Où va l'École américaine ?

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  • 8/8/2019 O va l'cole amricaine ?

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    IFRI

    ______________________________________________________________________

    O va lcole amricaine ?

    __________________________________________________________________

    Sylvie Laurent

    Octobre 2010

    .

    PPoottoommaacc PPaappeerr 55

    Programme tats-Unis

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    LIfri est, en France, le principal centre indpendant de recherche,dinformation et de dbat sur les grandes questions internationales. Cr en1979 par Thierry de Montbrial, lIfri est une association reconnue dutilitpublique (loi de 1901).Il nest soumis aucune tutelle administrative, dfinit librement ses activits etpublie rgulirement ses travaux.LIfri associe, au travers de ses tudes et de ses dbats, dans une dmarcheinterdisciplinaire, dcideurs politiques et experts lchelle internationale.Avec son antenne de Bruxelles (Ifri-Bruxelles), lIfri simpose comme un desrares think tanksfranais se positionner au cur mme du dbat europen.

    Les opinions exprimes dans ce textenengagent que la responsabilit de lauteur.

    Le programme tats-Unis de lIfri publie une collection de notes en ligne,les Potomac Papers . Ces notes prsentent des analyses de la politique

    amricaine dans tous les domaines, ainsi que des volutions socialeset des grands dbats en cours aux Etats-Unis.

    .

    Le programme tats-Unis reoit le soutien de :

    ISBN : 978-2-86592-787-

    Photo de couverture : international education week Ifri, 2010 Tous droits rservs

    Site Internet : Ifri.org

    Ifri-BruxellesRue Marie-Thrse, 21

    1000 Bruxelles BELGIQUETel :+32(0)22385110Fax:+32(0)22385115

    Email : [email protected]

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    Executive Summary

    Two years ago, the Obama administration launched a reform of thesecondary school system that makes many liberals unseasy. From aFrench perspective, the tenets of the on-going reform are indeedalarming : a competition between schools to get public funding, thesetting up of autonomous Charter Schools , a continuousassessement of results based on tests, teachers who must give uptenure and can be fired in case of incompetence , Applying free

    market principles to the secondary school system is seen as the onlyway for schools to be efficient. But more than anything, they are nowheld accountable .

    True, American junior high schools and high schools areunable to offer the same education to all students. A poor child hasone chance out of ten to make it to university and less chances still ifhe or she is a minority. One of the key tenets of the reform is tobridge the achievement gap , an expression used since the 1980sto label the difference in academic performance between poorer andricher children a difference that is statistically heavily correlated withrace.

    Education is one area where the federal state is veryprescriptive. As it happens, the present reform is a continuation of the No Child Left Behind reform law passed by the Bushadministration in 2002. However, financial and administrativemanagement of the secondary school system is the responsibility ofstate governments, not the federal governement. Their current acutebudgetary difficulties constitute a major impediment to the reform.

    This on-going reorganization of the secondary school systemhas received much less attention from abroad than the health care orWall Street regulation reforms. It is however a key undertaking of theObama presidency.

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    Ce quil faut retenir

    Depuis deux ans, les tats-Unis sont engags dans une rformerigoureuse de lcole secondaire qui suscite la controverse parmi lesprogressistes. Les matres mots de la rforme scolaire de BarackObama feraient frissonner en France : concurrence entre lestablissements pour obtenir un financement public, renforcement descharter schools au fonctionnement autonome, valuation desrsultats pdagogiques, paie au mrite pour des enseignants du

    secondaire qui doivent renoncer lemploi vie et accepter dtrerenvoys en cas d incomptence Lcole doit rechercher sonefficacit dans les mthodes du secteur priv et surtout elle doitrendre des comptes : accountability, tel est le matre mot de larforme.

    Lcole amricaine est, il est vrai, incapable doffrir les mmesopportunits tous ses lves : un enfant pauvre na quune chancesur dix daccder luniversit, bien moins encore sil est de couleur.Au centre du mouvement des rformes ducatives se trouve donclambition exprime depuis 30 ans de rduire lachievement gap( cart de russite ) entre les lves dfavoriss et les autres,

    sous-tendu par la question raciale. Ce dni dmocratique queconstitue la condamnation lchec des jeunes noirs et/ou latinos estle grand arrire-plan de la rforme.

    Ltat fdral est fortement prescripteur dans le secteur delducation. La rforme de lcole telle quelle est propose par B.Obama et son secrtaire dtat lducation, Arne Duncan sinscrit dailleurs dans la continuit de la politique de sonprdcesseur, qui avait lanc la rforme No Child Left Behind en2002. Cependant, la gestion administrative, comme financire, delducation secondaire incombe aux tats fdrs dont les difficultsfinancires aggravent bien entendu la situation.

    Cette rforme radicale de lducation a sans doute beaucoupmoins attir lattention internationale que les rformes de lassurance-maladie et du systme financier. Cest pourtant, peut-tre, le chantierle plus dcisif dune prsidence Obama qui se veut rsolumenttransformatrice..

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    Sommaire

    INTRODUCTION :LES DEFIS DE LENSEIGNEMENT SECONDAIRE AMERICAIN....................... 4

    A LA RECHERCHE DE LEFFICACITE PERDUE .......................................... 6

    Race to the topou les vertus de la comptition scolaire ............................................... 6

    Comprendre le succs des charter schools ................................... 9

    Une main de fer pour rformer lcole :Arne Duncan ........................................................................................... 13

    VERS LA FIN DUN SERVICE PUBLIC DE LEDUCATION ? ........................ 15

    Les professeurs au centre des dbats ................................................ 15

    Ruptures ou continuit troublanteavec la politique de George W. Bush ? ............................................... 18

    Lducation efficace mise en place par Obama est-elleencore un droit civique ? ...................................................................... 21

    UN CAS DECOLE : LA REFORME SCOLAIRE A WASHINGTON DC ........... 24CONCLUSION :REFORMER DANS LA CRISE.......................................... 27

    BIBLIOGRAPHIE .................................................................................. 29

    Ouvrages ................................................................................................ 29

    Articles .................................................................................................... 30

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    Introduction :les dfis de lenseignement

    secondaire amricain

    Depuis plusieurs dcennies, les collges et lyces publics amricains( junior highschoolset highschools) sont accuss de creuser ungouffre financier pour les collectivits locales, dtre un modle

    dincurie bureaucratique et surtout dtre incapables de formerconvenablement la jeunesse amricaine, handicapant lconomie dupays dans une concurrence globale de plus en plus pre. Deuxchiffres sont rgulirement brandis afin dillustrer cette crise delenseignement secondaire : les tats-Unis sont, selon le classementPISA1, classs 17e mondiaux pour les comptences de leurs lvesen sciences et 24e en mathmatiques. cela sajoute une statistiquedautant plus inquitante que la crise conomique traverse par lepays depuis 2009 en aggrave les consquences : prs dun lve surtrois (1,2 million dlves par an) quitte le collge ou le lyce avantdobtenir son diplme de fin dtudes2. La situation est plusdramatique encore pour les tablissements installs dans des zones

    urbaines de grande pauvret concentrant les enfants Africains-Amricains et Hispaniques, dont les taux dabandon avoisinent les60 %.

    Ds son lection, le prsident Barack Obama a lanc un planambitieux de rforme de lcole publique qui tmoigne de sonvolontarisme indit en matire de rgulation scolaire. Depuis lagrande loi de rforme de George W. Bush en 2002, intitule No ChildLeft Behind(NCLB) ( aucun enfant laiss pour compte ), qui prit bras le corps le chantier des ingalits scolaires, rien de significatifnavait t vot. Cette loi, qui a fait lobjet dun consensus bipartisan,fixait un cap et une philosophie : il fallait parvenir ce que tous les

    lves obtiennent un niveau scolaire satisfaisant pour 2014 et chacun

    Sylvie Laurent est amricaniste, Matre de confrences Sciences Po Paris etchercheur au W.E.B. Du Bois Institute de l'universit d'Harvard. Son premierouvrage, Homrique Amrique, est paru au Seuil en 2008.1 Programme international pour le suivi des acquis des lves : valuationinternationale des lves de 15 ans raliss par lOrganisation de dveloppement etde coopration conomiques (OCDE).2 Editorial Projects in Education (2007).

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    des acteurs de linstitution scolaire devait individuellement rendre descomptes de lavancement de ce projet.

    Sous-finance et conteste, elle a en ralit sclros lesrformes ducatives jusqu llection de Barack Obama. Depuis

    deux ans, ce dernier veut aller plus loin que ses prdcesseurs. Il adcid de consacrer la restructuration de lcole amricaine 4,3 des98 milliards de dollars (Md$) accords par le Congrs pourlducation dans le cadre du vaste plan de relance de lconomieamricaine de 787Md$3. Grand programme dinvestissements, leplan de lAdministration Obama vise soutenir une rformestructurelle de lcole (tableau 1). Pour lditorialiste ThomasFriedman, une rvolution serait en marche : les tats-Unis sortiraientenfin leurs collges et lyces de la nasse4.

    Tableau 1. Plan de relance 2009 : linvestissement dans lducation

    Destinataires Montant

    (Md$)

    Soutien financier aux tats (State Fiscal StabilizationFund) afin de pallier les effets de la crise et dviter lesfermetures dcoles et les licenciements denseignants

    48,3

    Soutien aux lves socialement dfavoriss 13Soutien aux lves handicaps 12Programme dincitation la rforme dit race to the top

    4,3

    Autres (fonds pour linnovation, soutien aux sans-abri,formation des enseignants)

    NA

    Source : Rebell, Wolff & Yaverbaum, 2010.

    3 Voir ce sujet les clairages de la Maison-Blanche disponibles sur.4 Steal This Movie, Too , New York Times, 24 aot 2010.

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    la recherchede lefficacit perdue

    Race to the topou les vertus de la comptition scolaire

    Dans la ligne de la politique fdrale en matire ducative mene

    depuis la premire grande loi sur lenseignement secondaire vote en1965, lAdministration lue en 2009 se veut rsolument prescriptive :les pouvoirs publics fixent un objectif aux coles et imposent delatteindre. Les tats-Unis, qui rejettent gnralement touteintervention fdrale dans la rgulation des ingalits sociales (lexception rcente de lassurance sant), voient linterventionfdrale crotre de faon continue depuis Lyndon B. Johnson, etatteindre un pic avec Barack Obama.

    Les modalits de cet interventionnisme sont en ralitfdralises. Aux tats-Unis, la gestion financire et administrativede lducation est en effet dcentralise. Il revient chaque tatfdr et aux collectivits locales dadministrer et de financer lesquelque 100 000tablissements secondaires du pays. Chaque tatest divis en districts scolaires administrs par un Board of education,commission scolaire forme de notables locaux lus. Cres dans leMassachussetts en 1642 pour vrifier la bonne tenue de lducationpublique, ces commissions conservent aujourdhui un rle consultatifimportant dans le choix des quipes ducatives et des orientationspdagogiques. Reprsentes dans chaque tablissement par un superintendant , elles sont en gnral de simples chambresdenregistrement pour ce dernier, quant elles ne sont pas en conflitavec lui, tant les limites de leurs prrogatives rciproques ne sont pasclairement dfinies (Rothstein, 2004, p. 25). Ltat fdral, qui finance

    des programmes spcifiques de soutien aux lves les plus pauvresou handicaps, nest quun acteur de second plan.

    Vitrine de la politique scolaire de lAdministration Obama,Race to the top ( course vers le sommet ) est une comptitionentre les tats amricains organise par Washington pour rformeren profondeur le systme ducatif. Les premiers rounds ont eu lieuen 2009 et 2010, le troisime aura lieu en 2011. Au lieu dune aidefdrale traditionnellement accorde au prorata du nombre dlves,les tats doivent dsormais se disputer un prix , une sommedargent que seuls les vainqueurs obtiennent.

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    Pour gagner cette comptition et se partager plus de 4 Md$de rcompense, les tats slectionns doivent adopter une srie derformes destines lutter rsolument contre lchec scolaire sur leurterritoire. Mis en place grande chelle en 2002, des examensvaluent la progression des lves dans les deux matires basiques,les mathmatiques et langlais, et permettent de mesurer lesprogressions des lves. Les tablissements doivent publier ces performances , qui indiquent non seulement la moyenne desrsultats mais galement celles des lves dfavoriss et/ou issusdes minorits. Lobjectif gouvernemental est damliorer sensiblementles rsultats ces tests.

    Pour se qualifier pour la course vers le sommet et obtenirsa part du plan de relance de 2009, chaque tat devait sengager amliorer lefficacit des enseignants, sassurer que les plus effi-caces soient affects dans les tablissements difficiles, que les notesdes lves soient rpertories dans un logiciel afin de mesurer les

    progrs, sassurer de la qualit des tests de niveau organiss par l-tat et soutenir les coles les moins performantes 5. Laide est doncconditionnelle. Le principe dune responsabilit imputable aux diff-rents acteurs dans les checs de lcole amricaine est au cur dela stratgie ducative de B. Obama, ce qui linscrit rsolument dans lesillage des politiques rformatrices de ces dernires dcennies.

    Seuls les tats qui mettent en place les rformes les plusrigoureuses pour amliorer le rsultat de tous lves peuvent doncdsormais bnficier de la manne de ltat fdral. Il faut atteindre500 points, calculs selon une grille prcise de 19 mesures, pour yparvenir6. La gnralisation des coles innovantes est trs vivement

    recommande, tout comme la paie au mrite pour les enseignants.Arne Duncan, ministre de lducation dObama, soutient le principedune valuation standardise, envisageant mme la gnralisationde bases de donnes des rsultats de chaque lve ces testsdepuis la maternelle. Il incite par ailleurs les tats une plus grandeuniformisation entre eux et plus de transparence : dans denombreux tats les tests sont notoirement plus faciles, dans unmouvement significatif de fraude au rsultat7 de la part de rgions quisouhaitent obtenir de largent fdral. Au total, ce programme doittoucher 13,5 millions dlves, 980 000 enseignants et 25 000 coles(selon le dpartement de lducation).

    En priode de rcession conomique brutale, les tats enqute de financement fdral se sont donn les moyens de la r-

    5 American Recovery and Reinvestment Act of 2009, 123 Stat. 524, title XIV,Sec.14005 (d), en date du 11 mars 2009.6 Voir Race to the TopFund , disponble sur Ed.gov/.7 Voir United States Government Accountability Office, Report to the Chairman,Committee on Health, Education, Labor, and Pensions, U.S. Senate No Child LeftBehind Act. Enhancements in the Department of Educations Review Process CouldImprove State Academic , septembre 2009, disponible sur Gao.gov.

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    forme. Les plus frapps par la crise, tels la Californie, le Michigan, leWisconsin et la Louisiane, ont fait voter des lois afin de remplir lesconditions du concours Race to the top, en particulier celles consis-tant multiplier les charter schools(voir infra). Le Colorado a sensi-blement prcaris le statut de ses enseignants en durcissant les con-ditions requises la titularisation. Le Michigan et le Massachusettsont lgifr afin de faciliter la reprise en main des tablissements peuperformants. Ces derniers doivent tre pnaliss et leur principal ren-voy le cas chant. Le Tennessee et le Delaware ont emport lacomptition lors du premier round de 2009. Ils ont reu 600 millionsde dollars de Washington pour poursuivre leurs rformes.

    Un second round annonc par Arne Duncan le 27 juillet 2010,a vu la qualification de 19 tats8. Aux autres, Barack Obama prometune rpartition incitative du soutien fdral : entre 10 000 et 15 000 -tablissements seront rcompenss pour leurs efforts par loctroi dunfinancement spcial ; les 10 000 15 000 coles en trs grande diffi-

    cult seront fermement encadres et leurs rformes ponctuellementsoutenues financirement. Les autres tablissements (70 000) de-vront trouver eux-mmes les moyens de fonctionner tout en appli-quant la rforme. Le 24 aot 2010, le ministre a annonc avec quel-ques semaines davance les rsultats : outre le Tennessee et leDelaware qui staient qualifis ds le premier round, dix nouveauxtats figuraient parmi les gagnants (voir tableau 2).

    Tableau 2. Classement des Etats lissue de Race to the top 2010

    tat Financement federal (Millions $)

    1 Massachusetts 250

    2 New York 7003 Hawa 754 Florida 7005 Rhode Island 756 District of Columbia 757 Maryland 2508 Georgia 4009 North Carolina 40010 Ohio 400

    Note : Le montant de la dotation des Etats ne dpend pas uniquement duclassement mais aussi de facteurs dmographiques, du profil de la population

    scolaire de ltat, etc.Source : Department of Education.

    8 18 States and D.C. Named as Finalists for Race to the Top. Duncan SalutesState and Local Leaders for Leading "Quiet Revolution" for School Reform ,disponible sur Ed.gov/, 27 juillet 2010. Les tats qualifis sont : lArizona, laCalifornie, le Colorado, le District de Columbia, la Floride, la Gorgie, Hawa, lIllinois,le Kentucky, la Louisiane, le Maryland, le Massachusetts, le New Jersey, New York,la Caroline du Nord, la Caroline du Sud, lOhio, la Pennsylvanie et Rhode Island.

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    Comprendre le succs descharter schools

    Lune des grandes nouveauts de lAdministration Obama en matireducative est sa volont de soutenir des tablissements secondairesautonomes, dits charter schools, qui, bien que financs par ltat, ontun fonctionnement semi-public. Ces coles charte ne doiventtre confondues avec les coles prives payantes qui accueillent15 % des lves du secondaire dans le pays, souvent les plus privi-lgis (20 % en France).

    Au sein du systme ducatif amricain, il existe diffrentstypes dtablissements, parmi lesquels les parents veulent avoir lapossibilit de choisir. De ce libre choix nat la comptition entre destablissements qui ne peuvent alors quamliorer leurs prestations.Cette conviction que seule la mise en concurrence permet linno-vation et que secteur public traditionnel rime avec bureaucratie et

    inertie est, pour ce qui est de lcole, dinspiration britannique. Lematre mot des livres blancs de lducation britannique sousMargaret Thatcher et Tony Blair tait contestability(un euphmismepour comptition selon ses dtracteurs9). En effet, bien que sanature nolibrale (Milton Friedman fut le parrain du principe dumarch ducatif dans son discours de 1955)10 soit contraire auprogressisme de nombre dducateurs, la thorie du libre choix faitlobjet dun relatif consensus au tats-Unis, pays profondmentmarqu par son modle ducatif dmocratique libral qui se dfiede ltat (Meuret, 2006).

    Ltat amricain offre ainsi depuis les annes 1980 des

    vouchers( bons ducatifs ) des boursiers tirs au sort afin quilsfinancent leur ducation dans une cole prive. La tradition desvouchers, consistant pour ltat donner directement aux famillesncessiteuses plutt que de passer par le systme ducatif public,remonte comme le rappellent ses avocats lorigine du pays, Adam Smith mais galement Thomas Paine (Kirkpatrick, 1990).Ces vouchers, qui ont suscit des dbats houleux, demeurentmarginaux puisque seuls certains tats y ont recours aujourdhui.Mais dmocrates comme rpublicains les ont maintenus par principe,bien que leurs effets sur la rduction des ingalits scolaires nesoient lobjet daucun consensus scientifique11.

    Les premires coles charte sont apparues dans lesannes 1980 mais cest au dbut des annes 1990 que les tatscomme le Michigan ou la Californie ont adopt les lois qui ont permis

    9 Pour une vue densemble des controverses entourant les rformes ducatives enGrande-Bretagne, on peut se rfrer luvre de Richard Hatcher, professeur lUniversit de Birmingham : voir Ed.uce.ac.uk.10 Aujourdhui, la Fondation Friedman milite pour le principe de ces bons ducatifs.Voir leur site : What is School Choice? , disponible sur Edchoice.org/11 Voir la synthse propose Vouchers , disponible sur Ed.week.org.

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    leur dveloppement. Si ces coles doivent prparer les lves auxmmes examens que les autres tablissements, elles sont enrevanche libres de la pdagogie utilise, de leur rglement intrieur,des emplois du temps, et libres dengager leurs propres enseignantset quipes administratives. Une priode allant de trois cinq ans leurest accorde et, aprs un audit de leurs rsultats, leur charte est (ounest pas) renouvele. En cas de succs, elles obtiennent davantagede fonds publics. Certaines coles traditionnelles, cherchant chapper aux contraintes administratives imposes par le district, ontainsi dcid de changer de statut. Dautres, la suite dune fermetureadministrative, sont rapparues sous la forme dune charter school.

    Laboratoire du pragmatisme pdagogique, elles sinscrivent la fois dans la doctrine du libre choix mais galement dans lidedune alternative prometteuse pour les parents qui craignent queleurs enfants ne soient broys par la machine publique. Sduisant lesclasses populaires comme la classe moyenne, les charter schools

    connaissent une expansion remarquable depuis une dizainedannes sur le territoire amricain (voir carte) : un million denfants ysont aujourdhui scolariss. Les plus clbres sont situes dans lesghettos des grandes villes du Nord-Ouest.

    Carte 1. Gographie et chronologie des charter schools

    Sources : daprs la National Alliance of charter schools, disponible surJaypgreene.com.

    Ces coles sont gratuites et ne peuvent thoriquement refuseraucun lve. Mais tant le plus souvent de petites structures, ellessont parfois incapables daccueillir tous les lves qui souhaitent ytre scolariss. Des tirages au sort par loterie sont alors organiss

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    afin que le hasard dcide des heureux lus12. Les parents ont le choixentre une cole traditionnelle, soumise aux rgulations et contraintesdmographiques et structurelles dun tablissement public et cestablissements semi-publics qui obtiennent des rsultats que certainschercheurs jugent spectaculaires13.

    Lune des cls de la flexibilit de ces coles sous contrat (etdonc de leur popularit) est que la majorit des enseignants engagsne sont pas syndiqus14 : il est ainsi plus facile de souscrire aux prin-cipes de la rforme gouvernementale (paie au mrite, allongementdes journes de classe et cours du soir, renvoi en cas dincom-ptence, prparation intensive aux tests pour les lves les plusfaibles, encadrement individuel, etc.) et galement dappliquer desprincipes de gestion prive. Cest lune des critiques essentiellesfaites ces coles, en particulier aux 10 % 15 % dentre elles quisont administres par des compagnies autorises tirer profit deleurs investissements ducatifs, dites Educational Management Or-

    ganizations (EMO). Mme lorsquelles sont publiques, comme laprestigieuse Harlem Children Academy qui propose un ensemble deprestations sociales aux parents, en plus de lcole, elles dpendentde la gnrosit prive. Selon un article du New York Times doc-tobre 2010, les deux tiers du budget de la Harlem Children Academyproviendraient de Wall Street15. La participation dentreprises privesa toujours t admise et mme encourage par les pouvoirs publics.Mais, selon un rapport de la Brookings Institution, la dpendance deces coles lgard du mcnat priv prcariserait leur avenir16malgr le cofinancement public.

    Par ailleurs, mesure que les rsultats deviennent le premier

    critre dvaluation de ces coles et de lcole en gnral, la priva-tisation de lcole sinstitutionnalise et suscite linquitude de nombredducateurs. Au-del de la question thique souleve par certains, latendance sous-payer les jeunes enseignants, leur imposer unemthode standardise de bachotage voire formater les jeunesesprits afin den faire des consommateurs et non des citoyens necesse dinquiter (Kozol, 2005). Les contempteurs de ces coles sin-quitent enfin du faible accueil rserv aux lves handicaps, ne

    12 Voir le documentaire The Lottery, de Madeleine Sackler, 2010.13 Voir les nombreux travaux de lconomiste de Harvard Caroline M. Hoxby qui avalu une cole charte de Harlem sur plusieurs annes. On peut notamment

    lire C.M. Hoxby et J.E. Rocko The Impact of charter schools on Student Achie-vement, mars 2005, disponible sur Rand.org.14 Environ 40 % des enseignants sont syndiqus. Les deux principaux syndicatssont The American Federation of Teachers et The National Education Association,plus radicale. Ces deux organisations rassemblent elles-seules 4,6 millionsdenseignants.15 Sh. Otterman, Lauded Harlem Schools have their Own Problems , New YorkTimes, 12 octobre 2010.16 Gr. J. Whitehurst et M. Croft, The Harlem Childrens Zone, Promise Neighbor-hoods, and the Broader, Bolder Approach to Education, Brown Center on EducationPolicy de la Brookings, 20 juillet 2010, disponible sur Brookings.edu.

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    parlant pas langlais (ce qui y expliquerait la sous-reprsentation desenfants latinos) ou ayant des difficults cognitives. Dans la mesure ola rentabilit des tablissements charte et surtout leur surviedpendent des taux de russite aux tests, cette privatisation partiellede lducation pourrait, faute de rgulation, remettre en cause le droit civique lcole pour tous (voir infra, les arguments des militantsdes droits civiques lt 2010).

    Car si les charters schoolssont dans leur norme majorit destablissements publics, lesprit dinnovation qui les anime est direc-tement issu du secteur priv. Certains rformateurs sinspirent deluniversit pour dfendre le principe qui y est prouv : un mode degestion inspir de la capitalisation financire et de la gestion dentre-prise assurant le financement dinstitutions denseignement et derecherche de trs haute qualit que ni la philanthropie ni le secteurpublic ne pourraient soutenir (Zemski, 2001, p. 56).

    Ces dernires dcennies, la philanthropie scolaire, depuislongtemps essentielle au financement de luniversit amricaine, esten expansion considrable dans lenseignement secondaire. Depuisla Milton and Rose D. Friedman Foundation jusqu la Bill et MelindaGates Foundation, elle contribue renforcer la conviction libraleque, non seulement financirement mais galement par nature, lesecteur public est inefficace. Lentreprenariat ducatif, qui a tent depallier les insuffisances des tats fdrs depuis le XIXe sicle entendsuppler les dfaillances bureaucratiques du service public en intro-duisant comptitivit et flexibilit. Ces institutions, qui jouent ainsi unrle dterminant dans le dveloppement et lapplication de cettenouvelle doxa ducative, sont les entreprises prives but non lu-

    cratif, acteurs de premier plan de lhistoire scolaire contemporaine.Sils ne cherchent pas tirer de bnfices financiers de leurs

    investissements scolaires, ces entrepreneurs de lducation ont unpouvoir politique rel dans lorientation de la philosophie scolaire. Or,leur lexique est celui du rendement scolaire . On parle lgard deleur dmarche de philantrocapitalismcar ils empruntent au marchles principes de linvestissement et du rendement terme (Ravitch,2010, p. 198).

    En 1967, la Ford Foundation et la Carnegie Corporation furentparmi les premiers tenter lexprience du changement social en mi-lieu pauvre par linvestissement massif dans des coles dun genre

    nouveau au sein des quartiers noirs et hispaniques de New York sans toutefois parvenir enrayer la pauprisation des coles do-minante noire et latino. En 2002, la Bill et Melinda Gates Foundation,la Walton Family Foundation (les fondateurs de Walmart) et le mil-lionnaire Eli Broad sont les premiers mcnes de lducation amri-caine. En septembre 2010, Mark Zuckerberg, le fondateur deFacebook a pour sa part fait don de 100 millions de dollars aux

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    coles publiques de Newark, administr par Cory Booker, ferventavocat de la rforme scolaire17.

    Une main de ferpour rformer lcole : Arne Duncan

    la grande surprise des progressistes18, le nouveau prsident napas nomm au poste de secrtaire lducation celle qui fut saconseillre lducation pendant la campagne, Linda Darling-Hammond, professeur luniversit de Stanford et plus que rserve lendroit des rformes et de la prcarisation des enseignants induitepar NCLB . Selon certains observateurs, cest sous la pressiondes entrepreneurs rformateurs et des pdagogues hostiles auxsyndicats que cette dernire aurait t carte au profit de lancien

    superintendant de Chicago. Arne Duncan est limage dunrepositionnement du nouvel lu sur la question ducative19.

    Le passage d A. Duncan dans la capitale de lIllinois prfigurason action lchelle du pays : une rforme drastique du systmepublic dducation. Les rsultats obtenus ont gagn ladmiration deBarack Obama. Entre 2000 et 2006, les coles publiques de Chicagoauraient en effet rduit lcart de performance entre Blancs etAfricains-Amricains de 27 % (Paige et Witty, 2010, p. 108).Lensemble des lves auraient de plus amlior leurs rsultats auxtests, passant de 37 % 68 % de russite. Ces mthodes,controverses, sont conformes au nouveau zeitgeist ducatif :

    fermeture des coles en chec, paiement au mrite des enseignants,dveloppement des charter schools, etc. Duncan a galementparrain un programme exprimental de rmunration des lves,Green for Grades, dans 20 tablissements de la ville. Ce programmepilote, dont linitiative revient lconomiste de Harvard Roland Fryer,consiste rcompenser les lves mritants qui obtiennent delargent sils ont de bonnes notes20. Arne Duncan, lui-mme diplmde Harvard, est accus par ses dtracteurs de privatiser les colesde Chicago, important les mthodes de gestion et de management dusecteur priv. Il est vrai, que la fondation Gates (qui milite pourlapplication de lefficacit du march lcole publique) a largementsoutenu les rformes de Duncan Chicago. Ce dernier a dailleurs

    nomm James H. Shelton III, un ancien consultant en management

    17 Voir B. Martinez et G.A. Fowler, Friended for $100 Million: Facebook FounderZuckerberg to Establish Foundation to Help Newark Schools , Wall Street Journal,23 septembre 2010.18 A. Kohn, Beware School 'Reformers , The Nation, 10 dcembre 2008.19 A. Ripley, Obama and Education , Time Magazine, 26 novembre 2008.20 Voir CPS launches The Paper Project in 20 high schools citywide CPS unveilsnew financial incentive programmes , disponible sur le site des coles publiques deChicago : Cps.edu.

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    Vers la findun service public de lducation ?

    Les professeurs au centre des dbats

    La rhtorique des rformateurs sur la responsabilisation desducateurs (cest--dire lensemble du personnel des collges et deslyces) met en cause mezzo vocce un personnel enseignant soup-onn dincomptence et/ou de dsinvolture. Cette image dgradedes enseignants et lide quils doivent tre renvoys en cas de mau-vais rsultats des lves sont adosses des strotypes tenaces.Les mdias et certains chercheurs affirment ainsi rgulirement qula diffrence notable des autres pays dvelopps dans lesquels 10 %des plus brillants tudiants embrassent la profession, ce sont les 5 %des plus mauvais qui se tournent vers ce mtier aux tats-Unis21.Malgr les dmentis (Rothstein, 1999), lenseignant est blm pourles pitres rsultats de lcole amricaine. Il est noter quilsbnficient en revanche de la confiance des lves amricains quicroient plus que leurs camarades dautres pays la valeur de leur

    scolarit et de leurs enseignants (Dubet & Duru-Bella, 2010).Mais mesure que lexigence de rentabilit scolaire sest

    accrue, le regard sest port de faon quasi exclusive vers les ensei-gnants. Cest dans ce contexte que lon comprend les orientations dela rforme scolaire actuelle. Lvaluation des enseignants au prismede la progression des lves tait sous-jacente dans la loi de lAdmi-nistration Bush, mme si le poids du rsultat pesait principalementsur les chefs dtablissements menacs de pnalits financires, derenvoi ou de reprise en main par une autorit extrieure. Elle est plusexplicite avec Barack Obama et Arne Duncan qui poursuivent etaccentuent cette rhtorique, dont on trouve des accents plus virulentsencore dans certaines fractions de la communaut politique du pays.Ainsi, dans un discours de juillet 2010, le ministre de lducationdclare :

    Trop denseignants arrivent dans la salle de classesans tre prpars ; le systme ne parvient pas identi-fier et rcompenser les bons profs ni, si cela estncessaire, conseiller ceux qui ne sont pas faits pour

    21 Making the Grade , MSNBC, 18 aot 2010.

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    ce mtier exigeant daller semployer ailleurs Tout lemonde est daccord pour dire que notre systme dvalu-ation des enseignants ne vaut rien puisque 99 % desprofesseurs sont jugs de niveau satisfaisant et quela plupart de ces estimations ne prennent pas en compte

    la variable la plus importante : la quantit de choses queles lves ont apprise

    22

    cette pitre image des membres de la fonction publiquesajoute la mfiance lgard du dernier secteur du pays trefortement syndiqu : daprs les tudes du Bureau of Labor Statisticspour 2009, 38 % des ducateurs et auxiliaires dducation appartien-nent un syndicat, pour une moyenne nationale toutes professionsconfondues de 12,4 %. Associ lidal amricain de libert et deresponsabilit individuelles, en particulier sur le march du travail, cetaux vaut ce secteur sa rputation dimmobilisme.

    La protection de lemploi des professeurs certifis (la tenure

    assurant lemploi vie ceux qui, aprs plus de cinq ansdexprience, sengagent dfinitivement dans la carrire) nourrit engrande partie lire des rformateurs. Elle est en effet juge propice la dgradation de la qualit de lenseignement. La mise en cause dela lgitimit et de la comptence des enseignants du secondaire estainsi replacer dans un contexte la fois socio-conomique etidologique. Le recrutement et la formation des enseignants repr-sentent incontestablement un problme aux tats-Unis, en raison dela nature dcentralise de lducation.

    Chaque tat dispose librement de ses critres de slectiondes enseignants et en premier lieu de leur rmunration. Or, de

    nombreux tats ont ragi la baisse de leurs revenus locaux depuisles annes 1980 en gelant les budgets ducatifs, en particulier ceuxallous aux personnels. Face au manque de candidats qualifis pourenseigner dans les conditions prcaires des tablissements les plusdifficiles, les districts ont engag des ducateurs inexpriments,dont la carrire excde rarement deux ans. Sur lensemble desprofesseurs recruts aux tats-Unis durant la dcennie 1990, un tiersa abandonn le mtier au bout de cinq ans (National Commission onTeaching and Americas Future, 2003). Or, laugmentation de la de-mande de professeurs, due laccroissement dmographique deslves pauvres et/ou issus des minorits, na t accompagnedaucune politique ad hoc de formation ou de recrutement, ni dun

    Plan Marshall de lducation que certains appellent encoreaujourdhui de leurs vux (Darling-Hammond, 2010). Les tats ontengag des personnels peu exigeants et peu qualifis, chargs deprparer des lves dj en situation de fragilit scolaire des tests

    22 Citation du discours dArne Duncan au National Press Club de Washington, 27 juillet 2010. Extraits reproduits dans Schools Cant Wait. Even Unions Can Be'Partners' , New York Post, 28 juillet 2010.

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    de niveaux dont le rsultat dtermine le financement venir destablissements.

    Ainsi, on constate une surreprsentation des enseignantsinexpriments, peu rmunrs et peu motivs dans les tablis-

    sements qui doivent dj faire face laugmentation du nombre d-lves par classe et au gel des investissements. En 2001 enCalifornie, les lves noirs ou latinos ont cinq fois plus de chancedavoir un enseignant peu qualifi que leurs camarades blancs etdans les collges et lyces o plus de 20 % des lves sont decouleur, 20 % au moins des enseignants nont mme pas lacertification quaccorde ltat (Shields et alii, in Darling-Hammond,2010). lchelle du pays, ces lves dfavoriss ont une chance surdeux davoir un professeur de maths ou de sciences qui na pas tdiplm dans la matire quil enseigne (Oakes, 1990).

    Prcisment, il nexiste pas dexamen national (du type

    CAPES ou agrgation) pour devenir enseignant aux tats-Unis.Chaque tat possde ses propres exigences pour lattribution de lacertification. La plupart des tats exigent un Bachelors degree (Bac+ 4) en Sciences de lducation ou dans une matire gnrale ainsiquune formation pratique plus ou moins longue qui peut treaccorde par un tablissement public ou non. Mais les exigencescroissantes lendroit des qualifications des professeurs depuis 2002ont entran une privatisation de leur formation, dont lexemple le plusclbre est Teach For America23, socit but non lucratif cre en1990 par une diplme de Princeton. Initialement destine aux jeunes diplms des grandes universits, celle-ci propose lim-mersion immdiate (aprs cinq semaines de prparation) des recrues

    dans les coles des quartiers populaires du pays. Elles reoiventparalllement une courte formation thorique et peuvent ainsi obtenirla certification lissue de deux annes de pratique. Elles nont pas sengager dans la profession aprs leurs deux ans de service, ce quiexplique en partie lafflux de milliers de jeunes tudiants brillants dansles coles dlabres du pays. Teach for America connat ainsi unsuccs croissant parmi de futurs cadres du monde conomique quiveulent se frotter lenseignement avant dentamer une carrire pluslucrative24 et sest galement ouverte de nombreuses personnes enqute dune reconversion professionnelle ou dun complment derevenu. Teach for America et dautres socits de certificationalternative sur le mme modle (la socit Teaching Fellows par

    exemple) ont mis fin au monopole de la formation universitaire enTeachers College. Elles sont fortement soutenues par Arne Duncanqui en a fait un prrequis pour les tats en lice pour Race to the Topet sest par ailleurs engag doubler le budget 2011 consacr aux

    23 Voir le site Teachforamerica.org/24 M. Winerip, A Chosen Few Are Teaching for America , New York Times,11 juillet 2010.

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    implicite : elle en partage la volont daudit public de lcole (par destests, des tudes chiffres et des bilans comptables rigoureux) et lamise en cause des tablissements, des enseignants et des tats quidoivent rendre compte des rsultats des lves. Pour linitiatrice decette loi, Margaret Spellings (ministre de lducation de George W.Bush de 2005 2009) et Arne Duncan qui semble partager le bilanpositif quelle tablit, la lutte contre lachievement gapen tait lobjec-tif essentiel28. En mars 2010, le prsident Obama lui a publiquementrendu hommage, relevant que la ministre avait pos les jalons duneamlioration de lcole sur lesquels il sappuyait dsormais29.

    La philosophie de la rforme de B. Obama est elle aussimarque par un renforcement de la conviction que le libre choix delcole est la garantie du succs des lves. Le cap vers lam-lioration des rsultats du plus grand nombre dlves aux tests estgalement maintenu mais les cueils dune rduction des comp-tences une srie dexercices en maths et en anglais semblent avoir

    t relevs par A. Duncan. Le principal syndicat enseignant,lAmerican Federation of Teachers sest en effet mobilis contrelaspect le plus inacceptable de la loi ses yeux : le rgne du test qui devient lalpha et lomga de lenseignement et la punition destablissements qui peineraient atteindre des standards fixsarbitrairement. La secrtaire du syndicat rsume :

    La loi NCLB dans ses objectifs comme dans sonfinancement na jamais dot les coles et lesenseignants des outils et des ressources requis pourprparer nos lves la ralit : nous sommes dans uneconomie de la connaissance. Au lieu de cela, elle agrav dans le marbre de la loi que la priorit doitdsomais tre dvaluer et non plus denseigner ! 30

    Dans un entretien de janvier 2010, Arne Duncan confie tremesur lendroit des tests dont les effets peuvent, reconnat-il, trepervers sur la progression des lves31. Il rclame la rintroductionde matires qui avaient t sacrifies : les arts, lhistoire, les sciencessociales, les langues trangres, le sport, etc. Il a ainsi lanc uneinitiative de 330 millions de dollars lt 2010 pour tablir unnouveau modle de tests. Une quarantaine dtats ont accept dtrevalus sur un socle de connaissance commun (Common CoreStandards). Ces nouveaux examens devraient tre mis en place en2015. Duncan se dit conscient de la difficult consistant juger des

    tablissements situs dans des zones urbaines de grande pauvret

    28 M. Spellings, Education: Measuring the Value of Accountability , US News &World Report, janvier 2010.29 D. Ravitch, First, Let's Fire All the Teachers! , Huffington Post; 2 mars 2010.30 R. Weingarten, Education: Good Objectives Weighed Down by Fatal Flaws ,Huffington Post; 2 mars 2010..31 Arne Duncan reconnait les effets dltres du bachotage aux tests qui rduit lesenseignements au minimum.

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    selon des tests et des critres standardiss. Il compte obtenir desavances significatives en la matire avant de reconduire NCLB 32. Cela explique en partie quil puisse se prvaloir dusoutien de certaines branches rgionales des grands syndicatsenseignants : Diane Donohue, prsidente de la Delaware StateEducation Association sest rjouie de la victoire de son tat aupremier round de Race to the top en ajoutant quelle permettaitlinstauration dune nouvelle culture dans les salles de classe 33.

    Arne Duncan affirme galement que les maires et lensembledes collectivits locales seront dsormais galement responsables delchec des lves. Mais comme le relvent certains observateurs,ces bonnes intentions semblent contraires au principe mme de Raceto the top: en rationalisant et en nationalisant lvaluation des lves(28 tats, rassembls dans la National Governors Association,semblent sur le point de trouver un accord pour proposer des testscommuns), il rend de facto les deux preuves cls, les math-

    matiques et langlais, seules garantes dune valuation tangible34.Pas davantage que la loi de 2002 le programme Obama-

    Duncan ne se penche sur le contenu des savoirs enseigns, victimesdune viscration continue. Pour Grover J. Whitehurst, directeur duBrown Center on Education Policy la Brookings Institution, celaconstitue une grave lacune car ce qui qualifie un tat ou non pour lefinancement na finalement rien voir avec lessentiel, ce qui sepasse entre un lve et un professeur dans une salle de classe35.Des critiques similaires sont nombreuses dans le camp progressiste,qui sinquite de la disparition du droit civique lducation etsurtout une ducation de qualit (Ravitch, 2010, Kohzol, 2006).

    Beaucoup sont surpris et semble-t-il dus de constater que lapolitique de B. Obama sinscrit dans la droite ligne de celle de sonprdcesseur et quelle accentue encore lesprit dentreprise dans lagestion de lcole. Lun des sociologues de lducation les plusengags dans la lutte contre les discriminations scolaires, PedroNoguera (New York University) sinquite ainsi de cette continuittroublante (disturbing continuity) et de la faveur marque que lanouvelle Administration accorde aux charter schools, aux dpensdune cole publique qui scolarise la grande majorit des lves decouleur du pays. Le spcialiste des coles-ghettos de Californiesoulignait en mars 2010 dans un article de The Nation, que cest un

    32 Z. Miners, Education: The Challenge to Find a New Standard , US News &World Report, janvier 2010.33 Citation du discours dArne Duncan, op. cit. [22].34 Voir R. Rothstein, The Prospects For No Child Left Behind, Economic PolicyInstitute, EPI Policy Memorandum , n 149, 13 octobre 2009, disponible surEpi.org.35 Yuan Li Ren, Race to the Top, lap two , International Business Times, 16 juillet2010.

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    coup dur pour ceux qui ont aid llection dObama et qui voyaient enlui un ducateur clair.

    Lducation efficace mise en placepar Obama est-elle encore un droit civique ?

    La perptuation, voire laccentuation de la sgrgation et desingalits scolaires entre les Blancs et les autres dnonces depuis2009, est une attaque charge contre les rformes de lquipeObama-Duncan. Des tudes rcentes montrent en effet que la vaguedexpansion actuelle des charters schoolsfavorise le phnomne desgrgation raciale car on y concentrerait les lves africains-amricains. Dans le district de Columbia par exemple, particuli-rement marqu par les rformes ducatives rcentes, 94 % des

    lves de ces coles sont noirs, contre 78 % dans les colespubliques traditionnelles. En Californie, une association de droitsciviques a publi une tude intitule Choice without Equity: charterschool Segregation and the need for Civil Rights Standards36, quiconfirme lobservation et souligne que le phnomne sobserve dansplus de 40 tats. Au niveau national, les jeunes Noirs reprsentent eneffet 32 % des lves de ces coles, c'est--dire deux fois plus queleur nombre dans les autres coles publiques. Le snateur dmo-crate de New York Bill Perkins, Africain-Amricain trs engag sur lesquestions ducatives accuse mme ces coles dtre une violationdes droits civiques 37.

    Il se fait lcho dune raction particulirement virulente de lapart de sept des organisations de lutte pour les droits civiques lesplus importantes du pays38 (dont la National Association for theAdvancement of Colored People, NAACP, et la Rainbow PushCoalition de Jesse Jackson) qui, en juillet 2010, ont rendu public unrapport accablant pour la politique scolaire dObama. Non seulementils accusent les charters schools de refuser les lves les pluspauvres ou handicaps afin de ne pas prendre le risque de baisserleurs taux de russite, mais ils stigmatisent linitiative du prsidentObama, Race to the top. La politique de laccountabilityqui y prsideleur parat contraire lide dune cole publique juste et quitablepour tous et ils relvent qu lissue de la comptition, 3 % seulement

    des lves Africains-Amricains et 2 % des Latinos seront concerns

    36 Ltude du Civil Rights Project est disponible sur le site de lUniversit deCalifornie,Edu.ucla.37 Table ronde sur les charter schools, Democracy Now, 2 novembre 2010.38 Il sagit des associations suivantes : la National Association for the Advancementof Colored People (NAACP) ; le NAACP Legal Defense and Educational Fund ; laNational Urban League ; le Lawyers' Committee for Civil Rights Under Law ; leNational Council on Educating Black Children ; la Rainbow PUSH Coalition ; et laSchott Foundation for Public Education.

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    par largent fdral. Ils se disent profondment choqus par les3,5 Md$ que lAdministration Duncan entend consacrer la stratgiedu turnaroundconsistant renvoyer tout le personnel des coles quiont de mauvais rsultats. Rassembls dans une National Opportunityto Learn Campaign rejointe dans sa dmarche par la NationalFederation of Teachers, ils appellent un arrt de la politique deDuncan et proposent un contre-programme qui place les quartierspauvres au centre des mesures proposes39. Barack Obama sestrendu auprs dune de ces organisations le 28 juillet 2010 pour tenterdexpliquer sa politique. Il nest pas parvenu convaincre lauditoirede la raison pour laquelle aucun point ntait accord aux tatsfdrs participants pour leurs efforts en matire de dsgrgationscolaire, alors que des dizaines de points rcompensant en revanchela prcarisation des professeurs.

    Dans le mme esprit, la Californie a fait connatre sesrserves lendroit du mode de slection de Race to the top: une

    tude de Policy Analysis for California rvle que lvaluation destablissements par le comit de slection dfavorisait invitablementles tats comme la Californie dont les coles concentrent les popula-tions scolaires les plus diverses, cest--dire forte composante noireet latino40. Les avocats de la rforme rpondent au contraire quelaccent mis sur linnovation ducative dans les quartiers urbains lesplus pauvres du pays est une chance et quil explique ce biaisstatistique. Dautres saluent le dsenclavement des lvescondamns jusqualors demeurer dans une cole publiqueresponsable depuis des dcennies de leur exclusion sociale (voirWilson & Laurent, 2010) et sappuient sur le succs des systmesscolaires dans les villes qui se sont rsolument rformes.

    Au-del des controverses passionnes opposant deux ido-logies scolaires, on dispose dores et dj doutils permettant dva-luer lefficacit de ces coles. Selon une tude de lorganismegouvernemental National Assessment for Education Statistics(NAEP) les rsultats des lves en lecture et en mathmatiques nesont, dans lensemble, pas meilleurs aprs une scolarit en charterschool 41. Bien sr, dans les zones urbaines abandonnes par lesservices publics (Harlem, Southside, Oakland etc.), une cole charte obtient des rsultats phnomnaux en comparaison dunecole de quartier moribonde. Mais nombreux sont ceux qui appellent ne pas confondre un modle-pilote et une panace. Les problmes

    sociaux lis la gnralisation de ces tablissements commencent

    39 Le document, intitul Framework for Providing All Students an Opportunity toLearn through Reauthorization of the Elementary and Secondary Education Act, estdisponible sur Otlcampaign.org/.40 Penalizing diverse schools , Public Agenda, Policy Analysis for CaliforniaEducation, University of Arizona. 2003.41 Voir America's Charter Schools: Results From the NAEP 2003 Pilot Study ,disponible sur Nces.ed.gov.

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    par ailleurs tre valus : plus grande sgrgation raciale, gentri-fication des quartiers dans lesquels ils sont installs, appauvris-sement des programmes enseigns, etc. De mme, le modledcole performante dont ils sont porteurs est battu en brche surun autre plan : des tudes rcentes ont montr linefficacit sur lesrsultats scolaires de la paie au mrite des professeurs42.

    Il sagit avant tout, pour lAdministration actuelle, de fairepreuve de volontarisme en se dotant dune rhtorique rformatrice moderne , tout en cherchant en ralit dplacer la questioncritique de la pauprisation des coles des ghettos.

    42 Rapport du National Center on Performance incentives disponibles surPerformanceincentives.org/.

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    Un cas dcole :la rforme scolaire Washington

    Lun des effets politiques les plus remarquables de cet impratif dursultat a t la restructuration des institutions scolaires, lescommissions de districts discrdites devant cder le pas devant unpouvoir excutif local dcid qualifier sa rgion aux diversclassements ducatifs. Face ce qui est peru comme une gestion

    dsastreuse de lcole par les Boards, un nouvel acteur institutionnelapparat ainsi dans le jeu ducatif : dans un certain nombre de villesdu pays, les maires, dont le rle dans linstitution tait jusqualorsmarginal, ont dcid de reprendre en main les coles publiques.Recentralisation et concentration dans les mains dun seul au seindun systme dcentralis, cette nouvelle rpartition des pouvoirs estsouvent un pralable une rforme radicale. Quil sagisse desmaires en personne ou le plus souvent du superintendant quils ontnomm pour la mener bien, les nouveaux acteurs de la rformescolaire entendent renverser le statu quo et faire le mnage 43.Certains superintendants deviennent de vritables stars mdiatiques,dont on admire ou on dplore la poigne et la latitude daction.

    Le district de Columbia est ainsi devenutout particulirement clbre en matire ducativegrce la personnalit controverse de celle quimena les rformes de lducation dune main de fer,Michelle Rhee, une Amricaine dorigine corennedevenue la bte noire des syndicats denseignantsmais lhrone des mdias conservateurs. TimeMagazine lui a mme consacr sa couverture endcembre 2008. Dans une tude daot 2010classant les meilleurs disciples de la rformeducative, Washington arrive en tte du palmars44

    (Hess, 2010) et cest M. Rhee qui en est crdite.En juin 2007, elle est nomme

    superintendante du district par le maire AdrianFenty, qui lui confie les pouvoirs jusque-l dvolusaux commissions ducatives dsormais

    43 Lexpression amricaine est clean up the house .44 Denver et Jacksonville sont galement dans le peloton de tte. VoirEdexcellence.net.

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    dsavoues. Washington D.C, majoritairement peuple dAfricains-amricains, est lun des tats qui connat les problmes les plusproccupants dabandon de scolarit de tous les tats-Unis. Lapopulation scolaire de cette rgion est considre comme pauvre prs de 60 %.

    Elle-mme forme lducation par Teach for America, Rheea fond le New Teacher Project en 1997 afin damliorer la qualit delenseignement. Cest cette philosophie quelle applique dans ledistrict de Columbia o elle fait demble montre de son autorit enrenvoyant les quipes ducatives quelle juge incomptentes et enfermant les coles les moins performantes. Lors de sa premireanne de fonction, elle ferme ainsi 23 coles, renvoie 36 chefsdtablissements et rduit les effectifs de 15 % dans tout le district,soit 121 emplois. Appliquant lesprit des rformes (amlioration desrsultats aux tests, responsabilisation du corps professoral qui doittravailler davantage et diffremment), elle a provoqu le mconten-

    tement des syndicats denseignants de Washington. En juillet 2010,elle annonce le licenciement de 241 professeurs jugs incomptentset la mise en garde de plus de 700 autres qui ont obtenu desrsultats insuffisants lors de leur valuation. Elle a par ailleursencourag le dveloppement des charter schools avec un succsincontestable : ds 2008, le nombre denfants inscrits lcolepublique a baiss de 13 000 alors que 9 000 nouveaux lves ont tinscrits en charter schools45. Le district de Columbia fait partie desvainqueurs de Race to the topen 2010.

    Michelle Rhee a propos aux syndicats denseignants undouble systme dvaluation, lun fond sur des critres dtermins

    par son quipe et lautre sur les rsultats des lves. Elle a parailleurs demand aux enseignants de renoncer leur titularisation vie en change dune augmentation significative de leur salaire(jusqu 130 000 $ par an soit prs de 30 % daugmentation). Elle ditvouloir faire des professeurs de Washington les mieux pays dupays, la condition quils acceptent une priode dessai dun an etrenoncent lemploi vie. Aprs deux ans de lutte acharne avec lessyndicats denseignants, M. Rhee est parvenue signer un accord en juin 2010 : en cinq ans, laugmentation de salaire sera de plus de20 % (finance en grande partie par des fondations prives) ; lesenseignants doivent en contrepartie accepter une plus grandevaluation de leurs rsultats et leur progression dpendra tout autant

    de ces derniers que de leur anciennet. Ils nont plus la garantie deretrouver un emploi si le principal ne renouvelle pas leur contrat et les

    45 Z. Miners, Education: The Challenge to Find a New Standard , US News &World Report, op. cit. [32].

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    retraites anticipes sont encourages46. Les mauvais enseignantsseront pnaliss financirement, puis carts de la profession.

    Soutenue par lAdministration dmocrate, M. Rhee porte labonne parole de la rforme dans dautres tats, en particulier

    New York qui a d faire face aux mmes rsistances de la part dumonde ducatif. Malgr les accusations dautoritarisme, son action etlaccord sign avec les syndicats de Washington sont le modle dont sinspirent dautres rgions.

    En septembre 2010, le maire de Washington est battu auxlections municipales. La carrire de M. Rhee devrait donc rapide-ment prendre fin dans cette ville mais sans doute saura-t-elle appli-quer ses mthodes ailleurs.

    46 B. Turque, DC teachers union ratifies contract, basing pay on results, notseniority , Washington Post, 3 juin 2010.

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    Conclusion :Rformer dans la crise

    Depuis le dbut de la crise financire de lautomne 2008, 33 tats ontrduit leurs dpenses ducatives47. Les licenciements denseignantsse multiplient, en particulier dans les tats chroniquement dfici-taires : en 2008, la Californie a ainsi renvoy 10 000 professeurs et27 000 en 2009. lissue de lanne 2010, on estime que

    300 000 enseignants pourraient tre licencis sur lensemble duterritoire. Localement, les rpercussions sont importantes : dans leMinnesota par exemple, chaque tablissement a d renvoyer 6 % deson personnel, en particulier dans les zones semi-rurales.

    Ds lors, le nombre dlves par classe atteinte et dpasse 40dans un nombre de plus en plus grand dtablissements. Chicago,aprs plusieurs centaines de renvois et dans lattente dune nouvellesrie de licenciements de 1 500 enseignants avant janvier 2011,parents et ducateurs ont manifest leur colre en juillet 2010 lappel des syndicats. Les responsables syndicaux pointent en effetune crise sans prcdent dans lcole publique48. New York, lemaire Michael Bloomberg a annonc en juin 2010 le gel de leurssalaires et de ceux des principaux pour deux annes conscutives,afin dviter davantage de licenciements. Le ministre de lducationlui-mme a fait part de ses inquitudes face cette vague derestrictions budgtaires que son plan daide aux tats de 48 Md$ (leplus important de lhistoire du pays selon le Pew Center49), destin prserver plus de 300 000 emplois dducateurs, na pu viter.

    La rforme scolaire lance par Barack Obama est doncbrutalement place sous un jour peu flatteur. Certains tats sontinquiets des mesures drastiques quil leur a fallu prendre pour partici-per la course vers le sommet que le prsident dmocrate leur apropose. Avant mme dapprendre que la Californie ne stait pas

    qualifie et quen consquence, 700 millions de dollars lui chap-paient, certains de ses lus se sont interrogs sur le prix quil leur a

    47 Update on State Budget Cuts , Center on Budget and Policies Priorities, aot2010.48 A. Billups, Massive layoffs force teachers to re-evaluate careers , WashingtonTimes, 9 aot 2009.49 L. Lambert, Education secretary sees many teacher layoffs , Reuters, 21fvrier 2010.

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    fallu payer pour obtenir une somme qui naurait finalement reprsentque 2 % du budget ducatif annuel de ltat de Californie.

    Les critiques promettent donc dtre nombreuses du ct desprogressistes amricains qui dcouvrent cette nouvelle occasion le

    pragmatisme et le centrisme du prsident dmocrate. Ce dernierpartage la conviction, contradictoire nos yeux, de la majorit de sesconcitoyens selon laquelle lcole doit tre le principal service publiccharg de corriger les ingalits sociales mais que pour autant, ltatest incapable de la financer sans tomber dans la gabegie et labureaucratie. Cest pour lui de la pluralit de loffre scolaire que doitnatre lidal dmocratique de lascension sociale offerte tous. Silfallut un Nixon pour aller en Chine, il faut peut-tre un dmocrateafricain-amricain pour donner le coup de grce au principe dunecole publique universelle aux tats-Unis.

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