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1 UFR SEGMI Département d’Économie Année 2016-2017 L2 Introduction à la politique macroéconomique Travaux Dirigés Document No 2 : Analyse empirique des politiques macroéconomiques dans une économie de long terme ÉLÉMENTS DE CORRECTION Professeurs de CM : Mme. Caroline Coudrat Mme. Agnès Labye Chargés de TD : Mme. Ndèye Penda Sokhna M. Victor Court Mme. Lesly Cassin

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UFR SEGMI Département d’Économie

Année 2016-2017

L2 – Introduction à la politique macroéconomique

Travaux Dirigés – Document No 2 :

Analyse empirique des politiques macroéconomiques dans une

économie de long terme

ÉLÉMENTS DE CORRECTION

Professeurs de CM :

Mme. Caroline Coudrat

Mme. Agnès Labye

Chargés de TD :

Mme. Ndèye Penda Sokhna

M. Victor Court

Mme. Lesly Cassin

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Introduction

L’objet de ce document est d’analyser empiriquement les politiques

macroéconomiques (politiques de l’emploi, monétaire et budgétaire) dans le cadre d’une

économie de long terme.

Pour mener à bien ce travail, il convient de maîtriser parfaitement le modèle théorique

de référence issu de la théorie de l’équilibre général qui est traité en cours et n’est pas repris

en séance de TD.

Dans ce document, il s’agit de confronter la réalité aux enseignements du modèle :

Dans quelle mesure et en quoi les expériences de politique économique (emploi,

budget, monnaie) s’inspirent-elles du modèle de référence du fonctionnement de l’économie

de long terme ? Ces politiques sont- elles efficaces pour combattre les déséquilibres en

termes d’inflation et de chômage ?

Ces questionnements s’appuient sur une analyse comparative du fonctionnement de

l’économie à court terme (modèle IS-LM) et à long terme (modèle issu de la théorie de

l’équilibre général).

Plan du document

1. Exercice d’application du modèle de référence de la théorie de l’équilibre général 3

2. Analyse empirique des politiques de l’emploi 7

2.1 Le marché du travail en Europe : une vue d’ensemble 7

2.2 Les réformes du marché du travail en Europe 9

2.3 L’impact d’une variation du SMIC 11

2.4 Immigration, qualifications et marché du travail 13

2.5 La réduction de la durée du travail 14

3. Analyse empirique de la politique monétaire de la zone euro 15

4. Analyse empirique de la politique budgétaire de la zone euro 19

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1. Exercice d’application du modèle de référence de la théorie de

l’équilibre général

Q1. La technique de production du bien unique de l’économie est décrite par la fonction

suivante, avec 𝑵𝒅 le travail demandé par les entreprises et 𝑸 la quantité produite:

𝑸 =𝟐𝟎

𝟑 𝑵𝒅

𝟎,𝟔. (1)

Où 𝑵𝒅 est le travail demandé par les entreprises et 𝑸 est la quantité produite.

Déterminer la courbe de la demande de travail correspondant à la maximisation du

profit de l’entrepreneur unique.

Le producteur cherche à maximiser son profit nominal Π𝑛𝑜𝑚𝑖𝑛𝑎𝑙 sous contrainte

technologique de production. Avec 𝑝 le prix nominal, 𝑄 la quantité produite, 𝑤 le salaire

nominal et 𝑁𝑑 la quantité de travail, on cherche :

Max𝑄

Π𝑛𝑜𝑚𝑖𝑛𝑎𝑙 = 𝑝𝑄⏟𝑟𝑒𝑐𝑒𝑡𝑡𝑒𝑡𝑜𝑡𝑎𝑙𝑒

– 𝑤𝑁𝑑⏟𝑐𝑜û𝑡 𝑡𝑜𝑡𝑎𝑙𝑑𝑢 𝑡𝑟𝑎𝑣𝑎𝑖𝑙

,

𝑠. 𝑐. 𝑄 =20

3 𝑁𝑑

0,6.

(6)

On cherche donc la condition du premier ordre (CPO) par rapport à 𝑁𝑑, c’est-à-dire :

𝜕Π𝑛𝑜𝑚𝑖𝑛𝑎𝑙

𝜕𝑁𝑑 = 0,

⇔𝜕

𝜕𝑁𝑑 (𝑝

20

3𝑁𝑑

0,6 – 𝑤𝑁𝑑) = 0,

⇔ 𝑝20

3× 0,6 × 𝑁𝑑

0,6−1 – 𝑤 = 0,

⇔ 𝑁𝑑 = (𝑤

20/3 × 0,6 × 𝑝)

1−0,4

,

⇔ 𝑁𝑑 = (𝑤

4𝑝)

−2,5

= 32 (𝑤

𝑝)

−2,5

.

(7)

Q2. On suppose que la courbe d’offre de travail est donnée par :

𝑵𝒔 = 𝟎, 𝟏𝟐𝟓 (𝒘

𝒑)

𝟏.𝟓

, (2)

où 𝒘 désigne le salaire nominal et 𝒑 l’indice général des prix. Déterminer le salaire réel

d’équilibre ainsi que les niveaux d’équilibre de l’emploi et de la production.

A l’équilibre, 𝑁𝑠 = 𝑁𝑑, donc :

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0,125 ((𝑤

𝑝)

)1.5

= 32 ((𝑤

𝑝)

)−2,5

,

⇔((

𝑤𝑝 )

)1.5

((𝑤𝑝 )

)−2,5 =

32

0,125,

⇔ ((𝑤

𝑝)

)1.5+2,5

= 256,

⇔ (𝑤

𝑝)

= 25614,

⇔ (𝑤

𝑝)

= 4.

(8)

A ce niveau de salaire réel d’équilibre, l’emploi est de :

𝑁∗ = 0,125 ((𝑤

𝑝)

)1,5

,

⇔ 𝑁∗ = 0,125 × 41,5 ,

⇔ 𝑁∗ = 0,125 × 8 = 1.

(9)

Le niveau de production correspondant est:

𝑄∗ = 20

3× 𝑁∗0,6

⇔ 𝑄∗ = 20

3× 10,6

⇔ 𝑄∗ = 20

3.

(10)

Q3. La consommation réelle 𝑪 dépend de la production 𝑸 et du taux d’intérêt réel 𝒓 :

𝑪 = 𝟑

𝟒 𝑸 − 𝟑𝒓. (3)

Tandis que l’investissement réel 𝑰 est donné par :

𝑰 = 𝟐

𝟑+

𝟑

𝟒 𝚷 − 𝟐𝒓, (4)

où 𝚷 représente le profit réel, égal à la différence entre la production et la masse des

salaires réels. Déterminer le taux d’intérêt réel d’équilibre 𝒓∗.

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Le taux d’intérêt d’équilibre s’obtient en égalisant l’épargne et l’investissement.

L’investissement est donné, l’épargne est inconnue mais on sait qu’elle correspond à la

différence entre la production et la consommation, donc :

𝑆 = 𝑄– 𝐶,

⇔ 𝑆 = 𝑄–3

4𝑄 + 3𝑟,

⇔ 𝑆 =1

4𝑄 + 3𝑟.

(11)

A l’équilibre, on aura donc :

𝐼∗ = 𝑆∗,

⇔2

3+

3

4 𝛱∗ − 2𝑟∗ =

1

4𝑄∗ + 3𝑟∗,

⇔ 5𝑟∗ =2

3+

3

4 𝛱∗ −

1

4𝑄∗,

⇔ 𝑟∗ =1

5(

2

3+

3

4 𝛱∗ −

1

4𝑄∗).

(12)

On sait déjà que 𝑄∗ =20

3, et on peut facilement obtenir 𝛱∗. En effet, à l’équilibre, le profit

vaut :

Π𝑛𝑜𝑚𝑖𝑛𝑎𝑙∗ = 𝑝∗𝑄∗ − 𝑤∗𝑁∗

Π𝑛𝑜𝑚𝑖𝑛𝑎𝑙∗

𝑝∗= Π𝑟é𝑒𝑙

∗ = 𝑄∗ − (𝑤

𝑝)

𝑁∗,

⇔ 𝛱∗ =20

3 – 4 =

8

3.

(13)

Ainsi, le taux d’intérêt d’équilibre est :

𝑟∗ =1

5(

2

3+

3

4 8

3−

1

4

20

3),

⇔ 𝑟∗ =1

5.

(14)

Q4. Les agents économiques demandent une quantité réelle de monnaie en fonction de la

valeur réelle du revenu. La fonction de demande nominale de monnaie est :

𝑴𝒅 = 𝟏

𝟏𝟎 𝒑𝑸. (5)

En supposant que la quantité nominale de monnaie est exogène et fixée à 𝑴𝒔 = 𝟐, à quel

niveau d’équilibre s’établissent le prix nominal du bien 𝒑∗ et le salaire nominal 𝒘∗ ?

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Quelles seraient les conséquences sur l’équilibre de l’économie si la quantité de monnaie

avait une valeur double ?

Si le marché de la monnaie est à l’équilibre, on a :

𝑀𝑑 = 𝑀𝑠,

⇔ 1

10 𝑝∗𝑄∗ = 2,

⇔ 𝑝∗ =2 × 10

𝑄∗,

⇔ 𝑝∗ =20

20/3= 3

(15)

Comme on sait que (𝑤/𝑝)∗ = 4 et que 𝑝∗ = 3, alors 𝑤∗ = 3 × 4 = 12.

Si l’offre de monnaie exogène 𝑀 double, on trouve facilement que 𝑝∗ double aussi :

S’il n’existe aucune rigidité pouvant freiner l’adaptation des salaires nominaux

et que ces derniers suivent instantanément l’évolution des prix (i.e. 𝑤∗double

aussi), alors le salaire réel (𝑤/𝑝)∗ conserve la même valeur. Il suit que la

demande de travail des entreprises et l’offre de travail des ménages demeurent

inchangées, si bien que le produit agrégé est lui aussi constant. Sans rigidités

sur le marché du travail pouvant entraver l’adaptation des salaires nominaux

à l’évolution des prix, une politique monétaire expansionniste n’a aucun effet

de relance.

En revanche, s’il existe des rigidités sur le marché du travail, qui peuvent par

exemple résider dans le fait qu’il est impossible de renégocier les salaires

nominaux tous les jours (pour suivre l’inflation) puisque ces derniers sont

souvent fixés par des contrats, alors les salaires nominaux ne s’adaptent pas

instantanément à l’évolution des prix. Dans ce cadre, on peut considérer qu’à

court terme 𝑤∗ reste inchangé et qu’alors (𝑤/𝑝)∗ est divisé par deux. Il suit

que la demande de travail des entreprises va augmenter, et que donc le niveau

de production (PIB) aussi. Logiquement, la diminution du salaire réel devrait

faire baisser l’offre de travail des ménages, mais on peut supposer qu’à court

terme les ménages sont empreints d’illusion monétaire car ils fixent leurs choix

d’offre de travail et de consommation en fonction des salaires nominaux et non

réels. S’il existe des rigidités sur le marché du travail qui entravent

l’adaptation des salaires nominaux à l’évolution des prix, une politique

monétaire expansionniste a un effet positif de relance.

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2. Analyse empirique des politiques de l’emploi

Le marché du travail est au centre de l’analyse dans le modèle néo-classique dans la

mesure où l’Offre Globale guide le fonctionnement de l’économie à long terme.

Les évolutions du taux de chômage et du coût de la main-d’œuvre en Europe

conduisent à réformer le fonctionnement du marché du travail. En vous appuyant sur les

développements théoriques présentés en cours et non repris en TD, vous analyserez ces

réformes à partir des illustrations sélectionnées.

2.1 Le marché du travail en Europe : une vue d’ensemble

Questions sur les graphiques :

Q1. Commenter le graphique ci-dessous en faisant le lien avec l’actualité (chocs, crises,

etc.)

On remarque que depuis 2005 le taux de chômage a subi de nombreuses variations en

Europe. Avant cette date il était stabilisé autour de 9%. A partir de 2005, il montre une forte

baisse, qui est corrélée à la croissance économique1 entre 2005 et 2008. Celle-ci découlait

d’une part du dynamisme de l’économie américaine (création d’une bulle immobilière), mais

aussi des pays émergents exportateurs de matières premières. Les pays exportateurs de pétrole

ont notamment vu leurs rentes augmenter fortement sur cette période puisque le prix du

pétrole y était en croissance. Les IDE de ces pays ont soutenus la croissance européenne sur

ces mêmes années. La crise des subprimes débute en juillet 2007 aux États-Unis, mais les

défauts bancaires apparaissent rapidement dans de nombreux pays. Cette crise financière

s’étend par la suite au reste de l’économie et plonge de nombreux pays en récession, ce qui

fait augmenter les taux de chômage dans de nombreux pays.

Le chômage se stabilise autour de 10% en 2010, mais la zone euro connaît alors une

crise de la dette. Celle-ci est initiée par la Grèce mais la stabilité de nombreux pays est remise

en doute, comme en témoigne la dégradation des analyses des agences de notations. L’activité

économique ralentie davantage dans toute la zone euro, et cela entraine un accroissement du

chômage jusqu’en 2013.

Après cette date, la zone euro renoue avec la croissance économique, bien que

faiblement, et le nombre d’emplois générés dans l’économie est en hausse, ce qui entraine une

réduction du chômage.

1 Environ 2 à 3% en France, 3 à 4% en UE et 4 à 5% dans le monde (Source : Banque mondiale,

http://databank.worldbank.org/data/reports.aspx?Code=NY.GDP.MKTP.KD.ZG&id=af3ce82b&report_name=P

opular_indicators&populartype=series&ispopular=y).

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Source : Banque de France.

Q2. Quelles ont été les variations du coût du travail entre 2013 et 2016. Compte-tenu de

l’état du marché du travail, ces variations sont-elles cohérentes avec la théorie néo-

classique ?

D’après le tableau, le coût de l’emploi a augmenté entre 2013 et 2016, dans l’ensemble

des pays européeens sauf en Grèce et au Portugal, alors que dans le même temps le niveau de

chômage diminuait dans la zone euro et l’UE des 28. Plusieurs éléments de réponse peuvent

être apportés ici :

1) Il est tout à fait possible que le coût du travail, reflet des salaires nominaux, augmente

alors que le chômage baisse : il suffit que le taux de croissance de l’indice général des

prix (inflation) soit supérieur à l’évolution du coût horaire du travail. Dans ce contexte le

salaire réel sera bien en décroissance ce qui est cohérent avec la diminution du chômage.

(Une alternative est de considérer une inflation non pas supérieure mais équivalente à la

vitesse d’évolution du coût du travail mais avec une productivité horaire du travail en

forte hausse sur la même période).

2) Selon la théorie néoclassique, le prix d’un bien augmente lorsque la demande de ce bien

augmente. La création d’emplois (et donc la baisse du chômage) peut être interprétée

comme une augmentation de la demande du facteur travail. Ainsi ici, l’augmentation de

Crise des Subprimes

Crise de la dette zone €

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la demande de travail s’est accompagnée d’une augmentation du coût du travail, ce qui

est cohérent, d’après la théorie néoclassique.

3) L’existence du chômage traduit l’existence d’une offre de travail qui ne rencontre aucune

demande. Selon cette même théorie néoclassique une diminution du coût du travail est

attendue jusqu’à ce que la demande soit égale à l’offre de travail. L’augmentation du prix

observée sur le marché du travail ne peut être expliquée par les mécanismes de marché.

Finalement l’existence de cette incohérence découle de l’existence de politiques

publiques qui entravent les mécanismes du marché de travail en créant des rigidités sur les

prix (salaire minimum par exemple) ou en diminuant la mobilité des travailleurs (coût de

licenciement, etc.). Pendant la période étudiée, il y a d’une part une reprise économique qui

conduit à la réduction du chômage, et d’autre part la mise en place de politique qui

augmentent le niveau des salaires.

(a) En plus des salaires bruts des employés, les coûts totaux de la main-d’œuvre incluent les coûts indirects tels

que les cotisations sociales à la charge des employeurs et les impôts liés à l’emploi.

b) Ensemble de l’économie excluant l’agriculture, la pêche et le secteur public

(c) Données brutes

Source : Banque de France. Zone euro, Principaux indicateurs économiques et financiers. Septembre

2016, p.19.

2.2 Les réformes du marché du travail en Europe

Questions sur le texte : Conseil d’orientation pour l’emploi. Les réformes du marché du

travail en Europe. Rapport de synthèse, Novembre 2015.

Q1. Décrire brièvement les effets de la crise sur le marché de l’emploi, et ses

conséquences en termes de réformes ?

Dans la très grande majorité des pays, la récession de 2008 a eu un effet important sur le

marché du travail en provoquant une aggravation des déséquilibres structurels présents sur ce

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marché. Ainsi, dans la quasi-totalité des pays, le chômage des jeunes a augmenté, de même

que la part des chômeurs de longue durée dans la classe active. Ensuite, dans certains pays,

des effets plus spécifiques ont pu être observés, avec par exemple :

- la divergence entre le nombre d’emplois sur les marchés de travail temporaire ou

précaire (croissant) et celui sur le marché du travail permanent (décroissant). Il est alors

de plus en plus difficile de passer du premier type d’emploi au second ;

- l’émergence de contrats de travail atypiques (ex : le statut d’autoentrepreneur en

France) ;

- l’inadéquation entre demande de travail et offre de travail, ce qui entraîne

paradoxalement l’existence d’emplois non pourvus et de chômage dans la même

économie ;

- la divergence entre les taux d’activités2 des différents pays.

Face à cette situation plusieurs réformes du marché du travail ont été mises en place

après la crise de 2008. Ces réformes visent à réduire les déséquilibres structurels, en

changeant le fonctionnement des marchés du travail. Ces mesures traitent généralement

l’ensemble des aspects du marché du travail, voire s’insèrent dans des politiques plus

étendues de libéralisation de l’économie (fiscalité, réduction des déficits, privatisations, etc.).

Ces réformes ont pour objectif de rendre le marché du travail plus efficace via :

- l’assouplissement des contrats de travail permanent, afin de diminuer le risque lié à

l’incertitude dans le cas d’embauche à long terme.

- l’assouplissement de la négociation au sein des entreprises grâce à la décentralisation.

- la diminution des rigidités des prix par la refonte du système de salaire minimum.

- la création d’incitation au retour à l’emploi, en diminuant les périodes et les montants de

l’allocation chômage. Ce mouvement peut néanmoins s’accompagner d’une

redistribution plus large des aides.

- les gains d’efficacité dans les emplois publics (refonte des structures, fusion de services,

etc.).

NB : Les pays qui réforment le plus à partie de 2008 sont ceux qui avaient les plus grands

déséquilibres (par ex : les pays du Sud de l’Europe) ou ceux qui n’avaient pas mis en place de

de réformes avant 2008.

Q2. Dans quelles théories économiques s’inscrivent les réformes mises en place dans la

plupart des pays européens ? En quoi ces mesures diffèrent-elles des politiques en place

avant la crise ?

Ces réformes visent à la libéralisation du marché du travail. Elles s’inscrivent donc

dans l’idée que le chômage provient d’une faible demande d’emploi de la part des entreprises,

découlant de la structure du marché. Ainsi, les rigidités sur le marché du travail (en quantité

2 Le taux d'activité au sens du recensement de la population est le rapport entre le nombre d'actifs au sens du

recensement (actifs occupés au sens du recensement et chômeurs au sens du recensement) et l'ensemble de la

population correspondante. (Source : INSEE).

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ou en prix) empêchent l’égalisation de la demande de travail et de l’offre de travail. Comme

cela a été vu précédemment, l’existence d’un prix règlementé supérieur au salaire d’équilibre

entraîne une diminution de la demande de travail effective sur le marché du travail.

Par ailleurs, dans le cas où les modalités de licenciement sont strictes, un employeur

préférera embaucher des travailleurs avec des contrats précaires permettant l’ajustement de la

taille de la main d’œuvre à ses besoins de production, plutôt que de risquer d’employer des

travailleurs permanents en surnombre dans les périodes de contraction de l’économie. D’autre

part, du fait de l’incertitude liée aux compétences des agents au moment de l’embauche, il est

risqué pour un employeur d’embaucher à long terme. L’assouplissement des contrats

d’embauche est donc sensé redonner de la flexibilité au marché du travail, et donc faciliter la

rencontre de l’offre et de la demande.

2.3 L’impact d’une variation du SMIC

Questions sur le texte : E. Heyer et M. Plane. Quelles conséquences économiques du coup de

pouce au Smic ? Revue de l’OFCE / Prévisions – Hors-série 2012, pp. 97-102.

Q1. Quelles sont les répercussions d’une hausse du SMIC en termes de coûts, de

finances publiques et de nombre d’emplois ? Est-ce que ces conséquences auraient pu

être prédites par une théorie économique ?

Les coûts salariaux subissent deux variations en sens opposés :

1. Une augmentation des salaires des 5 premiers déciles par diffusion. C'est-à-dire que

l’augmentation du décile comportant les plus bas salaires, conduit à l'augmentation

des salaires des déciles suivants afin de maintenir l'échelle des salaires, mais moins

que proportionnellement. Ainsi après le 5e décile, plus aucune augmentation n'a lieu.

Pour rappel cette simulation est faite pour une augmentation de 1% du SMIC.

2. Une diminution des coûts salariaux pour les 5 premiers déciles grâce aux allègements de

charges supplémentaires (découlant de l'augmentation des salaires).

Le 1er effet l'emporte pour le premier décile de salaire, tandis que c'est le 2ème effet qui

prévaut pour les déciles 2 à 5. Pour les salaires supérieurs il n'y a pas d'effets. La somme de

ces deux effets fait que le coût du travail est inchangé pour les entreprises.

L'impact sur les finances publiques est faiblement négatif. En effet, si les coûts

salariaux des entreprises restent constants, la distribution de ces derniers n'est pas équivalente.

Ainsi le revenu obtenu par les travailleurs est plus important alors que les charges patronales

perçues par l'État diminuent pour les salaires les plus bas, qui par ailleurs paient moins

d'impôts sur le revenu.

L'impact sur les emplois reste faible aussi. En effet, le SMIC étant le prix du travail il

a un effet sur la demande et l'offre de travail. Une augmentation des salaires dopera l’offre de

travail des ménages mais elle détériorera la demande de travail des entreprises. Ceci dit cela

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est compensé en partie par le dispositif Fillon de réduction des charges patronales, qui réduit

ex-post le coût du travail.

Les modifications exogènes de prix sur le marché du travail, selon la théorie

néoclassique empêche l'ajustement de la demande et de l’offre de travail par les mécanismes

de marché. Ces effets en termes de destruction d'emplois étaient donc prédits.

Q2. Représentez graphiquement les effets négatifs de l’instauration du SMIC sur le

marché du travail.

Q3. Malgré ces effets négatifs, donner les raisons qui expliquent la mise en place d’une

telle mesure.

En 2013, le SMIC a été réévalué de 2%. Alors que cette mesure d'après les questions

précédentes, n'aurait aucun impact dans le meilleur des cas, voire entraînerait une destruction

d'emploi et le creusement des déficits. Un premier argument est de considérer qu’un salaire

minimum assez élevé est indispensable si d’autre part un revenu de solidarité est versé aux

non-actifs : le salaire minimum est alors une désincitation au chômage volontaire.

Par ailleurs, en se plaçant dans la théorie keynésienne, il est possible de considérer

d'une part l’impact du multiplicateur fiscal (lié aux impôts), et d'autre part celui lié à la

consommation. Ainsi cette mesure de 2013 s'applique via :

- une augmentation du niveau de salaire et donc du revenu disponible pour la

consommation.

- une diminution des charges patronales (et donc des revenus de l'État).

Finalement, en modélisant une économie équivalente à celle étudiée, il serait possible

de donner l'effet en termes de variation de revenu et de déficit public découlant de cette

mesure.3 Une telle mesure, en dépit de la réduction du nombre d'emplois pourrait avoir un

effet positif sur le niveau de revenu macroéconomique.

3 Pour rappel, un modèle économique théorique ne peut être interpréter que de manière qualitative.

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2.4 Immigration, qualifications et marché du travail

Questions sur le texte : G. Saint-Paul. Immigration, qualifications et marché du travail.

Rapport du Conseil d’Analyse Économique n°84, Juillet 2009.

Q1. À quelles conditions un flux d’immigrés peut-il être positif pour l’économie d’un

pays ? Comment les gains sont-ils alors répartis entre les différentes classes de natifs et

les immigrés ?

En utilisant un modèle macroéconomique, il est possible d'anticiper les effets

qualitatifs d'un afflux migratoire dans une économie. Premièrement un afflux migratoire est

un apport de travailleurs dans l'économie, ce qui provoque un choc d'offre de travail positif.

Les conditions pour que ce choc d'offre soit bénéfique pour les natifs sont les suivantes:

La dotation factorielle moyenne (en capital physique et humain) des immigrés est

différente de celle des natifs.

En effet, la venue d’immigrés entraîne une augmentation de l'offre de travail et donc une

diminution du salaire nominal (le prix du travail). Si le nombre d'immigrés est assez faible, on

peut considérer que la production n'augmente pas au niveau agrégé. Ainsi, à prix de vente

constant, une partie de la rémunération du travail est transférée au capital qui est détenus par

les natifs. Ces derniers voient donc leurs revenus augmenter.

les facteurs de production des natifs doivent être complémentaire par rapport à ceux

des immigrés, ou immobiles.

En effet, si les facteurs relativement plus important des natifs (détention de capital physique et

humain) sont substituables ou mobiles, la main-d’œuvre peu qualifié des immigrés va

conduire à une diminution du coût de l'ensemble des facteurs4 et donc à une diminution de la

rémunération de ces facteurs complémentaires, détenus par les natifs.

le marché du travail doit être concurrentiel.

Dans le cas contraire l'ajustement du coût du travail à la baisse lorsque l'offre augmente n’est

plus possible. Il n’y aura donc aucun transfert entre la rémunération du travail et du capital.

Ici nous avons supposés que les gains pour les natifs provenaient de la différence

factorielle entre immigrés et natifs, c'est-à-dire qu'en moyenne les immigrés détenaient moins

de capital (physique et humain) que les natifs. Ceci est vérifié en moyenne, cependant une

partie des natifs peut présenter la même dotation factorielle que les immigrés, c’est-à-dire

qu’ils possèdent essentiellement du travail non-qualifié à offrir. Ces natifs voient alors la

rémunération de leur facteur de production diminuer (les salaires nominaux non-qualifiés

baissent) du fait de l'augmentation de l'offre de travail agrégé qui fait suite à l’arrivée des

immigrés.

4 Une unité de travail, dont le coût a diminué pourra se substituer à une unité de capital dont le coût relatif a

augmenté

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Q2. Comment un flux d’immigrés (peu qualifiés) peut-il engendrer une hausse du

chômage ?

Une augmentation du chômage sera observée dans les cas où il existe des rigidités sur

le marché du travail. Ainsi lorsque l'offre de travail s'accroit, il devrait y avoir une diminution

du coût du travail. Si cette dernière ne peut avoir lieu, à cause de l'instauration d'un salaire

minimum par exemple, alors la demande de travail restera inchangée alors que l'offre de

travail augmente, ce qui conduit à une augmentation du chômage.

2.5 La réduction de la durée du travail

Questions sur le dossier : Natixis. Baisse de la durée du travail en France : pas un problème

de coût du travail, mais un problème de capacité physique de production Flash Economie.

N°714, Septembre 2015.

Q1. Comment le passage aux 35h a-t-il influencé le coût de production des entreprises?

Le coût de production des entreprises provient du coût de l’ensemble de leurs facteurs

de production. Le passage aux 35h en 2000, a entraîné entre 2000 et 2002 une réduction du

temps de travail sans baisse de salaire (graphique 1). Mécaniquement, cela a provoqué une

augmentation du coût du travail, qui n’a pas été suivie par une augmentation de la

productivité du travail (tableau 1 et graphiques 2a, 3a et 4a). Après 2003, le temps de travail

augmente, la productivité horaire reste constante et le salaire horaire diminue, ce qui entraîne

une baisse du coût salarial unitaire. Les coûts de production reviennent donc aux niveaux

observés avant la mise en place des 35h.

NB : sur la série de graphique 2b -4b les variations sont données en valeurs nominales, c’est-

à-dire qu’elles n’incluent pas l’évolution des prix sur la période.

Les évolutions suivantes des données étudiées sont probablement liées à la

conjoncture économique. Entre 2005 et 2007, l’économie mondiale connait une période

d’expansion. Cela entraine une augmentation du salaire horaire, de la productivité horaire

ainsi que du salaire unitaire (c’est-à-dire le salaire horaire rapporté à la productivité horaire du

travail). Par la suite, les périodes de récession économique entre 2007 et 2008, puis entre 2010

et 2011 ont eu un impact sur l’ensemble de ces variables qui diminuent jusqu’à des niveaux

inférieurs à ceux observés dans les années 2000.

Ainsi les coûts salariaux depuis la mise en place des 35h ont variés faiblement et ont

même diminués dans certains secteurs, tels que l’industrie manufacturière (graphique 4c).

Q2. Quels sont les effets sur la demande de travail et sur la production?

La demande de travail ou le nombre d’emplois offerts par les entreprises a diminué, au

moins dans le secteur industriel (graphique 7a). Cette baisse peut s’expliquer d’une part par la

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mise en place des 35h, qui en introduisant une rigidité sur le marché du travail supplémentaire

à celle induise par l’existence du salaire minimum (qui fait augmenter le coût salarial au-

dessus de son niveau d’équilibre), a entamé les capacités d’ajustement des entreprises à la

conjoncture. D’autre part, cela peut provenir aussi de la concurrence faite par les pays

émergents sur ces secteurs grâce à une main d’œuvre bon marché. Ainsi, non seulement le

nombre d’emploi dans le secteur industriel a diminué de 25% entre 1995 et 2015, mais les

investissements productifs ont cru très faiblement entre 1995 et 2007 et connaissent des

variations décroissantes depuis 2011. La France se désindustrialise.

3. Analyse empirique de la politique monétaire de la zone euro

Question sur les textes :

Texte : Banque de France, Définition de la politique monétaire. Disponible

sur:https://www.banque-france.fr/politique-monetaire/presentation-de-la-politique-

monetaire/definition-de-la-politique-monetaire.html, consulté le 30/09/2016

Texte : Group BNP Paribas, La Banque Centrale Européenne et la politique monétaire en

zone euro. Disponible sur : https://group.bnpparibas/actualite/banque-centrale-europeenne-

politique-monetaire-zone-euro

Texte : E. Le Héron. Les limites des politiques monétaires non conventionnelles de la Banque

centrale européenne. La Documentation française, Pages Europe, Juillet 2016.

Q1. Quel est l’objectif premier de la Banque Centrale Européenne ? Cet objectif est-il

primordial dans le contexte actuel des pays de la zone euro ?

L’objectif principal de la BCE est d’assurer la stabilité des prix (niveau d’inflation

proche mais inférieur à +2% par an). Pour cela elle fixe les taux d’intérêt auxquels elle prête

aux banques commerciales de la zone euro, ce qui lui permet de contrôler la masse monétaire

et donc l'inflation.

Cependant dans le contexte actuel d’après crise, le problème de la zone n’est plus la

crainte d’une inflation mais plutôt d’une déflation (baisse des prix). Le graphique ci-dessous

montre l’évolution du taux d’inflation en zone euro depuis 1998. Ce taux peut être très

fortement influencé par certains biens et services très volatils rentrant dans la composition du

panier de consommation (comme l’énergie et le tabac). On le voit bien, à la suite de la

flambée des matières premières (notamment énergétiques et alimentaires) fin 2007, l’inflation

s’est établit à près de 4 %, nettement au-dessus de son niveau habituel de 2%. À partir de

2009, on observe une chute brutale du taux d’inflation due à la récession (initiée par la crise

des subprimes). Les prix des matières premières chutent fortement, à tel point qu’on observe

des taux d’inflation négatifs (déflation). Sous l'impulsion des injections de liquidités (BCE et

gouvernements nationaux), l’inflation repart à la hausse. Depuis 2012, les prix décélèrent de

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nouveau. La zone euro est potentiellement rentrée dans un processus déflationniste dangereux

qui peut mener au blocage de l'économie.

De ce fait, actuellement, la BCE n’est plus dans un contexte de contrôle de l’inflation.

Elle tente plutôt de la faire remonter à son niveau cible de 2+ pour éviter que cette baisse des

prix ne se transmette aux salaires, et affaiblisse encore la croissance.

Source : https://www.abcbourse.com/marches/economie_inflation_europe-27

Q2. Quelles sont les principales politiques non conventionnelles mises en œuvre par la

BCE pour faire face à la crise économique de 2007-08 ?

Suite à la crise de 2007-08, la BCE a mis en œuvre principalement cinq politiques

monétaires non conventionnelles (à partir de septembre 2008) afin de permettre aux banques

d’assurer à nouveau leur mission de financement de l’économie.

- Le quantitative easing (assouplissement quantitatif) : la BCE, à la suite de la crise et

au vue de la persistance de la perte de confiance entre les banques commerciales, a dû

jouer son rôle de prêteur en dernier ressort. Pour cela, elle a mené des opérations de

création monétaire (allant jusqu’à prêt de 45% de son bilan), ceci en contrepartie de

titres en garantie et des créances sur les banques.

- Le qualitative easing (assouplissement qualitatif): la BCE, pour venir en aide aux

banques de second rang, a dû modifier la structure de son bilan en achetant des titres

sans grande valeur, pour réduire ainsi le risque d’insolvabilité des banques.

- Le refinancement à très long terme : l’allongement de la durée des prêts de la BCE

qui est passée de 2 mois à plus de 3 ans. Ainsi, les banques centrales ont à leur

disposition de la monnaie banque centrale abondante et sur une longue période.

- Le rachat de dettes souveraines : La BCE a élargi son programme d’assouplissement

quantitatif en incorporant le rachat des dettes de l’État aux banques commerciales.

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L’opération consiste à racheter de la dette souveraine, c’est-à-dire des obligations

d'États à long terme (7 ans ou 10 ans) sur les marchés. En échange de ces achats, la

BCE crée de la monnaie, donc des liquidités nouvelles, qu'elle injecte dans les circuits

financiers. Cependant, ces dettes souveraines sont laissées dans le bilan des banques

centrales nationales (et non la BCE), afin de ne pas mutualiser le risque entre les pays.

- Taux d'intérêt négatifs et forward guidance : pour éviter que les banques centrales

ne gardent la monnaie sans accorder des crédits et donc permettre que la monnaie

« banque centrale » créée ex nihilo serve à l’économie, la BCE a baissé ses taux

directeurs à des niveaux historiquement bas. En même temps, la BCE a utilisé une

politique de communication rassurant sur l’évolution des taux long. Le « forward

guidance » est un outil qui consiste à guider les anticipations des investisseurs sur

l’évolution des prix à moyen et long terme, à l’aide d’une communication active sans

pour autant passer nécessairement à l’acte. Une politique de « forward guidance » sert

à améliorer la transparence de la politique monétaire afin d’encourager

l’investissement et la consommation.

Q3. Qu’est ce qui explique l’inefficacité de ces politiques dans la zone euro ?

L’efficacité de ces politiques, même si elles ont permis de faire face à l’instabilité

financière et à la crise de la dette souveraine, sont fortement questionnées étant donné les

niveaux toujours aussi bas de l’inflation et des taux de croissance de la production.

Une des raisons de cette faible efficacité de la politique monétaire non conventionnelle

de la BCE tient surement aux anticipations toujours pessimistes des ménages et des

entreprises. La possibilité des banques de distribuer des crédits dépend en effet de la demande

des entreprises et des ménages qui reste faible aujourd’hui comparée à la disponibilité des

crédits. De plus, les politiques de rachats de dettes souveraines n’ont pas toujours bénéficié

aux plus nécessiteux comme les pays périphériques de l’Europe (l’Espagne et l’Italie) :

l'action de la BCE (rachat de prêts) est certes d'ampleur, mais comparée au montant des dettes

de ces pays en difficulté, elle reste minime.

Mais au-delà, le manque de coordination entre la politique monétaire de la BCE et les

politiques budgétaires nationales constitue un véritable blocage à l’efficacité de la politique

monétaire dans la zone euro.

Analyses des tableaux sur la politique monétaire

Q4. Décrivez l’évolution des taux directeurs de la BCE de 2008 à 2016.

Les taux directeurs de la BCE comprennent le taux de refinancement, le taux de dépôt

et le taux de prêt marginal. Le premier, à savoir le taux de refinancement, est utilisé pour les

prêts de la BCE aux établissements bancaires qui ont besoin de liquidités à court terme (une

semaine). Elles peuvent en demander chaque semaine, à condition de rembourser le prêt de la

semaine précédente. Le taux de dépôt quant à lui, correspond aux « intérêts » appliqués à la

somme placée et reversée aux banques (en effet, les banques doivent obligatoirement déposer

une somme d’argent à la banque centrale). Enfin, le taux de prêt marginal est lui similaire au

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taux de refinancement, dans le sens où il s’applique quand une banque a besoin de liquidités.

Mais ces prêts sont quotidiens et doivent être remboursés pour le jour suivant, contrairement

au taux de refinancement, qui est hebdomadaire.

Le tableau ci-dessus présente l’évolution de ces taux depuis 2008. On note que ces

taux n’ont cessé de baisser depuis le début de la crise de 2008. On note une légère hausse

entre le deuxième et le troisième trimestre de 2011, pour ensuite continuer de décroître et

atteindre des valeurs proches de zéro pour le taux de refinancement et des valeurs même

négatives pour les taux de dépôt.

Q5. Comment cette évolution est-elle censée se répercuter positivement sur l’économie ?

La Banque centrale agit sur les taux pour que les banques commerciales à leur tour

répercutent ces évolutions sur les taux d’intérêt qu’elles accordent à leurs clients (ménages ou

entreprises). En effet, lorsque la BCE diminue son taux, elle veut favoriser les crédits et donc

relancer les investissements. Si elle l’augmente, c’est qu’il y a un risque d’inflation et qu’elle

souhaite contrôler la situation.

Avec un taux de refinancement à zéro, les banques vont pouvoir se financer sans frais

auprès de la BCE, et devraient ainsi abaisser les taux qu’elles pratiquent auprès de leurs

clients qui s’endettent. Les placements des épargnants auprès des banques ne rapporteront

plus grand chose, ce qui doit les inciter à consommer plutôt qu’à thésauriser (épargner).

Un taux de dépôt négatif signifie que les banques doivent donc payer pour placer leurs

liquidités auprès de la BCE. Ceci est donc censé inciter les banques à ne pas laisser « dormir »

leur argent auprès de la banque centrale mais à le prêter à leurs clients.

Une baisse du taux marginal est aussi censée faciliter le financement des banques.

Q6. Quelles sont les différences entre les taux Euribor et Eonia ? A quoi servent-ils ?

L'Eonia et l'Euribor sont deux indices de référence sur le marché interbancaire en zone

euro, c'est-à-dire sur le marché où les banques se prêtent des liquidités. Les taux d'intérêts

reportés par ces deux indices sont calculés suivant une enquête où sont interrogées des

banques représentatives de par leur activité sur ces marchés. Une moyenne des taux reportés

par ces banques est alors calculée : on obtient l'Eonia et l'Euribor.

La principale différence entre ces deux indices vient de la maturité concernée.

L'Eonia concerne uniquement le marché des prêts au jour le jour : la maturité est donc d'une

journée. Les indices Euribor concernent une multitude de maturités plus longues : d’une

semaine à un an.

Une autre différence vient du fait que le taux Eonia est calculé sur des taux

effectivement pratiqués : c’est une moyenne des taux qu'ont offert les banques enquêtées

avant la fermeture du marché, pondérée par les montants. Pour cette raison, il est publié à

18h30 chaque jour ouvré. L'Euribor lui, se base sur des déclarations : chaque banque du panel

représentatif se doit de répondre à la question suivante « A quel taux pensez-vous qu'une

banque de premier choix prêterait à une autre banque sans garantie ? ». On calcule une

moyenne sur ces taux déclarés en retirant des déclarations les 15% les plus extrêmes. Le taux

finalement obtenu est considéré comme le « meilleur taux pour les meilleures banques », ce

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qui vaut à l'Euribor son statut de « taux sans risque » dans un contexte normal. (source :

http://www.bsi-economics.org/476-quelles-differences-entre-les-indices-eonia-et-euribor).

Exemple : imaginez que vous êtes à la recherche d’une maison, vous voyez le prix des

annonces, mais en fait, lorsqu’une maison a été vendue, vous ne savez pas à combien elle a

été vendue. L’Euribor représente le prix de vente (que tout le monde connaît) : dans le monde

bancaire, cela correspond au taux d’intérêt que les banques offrent pour prêter de l’argent à

d’autres banques. L’Eonia représente le rapport entre le prix de vente et le prix réel de la

vente.

Dans le tableau ces taux sont tous passés sous le plancher de zéro, il en résulte que

lorsque les banques placent les dépôts à vue non rémunérés de leurs clients à ces taux, elles

sont perdantes. Autrement dit, les banques sont prêtes à payer pour pouvoir prêter de l'argent.

Certains économistes attribuent cela à une surabondance de liquidités dans la zone euro qui

fait que les emprunteurs sont en mesure d'obtenir des fonds à un taux négatif, ce qui signifie

que les prêteurs doivent payer pour prêter.

4. Analyse empirique de la politique budgétaire de la zone euro

Questions sur les textes :

Texte : FIPECO. Déficit et dette publics, politique budgétaire - Le solde structurel. Les fiches

de l’encyclopédie, Avril 2016.

Texte : BSI Economics. Comment se décompose le solde budgétaire ?

Texte : France Budget 2016 : de la rigueur et du soutien (Source : Baudchon, H., 2015.

Disponible sur : http://economic-research.bnpparibas.com/html/fr-FR/Budget-2016-rigueur-

soutien-23/10/2015,27138.)

Q1. Pourquoi serait-il plus intéressant d’utiliser les soldes conjoncturel et structurel

plutôt que le solde budgétaire ?

Le déficit public effectif est la somme du déficit structurel, du déficit conjoncturel et

des mesures ponctuelles.

La conjoncture économique étant l’ensemble des éléments qui caractérise la situation

économique d’un pays à un moment donné ; elle désigne ce qui est susceptible d’être modifié

à court terme, par opposition avec la structure qui désigne les éléments fixes et permanents

d’une économie. Lorsque la croissance est faible ou négative, certaines dépenses publiques

augmentent plus vite, par exemple les dépenses liées au chômage. Et les recettes diminuent

davantage du fait de la progressivité de certains impôts (impôt sur le revenu) ou de la

sensibilité de certains revenus au niveau de la croissance (impôt sur les sociétés).

L’élimination de ces effets conjoncturels conduit à évaluer la situation structurelle des

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finances publiques. S’il y a déficit structurel, cela veut dire qu’il existe une tendance durable à

ce que les recettes soient inférieures aux dépenses publiques.

Il s’avère pertinent de savoir à quoi on peut attribuer un solde budgétaire négatif : est-

ce la conjoncture qui est mauvaise et qui aggrave le solde, ou bien est-ce dû à la structure de

l’économie et au fonctionnement de l’état ? C’est pour cela que beaucoup prétendent que

regarder les composantes du solde budgétaire est plus intéressant que de le regarder dans sa

globalité.

Q2. Analysez l’état des finances publiques de la France comparativement à la zone

Euro.

L’analyse du tableau 1 montre que la France a un solde budgétaire négatif de -3.6 et -

3.5 % du PIB respectivement en 2015 et en 2016 (légère amélioration). L’estimation du solde

structurel est de -2.4% du PIB, ce qui explique que le solde conjoncturel est respectivement

de -1.2 et -1.1 % du PIB. Le solde structurel étant plus élevé, cela montre qu’il existe une

tendance durable à ce que les recettes soient inférieures aux dépenses publiques en France.

L’exemple de l’Allemagne est instructif car il présente une tendance contraire (avec un solde

public excédentaire de +0.6% du PIB en 2015 et un solde structurel également excédentaire

de +0.8% du PIB, cela donne un solde conjoncturel négatif de -0.2 % du PIB).

En moyenne dans la zone euro on retrouve un solde conjoncturel (différence entre le

solde des finances publiques et le solde public structurel) de -1 et -0.6% du PIB

respectivement en 2015 et en 2016. Avec l’atténuement des impacts négatifs de la crise, le

solde budgétaire conjoncturel dans la zone Euro tend à s’améliorer. Les prévisions du solde

structurel montrent une baisse par rapport à 2015.

Au vue de ces résultats, le solde public structurel explique en grande partie la situation

budgétaire défavorable en France. Des mesures structurelles doivent être mises en place pour

tenter de redresser le déficit structurel actuel.

Q3. Les politiques budgétaires menées en France sont-elles d’inspiration keynésienne ou

néo-classique ?

Depuis la crise, la France est dans une situation économique difficile, avec des déficits

budgétaires chroniques. L’objectif de la politique budgétaire actuelle tente de faire baisser

durablement ce déficit. De ce fait, le gouvernement s’est fixé comme objectif une progression

des dépenses publiques limitée à 0,3% en volume en 2016. Dans le même temps, vu le

contexte défavorable de la crise, les recettes fiscales poursuivent leur baisse (à hauteur de 9

milliards d’euro en faveur des entreprises et de 2 milliards en faveur des ménages). Ces

mesures ne se traduisent toutefois que par une baisse infime du taux de prélèvements

obligatoires (de 44,6% du PIB en 2015 à 44,5% en 2016), du fait de l’alourdissement de la

fiscalité écologique et des impôts locaux et de la montée en charge d’autres hausses de

prélèvements votées dans les budgets précédents. Ainsi, la politique actuelle vise à réduire le

déficit budgétaire de manière progressive, ce qui est moins défavorable à la croissance.

Théoriquement, dans cette question de réduction du déficit, deux doctrines

s’affrontent : la théorie classique et néo-classique, selon laquelle le poids de l’État dans

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l’économie devrait reculer. A l’inverse, certains appellent à une politique budgétaire de

soutien à l’économie. Selon ce point de vue, une politique budgétaire expansionniste permet

de soutenir la croissance, laquelle permettra d’augmenter les recettes publiques futures et in

fine de réduire les déficits, alors que, de ce point de vue, une politique d’austérité déprime la

croissance, baisse les recettes publiques futures, et in fine ne permet pas de réduire les déficits

publics (baisse des dépenses mais baisse des recettes ensuite à la période suivante).

Étant donné que la France appartient à la zone euro, et qu’elle n’est donc plus maître

de sa politique monétaire, une doctrine purement néo-classique est inenvisageable. La France

mène une politique budgétaire expansionniste certes, mais limité (cf. progression des

dépenses publiques à 0,3%), pour tenter d’atteindre son objectif de réduction du déficit. Elle

cherche également à augmenter ces ressources autrement que par l’impôt sur le revenu

(l’alourdissement de la fiscalité écologique et des impôts locaux et de la montée en charge

d’autres hausses de prélèvements votées dans les budgets précédents).