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Galati Universitatea Dunarea de Jos Litere Mihaela Dragoi
UNITÉ 1 : Cours introductif
Thématique du cours
1. Le Moyen-Age littéraire – approche globale
2. Les chansons de geste: approche théorique (définition, traits généraux,
évolution, classification), le statut social des jongleurs, le public, les thèmes
épiques, le héros épique, le problème des origines, la forme, le style).
3. Application sur La Chanson de Roland - résumé du sujet, structure,
personnages, composition, le poème moral.
4.. Le lyrisme courtois : -la courtoisie – définition (sens large, sens étroit); -
l’amour courtois (bona amors, fin’amors) – les termes–clés, les vertus engendrées
par le concept de fin’amors; -le code de la civilité courtoise – les rapports poète-
dame ; -la topique du lyrisme courtois; -les troubadours et les trouvères – définition
et étymologie de ces deux termes; -les troubadours – classification, origines de la
poésie occitane, modèles poétiques cultivés, représentants ; - la poésie lyrique du
Nord de la France. Les trouvères. Les différences entre la poésie courtoise du Nord
et la poésie en langue d’oc.
5. Observation et analyse de tous les types de poèmes courtois (canso, sextine,
rotroensa, devinalh, descort, sonnet, alba et serena, planh, romance, pastourelle,
chanson à danser etc).
6. Le roman courtois : définition du mot “roman”, classification, thèmes
dominants; Chrétien de Troyes – romancier de la Table Ronde: repères
biographiques, œuvres essentielles, les pièces maîtresses de Chrétien de Troyes –
thèmes, cadre, matière, sujet ; -le symbole au Moyen-Âge;
7. Application sur Le chevalier de la charrette, Le chevalier au lion et Le conte du
Graal. Allégories, symboles et idéal humain dans les romans arthuriens. Le rôle du
Prologue.
8. Les fabliaux – définition, étymologie, traits, origine, personnages;
9. Application sur Le vilain mire, Le Testament de l’âne, Estula, Brunain, la vache
au prêtre, Les Perdrix.
10. Le théâtre au Moyen-Âge : La comédie au XVe siècle : les genres (soties,
monologues, sermons joyeux, moralités, farces). La farce – traits généraux, auteurs
et dates, origines, intérêt psychologique et documentaire, éléments du comique,
réactions suscitées. Le théâtre religieux
11. Application sur La Farce de maître Pathelin et sur Le Miracle de Théophile –
résumé, thèmes.
12. Les Grands Rhétoriqueurs
13. La poésie à la fin du Moyen-Âge (XIVe-XV
e siècles) – traits, représentants,
formes poétiques (ballade, rondeau, virelai) Charles d’Orléans – présentation de
l’œuvre, les grands thèmes, traits du lyrisme. Application sur Ballade CXX.
14. François Villon – présentation de l’œuvre, les grands thèmes, traits du lyrisme
Application sur L’épitaphe Villon, Ballade du concours de Blois, Ballade des
dames du temps jadis.
Bibliographie sélective
Abraham, Pierre, Histoire littéraire de la France, Ed. Sociales, Paris, 1971
Aubailly, J.-Cl., Fabliaux et contes du moyen âge, L. G. F., Paris, 1989
Balmas, Enéa, Littérature française : Renaissance, Arthaud, Paris, 1974
Bercescu, Sorina, Cours de littérature française, Moyen-Âge – Renaissance, Univ.
Bucureşti, 1975
Brunel, Pierre, Histoire de la littérature française, du Moyen-Âge au XVIIIe siècle,
Bordas, Paris, 1989
De Medeiros, M., Romanciers du Moyen-Âge, L. G. FM., Paris, 1987
Ion, Angela et coll., Histoire de la littérature française, I, Ed. Did. si Ped, 1982
Lagarde, A., Michard, L., Moyen-Âge, Renaissance, Bordas, Paris, 1970
Le Gentil, Pierre, La littérature française du Moyen-Âge, Armand Colin, 1968
Le Gof, J., Civilizatia occidentului medieval, Ed. Stiintifica, Bucureste, 1970
Lanson, Gustave, Histoire de la littérature française, Hachette, Paris, 1970
Zumthor, P., Incercare de poetica medievala, Ed. Univers, Bucuresti, 1983
Le Moyen-Age littéraire
I. L’évolution des genres et des formes littéraires au Moyen-Age
II. L’originalité de la littérature médiévale
Le Moyen-Age littéraire s’étend sur 4 siècles (du XIIe au XV
e siècle). Le
texte médiéval a une dimension plurielle et un caractère dynamique. Il se situe
« au-dessus des manifestations textuelles (Zumthor), car il est un objet auditif.
La littérature médiévale a deux formes, selon le mode de diffusion :
- des œuvres destinées à la récitation (l’épopée)
- des œuvres composées pour la lecture (le roman).
La diffusion orale est accompagnée de modes expressifs directs, de mimes,
de chants. La littérature a un aspect théâtral, dramatique.
I. L’évolution des genres et des formes littéraires au Moyen-Age
1. La poésie lyrique
2. Formes épiques (le roman et les fabliaux)
3. Formes dramatiques
1. La poésie lyrique comprend :
- la canso des troubadours (des XIe-XIIe siècles), la chanson des trouvères et un
grand nombre de formes poétiques à forme plus ou moins fixe (poésie qui ne se
sépare pas de la musique) ;
- la poésie du XIVe siècle, représentée par Guillaume de Machaut, qui privilégie
des genres nouveaux (le rondeau, la ballade). Elle connait son apogée avec Charles
d’Orléans.
- la poésie du XVe siècle, représentée par les Grands Rhétoriqueurs, qui exploitent
toutes les ressources (lexicales et syntaxiques) de la langue française.
2. Les formes épiques naissent pendant les deux premiers siècles du Moyen-Age
littéraire :
- le roman courtois (Chrétien de Troyes)
- la littérature didactique et allégorique (Le Roman de la Rose)
- les fabliaux.
3. Le théâtre (XIIe – XIII
e siècles)
La distinction aristotélicienne entre tragédie et comédie ne fonctionne pas au
Moyen-Age. Pour cette période, on distingue le théâtre religieux et le théâtre
comique.
Les formes théâtrales
3.1. Le théâtre religieux comprend le drame semi-liturgique et le drame
religieux.
3.1.1. Le drame semi-liturgique – moitié chanté, moitié déclamé ; bilingue
(en latin – les didascalies et les chants liturgiques) et en français ; joué sur le
parvis, avec la façade comme décor, l’église servant de coulisses ; ex. : Jeu
d’Adam, XIIe siècle – il réactualise les épisodes centraux de l’Ancien et du
Nouveau Testament).
3.1.2. Le drame religieux – déclamé, en français, sur la place du marché (le
théâtre est coupé de l’Eglise) ; la religion n’est plus qu’un prétexte) ; ex. : Le Jeu
de Saint Nicolas, de Jean Bodel, v.1200, Le Courtois d’Arras, v. 1210, Le Miracle
de Théophile de Rutebeuf, XIIIe siècle, v. 1260.
A la fin du Moyen-Age (XIVe – XV
e siècles), le théâtre religieux emploie
ces formes :
- les miracles (40 Miracles de Notre-Dame par personnages, partiellement
bases sur les contes dévots de Gautier de Coincy, Miracles de Notre-Dame, début
du XIIIe siècle) ;
- les passions (jeux scéniques autour de passion du Christ) ;
- les mystères.
3.2. Le théâtre profane (comique) :
- des farces (La Farce de Maitre Pathelin, Adam de la Halle, Le Jeu de la
Feuillée, 1276 et Le Jeu de Robin et de Marion, 1274-1282) ;
- des soties ;
- des jeux de carnaval ;
- des moralités (théâtre allégorique qui veut donner des leçons plaisantes) ;
- des monologues (« pièces à une voix »).
II. L’originalité de la littérature médiévale (les éléments qui la distinguent
des autres époques littéraires)
Cette littérature est un fait social, car bien des œuvres sont anonymes et on
ne peut pas les expliquer à travers l’homme qui les a écrites. Cette littérature a été
conditionnée par des réalités sociales, économiques et culturelles qui se
reconnaissent en elle.
LEXIQUE
MOYEN-ÂGE – l’« âge moyen », situé entre l’Antiquité et la Renaissance, qui
implique une certaine unité de culture (tout comme dans la lecture des syntagmes
« âge du bronze » ou « âge de la pierre »). Cette période historique s’étend de la
chute de l’Empire romain en Occident (476), jusqu’à la prise de Constantinople par
les Turcs (1453). Régine Pernod (Histoire de la bourgeoisie en France. Des
origines aux Temps Modernes, Éditions du Seuil, 1981) partage ainsi cet âge :
- le Haut Moyen-Âge (de la chute de l’Empire romain à Charlemagne) ;
- l’époque carolingienne ou l’âge féodal (du milieu du Xe à la fin du XIII
e siècle)
et
- le Bas Moyen-Âge pour les XIVe et XV
e siècles.
DYNASTIE CAROLINGIENNE – du latin médiéval « Karolingi » - de Carolus,
Charlemagne ; dynastie qui succède en Gaule aux Mérovingiens en 751, qui
restaure l’Empire d’Occident (800-887), régnant sur la France jusqu’en 987. Elle
est fondée par Pépin le Bref, qui se fait élire roi des Francs en 751 et doit son nom
à son représentant le plus illustre – Charlemagne (742-814). Le centre du
gouvernement est fixé en 794 à Aix-la Chapelle.
DYNASTIE MÉROVINGIENNE – du latin médiéval « Mérowigi » - Mérovée ;
dynastie qui règne sur les Francs Saliens, puis sur la Gaule à partir de Clovis (481-
511). Fils de Childéric et petit-fils de Mérovée, Clovis unifie le peuple franc,
conquiert la majeure partie de la Gaule, se convertit au christianisme et transfère la
capitale de son royaume de Tournai à Paris.
DYNASTIE CAPÉTIENNE – dynastie fondée par Hugues Capet (à qui elle doit
son nom : « Capet » est le surnom du roi Hugues Ier, par allusion à sa cape) et qui
règne en France de 987 à 1328, après les Carolingiens. Concédée à l’origine de
façon élective, la dignité royale devient héréditaire à partir de 1179. Issue des
Robertiens, la dynastie capétienne a des branches collatérales – les Valois et les
Bourbons – et comprend 14 souverains.
VERNACULAIRES, VULGAIRES (langues) – du latin vulgus, « peuple »;
idiomes employés dans la communication de tous les jours, à partir du IXe siècle,
qui remplacent le latin pour exprimer les idéaux et les valeurs d’une culture
profane. Les premiers textes écrits dans une langue vernaculaire sont des
documents juridiques (Les Serments de Strasbourg, 842) et des récits
hagiographiques (Vie de saint Alexis, vers 1040, ou Sermon sur Jonas, vers 940).
LANGUE D’OC – parler dérivé du latin vulgaire, correspondant à la période
féodale ancienne, dans le Midi de la France. Les Français de la distinguaient de la
langue d’oïl. Les deux termes en question proviennent de la façon différente
d’exprimer l’adverbe d’affirmation : « oïl » et « oc » (aujourd’hui « oui) du latin
« hoc ille ».
On peut la diviser en plusieurs dialectes très proches les uns des autres: le
provençal, le languedocien, l’auvergnat, le périgourdin, le dauphinois, le
gascon (avec le béarnais) et le catalan (jusqu’au XIIIe siècle, le catalan est une
branche de la langue d’Oc).
LANGUE D’OÏL – parler dérivé du latin vulgaire, correspondant à la période
féodale ancienne, dans la moitié Nord du pays. Les dialectes de la langue d’oïl
sont : le francien , le normand (avec sa variété anglo-normande depuis la fin du
XIe siècle), le picard, le wallon, le champenois, le lorrain, le bourguignon, le
berrichon, l’angevin et le poitevin.
QUADRIVIUM – programme d’éducation qui tient a donner une connaissance
encyclopédique du monde par le regroupement de la « géométrie » et de
l’ »arithmétique » (des exercices pratiques ou l’on s’entraîne au maniement des
chiffres romains) et de l’ »astronomie » (technique assez rudimentaire, appliquée
soit au « comput », au calcul de la date de Pacques – pivot du calendrier religieux,
soit a la divination par les étoiles) et de la « musique » (apprentissage du chant
liturgique).
UNIVERSITÉ – du latin « universitas » - communauté ; ensemble des étudiants et
des maîtres intégrés dans la vie d’une cité; lieu de pensée collective, de débat
perpétuel et d’effervescence intellectuelle organisé au XIIIe siècle sous la
protection papale. Au sein de l’Université, la faculté des arts donnait les bases des
lettres et des sciences et ouvrait aux facultés de médecine, de droit ou de théologie.
L’Université de Paris accueillait les maîtres les plus prestigieux en théologie,
comme le Dominicain Thomas d’Aquin ; l’Université d’Orléans s’illustrait dans le
droit, celle de Montpellier dans la médecine etc. Les étudiants payaient leurs
professeurs et leurs livres.
ART ROMAN – ensemble de formes architecturales qui s’épanouissent au XIe
et
surtout au XIIe
siècle. Elles sont généralement fondées sur des harmonies
mathématiques ou musicales, étant influencées parfois par l’art arabe ou par l’art
byzantin. L’art roman comprend deux étapes de son développement.
ART GOTHIQUE (ART OGIVAL) - ensemble de formes architecturales liées à
art urbain et à l’essor des villes (la plupart des cathédrales gothiques sont élevées
dans les villes). Le trait essentiel de ces édifices est leur « élan vertical » qui donne
une sensation d’arrachement à la terre. On identifie généralement l’art gothique à
la croisée d’ogives et aux arcs-boutants. En France, les premiers édifices gothiques
sont la cathédrale d’Autun (1120-1132) et la basilique de Saint-Denis (reconstruite
de 1140 à 1144), même si elles conservent encore un mélange des styles. Les
principales étapes de l’épanouissement de l’art gothique sont : le gothique primitif
(de 1140 à 1190), le gothique classique (1190-1240), le gothique rayonnant
(XIIIe
et XIVe
siècles), le gothique flamboyant (1350-1500) et le gothique
bourguignon.
CROISADE, CROISEMENT, CROISERIE, CROISIÈRE – mot dérivé du latin
« croce » - croix; nom qui désigne les huit expéditions militaires déclenchées du
XIe au XIII
e siècle par les armées de chevaliers chrétiens d’Occident, sous
l’impulsion de la papauté, pour délivrer les Lieux Saints occupés par l’Islam. Le
terme de « croisade » apparaît tardivement en français : Le Trésor de la langue
française fait remonter l’expression « soi cruisier » - se croiser à la Vie de St
Thomas le martyr de Guernes de Pont-Sainte-Maxence datée de 1174, et le terme
de « croisade » aux Chroniques de Chastellain datées de 1475. Le Dictionnaire
historique de la langue française note une première apparition du mot vers 1460.
Le terme ancien « crucesignatus » signifie « croisé », « marqué par la croix ».
HÉRÉSIE - doctrine d’origine chrétienne contraire à la foi catholique et
condamnée par l’Église ; les hérésies connaissent un grand développement aux
XIe siècle et XII
e siècles, se répandent souvent à travers les routes de pèlerinage.
L’hérétique est vu comme un lépreux qu’il faut éloigner du groupe des fidèles, par
l’excommunication et par l’exil.
INQUISITION - du latin « inquisitio » - enquête ; tribunal créé par l’Église
catholique romaine, qui était chargé d’émettre un jugement sur le caractère
orthodoxe ou non - par rapport au dogme religieux.
FÉODALITÉ – un système de relations sociales, d’usages et d’attitudes mentales,
établi à l’intérieur des couches supérieures de la société des Xe, XI
e et XII
e siècles
(certaines relations de droit féodal continuant jusqu’en 1790), qui repose sur
l’existence de fiefs concédés par des seigneurs à des vassaux en échange de
services particuliers, qui sont surtout militaires.
FIDÉLITÉ – la deuxième phase du contrat vassalique: une fois l’hommage reçu
par le seigneur, le vassal prête sur les Évangiles ou sur des reliques un serment de
fidélité qui rend l’acte irrévocable, en faisant du lien humain un lien divin.
FIEF – terme forgé à partir du mot latin « feodum » ; terre concédée par le
suzerain à son vassal par un acte symbolique appelé « cérémonie d’investiture ».
HOMMAGE – du latin « hominium » ; cérémonie par laquelle s’établissent des
liens personnels entre deux membres des couches sociales dominantes. La
cérémonie avait lieu en général au manoir seigneurial du futur suzerain, en
présence de plusieurs témoins. Elle rappelait publiquement l’existence d’une
relation de féodalité entre deux familles, voire deux lignages, représentés par leurs
chefs. Le vassal est le chevalier dont la fonction est de servir la justice et la paix.
En rendant hommage au suzerain, le vassal s’interdit tout acte d’hostilité contre lui,
et promet de lui apporter aide et conseil. En échange, le seigneur lui assure la
possession paisible d’un fief, généralement une terre dont le revenu lui permet de
vivre noblement et de s’équiper pour la guerre. Le cérémonial de l’hommage est
très précis: à genoux en face de son seigneur, tête nue, le vassal tend ses mains
jointes vers son supérieur. Le seigneur ferme ses mains dans celles de son vassal.
Le vassal proclame sa volonté de servir son seigneur. Il devient ainsi son
« homme », il fait don de sa personne. Le geste peut être aussi suivi d’un baiser de
paix, sur la bouche.
ORDRE – groupe social ayant une fonction définie ; aux XI-XIIIe siècles, la
société était organisée en trois ordres – les paysans, les chevaliers et les moines.
SEIGNEUR – maître de qui dépendent, aux XIe - XIII
e siècles, des terres et des
personnes. Son domaine porte le nom de « seigneurie ». Il est un châtelain dont la
seule mission est celle de défense contre les ennemis de l’extérieur.
UNITÉ 2
La chanson de geste – le poème épique – l’épopée
= une manifestation archaïque de la littérature
1. Les traits définitoires de l’épopée:
- elle raconte en vers un moment de l’histoire ;
- le poète concentre sur un petit nombre de personnages l’action qui a touché en
fait des milliers d’hommes ;
- le poète stylise le caractère des héros pour qu’ils incarnent chacun une figure-
type ;
- l’intention de l’épopée est de glorifier une figure ou un événement du passé pour
rappeler un idéal moral, politique ou social ;
- elle exagère constamment et simplifie l’action pour insister sur les lignes
majeures du récit (au bon correspond le mauvais).
2. Epopée /vs/ chronique historique
Epopée Chronique historique
- le poète raconte les choses telles
qu’elles ont pu se passer ;
- il met en lumière les pensées secrètes
des personnages ;
- il soumet à ses volontés les
puissances divines : le merveilleux se
mêle au récit réaliste, car l’élément
divin intervient dans le déroulement
des faits exposés.
L’épopée est donc un récit à valeur
mythique.
- le poète choisit un point de vue
chronologique dans la présentation des
faits ;
3. La chanson de geste – définition du syntagme ; public visé, jongleurs, forme
(laisse, style formulaire) et contenu (thèmes, classifications)
CHANSON DE GESTE – (« poésie de l’action » des XIe – XII
e siècles) qui
chante en langue vulgaire, en décasyllabes ou en alexandrins réunis en laisses
assonancées, les « hauts faits » du passé (et tout particulièrement les exploits
guerriers de Charlemagne et de ses preux chevaliers contre les Sarrasins). Le plus
ancien poème lyrique est La Chanson de Roland (v. 1098).
GESTE – du lat. « gesta » – haut fait du passé, exploit guerrier, action noble; mot
qui recouvre trois sens communément acceptés :
- action de grand éclat, qui mérite d’être consignée par l’histoire ;
- histoire écrite des prouesses d’un puissant seigneur (dans la Chanson de Roland
l’emploi récurent de la formule « ça dit la geste » autorise la synonymie « geste » –
« chronique » ;
- famille qui, par ses exploits hors du commun, est retenue par l’histoire.
C’est ce dernier sens qui explique la réunion des chansons en cycles, à partir de
l’idée de famille :
- La geste du Roi - cycle qui comprend une trentaine d'œuvres permettant de
reconstituer une histoire poétique de Charlemagne. Le roi groupe autour de lui des
héros et des personnages historiques ou légendaires.
- La geste de Garin de Monglane – comprend environ vingt-cinq poèmes
ordonnés autour de Guillaume d’Orange, arrière-petit-fils de Garin de Monglane,
aïeul légendaire. Il acquiert dans les légendes des titres et une lignée ; il devient
Guillaume Fiérebras, au Court-Nez, de Narbonne, d’Orange. L'action se déroule
surtout en Languedoc et en Provence.
- La Geste de Doon de Mayence (des barons révoltés) - cycle qui a pour thème
les luttes féodales.
JONGLEUR – du lat. « joculatores » – celui qui joue avec les mots ; conteur
itinérant indépendant, « diffuseur » des œuvres littéraires médiévales (chansons de
geste, fabliaux, poèmes lyriques), qu’il interprète selon sa propre fantaisie presque
partout: dans les villes et les bourgs, sur les routes de pèlerinage ou à la cour des
grands seigneurs féodaux. En général, les jongleurs sont illettrés et travaillent en
troupes: un narrateur chanteur produit le récit, accompagné de la harpe ou de la
vielle, tandis que d’autres miment les événements décrits.
LAISSE – cellule de base de la chanson de geste; strophe de longueur variable
(entre cinq et une trentaine de décasyllabes rythmés généralement 4/6).
Les thèmes épiques :
- l’héroïsme, la grandeur des exploits militaires ;
- l’exaltation des liens féodaux ;
- l’épopée de la foi.
4. La question des origines des chansons de geste (théories mises en œuvre par
les médiévistes des XIXe -
XXe siècles, qui se sont interrogés sur la valeur
historique des chansons de geste.)
La théorie traditionaliste La théorie individualiste
- soutenue par Gaston Paris (1865),
Ferdinand Lot et Ramon Menedez
Pidal ;
- élaborée par Pio Rajna (1884) et
Joseph Bédier (Les légendes épiques –
4 volumes publiés entre 1908 – 1913) ;
- la théorie des cantilènes – les
chansons seraient le fruit d’une
création continue, le produit d’une
tradition (la théorie de la transmission
du siècle en siècle) ;
- les cantilènes sont de courtes pièces
populaires, imaginées après les grandes
invasions, qui portaient sur les
événements historiques. Elles étaient
réunies sous l’apparente cohérence
d’une épopée (ces courtes cantilènes
étaient cousues entre elles et ont donné
naissance aux chansons de geste) ;
- cette activité poétique était envisagée
comme un reflet du sentiment
national ;
- les chansons seraient créées par des
poètes conscients de leur art ;
- les chansons de geste n’ont rien de
populaire, elles exaltent l’aristocratie
guerrière ; en outre, on ne connait
aucune cantilène, donc elle n’a
probablement existé.
La théorie de Joseph Bédier
s’exprime des les premiers mots de son
ouvrage :
« Au commencement était la
route jalonnée de sanctuaires.
Avant la chanson de geste, la
légende : légende locale,
légende d’église. »
Sur les routes des pèlerinages, les
monastères exposaient les reliques de
héros et de martyrs capables d’attirer
les pèlerins. Les clercs ont lu, par
exemple, le récit de la mort de Roland
dans la Vita Karoli d’Eginhard. Ils ont
inventé l’histoire des reliques
rolandiennes pour les montrer aux
pèlerins et faire ainsi de la publicité à
leurs églises. Ils ont fourni les
documents nécessaires à un poète, pour
qu’il les exploite. A partir de ce qu’ils
lui ont raconté, il a écrit La Chanson
de Roland. Le Roland d’Oxford est une
création entièrement personnelle, écrite
d’un bout à l’autre par Turold, son
signataire énigmatique, trois siècles
après les événements de Roncevaux.
Donc les chansons de geste sont nées
des « légendes d’église ».
Conclusions : Ces deux attitudes opposées (le débat entre les traditionalistes et les
individualistes) permettent de mettre au centre des préoccupations la relation
complexe qui existe entre l’oral et l’écrit.
Evaluer les connaissances déjà acquises
Questions à choix unique/multiple
Dans la chanson de geste :
a) l’atmosphère est fondamentalement païenne
b) les thèmes religieux occupent le premier plan
c) les débats du cœur passent avant les récits de batailles
La vertu fondamentale des chansons de geste est :
a) l’honneur
b) la prouesse
c) la générosité
d) l’amour
La période d’apparition des chansons de geste se situe :
a) à la fin du Moyen-Age
b) au XIe siècle
c) au milieu du XIIe siècle
Mettez en français :
Teoria individualistă elaborată de Joseph Bedier în Legendele epice (1908-
1913) susţine că la originea cântecelor de gestă s-ar afla opera imaginată de un
artist conştient de arta sa. În timpul pelerinajelor, mănăstirile expuneau relicve de
eroi şi de martiri cu scopul de a-i atrage pe credincioşi. Clericii citiseră povestea
morţii lui Roland în Vita Karoli a lui Eginhard şi au inventat povestea relicvelor lui
Roland atât pentru a le arăta pelerinilor, cât şi pentru ca bisericile lor să devină mai
cunoscute. Ei i-au furnizat unui poet documentele necesare pentru elaborarea unei
epopei iar acesta din urmă a scris Cântecul lui Roland, plecând de la ceea ce ei i-au
povestit. Varianta de la Oxford ar fi deci o creaţie personală în întregime, scrisă de
la un capăt la altul de Turold, semnatarul său enigmatic, la trei secole după
evenimentele de la Roncevaux.
UNITÉ 3
Application : La Chanson de Roland
Fragments proposés à l’analyse:
Roland sent que la mort le saisit,
Que de la tête sur le cœur elle lui
descend.
Dessous un pin il est allé courant,
Sur l’herbe verte s’est couché sur les
dents,
Dessous lui met l’épée et l’olifant,
Tourna la tête vers la païenne gent :
Et il l’a fait parce qu’il veut vraiment
Que Charles dise, avec tous les siens,
Que le noble comte est mort en
conquérant.
Il bat sa coulpe à petits coups,
souvent
Pour ses péchés tendit à Dieu son
gant.
Roland le sent, sa vie est épuisée.
Vers Espagne il est sur un mont aigu,
et d’une main il bat sa poitrine.
« Dieu, mea culpa, devant tes vertus
pour mes péchés, les grands et les
menus,
que j’ai commis dès l’heure où je
naquis
jusqu'à ce jour qu’ici je suis
atteint ! »
Son dextre gant il a vers Dieu tendu.
Les anges du ciel descendent à lui.
Quand l’empereur eut fait justice,
et que sa grande colère fut apaisée,
quand il eut fait baptiser
Bramimonde,
le jour était passe, la nuit s’est faite
noire.
Le roi se couche en sa chambre
voûtée.
Saint Gabriel vient lui dire de la part
de Dieu :
« Charles, lève les armées de ton
empire.
Avec toutes tes forces va-t’en dans la
terre de Bire
secourir le roi Vivien dans Imphe,
cette cite que les païens assiègent.
Les chrétiens t’appellent et te
réclament ».
L’empereur voudrait bien n’y pas
aller :
« Dieu ! dit le roi, que de peines en
ma vie ! »
Il pleure des deux yeux, tire sa barbe
blanche.
Ici finit la geste que Turold
décline.
L’empereur est revenu d’Espagne,
Et vient à Aix, le meilleur siège de
France.
Il monte au palais, arrive en la salle.
Voici vers lui venue Alde, belle
damoiselle.
Elle dit au roi : « Où est Roland le
capitaine
Qui me jura de me prendre pour
femme ? »
Charles en a et douleur et pesance,
Pleure des yeux, tire sa barbe
blanche :
« Sœur, chère amie, d’homme mort
me demandes !
Je t’en donnerai un magnifique
échange :
C’est Louis, je ne saurais mieux dire,
Il est mon fils et tiendra mes pays ».
Alde répond : »Ce mot m’est bien
étrange !
Ne plaise à Dieu, à ses saints, à ses
anges,
Qu’après Roland je demeure
vivante ! »
Elle perd la couleur, tombe aux pieds
de Charlemagne,
Et soudain meurt. Dieu ait merci de
son âme.
Les barons français en pleurent et la
plaignent.
Unité 4 : LE LYRISME COURTOIS
Les premiers textes lyriques vulgaires apparaissent presque à la même
époque que les plus anciennes chansons de geste. À la fin du XIIIe siècle les
troubadours inventent la poésie lyrique en langue d'oc. Ils sont poètes mais aussi
musiciens et compositeurs à la différence des jongleurs qui le plus souvent, ne
faisaient que réciter, qu’interpréter les productions artistiques.
La redécouverte d’une morale profane entraîne de grandes transformations
dans l’idéologie du XIIe siècle. Dans cette société que naît la cortezia. Cette notion
désigne des qualités spirituelles et physiques qui caractérisent les gens de cour
(l’élégance, la politesse, la générosité, l’art de parler) exprimant un art de vivre,
conforme à l’idéal social et éthique de la chevalerie mais elle désigne aussi un art
d’aimer, une sorte de religion de l’amour. C’est a cette époque que se définit la
courtoisie, ce « phénomène d’ensemble de la civilisation, à la fois social,
psychologique, spirituel et littéraire » (Pierre Bec, Nouvelle Anthologie de la
lyrique occitane du Moyen Âge). 1
Appliqué à la littérature, le qualificatif « courtois » signifie : appartenant à,
pour et dans une Cour.
Les troubadours inventent une nouvelle conception de l'amour et l'intègrent
au système des valeurs chevaleresques. La fin'amor ou amour courtois, est une
éthique de la sexualité sublimée, et une esthétique du désir qui ne peut être assouvi
: la dame aimée est une suzeraine, par définition supérieure et inaccessible, en
général mariée à un autre. L'amour courtois est inséparable de la poésie, l'amour
pour la dame est aussi l'amour pour la langue. La poésie courtoise fonde ainsi une
morale profane de la création poétique. C'est par le raffinement formel du poème
que le troubadour lutte contre la menace, toujours présente au cœur du poème, du
néant, de l'ironie, du désespoir et de la mort. Le concept de joi, ambigu en raison
d'une étymologie multiple (gaudium, la joie, mais aussi joculus, le jeu, et peut-
être jocalis, joyau) met bien en évidence la complexité du plaisir recherché par le
troubadour, jeu et joie de l'amour mais aussi de l'écriture.
Les troubadours ont ainsi inventé la rime, qui, plus que la fin du vers,
signale les mots importants (amors, joi, dona) et surtout souligne l'entrelacement
des êtres dans l'amour et de l'amour avec la poésie. La chanson tout entière est
fondée sur la disposition, la mise en valeur des rimes, le jeu de leurs sonorités. La
rime n'existe pas ou peu avant les troubadours, elle restera pour longtemps, après
eux, la marque de la poésie dans la littérature occidentale.
Avec les troubadours, enfin, la poésie devient un métier et le poète un
écrivain, c'est-à-dire un créateur, un artisan de la langue. C'est la raison pour
laquelle leur poésie, très raffinée dans l'expression, ne poursuit absolument pas
l'originalité thématique. Le poète ne cherche pas la nouveauté, mais à renouveler
des motifs hérités par une voix, un style, une forme qui lui appartiennent en propre.
Il accorde par conséquent la plus grande attention aux formes du trobar.
Très vite la poésie des troubadours évolue vers un formalisme conscient et
raffiné. Les troubadours privilégient la réalisation virtuose de motifs et d'éléments
formels. Ils aiment intégrer de nombreuses citations de textes antérieurs. Leur
poésie est par conséquent assez difficile, très codée, très allusive et très
réglementée, même et surtout lorsqu'elle est au premier abord d'une grande
1 Ion, Angela, L’histoire de la littérature française, Bucuresti, 1981, p.25
limpidité. Chaque poème doit ainsi posséder une structure métrique et une mélodie
propres.
Les poèmes courtois ont, en général, été conservés dans des recueils
manuscrits regroupant les textes de nombreux auteurs qui sont appelés
« chansonniers ». Dans ces recueils on trouve également des vies souvent
postérieures qui fournissent des éléments biographiques extrêmement lacunaires.
Les troubadours sont d'origines sociales et de statuts très divers : Guillaume IX
était duc d'Aquitaine, Jaufré Rudel « prince de Blaye », mais Cercamon (« celui
qui court le monde ») et Marcabru (surnommé « pain perdu ») de simples jongleurs
sans doute très pauvres. L'un des principaux troubadours de la deuxième moitié du
XIIe
siècle, Bernard de Ventadour, qui suivit Aliénor d'Aquitaine à la cour
Angleterre, était d'origine assez humble, fils d'une servante du château de
Ventadour.
Les troubadours distinguent trois conceptions de l'art poétique. Le « trobar
leu » recherche une expression simple et naturelle, et se veut relativement facile et
accessible même s'il fait souvent montre d'une grande virtuosité. Jaufré Rudel ou
Bernard de Ventadour en sont des représentants. Le trobar clus (composition
« hermétique, fermée) ou le raffinement des concepts s’exprime par un vocabulaire
ambigu, dans une métrique compliquée à plaisir. Son théoricien est Raimbaut
d'Orange. Enfin le trobar ric (riche) préfère les rimes riches, des mots et
d'assonances rares, l'abondance de figures de langue. C'est notamment le propos
d'Arnaut Daniel.
Guillaume IX d'Aquitaine (1071-1127) est un grand seigneur, duc
d'Aquitaine, qui joue un rôle historique et militaire. Son oeuvre marque le début de
la poésie lyrique née sur le sol de France. Il est d'ailleurs présenté comme un grand
séducteur peu porté dans la vie à considérer ses maîtresses comme des suzeraines
inaccessibles.
Cercamon est l'un des plus anciens troubadours. C'est un jongleur de
Gascogne, dont Marcabru aurait été l'élève. Il continue l’œuvre de Guillaume IX et
crée des expressions et des images nouvelles, usant de termes élégants.
Marcabru surnommé « pain perdu », est un simple jongleur. Il s'élève
souvent contre l'hypocrisie de la fin'amor. Son style est marqué par un réalisme cru
et violent mais aussi par une discipline sévère et l'utilisation d'un lexique
recherché. C’est le premier poète du trobar clus.
Jaufré Rudel (écrit de 1130 à 1170) est prince de Blaye et seigneur de Pons
et de Bergerac. Son héritage poétique a su imposer dans la littérature le « thème de
l’absence ». Poète de l’amour lointain (amor de lonh), il chante une forme idéalisée
du sentiment amoureux.
Bernard de Ventadour est l'un des plus célèbres troubadours. D'origine
assez humble et suivit Aliénor d'Aquitaine à la cour d'Henri II Plantagenêt en
Angleterre. Parmi les pièces poétiques les plus connues du Moyen-Âge on compte
les vers de sa « chanson de la lauzeta » (l’alouette).
Bertran de Born est vicomte de Hautefort. On connaît de lui une
cinquantaine de poèmes, dont l'un avec sa notation mélodique. Leur sujet est
souvent l'amour, mais aussi la morale et la politique. Il joue un rôle politique assez
important dans l'histoire de son temps.
Arnaut Daniel s'inscrit dans la lignée de la poésie savante de Raimbaut
d’Orange. Entre 1180 et 1200, il compose 16 chansons, un sirventès, ainsi que sa
très fameuse sextine. C'est l'auteur le plus représentatif du trobar ric, langue riche
qui renouvelle le sens des mots, en crée de nouveaux, et privilégie les structures
formelles très recherchées.
La comtesse de Die est une des premières trobaïritz (femme troubadour) qui
chante l’amour dans la poésie d’oc. Elle connaît encore d’autres poétesses telles
que : Marie de Ventadour ou Clara d’Anduze.
À partir du milieu du XIIe siècle le lyrisme courtois s'implante aussi dans le
nord de la France. Cette avancée géographique est un passage de la langue d'oc à la
langue d'oïl, et ne va pas sans quelques 7transformations. Les poètes que l'on
nomme trouvères adaptent en langue d'oïl les structures formelles et les motifs de
la canso. Ils adoptent un style plus simple, d'allure plus populaire, et font évoluer
la poésie vers un lyrisme non courtois, découvrant de nouvelles formes poétiques.
Ces formes ne sont pas totalement inventées par les trouvères, elles sont parfois
reprises de genres plus anciens, de formes transmises par la tradition orale. Le goût
a sans doute changé et le style poétique des troubadours commence à paraître
distant, face à un ton plus personnel chez les trouvères. Les riches villes du nord de
la France deviennent peu à peu des centres littéraires importants.
Gace Brulé noble champenois, était protégé par Marie de Champagne. On
connaît de lui une cinquantaine de poèmes d'amour, qu'il écrit à partir de 1180
environ.
Conon de Béthune baron de haut lignage, a laissé des chansons courtoises
et des chansons de croisade.
Jean Bodel appartient à la confrérie des jongleurs d'Arras. C'est un véritable
écrivain de métier et un polygraphe : on lui attribue Les saisnes (Saxons) (chanson
de geste inachevée du dernier tiers du XIIe siècle), cinq pastourelles, neuf fabliaux,
l'une des premières pièces de théâtre en français, le Jeu de saint Nicolas (1200), un
miracle qui s'inspire d'une légende grecque énergiquement modernisée, et les
Congés un long poème d'adieu au monde écrit lors de sa retraite dans une
léproserie.
Thibaut de Champagne (1201-1253), roi de Navarre, petit-fils de Marie de
Champagne, arrière petit-fils d'Aliénor d'Aquitaine, est le trouvère le plus célébré
de son temps, et sera au siècle suivant salué par Dante comme un précurseur (De
Vulgari Eloquentia). Il est l'auteur de 71 compositions lyriques variées (dont 37
chansons d'amour) dans lesquelles il fait montre d'une grande virtuosité technique
et verbale (il apprécie jeux de mots, pointes, métaphores filées et allégories) ainsi
que d'une certaine désinvolture ironique envers la matière courtoise.
Colin Muset est ménestrel et compose une vingtaine de chansons
spirituelles et enjouées, qui s'éloignent souvent de la courtoisie pour faire l'éloge
des plaisirs des sens et de l'épicurisme. Précurseur d'une poésie plus personnelle, il
se met en scène et se raconte dans ses poèmes. Il y exploite également les
possibilités sémantiques de son pseudonyme (petite souris, mais aussi celui qui
musarde ou joue de la cornemuse).
La Renaissance du XIIe siècle
- dpv économique – c’est une période de relative stabilité et tranquillité, de
progrès économique. On assiste à l’essor des villes et à une expansion militaire
(l’époque des croisades). Les marchandises circulent régulièrement à travers
l’Europe, ce qui encourage l’essor de l’artisanat.
- dpv social – la société est divisée en trois groupes : le clergé, l’aristocratie et la
bourgeoisie.
- dpv culturel – le christianisme est le point de départ et le fondement de toute la
pensée médiévale (les monastères = des fonds de civilisation, de culture, de
littérature). La culture officielle est cléricale et latine.
L’Eglise est l’institution qui organise l’instruction et qui crée les Universités.
On y étudie la théologie, la médecine, le droit et les arts libéraux.
L’enseignement est destiné aux clercs. Ils fréquentent des cours abbatiales et
épiscopales où ils reçoivent un enseignement organisé selon deux cycles
successifs : le trivium et le quadrivium. Après ce stage d’initiation dans les sept
arts libéraux, les clercs avaient accès aux études supérieures.
Les causes qui ont engendré le phénomène de la courtoisie, à partir de 1050 :
- l’essor de l’économie, le développement du commerce et l’importance acquise
par la vie de cour ;
- les croisades et les échanges avec l’Orient ont influencé les mœurs et la pensée du
monde occidental, car les Arabes avaient repris les traditions de la philosophie
grecque, à laquelle ils ont ajouté des éléments de culture hindoue, persane et
byzantine ;
- la redécouverte d’une morale profane : l’Eglise était faible, alors que les
coutumes de la société étaient très raffinées.
Les origines de la poésie courtoise
Sur l'origine de la poésie des troubadours il existe plusieurs hypothèses:
- la théorie arabo-andalouse - fait découler la poésie des troubadours du lyrisme
amoureux arabe, dans lequel on trouve, déjà bien des siècles avant la poésie des
troubadours occitans, un lyrisme chanté avec des strophes alternées et une série
de thèmes traditionnels. Depuis le IXe siècle, cet art était cultivé dans les cours
des princes arabes en Espagne. Les partisans de cette théorie supposent que les
troubadours ont repris une forme artistique déjà façonnée. La ressemblance des
motifs entre les sources arabes et la chanson d'amour provençale est très grande: il
ne s'agit pas cependant d'une imitation servile, car la conception éthique de l'amour
dans les deux cas est différente.
Il n'est donc pas exclu que la poésie islamique ait contribué à la naissance de
la lyrique occitane, comme l'a soutenu, entre autres, Ramon Menendez-Pidal. Un
des poèmes de Guillaume IX, la chanson XI, est écrit en quatrains d'octosyllabes
rimant AABB, ce qui est la forme même du zadjal andalou. Il est possible d'autre
part que le chanteur du grand chant courtois ait souvent modulé la fin des vers avec
des vocalises qui ne sont pas sans points communs avec celles de l'actuel flamenco.
- la théorie d'une origine antique (la thèse medio-latine) – est soutenue par le
Suisse Reto Bezzola, qui trouve la source de la fin’amors dans les vers du poète
Fortunat (VIe siècle) – évêque de Poitiers. Les précurseurs du lyrisme
troubadouresque seraient donc les néo-latins. Mais l’analyse parallèle de la poesie
medio-latine et de la lyrique occitane fait ressortir des différences tres grandes
(« climats affectifs » et « registres poétiques » différents). C’est qu’on peut retenir
de cette théorie, c’est l’influence de la poésie latine liturgique sur la structure
strophique et musicale des chansons.
- la thèse historique - explique la naissance de la poésie des troubadours à partir
de conditions historiques particulières, notamment la structure sociale de la société
courtoise. La femme du seigneur avait une position élevée dans la société courtoise
féodale; en l'absence de son mari (en cas de guerre ou de croisade), il était de son
ressort, du moins par moments, de diriger la cour et de gouverner. Comme elle
était héritière légitime, elle pouvait aussi devenir souveraine du territoire et le
chanteur de condition inférieure qui la servait était souvent son vassal.
LEXIQUE
COURTOIS (CORTEIS) - de l'ancien français « court » - cour ; homme qui a
toutes les qualités spirituelles et physiques nécessaires à une mise en place de la
fin’amor.
COURTOISIE (CORTEZIA) – système idéologique développé pendant le XIIIe
siècle dans les cours seigneuriales médiévales, qui se fonde sur une théorie et une
pratique raffinée de la fin’amor occitane. Le sens large, complexe, de la notion de
« cortezia » désigne toutes les qualités spirituelles et physiques qui caractérisent les
gens de cour : l’élégance, la politesse, la générosité, l’art de parler etc. Dans le sens
étroit, elle désigne une sorte de religion de l’amour.
FIN’AMOR – terme en ancien français qui pourrait se traduire en français
moderne par « amour parfait » ; thème introduit vers la fin du XIe siècle par les
troubadours méridionaux dans leur poésie érotique qui bouleverse toutes les
valeurs communément admises au milieu du siècle. Ce type de passion amoureuse
répond à une recherche exigeante d’un amour empreint de ferveur mystique et
d’abnégation. L’idéologie de la fin’amor se trouve également à la base des
premiers romans courtois, sous la forme d’une soumission totale du chevalier à sa
Dame dans le cadre d’un amour nécessairement adultère (l’amor mixtus). Elle
apparaît d’abord comme une tentative de transposer dans le domaine des relations
amoureuses le respect de la chevalerie et les rapports de vassal à suzerain. L’amour
courtois reprend la structure de base du système féodal, mais place la dame dans la
situation du seigneur (la dame est interpellée avec les termes masculinisants
« senhal » ou « mi dons » – « mon seigneur ».)
JOVENS – valeur engendrée par la lyrique courtoise, qui exige de la part des gens
de cour la jeunesse d’âme, la ferveur. Le sens large de cette notion désigne un
ensemble de qualités morales et chevaleresques, de devoirs imposes par l’amour.
JOY – notion liée à la fin’amor, qui exprime une joie de vivre générale et
universelle. Vue comme synonyme d’amour, cette joie spirituelle devient une force
capable de transfigurer l’homme.
LARGUEZA - valeur engendrée par la lyrique courtoise, qui exige de la part des
gens de cour la générosité.
MEZURA – valeur engendrée par la lyrique courtoise, qui exige de la part des
gens de cour le contrôle de soi, l’équilibre des sentiments et de la raison. Vue
comme l’expression d’une double éthique – sociale et individuelle, la mesure est
un devoir social important de l’homme courtois.
Unité 5 : Le lyrisme courtois – application
Fragments proposés à l’analyse:
Guette bien, guetteur du château,
Quand l'objet qui m'est le meilleur et
le plus beau,
Est à moi jusqu'à l'aube,
Le jour qui vient sans défaillir.
Jeu nouveau
Ravit l'aube, l'aube, oui l'aube!
Guette, ami, veille, crie, hurle,
Je suis riche, j'ai ce que je désire le
plus,
Mais je suis ennemi de l'aube.
La tristesse que nous cause le jour
M'abat
Plus que l'aube, l'aube, oui l'aube!
Gardez-vous, guetteur de la tour,
Du jaloux, votre mauvais seigneur,
Gêneur plus que l'aube;
Là-dessous parlent nos coeurs.
Mais peur
Nous fait l'aube, l'aube, oui l'aube!
Dame, adieu! Je ne puis rester
davantage:
Malgré moi je dois partir;
Combien m'attriste l'aube!
Avec quel chagrin je la vois se lever!
Nous berner
Veut l'aube, l'aube, oui l'aube!
Guette bien, guetteur du château,
Quand l'objet qui m'est le meilleur et
le plus beau,
Quand vois l'alouette mouvoir
De joie ses ailes face au soleil,
Que s'oublie et se laisse choir
Par la douceur qu'au cœur lui va,
Las! si grand envie me vient
De tous ceux dont je vois la joie,
Et c'est merveille qu'à l'instant
Le coeur de désir ne me fonde.
Hélas! tant en croyais savoir
En amour, et si peu en sais.
Car j'aime sans y rien pouvoir
Celle dont jamais rien n'aurai.
Elle a tout mon coeur, et m'a tout,
Et moi-même, et le monde entier,
Et ces vols ne m'ont rien laissé
Que désir et coeur assoiffé.
Or ne sais plus me gouverner
Et ne puis plus m'appartenir
Car ne me laisse en ses yeux voir
En ce miroir qui tant me plaît.
Miroir, pour m'être miré en toi,
Suis mort à force de soupirs,
Et perdu comme perdu s'est
Le beau Narcisse en la fontaine.
Des dames, je me désespère;
Jamais plus ne m'y fierai,
Autant d'elles j'avais d'estime
Autant je les mépriserai.
Pas une ne vient me secourir
Près de celle qui me détruit,
Car bien sais que sont toutes ainsi.
Avec moi elle agit en femme
Est à moi jusqu'à l'aube,
Le jour qui vient sans défaillir.
Jeu nouveau
Ravit l'aube, l'aube, oui l'aube!
Guette, ami, veille, crie, hurle,
Je suis riche, j'ai ce que je désire le
plus,
Mais je suis ennemi de l'aube.
La tristesse que nous cause le jour
M'abat
Plus que l'aube, l'aube, oui l'aube!
Gardez-vous, guetteur de la tour,
Du jaloux, votre mauvais seigneur,
Gêneur plus que l'aube;
Là-dessous parlent nos coeurs.
Mais peur
Nous fait l'aube, l'aube, oui l'aube!
Dame, adieu! Je ne puis rester
davantage:
Malgré moi je dois partir;
Combien m'attriste l'aube!
Avec quel chagrin je la vois se lever!
Nous berner
Veut l'aube, l'aube, oui l'aube !
Raimbaud de Vaqueyras, Gaita ben,
gaiteta del chastel (aube) - Guette
bien, guetteur du château (Traduit du
provençal en français moderne)
Ma dame, c'est ce que lui reproche,
Ne veut ce que vouloir devrait
Et ce qu'on lui défend, le fait.
Tombé suis en male merci
Car ai fait le fou sur le pont
Et si celà m'est advenu
C'est qu'ai voulu monter trop haut...
Et puisqu'auprès d'elle ne valent
Prière, merci ni droit que j'ai,
Puisque ne lui vient à plaisir
Que l'aime, plus ne lui dirai;
Aussi je pars d'elle et d'amour;
Ma mort elle veut, et je meurs,
Et m'en vais car ne me retient,
Dolent, en exil, ne sais où.
Tristan, plus rien n'aurez de moi,
Je m'en vais, dolent, ne sais où;
De chanter cesse et me retire,
De joie et d'amour me dérobe
Bernard de Ventadour, Quand vey la
lauzeta mover, Quand je vois voler
l'alouette
(Traduit du provençal en français)
Belle Doette aux fenêtres s'assied,
Lit en un livre mais au coeur ne l'en
tient;
De son ami Doon lui ressouvient,
Qu'en d'autres terres est allé
tournoyer.
Et or en ai deuil.
L'autre jour, sous une haie
J'ai trouvé une bergère
Pleine de joie et de bon sens,
Portant cape et capuchon
Comme fille de vilaine,
Veste et chemise de toile,
Souliers et chausses de laine.
Un écuyer aux degrés de la salle
Est descendu, a déposé sa malle.
Belle Doette les degrés dévale,
Ne cuide pas ouïr male nouvelle.
Et or en ai deuil.
Belle Doette aussitôt demanda:
"Où est messire que n'ai vu de
longtemps?"
Il eut tel deuil que de pitié pleura.
Belle Doette aussitôt se pâma.
Et or en ai deuil.
Belle Doette s'étant redressée,
Voit l'écuyer, à lui s'est adressée;
En son coeur est dolente et affligée
Pour son seigneur dont elle ne voit
mie.
Et or en ai deuil.
Belle Doette (lui) prit à demander:
"Où est messire que dois tant aimer?"
"Pour Dieu, dame, ne vous le puis
celer:
Mort est messire, occi fut à la joute."
Et or en ai deuil.
Belle Doette en son deuil vint à dire:
Quel malheur, comte Do (on), franc,
débonnaire,
Pour votre amour je vêtirai la haire,
Et sur mon corps n'aurai pelice de
vair,
Et or en ai deuil.
Pour vous deviendrai nonne à l'église
Saint-Paul.
Pour vous, je ferai une abbaye telle,
Que ce jour sera jour de fête nommé.
Si quelqu'un vient qui ait s'amour
Je viens à elle à travers prés
-Fille, dis-je, tendre chose,
J'ai mal car vous pique le froid.
-Seigneur me dit la vilaine,
Grâce à Dieu et à me nourrice,
Le vent peut bien m'ébouriffer,
Je suis gaie et bien portante.
-Fille, dis-je, jolie chose,
Je viens de quitter mon chemin
Pour vous tenir compagnie.
Une si jolie paysanne
Ne doit pas garder ainsi
Un si grand troupeau de brebis
Toute seule en pareil lieu.
-Monseigneur, qui que je sois,
Je connais bon sens et folie;
Quant à votre compagnie,
Monseigneur, dit la vilaine,
Qu'elle reste où elle doit.
Car tel croit saisir ceci
Qui n'en a que l'apparence.
...
-Fille, un coeur fier et sauvage
Finit pas s'apprivoiser.
Et j'ai bien vu au passage,
Qu'avec si mignonne vilaine
On peut faire un jolie couple.
En toute tendresse de coeur,
Pourvu que l'un ne trompe l'autre
...
-Seigneur, oui, mais selon la nature,
Le fou cherche la folie,
Le courtois la courtoisie,
Le paysan le paysanne.
Le bon sens est vite fêlé,
Si on ne garde la mesure
Ainsi disent les Anciens.
trompé,
Ja de ce moutier ne saura l'entrée.
Et or en ai deuil.
Pour vous deviendrai nonne à l'église
Saint-Paul.
Belle Doette prit l'abbaye à faire,
Qui moult est grande et tôt sera plus
grande;
Tous ceux et celles veut y accueillir
Qui pour amour peines et maux
endurent.
Et or en ai deuil.
Pour vous deviendrai nonne à l'église
Saint-Paul.
-Fille, je n'ai jamais vu
De fille aussi maline
Ni de coeur plus coquin que vous.
-Seigneur, la chouette dit:
Un tel baille à l'apparence
Et l'autre attend la manne.
Marcabru, L'autrier jost, una sebissa,
L'autre jour sous une haie (Extrait
traduit du provençal en français
moderne)
A la douceur de la saison nouvelle,
Feuillent les bois, et les oiseaux
Chantent, chacun dans son latin
Sur le rythme d’un chant nouveau ;
Il est donc juste qu’on ouvre son
cœur
A ce que l’on désire le plus.
De là-bas où est toute ma joie,
Ne vois venir ni messager ni lettre
scellée,
C’est pourquoi mon cœur ne dort ni
ne rit.
Et je n’ose faire un pas en avant,
Jusqu'à ce que je sache si notre
réconciliation
Est telle que je la désire.
Il en est de notre amour comme de la
Branche d’aubépine
Qui sur l’arbre tremble
La nuit, exposée à la pluie et au gel,
Jusqu’au lendemain, où le soleil
s’épand
Sur ses feuilles vertes et ses
Bien me plaît le gai temps de Pâques,
Qui fait feuilles et fleurs revenir,
Et me plaît ouïr le bonheur
Des oiseaux qui font retentir
Leurs chants par le bocage,
Et me plaît quand vois sur les prés
Tentes et pavillons dressés,
Et j'ai grand allégresse,
Quand vois dans la plaine rangés
Chevaliers et chevaux armés.
Et me plaît quand les éclaireurs
Font les gens avec leurs biens fuir,
Et me plaît quand vois après eux
Une grande armée ensemble venir,
Et me plaît en mon coeur
Quand vois châteaux-forts assiégés,
Remparts rompus et effondrés,
L'armée sur le rivage
Qui est entouré de fossés
Clos par de forts pieux serrés.
Et aussi me plaît le seigneur
Quand est premier à assaillir
A cheval, armé, et sans peur,
rameaux.
Encore me souvient du matin
Où nous mimes fin à la guerre,
Et où elle me donna un don si grand,
Son amour et son anneau :
Que Dieu me laisse vivre assez
Pour que j’aie un jour mes mains
sous son manteau.
Car je n’ai souci des propos
étrangers
Qui voudraient m’éloigner de mon
« Beau-Voisin »,
Car je sais ce qu’il en est
Des paroles et des brefs discours que
l’on répand :
Mais nous en avons la pièce et le
couteau.
(Guillaume de Poitiers, A la douceur
de la saison nouvelle)
Qu'ainsi fait les siens s'enhardir
Par valeureux exploits;
Quand dans le combat est entré
Chacun doit être décidé
A le suivre avec joie,
Car nul homme est en rien prisé
Avant qu'ait maints coups échangés.
Masses et épées, haumes de couleur,
Ecus tranchés et dégarnis
Verrons à l'entrée du combat
Et maints vassaux ensemble frapper,
Et en désordre courir
Chevaux des morts et des blessés;
Et quand il est en lutte entré,
Chaque homme de haut parage
Ne pense qu'à têtes et bras briser,
Mieux vaut un mort qu'un prisonnier.
Je ne trouve autant de saveur
A manger ou boire ou dormir
Comme quand ouïs crier: "A eux!"
De toutes parts, et ouïs hennir
Les chevaux par l'ombrage
Et ouïs crier: "A l'aide, à l'aide!"
Et vois tomber dans les fossés,
Petits et grands dans l'herbage,
Et vois les morts qui portent au flanc
Tronçons de lances avec leurs
flammes.
Barons, mettez en gages,
Châteaux, villes et cités,
Venez avec nous guerroyer.
Bertrand de Born, Be'm platz lo gais
temps de Pascor, Bien me plaît le gai
temps de Pâques (Traduit du
provençal)
Les formes du lyrisme courtois
ALBA (DIALOGUE AMOUREUX, CHANSON D’AUBE, AUBE, AUBADE)
– composition poétique savante du Moyen-Âge, fortement influencée par la
musique sacrée. Cette forme lyrique, longtemps en vogue en Provence, est un
dialogue amoureux qui comporte trois grands thèmes : la séparation des amants à
l’aube, le chant des oiseaux au lever du soleil et l’intervention du guetteur qui
interdit à tout importun de s’approcher et prévient les amants qu’avec l’aube vient
la séparation. La caractéristique de cette forme poétique est que le mot « alba »,
signifiant « aube », apparaît dans le dernier vers de chacun des six ou sept couplets
de la chanson.
CANSO (CHANSON D’AMOUR, CHANSON COURTOISE) – forme
poétique élaborée par les troubadours, correspondant à la chanson des trouvères ;
genre poétique très souple, formé de quatre à six strophes - « coblas », qui répètent
un schéma librement construit et qui s’accompagnent de la même mélodie. La
dernière strophe s’appelle « tornada ».
CHANSON DE TOILE (CHANSON D’HISTOIRE, ROMANCE, CHANSON
À FILER, BRODER, TISSER) – poème à forme variable, qui évoque les amours
d’un personnage féminin travaillant à son métier à tisser, d’où le nom de chanson
de « toile ». La belle dame s’y lamente en général sur la mort de son amoureux ou
sur son entrée au couvent. Chaque strophe se termine par un refrain. Cette forme
poétique est sans doute l’une des plus anciennes de la littérature française. Les
chansons de toile n’ont pas été composées par de petites fileuses de lin, mais par
des poètes et des musiciens accomplis.
ENVOI – vers à la fin d’une chanson ou d’une ballade qui contient le nom ou le
titre du destinataire (qui est soit la Dame, soit un grand personnage nommé
« Prince »). L’envoi est construit sur le même schéma de rimes que les strophes du
poème lyrique. En provençal: « tornada ».
PASTOURELLE – genre populaire qui se répand aux XIIe et XIII
e siècles dans
l’aire linguistique de la langue d’oïl (au nord de la Loire) et plus particulièrement
en Picardie ; chant d’amour, d’une structure strophique élaborée, qui fait alterner
couplets et refrain. La pastourelle obéit à un schéma stéréotypé - au cours d’une
promenade, le poète rencontre invariablement une bergère qui ne se laisse pas
séduire.
REVERDIE – poème chanté associant le renouveau de la nature et la rencontre
amoureuse dans une atmosphère légère invitant à la danse. Le cadre traditionnel de
la chanson courtoise - qui se donne pour tache de célébrer « la plus belle qui soit el
mont » (« au monde ») - est le temps des Pâques, dont les éléments indissociables
sont le chant des oiseaux, les feuilles et les fleurs nouvelles.
SIRVENTÉS (SERVENTOIS) – forme poétique utilisée par les troubadours et
les trouvères ; poème de circonstance, qui met en œuvre des problèmes de
l’actualité sur un ton souvent satirique ou moralisant. Il emprunte la forme des
vers, les rimes et le couplets à la chanson courtoise, mais, à l’opposé de celle-ci, il
n’exprime pas un sentiment individuel, mais un sentiment partagé par plusieurs
personnes.
TORNADA – strophe qui se trouve à la fin de la chanson en langue d’oc, égale à
la moitié d’une cobla ; elle ne comporte pas de refrain.
Unité 6 : Le roman courtois
Le mot « roman » signifiait au Moyen-Age tout texte traduit du latin en
langue vulgaire. Aux XIIe
et XIIIe siècles, on appelle aussi « romans » des textes
qui ne le sont pas tout à fait (Roman de Brut, Roman de la Rose, Roman de
Renart), tandis que l'on continue de trouver en concurrence, pour désigner le genre
romanesque, le mot « conte », qui en ancien français a le sens général de récit. Ce
roman est généralement dit « courtois ». La chevalerie prétend, à travers le roman,
ériger sa morale de classe en vérité universelle. Le roman répond aux aspirations
d’une aristocratie raffinée, disposant des loisirs, soucieuse d’encourager un art qui
soit à la fois l’expression embellie d’un idéal de vie et l’occasion d’une évasion par
le rêve.
Le XIIe siècle est celui de l'invention du genre romanesque en langue
française. Il voit fleurir des romans d'une grande diversité thématique, mais qui
sont en vers.
Les prologues des romans en vers insistent d'ailleurs sur le travail et le
savoir-faire de l'écrivain, qui y est souvent nommé. Ils sont le lieu d'une réflexion
sur l'écriture, sur son rapport à sa source. Mettre en roman, c'est mettre en
mémoire, consigner le passé par écrit afin qu'il survive. C'est aussi diffuser un
savoir et une sagesse : le romancier médiéval est le plus souvent un clerc, éclairé
par la religion chrétienne. Benoît de Sainte Maure insiste également sur le plaisir
que doit procurer le roman : il faut divertir pour instruire.
Les grandes œuvres de l'Antiquité sont au XIIe
siècle l'objet d'une
redécouverte relative : le Moyen-Âge ignore Homère ou les tragiques grecs, mais
dispose d'adaptations latines. Les romans dits « antiques » s'inspirent de ces
sources latines. Le premier roman antique a été rédigé vers 1120 par Albéric de
Pisançon qui a conté en laisses octosyllabes dans Les romans d’Alexandre
l’histoire d’Alexandre le Grand d’après des sources légendaires. Il ne reste de
l’œuvre qu’une centaine d’octosyllabes groupés en laisses. Le cycle d’Alexandre
ouvre le goût du public pour un certain exotisme, voire pour un merveilleux
oriental qui se retrouvera dans tous les autres « romans antiques » et qui réside
dans la description d’animaux et d’oiseaux fabuleux.
Les romans antiques les plus accomplis sont le Roman de Thèbes qui
s'inspire de la Thébaïde du poète latin Stace et relate le combat entre les fils
d'Oedipe, Polynice et Etéocle. Le Roman d'Énéas reprend et développe le thème
du héros fondateur d’une cité. L’innovation réside portant dans la façon de traiter
les personnages féminins. L’auteur s’inspire d’Ovide et Virgile : à un il emprunte
la trame de son récit et à l’autre les thèmes et les techniques des développements
amoureux.
Le clerc Benoît de Sainte-Maure est l’auteur du Roman de Troie. Il est
fidèle encore aux grands thèmes épiques.
Les romans antiques inaugurent des procédés qui seront durablement ceux
du genre romanesque : l'action narrative à proprement parler y est de plus en plus
fréquemment interrompue par diverses digressions, qui créent une durée et une
temporalité propres au roman. De longues descriptions (portraits de femmes ou
descriptions de ville), dilatent la narration : elles ont une fonction esthétique et sont
parfois l'occasion de somptueuses inventions langagières, mais elles ont également
une fonction didactique, en permettant au clerc de transmettre ses connaissances
scientifiques, politiques. L'action est aussi interrompue par des monologues et des
dialogues en tout genre : le roman, ainsi, découvre l'introspection et l'analyse
psychologique.
La matière de Bretagne s'inspire de légendes et contes celtiques transmis
oralement. Elle réunit ses thèmes et ses personnages dans un ensemble de récits et
de motifs légendaires regroupés autour de la figure d'Arthur et de ses chevaliers de
la Table Ronde. Les romans bretons ont également des sources plus savantes,
notamment diverses chroniques rédigées en latin depuis le VIe siècle : Geoffroy de
Monmouth écrit en 1136 une Historia Regnum Britanniae qui établit une filiation
entre Troie et l'Empire breton, fondé par Brutus, fils d'Ascagne et petit fils d'Énée.
L’illustre figure de Grande-Bretagne, Arthur est un personnage situé aux frontières
du réel et de l’imaginaire. Son identité historique est celle d’un chef militaire, qui
organise au VIe siècle la lutte de la nation bretonne contre les envahisseurs saxons.
La littérature fait de lui un roi mythique, un souverain idéal, représentant de toutes
les valeurs chevaleresques du Moyen-Âge. Arthur apparaît dans un texte du IXe
siècle, Historia Brittonum, attribué à Nennius, puis réapparaît dans les Annales
Cambriae du Xe
siècle. Wace décide de traduire le texte latin de Geoffroy et son
Roman de Brut amplifie le succès de l’histoire arthurienne. Sous la plume des deux
auteurs Arthur est un roi guerrier et aussi un souverain courtois exemplaire.
Marie de France est la première femme écrivain française, mais on ne sait
quasiment rien d'elle, si ce n'est ce qu'elle écrit elle-même dans l'épilogue de ses
Fables : "Marie ai num, si sui de France" (J'ai pour nom Marie et je suis de
France). Vivant probablement en Angleterre, liée à la cour d'Henri II Plantagenêt et
d'Aliénor d'Aquitaine, elle devait être originaire d'Île-de-France. Son œuvre
manifestant une grande culture, on la suppose abbesse d'un monastère. On a
conservé d'elle des œuvres d'inspiration assez différente.
Les Lais ou Contes sont un recueil de douze courts récits en octosyllabes à
rimes plates, de dimensions variables, qui sont aux romans bretons ce que les
nouvelles seront plus tard aux romans. Marie dit avoir écrit et « assemblé » ses
textes à partir de « lais bretons ». Un seul de ces lais est à proprement parler
arthurien, le lai de Lanval. L'amour, le plus souvent en marge de la société, est le
sujet principal du recueil : le plus court mais peut-être le plus beau de ces textes, le
Lai du chèvrefeuille, se rapporte ainsi à l'histoire de Tristan et Iseut. Plusieurs lais
font intervenir le merveilleux, mais tous ont néanmoins le monde réel pour toile de
fond. Outre les Lais, Marie de France est aussi l'auteur d'un recueil de Fables.
La légende de Tristan et Iseut a connu plusieurs versions au XIIe siècle,
dont certaines sont perdues. Nous ne possédons d'ailleurs aucun manuscrit
complet, mais seulement des fragments assez brefs. La forme et l'esprit de ce
"conte d'amour et de mort" varient selon les versions conservées. Seule demeure la
fascination qu'il exerce sur l'ensemble du monde occidental depuis le Moyen Âge.
Comme le motif du Graal, l'histoire de Tristan et Iseut a engendré un véritable
mythe qui a profondément marqué l'inconscient collectif.
La version de Béroul, trouvère normand, est sans doute la plus ancienne.
Nous n'en possédons qu'une seule copie manuscrite de la fin du XIIIe
siècle, qui
regroupe des fragments importants. Le Tristan de Béroul témoigne de l'état le plus
primitif de la légende : le filtre d'amour y est vraiment une boisson magique. À ses
yeux Tristan et Iseut sont innocents, capables de remords.
La version de Thomas d’Angleterre, trouvère anglo-normand, écrite vers
1175, comprend plusieurs fragments lacunaires et discontinus. Elle se caractérise
par une plus grande influence de la courtoisie et un goût nettement plus affirmé
pour l'analyse psychologique : le filtre d'amour acquiert un sens symbolique.
De Folie Tristan, qui raconte un épisode où Tristan feint la folie pour
approcher Iseut, nous disposons de deux versions, dans les manuscrits d'Oxford et
Berne.
Le Lai du Chèvrefeuille de Marie de France, vers 1160-1170, évoque
également la légende de Tristan et Iseut. Aux XIIIe
et XIVe
siècles, enfin,
paraissent plusieurs versions en prose anonyme, qui font de Tristan, devenu
chevalier de la Table Ronde, un autre Lancelot.
Chrétien de Troyes est considéré comme le fondateur du roman occidental.
Nous ne savons presque rien de ce grand écrivain. On suppose qu'il a fréquenté les
cours de Marie de Champagne puis de Philippe d'Alsace, comte de Flandres
(Perceval lui est dédié). Sa grande culture semble indiquer une formation de clerc.
Chrétien de Troyes a multiples héritiers tout au long du Moyen-Âge. Dans les
prologues de ses romans, le romancier expose de façon claire les grands principes
de sa poétique, qui est également celle du roman de cette époque. Elle s'articule
autour de trois notions : la matière (le sujet), fournie par des sources orales ou
écrites, le sens (la direction, l'orientation générale) et la conjointure (la
composition), qui donne cohérence, unité et fait du roman une œuvre d'art. Pour la
première fois avec Chrétien de Troyes, on peut parler d'une « œuvre » parce que
ses romans forment un ensemble cohérent.
Il est l'auteur de cinq romans en vers : Erec et Enide (1170), Cligès (1176),
Le Chevalier de la Charrette et Le Chevalier au Lion et Le Conte du Graal
(1182-1190). Les aventures des chevaliers qui sont les héros de ces romans ont
bien entendu un sens symbolique : il s'agit de la quête d'une identité. L'amour tient
également une large place, mais, chez Chrétien de Troyes, ne se réalise
pleinement que dans le mariage. Il a également écrit deux chansons d'amour qui
sont les plus anciennes connues en langue d'oïl, ainsi qu'un bref récit, Philomela,
inspire des Métamorphoses d’Ovide.
Avec Chrétien de Troyes, le personnage Arthur se stabilise peu à peu,
devient lié à la cour d’où il maintient un certain ordre sur le monde. Il perd son
caractère guerrier pour se transformer en « roi fantôme ». La cour lui sert de
témoin et de mémoire aux multiples aventures des chevaliers de la Table Ronde,
parmi lesquels Yvain du roman Le Chevalier au lion, Lancelot (Le Chevalier de la
charrette) ou Perceval (Le conte du Graal).
Lancelot, le personnage du roman Le chevalier de la charrette part en quête
de Guenièvre, sa Dame, mais l’épouse du roi Arthur, emmenée par Maléagant au
royaume de Gorre. Son caractère exceptionnel, sa valeur qui prend source dans
l’amour, sont mis en évidence par son opposition à Gauvain. Pour la première fois,
Chrétien fait mener la quête par deux héros mais, chaque fois, Lancelot s’avère être
supérieur à Gauvain. Il est animé par les valeurs autonomes de l’Amour,
contrairement au dernier qui agit au nom de la Raison. L’auteur joue sur
l’alternance de deux temps : le temps profane, linéaire, mesurable et le temps sacré
où le passé, le présent et l’avenir se confondent. La quête de la reine jusqu’au Pont
de l’épée se déroule en six jours. Dès que Lancelot pénètre dans le royaume de
Gorre, la chronologie devient floue.
Les romans de Chrétien sont régis par une double cohérence, mythique et
chevaleresque. Les résidus mythologiques sont nombreux. Les héros, après de
multiples épreuves : baptême initiatiques (Lancelot traversant le pont de l’Épée),
obtention du nom, donc d’une identité rattachée à un destin (Yvain devenu « le
chevalier au lion », Perceval « devinant » son nom après l’épreuve du Graal),
suicides symboliques, accèdent après avoir rempli des rites de passage à un autre
monde.
LEXIQUE
ARTHURIEN (CYCLE) - une série d’oeuvres écrites pendant plusieurs siècles
par de nombreux auteurs de différentes nationalités. Elles présentent l’histoire de la
Grande Bretagne et les aventures de ses vaillants protagonistes. Ces derniers
respectent un code de l’honneur emblématique rassemblant les valeurs
fondamentales des chevaliers de la Table Ronde.
CHANTEFABLE - forme mixte, composée de morceaux narratifs en prose, faits
pour être dits, et de passages en vers destinés à être chantés. La chantefable la plus
célèbre, du moins le seul exemplaire du genre qui ait survécu, genre probablement
populaire au Moyen-Âge, en France, est Aucassin et Nicolette.
GRAAL – thème central de la littérature du XIIIe siècle, qui apparaît pour la
première fois dans Le Conte du Graal de Chrétien de Troyes, sous la forme
christianisée du saint Graal ; cf. Robert de Boron, la coupe dans laquelle Joseph
d’Arithmatie aurait recueilli le sang du Christ sur la croix.
ROMANZ – langue parlée, populaire, souvent argotique, dérivée d’un latin
dégradé, contaminé parfois par des emprunts à des dialectes celtique et
germanique, qui se fixe à l’écrit à partir du XIIe siècle. Elle permet l’accès de ceux
qui ignorent le latin au patrimoine de la Rome classique.
– terme qui désigne une production littéraire rédigée en lingua romana
(langue vulgaire).
ROMAN ANTIQUE – formule épique de l’Occident médiéval qui respecte les
codes courtois du XIIe siècle ; rédigée en octosyllabes par des clercs, entre 1130 et
1160, cette forme romanesque réalise la transition de l’épopée au roman courtois.
Ces « romans-fleuves » (dont les plus longs comptent 30.000 vers) tournent autour
d’une matière épique centrée sur l’imaginaire légendaire de l’Antiquité gréco-
latine. Les décalages entre les codes spirituels courtois de l’époque médiévale et
les légendes antiques expliquent la présence massive des anachronismes.
ROMAN COURTOIS – long récit en octosyllabes à rimes plates, qui a des sujets
empruntés à l’Antiquité ou à la matière de Bretagne. On situe l’apogée du genre au
XIIIe siècle, avec les grands cycles en prose rattachés au Graal et à la Table Ronde.
Ce genre narratif en vers réussit à instituer la formule du roman chevaleresque
généralisée dans toute l’Europe médiévale. Il sous-tend un inventaire thématique
redevable au double idéal humain du monde médiéval – le saint et le héros – réunis
dans l’image du chevalier engagé dans une quête spirituelle.
ROMAN D’AVENTURES – catégorie de romans centrés sur une intrigue
événementielle, où le personnage acquiert une importance secondaire.
TABLE RONDE – motif présent dans les romans arthuriens sous la forme d’une
table magique, fondée par Merlin, autour de laquelle peuvent s’asseoir seulement
les bons chevaliers.
Unité 7 - Application
Yvain ou le chevalier au lion de Chrétien de Troyes
Chevalier de la Table Ronde en quête d’exploits à accomplir, Yvain entend
parler par son ami Calogrenant d’une aventure insolite : une fontaine merveilleuse
gardée par un chevalier redoutable. Décidé à tenter seul l’épreuve, Yvain se rend à
la fontaine et tue le chevalier qui la garde. Grâce à l’intervention d’une jeune
servante, Lunette, il épouse Laudine, la dame du château. Après quelques jours de
mariage, Yvain, qui désire retourner à la cour d’Arthur, fait à sa belle épouse le
serment solennel de revenir avant la fin de l’année écoulée. Mais il manque à sa
promesse et perd l’amour de sa bien-aimée. Fou de douleur, le héros erre dans la
forêt et sauve en chemin un lion qui deviendra son compagnon. Après bien des
épreuves et des combats, Yvain pourra enfin reconquérir le cœur de Laudine.
Il advint, pres a de set anz, advenir :
arriver
Que je seus comme païsanz seus : seul
Aloie querant avantures, querir :
chercher
Armez de totes armeüres
Si come chevaliers doit estre,
Et trovai un chemin a destre, destre :
droite
Parmi une forest espesse,
Moult i ot voie felonesse, félon : traître,
dangereux
De ronces et d’espines plainne ;
A quelqu’ennui, à quelque painne,
Ting cele voie et cel santier. cel, cele :
ce, cette
A bien pres tot le jor antier
M’an alai chevauchant einsi
Tant que de la forest issi, issir : sortir
Et ce fut an Broceliande.
Il m’arriva, voici près de sept ans que,
seul comme un paysan, je m’en allais en
quête d’aventures, armé de pied en cap
comme doit l’être un chevalier, et je
trouvai sur ma droite un chemin qui
s’engageait dans une épaisse forêt.
C’était une voie dangereuse, de ronces
et d’épines ; avec bien du mai et bien de
la peine, je suivis cette voie qui n’était
qu’un sentier. Pendant presque toute la
journée, je poursuivis ma chevauchée, et
je finis par sortir de la forêt : j’étais en
Brocéliande. De la forêt, je passai dans
une lande, et j’aperçus une tour à une
demi lieue galloise (peut-être une demi
lieue mais pas plus).
De la forest an une lande
Antrai et vi une bretesche
A demi liue galesche : liue galesche :
lieue galloise
Se tant i ot, plus n’y ot pas.
Le bon roi Arthur de Bretagne,
Dont les prouesses nous enseignent
Que nous devons être preux et courtois,
Tint sa cour aussi riche que royale
A cette fête qui est si précieuse,
Qu'on nomme Pentecôte.
Le roi fut à Carduel au Pays-de-Galles.
Après le repas, les chevaliers
Se rassemblèrent dans les salles,
Où les dames, les demoiselles
Et les pucelles les attiraient.
Les uns racontaient des nouvelles,
Les autres parlaient d'Amour,
Des angoisses et des chagrins
Et des grands plaisirs qu'en ont souvent
Ceux qui se soumettent à sa règle monastique,
Et qui auparavant étaient riches et de bonne famille.
(…)
Un chevalier très avenant
Qui venait juste de commencer un conte,
Qui n'était pas à son honneur, mais à sa honte.
Pendant qu'il racontait,
La reine l'écoutait.
Elle s'est levée de sa place auprès du roi
Et est venue seule, allant si doucement
Qu'avant que nul n'ait pu la voir,
Elle s'est laissé tomber au milieu d'eux.
Seul Calogrenan
S'est levé devant elle.
Et Keu, qui était très railleur,
Méchant, poignant et plein de dépit,
Lui a dit: « Par Dieu, Calogrenan,
Je vous vois maintenant très preux et serviable,
Et il me plaît beaucoup que vous
Soyez le plus courtois de nous tous;
Je sais bien que c'est ce que vous croyez,
Tellement vous êtes dépourvu de bon sens.
C'est de plein droit que Madame consent à ce que
Vous ayez plus que nous tous
De courtoisie et de prouesse:
Tout à l'heure nous n'avons pas omis par hardiesse,
J'espère, de nous lever,
Ou parce que nous n'avons deigné,
Au nom de Dieu, Sire, le faire,
Mais parce que nous n'avons pas vu
Madame avant que vous vous soyez levé.
(Chrétien de Troyes, Yvain, le chevalier au lion)
« Comme il allait devant Yvain, le lion sentit dessous le vent bêtes sauvages à la
pâture. L'instinct et la nature le poussaient à aller en proie et à pourchasser sa
vitaille. Il se mit un petit dans leurs traces pour bien montrer à son seigneur qu'il
avait sentit et rencontré vent et flair de bête sauvage. Il le regarde et il s'arrête car il
veut le servir selon son gré et non contre sa volonté. Messire Yvain voit bien que la
bête lui montre q'elle l'attend, qu'elle restera s'il reste et qu'il pourra prendre la
venaison que lion a flairée. Alors messire Yvain l'excite comme il ferait pour un
brachet. » (Chrétien de Troyes, Yvain, le chevalier au lion)
****
Le Chevalier, qui veut bien qu'elle ait le peigne,
Le lui donne, mais pas avant d'en avoir retiré les cheveux
Si doucement qu'il n'en rompt aucun.
Jamais yeux ne verront
Honorer un objet
Comme il se met à révérer les cheveux;
Bien cent mille fois il les applique
Contre ses yeux, contre sa bouche,
Contre son front et son visage :
Leur contact le plonge dans l'extase.
Les cheveux de la reine sont pour lui bonheur et richesse :
Sur sa poitrine, près du coeur, il les place
Entre chemise et chair.
Il ne les aurait pas échangés contre un chariot
Chargé d'émeraudes et d'escarboucles.
Il ne pense pas que les ulcères
Ou tout autre mal puissent désormais l'atteindre;
Il dédaigne maintenant le diamargareton,
La pleuriche, la thériaque
Et les prières à saint Martin et saint Jacques,
Car en ces cheveux il a tant confiance
Qu'il n'a besoin de leur aide.
Mais au juste, quel est l'attrait des cheveux ?
On me tiendra pour un menteur ou pour un fou
Si je dis la vérité :
Quand la foire du Lendit bat son plein
Et il y aura le plus de marchandises,
Le Chevalier refuserait le tout,
C'est certain, en échange
De la découverte des cheveux.
Et si vous voulez que je vous explique pourquoi,
De l'or cent mille fois raffiné
Et puis autant de fois refondu
Paraîtrait aussi peu brillant que la nuit
Par rapport au plus beau jour
Que nous ayons eu de tout cet été
À qui verrait un tel or
Et voudrait le comparer aux cheveux de la reine.
Mais à quoi bon m'attarder davantage là-dessus ?
La demoiselle remonte prestement en selle
Avec le peigne qu'elle emporte,
Et le Chevalier se réjouit
Des cheveux pressés contre sa poitrine.
Après la plaine ils arrivent à une forêt
Où ils suivent une allée
Qui devient de plus en plus étroite,
Au point qu'ils doivent chevaucher l'un après l'autre,
Car il était impossible d'y mener
Deux chevaux de front.
La demoiselle s'en va tout droit
Devant son invité de la veille.
Là où l'allée s'était le plus rétrécie ils voient venir un chevalier.
La demoiselle aussitôt,
De si loin qu'elle le vit,
L'a reconnu et dit à son compagnon :
Sire Chevalier, voyez-vous
Celui qui vient vers nous
Tout armé et prêt à combattre ?
Il pense m'emmener d'ici sur l'heure,
Sans résistance de votre part.
(Chrétien de Troyes, Lancelot, le chevalier de la charrette)
Puisque ma dame de Champagne veut que j'entreprenne un roman, je
l'entreprendrai volontiers comme le peut faire un homme qui est sien tout entier
pour tout ce que je puis faire au monde. Je le dis sans y mettre nul grain d'encens,
mais j'en connais bien d'autres qui voudraient en célébrer grande louange et
diraient assurément que cette dame surpasse toutes les autres comme le zéphyr qui
vente en avril ou mars emporte sur tous les autres vents.
Non, par ma foi, je ne suis pas celui qui veut faire ainsi louange de sa
dame ! Dirai-je donc alors : "Autant vaut un diamant de cabochons et de sardoines,
autant la reine vaut de comtesses ?" Non vraiment je n'en dirai rien et en maugré de
moi, car cela est bien vrai pourtant. Mais je dirai qu'en cet ouvrage œuvrent bien
mieux ses commandements que mon talent et que ma peine. Chrétien commence
donc à rimer son livre du Chevalier à la charrette. La comtesse lui en donne la
matière et le sens et il s'entremet de penser, n'y dépensant guère que son travail et
son attention. (Chrétien de Troyes, Lancelot, le chevalier de la charrette)
Unité 8 – La littérature bourgeoise
Les fabliaux
A partir du XIIIe siècle, avec l’apparition des bourgs, se développe une
littérature plus populaire, dite « bourgeoise », d’inspiration comique et satirique ou
empreinte de réalisme mêlé de lyrisme personnel.
Le XIIIe
siècle est une période caractérisée par: l’apogée culturel, la
prospérité économique, les échanges commerciaux (Italie-Pays-Bas), l’expansion
de la Chrétienté (Ordre des Templiers, Chevaliers Teutoniques, Reconquista,
Marco Polo), les problèmes politico-religieux (hérésies, Cathares, Inquisition),
l’affermissement du pouvoir royal et l’apparition du concept de nation. On diffuse
bon nombre de recueils de proverbes, d’arts d’aimer, d’arts de mourir. Le Roman
de la Rose, (Guillaume de Lorris & Jean de Meung) allégorie de la quête de
l’Amour, apparaît pour longtemps comme le type même du littéraire, c’est-à-dire
une fiction derrière laquelle se cache la Vérité.
Les fabliaux s’intéressent à la vie quotidienne et à la satire sociale. Les
historiens littéraires estiment qu’il y a à peu près 150 récits écrits entre 1159 et
1340, en majorité dans les provinces du Nord (Picardie, Artois et Flandre). Les
auteurs en sont des clercs menant une vie errante et des jongleurs. Bon nombre de
fabliaux sont anonymes et, si nous connaissons certains auteurs par leur nom, c’est
là que se limite notre science. Les plus connus sont Rutebeuf, Philippe de
Beaumanoir, Henri d’Andeli, Huon le Roi, Gautier Le Leu. Le public auquel
s’adressaient les auteurs des fabliaux appartenait surtout à la bourgeoisie (même si
parfois ces fabliaux pénétraient la haute société). C’est pourquoi leur conception
du monde reflète majoritairement l’esprit de la bourgeoisie.
Dans la forme des fabliaux on ne trouvera ni perfection, ni variété: la
versification est monotone avec ses vers octosyllabiques disposés par deux (ou
encore disposés de la manière la plus simple), les rimes sont plates et souvent
incorrectes et le style tend vers la négligence voire la grossièreté. Ce qui
caractérise le récit, c’est la concision, la rapidité, la sécheresse, et l’absence de tout
pittoresque. Pour donner aux fabliaux une certaine dignité littéraire, on ne trouve
que la rapidité de l’action et la vivacité des dialogues.
Une grande partie des fabliaux est empruntée à la réalité quotidienne de la
petite bourgeoisie. Leurs éléments essentiels sont la satire et la morale, car la
bourgeoisie est représentée sans la moindre volonté de l’idéaliser, et la nature sans
le moindre désir d’embellir les faits. La satire s’y retrouve sous une forme
rudimentaire: plaisanterie ou dérision, elle n’est conditionnée que très rarement par
une intention consciente de l’auteur de se moquer de tel ou tel aspect de la vie. En
revanche, la morale joue un rôle assez important dans les fabliaux, mais elle ne
présente pas une relation étroite avec le récit et n’en constitue pas le but. Elle peut
d’ailleurs faire défaut sans porter préjudice au sujet du récit, et souvent même en
vient à le contredire.
Les fabliaux poussent souvent la grossièreté jusqu’au cynisme et à
l’obscénité. Dans leur grande majorité, les sujets se réduisent à représenter des
aventures amoureuses chez des femmes de la bourgeoisie ou du monde rural avec
des curés de campagne ou des moines. D’autres fabliaux représentent le plus
souvent de façon comique des prêtres, mais aussi des vilains et des bourgeois
(rares sont les personnages provenant du monde des chevaliers et des puissants).
Quelques textes mettent en scène le sacré (les apôtres et Dieu lui-même), sur un
mode familier et comique (Saint Pierre et le Jongleur, Les Quatre Souhaits de
Saint Martin). Les auteurs des fabliaux ne s’intéressaient pas à la littérature ; leur
but premier était d’attirer l’attention du public peu cultivé, mais en même temps le
plus nombreux, en l’amenant à un gros rire, salutaire au fond puisqu’il lui donnait
la force d’oublier pendant un moment les chagrins et les souffrances.
Cet aspect de la littérature a une importance immense dans l’histoire
française, parce qu’il impose un esprit nouveau, presque moderne. Le rire et la joie
de vivre remplacent la morosité et la rectitude médiévales. L’esprit laïc des
fabliaux reporte l’intérêt sur la réalité et sur le quotidien. C’est un progrès immense
par rapport à l’idéal médiéval de l’ascétisme. D’un autre côté, face à la puissance
grossière de l’argent, on proclame pour la première fois le principe que la ruse ou
l’esprit constituent une vraie force (miex fait l’engien que ne fait force). Plusieurs
auteurs enfin jouent le rôle de défenseurs des vilains opprimés en critiquant leurs
oppresseurs (chevaliers, membres du clergé et fonctionnaires royaux) en faisant
valoir les droits de la personne humaine et en condamnant les préjugés de caste
(Constant du Hamel). Ces caractéristiques font des auteurs de fabliaux, en plus des
auteurs du Roman de la Rose (Jean de Meung ou Meun) et du Roman de Renart
(anonyme), les précurseurs de la Renaissance.
Derrière la haine contre la femme et son influence, très visible dans plusieurs
fabliaux, il faut voir l’influence des sermons de l’Église. Certains fabliaux,
toutefois, comme Le vair palefroi de Huon le Roi et La Bourse pleine de sens de
Jean le Galois, défendent énergiquement la femme contre ceux qui la critiquent.
On peut expliquer cette attitude peut-être par les relations qu’avaient ces auteurs
avec la chevalerie et son culte de la féminité. Les sujets de plusieurs fabliaux
inspirent par la suite Boccace, qui introduit l’art dans l’exposition et l’élégance
dans le style. Les fabliaux influencent La Fontaine dans ses Contes et Balzac dans
ses Contes drolatiques. Le fabliau Le Vilain mire a fourni à Molière le sujet du
Médecin malgré lui.
LEXIQUE FABLIAU – bref texte épique, composé en octosyllabes à rimes plates, qui raconte
l’histoire comique et/ou obscène de quelques personnages intégrés à des types
humains, conçus à l’opposé du monde courtois. Les thèmes de ces courts récits
populaires, souvent empruntés au fonds folklorique européen, seront repris à
l’époque de la Renaissance par la nouvelle italienne et française, par les récits
anglais et par les farces. La satire des personnages appartenant généralement aux
couches sociales inférieures – prêtres avides, maris cocus, ménestrels, voleurs,
prostituées, femmes infidèles – construit une image burlesque du monde, dans des
textes qui dévalorisent les éléments thématiques de la littérature courtoise. Ces 150
textes sont en général anonymes ; parfois, ce sont des trouvères célèbres – Jean
Bodel, Rutebeuf ou Jean de Condé – qui signent ces récits cultivés au Nord et au
centre de la France, du début du XIIIe à la moitié du XVI
e siècle.
Le nom du fabliau vient de fabler = raconter une histoire fictive.
Unité 9 – Les Fabliaux (application)
Estula
Il y avait jadis deux frères, sans conseil de père et de mère, et sans autre
compagnie. Pauvreté fut bien leur amie, car elle fut souvent leur compagne. C’est
la chose qui tracasse le plus ceux qu’elle assiège : il n’est pire maladie. Ensemble
demeuraient les deux frères dont je vous conte l’histoire. Une nuit, ils furent en
grande détresse, de soif, de faim et de froid : chacun de ces maux s’attache
souvent à ceux que Pauvreté tient en son pouvoir. Ils se prirent à se demander
comment ils pourraient se défendre contre Pauvreté qui les accable : souvent elle
leur a fait éprouver de l’ennui.
Un homme connu pour sa richesse habitait tout près de leur maison : ils sont
pauvres ; le riche est sot. En son jardin il a des choux et à l’étable des brebis. Tous
deux se dirigent de ce côté. Pauvreté rend fous bien des hommes : l’un prend un
sac à son cou, l’autre un couteau à la main ; tous deux se sont mis en route. L’un
entre dans le jardin, promptement, et ne s’attarde guère : il coupe des choux à
travers le jardin. L’autre se dirige vers le bercail pour ouvrir la porte : il fait si bien
qu’il l’ouvre. Il lui semble que l’affaire va bien. Il tâte le mouton le plus gras.
Mais on était encore debout dans la maison : on entendit la porte du bercail
quand il l’ouvrit. Le prud' homme ( bourgeois ) appela son fils : " Va voir , dit-
il , au jardin , s' il n' y a rien d' inquiétant ; appelle le chien de garde ." Le chien
s’appelait Estula : heureusement pour les deux frères, cette nuit-là il n’était pas
dans la cour. Le garçon était aux écoutes. Il ouvre la porte qui donne sur la cour et
crie : "Estula ! Estula !" Et l’autre, du bercail, répondit : " oui, certainement, je
suis ici." Il faisait très obscur, très noir, si bien que le garçon ne put apercevoir
celui qui lui avait répondu. En son cœur, il crut, très réellement, que c’était le
chien.
Sans plus attendre, il revint tout droit à la maison ; il eut grand peur en y
rentrant : " Qu’as-tu, beau fils ?" lui dit son père. - " Sire, foi que je dois à ma
mère, Estula vient de me parler ? - Qui ? Notre chien ? - Oui, par ma foi ; si vous
ne voulez m’en croire, appelez-le à l' instant, et vous l’entendrez parler." Le prud'
homme d’accourir pour voir cette merveille ; il entre dans la cour et appelle Estula,
son chien. Et le voleur, qui ne se doutait de rien, lui dit : " Mais oui, je suis là !" Le
prud' homme s’en émerveille : " Par tous les saints et par toutes les saintes ! Mon
fils, j’ai entendu bien des merveilles, mais jamais une pareille ! Va vite, conte ces
miracles au prêtre, ramène-le, et dis-lui d’apporter l’étole et l’eau bénite.»
Le garçon, au plus vite, se hâte et arrive au presbytère. Il ne traîna guère à
l’entrée et vint au prêtre, vivement : " Sire, dit-il, venez à la maison ouïr de grandes
merveilles : jamais vous n’en avez entendu de pareilles. Prenez l’étole à votre cou."
Le prêtre dit : " Tu es complètement fou de vouloir me faire sortir à cette heure : je
suis nu-pieds, je n’y pourrais aller." L’autre lui répond aussitôt : " Vous le ferez : je
vous porterai." Le prêtre a pris son étole et monte, sans plus de paroles, sur les
épaules du jeune homme, qui reprend son chemin.
Arrivé à sa maison, et voulant couper court, le garçon descend, tout droit, le
sentier par où étaient descendus les deux voleurs qui cherchaient leur nourriture.
Celui qui cueillait les choux vit le prêtre, tout blanc, et crut que son compagnon lui
apportait quelque butin. Il lui demanda, plein de joie : " Apportes-tu quelque chose
? - Ma foi, oui», fait le garçon, croyant que c’était son père qui lui avait parlé. - "
Vite ! dit l’autre, jette-le bas ; mon couteau est bien aiguisé ; je l’ai fait repasser
hier à la forge ; je m’en vais lui couper la gorge.»
Quand le prêtre l’entendit, il crut qu’on l’avait trahi : il saute à terre, et
s’enfuit, tout éperdu. Mais son surplis s’accrocha à un pieu et y resta, car il n’osa
pas s’arrêter pour l’en décrocher. Celui qui avait cueilli les choux ne fut pas moins
ébahi que celui qui s’enfuyait à cause de lui : il ne savait pas ce qu’il y avait.
Toutefois, il va prendre la chose blanche qu’il voit pendre au pieu et s’aperçoit que
c’est un surplis. A ce moment son frère sortit du bercail avec un mouton et appela
son compagnon qui avait son sac plein de choux : tous deux ont les épaules bien
chargées. Sans faire plus long conte, ils se mirent en route vers leur maison qui
était tout près. Alors, il montra son butin, celui qui avait gagné le surplis. Ils ont
bien plaisanté et bien ri, car le rire, alors, leur fut rendu, qui jusque là leur était
défendu.
En peu de temps Dieu travaille : tel rit le matin qui le soir pleure, et tel est le
soir courroucé qui, le matin, était joyeux et gai.
Unité 10 : Le théâtre au Moyen-Âge
Le théâtre est le genre littéraire qui apparaît plus tard dans la littérature
française et il n’y a pas de continuité depuis le théâtre latin classique. En dépit du
très petit nombre de textes conservés, la performance théâtrale occupait sans doute
une place importante dans la vie sociale. La représentation est un événement
unique, à l’occasion d’une fête et l’ensemble de la communauté urbaine y
participe. Elle n’a d’ailleurs pas de lieu spécifique, mais s’intègre dans la ville,
d’abord dans l’enceinte des abbayes, sur les porches des églises, puis dans un
espace plus urbain : rues, carrefours, places.
Les premières manifestations théâtrales datent du XIe siècle et sont des
drames liturgiques, embryon des futures représentations dramatiques dont
l’origine réside dans le chant antiphoné et dans les tropes, interpolations écrites en
latin, introduites dans le texte liturgique du IXe
siècle. Les personnages de ces
performances sont des figures de la Bible (notamment de la Genèse, de la
Résurrection, de Noël) et bientôt de la totalité de l’Histoire sainte. L’espace
scénique de ces spectacles est celui du « théâtre en rond » partagé en plusieurs
« mansions » (l’Enfer, le Paradis, le Monde).
L’un des premiers spectacles de ce type qui était conservé est le Sponsus
(L’époux), qui date du XIe siècle. Il s’agit d’une mise en scène de la parabole des
Vierges sages et des Vierges folles, qui se présente sous la forme texte latin
entrecoupé de refrains et de répliques en langue d’oc, plus propre à l’édification
des fidèles.
C’est dans le milieu anglo-normand, au XIIe
siècle, que le genre théâtral se
développe, avec le Jeu d’Adam. Ecrit en français avec indications scéniques en
latin, ce jeu comprend trois parties. La première relate la chute d’Adam et Eve,
chassées du Paradis terrestre pour avoir cédé aux tentations du démon. La seconde
représente la mort le meurtre d’Abel. La troisième, mutilée par le temps, était
constituée d’un défilé de prophètes annonçant la venue du Rédempteur.
Au XIIIe
siècle, le théâtre religieux est illustré notamment par les Miracles
de Notre-Dame de Gautier de Coincy. Il faut enfin citer le Miracle de Théophile
de Rutebeuf, qui inaugure le genre des « miracles par personnages ». Victime de
l’injustice de son évêque, le clerc Théophile, par l’intermède du magicien Salatin,
renie Dieu et vend son âme au diable. Ainsi retrouve-t-il ses biens terrestres. Mais
l’apostat est torturé par les remords. Une émouvante prière obtient l’intercession de
la Vierge qui arrache à Satan le pacte signé par Théophile. L’œuvre est simple.
Elle exige une mise en scène simultanée, mais ne fait jamais intervenir deux
personnages à la fois.
Aux XIIe et XIII
e siècles, l’expression théâtrale évolue peu à peu vers des
textes d’inspiration plus mondaine, avec l’apparition de personnages qui sont plus
proches du spectateur moyen et de sa vie quotidienne. La mise en scène comique
de leurs aventures prend de l’ampleur, au sein des jeux liturgiques d’abord, puis
indépendamment d’eux.
Au tout début du XIIIe siècle, Jean Bodel fait représenter son Jeu de Saint
Nicolas, qui malgré un sujet religieux présente de nombreuses scènes comiques.
C’est à Arras, au XIIIe
siècle, qu’on trouve les premières manifestations du
théâtre profane, avec des pièces anonymes comme Courtois d’Arras, un long
fabliau dramatique, ou Le Garçon et l’aveugle, un court jeu comique qui annonce
le genre de la fable, et surtout avec le Jeu de la Feuillée et le Jeu de Robin et de
Marion d’Adam de la Halle. C’est ainsi à Naples que son Jeu de Robin et Marion
(développement dramatique du genre de la pastourelle) est représenté.
Adam de la Halle est un poète et un musicien remarquable. Il a composé de
nombreuses pièces courtes (chansons, jeux-partis, rondets de carole, motets,
rondeaux polyphoniques), un dit, un congé (son adieu à Arras), et surtout une
importante oeuvre théâtrale, qui marque l’éclosion des premiers textes du théâtre
profane français. Le Jeu de la feuillée est une oeuvre très originale, qui met en
scène Adam, le poète, vêtu en clerc, sa famille, ses voisins, et trois fées. Adam veut
prendre congé pour aller faire ses études à Paris, mais se laisse entraîner à la
taverne. Adam de la Halle mêle dans cette pièce le motif merveilleux du repas de
fées, invitées sous la feuillée par les chrétiens, et le thème du congé, qui est traité
sur un ton grinçant, dans un style vif et familier. Ce jeu riche et polysémique est un
théâtre vivant, mêlant satire et merveilleux, burlesque et quotidien.
Le théâtre religieux aux XIVe et XV
e siècles
Les formes théâtrales se développent considérablement au XIVe
et au XVe
siècles. Dans la lignée du Jeu de Saint Nicolas et du Miracle de Théophile au XIIIe
siècle, les miracles par personnages sont l’occasion de mettre en scène des
personnages et des situations variées (le motif de la femme injustement accusée
revient souvent). Composés d’une succession de tirades en octosyllabes dont la fin
est signalée par un quadrisyllabe, entre lesquelles sont parfois insérés des rondeaux
chantés signalant par exemple les apparitions de la Vierge, ce sont souvent des
commandes des confréries, religieuses ou non, à l’occasion de la fête de leur saint
patron. On a ainsi conservé une collection de quarante Miracles de Notre-Dame par
personnages représentés presque chaque année entre 1339 et 1382 lors de la
réunion annuelle de la confrérie Saint-Eloi des orfèvres de Paris.
Le mystère est le genre majeur du théâtre de la fin XIVe
au XVIe. À
quelques exceptions près, ces pièces mettent en scène la vie d’un saint ou un
épisode biblique. Il existe notamment de nombreux Mystères de la Passion du
Christ, qui représentent en fait la totalité de la vie du Christ, parfois l’ensemble de
l’histoire de l’humanité, en incluant des scènes bibliques, de nombreuses légendes
et des intermèdes comiques. Les plus anciens d’entre eux sont relativement courts,
tels la Passion du palatinus mais au XVe siècle ils deviennent beaucoup plus longs
: la Passion d’Arras (1420) d’Eustache Mercadé (début XVe), le Mystère de la
Passion (1452) d’Arnoul Gréban, le Mystère de la Passion (1486) de Jean Michel
et enfin le Mystère des Actes des Apôtres (1470) d’Arnoul et Simon Gréban. Leurs
représentations, données par des confréries qui sont des associations d’acteurs,
peuvent durer plusieurs jours et ont lieu en plein air : toute la ville participe à des
mises en scène de plus en plus élaborées, avec un décor, et très souvent des
« machines » compliquées, par exemple pour représenter l’Enfer.
Le théâtre profane, le plus souvent comique, ne se développe vraiment
qu’après la guerre de Cent Ans. Ses représentations, plus fréquentes que celles du
théâtre religieux, sont assurées par les membres de confréries joyeuses (les Clercs
de la Basoche, étudiants en droit, les Enfants sans Souci de Paris, les Cornards de
Rouen). Elles ont lieu en plein air, et comprennent en général plusieurs pièces : une
sottie, un monologue ou sermon joyeux, une moralité et une farce. Toutes les
pièces comiques sont donc par nature assez courtes (300 à 500 vers).
Les farces (du bas latin farsa, qui a donné le verbe farcir : il s’agissait au
départ de remplir les interstices des pièces religieuses) sont d’abord de petits
intermèdes, qui deviennent de plus en plus longs jusqu’à devenir de véritables
pièces, ancêtres des comédies modernes, dans lesquelles il s’agit essentiellement
de faire rire. Les farces reprennent les sujets et la tonalité des fabliaux au XIIIe
siècle : ce sont des pièces burlesques, d’un comique assez grossier, dans lesquelles
l’action est simple et rapide, résultant d’un savant dosage de répétition et de
surprise et racontant souvent les infortunes de la vie conjugale (comme dans la
Farce du Cuvier). Les personnages y sont récurrents et assez caricaturaux; un rôle,
nouveau par rapport au fabliau, prend de l’importance, celui du badin (le naïf,
l’innocent, le candide). Environ 150 farces ont été conservées, écrites entre 1440 et
1560. La plus célèbre et la plus élaborée est la Farce de Maître Pathelin (entre
1456 et 1469) : souvent adaptée, encore représentée aujourd’hui, elle est plus
longue que la moyenne (environ 1500 vers). Un argument assez complexe, sur le
schéma classique du trompeur trompé, de nombreux jeux de mots plus ou moins
subtils et une caractérisation psychologique des personnages assez poussée en font
la première des comédies françaises.
Les autres genres comiques sont les sotties, pièces des Sots, parodies
carnavalesques pleines de jeux de mots et de plaisanteries, les moralités, pièces
didactiques plus ou moins burlesques, représentant des personnages allégoriques et
abordant des sujets religieux, moraux, ou politiques, et les monologues ou
sermons joyeux sur le modèle des anciens sermons de jongleurs dont l’un des plus
connus est le Franc Archer de Bagnolet, monologue du soldat fanfaron, attribué
parfois à Villon.
Unite 11 :
LA FARCE DE MAÎTRE PATHELIN (vers 1465)
Chef d'oeuvre du théâtre comique médiéval, la Farce de Maître Pathelin
(1470 vers, trois fois plus que la plupart des farces), combine avec adresse
plusieurs intrigues, exploite avec un instinct dramatique sûr les divers ressorts du
comique, tout en évitant la vulgarité de ton et le schématisme souvent présents
dans les autres farces, pour camper un monde dominé par l'astuce et l'hypocrisie.
Avocat depuis longtemps sans procès, Pathelin trouve un moyen ingénieux de
se procurer le drap dont il a besoin sans payer: par des propos flatteurs il
convainc le drapier à lui donner six aunes de drap et à venir récupérer l'argent à
la maison et dîner en même temps. Lorsque le marchand se présente chez l'avocat,
celui-ci, secondé par sa femme, Guillemette, joue la comédie du mourant, qui n'a
pas quitté son lit depuis des semaines.
LA FARCE DE MAITRE PATHELIN
PERSONNAGES
MAÎTRE PIERRE PATHELIN, avocat.
GUILLEMETTE, femme de Pathelin.
GUILLAUME JOCEAULME, drapier.
THIBAUD L’AGNELET, berger.
LE JUGE.
page 8
Scène 1
MAITRE PATHELIN, GUILLEMETTE Chez Pathel in .
PATHELIN – Par la Vierge Marie ! Guillemette, malgré le mal que je me donne
pour enjôler les gens et glaner des affaires, nous ne récoltons rien ; j’ai pourtant
connu une époque où j’exerçais mon métier d’avocat.
GUILLEMETTE – Par Notre-Dame, invoquée parmi les avocats, j’y pensais
justement ! Mais aujourd’hui, on ne vous estime plus aussi habile qu’autrefois,
bien loin de là. J’ai connu une époque où tout le monde vous recherchait pour
gagner son procès ; à présent, en tous lieux, tout le monde vous surnomme
« l’avocat sans cause ».
PATHELIN – Pourtant, et je ne dis pas cela pour me vanter, il n’y a personne de
plus habile que moi, dans toute la juridiction du tribunal, excepté le maire.
GUILLEMETTE – C’est parce qu’il a lu le grimoire, et fait de longues études.
PATHELIN – Citez-moi quelqu’un dont je ne sois capable de défendre la cause,
pour peu que je m’y intéresse. Et même Si je n’ai jamais étudié, je peux me vanter
de chanter au lutrin avec notre prêtre aussi bien que si j’avais suivi des cours
pendant des années... autant d’années que Charlemagne est resté en Espagne.
GUILLEMETTE – Qu’est-ce que cela nous rapporte ? Rien du tout ! Nous mourons
tout Simplement de faim. Nos vêtements sont tout
râpés, et nous ne savons comment nous procurer du tissu pour nous en faire
d’autres. Alors ! À quoi nous sert-elle votre fameuse science ?
PATHELIN – Taisez-vous ! En conscience, si je me donne la peine d’y réfléchir, je
saurai bien où en trouver, des robes et des chaperons ! Si Dieu le veut, nous nous
tirerons vite d’affaire, et tout rentrera dans l’ordre. Que diable ! Dieu fait des
miracles en moins d’un instant ! Si je décide d’employer mon savoir-faire, on ne
trouvera pas mon pareil.
GUILLEMETTE – Non, par Saint Jacques ! Pas s’il s’agit de tromper. Vous êtes un
maître en la matière !
PATHELIN – Par le Dieu qui me fit naître, dites plutôt maître en l’art de plaider !
GUILLEMETTE – Ma foi, non ! Maître en l’art de tromper ! Pour sûr ! Je le sais
bien, puisqu’en vérité, sans instruction et sans le moindre bon sens, vous passez
pour l’un des hommes les plus habiles de la paroisse.
PATHELIN – Personne ne se connaît mieux que moi au métier d’avocat.page 10
GUILLEMETTE – Grand Dieu ! Au métier de tromper, oui ! Du moins, c’est la
réputation que vous avez.
PATHELIN – C’est aussi celle de ceux qui s’habillent de beau velours et de riche
soie, qui prétendent être avocats, et ne le sont pas. Mais finissons ce bavardage : je
veux aller à la foire.
GUILLEMETTE – À la foire ?
PATHELIN – Par saint jean, oui, vraiment ! I l f redonne : À la foire,
gentille marchande... De nouveau en par lant : Cela vous déplaît-il si je
marchande du drap, ou quelque autre babiole utile pour notre ménage ? Nous
n’avons pas un seul vêtement valable.
GUILLEMETTE – Vous n’avez pas le moindre sou. Comment allez-vous faire ?
PATHELIN -Vous ne le savez pas, belle dame ? Si vous ne recevez suffisamment de
tissu pour nous deux, n’hésitez pas à me traiter de menteur. Quelle couleur
préférez-vous ? Un gris vert ? une brunette? ou un autre tissu ? Je dois le savoir.
GUILLEMETTE – Ce que vous pourrez avoir. Qui emprunte ne choisit pas.
PATHELIN, en comptant sur ses doigts – Pour vous, deux aunes et demie, et
pour moi, trois, et même quatre ; ce qui fait...
GUILLEMETTE – Vous comptez large. Qui diable vous les prêtera ?age 11
PATHELIN – Qu’est-ce que cela peut vous faire ? Oui, c’est sûr, on me les prêtera,
à rendre au jour du jugement dernier, et certainement pas avant !
GUILLEMETTE – Alors, allez-y, mon ami ! Si c’est comme ça, quelqu’un sera
dupé.
PATHELIN – J’achèterai du tissu gris ou vert, et pour une chemise, Guillemette, il
me faut trois quarts d’une aune de brunette, ou même une aune entière.
GUILLEMETTE – Que Dieu me vienne en aide ! Vraiment ! Allez ! Et n’oubliez pas
de trinquer, si vous rencontrez Martin Crédit (5).
PATHELIN – Surveillez la maison.
I l sor t .
GUILLEMETTE – Ah ! Mon Dieu ! Quel marchand va-t-il trouver... ! Pourvu qu’il
ne s’aperçoive de rien !
Scène 2
PATHELIN, LE DRAPIER GUILLAUME JOCEAULME
La scène se déroule devant l ’é ta l du dra pier .
PATHELIN – N’est-ce pas lui, là-bas ? Je me le demande. Mais oui, c’est bien lui !
Il s’occupe de draperie. Pathel in salue le drapier . Que Dieu soit avec vous !
LE DRAPIER GUILLAUME – Qu’il vous bénisse !
PATHELIN – Dieu a donc exaucé ma prière, car j’avais grande envie de vous voir.
Comment va la santé ? Êtes-vous en pleine forme, Guillaume ?
LE DRAPIER – Parbleu, oui !
PATHELIN – Allons, donnez-moi votre main. Pathel in lu i prend la main .
Comment cela va-t-il ?
LE DRAPIER – Bien, vraiment bien. À votre service. Et vous ?
PATHELIN – Par Saint Pierre l’apôtre, comme quelqu’un qui vous est entièrement
dévoué. Et alors, vous avez la belle vie ?
LE DRAPIER – Eh, oui ! Mais je vous prie de croire que pour nous, marchands, tout
ne va pas toujours comme on veut.
PATHELIN – Comment vont les affaires ? Vous permettent-elles de vous habiller et
de vous nourrir correctement ?
LE DRAPIER – Eh, mon Dieu, mon cher maître, je ne sais. C’est toujours : « Hue !
En avant ! »
PATHELIN – Ah ! Comme votre père – que Dieu ait son âme – était un habile
homme ! Sainte Vierge ! Il me semble vraiment que c’est vous-même, en personne.
Que c’était un bon marchand, et avisé ! Parbleu, vous lui ressemblez de visage
comme son vrai portrait ! Si Dieu a jamais eu pitié d’un homme, qu’Il lui accorde
le plein pardon de ses fautes.
LE DRAPIER – Amen ! Par la grâce de Dieu, à nous aussi, quand il lui plaira !
PATHELIN – Ma foi, souvent il m’a prédit en détail la vie d’aujourd’hui. Je m’en
suis souvenu bien des fois. De son temps, il passait pour un brave homme.
LE DRAPIER – Asseyez-vous, cher monsieur ! Il est grand temps que je vous y
invite, mais voilà comme je suis aimable !
PATHELIN – Ça va bien ainsi. Par le Corps du Christ, il avait...
LE DRAPIER – J’insiste, asseyez-vous !
PATHELIN – Volontiers. I l s ’ass ied . « Ah, me disait-il, que de fabuleuses
merveilles vous verrez ! » Mon Dieu, je vous jure que des oreilles, du nez, de la
bouche et des yeux, jamais un enfant ne ressembla plus à son père que vous. Cette
fossette au menton, vraiment, c’est vous tout craché ! Et si quelqu’un disait à votre
mère que vous n’êtes pas le fils de votre père, c’est qu’il chercherait vraiment la
dispute. Sans mentir, je n’arrive pas à m’imaginer comment Nature, en ses œuvres,
créa deux visages aussi ressemblants, chacun avec les mêmes traits. Car quoi ? Il
n’y aucune différence entre vous deux, comme si l’on vous avait crachés tous les
deux contre un mur, du même jet et de la même manière. Au fait, monsieur, la
bonne Laurence, votre chère tante, est-elle morte ?
LE DRAPIER – Diable non !
PATHELIN – Comme je l’ai connue grande, droite et aimable ! Par la très sainte
Mère de Dieu, vos silhouettes se ressemblent comme si l’on vous avait sculpté
dans la neige. Selon moi, il n’y a pas dans ce pays de famille où l’on se ressemble
davantage. Et plus je vous observe... Observant le drapier encore p lus
in tensément :
page 17 Par Dieu le Père, vous voici, et voici votre père ! Sans aucun doute, vous
vous ressemblez comme deux gouttes d’eau ! Quel valeureux jeune homme
c’était ! Un bon et brave homme, et il vendait ses marchandises à crédit à qui le
souhaitait. Que Dieu lui pardonne ! Moi, il avait toujours l’habitude de m’accueillir
de très bon cœur, avec un beau sourire. Plût à Jésus-Christ que ce qu’il y a de pire
au monde lui ressemblât ! On ne se volerait pas, on ne se détrousserait pas les uns
les autres comme on fait.
I l se lève e t touche une p ièce d’éto f fe .
Que ce drap-ci est de bonne qualité ! Comme il est soyeux, doux, souple !
LE DRAPIER – J\e l’ai fait faire tout exprès avec la laine de mes brebis.
PATHELIN – Eh bien ! Quel chef vous faites ! Sinon vous ne seriez pas le digne fils
de votre père. Vous ne cessez donc jamais, jamais de travailler !
LE DRAPIER – Que voulez-vous ? Si l’on veut bien vivre, il faut veiller aux
affaires, et se donner du mal.
PATHELIN, touchant une autre p ièce de t i ssu – Celui-ci est-il teint ? Il est
épais comme du cuir de Cordoue !
LE DRAPIER – C’est un excellent drap de Rouen, tissé avec soin, vous avez ma
parole.ge 18
PATHELIN – Mais vraiment, je suis bien attrapé, car par la Passion de Notre-
Seigneur, je n’avais pas l’intention d’acheter du tissu quand je suis arrivé. J’avais
mis de côté quatre-vingts écus pour rembourser un emprunt, mais j’en suis sûr, je
vais vous en donner vingt ou trente, car la couleur me plaît tellement que j’en
meurs d’envie.
LE DRAPIER – Des écus, vraiment ? Se pourrait-il que ceux que vous devez
rembourser acceptent de la monnaie ?
PATHELIN – Oui, bien sûr, si je le désire. Pour moi, quand il s’agit de payer, tout se
vaut.
I l touche une t ro is ième pièce de t i ssu .
Quel est ce drap-ci ? À dire vrai, plus je le regarde, et plus il me rend fou. Oui, je
dois en avoir une cotte pour moi, et une pour ma femme également.
LE DRAPIER – En vérité, ce drap est extrêmement cher. Mais si vous le souhaitez,
vous en aurez. Dix ou vingt francs y sont bien vite employés !
PATHELIN – Peu importe, si c’est le prix à payer ! Il me reste encore quelques
petites pièces que ni mon père ni ma mère n’ont jamais vues.
LE DRAPIER – Dieu soit loué ! Par Saint Pierre, cela ne me déplairait pas, au
contraire.
PATHELIN – Bref, j’ai une terrible envie de ce drap. Il m’en faut.
LE DRAPIER – Fort bien ! D’abord, il faut déterminer combien vous en voulez.
Tout est à votre disposition, tout ce qu’il y a dans la
pile, même si vous n’aviez pas le moindre sou.
PATHELIN – Je le sais bien, et vous en remercie.
LE DRAPIER – Souhaitez-vous de ce tissu bleu clair que voici ?
PATHELIN – Allons ! Combien me coûtera la première aune ? Dieu sera payé en
premier, c’est normal : voici un denier. Ne faisons rien sans y associer le nom de
Dieu.
LE DRAPIER – Parbleu, voilà qui est parlé en honnête homme, et j’en suis tout
heureux ! Voulez-vous connaître mon dernier prix ?
PATHELIN – Oui.
LE DRAPIER – Chaque aune vous coûtera vingt-quatre sous.
PATHELIN – Ça jamais ! Vingt-quatre sous ? Sainte Vierge !
LE DRAPIER – Sur mon âme, c’est ce qu’il m’a coûté ! Et il m’en faut autant, si
vous le prenez.
PATHELIN – Diable ! C’est trop !
LE DRAPIER – Ah ! Vous ne savez pas à quel point le tissu a augmenté ! Tout le
bétail a péri cet hiver à cause du grand froid.
PATHELIN – Vingt sous ! Vingt sous !
LE DRAPIER – Eh ! Je vous jure que j’en aurai le prix que j’en demande. Attendez
donc jusqu’à samedi : vous verrez bien ce qu’il vaut ! La toison, dont d’habitude il
y avait à profusion, m’a coûté, à la Sainte-Madeleine, huit blancs, parole
d’honneur, alors que je la payais d’ordinaire quatre.
PATHELIN – Palsambleu, ne discutons plus puisqu’il en est ainsi. Marché conclu.
Allons ! Mesurez !
LE DRAPIER – Mais je vous demande combien vous en voulez ?
PATHELIN – C’est très facile à savoir : en quelle largeur est le tissu ?
LE DRAPIER – Celle de Bruxelles.
PATHELIN – Trois aunes pour moi, et pour elle, deux et demie, car elle est grande.
Cela fait six aunes... C’est bien ça ? Mais non, ce n’est pas ça. Que je suis bête !
LE DRAPIER – Il ne manque qu’une demi-aune pour avoir tout juste les six.
PATHELIN – J’arrondis à six, car il me faut aussi un chaperon.
LE DRAPIER – Tenez le tissu, nous allons mesurer. Elles y sont sans faute. I l s
mesurent ensemble . Et d’une, et de deux, et de trois... quatre, cinq et six.
PATHELIN – Ventre Saint Pierre ! C’est ric-rac !
LE DRAPIER – Voulez-vous que je mesure une seconde fois ?
PATHELIN – Non, par mes tripes ! Il y a toujours un peu de perte ou de profit sur la
marchandise. À combien se monte le tout ?page 22
LE DRAPIER – Le compte sera vite fait : à vingt-quatre sous l’aune, cela fait neuf
francs les six.
PATHELIN – Hum ! Pour une fois ! Cela fait six écus ?
LE DRAPIER – Mon Dieu, oui, exactement.
PATHELIN – Eh bien, monsieur, acceptez-vous de me faire crédit jusqu’à tantôt,
quand vous viendrez chez moi ? Le drapier f ronce les sourci l s . Pas
exactement « faire crédit » : vous serez payé chez moi en or ou en argent.
LE DRAPIER – Sainte Vierge ! Cela me ferait un long détour de passer par là.
PATHELIN – Eh ! Par saint Gilles, ce n’est pas parole d’Évangile qui sort là de
votre bouche ! C’est bien dit : vous feriez un détour ! C’est ça ! Vous voudriez
surtout ne jamais trouver la moindre occasion de venir prendre un verre chez moi.
Mais cette fois, vous y viendrez.
LE DRAPIER – Eh ! Par saint Jacques, je ne fais guère autre chose que boire ! J’irai.
Mais vous savez bien qu’il n’est pas bon de faire crédit à la première vente de la
journée.
PATHELIN – Vous estimerez-vous satisfait si, pour cette première vente, je vous
règle avec des écus d’or, et non avec de la menue monnaie ? Et parbleu, vous
mangerez aussi de l’oie que ma femme est en train de faire rôtir.
LE DRAPIER, à part – Vraiment, cet homme me rend fou. À Pathel in . Partez
devant. Allez ! Si c’est comme ça, je viendrai, et j’apporterai le drap.page 23
PATHELIN – Certainement pas ! Que me pèsera-t-il sous le bras ? Rien du tout !
LE DRAPIER – Ne vous inquiétez pas ! Il vaut mieux que je le porte moi-même,
c’est plus convenable.
PATHELIN – Que Sainte Madeleine me fasse passer un mauvais quart d’heure si je
vous laisse jamais vous donner ce mal ! Voilà qui est très bien dit : sous mon bras !
I l met le t i ssu sous sa robe . Cela me fera une belle bosse ! Ah, c’est très
bien ainsi ! Vous ne partirez pas de chez moi sans qu’on ait bien bu, et qu’on se
soit bien régalé.
LE DRAPIER – Je vous prie de me donner mon argent dès mon arrivée.
PATHELIN – Oui, parbleu ! Ou plutôt, non ! Pas avant que vous
n’ayez pris un bon repas. Je m’en voudrais même d’avoir sur moi de quoi vous
payer. Au moins viendrez-vous goûter de mon vin. Feu votre père, quand il passait,
criait bien haut : « Eh ! Compère ! », ou « Que racontes-tu ? », ou encore « Que
fais-tu ? ». Mais vous autres riches, vous ne faites pas grand cas des pauvres gens !
LE DRAPIER – Mais, palsambleu ! C’est nous qui sommes les plus pauvres !
PATHELIN – Ouais ! Adieu, adieu ! Rendez-vous tout à l’heure à l’endroit convenu.
Et nous boirons bien, je vous le garantis !
LE DRAPIER – D’accord. Partez devant, et que j’aie mon or !page 24
PATHELIN, en partant – Votre or ! Allons donc ! Votre or ! Je n’ai jamais
manqué de parole ! À part . Non mais ! Son or ! Puisse-t-il être pendu ! Hum !
Diable, il ne m’a pas vendu son drap à mon prix, mais au sien. Cependant, c’est au
mien qu’il sera payé ! Il veut de l’or ? On va lui en fabriquer ! Dieu fasse qu’il
coure sans s’arrêter jusqu’au règlement complet de sa vente ! Par Saint Jean, il
ferait plus de chemin qu’il n’y en a d’ici à Pampelune !
LE DRAPIER, res té seul – De toute l’année, ils ne verront ni le soleil ni la lune,
ces écus qu’il va me donner, à moins qu’on me les vole. Ainsi, il n’est si habile
acheteur qui ne trouve vendeur plus habile encore ! Le trompeur que voilà est bien
sot d’avoir acheté vingt-quatre sous l’aune un tissu qui n’en vaut pas vingt.
Scène 3
MAITRE PATHELIN, GUILLEMETTE
Chez Pathel in .
PATHELIN – Est-ce que j’en ai ?
GUILLEMETTE – De quoi ?
PATHELIN – Qu’est devenue votre vieille houppelande ?
GUILLEMETTE – Est-il bien nécessaire d’en parler ? Que voulez-vous en faire ?
PATHELIN – Rien, rien. Est-ce que j’en ai ? Je l’avais bien dit. I l montre le
t i ssu . Est-ce bien de ce drap-ci qu’il fallait ?
GUILLEMETTE – Sainte Vierge ! Mais j’en donnerais mon âme au diable, c’est là
le résultat de quelque tromperie ! Grand Dieu ! D’où nous vient cette aubaine ?
Hélas, hélas ! Qui va le payer ?
PATHELIN – Vous demandez qui ? Par Saint Jean, il est déjà payé. Le marchand
qui me l’a vendu, ma chère, n’est pas fou. Que je sois pendu par le cou, s’il n’est
saigné à blanc... comme un sac de plâtre ! Ce maudit et rusé coquin est bien roulé.
GUILLEMETTE – Combien coûte-t-il donc ?
PATHELIN – Je ne dois rien. Il est payé, ne vous inquiétez pas.
GUILLEMETTE – Vous n’aviez pas le moindre sou. Et il est payé ? Avec quel
argent ?
PATHELIN – Eh, palsambleu ! Bien sûr que j’avais de l’argent, madame. J’avais un
sou de Paris.
GUILLEMETTE – C’est du beau travail ! Une belle obligation ou
quelque reconnaissance de dette ont fait l’affaire ; c’est ainsi que vous l’avez
obtenu. Et quand arrivera l’échéance, on viendra chez nous, on saisira nos biens,
on nous enlèvera tout ce que nous avons !
PATHELIN – Palsambleu, tout ce tissu ne m’a coûté qu’un denier.
GUILLEMETTE – Vierge Marie, priez pour nous ! Un denier seulement ? C’est
impossible !
PATHELIN -Vous pouvez bien m’arracher un œil s’il en a reçu ou en reçoit jamais
davantage. Il aura beau chanter.
GUILLEMETTE – Et qui est-ce ?
PATHELIN – Un certain Guillaume, dont le nom de famille est Joceaulme, si vous
voulez savoir.
GUILLEMETTE – Mais comment l’avez-vous obtenu pour un seul denier ? Par quel
tour ?
PATHELIN – Ce fut grâce au denier à Dieu. Et encore, si j'avais dit "Topez-là,
marché conclu", par ces seuls mots j'aurais gardé mon denier. Alors, n'est-ce pas là
du beau travail? Dieu et lui se partageront ce denier-là, si bon leur semble, car c'est
tout ce qu'ils auront. Ils pourront toujours s'égosiller, cris et lamentations n'y feront
rien.page 31
GUILLEMETTE – Comment a-t-il pu accepter de le vendre à crédit, lui qui est si
méfiant ?
PATHELIN – Par la Vierge Marie, je lui ai si bien doré son blason qu’il me l’a
presque donné. Je lui glissais que feu son père avait été un si brave homme ! « Ah,
mon frère m’écriai-je, quels bons parents que les vôtres ! Vous appartenez, ajoutai-
je, à la famille la plus estimable des environs. » Mais je veux bien consacrer ma vie
entière à Dieu, s’il n’est issu de la pire engeance, la plus fieffée canaille, à mon
avis, qui soit dans ce royaume ! « Ah, Guillaume mon ami, dis-je, comme vous
ressemblez à votre brave père aussi bien du visage que du reste ! » Dieu sait
comme j’échafaudais mon piège et, de temps à autre, glissais dans mes propos des
considérations sur ses draps ! « Et puis, Sainte Vierge ! m’exclamai-je, avec quelle
gentillesse, avec quelle simplicité il faisait crédit sur ses marchandises ! C’était
vous tout craché ! » ajoutai-je. Et pourtant, on aurait arraché les dents au vilain
marsouin, feu son père, et à son babouin de fils, avant qu’ils ne vous prêtent ça
(Pathel in fa i t c laquer son ongle contre ses dents ) ou prononcent une
parole aimable. Mais enfin, j’ai tant parlé et tant brodé qu’il m’en a vendu six
aunes.
GUILLEMETTE – Pour de vrai, sans jamais avoir à le payer ?
PATHELIN – C’est ainsi que vous devez le comprendre. Payer ? On lui paiera le
diable !page
GUILLEMETTE – Vous m’avez rappelé la fable du corbeau qui était perché sur une
croix de cinq à six toises de haut, et tenait en son bec un fromage. Survint un
renard qui, apercevant le fromage, se demanda : « Comment l’avoir ? » Alors il se
plaça en dessous du corbeau. « Ah ! lui dit-il, que tu as le corps beau, que ton chant
est mélodieux ! » Le corbeau, dans sa sottise, entendant vanter ainsi son chant,
ouvrit le bec pour chanter. Son fromage tombe à terre, maître Renard vous le saisit
à belles dents, et l’emporte. Ainsi en est-il, je l’assure, de ce drap. Vous avez piégé
et attrapé le marchand grâce à vos flatteries et à vos belles paroles, comme fit
Renard pour le fromage. C’est en faisant la grimace que vous avez obtenu le drap.
PATHELIN – Il doit venir manger de l’oie, et voici ce que nous devrons faire. Je
suis sûr qu’il viendra brailler pour recevoir promptement son argent. Mais j’ai
imaginé un bon tour. Je vais me mettre au lit, comme si j’étais malade. Quand il
arrivera, vous lui direz : « Ah, parlez à voix basse ! » et, la mine pâle, vous
gémirez. « Hélas ! direz-vous, voici deux mois, ou six semaines, qu’il est malade. »
Et s’il vous répond : « Balivernes oui ! Il sort à l’instant de chez moi ! » vous
répliquerez : « Hélas ! Ce n’est pas le moment de plaisanter. » Et laissez-moi lui
jouer un air de ma façon, car il ne tirera rien d’autre de moi.
GUILLEMETTE – Sur mon âme, je vous jure que je jouerai très bien mon rôle. Mais
si vous retombez dans un mauvais pas et que la justice vous attrape à nouveau, je
crains que vous ne le payiez le double de la dernière fois !
PATHELIN – Allons, silence ! Je sais parfaitement ce que je fais. Il faut agir comme
je l’ai dit.
GUILLEMETTE – Pour l’amour de Dieu, souvenez-vous du samedi où l’on vous mit
au pilori. Souvenez-vous que tout le monde vous hua pour votre fourberie.
PATHELIN – Cessez donc ce bavardage ! Il va arriver : nous ne prenons pas garde à
l’heure. Il nous faut conserver ce drap. Je vais me mettre au lit.
GUILLEMETTE – Allez-y donc.
PATHELIN – Surtout ne riez pas !
GUILLEMETTE – Certainement pas ! Au contraire, je vais pleurer à chaudes larmes.
PATHELIN – Nous devons tous les deux bien tenir notre rôle, afin qu’il ne
s’aperçoive de rien.
Scène 4
LE DRAPIER
DE VA N T L A BO UT I Q UE D U D RA P I ER . LE DRAPIER – Je crois qu’il est temps pour moi de boire un verre avant de me
mettre en route. Ah, mais non, par saint Mathelin! Il est convenu que j’aille boire
du vin et manger de l’oie chez maître Pierre Pathelin. En plus, j’y recevrai de
l’argent. Ce sera toujours autant de pris sans rien débourser. J’y vais de ce pas, car
à l’heure qu’il est, je ne vendrai plus rien.
I l ferme sa bout ique e t s ’en va .
Scène 5
LE DRAPIER, GUILLEMETTE, PATHELIN
DE VA N T , P UI S D AN S L A M AI S O N D E PA T H E L I N . LE DRAPIER – Hola ! Maître Pierre !
GUILLEMETTE, entrouvrant la por te – Hélas, monsieur, pour l’amour de
Dieu, si vous avez quelque chose à dire, parlez à voix basse !
LE DRAPIER – Que Dieu vous protège, madame !
GUILLEMETTE – Ah ! À voix basse !
LE DRAPIER – Hein ? Quoi ?page 38
GUILLEMETTE – Je vous en conjure, sur mon âme...
LE DRAPIER – Où est-il ?
GUILLEMETTE – Hélas ! Où peut-il être ?
LE DRAPIER – Qui ?...
GUILLEMETTE – Ah ! Quelle mauvaise plaisanterie ! Mon maître, évidemment !
Où est-il ? Puisse Dieu, dans sa bonté, le savoir ! Là où il est depuis onze
semaines, le pauvre martyr, sans bouger !
LE DRAPIER – Mais qui ?...
GUILLEMETTE – Pardonnez-moi, je n’ose pas parler fort. Je crois qu’il repose. Il
s’est un peu assoupi. Hélas ! Il est si accablé, le pauvre homme !
LE DRAPIER – Qui ?
GUILLEMETTE – Mais maître Pierre !
LE DRAPIER – Quoi ? N’est-il pas venu chercher six aunes de drap à l’instant ?
GUILLEMETTE – Qui ? Lui ?
LE DRAPIER – Il en revient tout juste, il n’y a pas la moitié d’un quart d’heure.
Payez-moi. Diable ! Je perds beaucoup trop de temps. Allez, sans lanterner
davantage, mon argent !
GUILLEMETTE – Eh ! Trêve de plaisanteries ! Ce n’est pas le moment de
s’amuser !
LE DRAPIER – Allez, mon argent ! Êtes-vous folle ? Il me faut mes neuf francs.
GUILLEMETTE – Ah, Guillaume, il ne faut pas débiter des balivernes ici. Vous
venez pour me dire des âneries ? Allez raconter vos sornettes aux idiots et vous
amuser avec eux, si vous en avez envie.
LE DRAPIER – Que je renie Dieu si je n’ai mes neuf francs !
GUILLEMETTE – Hélas, monsieur, tout le monde n’a pas comme vous si grande
envie de rire et de raconter des sottises.
LE DRAPIER – Allons, je vous en prie, cessez ces balivernes. Par pitié, faites venir
maître Pierre.
GUILLEMETTE – Malheur à vous ! N’est-ce pas fini maintenant ?
LE DRAPIER – Ne suis-je pas ici chez maître Pierre Pathelin ?
GUILLEMETTE – Si. Que le mal de saint Mathelin s’empare de votre cerveau, mais
pas du mien ! Parlez à voix basse !
LE DRAPIER – Par le diable ! Devrais je avoir peur de demander après lui ?
GUILLEMETTE – Que Dieu me protège ! Plus bas, si vous ne voulez pas qu’il se
réveille !
LE DRAPIER – Comment « bas » ? Voulez-vous qu’on vous parle à l’oreille ? Du
fond du puits ? Ou de la cave ?
GUILLEMETTE – Eh, mon Dieu ! Que vous avez de salive ! D’ailleurs, c’est
toujours comme ça avec vous.
LE DRAPIER – Au diable, maintenant que j’y pense ! Si vous voulez que je parle à
voix basse... Dites donc ! Quant aux discussions de ce genre, ce n’est pas dans mes
habitudes. Ce qui est vrai, c’est que maître Pierre a acheté six aunes de drap
aujourd’hui.age 40
GUILLEMETTE, é levant la voix – Qu’est-ce que c’est que cette histoire ?
N’avez-vous pas fini pour aujourd’hui ? Que le diable s’en mêle ! Voyons !
Comment ça, « acheté » ? Ah, monsieur, que l’on pende celui qui ment ! Il est dans
un tel état, le pauvre homme, qu’il n’a pas quitté le lit depuis onze semaines. Vous
nous débitez des sornettes de votre cru ? Est-ce bien raisonnable en ce moment ?
Vous allez sortir de chez moi ! Par les angoisses de Dieu, que je suis malheureuse !
LE DRAPIER – Vous me disiez de parler tout bas... Sainte Vierge Marie, et vous
criez !
GUILLEMETTE, à voix basse – Sur mon âme, c’est vous qui ne faites que
chercher querelle !
LE DRAPIER – Allons ! Afin que je m’en aille, donnez-moi...
GUILLEMETTE, s ’oubl iant e t cr iant – Allez-vous parler à voix basse, à la
fin ?
LE DRAPIER – Mais c’est vous qui allez le réveiller. Palsambleu ! Vous parlez
quatre fois plus fort que moi ! Je vous somme de me payer !
GUILLEMETTE – Et quoi encore ? Au nom de Dieu, êtes-vous ivre ? ou fou ?
LE DRAPIER – Ivre ? Malédiction de saint Pierre ! En voilà une bonne de question !
GUILLEMETTE – Hélas ! Plus bas !
LE DRAPIER – Bénédiction de saint Georges, je vous demande l’argent de six
aunes de drap, madame...page 41
GUILLEMETTE, à part – On vous le fabrique ! Puis à voix haute . Et à qui
donc l’avez-vous vendu ?
LE DRAPIER – À lui-même.
GUILLEMETTE – Il est bien en état d’acheter du drap ! Hélas ! Il ne bouge pas. Il
n’a nul besoin d’une robe. Il n’en portera plus jamais aucune, sinon une blanche, et
il ne partira de là où il est que les pieds devant.
LE DRAPIER – C’est donc tout récent, car sans mentir, je lui ai parlé.
GUILLEMETTE, d’une voix perçante – Vous avez la voix si aiguë ! Parlez plus
bas, de grâce !
LE DRAPIER – Mais c’est vous, en vérité ! Oui, vous-même, nom d’un chien !
Palsambleu ! Quelle histoire pénible ! si l’on me payait, je partirais. À part .
Parbleu, chaque fois que j’ai fait crédit, je n’ai pas récolté autre chose !
PATHELIN, couché – Guillemette ! Un peu d’eau de rose ! Redressez-moi !
Relevez les coussins dans mon dos ! Fichtre ! Mais à qui est-ce que je parle ? La
carafe ! À boire ! Frottez-moi la plante des pieds !
LE DRAPIER – Là, je l’entends.
GUILLEMETTE – Évidemment !
PATHELIN – Ah, maudite femme, viens ici ! T’avais-je demandé d’ouvrir ces
fenêtres ? Viens me couvrir, et chasse ces gens tout noirs ! Marmara, carimari,
carimara ! Emmenez-les loin de moi ! Emmenez-les !
GUILLEMETTE, à l ’ in tér ieur de la maison – Que se passe-t-il ? Comme
vous vous agitez ! Êtes-vous devenu fou ?
PATHELIN – Tu ne sais pas ce que j’éprouve. I l s ’agi te . Voilà un moine noir qui
vole. Attrape-le et passe-lui une étole ! Au chat, au chat! Comme il grimpe !
GUILLEMETTE – Mais qu’est-ce que cela veut dire ? N’avez-vous pas honte ? Eh,
parbleu ! Vous vous agitez trop !
PATHELIN, retombant épuisé – Ces médecins m’ont tué avec
ces drogues qu’ils m’ont fait boire. Mais il faut pourtant leur faire confiance, car ils
font pour le mieux.
GUILLEMETTE, au drapier – Hélas ! Venez le voir, cher monsieur : il souffre le
martyre.
LE DRAPIER, i l entre dans la chambre – Il est vraiment malade depuis
l’instant où il est revenu de la foire ?
GUILLEMETTE – De la foire ?
LE DRAPIER – Par saint Jean, oui ! Je suis certain qu’il y est allé. À Pathel in . Il
me faut l’argent du drap que je vous ai cédé à crédit, maître Pierre.
PATHELIN, fe ignant de prendre le drapier pour un médecin – Ah,
maître Jean ! J’ai chié deux petites crottes plus dures que de la pierre, toutes noires
et rondes, comme des pelotes. Devrai-je prendre un autre clystère ?
LE DRAPIER – Qu’est-ce que j’en sais ? Qu’est-ce que cela peut me faire ? Il me
faut neuf francs, ou six écus.
Unité 12 : La poésie à la fin du Moyen-Âge (XIVe-XV
e siècles)
À la fin du Moyen-Âge la poésie lyrique connaît un grand succès. Malgré
les ravages d’une forte guerre peu chevaleresque, malgré les meurtres politiques
les traditions courtoises des troubadours et des trouvères sont cultivées avec un
grand raffinement esthétique. La chanson d’amour des troubadours disparaît au
XIVe
siècle. Les poètes préfèrent les poésies de formes fixes : la ballade, le
rondeau, le lai, le chant royal.
Le lai est une suite de 12 strophes sans refrain qui diffèrent entre elles par le
mètre, les rimes, le nombre de vers, sauf la première et la dernière, qui sont de
structure identique.
La ballade est la forme la plus répandue. Elle se compose de trois à cinq
strophes de longueur variable qui se terminent par le même vers refrain. Les
mêmes rimes sont reprises dans toutes les strophes et dans le même ordre.
Le rondeau est une forme plus nouvelle et originale, dont les traits
essentiels sont la brièveté, l'importance du refrain, et surtout une forme circulaire :
les vers initiaux sont repris partiellement ou intégralement au milieu et à la fin du
poème. Le modèle le plus fréquent est une structure de huit vers sur deux rimes
(aB aA ab AB). Le rondeau connaîtra son apogée à l'époque de Charles d'Orléans.
Le virelai, que l'on appelle aussi chanson baladée, est également une
structure plus longue qui comporte en principe plusieurs strophes avec reprises de
refrain et alternance de mètre divers.
Le dit est un poème narratif récité ou lu sans accompagnement musical.
Guillaume de Machaut est né à Machault en Champagne, dans une famille
roturière. Après une formation de clerc, il entre au service de divers grands
seigneurs, mais il est aussi chanoine de Reims, ce qui lui donne une relative
indépendance. Il est à la fois l'un des plus grands poètes du Moyen-Âge et un grand
musicien, auteur de mélodies, mais aussi de motets, et de la première messe
polyphonique. Il est le premier à dissocier musique et poésie.
Célébré comme un maître et un chef de file par tous les poètes des XIVe
et
XVe
siècles, il compose environ 400 pièces lyriques d'inspiration courtoise. Il
reprend des formes anciennes, les raffine, en explore les possibles, en définit les
règles, et fait leur succès. Son Remède de Fortune, un dit narratif, contient ainsi
neuf pièces lyriques qui sont considérées comme des modèles de chacun des
genres. À la fin de sa vie il rédige un Prologue à ses oeuvres qui, sous la forme
d'une fiction allégorique, constitue un véritable art poétique. Il écrit aussi une
dizaine de dits narratifs en octosyllabes avec insertions lyriques, souvent consacrés
à des débats de casuistique amoureuse où le narrateur est soit témoin soit confident
soit partie.
Son chef d'oeuvre est Le Livre du Voir Dit (1364) (dit véridique, dit de la
vérité), qui narre une histoire d'amour (une jeune dame est amoureuse d'un vieux
poète dont elle ne connaît d'abord que la poésie) à la fois très concrète (ce n'est pas
un amour de loin : la scène centrale est une scène d'union) et très allégorique. Le
Voir Dit est une confession autobiographique sur la vieillesse et la position sociale
du poète, mais aussi et surtout une réflexion sur l'expérience littéraire, les pouvoirs
de la littérature, les mouvements de la mémoire qui y sont à l'œuvre. Ce livre en
train de s'écrire, qu'on a pu qualifier de « nouveau roman » du XIVe siècle, fait
alterner avec bonheur des passages narratifs, des chansons, des lettres, et des
échappées mythologiques.
Jean Froissart est l'auteur de Méliador (entre 1365 et 1380), le dernier
grand roman arthurien en vers, et des Chroniques (1370-1400), son oeuvre
majeure, mais aussi de poèmes d'inspiration courtoise, et de dits s'inspirant souvent
du Roman de la Rose et de ceux de Guillaume de Machaut : Le Paradis d'amour
(1361-1362), L'Épinette amoureuse (v. 1369), La Prison amoureuse (1371-1372),
L'Horloge amoureuse (1368), Le Joli Buisson de Jeunesse (1373).
Eustache Deschamps (1346-1406), héritier direct de Guillaume de Machaut
qui était son maître. Il est l'auteur de nombreux poèmes de sujets très variés, avec
une prédilection pour les ballades, dans lesquelles il intègre souvent des épisodes
réalistes ou comiques. Il prend une certaine distance vis à vis de la courtoisie en
exposant sa philosophie du carpe diem et des amours faciles. Son Art de dictier est
le premier traité de poétique français. Le Testament burlesque s’adresse à un
public de bons vivants et préfigure la fantaisie de François Villon.
Alain Chartier secrétaire du dauphin, le futur Charles VII, durant la guerre
de Cent Ans, chroniqueur, il est aussi l'auteur de rondeaux, lais et ballades, du
Quadrilogue invectif (1422), composé de quatre discours (la France en deuil, le
Peuple, le Chevalier et le Clergé) appelant à la paix, et de la Belle Dame sans
mercy (1424), un débat composé de cent strophes en octosyllabes qui pointe une
faille de l'amour courtois et déchaîne une querelle (la dame, image d'une féminité
nouvelle qui n'accepte pas forcément avec gratitude le désir masculin, rejette un
amour qui, non réciproque, ne saurait faire peser sur elle aucune contrainte).
Christine de Pisan née en Italie vers 1364, arrive en France en 1368 lorsque
son père, médecin et astrologue de Charles V, s'installe à la cour. Elle y épouse
vers Étienne Castel, l'un des secrétaires du roi, qui meurt en 1389. Son destin
singulier de première femme de lettres résulte de ce veuvage précoce : veuve à 25
ans d'un homme qu'elle a aimé, avec à sa charge trois enfants, une mère et une
nièce, elle devient écrivain de métier pour gagner sa vie et celle de sa famille. Elle
multiplie les ouvrages didactiques, en prose ou en vers rédige des dits à insertions
lyriques, des poèmes religieux, et offre à ses mécènes des recueils de ses oeuvres
réalisés dans son propre atelier de copistes. Elle a même écrit en 1410 un traité
d'art et de droit militaire : le Livre des faits d'arme et de chevalerie.
Ses poèmes, composés à partir de 1394, sont le plus souvent organisés dans
des recueils selon une trame narrative. Certains sont d'inspiration courtoise (les
Cent Ballades d'Amant et de Dame, où les voix des deux protagonistes alternent),
d'autres possèdent un ton plus personnel. La dimension autobiographique est
importante dans des textes qui évoquent les circonstances réelles de sa vie, de
manière allusive et allégorique (au début de la Mutation de Fortune et dans le
Livre du chemin de longue étude), ou de manière plus précise (dans L'Avision
Christine, 1405).
Son oeuvre est restée célèbre pour sa défense des femmes, dans les Lettres
du Débat sur le Roman de la Rose d'abord, et surtout dans le Livre de la Cité des
Dames, qui rassemble des exemples de femmes illustres de tous les temps, puis le
Livre des Trois Vertus ou Trésor de la Cité des Dames (1405), où elle s'adresse à
ses contemporaines pour leur prodiguer des conseils.
Charles d'Orléans est un prince. Son frère, le roi Charles VI, sombre dans
la folie avant même sa naissance. Son père, Louis d'Orléans, est assassiné sur
l'ordre de Jean sans Peur en 1407 (il a treize ans), sa mère meurt en 1408, sa
cousine et première épouse en 1409. Il commence à écrire vers 1410. Capturé à
Azincourt, il reste prisonnier des anglais durant toute sa jeunesse, de 1415 à 1440.
Libéré, il traverse une brève période d'action politique, puis se retire à Blois pour
se consacrer à la poésie.
Dès 1437, Charles d'Orléans s'écarte des thèmes courtois pour trouver une
inspiration plus personnelle. Si le XVe est le siècle de la mélancolie, en effet,
Charles d'Orléans, l’ « Écolier de Mélancolie » en est l'un des meilleurs
représentants. Ses poèmes, marqués par son goût pour la réflexion et l'introspection
(« Il n'est nul si beau passe-temps / Que se jouer à sa pensée »), composent le récit
d'une expérience intérieure faite de conscience de soi et d'observation d'autrui,
d'une méditation très actuelle sur la nature du moi, le passage du temps, la
souffrance comme outil de connaissance.
Ses vers mêlent raffinement courtois et tracas quotidiens, confidence et
pudeur, pathétique et ironie. L'émotion y est disciplinée par la rhétorique et
tempérée par l'humour. Il faut également souligner l'élégance et la légèreté de ses
pièces, qui laissent une impression de limpidité et de facilité. Il a surtout composé
des poèmes courts, ballades et rondeaux, ainsi que quatre complaintes et deux dits
narratifs. Sa forme de prédilection est le rondeau de 12 ou 15 vers, très proche par
la forme et les thèmes du sonnet qui triomphera au siècle suivant.
Ballade CXX
Je n’ai plus soif, tarie est la fontaine ;
Je suis bien échauffé, mais sans le feu amoureux ;
Je vois bien clair, mais il n’en faut pas moins que l’on me guide ;
Folie et sens me gouvernent tous les deux ;
Je m’éveille ensommeillé en Nonchaloir ;
C’est de ma part un état mêlé,
Ni bien ni mal, au gré du hasard.
Je gagne et je perds, m’escomptant à la semaine ;
Rires, Jeux, Plaisirs, je n’en tiens pas compte ;
Espoir et Deuil me mettent hors d’haleine ;
Chance, en me flattant, m’est pourtant trop rigoureuse ;
D’où vient que je rie et me désole ?
Est-ce par sagesse, ou par folie bien prouvée ?
Ni bien ni mal, au gré du hasard.
Je suis récompensé d’un cadeau malheureux ;
En combattant, je me rends courageux ;
Joie et Souci m’ont mis en leur pouvoir ;
Tout déconfit, je me tiens au rang des preux ;
Qui saurait dénouer pour moi tous ces nœuds ?
Il y faudrait une tête d’acier, bien armée,
Ni bien ni mal, au gré du hasard.
Vieillesse me fait jouer à de tels jeux,
Perdre et gagner, tout sous son influence ;
J’ai joué cette année en pure perte,
Ni bien ni mal, au gré du hasard.
(Charles d’Orléans, Œuvres poétiques)
Unité 13 : François Villon
François Villon a écrit des ballades et des rondeaux. Il est célèbre pour ses
deux dernières œuvres, qui appartiennent au genre du congé poétique : les Lais
(1456), sont la première ébauche de son Testament (1461). Ce testament fictif et
parodique de 2023 vers est composé également de huitains entrecoupés de poèmes
qui peuvent en être détachés (comme la célèbre « Ballade des Dames du temps
jadis »). La première partie, les Regrets (800 vers), est une méditation sur la
vieillesse et la fuite du temps, la deuxième partie est consacrée à une succession de
Legs souvent ironiques qui s'achève sur une invitation à boire à la fois burlesque et
poignante. Ce texte complexe et ambigu, mêle l'obsession de la décrépitude et de la
mort à des pirouettes carnavalesques, et explore les registres les plus divers :
dérision et prière, paillardise et émotion, rire et larmes, repentir et défi. Villon y
recrée tout le Paris populaire de son époque, dans un style vivant qui se caractérise
également par une utilisation très riche des possibilités du langage : citations,
digressions, jeux de mots, associations d'idées, et autres explorations de la carte
complexe des souvenirs.
Après François Villon, la poésie du Moyen Âge tourne le dos au lyrisme et à
l'expression personnelle, sincère ou non, pour s'attacher à des recherches plus
formelles. Les poètes regroupés sous l'étiquette de grands rhétoriqueurs mettent
leur virtuosité technique au service d'un contenu qui semble banal et répétitif : ce
sont des poètes de cour qui écrivent des poèmes de circonstance, dans lesquels
cependant la critique des puissants n'est pas forcément absente. Ils considèrent que
la poésie relève avant tout de la « seconde rhétorique », recherchent la perfection
formelle, et rédigent souvent des arts poétiques. (Doctrinal de seconde rhétorique
de Baudet Herenc, Art de Rhétorique de Jean Molinet).
Ballade des dames du temps jadis
Dites moi où, n’en quel pays
Est Flora la belle Romaine ;
Archipiade ne Tais
Qui fut sa cousine germaine ;
Echo, parlant quand bruit on mène
Ballade du concours de Blois
Je meurs de soif auprès de la fontaine,
Chaud comme feu, et tremble dent à
dent ;
En mon pays suis en terre lointaine ;
Lez un brasier frissonne tout ardent ;
Dessus rivière ou sus étang,
Qui beauté ot trop plus qu’humaine ?
Mais où sont les neiges d’antan ?
Où est la très sage Helois,
Pour qui fut chantre et puis moine
Pierre Esbaillard à Saint Denis ?
Pour son amour ot cette essoine.
Semblablement où est la roine
Qui commanda que Buridan
Fut jeté en un sac en Seine ?
La roine Blanche come un lis
Qui chantoit à voix de sereine,
Berthe au grand pied, Bietris, Alis,
Aremburgis qui tint le Maine,
Et Jeanne, la bonne Lorraine
Qu’Anglois brûlèrent à Rouen ;
Où sont ils, où, vierge souveraine ?
Mais où sont les neiges d’antan ?
Prince, n’enquérez de semaine
Où elles sont, né de cet an,
Qu’à ce refrain ne vous remaine ;
Mais où sont les neiges d’antan ?
(François Villon, Poésies)
Nu comme un ver, vêtu en président,
Je ris en pleurs et attends sans espoir ;
Confort reprends en triste désespoir ;
Je m’éjouis et n’ai plaisir aucun ;
Puissant je suis sans force et sans
pouvoir,
Bien recueilli, débouté de chacun.
Rien ne m’est sûr que la chose
incertaine ;
Obscur, fors ce qui est tout évident ;
Doute ne fais, fors en chose certaine ;
Science tiens à soudain accident ;
Je gagne tout et demeure perdant ;
Au point du jour dis : « Dieu vous
donne bon soir ! »
Gisant envers, j’ai grand paour de
choir ;
J’ai bien de quoi et si n’en ai pas un ;
Echoite attends et d’homme ne suis
hoir,
Bien recueille, débouté de chacun.
De rien n’ai soin, si mets toute ma
peine
D’acquérir biens et n’y suis
prétendant ;
Qui mieux me sit, c’est cil qui
m’ataine,
Et qui plus vrai, lors plus me va
bourdant ;
Moi ami est, qui me fait entendant
D’un cygne blanc que c’est un corbeau
noir ;
Et qui me nuit, crois qu’il m’aide à
pouvoir ;
Bourde, verte, au jour d’hui m’est tout
un ;
Je retiens tout, rien ne sait concevoir,
Bien recueilli, débouté de chacun.
Prince clément, or vous plaise savoir :
Partial suis, à toutes lois commun.
Que sais-je plus ? Quoi ? Les gages
ravoir,
Bien recueilli, débouté de chacun.
(François Villon, Poésies)
L’épitaphe de Villon
En forme de ballade
Frères humains qui après nous vivez,
N’ayez les cœurs contre nous endurcis,
Car, se pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plus tôt de vous mercis.
Vous nous voyez ci attachés cinq, six :
Quant de la chair que trop avons nourrie,
Elle est piéça dévorée et pourrie,
Et nous, les os, devenons cendre et poudre.
De notre mal personne ne s’en rie ;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !
Se frères vous clamons, pas n’en devez
Avoir dédain, quoi que fumes occis
Par justice. Toutefois, vous savez
Que tous hommes n’ont pas bon sens rassis ;
Excusez nous, puis que nous sommes transis,
Envers le fils de la Vierge Marie,
Que sa grâce ne soit pour nous tarie,
Nous préservant de l’infernale foudre.
Nous sommes morts, âme ne nous harie,
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !
La pluie nous a bues et lavés,
Et le soleil desséchés et noircis ;
Pies, corbeaux, nous ont les yeux cavés,
Et arrache la barbe et les sourcils.
Jamais nul temps nous ne sommes assis ;
Puis ça, puis là, comme le vent varie,
A son plaisir sans cesser nous charrie,
Plus becquetés d’oiseaux que dès à coudre.
Ne soyez donc de notre confrérie ;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !
Prince Jésus, qui sur tous a maîtrie,
Garde qu’Enfer n’ait de nous seigneurie :
A lui n’ayons que faire ne que soudre.
Hommes, ici n’a point de moquerie ;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !
(François Villon, Poésies)
Unité 14 : Modèles de sujets prévus pour l’examen
1 - présenter les conditions de production de La Chanson de Roland (producteurs,
récepteurs, contexte socio-politique et économique du XIe siècle) – 1p.x3=3p. / -
rédiger la fiche bio-bibliographique de François Villon – 2p. /- présenter le schéma
compositionnel d’un roman de Chrétien de Troyes, au choix - (1p.)/ - commentez
les vers suivants : Guette bien, guetteur du château,/Quand l'objet qui m'est le
meilleur et le plus beau,/Est à moi jusqu'à l'aube,/Le jour qui vient sans
défaillir./Jeu nouveau/Ravit l'aube, l'aube, oui l'aube! // Guette, ami, veille, crie,
hurle,/Je suis riche, j'ai ce que je désire le plus,/Mais je suis ennemi de l'aube./La
tristesse que nous cause le jour/M'abat plus que l'aube, l'aube, oui l'aube!
2. - présenter le contexte socio-politique et économique des XIVe-XV
e siècles –
1p./réaliser l’opposition fabliau/roman/lai (2p.)/- rédiger la fiche bio-
bibliographique de Chrétien de Troyes (2p.) et illustrer son originalité (1p.) / -
commentez les vers suivants :Saint Gabriel vient lui dire de la part de Dieu :
/ Charles, lève les armées de ton empire./Avec toutes tes forces va-t’en dans la
terre de Bire/secourir le roi Vivien dans Imphe, cette cite que les païens assiègent./
Les chrétiens t’appellent et te réclament ». /L’empereur voudrait bien n’y pas
aller:/ « Dieu ! dit le roi, que de peines en ma vie ! » /Il pleure des deux yeux, tire
sa barbe blanche./Ici finit la geste que Turold décline.(La Chanson de Roland)
3. - définir le terme « troubadour » (1p.)/donner la classification des troubadours
(3x0,5p.=1,5p.)/ définir les termes « chanson » (1p.), « geste » (0,5p.x3=1,5p.)/
présenter le climat socio-politique et économique du XIIIe siècle – 1p/-commentez
les vers suivants : A la douceur de la saison nouvelle,/Feuillent les bois, et les
oiseaux/Chantent, chacun dans son latin/Sur le rythme d’un chant nouveau ;/Il est
donc juste qu’on ouvre son cœur/A ce que l’on désire le plus.(Guillaume de
Poitiers, A la douceur de la saison nouvelle)
4. - définir les genres du théâtre médiéval (2x1p.=2p.)/ La Farce de maître
Pathelin (résumé du sujet, date de composition) – 1p.x2=2p/ expliquer les origines
de la poésie lyrique occitane (2x1p.=2p.) / - commentez les vers suivants : Bien me
plaît le gai temps de Pâques,/Qui fait feuilles et fleurs revenir,/Et me plaît ouïr le
bonheur/Des oiseaux qui font retentir/Leurs chants par le bocage,/Et me plaît
quand vois sur les prés/Tentes et pavillons dressés,/Et j'ai grand allégresse,/Quand
vois dans la plaine rangés/Chevaliers et chevaux armés. (Bertrand de Born, Bien
me plaît le gai temps de Pâques)
5. – présenter le contexte socio-politique et économique du XIIe siècle (1p.)/
définir les termes : « laisse » (1p.), « décasyllabe » et « assonance »
(0,5p.x2=1p.)/énumérer les traits récurrents des fabliaux (4x0,5p.=2p.)/la
calssification des fabliaux – 1p./ - commentez les vers suivants : Belle Doette aux
fenêtres s'assied,/Lit en un livre mais au coeur ne l'en tient;/De son ami Doon lui
ressouvient,/Qu'en d'autres terres est allé tournoyer./Et or en ai deuil.//Un écuyer
aux degrés de la salle/Est descendu, a déposé sa malle./Belle Doette les degrés
dévale,/Ne cuide pas ouïr male nouvelle./Et or en ai deuil.
6. - énumérez les noms des poètes qui représentent les XIVe-XV
e siècles –
4x0,5p.=2p./ présenter les genres comiques (1p.x4=4p.)/- commentez les vers
suivants : Quand vois l'alouette mouvoir /De joie ses ailes face au soleil,/Que
s'oublie et se laisse choir/Par la douceur qu'au cœur lui va,/Las! si grand envie me
vient/De tous ceux dont je vois la joie,/Et c'est merveille qu'à l'instant/Le cœur de
désir ne me fonde. (Bernard de Ventadour, Quand je vois voler l'alouette)
7. - rédiger le résumé de l’action de La Chanson de Roland – 3p./ expliquer
l’origine du théâtre médiéval français (0,5p.x2=1p.) et fournir des exemples dans
ce sens (0,25x4=1p.)./ énumérer les synonymes du syntagme « chanson de
geste » (0,5p.x2=1p.)/ commentez les lignes suivantes : Puisque ma dame de
Champagne veut que j'entreprenne un roman, je l'entreprendrai volontiers comme
le peut faire un homme qui est sien tout entier pour tout ce que je puis faire au
monde. Je le dis sans y mettre nul grain d'encens, mais j'en connais bien d'autres
qui voudraient en célébrer grande louange et diraient assurément que cette dame
surpasse toutes les autres comme le zéphyr qui vente en avril ou mars emporte sur
tous les autres vents. (Chrétien de Troyes, Lancelot, le chevalier de la charrette)
8. - expliquer le problème des chansons de geste – (1p.x2=2p)/ définir le terme
« fin’amor » (1p.);/identifiez les éléments essentiels du code de la civilité courtoise
(1px2=2p.)/ expliquer l’origine du théâtre médiéval français (0,5p.x2=1p.)/ -
commentez les vers suivants :Roland sent que la mort le saisit,/Que de la tête sur le
cœur elle lui descend./Dessous un pin il est allé courant,/Sur l’herbe verte s’est
couché sur les dents,/Dessous lui met l’épée et l’olifant,/Tourna la tête vers la
païenne gent:/Et il l’a fait parce qu’il veut vraiment/Que Charles dise, avec tous les
siens,/Que le noble comte est mort en conquérant. (La Chanson de Roland)
9. - énumérez quatre formes poétiques cultivées aux XIVe-XV
e siècles
(4x0,5p.=2p)/ présenter au choix un roman de Chrétien de Troyes en se rapportant
aux repères suivants : résumé de l’action (2p.), symboles et allégories (1p.)./
définir deux formes du lyrisme courtois (1p.)/ commentez les lignes suivantes :Il y
avait jadis deux frères, sans conseil de père et de mère, et sans autre compagnie.
Pauvreté fut bien leur amie, car elle fut souvent leur compagne. C'est la chose qui
tracasse le plus ceux qu'elle assiège: il n'est pire maladie. Ensemble demeuraient
les deux frères dont je vous conte l'histoire. Une nuit, ils furent en grande détresse,
de soif, de faim et de froid: chacun de ces maux s'attache souvent à ceux que
Pauvreté tient en son pouvoir. (Estula)
1. A. La Chanson de Roland
présenter les conditions de production (producteurs, récepteurs, contexte
socio-politique et économique du XIe siècle) – 1p.x3=3p.;
rédiger le résumé de l’action – 3p.;
illustrer le rapport épopée – histoire (chronique) – 0,5p.x3=1,5p.;
présenter l’ensemble thématique de cette chanson - 0,5p.x3=1,5p.
1. B. Le lyrisme à la fin du Moyen-Age
présenter le contexte socio-politique et économique des XIVe-XV
e siècles –
1p.;
énumérez les noms des poètes qui représentent cette période historique –
4x0,5p.=2p.;
rédiger la fiche bio-bibliographique de François Villon – 2p.;
présenter les thèmes chers aux poètes des XIVe-XV
e siècles – 2p. ;
énumérez quatre formes poétiques cultivées dans cette période –
4x0,5p.=2p.
1. C. Présenter au choix un roman de Chrétien de Troyes en se rapportant aux
repères suivants : résumé de l’action (2p.), schéma compositionnel (1p.), thèmes
(2p.), le système des personnages et leurs fonctions (2p.), symboles et allégories
(2p.).
1. D. La littérature dramatique médiévale
illustrer les formes de la littérature dramatique médiévale (1px6=6p.);
réaliser la périodisation de ce type de textes littéraires (0,5x2=1p.);
expliquer l’origine du théâtre médiéval français (0,5p.x2=1p.) et fournir des
exemples dans ce sens (0,25x4=1p.).
2. A. Les formes du lyrisme courtois
présenter les traits du lyrisme « subjectif » et définir trois de ses formes (le
sirventé, la chanson courtoise + types, le descort) – 1,5p.x3=4,5p.;
présenter les traits du lyrisme « objectif » et définir trois de ses formes (la
pastourelle, l’aube, la chanson de toile) – 1,5p.x3=4,5p.
2. B. Les fabliaux
présenter le climat socio-politique et économique du XIIIe siècle – 1p.
présenter un fabliau au choix (rédiger le résumé du sujet (2p.), présenter les
thèmes (1p.) et le système des personnages (1p.)
définition (0,5p.), étymologie (0,5p.), classification (1p.) des fabliaux ;
réaliser l’opposition fabliau/roman/lai (2p.).
2. C. Le théâtre comique médiéval
présenter les genres comiques (1p.x4=4p.).
énumérer les éléments communs existant entre les fabliaux et les farces du
XIIIe siècle (1p.x2=2p.);
énumérer les titres des premières manifestations du théâtre
profane (0,5p.x2=1p.);
La Farce de maître Pathelin (résumé du sujet, date de composition) –
1p.x2=2p.
2. D. Les chansons de geste
définir les termes « chanson » (1p.), « geste » (0,5p.x3=1,5p.);
énumérer les synonymes du syntagme « chanson de geste » (0,5p.x2=1p.);
réaliser l’opposition épopée – chronique historique (0,5p.x3=1,5p.)
La Chanson de Roland - rédiger le résumé de l’action – 2p.
expliquer le problème des origines de ces textes littéraires – 1p.x2=2p.
3. A. Le théâtre religieux médiéval
présenter le climat socio-politique et économique du XIIIe siècle – 1p.
définir les genres du théâtre médiéval (2x1p.=2p.) ;
présenter la pièce de Rutebeuf, Le Miracle de Théophile (résumé du sujet –
3p., date de composition, schéma compositionnel – 1p.) ;
réaliser la périodisation de ce type de textes littéraires (0,5x2=1p.);
expliquer l’origine du théâtre médiéval français (0,5p.x2=1p.)
3. B. La courtoisie
définir le terme « cortezia » (0,5p.x2=1p.);
présenter le contexte socio-politique et économique du XIIe siècle (1p.);
présenter les causes qui ont engendré l’idéologie courtoise (2x1p.=2p.);
définir le terme « fin’amor » (1p.);
identifiez les éléments essentiels du code de la civilité courtoise (1px2=2p.)
présenter les vertus engendrées par la lyrique occitane (4x0,5p.=2p.).
3. C. Le roman médiéval
définir ce genre romanesque (1p.) et ses termes voisins (lai, fabliau – 2p.)
la classification du roman médiéval (0,5x4=2p.);
présenter les traits de la littérature aristocratique (du roman courtois) : les
conditions de production (la période dans laquelle s’épanouit le roman,
l’idéal humain promu au XIIe siècle, le statut des auteurs – 3p.) et la
classification de ces textes (0,5p.x2=1p.)
3. D. Les troubadours
définir le terme « troubadour » (1p.);
la classification des troubadours (3x0,5p.=1,5p.) ;
présenter la condition sociale de ces créateurs (0,5p.) ;
expliquer les origines de la poésie lyrique occitane (2x1p.=2p.) ;
présenter le statut des poètes suivants : Bernard de Ventadour, Marcabrun,
Guillaume de Poitiers, IXe duc d’Aquitaine (3x1p.=3p.).
présentez les thèmes abordés dans ce type de lyrisme (1p.).
4. A. Chrétien de Troyes
rédiger la fiche bio-bibliographique de cet écrivain (2p.) et illustrer son
originalité (1p.);
énumérer les traits communs de ses cinq romans (4x1p.=4p.);
présenter l’espace (2x0,5p.=1p.) et le temps dans sa création (2x0,5p.=1p.).
4. B. Réaliser un parallèle entre la chanson de geste et le roman courtois en se
rapportant aux éléments suivants : période (1p.), but visé (1p.), forme (1p.),
contenu (1p.), protagonistes (1p.), thème dominant (1p.), public visé (1p.),
définition des syntagmes « chanson de geste » (1p.) et « roman courtois » (1p.).
4. C. Le Roman de Renart
définition (1p.), structure (1p.), date de composition (1p.), sujet (2p.),
origine (1p.), auteurs (1p.), tonalité du texte (1p.), contexte socio-politique
et économique du XIIIe siècle (1p.).
4. D. Les fabliaux
présenter le climat socio-politique et économique du XIIIe siècle (1p.) ;
présenter les sujets abordés (thèmes) dans ces textes littéraires
(4x0,5p.=2p.);
énumérer les traits récurrents de ces œuvres littéraires (4x0,5p.=2p.);
réaliser l’opposition fabliau/roman/lai (2p.)
définition (0,5p.), étymologie (0,5p.), classification (1p.) des fabliaux ;
5. A. Les chansons de geste
définir les termes : « laisse » (1p.), « décasyllabe » et « assonance »
(0,5p.x2=1p.) ;
présenter le style propre aux chansons de geste (le style formulaire - 1p., le
système des laisses parallèles – 1p.) ;
la classification des chansons de geste (3x1p.=3p.);
présenter l’ensemble thématique de ces textes littéraires (2x1p.=2p.).
Questionnaire : tester ses connaissances
1.La vertu fondamentale des chansons de geste est :
e) l’honneur
f) la prouesse
g) la générosité
h) l’amour
2.Le roman courtois apparaît dans la période :
a) 800 – 1050
b) 1300 – 1400
c) 1050 – 1250
3.Le modèle humain créé par la société courtoise est :
a) le philosophe militant
b) le chevalier courtois
c) le héros sensible et timide
4.Les auteurs des romans courtois sont :
a) des personnes anonymes
b) des clercs capables de lire des textes en latin et de les traduire
c) des paysans lettrés
5.La matière de Bretagne rassemble toutes les œuvres écrites sur :
a) l’image de toute la dynastie capétienne
b) la figure de Charlemagne et des barons « révoltés »
c) la figure du roi Arthur et des chevaliers de la Table Ronde
6.Les romans antiques ont comme ambition affichée :
a) les anachronismes
b) la véridicité des faits racontés
c) l’oubli de toute source littéraire et historique
7.La forme préclassique de la chanson courtoise est :
a) le « serventois »
b) la pastourelle
c) le vers
8.Dans le « Prologue » de Lancelot, Chrétien de Troyes compare Marie de
Champagne à :
a) une fleur magique
b) une brise printanière
c) une pierre précieuse
9.Dans la chanson de geste :
d) l’atmosphère est fondamentalement païenne
e) les thèmes religieux occupent le premier plan
f) les débats du cœur passent avant les récits de batailles
10.Le terme « roman » désigne :
a) un conte ou une nouvelle en vers
b) une œuvre épique d’imagination
c) un genre lyrique et musical
d) tout texte traduit du latin en langue vulgaire
11.La vertu fondamentale de la littérature courtoise est :
a) l’honneur
b) la prouesse
c) la générosité
d) l’amour
12.L’auditoire des romans courtois est représenté par :
a) une foule illettrée
b) un public divers, qui réunit des aristocrates, des chevaliers et des paysans
c) un public fin, lettré, qui a le goût des mythes courtois
13.La légende Tristan et Iseut connaît deux versions :
a) la version de Turold et celle de Marie de Champagne
b) la version primitive de Béroul et celle courtoise de Thomas
c) la version de Marie de France et celle de Chrétien de Troyes
14.Le genre littéraire qui prépare la voie au Tristan de Thomas et au Lancelot de
Chrétien de Troyes est :
a) le fabliau
b) le roman antique
c) la chanson de geste
15.Le « descort » est une forme lyrique médiévale caractérisée par :
a) un débat qui oppose deux opinions différentes sur les sentiments amoureux
b) l’existence du refrain à la fin de chaque strophe
c) des couplets différents de rimes, de mélodie et de langage
16.Dans la séquence initiale d’Yvain, les chevaliers se trouvent à la cour du roi
Arthur :
a) à l’Ascension, qui commémore l’élévation miraculeuse de Jésus Christ dans
le ciel, après la résurrection
b) à la veille de Saint-Jean, le 7 janvier
c) à la fête de la Pentecôte, 50 jours après les Pâques, qui célèbre la descente de
l’Esprit sur les Apôtres
17.La période d’apparition des chansons de geste se situe :
d) à la fin du Moyen-Age
e) au XIe siècle
f) au milieu du XIIe siècle
18.L’année 1050 est caractérisée par :
a) l’avènement de la bourgeoisie
b) la constitution de la démocratie
c) l’éclosion de la courtoisie
19.Le roman courtois est destiné :
a) à être chanté
b) à être lu à voix haute
c) à former des anthologies littéraires, vendues dans les foires publiques lors
des carnavals organisés par les autorités locales
20.La chantefable est :
a) une nouvelle en vers
b) une forme littéraire qui mêle des parties en vers destinées à être chantées au
récit en prose
c) une composition musicale
Dans la chanson de geste :
g) l’atmosphère est fondamentalement païenne
h) les thèmes religieux occupent le premier plan
i) les débats du cœur passent avant les récits de batailles
Le terme « roman » désigne :
e) un conte ou une nouvelle en vers
f) une œuvre épique d’imagination
g) un genre lyrique et musical
h) tout texte traduit du latin en langue vulgaire
La vertu fondamentale de la littérature courtoise est :
e) l’honneur
f) la prouesse
g) la générosité
h) l’amour
L’auditoire des romans courtois est représenté par :
d) une foule illettrée
e) un public divers, qui réunit des aristocrates, des chevaliers et des paysans
f) un public fin, lettré, qui a le goût des mythes courtois
La légende Tristan et Iseut connaît deux versions :
d) la version de Turold et celle de Marie de Champagne
e) la version primitive de Béroul et celle courtoise de Thomas
f) la version de Marie de France et celle de Chrétien de Troyes
Le genre littéraire qui prépare la voie au Tristan de Thomas et au Lancelot de
Chrétien de Troyes est :
d) le fabliau
e) le roman antique
f) la chanson de geste
Le « descort » est une forme lyrique médiévale caractérisée par :
d) un débat qui oppose deux opinions différentes sur les sentiments amoureux
e) l’existence du refrain à la fin de chaque strophe
f) des couplets différents de rimes, de mélodie et de langage
Dans la séquence initiale d’Yvain, les chevaliers se trouvent à la cour du roi
Arthur :
d) à l’Ascension, qui commémore l’élévation miraculeuse de Jésus Christ dans
le ciel, après la résurrection
e) à la veille de Saint-Jean, le 7 janvier
f) à la fête de la Pentecôte, 50 jours après les Pâques, qui célèbre la descente de
l’Esprit sur les Apôtres
La période d’apparition des chansons de geste se situe :
g) à la fin du Moyen-Age
h) au XIe siècle
i) au milieu du XIIe siècle
La période 1050 est caractérisée par :
d) l’avènement de la bourgeoisie
e) la constitution de la démocratie
f) l’éclosion de la courtoisie
Le roman courtois est destiné :
d) à être chanté
e) à être lu à voix haute
f) à former des anthologies littéraires, vendues dans les foires publiques lors
des carnavals organisés par les autorités locales
L’auditoire des chansons de geste est représenté par :
a) une foule illettrée
b) un public divers, qui réunit des aristocrates, des chevaliers et des paysans
c) un public fin, lettré, qui a le goût des mythes courtois
La chantefable est :
d) une nouvelle en vers
e) une forme littéraire qui mêle des parties en vers destinées à être chantées au
récit en prose
f) une composition musicale
Le protagoniste des romans courtois est :
a) un héros surhumain
b) un héros à la mesure humaine
c) un homme raffiné et lettré, toujours amoureux
Dans la chanson de toile :
a) une belle dame se lamente en général sur la mort de son amant ou sur son
entrée au couvent
b) les troubadours et les trouvères encouragent les chevaliers à prendre part aux
guerres saintes organisées contre les infidèles
c) deux interlocuteurs échangent librement leurs pensées, en couplets alternés,
sur un thème fixé entre eux.
Grâce à ses prouesses, Yvain réussit à gagner l’amour de :
a) Dame Laudine
b) Guenièvre
c) Blanchefleur
1. Les protagonistes des romans de Chrétien de Troyes sont:
a) des clercs
b) des individus valorisés, issus d’une famille royale ou princière
c) des chevaliers illettrés
2. La forêt est un espace terrifiant et périlleux qui symbolise :
a) l’indice d’un passage vers l’Autre Monde
b) la fertilité et la féminité
c) le lieu propice à l’affrontement entre le chevalier courtois et ses ennemis
3. Le chevalier venu du Pays sans retour, qui enlève la reine Guenièvre dans
Lancelot s’appelle :
a) Méléagant, le fils du roi de Gorre
b) Le sénéchal Keu
c) Gauvain, le neveu d’Arthur
4. Est recréant celui qui :
a) est lâche et, pour sauver sa vie, demande merci à son adversaire
b) trahit son serment et sacrifie la vertu chevaleresque et l’honneur
c) tombe amoureux de la veuve de son ancien ami
5. La Pentecôte a comme fête équivalente chez nous :
a) Rusaliile
b) Inaltarea Domnului
c) Sf. Gheorghe
6. Dans la matière de Bretagne, les messagers de l’Au-delà sont :
a) les chevaliers de la Table Ronde
b) les nains et les géants
c) les « lauzangiers »
7. Les chansons de geste se caractérisent par :
a) le style formulaire et le procédé des laisses parallèles
b) une construction en octosyllabes à rimes plates
c) un ensemble de laisses formées de décasyllabes assonancés
8. Le roman courtois a comme trait essentiel :
a) l’utilisation constante du merveilleux
b) la revendication de la vérité historique et référentielle
c) le refus de la portée moralisatrice des récits hagiographiques