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Tentative de définition et de modalités de prise en charge

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SOMMAIRE

I- Les troubles des conduites et du comportement : une tentative de définition ............ 3

1- Ecoles de pensée en psychologie et classifications ................................................ 4

a-Des points communs entre définitions ................................................................ 4

b- Le DSM-IV : l’école américaine et l’influence de la théorie

comportementaliste ............................................................................................................ 4

c- la CIM-10 : la classification de référence internationale ................................... 6

d- La CFTMEA : l’approche psychanalytique ....................................................... 7

2- un essai de définition globale ............................................................................... 11

3- Manifestations ...................................................................................................... 12

a- Manifestations dans la vie de tous les jours ..................................................... 12

b- Des manifestations ayant un impact direct sur les apprentissages ................... 14

II-La prise en charge des jeunes atteints de TCC ......................................................... 17

1- Dans le milieu spécialisé : Les ITEP .............................................................. 17

a- Le thérapeutique ............................................................................................... 17

b- L’éducatif ......................................................................................................... 18

c- Le pédagogique ................................................................................................ 18

2-Dans le milieu ordinaire : l’école, la classe ........................................................... 19

a- Dans l’école : un milieu global à adapter ......................................................... 19

b- Dans la classe : des adaptations particulières ................................................... 23

c- Troubles du comportement et pédagogie au sein des classes ordinaires .......... 25

Annexe 1 : Grille d’Observation du comportement (C. S. Marguerite-Bourgeoys) 35

Annexe 2 : contrat « être élève » .............................................................................. 37

Annexe 3 : le cahier de brouillon ............................................................................. 38

Sitographie : .......................................................................................................... 39

Bibliographie : ...................................................................................................... 39

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Les troubles des conduites et du comportement Tentatives de définition et modalités de prise en charge

Charles Lagard, janvier 2015

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es jeunes atteints du trouble des conduites et du comportement sont sans doute

pour les éducateurs ou les pédagogues les plus difficiles à aborder. Ils se

présentent à nous comme des jeunes en apparence ordinaire, capables de

réflexions pertinentes, attachants en relation duelle, et pourtant dans un groupe ou face à

l’autorité, ils deviennent bien souvent, par leur comportement, la cible de ceux qui sont là

pour les faire grandir. Ces jeunes à l’esprit troublé sont ceux qui troublent sans doute le plus

les esprits des adultes qui dans les classes, dans les cours d’école ou dans les lieux, les

accueillent.

Ce qu’il est essentiel de comprendre pour pouvoir passer outre les attitudes qui

semblent de prime abord paradoxales de ces jeunes, c’est que ces derniers souffrent de

pathologies psychiques souvent importantes, répertoriées comme telles avec des appellations

différentes, par les différents classements des maladies existants. Pour accueillir ce genre

d’élève, il est donc nécessaire de connaître ces difficultés spécifiques afin de pouvoir adapter

sa pédagogie, adapter ses manières de faire, voire même adapter sa manière d’être. Ainsi, je

vais tenter d’exposer quelles sont les différentes définitions de ces troubles, pour ensuite voir

les manières dont ces jeunes peuvent être accueillis en institution, et en classe.

I- Les troubles des conduites et du comportement : une

tentative de définition

Nous évoquons ici, une tentative. En effet, comme nous pourrons le voir tout le long

de ce développement, la définition afférente à ce que sont les Troubles des Conduites et du

Comportement revêt de nombreux aspects, complexes et très divers. Une définition

monolithique est simplement impossible. Dès lors, dans cette partie nous exposerons dans un

premier temps les différentes approches des ces troubles en fonction des écoles de

psychologie1 auxquelles ces-dernières seraient rattachées. En effet, la psychologie n’est pas

une discipline monolithique. Chaque orientation empruntée entraînant des classifications

spécifiques, les différences qui la traversent, donnent aux troubles des conduites et du

comportement des définitions et des axes de travail qui sont en conséquence, différents. Dans

un deuxième temps, nous tenterons d’expliquer les problématiques de ces jeunes en passant

par une définition plus globale. Enfin, dans un dernier temps, nous exposerons quelles

peuvent être les différentes manifestations de ces troubles impactant la vie de tous les jours,

mais également les apprentissages.

1 Cette sous-partie pourra également permettre à ceux qui le voudraient de pousser plus avant leur recherche tout

en connaissant les tenants et aboutissants des lectures qu’ils pourraient faire.

L

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Tentatives de définition et modalités de prise en charge

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1- Ecoles de pensée en psychologie et classifications

a-Des points communs entre définitions

En premier lieu, quand on tente d’envisager les pathologies de ces jeunes aux

comportements troublés, toutes les classifications évoquent les « Troubles ». Le concept de

« troubles » en santé mentale « renvoie à un ensemble de conditions morbides susceptibles de

caractériser l’état de dysfonctionnement comportemental, relationnel et psychologique d’un

individu en référence aux normes attendues à son âge2 » ou comme le définit le Petit Robert

« une modification pathologique de l’organisme ou du comportement (physique ou mental) de

l’être vivant ». Ces deux définitions nous éclairent donc sur le fait que lorsqu’une personne

est atteinte de troubles, lorsqu’elle est troublée, elle souffre de dysfonctionnement par rapport

à la moyenne, par rapport à quelque chose qui devrait se situer dans la norme attendue. En

outre, le mot de « trouble » porte toujours la marque du pluriel : les TCC sont donc une série

d’actes qui ne peuvent entrer dans la définition que l’on pourrait faire d’une conduite ou d’un

comportement « normal ». Ce sont donc les symptômes qui ont tendance à définir telle ou

telle pathologie.

En conséquence, chaque école, replace les actes posés dans un contexte et dans un

temps donné. En effet, à titre d’exemple : la période du « non » systématique est normale chez

l’enfant de 2 ans ; à 6 ans, cela devient inquiétant ; et si un jeune vole une fois ses parents,

c’est une bêtise de jeunesse, si c’est tous les jours, cela peut être attribué à une pathologie.

Enfin, les différentes approches prennent en compte sous des noms parfois différents

et de manières éparses les troubles relevant des conduites (« transgressions des règles

sociales », donc on parle des actes posés d’où le pluriel) et ceux relevant du comportement

(« réaction émotionnelle inadaptée3 », donc on parle de l’état d’être du jeune d’où le

singulier). C’est la classification française des troubles mentaux de l’enfant et de l’adolescent

qui, comme nous allons le voir, les groupe dans une même catégorie à partir de son édition de

2000. Les autres classifications, DSM-IV et la CIM-10, qui les avaient pris en compte plus

tôt, évoquent ces deux types de troubles dans des chapitres différents.

La présentation qui suit envisage de resituer de futures lectures dans des contextes

particuliers, et de porter un regard large sur la manière d’envisager ce type de trouble en

psychologie. Toutefois, dans la mesure où les textes officiels citent clairement la classification

française, nous nous attarderons plus spécifiquement sur cette dernière.

b- Le DSM-IV : l’école américaine et l’influence de la théorie

comportementaliste4

Le DSM-IV (Diagnostic and satistical manual of mental disorder) est la classification

publiée par l’association américaine de psychiatrie. Citée dans de nombreux ouvrages, il n’est

pourtant pas reconnu comme officiel en France. Son approche se veut a-théorique, même si il

est clairement empreint de théories behaviouristes. La théorie behaviouriste (ou

comportementaliste) initiée par John Broadus Watson, est née dans la première moitié du

XXème siècle aux Etats-Unis. Ce dernier préconisait que les travaux des psychologues

2 Rapport ISERN sur les troubles de la conduite, 2005

3 Scolariser les enfants présentant des troubles de la conduite et du comportement, eduscol, aout 2012

4 En mai 2014 est sortie une dernière version, le DSM-V, mais devant la controverse sans précédent, nous en

resterons à la version 4 tant que les débats ne ce seront pas éteints.

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devaient être consacrés à « l’étude scientifique du comportement.5 » Ainsi, il envisageait la

psychologie comportementaliste comme purement objective, et selon lui, « son but théorique

est la prédiction et le contrôle du comportement6 ». Ainsi dans cette classification, seront mis

en exergue les conséquences, les symptômes des maladies mentales. Il s’agit donc pour

l’essentiel d’un relevé des actes que l’individu peut poser.

Par exemple les troubles de la conduite s’inscrivent dans le chapitre « Troubles :

déficit de l'attention et comportement perturbateur », traitant de quatre entités distinctes :

trouble déficit de l’attention/hyperactivité, trouble oppositionnel avec provocation, trouble

comportement perturbateur non spécifié et enfin donc les troubles de la conduite. Ces derniers

sont définit comme :

« …un ensemble de conduites répétitives et persistantes, dans

lequel sont bafoués les droits fondamentaux d'autrui ou les normes et

règles sociales correspondant à l'âge du sujet7 »

Pour être diagnostiqué, il faut la présence de trois des critères suivants (ou plus) au

cours des 12 derniers, et d'au moins un de ces critères au cours des 6 derniers mois :

Agressions envers des personnes ou des animaux

(1) brutalise, menace ou intimide souvent d'autres personnes

(2) commence souvent les bagarres

(3) a utilisé une arme pouvant blesser sérieusement autrui (p. ex., un bâton, une brique,

une bouteille cassée, un couteau, une arme à feu)

(4) a fait preuve de cruauté physique envers des personnes

(5) a fait preuve de cruauté physique envers des animaux

(6) a commis un vol en affrontant la victime (p. ex., agression, vol de sac à main,

extorsion d'argent, vol à main armée)

(7) a contraint quelqu'un à avoir des relations sexuelles

Destruction de biens matériels

(8) a délibérément mis le feu avec l'intention de provoquer des dégâts importants

(9) a délibérément détruit le bien d'autrui (autrement qu'en y mettant le feu)

Fraude ou vol

(10) a pénétré par effraction dans une maison, un bâtiment ou une voiture appartenant

à autrui

(11) ment souvent pour obtenir des biens ou des faveurs ou pour échapper à des

obligations (p. ex., arnaque » les autres)

(12) a volé des objets d'une certaine valeur sans affronter la victime (p. ex., vol à

l'étalage sans destruction ou effraction ; contrefaçon)

Violations graves de règles établies

(13) Reste dehors tard la nuit en dépit des interdictions de ses parents, et cela a

commencé avant l'âge de 13 ans

(14) a fugué et passé la nuit dehors au moins à deux reprises alors qu'il vivait avec ses

parents ou en placement familial (ou a fugué une seule fois sans rentrer à la maison pendant

une longue période)

5E. Demont, La psychologie, Edition sciences humaines, 2009, p.28.

6 J.B. Watson, “psychology as behaviorist views it”, Psychological Review, vol. XX, 1913, cite in E. Demont, La

psychologie, Edition sciences humaines, 2009, p.29. 7 DSM-IV

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(15) fait souvent l'école buissonnière, et cela a commencé avant l'âge de 13 ans

En outre, la perturbation du comportement entraîne une altération cliniquement

significative du fonctionnement social, scolaire ou professionnel. Elle a le mérite d’être très

explicite pour le novice.

c- la CIM-10 : la classification de référence internationale8

La « Classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé

connexes » publié par la l’OMS, en est à sa dixième édition. Elle est officiellement reconnue,

et les autres classifications, dans leurs éditions les plus récentes, se réfèrent explicitement à

elle. Elle repose également sur une série de conduites répétitives et persistantes dans les 6

derniers mois. On se rapproche là de la nomenclature française, dans la mesure où la CIM-10

parle de « Troubles du comportement et troubles émotionnels apparaissant habituellement

durant l'enfance et l'adolescence ». Elle regroupe :

- Les troubles hyperkinésiques : « un manque de persévérance dans les activités

qui exigent une participation cognitive et une tendance à passer d'une activité à

l'autre sans en finir aucune, associés à une activité globale désorganisée,

incoordonnée et excessive. »

o Ex : syndrome avec hyperactivité, Trouble de l'attention

- Les troubles des conduites : « ensemble de conduites dyssociales, agressives ou

provocatrices, répétitives et persistantes, dans lesquelles sont bafouées les

règles sociales correspondant à l'âge de l'enfant. »

o Ex : Trouble oppositionnel avec provocation, Trouble agressif, École

buissonnière

- Troubles mixtes des conduites et troubles émotionnels : « troubles caractérisés

par la présence d'un comportement agressif, dyssocial ou provocateur, associé

à des signes patents et marqués de dépression, d'anxiété ou d'autres troubles

émotionnels »

o Ex : dépression

- Troubles émotionnels apparaissant spécifiquement dans l'enfance : ils doivent

être majorés et constant comme par exemple l’angoisse intense de séparation,

une peur exacerbée des situations nouvelles….

o Ex : Rivalité dans la fratrie, peur de la séparation

- Troubles du fonctionnement social : spécifiquement durant enfance ou

adolescence comme mutisme sélectif ou généralisé

- Les tics

- Autres troubles du comportement et troubles émotionnels apparaissant

habituellement durant l'enfance et l'adolescence

o Ex : Énurésie ou encoprésie non organique

Cette classification a le double avantage d’être reconnue en France, mais aussi d’être

un pont entre l’approche américaine, dont elle reste quand même proche, et la classification

française, à l’orientation clairement psychanalytique.

8 La dernière version du système de la CIM-11 doit être soumise à l'Assemblée mondiale de la santé pour une

commercialisation officielle dès 2015.

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d- La CFTMEA : l’approche psychanalytique

La Classification Française des Troubles Mentaux de l’Enfance et de l’Adolescence

ambitionne de tenir compte des diversités et des particularités de chaque enfant et adolescent

présentant des troubles, reprochant donc une vision réductionniste du courant behavioriste en

vigueur dans les DSM et CIM. Elle s’inspire de l’approche psychanalytique de la psychologie.

La psychanalyse fondée par Sigmund Freud dès 1896, prend son essor à partir de 1910 ; Elle

se veut une psychologie dynamique qui « explore la personnalité profonde et les phénomènes

inconscients9 ». Dès lors, on peut dire que si le béhaviourisme s’attache aux conséquences, la

psychanalyse porte essentiellement son attention sur les causes. La Classification française

dans son énoncé sera donc plus attentive aux maladies à proprement parler, qu’à une liste de

manifestations qui en découleraient.

Jusqu’à son édition de 2000, concernant les troubles des conduites, la CFTMEA était

très éloignée des nomenclatures évoquées plus haut. On retrouvait alors ces pathologies dans

différentes entrées du chapitre « pathologie de la personnalité et troubles évolutifs hors

névroses et psychoses ». A partir de 2000, apparait le chapitre « troubles des conduites et du

comportement », ce qui va changer radicalement, nous le verrons plus tard, la manière dont

ces jeunes seront pris en charge. Voici donc, contrairement aux développements précédents, le

tableau complet des TCC selon la classification française :

Chapitre 7 : Troubles des conduites et du comportement

7.0 Troubles hyperkinétiques

7.00 Hyperkinésie avec troubles de l’attention, trouble déficit de

l’attention avec hyperactivité (TDAH)

Classer ici les troubles décrits en France sous l’expression « instabilité

psychomotrice».

Du point de vue symptomatique, cet ensemble est caractérisé par :

– sur le versant psychique : des difficultés à fixer l’attention, un manque

de constance dans les activités qui exigent une participation cognitive, une

tendance à une activité désorganisée, incoordonnée et excessive, et un certain

degré d’impulsivité ;

– sur le plan moteur : une hyperactivité ou une agitation motrice

incessante.

Les relations de ces enfants avec les adultes sont souvent marquées par

une absence d’inhibition sociale, de réserve et de retenue.

Inclure :

– déficit de l’attention avec hyperactivité ;

– hyperactivité avec troubles de l’attention.

7.08 Autres troubles hyperkinétiques

7.09 Troubles hyperkinétiques non spécifiés

9 E. Demont, La psychologie, Edition sciences humaines, 2009, p.24.

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7.1 Troubles des conduites alimentaires

7.10 Anorexie mentale

Trouble caractérisé par une perte de poids intentionnelle, induite et

maintenue par le patient. Il survient habituellement chez une adolescente ou une

jeune femme, mais il peut également survenir chez un adolescent ou un jeune

homme, tout comme chez un enfant proche de la puberté. Le trouble est associé

à la peur de grossir et d’être atteint dans son aspect corporel. Les sujets

s’imposent un poids faible. Il existe habituellement une dénutrition de gravité

variable s’accompagnant de modifications endocriniennes et métaboliques

secondaires et de perturbations des fonctions physiologiques, aménorrhée

notamment.

7.101 Anorexie mentale boulimique

7.11 Anorexie mentale atypique

Troubles qui comportent certaines caractéristiques de l’anorexie mentale,

mais dont le tableau clinique est incomplet. Par exemple : l’un des symptômes,

telle une aménorrhée ou la peur importante de grossir, peut manquer alors qu’il

existe une perte de poids nette et un comportement visant à réduire le poids.

7.12 Boulimie

Quelle que soit la personnalité sous-jacente, syndrome caractérisé par des

accès répétés d’hyperphagie et une préoccupation excessive du contrôle du poids

corporel, conduisant à une alternance d’hyperphagie et de vomissements ou

d’utilisation de laxatifs. Ce trouble comporte de nombreuses caractéristiques de

l’anorexie mentale, par exemple une préoccupation excessive par les formes

corporelles et le poids. Les vomissements répétés peuvent provoquer des

perturbations électrolytiques et des complications somatiques.

Dans les antécédents, on peut retrouver un épisode d’anorexie mentale.

7.13 Boulimie atypique

Troubles qui comportent certaines caractéristiques de la boulimie, mais

dont le tableau clinique global ne justifie pas ce diagnostic. Exemple : accès

hyperphagiques récurrents et utilisation excessive de laxatifs sans changement

significatif de poids, ou sans préoccupation excessive des formes ou du poids

corporels.

7.14 Troubles des conduites alimentaires du nourrisson et de l’enfant

Troubles de l’alimentation caractérisés par des manifestations variées

habituellement spécifiques de la première et seconde enfance. Ils impliquent en

général un refus alimentaire et des caprices alimentaires excessifs, pouvant

conduire à un amaigrissement significatif en l’absence de maladie organique et

alors que la nourriture est appropriée et l’entourage adéquat.

7.15 Troubles alimentaires du nouveau-né

7.18 Autres troubles des conduites alimentaires

7.19 Troubles des conduites alimentaires non spécifiés

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7.2 Conduites suicidaires Si le comportement suicidaire apparaît isolé ou difficilement rattachable

à une organisation psychopathologique précise, il sera classé ici en catégorie

principale.

S’il fait partie de tableaux cliniques classables dans les cinq premières

catégories, il sera classé ici en catégorie complémentaire.

7.20 Tentatives de suicide, suite immédiate

7.21 Antécédents de tentative de suicide

7.22 Idées suicidaires

7.3 Troubles liés à l’usage de drogues ou d’alcool Ne classer ici comme catégorie principale que les formes où la conduite

toxicomaniaque est au premier plan, quelle que puisse être la pathologie sous-

jacente. Les autres formes sont à classer par priorité en 1, 2, 3, 4 d’après la

nature de la pathologie dominante, la toxicomanie n’apparaissant que comme

catégorie complémentaire.

On enregistrera à la fois le mode d’usage, le produit utilisé et le type de

trouble mental en rapport direct avec la toxicomanie.

Produit utilisé :

7.3x0 Alcool

7.3x1 Morphiniques d’opiacés

7.3x2 Cannabis et dérivés du cannabis

7.3x3 Hypnotiques et tranquillisants

7.3x4 Cocaïne

7.3x5 Autres psychostimulants et dysleptiques, dont caféine,

amphétamines, ecstasy, LSD

7.3.6 Hallucinogènes

7.3x7 Tabac

7.3x8 Solvants volatils

7.3x9 Polytoxicomanes. Autres substances psycho-actives

7.30x Intoxication aiguë

7.31x Utilisation nocive pour la santé

7.32x Syndrome de dépendance

7.33 x Syndrome de sevrage

7.34 x Syndrome de sevrage avec delirium

7.35 x Trouble psychotique

7.36 x Syndrome amnésique

7.37 x Trouble résiduel ou psychotique tardif

7.38 x Autres troubles mentaux et du comportement

7.39 x Trouble mental ou du comportement sans précision

7.4 Troubles de l’angoisse de séparation Classer ici les manifestations somatiques et/ou comportementales qui

sont l’expression de l’angoisse de séparation, notamment chez le jeune enfant ou

l’anxiété est focalisée sur une crainte concernant la séparation. Survenant pour la

première fois au cours des premières années de l’enfance, il se distingue de

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l’angoisse de séparation normale par son intensité, à l’évidence excessive, ou par

sa persistance au-delà de la petite enfance, et par son association syndrome est

isolé, il sera placé en catégorie principale. Dans les cas où il se relie à une autre

pathologie, il sera classé en catégorie complémentaire.

7.5 Troubles de l’identité et des conduites sexuelles 7.50 Troubles de l’identité sexuelle

7.500 Trouble de l’identité sexuelle de l’enfance

Trouble se manifestant dans l’enfance (bien avant la puberté), caractérisé

par une souffrance intense et persistante relative au sexe assigné, accompagné

d’un désir d’appartenir à l’autre sexe (ou d’une affirmation d’en faire partie).

Les troubles de l’identité sexuelle chez les individus pubères ou

prépubères ne doivent pas être classés ici, mais en 7.501.

7.501 Trouble de l’identité sexuelle chez les adolescents

Classer ici :

– transsexualisme ;

– transvestisme bivalent ;

– trouble de l’identité sexuelle chez l’adolescent, type non transsexuel.

7.51 Troubles de la préférence sexuelle

Trouble des conduites sexuelles de caractère permanent et exclusif.

Comprend : les paraphilies, fétichisme, travestisme fétichiste,

exhibitionnisme, voyeurisme, pédophilie, sadomasochisme, troubles multiples

de la préférence sexuelle et autres troubles de la préférence sexuelle.

Exclure :

– les manifestations transitoires chez des adolescents.

7.52 Manifestations en rapport avec des préoccupations excessives

concernant le développement sexuel et son orientation

Le sujet est incertain quant à son identité sexuelle ou son orientation

sexuelle et sa souffrance est responsable d’anxiété ou de dépression. La plupart

du temps, cela survient chez des adolescents qui ne sont pas certains de leur

orientation, homosexuelle, hétérosexuelle ou bisexuelle, ou chez des sujets qui,

après une période d’orientation sexuelle apparemment stable, éprouvent un

changement dans leur orientation sexuelle.

7.58 Autres troubles des conduites sexuelles

7.59 Trouble des conduites sexuelles, non spécifié

7.7 Autres troubles caractérisés des conduites Classer ici des comportements parfois répétitifs, qui inquiètent et attirent

l’attention de l’entourage. Ils peuvent par eux-mêmes avoir des conséquences

graves pour l’individu et/ou son entourage. Tantôt le comportement reste isolé et

il sera classé ici en catégorie principale, tantôt il fait partie d’un tableau clinique

classable dans les catégories 1 à 5 et on utilisera alors cette rubrique comme

catégorie complémentaire.

7.70 Pyromanie

Tendance pathologique à allumer des incendies.

Ce comportement s’accompagne souvent d’un état de tension croissante

avant l’acte et d’une excitation intense immédiatement après.

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7.71 Kleptomanie

Tendance pathologique à commettre des vols. Troubles caractérisés par

des impossibilités répétées à résister aux impulsions de vol d’objets. Ce

comportement s’accompagne habituellement d’un état de tension croissante

avant l’acte et d’un sentiment de satisfaction pendant et immédiatement après la

réalisation de celui-ci.

7.72 Trichotillomanie

Trouble caractérisé par une perte visible des cheveux, causée par une

impossibilité répétée de résister aux impulsions à s’arracher les cheveux.

7.73 Fugues

7.74 Violence contre les personnes

7.75 Conduites à risques

7.66 Errance

7.78 Autres troubles caractérisés des conduites

Autres variétés de comportements inadaptés persistants et répétés, non

secondaires à un syndrome psychiatrique avéré

7.8 Autres troubles des conduites et des comportements

7.9 Troubles des conduites, non spécifiés

2- un essai de définition globale

Ainsi, comme nous l’avons vu au travers de ces différentes classifications, les troubles

des conduites et du comportement se manifestent par toute une série d’actes. Mais de manière

plus générale, nous pouvons dire que ces jeunes souffrent de difficulté dans leurs relations

aux autres, pairs ou adultes. Cette difficulté s’exprime par des actes pouvant être

quantitatifs ou qualitatifs :

Quantitatif : comportement en excès ou en défaut (cf inhibition)

Qualitatif : déviation, inadéquation, bizarrerie….

En outre, on a pu également voir, comme l’écrit J.P Visier, professeur de

pédopsychiatrie, que ces actes ont en commun d’être de « l’agir non socialisé [venant] au

premier plan comme mode d’expression dans la relation.10

» Pour être identifiés comme TCC,

ces troubles doivent être assez fréquents, assez graves ou durer assez longtemps pour

constituer un véritable trouble du comportement et sont repérés par plusieurs adultes qui

côtoient l’enfant (professionnels, parents, …). Ces troubles affectant la relation aux autres, ils

ont, la plupart du temps, de graves répercussions sur le milieu social, sur le milieu scolaire, et

donc sur les résultats des jeunes : dans la grande majorité des cas, les jeunes n’ont pas de

déficience intellectuelle, mais ce sont leurs troubles qui les empêchent de progresser

scolairement.

De plus, ces troubles sont donc bien présents dans toutes les classifications des

maladies, des pathologies mentales : même s’il a une part saine qu’il faut sans cesse

interroger, l’enfant ou le jeune atteint, ne peut s’empêcher de poser des actes qu’il regrette

souvent après coup, et qui peuvent même le mettre à mal, en plus de son entourage (pairs et

adultes). Selon la conception psychanalytique, ces troubles manifestent une défaillance du lien

10

JP Visier, Troubles du comportement de l’enfant et de l’adolescent, cours à l’Université de Rouen.

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Tentatives de définition et modalités de prise en charge

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entre la pensée et l’agir : les comportements surgissent là ou l’enfant n’arrive pas à

s’exprimer.

Enfin, selon Sylvie Canat, trouver la limite est la problématique majeure des élèves

ayant des troubles du comportement, y compris des jeunes enfants, c’est-à-dire pouvoir :

contenir leurs affects (amour, passion, haine, colère, déception, dépression...),

contenir leurs pensées,

limiter l’impact de la demande de l’autre

limiter les effets de la présence de l’autre (l’autre est intrusif) : le regard de l’autre, la

pensée de l’autre, les affects et les émotions de l’autre...

se contenir dans un cadre donné

se contenir dans l’espace (à sa table, sa chaise)

En résumé, la psychopathologie de l’élève troublé et troublant met en avant des

modalités de défense d’une profonde inquiétude humaine qui se traduit par :

de l’agir et beaucoup de passages à l’acte ou d’hyperréactivité,

des temporalités très éphémères (pris par l’urgence de la pulsion),

des processus de défense très instables de type borderline ou sujet-limite,

de la rigidité comportementale,

de la violence très originaire et peu refoulable (projetée sur l’autre ou son propre

corps, tentative de suicide),

des relations très addictives ou abandonniques (toute-puissance de l’autre),

de la double contrainte : avoir besoin de l’autre (de par une grande insécurité

intérieure) en qui il ne peut avoir confiance,

ressentir d’une façon démesurée la mort (suis-je vivant ou mort?),

beaucoup de fatigue et d’usure au contact de l’autre (le jeune qui doit mettre un casque

audio pour travailler),

beaucoup de perméabilité à l’environnement11

.

Ainsi, nous avons pu voir rapidement à travers cette définition à quoi pouvait

correspondre globalement ces troubles mais également une traduction rapide dans les faits.

Dans une dernière partie, nous allons étudier plus profondément quelles sont les

manifestations les plus marquantes des TCC dans la vie de tous les jours, mais également

dans les situations d’apprentissage.

3- Manifestations

a- Manifestations dans la vie de tous les jours

Quête existentielle et détresse affective

Souvent porteurs d’un lourd passé, marqués par ruptures et rejets, dans un souci

d’autoprotection, ils sont souvent méfiants face à toutes manifestations affectives les amenant

ainsi à tester l’adulte dans sa capacité à les aimer. Même s’ils recherchent souvent la

présence de figures sécurisantes et structurantes, la dépendance affective les déstabilise et

entraine des réactions à première vue paradoxales : fuite, rupture, destruction…. Un cadre

affectif devient donc nécessaire pour les apprentissages pour qu’ils puissent se lancer dans

toutes démarches d’un abandon des certitudes nécessaire (comme les apprentissages).

11

Sylvie Canat Septembre 2005, sur le site de Daniel Calin

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Cela peut se manifester par la destruction de productions (scolaires ou autre) quand

l’adulte dit que c’est réussi, la transgression quand une journée se serait bien déroulée,

l’insulte ou le passage à l’acte physique contre l’adulte qui aurait été le plus investi…

Contrôle difficile des émotions, instabilité extrême

Les sentiments et affects (envie, colère, peur, angoisse…) sont pour eux difficilement

contrôlables dans toutes leurs situations de vie (école, centre aéré, cercle familial…). Ces

nombreuses manifestations ont pour but de se substituer à un conflit interne de pulsions non

retenues donc excessives. Ces dernières résistent au rappel à l’ordre, au milieu (école, centre

aéré, club sportif….), au changement d’approche.

Défendre son sentiment de toute puissance

Pour préserver ce sentiment de toute puissance, et donc rester souverain du mode de

relation qu’ils mettent en place, ils peuvent soit envisager un « affrontement défensif »

(volonté de dominer, réduire, détruire, nier l’autre ; irrespect des adultes et instrumentalisation

des plus faibles) soit un « repli défensif12

» (quand l’autre est vécu comme un intrus, que

l’attaque parait impossible, l’enfant se referme sur lui-même évitant les contacts avec

l’extérieur).

Rapport à la loi difficile et fluctuant

Souvent la famille a des difficultés à faire la part entre désir et besoin, les demandes

sont souvent immodérées et le laisser-faire trop important. Le rapport à la loi, la règle, la

norme va donc varier selon envies et circonstances : l’inscription dans un groupe où ces

différents cadres sont nécessairement présents en devient donc très difficile.

Pour les jeunes souffrant de troubles psychiques plus lourds on peut trouver d’autres

manifestations : des angoisses massives, et des thématiques fantasmatiques crues. Ces jeunes

sont souvent en rupture avec la réalité, et peuvent afficher de nombreux traits de nature

psychotique.

Des angoisses massives

Ces angoisses peuvent être de plusieurs types : de morcellement ou d’éclatement, de

séparation, de fusion avec autrui… Elles ne sont pas contenues par des processus mentaux de

défenses habituels, c’est pourquoi certains tentent de les endiguer par des rituels ou des

conduites contraignantes, par l’utilisation de personnages supposés tout-puissants auxquels ils

peuvent s’identifier pour ainsi se sentir protégés, par des comportements d’instabilité motrice

ou d’hyperactivité permettant de décharger ces angoisses.

Thématiques fantasmatiques crues

Souvent les jeux et préoccupations imaginaires de ces jeunes surprennent par la

crudité des thèmes qui peut même choquer les adultes. Violences et agressions sont souvent

de la partie, le sang de mise. Ceci s’exprime souvent au travers de dessins d’une violence

parfois impensable, même pour des adultes.

12

Bruno Egron « Les troubles du comportement » in B. Egron (sous la direction de), Scolariser les élèves

handicapés mentaux ou psychiques, CRDP Nord, 2010, p68.

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b- Des manifestations ayant un impact direct sur les apprentissages

Une faible estime de soi

L’estime de soi est pour ces jeunes extrêmement faible : quand ils réussissent, c’est de

la chance ; face à l’échec, ils sont stupides. Ils ont des difficultés à prendre de la distance, ce

qui implique souvent une fuite de toute mentalisation ou élaboration. Ainsi pour ne pas entrer

dans l’activité scolaire, souvent ils remettent en cause son utilité, ou le niveau que cela

demande (« c’est un truc de CP »).

« L’empêchement de penser13

» entrainant « La peur d’apprendre14

»

L’acte d’apprendre nécessite d’accepter des règles, de se confronter à ses

insuffisances, ses manques, de passer par des incertitudes. Il entraîne également le nécessaire

abandon de ses certitudes, de savoirs antérieurs qu’on pouvait croire perpétuels. Ce travail

obligatoire de l’élève sur ses propres représentations fait peur à l’élève atteint de TCC. Pour

éviter cette tâche, ces jeunes manifestent alors souvent :

une instabilité continuelle

une impression d’inattention

une intolérance à la frustration

un refus de s’identifier à celui qui sait

une fuite devant tout travail intellectuel (répondre n’importe quoi sans

réfléchir, refus d’entrer dans l’activité…)

Les jeunes atteints de TCC présentent aussi souvent ce que Serge Boimare appelle

« un empêchement de penser », c'est-à-dire « un fonctionnement intellectuel singulier,

aménagé et équilibré sur un évitement de la penser ». Ceci permet ainsi à ces jeunes d’éviter

ou de contourner « le doute indispensable au fonctionnement intellectuel. » Or ce retour sur

eux-mêmes pour « mobiliser leurs capacités réflexives », déclenche en eux des « sentiments

parasites » qui non seulement perturbent leur fonctionnement intellectuel, mais surtout « les

inquiètent».

Quatre grandes conséquences de l’empêchement de penser sur les apprentissages :

La concentration impossible : très vite les enseignants sont témoins chez ces

jeunes d’un « comportement troublé par le relais trop vite passé au corps »,

c'est-à-dire utilisation par ces derniers de « pratiquement toutes les possibilités

d’évitement que permet le corps15

»

o Exemple : Instabilité, agitation, sensation de froid régression, besoin

d’aller aux toilettes, titillements voire agression des voisins…

Une curiosité marquée par les préoccupations primaires : ayant une grande

difficulté à passer par leur monde interne (qui les angoisse), ils manifestent une

« curiosité primaire pour satisfaire leur besoin de savoir ». En termes

d’apprentissage, cela les empêche « de se dégager des préoccupations

13

S. Boimare, « la psychopédagogie face aux adolescents ascolaires », in S. Boimare, Pratiquer la

psychopédagogie, Dunod, 2010 p.11 14

S. Boimare, L’enfant et la peur d’apprendre, 2ème

édition, Dunod, Paris, 2004. 15

Ibid, p15.

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personnelles pour aller vers le général et accepter le rôle de la règle et de la

loi. 16

» La sublimation c'est-à-dire le détournement de pulsions sexuelles vers

des activités artistiques ou intellectuelles, leur est donc impossible. Leurs

préoccupations ne vont donc tourner qu’autour de préoccupations primaires.

o Exemple : sadisme, voyeurisme, mégalomanie. Dans les textes, leur

attention aura tendance à se fixer sur ces thèmes là.

Un langage qui ne permet pas d’argumenter : seul l’échange dans le connu

par l’autre est possible. Leur langage ne permet pas de « franchir le seuil de

l’argumentaire »

Un fonctionnement intellectuel qui ne connait plus le doute : ces jeunes

mettent en place des « stratégies de contournement du temps de la réflexion »,

limitant ainsi cette dernière en ne s’engageant pas dans l’inconnu ou la

recherche. Pour se faire, trois stratégies principales :

o Conformisme de penser : faire et refaire ce qui est maîtrisé, appliquer

des recettes, être très soucieux de la forme. Dans l’apprentissage de la

lecture, ces jeunes ont de grandes difficultés avec la méthode syllabique

qui les maintient dans ce souci de la forme.

o Association immédiate : aller d’une idée à l’autre, faire des digressions

(parfois avec intelligence et humour). Dans l’apprentissage de la

lecture, ces jeunes, quant à eux, souffrent de la méthode globale qui les

pousse à aller vite, en inventant ou en faisant travailler leur mémoire

plus qu’une méthode

o Besoin de certitude : l’apprentissage ne peut se faire que dans maîtrise

et contrôle. Le fait de ne pas savoir se transforme en une remise en

cause excessive. Pour les plus jeunes, ce besoin s’accompagne

«d’idées d’omniscience ou de toute puissance ». Pour les plus âgés,

face au doute, affleurent « des idées de persécution et un besoin

d’associer la pensée à la faiblesse et à la féminisation. 17

»

Rapport difficile à la temporalité

Leur vécu étant morcelé, leur passé difficile à recomposer, voire leur futur difficile à

envisager, le rapport au temps est souvent compliqué. En conjugaison, les notions de temps

sont tardivement acquises et plus globalement, la mise en projet est souvent complexe à

moyen terme. L’instant est leur seul espace temporel (d’où parfois des mises en danger).

Les plaisirs immédiats

Cette difficulté à se projeter dans le temps entraine donc un besoin absolu que la

demande soit satisfaite au moment où elle est émise. Ils ne peuvent différer et veulent que tout

travail ait un résultat dans l’instant. Ceci devient problématique quand arrivent les

apprentissages, où le temps est souvent l’allié premier de l’élève (et du professeur), comme en

lecture et écriture, en production d’écrits…

16

Ibid, p16 17

Ibid., p18

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Difficulté d’accès au symbolique

Selon l’école psychanalytique, cette difficulté est due, comme nous l’avons vu, à un

déficit de sublimation. Dès lors, ces élèves ont des difficultés avec l’accès au symbolique, à la

mentalisation : le second degré, le sens figuré, les métaphores, les situations problèmes,

l’implicite, les leçons de grammaire…

Ainsi, nous avons pu voir que la définition des troubles de ces jeunes présentant des

difficultés d’ordre comportementales était plus que complexe. Selon les écoles, la

classification des pathologies mentales varie. Celle qui a court en France est la Classification

Française des Troubles Mentaux de l’Enfance et de l’Adolescence, s’inspirant de l’école

psychanalytique. Par la suite nous avons tenté d’apporter une définition plus globale et bien

mieux appréhensible, en nous basant sur des auteurs telle que Sylvie Castaing, et tentant

d’identifier au mieux quelques traits généraux et caractéristiques de leurs troubles. Enfin, dans

un dernier temps, nous avons exposé les grandes manifestations, les conséquences de cette

pathologie dans la vie de tous les jours, ainsi que dans des temps d’apprentissage. Dans cette

seconde partie, nous allons présenter les grandes modalités de prise en charge de ces jeunes,

que ce soit de manière globale en milieu spécialisé, ou dans une école ordinaire.

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II-La prise en charge des jeunes atteints de TCC

Face à des problématiques si variées, si complexes et qui entrainent des perturbations

majeures sur l’environnement des jeunes atteints, la prise en charge des jeunes atteints de

TCC reste quelque chose de difficile, et ce même pour des professionnels formés. Cette prise

en charge peut se faire en institution pour les cas les plus lourdement touchés, ou en classe

ordinaire pour les autres.

1- Dans le milieu spécialisé : Les ITEP

Même si les jeunes lourdement atteints par les TCC peuvent être pris en charge par des

structures relevant du sanitaire (hôpital de jour, CMP, CMPP, CAMPA…), la structure dédiée

à ces troubles est un Institut Thérapeutique Educatif et Pédagogique. Institution relativement

récente, les ITEP ont été créés en 2007, se substituant aux Institut de Rééducation (IR) et

marquant la nouvelle orientation qui voit dans les troubles des conduites et du comportement,

une maladie psychique, et non des comportements à redresser : l’axe des soins est affirmé, il

faut maintenant soigner, éduquer et enseigner, et pas seulement rééduquer.

« Les instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques accueillent les enfants,

adolescents ou jeunes adultes qui présentent des difficultés psychologiques dont l’expression,

notamment l’intensité des troubles du comportement, perturbe gravement la socialisation et

l’accès aux apprentissages. Ces enfants, adolescents et jeunes adultes se trouvent, malgré des

potentialités intellectuelles préservées, engagés dans un processus handicapant qui nécessite le

recours à des actions conjuguées et à un accompagnement personnalisé18

»

Les jeunes y sont orientés sur décision de la MDPH après demande des familles et

pour travailler avec eux, les ITEP disposent d’un plateau technique large.

a- Le thérapeutique19

Le médecin psychiatre : responsable du pôle thérapeutique, il veille notamment

à la mise en œuvre, à l’évaluation et à l’adaptation du projet thérapeutique de

l’usager.

Le psychologue : il exerce ses fonctions dans l’ITEP et s’inscrit dans les

projets des services et dans le projet d’établissement. Il collabore au projet

institutionnel interdisciplinaire tant sur le plan institutionnel que sur le plan

individuel. Aussi, les missions du psychologue se déclinent suivant deux axes

distincts : Une pratique clinique institutionnelle et Une pratique clinique avec

l’enfant et/ou la famille

L’orthophoniste : sa prise en charge concerne les troubles de la voix, de

l’articulation, de la parole, du langage oral et écrit, ainsi que les difficultés

logico-mathématiques.

Le psychomotricien : il s'intéresse à différentes modalités qui touchent,

intéressent le corps :

o le corps à travers le mouvement : identifier et intervenir entre autres au

niveau de l'équilibre, la latéralité, les coordinations, le tonus, la posture,

l'axe du corps, la proprioception, etc.

18

Décret du 14 mai 2007 créant les ITEP 19

Projet d’établissement de l’ITEP les Albarèdes 2012-2017

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o le corps en relation à son environnement : plusieurs dimensions

coexistent ; le rapport à l'espace et au temps, la dimension perceptivo-

motrice qui influence la posture, le geste, le schéma corporel et la

dimension du langage corporel (dialogue tonique, communication non-

verbale)

o le rapport à son propre corps : les différents axes sont repérés,

l’identité, le schéma corporel, l’image du corps, l’estime de soi et le

vécu corporel

L’infirmier : sous l’autorité du médecin, il accompagne l’usager dans les soins

courants

b- L’éducatif

L’intervention des éducateurs au quotidien va chercher à ouvrir à chaque enfant ou

adolescent considéré dans sa singularité, un espace relationnel qui le sollicite.

L’intervention éducative a pour objectif d’inviter chaque jeune à travailler sa

subjectivité, ses représentations personnelles, son rapport au monde, aux autres, à lui-même,

sa manière d’aborder les savoirs, les connaissances, grâce à une mise en situation

d’expériences nouvelles pour lui.

L’éducateur se propose de développer les compétences sociales de l’enfant en tenant

compte de ses besoins, de son potentiel et de son contexte familial. Il s’agit, à terme, de

favoriser l’épanouissement des capacités de l’enfant, de développer ses compétences en

matière d’autonomie, de créativité, d’adaptabilité, de construire son parcours au sein de

l’établissement ; et au-delà, de l’aider à devenir responsable de ses choix dans une démarche

citoyenne.

Cet accompagnement s’organise autour de temps collectifs et individuels, amenant

l’enfant à quitter son registre défensif dans ses relations aux autres par des actions

socialisantes, dans des espaces de médiations, d’expérimentations, contenants, structurants et

sécurisants. Le groupe, l’internat thérapeutique, les ateliers éducatifs font partie des moyens

pour ce faire.

c- Le pédagogique

Le pôle pédagogique, composé d’enseignants, a pour mission première, en

synergie avec les autres professionnels, d’aider l’usager à se reconstruire en tant qu’élève, en

vue d’une re-scolarisation dans le milieu scolaire ordinaire. Il assure la continuité du parcours

scolaire de l’usager, en permettant ses apprentissages et la poursuite de son parcours de

formation.

A cette équipe pluridisciplinaire, il faut ajouter l’assistante sociale qui s’occupe

notamment du lien (primordial) avec les familles, les services généraux (chauffeurs, ouvriers

d’entretien, secrétaires…) et l’équipe de direction. Chacun peut avoir sa part, plus ou moins

large, importante ou régulière dans les prises de décision et les orientations de travail de ces

jeunes.

Or si l’ITEP est la structure qui prend en charge globalement les jeunes les plus

troublés, de plus en plus nombreux sont ceux, atteints de TCC, qui se trouvent noyés dans des

classes au milieu d’autres élèves.

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19

2-Dans le milieu ordinaire : l’école, la classe

La prise en charge pédagogique d’un jeune présentant des troubles des conduites et du

comportement au sein d’une institution scolaire ordinaire nécessite une action commune

mobilisant l’ensemble des adultes présents autour de ce dernier. En ce sens, il va donc être

nécessaire de développer trois grands axes de travail : des attitudes globales au sein de l’école,

des attitudes globales au sein de la classe, une pédagogique particulière.

a- Dans l’école : un milieu global à adapter

Le travail d’équipe

Accueillir un jeune présentant des TCC n’est pas que l’affaire de l’enseignant, mais

bien celle de l’ensemble de l’Institution scolaire (enseignants, directeur, personnel de mairie,

animateurs de CLAE, intervenants extérieurs, AVS, assistants d’éducation…). Ainsi, un

travail d’équipe global va devoir s’organiser au sein de l’école pour que tous, professionnels,

élèves, et jeune accueilli, puissent continuer le plus naturellement possible leur travail. Selon

les lieux, cette équipe sera différente, mais la pluralité des regards sera toujours une véritable

valeur ajoutée à cette prise en charge dans la mesure où, comme nous avons pu le voir, en

fonction des personnes autour de lui, il agira de diverses manières.

En outre, le travail d’équipe devra être d’autant plus prégnant que ces jeunes ont une

forte capacité à manipuler les adultes. La cohérence du cadre éducatif devra donc être forte,

construite et réfléchie pour que les failles dans lesquels ils tenteront de rentrer soient les plus

fines possibles. Dans cette perspective, il devient nécessaire de rédiger un projet commun

dans lequel seront définis des objectifs éducatifs tout comme les moyens pour tenter de les

atteindre. Dès lors, il sera utile de prendre en compte, par exemple :

les difficultés de comportement dans le projet de fonctionnement de tous types

de groupes (repas, récréations, sortie…)

le partage de l’information entre professionnels (moment, modalité…)

l’appel à des personnes ressources (enseignants référents, professionnels

ITEP…)

plans d’actions en cas de crise…

Des attitudes à adopter en toutes circonstances

Il est quelques attitudes de base à adopter face à un jeune porteur de TCC :

Engager une communication individualisée

Expliquer en privé ce qu’on attend de lui, et engager un dialogue

Demander si des propos ont pu le blesser

Eviter dans un premier temps l’humour, le second degré : certains peuvent ne

pas avoir accès à ce niveau de langage

Souligner tout succès

Encourager tout effort

Rester maitre de soi permet de diminuer l’agressivité : ce n’est pas la personne

qui est visée, mais la fonction

Gérer les problèmes de comportements mineurs d’une manière positive et

immédiate (ne pas différer la sanction)

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20

Mettre en place des sanctions éducatives, sanction-réparation

Faire réfléchir à la finalité de la sanction

Permettre à l’élève de percevoir le manquement aux règles de fonctionnement

du groupe et ses conséquences

Faire réparer le préjudice subi : prise en compte de la victime

Permettre la réinsertion dans le groupe

Définir des rituels d’entrée et de sortie (d’activité, de classe….)

L’observation

Pour pouvoir travailler avec les jeunes atteints de TCC, il est indispensable de bien les

connaître, ne serait-ce que pour pouvoir anticiper d’éventuelles crises, les prévenir, ou savoir

comment réagir. Cette observation est également nécessaire pour apporter des éléments aux

équipes extérieures chargées conjointement de la prise en charge de ces enfants, mais aussi

pour les collègues de l’écoles. Pour cela de nombreuses grilles d’observations existent. Celle

que l’on peut trouver sur le site de l’ASH 82 semble pertinente, toutefois la grille

d’observation construite par Sylvie Castaing20

a été pensée spécifiquement pour la prise en

charge de ces élèves troublés, reprenant, à partir d’une trentaine de critères, les notions de

constance, fréquence, persistance et intensité.

Dans un premier temps, même s’il est important d’interroger le comportement de ces

jeunes de manière globale et constante, l’attention se portera sur des moments particuliers qui

sont « principalement affectés par leur psychopathologie » :

Les liens : le rapport à l’autre différent de soi

Les passages : passage d’une activité à une autre

Les changements : regard, attitudes ou ambiance différents

La socialisation : le rapport à la communauté, à l’institution, à la loi21

Par la suite, pour que cette observation soit la plus pertinente possible, il sera

nécessaire, dans un second temps, d’être également rigoureux sur22

:

La définition du comportement à observer (inattentions, agitations, insultes,

agressivité…) : une observation par comportement, pour ainsi tenter de

s’adapter à chaque difficulté rencontrée sans qu’elle ne soit entravée par une

autre

La durée et le lieu : séance, semaine, période /classe, CLAE, temps de repas…

Fonctions et nombre des observateurs : impliqué, en retrait, plusieurs, même

fonctions dans l’école

Cadrage de l’observation : moments, lieux, personne, attitudes du jeunes, ses

paroles ou actions…

Compilation des données pour analyse : graphique, grille…

Interprétation déconnectée de tout jugement : que des faits, seulement des

faits…

20

Voir Annexe 1 21

Scolariser les enfants présentant des troubles des conduites et des comportements (TCC), éducsol, aout 2012. 22

L. Champoux, C. Coutrure, E. Royer, L’observation systématique du comportement, Ministère de l’éducation,

direction de l’adaptation scolaire et des services complémentaires, 1992, cité in B. Egron (sous la direction de ),

Scolariser les élèves handicapés mentaux ou psychiques, CRDP Nord, 2010, p 70.

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21

La mise en réseau des informations

Les jeunes atteints de TCC, malgré leurs débordements, connaissent la règle, mais sont

souvent enclins à ne pas la respecter car ils n’ont pas forcément conscience des conséquences

de leurs actes. Il faut avoir en tête le mythe de l’anneau de Gygès cité par Platon dans la

République23

.

Gygès était un berger innocent et simple, qui avait trouvé sur le corps d'un homme

mort une mystérieuse bague. Or, un jour qu'il était convoqué par le roi en compagnie de tous

les autres bergers, il joua avec sa bague et en tourna machinalement le chaton. Quelle ne fut

pas sa surprise de constater que ce simple geste le rendait invisible ! Les autres bergers

parlaient de lui comme s'il était absent, et personne ne remarquait sa présence. Il tourna de

nouveau le chaton et réapparut aux yeux de tous. Les jours suivants, il renouvela l'expérience

et fut alors convaincu du pouvoir magique de sa bague. Aussitôt, de noirs desseins lui vinrent

en tête. Il se mit à envier le roi et ses richesses. Il retourna au palais où il fit en sorte de

séduire la reine. Enfin, profitant de son invisibilité, il tua le roi et s'empara du trône. Protégé

par l’anneau, Gygès s’est découvert l’âme d’un tyran : sûrs de leur impunité, les hommes se

livreraient aux pires exactions. Si Platon, à travers cette légende, a voulu montrer que la

visibilité est un gage de vertu politique, il est possible de s’en servir dans un cas très

particulier, circonscrit dans un temps et dans un espace donné. Ainsi, il est important que les

écoles et les enseignants ne restent pas seuls face à ce type de problème.

En premier lieu, les parents sont naturellement les premiers interlocuteurs à informer

du comportement de leur enfant. Toutefois, il est important de prendre garde à ne pas

cristalliser une situation. S’il est important de notifier les comportements déviants, il l’est tout

autant de leur rapporter les attitudes positives du jeune. Pour éviter toute cristallisation, il est

donc nécessaire d’instaurer un climat de confiance et d’entre-aide entre école et cellule

familiale. Pour ce faire, des rendez-vous institutionnalisés peuvent être mis en place : ceci

permet ainsi de ne pas avoir à faire aux familles uniquement quand il y a des crises ou de

grosses difficultés. Il est en effet souvent difficile pour les familles de n’être contacté que

lorsque leur enfant agit mal.

En outre, ce nécessaire partage de l’information doit également régulièrement se faire

auprès des partenaires travaillant autour des jeunes : il est nécessaire que l’information circule

entre tous afin pour que le jeune sente que des liens se tissent autour de sa situation. Le

maillage entre les différents partenaires est une donnée essentielle dans la prise en charge des

jeunes atteints de TCC : la moindre faille devient pour ces derniers une porte dans laquelle ils

s’engouffrent, alimentant de fait un sentiment de toute puissance qui les rassure, mais qui est

également bien souvent à l’origine de leurs difficultés.

Enfin, il est absolument nécessaire que l’école et les enseignants ne restent pas seuls

face à ce genre de difficultés. L’enseignant référent est la personne ressource des diverses

circonscriptions en matière de handicap. Il pourra le cas échéant expliquer aux familles et

équipes pédagogiques les différentes prises en charge les plus adaptées selon les situations,

mais également les possibles dans un avenir plus ou moins proche. Quelles que soient les

situations, il est important que les interventions se fassent le plus tôt possible : plus vite ces

jeunes sont pris en charge, et plus ils ont de chance de voir leurs difficultés s’apaiser

rapidement.

23

PLATON, La République, Livre II.

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Tentatives de définition et modalités de prise en charge

Charles Lagard, janvier 2015

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Favoriser la collaboration avec les familles

Comme nous l’avons vu, au-delà de l’information aux parents, pour la réussite de la

prise en charge d’un jeune manifestant des TCC, leur implication est indispensable. Ceci peut

être parfois extrêmement difficile dans la mesure où ces derniers peuvent être eux-mêmes

dans des situations très difficiles envahissant leur quotidien, ou/et dans le déni des passages à

l’acte de leur enfant. Toutefois, il faut avoir en tête que sans eux, tout travail peut devenir un

combat contre des moulins à vent. En effet, si l’Institution et les parents ne peuvent aller dans

le même sens, le jeune sera alors pris dans un conflit de loyauté, où à coup sûr, il prendra le

parti de son père et sa mère.

Dans cette perspective, il devient alors nécessaire d’impliquer fortement les parents

dans les stratégies éducatives mise en œuvre. Cela doit se faire le plus tôt possible, en

s’assurant de leurs possibles et de leurs forces, essayant de ne jamais juger. Les rencontres

doivent être régulières, et ne doivent pas se faire uniquement quand cela va mal. Elles ne

doivent pas non plus être toujours centrées sur le scolaire. L’école ne doit pas devenir pour

eux le lieu où ils vont pour entendre du mal de leur enfant. Ces rendez-vous peuvent être

également un temps d’information permettant la compréhension du travail entrepris et ce sur

des sujets très vastes comme compositions et fonctionnement des classes, les attentes

comportementales classiques, dans le milieu scolaire ou dans les temps informels. Outre les

rencontres, des modes de liaisons différents peuvent être mis en place comme un cahier de

liaison (où seraient notés les comportements déviants comme les comportements positifs), une

fiche de comportement avec des objectifs ciblés.

Planifier les grandes transitions scolaires

Comme il a été vu, ces jeunes ont de grandes difficultés à gérer quelque changement

que ce soit. Au niveau de l’Ecole, il est possible de les aider à appréhender les changements

institutionnels (changement de niveau, de cycle, d’enseignant, classe transplantée….). Pour ce

faire, lorsqu’une nouveauté est en vue, il faut :

Définir les raisons et les objectifs de cette transition, en fin d’année en

prévision, et en début pour permettre l’adaptation

Préparer et accompagner les professionnels nouveaux intervenant autour du

jeune (enseignant de la nouvelle classe, personnel de la nouvelle structure

d’accueil…) grâce à des éléments sur l’élève, sur sa famille, sur ce qui a déjà

été mis en place qui fonctionnait ou non…

Préparer et accompagner l’enfant par le biais de visite des lieux, présentation

aux nouvelles personnes et leur fonction, des modes nouveaux de

fonctionnement, par le biais également de rencontres avec le jeunes sur ses

ressentis et ses possibles difficultés d’adaptation.

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b-Dans la classe : des adaptations particulières

Il sera ensuite nécessaire d’adapter l’environnement de l’élève au sein de la classe

pour qu’il puisse s’apaiser. Ces quelques ajustements nécessaires sont extraites du livre de

Bruno Egron, Scolariser les élèves handicapés mentaux ou psychiques24

, elles-mêmes

reprises dans le document d’aide à la scolarisation des enfants atteints de TCC publié en aout

2012. Ces recommandations ont été légèrement reclassées, remaniées et parfois modifiées, et

a été mis en italique ce que les AVS peuvent appliquer par eux-mêmes25

.

Organisation de la classe

Structurer et gérer l’environnement temporel

o Instaurer, réaffirmer, exagérer les rituels : la ritualisation permet d’introduire de

l’inconnu dans quelque chose de familier et d’attendu,

o Construire des emplois du temps, individualisés, complets et explicités.

o Prévoir les différents horaires, et clairement les formuler (emploi du temps

personnalisé, préciser les domaines d’enseignement ou de matière, leur forme,

fréquence) à partir d’un code couleur par exemple.

o Signaler explicitement le début et la fin des activités habituelles de la classe (outils de

visualisation du temps).

o Aider à la compréhension des moments d’attente pendant les temps d’apprentissage,

en verbalisant la succession des tâches qui vont être demandées.

o Anticiper et expliquer les changements, dans la mesure du possible.

o Envisager pour certains élèves, l’aménagement du cadre temporel : cela peut passer

par des temps de scolarisation partiels (PPS).

o Tendre à atténuer les causes susceptibles d’amplifier certains traits du comportement

de l’élève (difficultés à se concentrer, de trop longues périodes d’immobilité, la faim,

la fatigue..) en prévoyant des activités variées ; moduler temps courts/temps longs ;

temps collectifs/temps individuels ; temps d’apprentissage/temps permettant de

récupérer, voire même de ne rien faire si l’élève en a besoin.

o Aménager les temps de récréation lorsque cela est nécessaire (il peut y avoir 2

récréations au lieu d’une seule). Les temps de pause doivent faire l’objet d’une

vigilance particulière, car ils peuvent générer des risques de débordements et de mise

en danger de soi et d’autrui.

o Prévoir des moments de pause identifiés et dans des lieux particuliers

Structurer et gérer l’environnement spatial

o Adapter la classe et/ou l’espace de travail en fonction des activités (espace d’échanges,

de travail individuel, d’activités précises …).

o Aménager les lieux, prévoir un « sas » lorsque la tension est trop vive pour permettre

à l’élève de « récupérer » : anticiper la possibilité pour lui de quitter la salle pour se

24

B. Egron (sous la direction de ), Scolariser les élèves handicapés mentaux ou psychiques, CRDP Nord, 2010, p

70. 25

Scolariser les enfants présentant des troubles des conduites et des comportements (TCC), éducsol, aout 2012.

En italique ce qu’un AVS peut mettre en pratique de manière individuelle.

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rendre dans un autre lieu, déterminé en amont en équipe et avec l’élève (à

l’infirmerie, dans une autre classe pour une activité précise, dans le bureau du CPE…)

afin d’éviter une crise et de lui permettre de s’apaiser. Préciser les conditions d’accès

(seul, accompagné,…), les modalités et l’objectif donné à l’élève.

o Choisir l’emplacement physique de l’élève avec soin : tenir compte de l’élève assis à

côté de lui, des distractions physiques possibles, de la place qu’il a pour bouger et de

sa proximité avec l’enseignant. Il est important de ne pas isoler l’élève avec TCC, afin

de ne pas entraver les interactions positives avec les autres élèves.

Face aux élèves

Structurer et gérer les relations sociales et affectives

o Organiser très tôt dans l’année scolaire des activités pour que tous les élèves

apprennent à se connaître (travail de groupe, activités sportives)

o Penser à l’aménagement du cadre. Il doit être contenant et sécurisant, avec des règles

claires et justes (règlement de l’établissement et de la classe) construit et écrit avec

les élèves. Définir les droits, les devoirs, les réparations et les éventuelles sanctions

positives ou négatives. Être attentif à ce que le règlement soit appliqué, qu’il soit clair,

court et cohérent.

o Continuité des règles établies ensemble, tout au long de l’année : la réaction des

adultes doit être pérenne.

o Lorsque l’objectif est atteint, ne pas hésiter à faire évoluer ces règles et leur

application, cela participe du renforcement positif.

o Verbaliser l’implicite, en particulier sur le plan affectif et relationnel.

o Mettre en place un contexte de travail favorisant la coopération et de la confiance au

sein du groupe et avec l’adulte (construire des valeurs)

Soutenir et renforcer les comportements attendus

o Définir avec les élèves les comportements attendus, enseigner les habilités sociales, les

comportements permettant des relations sociales : beaucoup n’ont jamais vraiment eu

l’occasion de les connaitre en tant que véritable apprentissage

o Valoriser les comportements adaptés autant que sanctionner ceux qui sont inadaptés.

o Valider positivement, régulièrement et fréquemment les acquis cognitifs et

comportementaux.

o Avoir des attentes accessibles par l’élève, donc adaptées à sa situation : contrats de

comportement par exemple, signé a minima par l’élève et l’enseignant26

o Se rappeler que les adultes jouent le rôle de modèle et renforcent les comportements

responsables et respectueux.

o Rester à l’écoute de l’élève, de ses préoccupations, afin qu’il sache que l’enseignant

en mesure de discuter avec lui.

o Renseigner les parents en leur transmettant régulièrement un document d’information,

comportant les projets actuels, le contenu du programme, les attentes en matière de

comportement et de réussites scolaires et organiser des rencontres régulières avec eux.

26

Voir Annexe 2 : contrat « être élève » rédigé par le conseiller pédagogique de Haute Garonne.

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Prévenir et gérer les débordements

o Cela ne peut se faire qu’à partir d’une observation précise, systématique et

rigoureuse.

o Rester maître de soi : permet d’éviter l’effet miroir, donc à la fois amenuise

l’agressivité du jeune, et permet aussi à l’adulte de se calmer naturellement s’il y

avait lieu de le faire

o Anticiper la gestion des comportements difficiles chroniques : assurer des plans de

prévention en équipe. Faire preuve de constance et de fiabilité dans les réponses

apportées aux comportements.

o Adopter, au sein de l’équipe pédagogique, une attitude commune dans les modalités

de prise en compte des manifestations comportementales afin de permettre à l’élève de

construire des repères sociaux stables et structurants.

o Les sanctions doivent être adaptées à la faute donc graduées, et elles doivent être

pensées également en terme de réparation, permettant ainsi le retour dans le groupe.

Positionner l’AVS face aux jeunes atteints de TCC

La question du positionnement de l’AVS au sein de la classe a pu se poser quand il

s’agit de jeunes présentant, comme nous l’avons vu, des troubles si variés et complexes que

sont les TCC. Deux attitudes distinctes semblent se dessiner :

-être au soutien de l’élève : pour certains élèves pour qui la peur de l’échec, de

l’erreur, prédomine, il sera nécessaire de se trouver au plus près de ce dernier, tout en étant

capable de garder la juste distance qui n’envahit pas son espace. Une main sur l’épaule peut

être le geste qui calme et apaise, alors que pour d’autres une main posée sur la table suffirait.

-être dans un groupe : pour certains pour qui la présence de l’autre peut être

une agression, qui ne supporte pas sa différence et la nécessaire présence d’un autre pour être

avec les autres, ou qui veut simplement être « comme les autres », il peut s’avérer

indispensable que l’AVS s’adresse au groupe pour s’adresser à un seul. L’AVS se transforme

alors en AVS collective déguisé.

Ainsi, après avoir vu un certain nombre de petits principes qui pourront amener un

jeune atteint de TCC à s’apaiser en classe, ou simplement lui permettre de ne pas trop laisser

la place à ses manifestations, nous allons tenter d’exposer dans une dernière partie quelques

principes pédagogiques qui, tout en permettant d’apprendre à toute une classe, pourront

répondre particulièrement à leurs troubles.

c- Troubles du comportement et pédagogie au sein des classes

ordinaires

La mise en place d’une pédagogie particulière dans une classe accueillant un jeune

souffrant de Troubles des Conduites et du Comportement doit répondre à une exigence

simple, et pourtant complexe : prendre en compte les difficultés d’un seul jeune sans desservir

l’ensemble d’un groupe classe. Les différentes modalités de prise en charge pédagogique que

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nous allons présenter ici entendent à la fois permettre à la classe de travailler normalement,

tout en répondant à des problématiques spécifiques aux jeunes atteints de TCC.

La faible estime de soi : lutter contre la peur de l’erreur

Accepter son erreur, ne pas renoncer face à une tâche qui pourrait mener vers un

échec, si mince soit-il, voilà sans nul doute la plus grande difficulté des jeunes atteint de TCC

en classe.

Dans les programmes de l’école maternelle, on peut retrouver des compétences qui, en

négatif, renvoient à cette capacité que doivent avoir les élèves à accepter leurs erreurs. En

effet, à la fin du cycle 1, pour « devenir élève », l’enfant doit être capable de « demander de

l’aide », donc pouvoir assumer devant l’autre qu’il pense ne pas savoir faire, qu’il peut se

tromper et non renverser sa table ou jeter la feuille face au premier obstacle ou au sentiment

d’une erreur possible à venir. Il doit également « faire l’expérience […] de la

persévérance » et donc continuer malgré ses échecs. Il doit encore être capable « d’identifier

des erreurs dans [ses] productions27

», il doit donc avoir la capacité de montrer à l’autre qu’il

s’est trompé. Pour ce faire, l’erreur ne doit donc pas être envisagée par les élèves, mais

également par les enseignants, comme une faute. Elle doit acquérir aux yeux de tous un

caractère positif : ne plus être vue comme un frein à l’apprentissage, mais une aide dans ce

processus.

Le statut de l’erreur : un statut lié au concept d’apprentissage.

Pendant longtemps, apprendre c’était acquérir « naturellement » des connaissances.

On entend par « naturellement » que les connaissances s’ancrent dans la mémoire sans

difficultés apparentes. Ainsi, on donne des cours magistraux comme si voir et faire

entraînaient naturellement des acquisitions ; celles-ci pouvant servir de base pour aller plus

loin. Cette théorie part de l’idée que si l’enseignant explique bien, suit un bon rythme, choisit

de bons exemples et si les élèves sont attentifs et motivés, il ne devrait survenir aucune erreur.

Quand les erreurs apparaissent « malgré elles », elles sont déniées. Dans ce sens, il y a donc

deux possibilités : l’erreur en tant que faute et l’erreur en tant que bogue. L’erreur peut être

considérée comme une faute dans un modèle d’apprentissage dit transmissif. Cette faute est

mise à la charge de l’élève qui ne se serait pas assez investi, qui n’aurait pas mis en œuvre

toutes ses compétences. Dans ce contexte, l’erreur doit être sanctionnée lors d’une évaluation

finale. L’erreur peut également être considérée comme un bogue dont l’origine serait une

mauvaise adaptation de l’enseignant au niveau réel de ses élèves. Dans ce cas, l’erreur induit

chez l’enseignant un effort de réécriture de la progression, en décomposant les difficultés en

étapes élémentaires beaucoup plus simple, mais sans jamais savoir « ce qui se passe dans la

boite noire 28

». Il s’agit ici d’un modèle comportementaliste, inspiré de la psychologie

behavioriste initié par James Watson et Burrhus Skinner, dans laquelle l’activité de l’élève est

guidée pas à pas afin de contourner les erreurs.

Avec les travaux de Piaget, le statut de l’erreur recouvre un autre aspect. En effet,

selon l’auteur, apprendre c’est franchir progressivement une série d’obstacles. Dans cette

27

Ministère de l’Education Nationale, Programme de l’école maternelle, petite section, moyenne section, grande

section, hors-série n°3 du 19 juin 2008. 28

ASTOLFI Jean-Pierre, L’erreur, un outil pour enseigner, Issy-les-Moulineaux, ESF, 2008, p14.

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théorie, et dans les modèles constructivistes modernes qui en découleront en partie,

l’apprentissage passerait obligatoirement par des moments de difficultés face auxquels les

élèves doivent remplacer leurs anciennes conceptions erronées par de nouvelles correctes.

Pour apprendre, l’élève doit prendre conscience de ses erreurs, de son fonctionnement mental.

Ainsi, les erreurs (performances) servent d’indicateurs de ces processus intellectuels en jeu.

Cette nouvelle théorie sur l’apprentissage confère donc à l’erreur un statut beaucoup plus

positif : elle devient un « symptôme intéressant d’obstacles auxquels la pensée est

confrontée », « un indicateur de processus29

».

Ainsi dans chaque théorie de l’apprentissage, l’erreur existe. Même si, pour la faire

accepter aux élèves, il semble préférable de la considérer soi-même comme « un outil pour

enseigner », et non comme une faute du jeune ou du professeur, elle est une péripétie

inévitable de l’acte d’apprendre. L’élève devra donc, quelque soit le modèle choisi par son

enseignant, accepter de se tromper : l’utilisation du cahier de brouillon peut permettre d’aller

dans ce sens.

Le cahier de brouillon : symbole du droit à l’erreur

Bien souvent les attitudes du rejet du travail à faire est dû à la peur de se tromper.

Même si une attitude rassurante est nécessaire, elle n’est pas véritablement efficace au vu du

temps et de l’énergie que cela peut demander. Il est dès lors possible d’utiliser les cahiers de

brouillon mis en place dans toutes les classes d’une autre manière : un lieu identifié de droit à

l’erreur.

Le cahier de brouillon est présenté aux élèves comme leur cahier propre. A la

différence des autres cahiers de la classe, il n’y aucune règle de tenue, de propreté, de sens,

d’ordre. Même si ils doivent l’avoir en classe, ils peuvent s’en servir pour autre chose que le

travail scolaire. Il doit devenir un outil familier, qu’ils ont l’habitude de manier, qu’ils

connaissent. Il doit surtout et avant tout devenir un cahier dont la sacralité symbolique

attachée aux affaires scolaires aurait disparu : comment être libre face à un objet sacré ?

Beaucoup d’élèves ont en effet tendance à ne pas entrer dans la tâche, ou à s’arrêter de

travailler, de peur que l’objet scolaire ne soit « sali » par les ratures, ou les coups d’effaceur

qu’une erreur pourrait produire. Dans la mesure, où ce cahier devient à eux, qu’ils savent

qu’ils peuvent y faire ce qu’ils veulent, il n’y a pas de peur des ratures. Il arrive parfois que ce

cahier devienne symbole de liberté au moment de la classe30

.

Dans les faits, le cahier de brouillon peut être utilisé dans la quasi-totalité des matières

enseignées, et ce de manière très variée et dans des objectifs pédagogiques bien différents. On

peut le retrouver, comme une évidence, au moment des temps de recherche personnelle en

situation problème, ou de recherche collective dans la préparation d’exposé. Il peut servir de

support aux exercices d’application, lors de l’apprentissage des techniques opératoires, de la

numération ou en leçon de « grandeur et mesure ». Il peut même dans certains cas être le

medium qui va permettre à l’enseignant le contrôle des connaissances. Il est toutefois

nécessaire d’avoir à l’esprit dans premier temps, que si dans le cahier de brouillon on peut

presque tout faire, dans les autres cahiers, la rigueur est de mise : seul le cahier de brouillon

permet cette liberté d’usage. Ensuite, pour l’enseignant, il faut adapter cette pratique en

fonction des jeunes qui sont en face de lui. De multiples cas peuvent s’offrir à nous : de celui

que le manque de repère peut angoisser, à celui qui va déborder à outrance et en dehors de

cahier. Même si généralement, la liberté offerte accompagnée de la règle simple « il n’y a que

dans ce cahier que vous pouvez faire ce que vous voulez » peut permettre de tempérer ces

29

Ibid., p.15 30

Voir ANNEXE 3

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écueils, la vigilance doit rester de mise. Enfin, dernière difficulté majeure qui nait

nécessairement de cette pratique, le fait, qu’en classe, le cahier serve à autre chose que pour le

scolaire : là encore, c’est à l’enseignant de veiller à ce que la règle soit respectée.

Si par la liberté symbolique établie dès le début de son utilisation, le cahier de

brouillon permet de mettre fin à la sacralité propre de son caractère scolaire, et donc

d’amener le jeune à accepter de se tromper, il peut également permettre d’atteindre ce dernier

objectif par une autre voie, celle de l’enseignant lui-même. En effet, exercice auquel on peut

se livrer particulièrement avec de nouveaux élèves, mais également prolonger de manière

intermittente par la suite, se tromper et raturer, sous leurs yeux quand on écrit dans leur cahier

de brouillon. A cela, il est deux vertus. Tout d’abord, le fait que l’enseignant, symbole de

l’autorité de la classe, de ses règles, rature de manière grossière prouve qu’effectivement, on a

le droit de ne pas tenir ce cahier de manière forcément propre, et donc d’en faire un usage

différent de ce qu’on pouvait en faire dans d’autres environnements : « si le maître rature, j’ai

bien le droit de raturer ». Cela devient une preuve symbolique de cette autorisation. Ensuite,

et c’est bien là l’important, par une ou des erreurs faites devant eux, l’enseignant montre à ses

élèves que l’erreur est partagée par tous. Cet acte tend à rompre la sacralité de « l’erreur

faute » et donc, dans la mesure où c’est celui qui doit transmettre le savoir qui se trompe, il

symbolise naturellement le fait que tout le monde peut se tromper, et par conséquent qu’il a

le droit lui aussi à l’erreur.

Exemple :

ML, lorsqu’enfin il venait en classe, ne supportait pas de commettre la moindre erreur.

Face à elle, ou face à son incapacité à faire, il préférait arrêter tout travail ou encore partir de

la classe. Or, une fois où on pu le sentir encore prêt à fuir face à ses difficultés, lui donnant un

exemple de soustraction, « l’enseignant » joua la scène, sur son cahier de brouillon, de celui

qui se trompe : le calcul fut fait à deux reprises, raturant outrancièrement le travail, pour

finalement y parvenir. Le résultat fut saisissant : il s’engagea alors dans la tâche, lui aussi se

trompant, et raturant quand il ne parvenait pas au bon résultat, pour ensuite recommencer.

Bien évidement, la séance suivante, il reprit ses habitudes de fuites, mais petit à petit il put

sortir de ce mécanisme de défense grâce à ce mode particulier de fonctionnement.

L’incapacité à accepter l’erreur est sans nul doute le premier trait caractéristique qui

frappe l’enseignant en charge de jeunes atteints de TCC. L’utilisation du cahier de brouillon

peut permettre de lutter contre cela. Autre difficulté majeure qui empêche souvent ces jeunes

d’accéder au statut d’élève, leur difficulté à être autonome en classe.

Défendre son sentiment de toute puissance : rituel et méthode transmissive

Comme il a été vu plus haut, les jeunes atteints de TCC sont dans une quête continue

de défense de leur sentiment de toute puissance, de leur besoin de maîtrise absolue . Ils

veulent avoir le contrôle sur tout, et, encore une fois, l’inconnu les angoisse, les déstabilise et

est souvent la cause de manifestations physiques qu’ils ne peuvent pas refreiner. Face à cela,

l’enseignant va donc devoir tenter de les rassurer et de leur donner l’impression qu’ils sont

dans le déjà vu, qu’ils maîtrisent juste un peu ce à quoi ils assistent.

Dans cette perspective, il peut donc être utile de ritualiser toutes les parties de la

journée (entrée et sortie de la classe), les débuts et fins des activités, les présentations des

leçons, des exercices…. Le rituel, de par sa définition même (« Ensemble des règles et des

habitudes fixées par la tradition31

») induit donc que les actes de l’enseignant, les tâches de

31

Dictionnaire Larousse, 2011.

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l’élève, sont connus de tous, et reviennent régulièrement : pas de mystère, pas de surprise,

donc pas de sentiment de perte de maîtrise et d’inquiétude.

De la même manière, la méthode transmissive, bien que rarement préconisée avec

l’ensemble des élèves, peut parfois avoir ses vertus avec ces jeunes à l’esprit troublé. En effet,

avec cette méthode :

« …l’enseignant maîtrise un contenu structuré et transmet ses

connaissances sous forme d’exposé : c’est le cours magistral qui laisse

peu de place à l’interactivité avec l’apprenant. Dans le triangle de Jean

Houssaye, cela correspond à la relation privilégiée enseignant-savoir

où l’enseignant est un expert du contenu, un détenteur de vérité qui

transmet l’information de façon univoque32

»

Ainsi, le savoir est donné à l’élève directement. Les élèves connaissent l’objet de la

leçon, la manière de traiter le problème, et la part d’angoisse qui peut surgir face à des thèmes

abscons au départ pour eux, peut être atténuée. Ils savent où ils vont, ils ont les rails face à

eux et sont de fait rassurés. A noter, qu’avec ces jeunes, il est nécessaire de ménager des

temps où ils peuvent eux aussi entrer dans une réflexion propre.

Donner du sens aux apprentissages

Ces jeunes, comme nous avons pu le voir ont de grandes difficultés à appréhender le

moyen et le long terme. Il devient alors pour eux extrêmement complexe d’envisager des

savoirs et des compétences, des apprentissages, ayant une utilité qui ne sera pas dans

l’immédiat. Il devient donc nécessaire qu’ils éprouvent que les efforts qu’ils fournissent ont

rapidement une utilité (qu’ils apprennent), qu’il y a des applications concrètes. En somme,

que l’école « ne sert pas à rien » : soit que tout effort est vain parce qu’ils sont incapables

d’apprendre, soit que tout apprentissage est inutile, car inutile dans « la vraie vie ». Pour ce

faire plusieurs pistes possibles :

o La pédagogie de projet : c’est « un mode de finalisation de l’acte

d’apprentissage. L’élève se mobilise et trouve du sens à ses apprentissages

dans une production à portée sociale qui le valorise. Les problèmes rencontrés

au cours de cette réalisation vont favoriser la production et la mobilisation de

compétences nouvelles, qui deviendront des savoirs d’action après

formalisation.33

» . C’est une démarche qui prend en compte la parole des

élèves, leurs besoins, leurs souhaits Ils peuvent ainsi s’impliquer et apprendre

car c’est dans un but identifié ayant une utilité claire. Cette manière de

procéder est également citée dans les programmes de l’Education Nationale en

compétence 7 du palier 2 : « s’impliquer dans un projet individuel ou

collectif »

o Activités signifiantes : au-delà de la pédagogie de projet qui peut être longue à

mettre en place, et dont il ne faut pas non plus abuser pour ne pas lasser, il est

possible de mettre en place des activités dont les élèves éprouveront le sens

rapidement. A titre d’exemple, s’entrainer à lire une poésie, ou l’apprendre par

cœur dans le but de la réciter à une autre classe, ou dans une autre institution

(scolaire ou autre).

32

http://eduscol.education.fr/bd/competice/superieur/competice/libre/qualification/q3b1.php 33

M. Huber, Apprendre en projet : la pédagogie du projet-élèves, 1999, Chronique Sociale.

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30

o Montrer à l’élève qu’il apprend : il ne faut pas hésiter, dans un premier temps,

à insister sur des apprentissages dont le résultat est visible très rapidement par

l’élève. La lecture est un apprentissage très long qui demande persévérance et

dont l’acquisition ne se fera véritablement qu’après plusieurs années. En

revanche, certaines activités telles que la numération ou les techniques

opératoires permettent d’identifier ostensiblement leurs progrès. Ces progrès

peuvent être ensuite capitalisés par le biais de portefeuilles de réussites, d’arbre

de connaissances, ou de simples tableaux

o Ne pas sous-alimenter cognitivement ces élèves : il ne faut pas avoir peur de

stimuler ces élèves atteints de TCC. Il ne faut pas oublier que ces jeunes, même

s’ils peuvent avoir un retard scolaire, ne sont pas déficients. Ces jeunes ne sont

« pas dupes, et la reconstruction de leur estime de soi passe par un obstacle

surmonté, des acquisitions nouvelles.34

»

Des mises en place à risque

De par leurs pathologies, certaines mises en place de séances peuvent permettre un

espace où leurs troubles trouveront un lieu et un temps où s’exprimer.

C’est le cas par exemple des manipulations en sciences qui, si elles ne sont pas très

bien pensées et extrêmement cadrées peuvent être source de débordement. Dans cette

perspective également, les activités de groupe visant à se servir du conflit sociocognitif sont

plus souvent source d’angoisse car elles sont nécessairement, une plongée dans l’inconnu.

Il est à noter toutefois, qu’il ne faut pas non plus éliminer totalement ces mises en

place des pratiques. En effet, si l’objectif pédagogique en termes de savoir ou de compétences

scolaires est difficilement atteignable par ces biais, ces activités peuvent permettre de

travailler des attitudes qu’ils ne maîtrisent pas dans les relations aux autres, dans des groupes.

L’empêchement de penser : écouter, parler et écrire

Face à la difficulté de penser et ses conséquences que définit Serge Boimare, prenant

pour base des textes fondamentaux, ce dernier a mis en œuvre des séances pédagogiques avec

de jeunes collégiens en difficultés visant à lutter contre cet « empêchement de penser ». Ces

séances quotidiennes d’une heure, sont construites en trois temps, suivant un rituel clair. En

outre, elles permettent de travailler non seulement les difficultés spécifiques des jeunes

atteints de TCC, mais également des compétences et connaissances que des élèves ordinaires

se doivent également d’acquérir.

Le choix des textes

Pour ce faire, Serge Boimare entend s’appuyer sur des textes fondamentaux

appartenant à la culture de l’Humanité tels que les grands mythes grecs, ou les contes35

.

34

B. Egron (sous la direction de ), Scolariser les élèves handicapés mentaux ou psychiques, CRDP Nord, 2010,

p.77. 35

B. Bettelheim, Psychanalyse des contes de fées, Robert Laffon, 1976, réédition Pocket, 1999.

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Les troubles des conduites et du comportement

Tentatives de définition et modalités de prise en charge

Charles Lagard, janvier 2015

31

Dans les programmes de 2008, la part belle est faite à ces œuvres de la culture

humaniste qui ouvrent « l’esprit des élèves à la diversité et à l’évolution des civilisations, des

sociétés, des territoires, des faits religieux et des arts, [permettant] d’acquérir des repères

temporels, spatiaux, culturels et civiques. Avec la fréquentation des œuvres littéraires, [ces

textes contribuent] donc à la formation de la personne et du citoyen 36

»

De plus, en ce qui concerne les élèves atteints de TCC, ces textes sont structurants et

d’un haut niveau culturel. Ils font écho aux fonctionnements psychiques des jeunes,

structurant leur propre fantasme et diminuant leur peur d’apprendre. Ils répondent aux

questions fortes qui intéressent les jeunes et notamment ceux qui n’ont pas l’usage de la

pensée. Ces textes permettent d’apporter « des images à partir des mots lus », « mettant enfin

de la forme et du contenu sur des peurs37

» Cinq thèmes reviennent particulièrement38

:

les origines (Chronos et Zeus, Œdipe…)

le désir confronté à la loi et à l’attente (La boite de Pandore; Hélène et Paris…)

le conflit entre génération (Icare et Dédale, …)

l’organisation du groupe social (Créon et Antigone)

les sentiments éprouvés devant les grandes épreuves de la vie comme la

séparation, l’amour, la mort (Eurydice et Orphée, Thésée et Ariane…)

Enfin, il faut être vigilant dans le choix de textes proposés. Ces derniers doivent

présenter trois qualités :

Retenir l’intérêt, car ces jeunes ont parfois du mal à entrer dans une histoire,

d’autant plus quand qu’ils ont des difficultés à écouter quand on s’adresse à un

groupe.

Permettre « de mettre des mots et du scénario sur des émotions et des

inquiétudes » pouvant émerger quand la réflexion doit advenir.

« donner du fil pour s’éloigner » : les textes doivent à la fois permettre à ces

jeunes de rapprocher de leurs peurs, tout en leur laissant la possibilité de les

fuir tout en même temps.

1er

temps : un travail d’écoute (15 à 20 minutes)

Chaque séance débute donc par un temps de lecture offerte de 15 à 20 minutes. Ce

travail est réservé au nourrissage culturel des jeunes.

Il a un double objectif :

Apprendre à écouter : cela répond directement aux programmes de l’Education

Nationale « Écouter lire des œuvres intégrales, notamment de littérature de

jeunesse ».

Mettre des mots et du scénario sur des inquiétudes arrivant avec l’activité

intellectuelle

36

Ministère de l’Education Nationale, Programme de l’école élémentaire, CE2, CM1, CM2, hors-série n°3 du 19

juin 2008. 37

S. Boimare, « la psychopédagogie face aux adolescents ascolaires », in S. Boimare, Pratiquer la

psychopédagogie, Dunod, 2010, p.20. 38

Ibid., p21.

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Les troubles des conduites et du comportement

Tentatives de définition et modalités de prise en charge

Charles Lagard, janvier 2015

32

Compétences travaillées39

:

lire et comprendre des textes variés

comprendre de textes littéraires (récits, descriptions, dialogues, poèmes).

soutenir une écoute prolongée (lecture, musique, spectacle, etc.

2ème

temps : un travail d’argumentation (15 à 20 minutes)

En s’appuyant sur ce qui vient d’être lu, et guidé par l’enseignant, le deuxième temps

de la séance est destiné à structurer et fixer le récit, puis faire entrer la classe dans un débat, et

donc à inciter les élèves à argumenter.

Le premier temps du passage à l’oral va permettre aux élève de redire, reformuler avec

leurs propres mots ce qui a été raconté. Cette étape permet de marquer les grands temps de

l’histoire, d’éviter les éventuelles erreurs de compréhension, les malentendus, puis enfin de

dégager une ou plusieurs questions posées par le texte (Pourquoi Prométhée est-il puni pour

avoir donné le feu aux Hommes ?) Pour les plus jeunes, ou les plus en difficulté, les supports

du dessin ou du jeu de rôle peuvent être d’un grand secours. Cela permet notamment de

« rattraper » ceux qui avaient pu se perdre dans la lecture.

Dans un second temps, doit affleurer un échange tentant de répondre à la question qui

a pu émerger du récit. Pour que cela puisse se faire correctement, il est nécessaire de prendre

garde à ce qu’un seul plus à l’aise ou plus favorisé d’un point de vue culturel, ne garde le

temps de parole que pour lui. C’est par cet exercice de débat, basé sur des récits qui leur font

écho, que le travail, et l’exercice réflexif peut se mettre en place et se construire.

Compétences travaillées40

:

résumer ou reformuler un texte lu ou un propos entendu

s’exprimer à l’oral comme à l’écrit dans un vocabulaire approprié et précis ;

prendre la parole en respectant le niveau de langue adapté

prendre part à un dialogue : prendre la parole devant les autres, écouter autrui,

formuler et justifier un point de vue

dégager le thème d’un texte

utiliser ses connaissances pour réfléchir sur un texte (mieux le comprendre,

ou mieux l’écrire)

3ème

temps : un travail d’écriture (15 à 20 minutes)

Enfin, après l’écoute, et le parler, Serge Boimare introduit dans un dernier moment, le

temps de l’écriture. Il doit se faire de manière individuelle, répondant à la question

émergeante. Un minimum et un maximum de lignes doivent être établis en fonction de l’âge

et des capacités des jeunes qui travaillent. Dans une même classe, cela permet donc aux

enseignants de personnaliser les consignes.

Même si l’auteur ne l’évoque pas, il est possible que, dans les premiers temps et en

fonction des publics, le travail d’écriture ne soit pas forcément une réponse à la question qui

a pu émerger, mais une restitution de l’histoire entendue. En effet, une question n’émerge pas

forcément des débats : le débat, et la naissance d’une question semblent au final la partie la

39

Ministère de l’Education Nationale, Programme de l’école élémentaire, CE2, CM1, CM2, hors-série n°3 du 19

juin 2008. 40

Ministère de l’Education Nationale, Programme de l’école élémentaire, CE2, CM1, CM2, hors-série n°3 du 19

juin 2008.

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Les troubles des conduites et du comportement

Tentatives de définition et modalités de prise en charge

Charles Lagard, janvier 2015

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plus complexe à mettre en œuvre. En outre, raconter avec ses mots le mythe qui vient d’être

lu, s’apparente en arts plastiques au faire « à la manière de ». Là encore, pour ceux pour qui la

mise en réflexion est d’une grande complexité, le fait de raconter, avec ses mots, une histoire

connue, permet de rassurer celui pour qui la recherche intérieure trouble au plus haut point.

Le travail d’écriture doit donc toutefois se faire individuellement afin que les élèves

atteint de TCC puissent « s’initier à cette solitude indissociable de l’effort intellectuel41

», et

qui, comme nous avons pu le voir plus haut, est source de grande angoisse. De par les

modalités mises en place pour en arriver à cette production, cette angoisse peut s’en trouver

amenuisée :

la lecture offerte leur donne des images nouvelles, permettant moins de saut

dans l’inconnu.

Le temps du débat leur permet un entrainement à la réflexion, renforçant le lien

entre leur peurs intérieures et les nécessités extérieures.

A la suite de ce travail solitaire, un retour au groupe peut se faire par la lecture devant

celui-ci de sa production. Ce passage n’est pas obligatoire, mais en général peu sont ceux qui

s’y refusent.

Compétences travaillées42

:

rédiger un texte d’une quinzaine de lignes (récit, description, dialogue, texte

poétique, compte rendu) en utilisant ses connaissances en vocabulaire et en

grammaire

orthographier correctement un texte simple de dix lignes - lors de sa rédaction

ou de sa dictée - en se référant aux règles connues d’orthographe et de

grammaire ainsi qu’à la connaissance du vocabulaire

montrer une certaine persévérance dans toutes les activités

Ainsi, comme il a pu être vu, il n’existe pas de recette toute prête pour prendre en

charge les jeunes/élèves atteints de Trouble des Conduites et du Comportement. En milieu

ordinaire, c’est bien souvent par une série de petits ajustements, de nouvelles mises en place,

de minces changements que la prise en charge peut se faire. Il n’y a pas une seule réponse,

mais un ensemble de possibles adaptés, adaptables et changeants en fonction des personnalités

en face desquelles nous sommes amenés à travailler. Dans un futur très proche (si ce n’est pas

déjà le cas), l’évolution rapide de la démographie scolaire des jeunes en situation de handicap

va amener les enseignants, spécialisés ou non, en milieu ordinaire ou spécialisé, à réadapter et

personnaliser leurs pratiques, et à réinterroger sans cesse non seulement leur manière de faire,

mais également leur manière d’être. Ce rapide tour d’horizon, inspiré à la fois des chercheurs

en la matière, de pédagogues reconnus, mais également d’expériences personnelles, entend

donner quelques premières pistes, afin que celui qui les emprunte puisse par lui-même trouver

et tracer son propre chemin.

41

Ibid., p. 23. 42

Ministère de l’Education Nationale, Programme de l’école élémentaire, CE2, CM1, CM2, hors-série n°3 du 19

juin 2008.

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Annexes

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Annexe 1 : Grille d’Observation du comportement (C. S. Marguerite-Bourgeoys)

Nom de l’élève Réalisé par, fonction École Date

AU CHAPITRE DES INDICATEURS SUIVANTS LE COMPORTEMENT EST JUGÉ… ADÉQUAT

SI « NON ADÉQUAT » IDENTIFIEZ

CONSTANCE* FRÉQUENCE PERSISTANCE INTENSITÉ

1 s

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OUI NON POUR LUI-MÊME POUR LES AUTRES

FACE À LA TÂCHE :

est attentif aux consignes

dispose du matériel nécessaire pour réaliser ses travaux

utilise adéquatement son matériel

commence son travail sans l’intervention de l’enseignant

réalise le travail demandé en respectant les consignes

travaille sans se laisser distraire et sans perdre de temps

fournit des efforts face à une difficulté

termine son travail dans le temps alloué

EN CLASSE :

est régulièrement présent en classe

arrive à l’heure à ses cours

garde silence lorsque l’enseignant le demande

lève la main et attend la permission de l’enseignant pour exprimer un commentaire ou faire une demande

se déplace en marchant calmement dans les locaux de classe

accepte la responsabilité et les conséquences de ses gestes

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36

Commentaires :

Fréquence : Combien de fois les comportements inappropriés se manifestent-il ? Persistance: Depuis combien de temps les comportements inappropriés se manifestent-il ?

Constance : Dans combien de situations les comportements inappropriés se manifestent-il ?

Intensité : Quelles sont les conséquences pour l’élève lui-même et pour les autres ?

AU CHAPITRE DES INDICATEURS SUIVANTS LE COMPORTEMENT EST JUGÉ… ADÉQUAT

SI « NON ADÉQUAT » IDENTIFIEZ

CONSTANCE* FRÉQUENCE PERSISTANCE INTENSITÉ

1 s

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OUI NON POUR LUI-MÊME POUR LES AUTRES

LORS DES DÉPLACEMENTS :

se déplace en marchant calmement

respecte les règlements de l’école :

FACE À L’ADULTE :

coopère avec l’adulte

demande l’aide de l’adulte lorsque nécessaire

accepte l’aide et le support de l’adulte

respecte l’adulte en paroles et en gestes

contrôle ses réactions émotives dans les situations difficiles

écoute l’adulte lorsqu’il lui adresse la parole

accepte bien les remarques de l’adulte

répond à l’adulte de façon convenable

participe activement à la résolution des conflits en proposant des solutions

FACE AUX PAIRS :

est reconnu positivement par les autres élèves

prend sa place adéquatement au sein du groupe

participe à la vie de groupe

demande et accepte l’aide des pairs lorsque nécessaire

écoute et respecte les autres lorsqu’ils s’expriment

respecte les autres en paroles et en gestes

contrôle ses réactions émotives dans les situations difficiles

participe activement à la résolution des conflits en proposant des solutions

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Annexe 2 : contrat « être élève » Être élève / Contrat Nom :

Période du au

Je suis capable de… Déjà acquis

avant Priorités à

travailler Evaluation

de la période

Par rapport à soi-même 1 – Être à l'heure

2 – Rester en classe

3 – Avoir une tenue corporelle adaptée à la situation

4 – Avoir ses outils pour travailler

5 – Respecter son matériel

Par rapport aux autres 6 – Respecter les règles de vie de la classe

7 – Avoir un langage adapté à la situation

8 – Respecter les autres physiquement

9 – Respecter les autres moralement

10 – Respecter le matériel des autres

Par rapport au travail individuel 11 – Commencer mon travail rapidement

12 – Respecter les consignes de travail

13 – Demander de l'aide

14 – Rendre un travail soigné

15 – Finir mon travail

Par rapport au travail collectif 16 – Respecter le travail des autres

17 – Travailler seul au milieu des autres

18 – Travailler à deux

19 – Travailler en groupe

20 – Aider un autre élève

Bilan de la période par rapport au contrat

Nombre de compétences

acquises

Nombre de compétences

travaillées

V

O

R

Signature de l'élève : Signature de l'adulte référent : Signature du membre de direction :

Méthodologie du contrat :

1 - Les réussites de l'élève Déterminer avec l'élève les compétences déjà acquises auparavant

2 – Le contrat avec l'élève Définir avec l'élève les compétences prioritaires qui seront travaillées pour la période

3 – Validation des nouvelles compétences Evaluer avec l'élève l'acquisition des compétences prioritaires choisies, pour la période

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38

Annexe 3 : le cahier de brouillon

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39

Quelques Références

Sitographie :

http://sylviecastaing.chez.com/comportement.htm

http://dcalin.fr/

http://cache.media.eduscol.education.fr/file/Handicap/85/6/Formation_TCC_222856.pdf

http://www.univ-

rouen.fr/servlet/com.univ.utils.LectureFichierJoint?CODE=1096555497279&LANGUE=0

http://www.psychiatrie-francaise.com/Data/Documents/files/CFTMEA%20-%20R-2012.pdf

Bibliographie :

B. Bettelheim, Psychanalyse des contes de fées, Robert Laffon, 1976, réédition Pocket, 1999.

S. Boimare, L’enfant et la peur d’apprendre, 2ème

édition, Dunod, Paris, 2004.

S. Boimare, « La psychopédagogie face aux adolescents ascolaires », in S. Boimare, Pratiquer la

psychopédagogie, Dunod, 2010

E. Demont, La psychologie, Edition sciences humaines, 2009.

B. Egron (Sous la dir. de), Scolariser les élèves handicapés mentaux ou psychiques, col. ASH Adapter

les pratiques pour scolariser tous les élèves, CRDP Nord-Pas-de-Calais, Lille, 2011

C. Madelin-Mitjaville, G. Wahl, Comprendre et prévenir les échecs scolaires, Odile Jacob, 2007.