avec ces stages annulés ou suspendus,
de multiples occasions de nouer descontacts, d’acquérir de l’expérience etd’affiner un projet professionnel s’effondrent. «Ces moments de la formationconstruisent l’identité professionnelle deces jeunes et leur donnent confiance. Amputés de ces expériences, ils peuvent se sentir moins légitimes que d’autres», analyseValérie CohenScali, professeure en psychologiede l’orientationauConservatoirenational des arts etmétiers. Seront favorisés ceux qui ont, dans leur entourage familial, lesmoyensde rebondir.«Selon sonmilieu social, on n’a pas la même perception ni la même connaissance du marchédutravail.Onestmieuxpréparéàaffronterles chamboulementsdumondeprofessionnel quandongrandit dans unmilieu où lesparents sont très informés», ajoutetelle.Pour accompagner leurs futurs di
plômés, certains établissements, commel’écolede tourismedeLaRochelle (groupeExcelia),multiplient les initiatives, à commencer par du coaching en ligne pourmuscler le CV et apprendre à démarcherune entreprise dans ce contexte de crise,enmisant sur les nouvelles opportunitéset l’aprèsCovid. «Les entreprises aurontbesoin de nos étudiants pour préparer letourisme de demain, plus local, plus vertet plus digital», espère Pascal Capellari,directeur de l’école. Côté culture, Gilles
Suzanne, de l’université AixMarseille,pense que cette crise est pour les jeunes«une occasion à saisir pour entraînerune démocratisation culturelle, attirer denouveaux publics et ancrer la culturedans un territoire».En attendant la reprise, les futurs diplô
mésde ces différents secteursnevontpassubir la récessionde lamêmefaçon, selonPhilippe Askenazy. En hôtellerie, les métiers liés à l’hygiène seront plus sollicitésqued’autres. Certains enprofiterontpourchanger de secteur, et se diriger vers desdomaines ou des fonctions plus stables– un phénomène que l’économiste a observé après la crise du début des années1990. «A cette époque, une partie des jeunes diplômés ont vu leur carrière diverger.Parexemple, les ingénieurs se sont reportésvers la distribution, secteur beaucoup plusporteur.Mais pour les étudiants en cultureou en tourisme, le report vers d’autresmétiers est plus compliqué», concèdetil.Pouréviterqueces jeunesabandonnent
ce pourquoi ils ont été formés, l’économiste suggère que la puissance publiquesoutienne laprolongationde leurs étudesd’un semestre, «pour qu’ils puissent arriver sur un marché du travail moins dégradé». Les établissements contactés nesemblent pas plancher sur cette piste.Mais face à ce futur brumeux, Florianreste persuadé que tout s’arrangera, «caron est tous dans lemême bateau». j
rahma adjadj
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10 |histoires LE MONDE CAMPUS SAMEDI 16 MAI 2020
J’AVAIS 20 ANS
«J’AIRÉUSSIÀDÉPASSERLESYNDROMEDEL’IMPOSTEUR»
AURÉLIEJEAN
Lachercheuse, spécialistedesalgorithmes, revientsurseschoix
d’orientationetsur la façondontelles’est imposéedansunmonde
scientifiquetrèsmasculin
C onfinée à Paris, Aurélie Jeandécroche son téléphone entredeux réunions avec ses équipes.Elle a le débit rapide, confiant, etla voix chaleureuse. Docteure en
sciences et spécialiste des algorithmes, passée entre autres par Sorbonne Université,l’Ecole normale supérieure de Cachan,l’Ecole des mines de Paris et le Massachusetts Institute of Technology (MIT), AurélieJean, 37 ans, est aussi anciennedéveloppeuseinformatique au sein du groupe financierBloomberg, à New York,mentor à la NASA etentrepreneuse. Spécialisée dans la modélisation numérique, elle est collaboratrice extérieure pour la direction du numérique duministère de l’éducation nationale.Classée par le magazine Forbes parmi «les
40 Françaises qui comptent en 2019», ellesemble n’avoir peur de rien, sauf de ses biaiscognitifs et algorithmiques qu’elle décritdans son dernier livre, De l’autre côté de laMachine (L’Observatoire, 149pages, 18 euros).Aurélie Jean, qui vit habituellement entre LosAngelesetParis, revient sur ses choixd’orientation, ses études, et sur le fait d’être unefemmedansunsecteurencore trèsmasculin.
Votre milieu social atil eu un rôle dansl’éveil de votre curiosité scientifique?J’ai été élevée par mes grandsparents, et
j’ai reçu une belle éducation libérale, associée à des valeurs traditionnelles. Mongrandpère était cadre administratif auCommissariat à l’énergie atomique et magrandmère était femme de ménage. J’aigrandi à Clamart (HautsdeSeine), dans unmilieu de classe socialemoyenne, dans unecité HLM. Mes grandsparents ont joué unrôle fondamental pour la personne que jesuis devenue. Dès la petite enfance, ils ontdéveloppé chez moi une grande curiosité.Ils m’encourageaient à me questionner surlemondequi nous entoure: pourquoi le cielest bleu? Quels sont les mécanismes desmarées? Pourquoi l’eau bout? D’une certaine façon, ils m’ont initiée à la méthodescientifique, qui s’articule autour de l’observation, de l’expérimentation, du raisonnement logique et de l’usage de la théoriepour adresser une question.
Quelle élève étiezvous?J’ai toujours été une bonne élève. Je tra
vaillais bien car je savais que c’était labonne chose à faire. Il fallait faire plaisir àmes professeurs et à mes grandsparents.Je m’ennuyais un peu, mais je savais quec’était important. J’ai sûrement développéle syndrome de la bonne élève au cours deces années d’école où je faisais tout pour«bien faire». Mais l’école a eu un rôle déterminant dans ma vie, car elle m’a permisde grandir, de m’émanciper socialement etéconomiquement.
A la fin du lycée, vous hésitiez entre unelicence de droit et une licence demathsphysique. Pour quelles raisons avezvousfinalement préféré les sciences?J’ai hésité entre les sciencesdures et ledroit
car beaucoup de mes cousins et cousines
étaient allés en fac de droit. Mon grandpèreavait même repris des cours de droit à40ans.Une conseillèred’orientationm’avaitaussi conseillé cettematière car je «présentais bien»: c’est bien connu, les avocatssont des individus propres et policés alorsque les scientifiques sont des personnesnégligées qui ne savent pas communiquer.Quels biais ! Finalement, je ne voulais pasarrêter les sciences dures, qui me fascinaient et m’aidaient à mieux comprendrenotre monde. Je me suis donc inscrite enfac de sciences à Sorbonne Université [exUniversité PierreetMarieCurie]. Je ne savais pas vers quelle carrière me diriger,mais je voulais suivre ce que j’aimais fairesans trop réfléchir. En pratique, la physiqueet les mathsmènent à tout.
Qu’aimiezvous faireen dehors de l’université?Pas grandchose. Pour être honnête, j’avais
énormément de cours et de travail à la maison. J’avais peu de moyens financiers, maisj’avais peu de besoins. Je travaillais quelquesheures le dimanche en tant que serveuse etje dépensais cet argent pour acheter desalbums de Muse ou des essais sur l’histoiredes sciences. Je m’autorisais une grossesortie avec mes amis à chaque veille de vacances scolaires: un dîner, un verre qui seprolongeait parfois dans une boîte de nuit.
Qu’estce qui vous a pousséeà vous intéresser à la programmationinformatique?J’ai eu mon premier ordinateur à 18 ans.
Cela peut paraître tard mais, à l’époque, ilscoûtaient cher et Internet n’était pas encore démocratisé. Cet achat a été tout unrituel, j’ai même conservé ce premier ordinateur en souvenir. Mon envie de suivreun cours de sciences informatiques endeuxième année de licence vient de la frustration que j’ai ressentie lors de son installation. Je ne comprenais rien aux branchements que je faisais, ni même aux termesutilisés dans le manuel. C’est lors de monpremier cours d’informatique que j’ai découvert une science bien plus ancienne, àsavoir l’algorithmique.
Desmentors vous ontils guidéedans vos choix d’orientation, en dehorsde votre famille?J’ai rencontré des professeurs à Sorbonne
Université qui m’ont beaucoup inspirée etqui m’ont donné une image rêvée desmaths. Un professeur de physique m’a ditque je faisais partie des meilleurs élèves etqu’il fallait que je candidate à un double
cursus à l’ENS. Je ne connaissais pas toutesces écoles de renom, ni même ce qu’étaitune thèse. Je pensais qu’être docteur signifiait être médecin! Nous n’avions pas cetteculture à lamaison.Onm’aensuite conseilléde faire un stage aux EtatsUnis, j’ai dû trouver un financement pour m’y rendre. Maisc’est plus tard, en 2009, quand je suis arrivéeaux EtatsUnis pour mon postdoctorat àl’université d’Etat de Pennsylvanie, que j’aieu de réelsmentors.
Vous avez travaillé dans la finance,la médecine, le public puis le secteurprivé. Avezvous planifié votre carrièreprofessionnelle?Je n’ai jamais vraiment «calculé» mon
parcours universitaire, j’ai toujours choisi ceque j’aimais faire. Par contre, j’ai travaillédur pour être lamieux classée, demanière àélargir les choix qui m’étaient offerts. J’aiautant fait des mathématiques, de la physique, de lamécanique quantique, du génie civil, du génie mécanique que des méthodesde résolutions numériques et de la sciencedesmatériaux. J’ai besoinde cettepluridisciplinarité, qui m’enrichit et me fait interagiravec des gens très différents.Quant à ma carrière professionnelle, j’ai
pu avoir ce parcours car j’ai eu lesmeilleursenseignements en France, et que je n’ai jamais payé pour cela. En arrivant aux EtatsUnis, en pleine crise économique, j’ai étéembauchée par un médecin pour un postdoctorat, je ne m’y attendais pas. Les EtatsUnis m’ont donné ma chance, on m’a faitconfiance et je me suis lancée. Au MIT, unde mes mentors m’a dit : «Si on te proposequelque chose, tu prends. Ne refuse jamaisparce que tu ne te sens pas capable.» Lesfemmes ont tendance à croire qu’il fautavoir 100% des compétences pour accepterun travail, les hommes ne mettent pas labarre aussi haut. Alors, je fonce, même si jene suis prête qu’à 30 %.
Vous êtes sur de nombreux projets à lafois. Qu’estce qui vous pousse à avancer?J’ai toujoursétéhyperactive.Mais je suisex
trêmement concentrée dans ce que je fais, cequi me permet de concrétiser et finalisermes projets. On relie encore trop souventhyperactivité et problème de concentration,mais je pense que c’est une erreur. J’ai toujours entrepris plusieurs projets à la fois et jecrois que ma formation par la recherche aamplifié ce trait. En recherche, onest flexible,
on fait des choses très différentes sur unemême journée, on travaille et on pense àbeaucoup de choses à la fois. Depuis longtemps je me suis mise à lire deux livres enparallèle, aujourd’hui je vais jusqu’à trois:j’aime passer, dans une même soirée, d’unessai à un roman, puis à une BD.
Vous dites ne pas entrer dansles «catégories standards», notammenten raison de vos origines socialeset de votre genre. En avezvous souffert?Je n’ai pas ressenti d’influence demes ori
gines sociales ou de mon genre dans meschoix d’études ou de carrière. J’ai eu lachance d’avoir des grandsparents quim’ont formée et éduquée à m’abstraire deces considérations, pour prendre mes propres décisions. Je reconnais la chance quej’ai eue.Mais, en fin de thèse, j’ai réalisé queselon ses origines sociales, on ne bénéficiait pas du même réseau et donc des mêmes opportunités professionnelles. J’essaieà mon tour de faire grandir des jeunes quin’ont pas de réseau en leur ouvrant celuique j’ai construit.Dans mon milieu, j’ai souvent été la seule
femme, mais cela n’a jamais été un problème, car mes collègues masculins ont étémes meilleurs avocats et soutiens professionnels. Mais je me suis déjà demandé sij’étais au bon endroit et à la bonne place.C’est un sentiment sur lequel j’ai très vitetravaillé. Il est lié au fameux «syndrome del’imposteur». Quand je réussissais, jeme disais que j’avais de la chance ou que les gensallaient se rendre compte qu’ils avaient faitune erreur. Ce sentiment a disparu le jouroù j’ai compris pourquoi j’ai eumon poste àBloomberg: parce que j’avais créé un algorithme qui était meilleur que le leur. J’encourage toujours à demander les raisonspour lesquelles on a été sélectionné. Celaaide à se sentir légitime.
Diriezvous que vos 20 ans étaientvotre plus bel âge?Sûrement pas ! A 20 ans, j’avais peu de
moyens, peu de liberté et je neme connaissais pas assez. Monmeilleur moment, c’estmaintenant, et je sais que mes 40 ans seront encore mieux. Françoise Sagan disaitque la maturité se reconnaît quand onpasse de l’envie de plaire à celle de partager.Aujourd’hui, je préfère partager. j
propos recueillis parrahma adjadj
Dates-clés1982Naissanceà Clamart(Hauts-de-Seine)2009DoctoratauxMines de Paris2011-2016Post-doctorat auMIT2016Créationde son entreprise,In Silico Veritas2019PublieDe l’autrecôté de laMachine.Voyage d’unescientifique au paysdes algorithmes.
Aurélie Jean. BRUNO DELESSARD/CHALLENGES-REA
«J’ESSAIE ÀMON TOURDE FAIRE GRANDIR
DES JEUNESQUI N’ONTPASDE RÉSEAU EN LEUR
OUVRANT CELUIQUE J’AI CONSTRUIT»
V7Sortie par griveau le 14/05/2020 20:02:46 Date de Publication 16/5/2020