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Pierre CLEMENT
Didactique de la biologie et de l’environnement, Honoraire de l’Université Lyon 1,
Coordinateur du projet Biohead-Citizen(Biology, Health and Environmental Education
for better Citizenship)
AIFM, Marseille, 3 décembre 2010Atelier « Les méthodes de transfert et de communication des connaissances »
Didactique des Sciences et Education au Développement Durable :
processus et enjeux
Plan
1 – Didactique des Sciences, Education à l’Environnement (EE), Compétences et Education au Développement Durable (EDD)
2 – Connaissances et pratiques sociales sur les forêts méditerranéennes (KP)
3 – Ethiques environnementales et valeurs (KVP)
4 – Conceptions d’enseignants sur la nature et l’environnement dans plusieurs pays. Systèmes de conceptions.
1 – Didactique des Sciences, Education à l’Environnement (EE),
Education au Développement Durable (EDD)
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La didactique des sciences : essai de définition
Classiquement, la didactique d’une discipline s’intéresse aux processus de transmission / appropriation de connaissances dans cette disciplines.
Elle ne se limite pas aux connaissances, mais prend aussi en compte les motivations, attitudes, savoir-faire, les valeurs et les pratiques sociales de ceux qui construisent leurs connaissances.
C’est l’apprenant qui construit ses propres connaissances (constructivisme), à partir de ses conceptions initiales (qui font parfois obstacle à ses apprentissages) dans une contexte social (socio-constructivisme) qui souvent renforce ses conceptions initiales.
La personne qui souhaite transmettre des connaissances (enseignant, formateur, médiateur, journaliste, muséologue, …) a pour principale fonction de créer les contextes (les situations didactiques) les plus favorables à cet apprentissage.
Le triangle didactique (France : 1970’s et 1980’s)
Connaissances scientifiques
Enseignantou médiateur,
formateur; communicateur
Apprenant (stagiaire, public, …)
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L’Education à l’Environnement ne se limite pas à la transmission de connaissances :
« L’éducation est essentielle pour susciter une conscience des questions écologiques et
éthiques, ainsi que des valeurs et des attitudes, des compétences et un
comportement compatibles avec le développement durable, et pour assurer une participation effective du public aux prises de décision » (l’Agenda 21, issu de Rio : ONU, 1992, p. 229)
Les trois dimensions de l’EDD(Education pour un Développement Durable)
Rapport Brundtland 1992
« Le DD est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs ».
Dimension environne-
mentale (écologie)
Dimension sociale
Dimension économique
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Développement Durable ne signifie pas « croissance » durable
La Terre ne supporterait pas que tous les pays atteignent un niveau économique (en terme de consommation par exemple) comparable à celui des USA aujourd’hui.
Les pays les plus développés ne pourraient-ils pas plutôt envisager une « décroissance soutenable » (Latouche 2006) ?
Ainsi le développement peut signifier « transformation »,
« métamorphose », « nouvelle adaptation à l’environnement » plutôt
que croissance, augmentation de taille ou de poids :
Métaphore de la grenouille.
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Liste (non exhaustive) de thèmes de l’EDD
(Clément & Caravita, 2010, rapport pour
l’UNESCO)
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Les compétences ont été définies en tant que capacités à répondre avec succès à des demandes complexes. Chaque compétence correspond à l’interaction entre des capacités cognitives et pratiques : « knowledge (including tacit knowledge), motivation, capacities, attitudes, values, emotions, mobilized for effective actions in particular contexts »
(UNESCO, DeSeCo = Definition and Selection of Competencies. Project website, 2002 : www.deseco.admin.ch )
2 – Connaissanceset pratiques sociales
sur les forêts méditerranéennes
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« Il n’existe pas de forêt en tant que milieu objectivement déterminé :
Il y a une forêt-pour-le-forestier,une forêt-pour-le-chasseur,une forêt-pour-le-botaniste,
une forêt-pour-le-promeneur,une forêt-pour-l’ami-de-la-nature,
une forêt-pour-celui-qui-ramasse-le-bois,ou celui-qui-cueille-des-baies,
une forêt de légende où se perd le Petit Poucet. »
J. von Uexküll, 1934 (traduction française 1965)
son « umwelt »J. von Uexküll (1926, 1934, 1965)
G. Cangulihem (1965)
R. Campan (1980)
P.Clément, R. Scheps & J. Stewart (1997)
Chacun construit non seulement ses propres connaissances, mais aussi son monde, son umwelt, ce qu'il peut percevoir et ce sur quoi il peut agir, aussi bien sur le plan
matériel (spatio-temporel) que sur le plan intellectuel (les concepts maîtrisés, …) :
Histoire de la tique femelle
Par exemple, la perception visuelle est TOUJOURS couplée :• À d’autres perceptions• A la motricité• A l’apprentissage sensori-moteur (et cérébral)
On apprend à voir !
Exemple des châtons(Held & Hein 1963)
(voir aussi les grillons des forêts / ceux des champs)
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010 Ainsi chaque être humain crée son propre monde (son umwelt) :
• Avec ses singularités : le même lieu, le même moment, le même mot, le même message, … n’a jamais exactement le même sens pour chacun de nous, car chacune de nos histoires est unique et imprègne ces significations.
• Mais aussi avec ses universaux, comme la vision en relief, …
• Un objectif essentiel de l’enseignement est de socialiser les umwelts singuliers des élèves (langage et concepts partagés, connaissances, valeurs, compétences, …)
Est-ce que différents acteurs, en charge de la gestion d’une forêt ou de recherches sur cette forêt (exemple du Mont Ventoux) partagent la même vision de cette forêt ?
Thèse de Cheikho 2002, Cf aussi Cheikho, Clément et Bariteau 2002; 2003.
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Thèse Cheikho 2002 (interviews acteurs forêt du Ventoux)
3 – Ethiques environnementaleset valeurs (KVP)
Le modèle KVP
Les connaissances K et les pratiques sociales P sont aussi
sous-tendues par des Valeurs V (qui sont souvent implicites).
Le modèle KVP analyse les conceptions comme des possibles interactions entre les trois pôles K, V et P.
K (Knowledge) = Connaissances
V = Valeurs
P = Pratiques sociales
K
PV
C
C = conceptions
(Clément 2004, 2006)
K, V, P
K, V, P
K, V, P
K, V, P
P
K, V, P
K, V, P
CONCEPTIONS des
- chercheurs, décideurs, …
- Médias (Journaux, TV, ...)
-Principaux acteurs du système scolaire
- Auteurs & Editeurs
-Enseignants
-Apprenants
SITUATION DIDACTIQUE = ENVIRONNEMENT D’APPRENTISSAGE
TRANSPOSITION DIDACTIQUE
- REFERENCES
- Différents niveaux de vulgarisation sc.
- Programmes
- Manuels et autres
outils
-Ce qui est
enseigné
- Ce qui est apprisClément 2004, 2006Clément 2004, 2006
KVP dans l’EDD
1 – Plusieurs disciplines scientifiques, approche interdisciplinaire, systémique, holistique.
2 – Des connaissances scientifiques pas toujours stabilisées (réchauffement climatique, couche ozone, …) : débats entre experts, référence au principe de précaution, …
3 – L’EDD a comme objectif de susciter des actions, des pratiques sociales (P) actuelles (des élèves) et futures (les élèves sont de futurs citoyens adultes).
4 – Ces actions supposent des attitudes qui s’appuient sur des valeurs citoyennes (V) : respect, solidarité, responsabilité.Mais la nature des valeurs (et des pratiques qu’elles sous-tendent) mérite d’être discutée plus précisément.
Valeurs citoyennes dans l’EDD
1 – Valeurs de la science (respect des preuves, honnêteté, modestie et esprit critique). Valeurs de l’interdisciplinarité. Vigilance épistémologique.
2 – Valeurs de l’expertise, qui se fonde sur des connaissances (voir point 1), mais aussi sur les opinions des experts, ce qui oblige à redoubler de vigilance !
3 – Valeurs pédagogiques / didactiques de l’EDD: formation au débat, à l’argumentation, à l’écoute et compréhension d’opinions différentes, à la construction active de compétences
4 – Valeurs citoyennes : le « durable » impose une solidarité avec les générations futures.
Mais si certaines valeurs sont consensuelles, d’autres renvoient à une diversité de rapports à l’environnement et au développement durable :
SPIRITUALISMELa Nature = Don de
Dieu
L’homme y est intégré,Harmonie
(taôistes, dogons,
pawnees)
L’homme en est maître etpossesseur /
protecteur
Approche systémique, complexité,
écologie
Approche réductionniste, analytique, sc. expérimentales
MATERIALISMELa nature résulte de
l’évolution
Ecologisme radical
Attitudes biocentrées
DEVELOPPEMENT DURABLE
Mais attitudes soit écocentrées, soit
anthropocentrées
EXPLOITATION ILLIMITEE
Profit immédiat,Individualisme anthropocentré
Clément 2004
Le DEVELOPPEMENT DURABLEà la croisée de plusieurs
éthiques environnementales
La force du Développement durable est de se situer à l’intersection de divers types de rapport à la nature (cf ci-contre)
La faiblesse du Développement durable est d’être un consensus de façade qui masque de profondes différences entre ses défenseurs.
L’objectif même d’un “Développement » généralisé est discutable (et discuté) :•La Terre supporterait-elle que tous les pays atteignent un développement comparable à celui des USA aujourd’hui ?•Les pays les plus développés ne pourraient-ils pas plutôt envisager une « décroissance soutenable » ?
4 – Conceptions d’enseignants sur la nature et l’environnement
dans plusieurs pays.Systèmes de conceptions.
BIOHEAD - CITIZEN
Biology, Health and Environmental
Education for better Citizenship
2004 - 2008STREP du FP6,
Priorité 7
Coordinateurs :• G. Carvalho• P. Clément• F. Bogner
19 équipes de recherchedans 19 pays
Cette recherche se prolonge actuellement (data 24 pays + 5 autres en cours) sous la
responsabilité de P. Clément.
D’accord Plutôt d’accord Plutôt pas d’accord Pas d’accord
Question A16
Réponses de 4189 enseignants (de 9 pays
méditerranéens)
« Notre planète a des
ressources naturelles
illimitées »
D’accord Plutôt d’accord Plutôt pas d’accord Pas d’accord
Question A18
Réponses de 4189 enseignants (de 9 pays
méditerranéens)
« Les êtres humains sont
plus importants que les autres
êtres vivants »
D’accord Plutôt d’accord Plutôt pas d’accord Pas d’accord
Question A39
Réponses de 4189 enseignants (de 9 pays
méditerranéens)
« Les plantes génétiquement modifiées
sont bonnes pour l’environnement parce que leur culture réduira
l’usage des pesticides chimiques (par exemple : insecticides, herbicides).
»
D’accord Plutôt d’accord Plutôt pas d’accord Pas d’accord
Question A17
Réponses de 4189 enseignants (de 9 pays
méditerranéens)
« La société continuera à résoudre les problèmes
environnementaux, même les plus
gros. »
Conclusions
Différences entre pays du Nord et du Sud de la Méditerranée
• Niveau économique différent• Plus anthropocentrés au Sud (utilisation), et plus pro-OGM• Plus écolocentrés au Nord (préservation), et plus anti-OGM
• Plus de croyance et pratique religieuse au Sud• Mais aussi plus de conceptions machistes, xénophobes, homophobes
Il existe donc des SYSTEMES de CONCEPTIONS
L’attitude vis-à-vis de l’environnement est forgée • Certes par des connaissances et des pratiques sociales
• Mais aussi en lien avec des croyances et opinions (dans le domaine religieux, politique, social)
Convaincre quelqu’un par une formation ou par la communication est donc loin d’être facile !