Armand Colin

AVANT-PROPOSAuthor(s): Jean DuboisSource: Langages, No. 44, Les troubles de la lecture l'alexie (DÉCEMBRE 1976), p. 3Published by: Armand ColinStable URL: http://www.jstor.org/stable/41680966 .

Accessed: 28/11/2014 13:20

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AVANT-PROPOS

Les troubles de la lecture consécutifs à des lésions corticales, ou alexie, sont des perturbations de la réception et de l'interprétation des signes verbaux. On peut les trouver associés à des troubles du langage parlé, en particulier à l'aphasie de Wernicke (ou aphasie sensorielle), mais cette association n'est pas constante : il y a des alexiques qui ne présentent aucun trouble du langage oral, et il y a des aphasiques sans troubles de la lecture. De même, on peut trouver l'alexie associée à une agraphie, ou trouble de l'écriture, mais là encore cette association n'est pas constante, car on trouve des alexies sans troubles de l'écriture et des agraphies sans troubles de la lecture. Il n'existe donc pas un lien constant ni nécessaire entre les diverses modalités de la communication linguistique.

Il en est de même pour les perturbations de la perception des stimuli visuels ; ces troubles sont parfois associés à une alexie, mais leur dissociation est plus fréquente encore et si les facteurs perceptifs jouent un rôle dans certaines formes, ils ne sont pas déterminants, dans la mesure où la récep- tion des signes verbaux s'isole de la réception des autres stimuli visuels.

Les troubles de la lecture, en particulier quand ils se trouvent isolés de toute perturbation du langage oral et écrit (aphasie et agraphie) et de tout trouble visuel proprement dit, posent un problème au neurolinguiste. Aussi la lecture est-elle un domaine privilégié parce qu'elle est à la croisée de plusieurs champs de recherche : modèles de perception visuelle, modèles connexionnistes (associationnistes) en neuropsychologie, modèles linguis- tiques distinguant la compétence et la performance, la structure phonéma- tique et la structure graphématique (toutes deux convergeant vers un niveau plus abstrait). C'est de l'étude de l'alexie que sont partis les travaux qui ont donné un nouveau développement au néo-associationnisme, c'est l'étude de la lecture chez les sujets split-brain (ceux qui, par commissurotomie, ont leurs deux hémisphères fonctionnant séparément) qui a permis d'étayer certaines hypothèses sur le rôle réciproque des deux hémisphères dans le langage, c'est dans ce domaine et dans celui de l'agraphie que les travaux japonais ont permis de dégager le rôle des systèmes graphiques dans les formes diverses de troubles, et en particulier de noter les différences de comportement lexique selon les deux systèmes de transcription, syllabique et idéographique, que connaît le japonais.

Ce numéro de Langages s'articule en trois parties. Un article de 1970 de E. Weigl et M. Bierwisch sert d'introduction linguistique ; l'alexie y est analysée dans le cadre théorique général de la théorie générative. Un historique de la neuropsychologie et de la neurolinguistique, de Fr. Dubois- Charlier et de H. Kremin, du début du xixe siècle jusqu'aux tout derniers travaux, permet de retracer l'évolution générale et les relations souvent étroites entre les explications neuropsychologiques et les modèles linguis- tiques. Enfin une étude sur l'alexie pure (H. Kremin) prolongée par une étude anatomique (H. Hécaen) essaie de déterminer dans l'alexie pure (troubles lexiques isolés de toute perturbation du langage parlé et de l'écri- ture), les niveaux de perturbation et de trouver une explication dans une corrélation avec les localisations lésionnelles.

Jean Dubois

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