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Cahiers « Mondes anciens » (2010) Écritures rituelles ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Maria Patera Exorcismes et phylactères byzantins : écrire, énoncer les noms du démon ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Avertissement Le contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive de l'éditeur. Les œuvres figurant sur ce site peuvent être consultées et reproduites sur un support papier ou numérique sous réserve qu'elles soient strictement réservées à un usage soit personnel, soit scientifique ou pédagogique excluant toute exploitation commerciale. La reproduction devra obligatoirement mentionner l'éditeur, le nom de la revue, l'auteur et la référence du document. Toute autre reproduction est interdite sauf accord préalable de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Revues.org est un portail de revues en sciences humaines et sociales développé par le Cléo, Centre pour l'édition électronique ouverte (CNRS, EHESS, UP, UAPV). ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Référence électronique Maria Patera, « Exorcismes et phylactères byzantins : écrire, énoncer les noms du démon », Cahiers « Mondes anciens » [En ligne], 1 | 2010, mis en ligne le 20 janvier 2010, consulté le 17 septembre 2014. URL : http:// mondesanciens.revues.org/139 Éditeur : UMR 8210 Histoire et anthropologie des mondes anciens http://mondesanciens.revues.org http://www.revues.org Document accessible en ligne sur : http://mondesanciens.revues.org/139 Document généré automatiquement le 17 septembre 2014. La pagination ne correspond pas à la pagination de l'édition papier. Tous droits réservés

Patera 2010 Exorcisme Monde Bizantin

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  • Cahiers Mondes anciens 1 (2010)critures rituelles

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    Maria Patera

    Exorcismes et phylactres byzantins:crire, noncer les noms du dmon................................................................................................................................................................................................................................................................................................

    AvertissementLe contenu de ce site relve de la lgislation franaise sur la proprit intellectuelle et est la proprit exclusive del'diteur.Les uvres figurant sur ce site peuvent tre consultes et reproduites sur un support papier ou numrique sousrserve qu'elles soient strictement rserves un usage soit personnel, soit scientifique ou pdagogique excluanttoute exploitation commerciale. La reproduction devra obligatoirement mentionner l'diteur, le nom de la revue,l'auteur et la rfrence du document.Toute autre reproduction est interdite sauf accord pralable de l'diteur, en dehors des cas prvus par la lgislationen vigueur en France.

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    Rfrence lectroniqueMaria Patera, Exorcismes et phylactres byzantins: crire, noncer les noms du dmon , Cahiers Mondesanciens [En ligne], 1|2010, mis en ligne le 20 janvier 2010, consult le 17 septembre 2014. URL: http://mondesanciens.revues.org/139

    diteur : UMR 8210 Histoire et anthropologie des mondes ancienshttp://mondesanciens.revues.orghttp://www.revues.org

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  • Exorcismes et phylactres byzantins: crire, noncer les noms du dmon 2

    Cahiers Mondes anciens , 1 | 2010

    Maria Patera

    Exorcismes et phylactres byzantins:crire, noncer les noms du dmon

    1 Le questionnement lorigine de cette tude porte sur la signification de lcrit rituel lorsquilest intimement li une performance orale. Quen est-il lorsque dans cet crit que lon dit, ilest clairement nonc quil faut crire ce que lon dit? Les crits rituels proposs ltude icicomportent des mises en abme constantes de lcrit dans loral, et inversement: on lit hautevoix lcrit dans lequel il est stipul que lon doit crire ce que lon dit. Dans ce cas, on ne peutsparer lcriture de sa performance orale, ni, inversement, la performance orale de lcriture.Il sagira donc de rflchir sur lcrit rituel dans sa mise en scne orale et inversement sur lerituel oral et sa mise par crit, ainsi que sur le statut de lun par rapport lautre.

    2 Parmi les croyances byzantines et post-byzantines relatives la naissance des enfants et ses dangers, on rencontre frquemment un tre dmoniaque fminin du nom de Gyloudont la fonction principale tait dattaquer les enfants1. Toute une srie de textes, en gnralsous forme dexorcismes, taient dirigs contre ce puissant et dangereux personnage. Nousconnaissons ces exorcismes principalement par des manuscrits dats du XVe au XXesicle2;toutefois, un exorcisme semblable inscrit sur une tablette de plomb chypriote du dbut duVIIIe sicle a t rcemment publi3. En ralit, la tradition que rapportent ces textes a larputation dtre bien antrieure et de remonter au IVe ou Ve sicles4.

    Les papiers de Gylou3 Ces textes contiennent des historiolae, cest--dire des histoires narres dans un contexte

    rituel, qui mettent en scne une figure mythique ou surnaturelle accomplissant une action oursolvant un problme analogue au problme humain que le rcit se propose de rsoudre5. Parexemple, les exorcismes racontent lhistoire de la crature dmoniaque vaincue par un saintou un archange et ils servent la conjurer.

    4 Comme ces textes se succdent de manire continue jusquau XXe sicle, on a la chance depouvoir connatre, du moins dans les cas les plus rcents, lhistoire du manuscrit et prciserla manire dont il tait utilis. Les exorcismes figurent en effet dans des manuscrits qui sontnomms les papiers de Gylou6, les gialloudochartia. Ces gialloudochartia pouvaient trecrits par des villageois ou par des prtres, copis de manuscrits plus anciens, et soit treutiliss comme exorcismes contre le mauvais il, la magie, les dmons ou des maladies, soittre insrs dans des phylactres que lon pendait son cou7. Les papiers de Gylou setrouvaient couramment en la possession de membres du clerg: plusieurs de nos documentsdu XIXe et du XXe sicles appartenaient des prtres, voire des hauts dignitaires de lglisecomme des vques, ou encore des monastres8.

    5 Pourtant lglise orthodoxe a officiellement condamn ces croyances et les pratiques qui leursont associes9. Au dbut du XIXe sicle, elle a dfendu aux prtres la lecture du papier deGylou. Le risque encouru dtre dfroqus en cas de dsobissance na pas empch lespopes de sopposer la hirarchie ecclsiale: car ils croyaient en lefficacit thrapeutique dela lecture du papier10. Mais lglise orthodoxe grecque a toujours lutt contre ce quelleappelle les superstitions populaires et en faveur de la grande tradition. Elle considre lesutilisateurs de ces exorcismes ou des formules rituelles domestiques apparentes11 comme dessorciers, tandis que pour ces derniers de telles pratiques sont partie intgrante de la religionorthodoxe12. La grande ressemblance entre prires orthodoxes de la religion officielle etprires non-orthodoxes de tradition alternative13 a conduit des situations confuses:le papier de Gylou a t lu par des prtres qui, dun point de vue strictement orthodoxe,auraient d tre considrs comme des sorciers.

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    Deux types dhistoriolae6 Les historiolae contenues dans les exorcismes sont de deux types : tantt la crature

    malfaisante est vaincue par saint Sisinnios et ses frres, tantt elle est chasse par larchangeMichel. Les historiolae du type de saint Sisinnios sont gnralement construites selon unmme strotype: dabord les vnements sont approximativement situs dans le temps etdans lespace, par exemple sous le rgne de Trajan Constantinople14. Le rcit introduitalors Mlitne, une femme dont les enfants ont tous t tus par Gylou; Mlitne, nouveauenceinte, essaye de se protger en se rfugiant dans un btiment fortifi, hermtiquement clos.Les saints frres de Mlitne, Sisinnios et un ou deux autres viennent lui rendre visite; Gylouprofite de leur entre dans le btiment pour y pntrer, mtamorphose par exemple en moucheou en poussire15, et elle tue lenfant nouveau-n avant de prendre la fuite. ce momentcommence la poursuite de la crature par Sisinnios et ses frres, qui finissent par la captureret lobliger leur rendre au moins le dernier enfant, ce quelle naccepte de faire que sous latorture. Ensuite, une seconde sance de torture oblige la dmone rvler aux saints le secretde sa puissance: ses noms secrets souvent au nombre de douze et demi16 quelle numre,et quil faudra crire pour lloigner de la maison du porteur du phylactre.

    7 La rvlation des noms dmoniaques est galement le point culminant des historiolae danslesquelles Gylou est vaincue par larchange Michel17. Les historiolae du type de saint Sisinniosmettent en scne un pisode prcis de la vie de la crature, le meurtre de lenfant de Mlitne etsa dfaite conscutive conscutive lintervention du saint. En revanche, dans les historiolaedu type de saint Michel, cest plutt la description de la crature et de ses fonctions quiest dveloppe. Larchange ny combat pas la crature pour rparer un mfait prcis, maissimplement parce quil la rencontre et quelle est un dmon. Ces historiolae se droulent toutes lidentique18 : elles commencent par la rencontre forme typique de manifestation desdmons lpoque byzantine19 entre la dmone et larchange Michel20 descendant du ciel21.Leffrayante apparence physique de la crature est alors soigneusement dcrite : elle peutavoir des cheveux longs jusquaux talons, des yeux de feu, des serpents autour du corps,de la poix sortant de ses narines22, etc. Larchange linterroge alors sur sa provenance et sadestination. Dans sa rponse, Gylou fournit une description de ses fonctions, de ses capacitsde mtamorphose23 et surtout des maux de toutes sortes quelle provoque24, principalementceux des nouveau-ns et de leurs mres25. Dans plusieurs de ces exorcismes elle prcise quellea voulu aussi sattaquer au Christ au moment de sa naissance, mais que sa tentative choua26.Enfin, larchange loblige lui rvler le moyen de se prmunir delle, et la dmone numrealors ses noms et prcise, comme dans les historiolae de saint Sisinnios, quil faut les criresur un phylactre pour quils soient efficaces.

    8 Ainsi les humains ignorant les noms de Gylou sont susceptibles de devenir ses victimes: lepouvoir de la crature rside dans le secret dont elle entoure ses noms ; une fois le secretdivulgu et trait de manire adquate, une fois donc les noms rcits dans un exorcisme et/ou crits sur un phylactre, Gylou est dpossde de sa puissance. Ces noms varient duneversion lautre, ainsi que leur nombre qui peut varier de douze et demi soixante-douzeet demi. Cependant, le demi clt lnumration des noms dans la majorit des cas27. Cedemi ajout signifie quon nen a oubli aucun, que leur numration est complte. Si unnom tait oubli, Gylou ne serait pas totalement exorcise car elle pourrait revenir sous laforme du nom oubli. La signification de ces noms est souvent obscure, mais certains peuventavoir un sens prcis: Gylou est par exemple menteuse (pseudomen) ou trangleuse depetits enfants (brephopnigousa)28, ou encore mouche (muia)29, forme sous laquelle il luiarrive de pntrer chez Mlitne30.

    9 Les textes des deux types se terminent donc de manire identique par une application delhistoriola la situation prsente: une fois lenfant de Mlitne rendu ou la crature vaincuepar larchange, lhistoriola fournit aux humains le moyen de se protger delle. Lhistoriolafonctionne comme un prcdent explicite de ce que lexorcisme se propose daccomplir dansle prsent31. Notons que la majorit des manuscrits contenant les exorcismes contre Gylou sontpourvus despaces destins inscrire les noms des contemporains32. Larchange ou le saint

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    conjure Gylou de ne pas entrer dans la maison dUntel, ce qui atteste une application pratiquede ces exorcismes33, et parfois nous avons des noms de contemporains prcis, et nous savonsle nom du destinataire du phylactre et/ou de lexorcisme.

    crire et rciter10 Ce qui nous intresse ici cest que lon crive les noms que lon nonce ; cest que dans

    lhistoriola on prcise que ces noms doivent tre crits alors quils le sont forcment puisquonles lit au malade partir dun manuscrit. Les textes prcisent (cest Gylou qui sadresse sesvainqueurs): Saints de Dieu ne me torturez pas trop et je jure que l o sera crit votrenom et votre gouvernement reconnu, et mes douze noms et demi, je noserai pas approcher decette maison, mais je men loignerai de trois milles34. Ailleurs, elle dit: Si quelquun peutcrire mes douze noms et demi, je nentrerai pas dans (ou eiseleusomai eis) sa maison, dansla maison du serviteur de Dieu Untel qui a cette prire, ni dans sa femme Une telle, ni dansleurs enfants. Mais que je sois loigne de leur maison de soixante-quinze stades35. Ou plussimplement: Ceux-l sont mes noms, ceux que je tai dits, et je ne nuirai pas celui qui lescrira sur un phylactre36.

    11 Notons quil existe un cas intressant dexorcisme double en quelque sorte, o juste aprsune historiola du type de saint Sisinnios dans laquelle Gylou prcise de nouveau que celuiqui aura (ses noms secrets) dans sa maison ou sur un phylactre, sera protg delle, et danslaquelle suit lnumration de ses noms , elle rencontre larchange Michel qui lui demandegalement ses noms, ce quoi elle rpond que les saints les ont tous crits37.

    12 Dans certains cas, les exorcismes contiennent uniquement lnumration des noms de lacrature, sans historiola pralable38. Llment narratif est alors absent et on se limite utiliserles mots de pouvoir, ceux qui assurent la domination sur la crature, sans autre contexteou explication. En revanche les noms y sont soigneusement numrs et parfois aussi lescontextes daction dmoniaque dont lhomme doit tre protg39 : que tu ne pntres pasdans le serviteur de Dieu Untel de quelque manire que tu puisses vouloir le faire, que ce soitpendant la nuit, ou pendant le jour, ou lheure40, ou midi, ou dans un prtre, ou dans unmoine, ou dans un homme ou dans une femme, ou dans les tnbres, ou dans lobscurit41, quetu ne pntres pas dans le serviteur de Dieu Untel, sjour du baptme. Au nom du Pre, et duFils et du Saint-Esprit, amen. Car ton premier nom est Gylou42.

    13 Il est mme possible, dans de rares cas, de conjurer la crature non pas au moyen de ses propresnoms, mais, aprs la rcitation de lhistoriola, au moyen de noms de saints et danges43, commeon peut crire sur un phylactre la fois les noms dmoniaques et les noms saints.

    14 Lorsque ces textes sont contenus dans un phylactre ils ne sont pas lus mais protgent leporteur par la simple prsence des noms inscrits et par la prsence bien sr de lhistoriola quifonctionne comme le prcdent russi de laction entreprise dans le prsent. Dans un exorcismeprovenant dun manuscrit du XVe sicle, lcriture des noms dmoniaques est associe leurnonciation orale : Je vous prie, dit Gylou, saints de Dieu ne me torturez pas (). Et jenentrerai pas l o se trouvera ce phylactre et l o il sera lu (rcit) je ne pntrerai pas encet endroit; (...) Et si quelquun peut crire mes douze noms, je ne nuirai pas cette maison,je ne dominerai pas sa maison, je ne tuerai pas son btail et je naurai pas de pouvoir sur sesmembres44.

    15 Dans cet exemple, il est nonc clairement quil faut crire et/ou rciter les noms de lacrature. Lexorcisme quivaut au phylactre, loral lcrit et inversement. Dans lexorcisme,lcriture transforme les mots de pouvoir, les noms dmoniaques en phylactre, qui peutsuffire protger son porteur et sa maison. En outre, lexorcisme lui-mme une fois critpouvant constituer le phylactre, on peut dire que, par lcriture, le discours rituel devient unobjet matriel45: lcriture fixe et matrialise ce discours dans tous ses dtails et lui permetde transcender lespace et le temps limits du rituel, rendant ce discours constamment actuel,constamment puissant, ce qui correspond exactement la fonction dun phylactre.

    16 Pour expliquer ce souci dnumration des noms dmoniaques, il faut souligner que lunedes proccupations majeures de lexorciste est de connatre (de btir ?) la personnalit du

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    dmon quil combat46 : quel est son nom, quelle troupe il appartient, quelle est sa placedans la hirarchie des puissances infernales, quelle est sa fonction. Ayant livr tous cesrenseignements, tant repr en quelque sorte dans le vaste monde du surnaturel, le dmonpourra difficilement, croit-on, rsister aux injonctions, conjurations et menaces qui lui sontadresses. En effet, dans notre cas, larchange ou le saint demande Gylou sa fonction, saprovenance et sa destination et lui fait dire ses noms sous la menace. Il est essentiel quelexorciste connaisse dabord le nom47 du dmon : il aura ainsi plus de prise sur lui, et ledmon ne pourra pas prtendre devant Dieu que lordre donn ne lui tait pas adress. Dansnos documents, laction se concentre sur leffort de faire rvler tous ses noms Gylou :les connatre signifie la contrler. Lomission dun nom signifie que la crature nest pasentirement exorcise. Le pouvoir des noms stend celui de divers saints ou danges, dontles noms sont plus forts que les noms dmoniaques et permettent, qui les crit, les prononceou les possde, dexorciser le dmon. Ajoutons que le substantif onoma, le nom, signifiegalement personne en grec mdival48.

    Exorcismes et amulettes17 Dans les exorcismes du type de saint Michel, une tendance analogue la compltude dire

    et/ou crire tous les noms dmoniaques se manifeste galement avec la liste que donneGylou de ses activits aussi nombreuses que varies: en mentionnant toutes, ou du moins unemajorit de ses possibilits daction rpertories, on prtend loigner les maux quelle peutprovoquer, en mme temps que ses attaques contre les enfants. Cette liste est en outre unemanire de signifier limportance et le pouvoir de cette crature et, par l, le pouvoir du saintou de lange qui triomphe delle.

    18 En revanche, sur certaines amulettes tardo-antiques ou protobyzantines49 qui semblent releverde la mme croyance Gylou, dans ce cas sous son nom dAbyzou50, les inscriptionsprophylactiques enjoignent simplement la dteste ou Abyzou de partir, au nomde Sisinnios et/ou de Salomon. En effet, dans le Testament de Salomon, un texte despremiers sicles de notre re51, Salomon vainc un dmon fminin meurtrier denfants du nomdObyzouth, nom duquel driverait celui dAbyzou52. Par ailleurs, Abyzou est lun des nomsles plus courants de Gylou dans les exorcismes des manuscrits byzantins et post-byzantins,mais galement dans celui de la tablette de plomb du VIIIesicle53. Enfin, il existe des amulettesplus tardives (Xe-XIIe sicles), qui nomment galement Abyzou et Sisinnios54.

    19 Sur les amulettes, contrairement ce qui se passe avec les exorcismes, on utilise un nomgnrique ( dteste ou Abyzou) pour loigner le dmon. On ne compte pas sur unenumration minutieuse des mots de pouvoir mais plutt sur le pouvoir de lamuletteelle-mme, qui se dit sceau de Dieu ou sceau de Salomon, se rfrant au fameuxanneau que Dieu donna Salomon et qui lui confra le pouvoir de soumettre tous les dmons55.Leurs formules se rfrent donc au pouvoir de Dieu, de Sisinnios et/ou de Salomon et sontsouvent accompagnes dune reprsentation de la dfaite de la dmone vaincue par le saint oule roi56. Ces images prophylactiques remplissent une fonction similaire celle des historiolaedes exorcismes. Lhistoriola opre une transmission de pouvoir du domaine mythique de lanarration au prsent humain ; lamulette transmet le pouvoir du mythe reprsent (parexemple, la lgende dun saint) dans le prsent du porteur. Historiolae et amulettes illustrentces pisodes mythiques comme continuellement, constamment puissants57.

    20 Il est intressant dexaminer brivement le vocabulaire des exorcismes. Les verbes qui y sontemploys contre la dmone sont exorciser, conjurer, horkiz, exorkiz58, aphorkiz. Lesens premier du terme exorkiz est obliger quelquun accomplir une action en lui faisantprter serment. Selon Louis Delatte59, lide dexiger un serment des dmons provient despratiques magiques dcrites dans les papyri et des imprcations inscrites sur les tablettes. Eten effet, lorsque la dmone donne aux saints ses noms et le moyen de les utiliser, elle jure60

    quelle nentrera pas dans la maison du porteur du phylactre.

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    Les mots et les instances efficaces21 Une autre notion rpandue dans les exorcismes est celle du bannissement du dmon (horiz,

    aphoriz: bannir) ou de sa poursuite (ekdik: chasser, pourchasser)61. En outre, syretrouvent certaines expressions utilises galement dans des formules de rituels domestiquesgrecs modernes, accomplis contre des sorcires du nom de Geloudes, pluriel de Gylou62. Cesexpressions figurent parfois la fin des exorcismes o sont numrs les noms danges et desaints par lesquels Gylou est conjure. On y invite ces saints personnages la lier, lamuseler/billonner et la sceller au plomb.

    22 Cest le cas par exemple dans un exorcisme du type de saint Sisinnios provenant dunmanuscrit de la premire moiti du XVIIe sicle63. Aprs que la crature a prcis quellenentrera pas dans la maison de celui qui pourra crire ses noms et quelle a numr cesderniers, commence une invocation de diffrents saints personnages appels venir laidedu destinataire de lexorcisme:

    23 Saints Sisinnios et Synidros, aidez le serviteur de Dieu Untel et sa femme Une telle et leursenfants ayant ce phylactre. Et liez, et scellez par le plomb toute apparition et tout [esprit]arien et limpure Gylou, quelle nait ni le pouvoir ni la force de se rapprocher de la maisondu serviteur de Dieu Untel, ni de sa femme Une telle, ni de leurs enfants, ni de nuit, ni de jour,ni minuit, ni midi. () Sainte Marina () lie et muselle/billonne et vaincs tout [esprit]arien et dmoniaque et limpure Gylou, loin de la maison du serviteur de Dieu Untel, et de safemme Une telle, et de leurs enfants. Saint Georges, saint Thodore de Tyr et Gnral, aidezla servante de Dieu Une telle et son poux et ses enfants. Et vainquez et chassez et liez etscellez par le plomb tout [esprit] dmoniaque et toute apparition et [tout esprit] arien et toutesprit malin, loin de la maison du serviteur de Dieu Untel et de sa femme Une telle et de leursenfants.

    24 Des verbes de ligature sont donc utiliss dans ces exorcismes. Un des sens du verbe de estlier quelquun par des moyens magiques64. Museler, billonner (phimn), fairetaire un esprit est une habitude courante dans la littrature magique65. Dans lvangile de Luc,Jsus menace le dmon install dans un dmoniaque en lui disant: Tais-toi (sois billonn),et sors de lui66. Pour le verbe sceller par le plomb (molubdn) la crature, notons quele plomb est le mtal qui sert sceller les entres des demeures de Mlitne dans certaineshistoriolae du type de saint Sisinnios, ce qui est un moyen dempcher Gylou dentrer dans latour et de tuer lenfant nouveau-n67. Il peut galement servir immobiliser les dmons quelon scelle au plomb comme dans lexemple mentionn ci-dessus ou plus gnralement agir sur eux, lorsque lexorcisme est par exemple inscrit sur une tablette de plomb68.

    25 Un trait caractristique de ces exorcismes, cest le nombre des personnages qui y sont luvre. Les puissantes actions destines contrer les mfaits de la crature sont entreprises plusieurs niveaux. Le but est toujours le mme: celui qui entreprend laction, qui exorcise doncou fabrique le phylactre, agit pour protger une personne et ses proches contre laction dudmon. Il y a donc un protecteur, un protg, le destinataire de lexorcisme ou du phylactre,et ltre dmoniaque porteur de danger. Le protecteur, qui agit dans le prsent, invoquediffrents saints personnages en implorant leur aide; ces personnages agissent dune part danslhistoriola, et dautre part, une fois lhistoriola finie, dans lexorcisme lorsquon leur demandeleur aide. Une aide qui permet dagir sur le dmon dans le but de lloigner. Le dmon subitdonc laction doublement, voire triplement: il y a laction quentreprend celui qui fait officedexorciste ou fabrique le phylactre, bien ancre dans le prsent, celle des saints Sisinniosou Michel dans le pass surnaturel de lhistoriola et, enfin, celle des divers saints et angesinvoqus, toujours dans le cadre de lexorcisme, par la vertu de la rcitation de lhistoriola.Ainsi lon agit sur le dmon de plusieurs manires: par le discours crit aussi bien que par lediscours oral et en runissant un nombre important de puissances protectrices. Laccumulationdes moyens se fait de nouveau sentir ce niveau: comme on essaye de noublier aucun desnoms de Gylou et de mentionner la majorit des maux quelle est susceptible de provoquer,on essaye galement daccumuler le maximum de moyens pour la contrer.

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    26 On peut ainsi fabriquer un phylactre en y insrant un exorcisme, duquel lhistoriola stipulequil faut fabriquer un phylactre en crivant les noms dmoniaques. Dans ces exorcismesquon peut galement rciter, deux temps senchevtrent : le temps de lhistoriola de saintSisinnios ou de saint Michel qui fonctionne comme le prcdent de ce que lon veut accompliren rcitant lexorcisme, et le prsent qui peut tre exprim par la sance dinvocation de nomssaints pour neutraliser la crature ainsi que par lintroduction dans lhistoriola et/ou danslexorcisme des noms de contemporains destinataires de lexorcisme ou du phylactre. Enoutre, il sagit dun acte rituel doublement efficace qui tire parti la fois du rcit du prcdentcomprenant les mots de pouvoir, de lhistoriola donc qui peut suffire en certains cas, etde linvocation directe des saints auxquels il est instamment demand de manire, dirions-nous, directive dintervenir.

    27 Lefficacit de ces crits rituels repose sur linteraction entre le rcit et lacte rituel, commeentre ce qui est crit et ce qui est dit. Pour se protger on rcite ce qui, pour tre efficace, doittre crit. Il y a une sorte de continuit entre la ralit du rcit et la ralit de lacte rituel,comme entre lcrit et son nonciation orale, une continuit qui repose peut-tre elle aussi surun souci de compltude ou defficacit; crire et rciter les mots de pouvoir est doublementefficace pour se protger du dmon. Aucun des deux ne suffit en soi, puisque dans lcrit il eststipul quil faut rciter, et dans le rcit oral quil faut crire. En revanche, la combinaison desdeux relve dun souci defficacit, de la volont de ne rien omettre dans le but de combattrelaction dun tre rellement craint.

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    Notes

    1 Pour un bref passage en revue de ces croyances qui concernent non seulement la dmoniaque Gyloumais galement les sorcires humaines fonction similaire dsignes sous le pluriel de Geloudes,cf.PATERA, 2006/2007. Le nom du personnage variant selon les manuscrits, nous avons adopt sa graphiela plus courante.2 Pour leurs publications, cf. GREENFIELD, 1989.

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    3 Giannobile, 2004.4 Sorlin, 1991, p.425.5 Frankfurter, 1995.6 Imellos, 1965, p.40, n.4.7 Cf. par ex. ZERVOS, 1958, p.253-254.8 Cf. par ex. SPYRIDAKIS, 1941/1942, p.61-62; OIKONOMIDIS, 1940, p.65-70; IMELLOS, 1965, p.40-41.9 Voir les exemples cits par KOUKOULES, 1948-1957, t. I, 1, p.158, n.4, concernant Gylou et lesGeloudes (sorcires fonction similaire), ainsi que KOUKOULES, 1940, p.10.10 Cf. OIKONOMIDIS, 1940, p.65; 1975/1976, p.260; STEWART, 1991, p.223.11 Pour les rituels domestiques, cf. par ex. AIKATERINIDIS, 1990.12 STEWART, 1991, p.246; GREENFIELD, 1995, p.150.13 La difficult de distinguer entre exorcismes ou prires orthodoxes et non-orthodoxes est soulignepar STEWART, 1991, p. 243, ainsi que par GREENFIELD, 1995, p.149, n.108.14 Sathas, 1876, p.573-575.15 SATHAS, 1876, p.573-575 (mouche); IMELLOS, 1965, p.43-45 (poussire).16 Cf. par ex. : SATHAS, 1876, p. 573 et 575 ; ALLATIUS, 1645, p. 126-133 ; AIKATERINIDIS, 1990,p.246-248.17 Ex. dans SATHAS, 1876, p.576-577; PRADEL, 1907, p.275.18 Cf. Greenfield, 1989, p.104.19 Peterson, 1926, p.109; Delatte & Josserand, 1934, p.212.20 Le mme type dexorcismes met parfois en scne larchange Gabriel ou un saint autre que saintSisinnios: cf. DELATTE, 1927, p.248-249 (Gabriel); SATHAS, 1876, p.577 (saint Arsenios).21 Ou du mont Sina: cf. PRADEL, 1907, p.275.22 Cf. par ex.: SATHAS, 1876, p. 576-577; IMELLOS, 1965, p.41-43.23 Elle prend souvent laspect dun serpent ou dun dragon : cf. par ex. SATHAS, 1876, p. 576 ;REITZENSTEIN, 1904, p.299; PRADEL, 1907, p.280; AIKATERINIDIS, 1990, p.246-248. Sur la symboliquebyzantine associe au dragon, cf. AUZPY, 2002.24 Par ex. elle provoque des naufrages, la mort du btail ou encore la haine entre prtres: cf. PRADEL,1907, p.275. Elle spare aussi les couples, bouche les sources et brle les aires battre le grain: cf.REITZENSTEIN, 1904, p.297-298.25 Elle veille et fait pleurer les petits, les sort de leur lit, leur troue la bile, les fouette et les trangle(cf. par ex. REITZENSTEIN, 1904, p.297-298; DELATTE, 1927, p.235; PRADEL, 1907, p.275; IMELLOS,1965, p.41-43). Elle provoque les fausses couches, elle gle ou assche le lait des mres et leur infligedes plaies (cf. par ex. SPYRIDAKIS, 1941/42, p.61-62; PRADEL, 1907, p.275; SATHAS, 1876, p.576-577).26 SATHAS, 1876, p. 576-577 ; REITZENSTEIN, 1904, p. 298-299 ; PRADEL, 1907, p. 280 ; SPYRIDAKIS,1941/42, p.61-62, etc.27 Pour les listes de ces noms, cf. GREENFIELD, 1989, p.126-142, qui constate (p. 99) que les textes lesplus anciens donnent douze noms de Gylou, tandis que les plus rcents en donnent vingt, voire plus.28 AIKATERINIDIS, 1990, p.246-248.29 Cf. Sathas, 1876, p.573-575; Delatte, 1927, p.98-99.30 SATHAS, 1876, p.573-575.31 FRANKFURTER, 1995, p.466.32 Cf. GREENFIELD, 1989, p.100-101.33 Insrer les noms des contemporains est galement une manire de faire le lien entre le temps danslequel se droule lhistoriola et la situation prsente laquelle sapplique lexorcisme: cf.FRANKFURTER,1995, p.471.34 SATHAS, 1876, p.573-575 (ms. du XVIe s.). Cest nous qui soulignons.35 ALLATIUS, 1645, p.126-33 (ms. de la premire moiti du XVIIe s.).36 IMELLOS, 1965, p.41-43 (ms. de 1858).37 OIKONOMIDIS, 1940, p.65-70.38 Cf. DELATTE, 1927, p.98-99 (ms. du dbut du XVIIIe s.).39 DELATTE, 1927, p.130-131 ( ms. du XVIIIe s.).

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    40 Le terme ra peut signifier lheure, mais galement une partie du jour ou de la nuit (matin, midi,aprs-midi, nuit), ou une saison de lanne: cf. DIMITRAKOS, 1964, s.v. La mme srie temporelle setrouve dans le premier aphorkismos lu avant le baptme: cf. ZERVOS, 1869, p.131.41 Le terme gnophos dsigne le mauvais temps, le temps de brouillard ou de tempte, et lobscurit quien dcoule.42 DELATTE, 1927, p.117(ms. du XVIIIe s.).43 Reitzenstein 1904, p.297-298(ms. du xves.); DELATTE, 1927, p.248-249 (ms. de 1710).44 Greenfield, 1989, p.86-88(ms. du XVe s.).45 Cf. Bottro, Herrenschmidt, Vernant, 1998, p.36.46 DELATTE, 1957, p.120.47 Ibidem, p.145.48 Ce sens est conserv dans le substantif moderne nomatoi: gens, personnes: cf. ANDRIOTIS, 1951, s.v.49 BARB, 1972, p.343-357; SEYRIG, 1934, p.5-9.50 Sur les amulettes, le nom se retrouve sous sa graphie dAbizou, graphie que lon retrouve dans lesmanuscrits: cf. par ex. DELATTE, 1927, p.98-99.51 MAC COWN, 1922, XIII, p.43-45.52 Cf. SORLIN, 1991, p. 426. Les amulettes rpercutent la tradition de Salomon/Sisinnios contreObyzouth/ Abyzou/Gylou.53 Giannobile, 2004, p.729-730.54 Cf. par ex. Spier, 1993, p. 30, p.55, n33, pl.3a. On ne peut videmment tre certain que le lienObyzouth/Abyzou/Gylou ait exist ds les premiers sicles de notre re, date de rdaction du Testament.Cependant, il semble naturellement tabli par la fonction commune de meurtrire denfants que partagentces personnages. Beaucoup plus tard, dans un manuscrit du dbut du XVIIIe s. (cf. DELATTE, 1927, p.235)le lien est clairement tabli entre Gylou/Abyzou et Obyzouth, travers le nom de forme intermdiairede Abyzouth, celle qui est appele Gylou chez les hommes, personnage caractris par les mmestraits que lObyzouth du Testament.55 Ce quil fait dans le Testament de Salomon, o grce au sceau il soumet sa volont les dmons dont Obyzouth les uns aprs les autres.56 Nous navons fait quvoquer ici ces amulettes pour lesquelles on pourra se rfrer, entre autres, BARB, 1972; MATANTSVA, 1994.57 FRANKFURTER, 1995, p.464.58 Selon KOTANSKY, 1995, p.250, lusage du verbe horkiz dans le sens de conjurer le dmon neserait pas attest avant le Ier s. av.n..; il tait surtout utilis pour contraindre le dmon raliser une tchepour le magicien, souvent dans un contexte de magie rotique. En revanche, le verbe exorkiz tait pluttutilis dans un contexte de gurison, pour contraindre les dmons (ou les maladies quils provoquent) sloigner du patient. Sur lemploi de ces termes, notamment en contexte chrtien, cf. NTANTIS, 1983,p.143-151.59 DELATTE, 1957, p.141-142.60 SATHAS, 1876, p.573-575 (omnu); p.576-577 (exorkiz sou); IMELLOS, 1965, p.41-43 (horkonomnu). La dmone prte galement serment sans utiliser de verbe le signifiant, mais avec desexpressions comme par le trne de Dieu () je te dis la vrit (cf. PRADEL, 1907, p.275).61 DELATTE, 1957, p.144.62 Ex. chez AIKATERINIDIS, 1990, p.244-245; MICHALIDOU-NOUAROU, 1932, p.159.63 ALLATIUS, 1645, p.126-133. Autre ex. chez OIKONOMIDIS, 1956, p.19-23.64 Cf. DIMITRAKOS, 1964, s.v.65 Ex. chez EITREM, 1925, p.76-77; 1966, p.38.66 LUC, IV, 35: phimthti kai exelthe ex autou.67 Ex. chez GREENFIELD, 1989, p.86-88; IMELLOS, 1965, p.43-45; SATHAS, 1876, p.573-575.68 Lexorcisme du VIIIe s. publi par GIANNOBILE, 2004, est inscrit sur une tablette de plomb. proposdu plomb et de son utilisation dans les ligatures, cf. HOPFNER, 1921-1924, I, p.154, 608-609; GAGER,1992, p.3-4; CARASTRO, 2006, p.167-168. Des formules analogues sont utilises dans les rituels degurison domestiques contre les Geloudes. Ex. chez AIKATERINIDIS, 1990, p.244-245, et MICHALIDOU-NOUAROU, 1932, p.159, o lon lie et bride ces cratures, bien que le plus souvent, on les cloue:cf. par ex. AIKATERINIDIS, 1964, p.8.

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    Pour citer cet article

    Rfrence lectronique

    Maria Patera, Exorcismes et phylactres byzantins: crire, noncer les noms du dmon , CahiersMondes anciens [En ligne], 1|2010, mis en ligne le 20 janvier 2010, consult le 17 septembre2014. URL: http://mondesanciens.revues.org/139

    propos de lauteur

    Maria PateraUniversit du Ploponnse

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    Tous droits rservs

    Rsums

    travers lexamen de certains rituels dexorcisme non officiels datant des priodes byzantineet post-byzantine, il sagira de sinterroger sur la signification et lautorit de lcrit lorsquilest intimement li une performance orale. Dans ces exorcismes, qui peuvent eux-mmesconstituer des phylactres, on nonce en gnral les noms du dmon tout en stipulant que cesnoms doivent tre crits en guise de protection. En prenant en considration les diffrents casde figure prsents dans les textes, nous aurons dterminer le(s) rle(s) de ces crits rituelsainsi que de leur mise en scne orale.This paper examines the significance and authority of a written text intimately linked to anoral performance. In some Byzantine and post Byzantine unofficial rituals of exorcism, thenames of the daemon are uttered but it is also specified that they have to be written by way ofprotection. These exorcisms may also function as phylacteries. The paper will determine thedifferent roles these ritual scripts may play when combined to an oral exorcist performance.

    Entres dindex

    Mots-cls :dmon, crit, exorcisme, nom, oral, phylactre, rituel, saintKeywords :daemon, exorcism, name, oral, phylactery, ritual, saint, writing