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Les Stendhal de Louis Crozet Le manuscrit du Tour d’Italie en 1811 par M. de Léry L’exemplaire annoté des Promenades dans Rome

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Les Stendhal de Louis Crozet

Le manuscrit du Tour d’Italie en 1811 par M. de Léry

L’exemplaire annoté des Promenades dans Rome

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[1] STENDHAL. Tour d’Italie en 1811 par M. de Léry[mars-avril 1813]

UNE DECOUVERTE LITTERAIRE MAJEURE : TRES RARE ET REMARQUABLE MANUSCRIT DE STENDHAL ABONDAMMENT CORRIGE ET ENCORE CONSERVE EN MAINS PRIVEES.

DU JOURNAL A LA FICTION : LE MANUSCRIT DE CE « TOUR D’ITALIE EN 1811 » REDIGE EN 1813 DEVIENDRA L’OSSATURE DE « ROME, NAPLES ET FLORENCE EN 1817 ».

EN RAISON DE SON CONTENU TROP INTIME ET DES GUERRES DE L’EMPIRE, STENDHAL NE LE PUBLIERA JAMAIS. C’EST LE SEUL MANUSCRIT COMPLET ET SUBSISTANT QUI TEMOIGNE DE L’ELABORATION PAR STENDHAL DE SON VIVANT D’UNE ŒUVRE LITTERAIRE.

EXEMPLAIRE DE LOUIS CROZET, LE LEGATAIRE UNIVERSEL DE STENDHAL, PUIS DE PAUL ROYER

In-folio (330 x 220mm)

CONTENU : 356 pp. sur 186 feuillets, paginés à l ’encre brune 1-372. Chaque page a été soigneusement réglée à l ’encre rouge. Plus de 20 pages ont été laissées en blanc, elles sont cependant toutes réglées. Dans l ’angle intérieur de la page 367 comme à la page 368, Stendhal a placé de sa main un colophon répété deux fois: « f ini de transcrire le 13 avril 1813 ». Les nombreux titres courants ont été ajoutés dans la seule copie CR, ils sont à chaque fois autographes de Stendhal et datent de 1813

RELIURE STRICTEMENT DE L’EPOQUE SIGNEE DU MARCHAND PAPETIER CHALET. Vélin vert, titre calligraphié à l ’encre sur le plat supérieur («  Tour d ’Italie en 1811 Par M. de Léry  »), coins de vélin vert foncé, tranches jaunesPROVENANCE : Louis Crozet -- Mme veuve Louis Crozet -- Paul Royer -- Louis Royer -- Mme de Royer-Viollet (bibliothèque Royer au château de Claix, près de Grenoble)

Dans la présente étude, CR sera l ’abréviation de Crozet-Royer et RNF1817 sera celle de Rome, Naples et Florence en 1817

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Les manuscrits de Stendhal

De tous les livres publiés par Stendhal de son vivant, il ne subsiste ni manuscrit ni épreuves corrigées : ni du Rouge et le Noir, ni de La Chartreuse, ni des autres publications. V. Del Litto a insisté à plusieurs reprises sur ce caractère spécif ique de l ’œuvre de Stendhal. Il convient de le garder toujours à l ’esprit lorsqu’on étudie la genèse de ses différents livres :

« Rien ne subsiste des romans que Stendhal a publiés : ni notes préparatoires, ni brouillons, ni a fortiori, la copie ayant servi à l ’impression. Ce vide est l ’un des traits incompréhensibles de la personnalité stendhalienne. En revanche, Stendhal n’a presque rien détruit des œuvres inachevées. » (« Inventaire des manuscrits de Stendhal à Grenoble », Une Somme stendhalienne. II, Paris, H. Champion, 2002, p. 1660)

Pour les livres publiés par Beyle autres que ses romans, il ne reste que quelques très rares lambeaux tous conservés à la Bibliothèque municipale de Grenoble. V. Del Litto les appelle des «  résidus de brouillons  » (op. cit., p. 1660). Stendhal a de tout temps considéré la lecture des épreuves de ses livres « comme une pénible corvée dont il se débarrassait au plus vite. En cela, il est l ’opposé de Balzac » (V. Del Litto, Voyages en Italie, Pléiade, p. 1297).

Les seuls manuscrit autographes de Stendhal que l ’on connaît sont ceux de ses projets inaboutis. Ces Nachlass stendhaliens sont tous conservés à la Bibliothèque municipale de Grenoble. Ils n’ont pas subi le lent processus de décantation préparatoire à toute publication de Henri Beyle. Cette décantation était aussi consécutive, puisqu’il avait coutume, on le sait, de préparer immédiatement après la première publication d’un livre une seconde édition corrigée en couvrant de notes des exemplaires de l ’édition originale.

Rome, Naples et Florence en 1817 trouve son origine dans un voyage en Italie effectué par Stendhal en 1811. C’est le seul texte pour lequel nous disposons de toute la séquence des différents états que revêtit la création stendhalienne. La redécouverte de la copie Crozet-Royer, élément essentiel à la compréhension du passage à l ’œuvre chez Stendhal, s’apparente donc à une sorte de miracle. Pour comprendre le statut singulier de Léry, il convient de le replacer dans la séquence de manuscrits formée par :

1. Ce qu’il reste du texte autographe de 1811 auquel il convient d’ajouter les quelques pages dictées et corrigées par Stendhal en 1813. L’ensemble est conservé à Grenoble. 2. Le fragment subsistant du Voyage de Léry qu’est la copie Cordier (mars-avril 1813). Conservé à Grenoble, elle correspond aux pages 270-372 de la copie Crozet-Royer. Il lui manque donc 270 pages. Elle a perdu sa reliure verte. 3. Le manuscrit complet du Voyage de Léry, soit la présente copie Crozet-Royer (mars-avril 1813).

Un véritable nouveau livre de Stendhal

Le 13 janvier 1813, Stendhal rentre à Paris, épuisé par la dramatique retraite de Russie. Au mois de mars, il imagine de transformer en un livre, mi f iction mi récit autobiographique, les notes qu’il avait prises durant sa pérégrination de 1811 en Italie. Stendhal avait malheureusement oublié dans une diligence trois grandes parties de son Journal, celles du voyage de Milan à Rome, du voyage de Florence à Rome et de son séjour à Rome.

Pour la première fois, au printemps de 1813, Stendhal réécrit son Journal pour en faire un livre. Il s’agit du second véritable projet de livre après l ’Histoire de la Peinture en Italie - sans tenir compter cette comédie chimérique qu’il ne formalisa jamais (Letellier). Il avait consacré à son Histoire de la Peinture les six premiers mois de l ’année de 1812, mais il perdit le manuscrit en Russie. Au début de 1814, Stendhal retravaille brièvement à Léry puis abandonne, pour se consacrer, en mai et juin 1814, aux Lettres sur Haydn. Ce sera son premier livre publié le 11 juillet 1814, mis dans le commerce en janvier 1815. Stendhal ne reprendra le projet de Léry qu’en 1817. Il remettra alors en chantier le livre « dont le carnet de route de 1811 formait le canevas » (Voyages d ’Italie, Pléiade, p. 1296). Ce sera Rome, Naples et Florence en 1817 publié en septembre 1817.

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Avec le Tour d’Italie en 1811 par M. de Léry, pour la première fois, le Journal devient la source d’un livre. Ce passage ne se fait pas d’un coup, n’obéit pas aux lois transformatives d’une écriture qui passerait de la puissance (le Journal ) à l ’acte (la f iction). Il s’agit bien plutôt d’une lente alchimie personnelle dont on peut suivre les étapes au travers les différentes formes que prit ce projet qui, après de nombreuses vicissitudes, aboutit à Rome, Naples et Florence en 1817. Cette alchimie s’apparente à une lente décantation du substrat autobiographique. Du Journal à cette copie Crozet-Royer, Stendhal a en effet lentement supprimé ou dissimulé les détails les plus personnels pour ne laisser place, en 1817, qu’à la triste actualité politique de l ’Italie d’après Waterloo. Certes, le Tour d’Italie en 1811 par M. de Léry annonce déjà par certains aspects Rome, Naples et Florence en 1817. Mais, à lire de près les deux œuvres, Léry baigne d’emblée dans une atmosphère à la fois pré et toute stendhalienne. Le remarquable récit des amours avec Angela Pietragrua est plus proche de la Chartreuse de Parme que du catalogue lancinant des drames politiques et des traditions musicales recensés par ce pamphlet qu’est Rome, Naples et Florence en 1817. Au fond, hormis l ’architecture du périple Iter Italicum, les deux textes n’ont rien à voir. A lire Léry dans sa belle et remarquable reliure verte, on comprend pourquoi l ’auteur ne l ’a pas publié : il aurait fait du Stendhal avant Stendhal.

Cette mise en forme du Journal en Léry était pourtant destinée à la publication. On est encore aujourd’hui frappé de la cohérence du Voyage de Léry. Le parti pris de V. Del Litto, celui de revenir à l ’intime, à l ’authenticité première de la forme journal, aussi passionnant soit-il, conduit nécessairement à négliger Léry comme projet de livre à part entière. Del Litto ne retient que les corrections, changements, ajouts et autres modif ications apportés par Stendhal, au demeurant fort nombreux. Il les renvoie alors en notes de son édition du Journal en Pléiade. Ce qui était pensé comme une œuvre par Stendhal, avec un titre, une table des matières, une pagination, des chapitres, réunis dans ce beau cahier vert, disparaît de l ’horizon de lecture possible d’un lecteur moderne. Si Léry ne vit pas le jour, pourtant achevé sous la forme de cette copie le 13 avril 1813, c’est à cause du départ précipité pour l ’Allemagne le 19 avril 1813. V. Del Litto, dans sa magistrale édition du Journal, a donc fait éclater l ’unité de Léry en disjecta membra.

Il serait temps de republier ce premier livre de Stendhal, qui ne le fut jamais.

Chronologie stendhalienne : 1813

Au printemps de 1813, Stendhal s’adonne encore et de nouveau à l ’ambition. Il rêve d’une préfecture, de décorations, d’un titre de baron. Il n’aura rien. Il passe par des chauds et des froids et appelle ceux-ci des «  accès de froideur  ». Il se tourne alors vers la publication de ce nouveau livre, sorte d’échappatoire préparée à « Ambition », si souvent déçue  : ce sera le Tour d’Italie en 1811 par M. de Léry.

Tout s’enchaîne très vite. Le 17 mars 1813, il écrit, comme soulagé par le nouveau travail dans lequel il s’est lancé : « Depuis l ’accès de froideur que j’éprouve, les premières deux heures que j’aie passées au travail sans regarder dix fois ma montre viennent de passer aujourd’hui, de midi à 2 heures. Je corrigeais mon Voyage en Italie, pour le faire transcrire par M. Fougeol. » (Pléiade, p. 848). Stendhal fait ici allusion au manuscrit de son Journal et au travail préparatoire à la copie par un secrétaire qui n’a pas encore commencé à travailler. Fougeol est ce même copiste, dont on ne sait rien, que Stendhal employait dès son retour d’Italie à l ’automne de 1811. Il lui avait dicté, à partir du 4 décembre 1811 et pendant cinq mois la traduction d’un certain nombre de pages de l ’ouvrage de Lanzi, traduction-plagiat qui deviendra plus tard l ’Histoire de la Peinture en Italie.

«  Il chargeait Fougeol de mettre le brouillon au net dans des registres au cartonnage vert-pomme… le 23 juillet 1812, Henri Beyle quitte Paris pour rejoindre la Grande Armée (…) Sans se douter de la catastrophe qui se préparait, Beyle, met bravement les volumes verts renfermant ses traductions dans ses caissons… Il les perdit, avec le reste de ses affaires, au cours de la retraite infernale » (V. Del Litto, Une somme stendhalienne. II, « L’Histoire de la Peinture en Italie », Paris, 2002, p. 158).

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Ces cartonnages vert-pomme disparus sont de même facture que le présent cahier, lui aussi vert-pomme, acheté chez le marchand papetier Chalet «  rue de la Michaudière, 20, près les Bains chinois » - on se plait à imaginer Beyle aux « Bains chinois ». L’Histoire de la peinture en Italie, premier livre projeté par Stendhal, dans ces fameux cahiers verts, sombre dans la Bérézina - et non dans les « Bains chinois ». « La peinture n’est plus rien pour moi » écrit-il à Paris, le 25 mars 1813, au moment où il se remet à songer à « Ambition » (Pléiade, p. 856) et alors qu’il a déjà entamé son travail sur Léry. Mais Stendhal sera déçu en tout, d’autant que Daru l ’emmène avec lui pour la Prusse qui vient d’entrer en guerre contre Napoléon. L’auditeur au Conseil d’Etat quitte Paris le 19 avril 1813 et retrouve l ’armée, qu’il abhorre. Fougeol avait terminé son travail le 13 avril 1813 (CR 367).

Stendhal dicte à Fougeol les pages qui remplissent les lacunes du Journal perdu en 1811, comme celles qu’il ajoute. Le 7 avril 1813, il travaille à la retranscription de la lettre à Seyssins [Crozet], comme l’atteste une note du présent manuscrit (CR 161 : « written the seventh of April 1813 »). Le 8 avril 1813 sont dictées les pages de CR concernant la musique à Naples (277-301). Le récit du voyage de Florence à Rome et celui du séjour à Rome s’ouvrent en CR 245. Le manuscrit original faisait aussi défaut. On lit de la main de Stendhal dans une note de bas de page : « écrit le 20 mars 1813 », deux semaines avant le 8 avril. Stendhal et Fougeol travaillaient de concert, dans un ordre non chronologique, d’où ces blancs ménagés à l ’avance par Fougeol un peu partout et destinés à être comblés par un texte dicté. Les deux grandes lacunes du Journal de 1811, correspondant aux cahiers oubliés dans la diligence, sont comblées en un jour, le 20 mars 1813 (CR 245 et CR 301). Fait étonnant, ces lacunes sont dictées. On trouve la trace de cette dictée soit dans un fragment conservé à Grenoble soit dans les deux seules copies subsistantes : Cordier et Crozet-Royer. Le Journal en retient explicitement la trace puisque le 21 mars 1813, au lendemain de cette grande journée de travail, Stendhal écrit très précisément : « Hier, j’ai dicté quelques pages pour remplir les lacunes de mon tour en Italie » (Pléiade, p. 853), ou encore le 27 mars 1813 : « J’ai dicté quelques pages pour mon voyage en Italie » (Pléiade, p. 856).

Tout s’est donc fait très vite, dans l ’urgence. Les deux copies ont été établies de façon quasi simultanée comme le montrera plus bas leur comparaison possible lorsque le manuscrit Cordier peut être collationné sur le manuscrit Crozet-Royer (CR 272). CR conserve d’ailleurs une autonomie puisque certains éléments importants ne se retrouvent pas dans le fragment Cordier. A un moment, Stendhal a relu les deux copies en même temps et apporté les dernières corrections.

Un autre fait notable est certain. En 1817, Stendhal relit trois fois Léry : dans le courant de mars, le 22 octobre puis en novembre. Les deux dernières relectures ont donc lieu après la publication de RNF1817, qui date du mois de septembre. Ces relectures se font sur la copie Crozet-Royer. Aucune des différentes dates de 1817 ne se retrouve en effet sur le fragment Cordier (cf. CR 21-34-41-44-45-68-71-79-129, et la longue note de 1817 en CR 372). Seul l ’intéressent la Pietragrua et leur histoire d’amour, toute chose absente en effet du fragment Cordier.

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CR 305-347  : Ancône. Contrepartie dans les manuscrits de Grenoble. En CR 312 cesse la mise en ligne de Cordier par la BM de Grenoble

CR 348-350 : ces trois pages de Léry, que l ’on retrouve dans Cordier et dans les manuscrits de Grenoble, entreront dans le chapitre LIII de l ’Histoire de la Peinture en Italie

CR 352 : la f in. Sans contrepartie à Grenoble, ne se retrouve que dans Cordier, à l ’exception notable de la note inédite sur Montesquieu et Tacite datant de 1817, connue seulement par CR

CR 367-372 : la table des chapitres, corrigée en plusieurs lieux, connue seulement par CR. La copie Crozet-Royer du Voyage d ’Italie en 1811 par M. de Léry est le chaînon manquant des études stendhaliennes. Elle est le seul manuscrit qui puisse combler le vide manquant à la seule séquence conservée des différents états possibles d’un livre publié par Stendhal de son vivant. L’étude de cette séquence créative des œuvres littéraires de Stendhal est au centre des études stendhaliennes les plus contemporaines. Léry est donc ce lieu « vert » où Stendhal se trouve et naît : « C’est curieusement par la publication d’un journal de voyage que Stendhal a voulu entrer dans la carrière littéraire. » (V. Del Litto, « Journal de voyage et journal intime », Une somme stendhalienne. II, Paris, H. Champion, 2012, p. 1607).

Les corrections apportées par Stendhal à CR forment un véritable maquis. Elles n’ont pas toutes été recensées par Del Litto. Leur autographie n’a pas été assignée. Un travail approfondi reste à faire. Cependant, à ne tenir compte que des 270 premières pages de CR, c’est-à-dire pour la partie de Léry qui manque au fragment Cordier (soit jusqu’à la p. 795 en Pléiade), Del Litto recense plus de 236 corrections et ajouts propres à la copie Crozet-Royet. Pour ce qui concerne la totalité de CR, Del Litto dénombre plus de 280 corrections. Elles peuvent être classées en différents types :

1. Les corrections, ajouts ou retraits touchant au plus intime de Stendhal, voire à sa vie secrète. Elles sont au nombre de quatre (cf. infra). Deux retraits notables : l ’histoire de la f ille d’auberge (CR 49  ; Pléiade 731) et l ’extravagante «  méthode pour bander  » (CR 95  ; Pléiade 746). Ils témoignent d’une sorte d’autocensure stendhalienne. Deux ajouts notables, au crayon, rétablis conformément au manuscrit original dans CR et que Stendhal voulait donc publier : l ’épisode où il se fait « br » à l ’auberge dell Pozzo (CR 66) et celui où il parle avec admiration de cet ami qui « foutait deux fois par jour » (CR 102-103).

2. Les très nombreuses corrections de concordance : instructions laissées à Fougeol pour d’autres apports, rétablissement de noms propres originaux, maintien de pseudonymes, fragmentation du texte en chapitre et création fréquente de titres courants.

4. Les ajouts dus aux différentes relectures, le plus souvent en note ou dans les marges

5. Les corrections et ajouts touchants à la structure de l ’œuvre, les plus importantes, lorsqu’on les compare au manuscrit autographe du Journal, leur Urtext. Elles sont souvent datées par Stendhal lui-même. Le stemma suivant tente de présenter leur ordre :

CR 3-7 : ouverture et Préface de Léry. Aucun autre manuscrit connu.

CR 7-59 : voyage de Paris à Genève. Contrepartie dans les manuscrits de Grenoble. Lacune complète du voyage de Genève à Milan dans tous les manuscrits.

CR 63-161  : de Milan au début de la lettre à Crozet. Contrepartie dans les manuscrits de Grenoble.

CR 161-167 : seconde partie de la lettre à Crozet, sans aucune contrepartie dans les manuscrits de Grenoble. Ces pages, écrites le 7 avril 1813, ne sont connues que par CR. Dictées par Stendhal à Fougeol, elles ont été intégralement transférées par Stendhal dans la « lettre VII » de son premier livre publié en 1814 : Lettres écrites… sur Haydn.

CR 168-245 : la « victoire » sur la Pietragrua. Contrepartie dans les manuscrits de Grenoble (à l ’exception de CR 171 : deux paragraphes dictés ne sont connus que par CR, pas de Urtext à Grenoble).

CR 245-264 : le voyage de Florence à Rome, soit le Journal égaré en 1811. Contrepartie dans les pages dictées à Fougeol en 1813 conservées à Grenoble. Importants ajouts dans CR. CR 245 porte la date du 20 mars 1813.

CR 264-269 : arrivée à Naples. Contrepartie à Grenoble dans le Journal de 1811.

CR 270 : début du fragment Cordier

CR 277-301  : important passage sur la musique à Naples, dérivé du livre de Galanti, intégralement publié en 1814 dans Lettres écrites… sur Haydn. Il porte la date du 8 avril 1813. Contreparties  : un brouillon autographe très partiel à Grenoble, les pages dictées à Fougeol et corrigées (Grenoble), Cordier et CR elles-mêmes corrigées. En CR 301 f igure la date du 20 mars 1813.

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Analyse du texte

Nous avons tenté ici, en suivant l ’ordre des pages, de partir à la recherche des aspects inédits présentés par la copie Crozet-Royer. L’édition de la Pléiade est d’une aide importante mais aussi relative puisque l ’autographie des corrections de Stendhal est bien mal renseignée. Elle est en revanche f idèle dans la publication du Journal en tant que tel puisqu’elle découle des manuscrits conservés à Grenoble. C’est surtout le site de la bibliothèque de Grenoble et la mise en ligne d’une partie de la copie Cordier qui jette un nouveau jour sur la copie Crozet-Royer. Malheureusement la copie Cordier, fragmentaire, ne commence qu’en CR 270.

OUVERTURE ET PREFACE DE LERY, AUCUN AUTRE MANUSCRIT CONNU

CR 3-4-5-6-7 : c’est le début f ictif du récit de voyage de Léry écrit en 1813. On ne connaît ce texte que par CR puisque la copie Cordier n’existe pas. Il est amplement corrigé par Stendhal à l ’encre et au crayon, titré, daté. On est frappé de la vigueur littéraire de ce texte. Beyle ouvre sur le drame incommunicable du désastre de Russie. La mise en abîme de Beyle par Léry ouvre sur l ’écriture et conduit à Stendhal. Au-delà de son évidente qualité littéraire, ce passage est marqué par le premier emploi connu du mot « Mocenigo » qui, dans l ’hermétique stendhalienne des pseudonymes, signif ie « philosophe », c’est-à-dire homme libre. Parlant de sa campagne de Russie, il dicte au copiste cette belle formule, connue donc seulement par CR :

« Voyage qui aura cependant l ’avantage de m’avoir fait voir des choses that no Mocenigo, from Cervantes, I believe, has never seen. »

Stendhal est né. Il quitte l ’habit de haut fonctionnaire impérial pour celui d’écrivain. La première phrase de cette Préface résonne aussi d’une sonorité toute beylienne. Le beau vers de Horace - Non sum qualis eram ( Je ne suis plus celui que j’étais ; Odes, liv. IV, v. 3) – évoque le bouleversement créé par le désastre de Russie dans la vie du jeune haut fonctionnaire en même temps qu’il annonce la naissance d’un nouvel homme, l ’écrivain. Ce vers, sorte de frontispice épique à l ’architecture du livre projeté (pour utiliser, avec le mot « architecture » du livre, une expression proustienne), fait à l ’évidence face au mot de Tacite, extrait de la Vie d ’Agricola, qui sert de colophon, ajouté en 1817, au Tour d’Italie en 1811 par M. de Léry : « Vir magnus quantum licebat » (Grand homme autant qu’on le pouvait alors).

VOYAGE DE PARIS A GENEVE

A partir de CR 7, nous ne précisons pas toutes les corrections, ajouts ou retraits autographes de Stendhal. Nous nous bornons à ceux qui nous ont semblé les plus importantsCR 10 : en regard de cette page, Stendhal a déchiré le feuillet des pages 12-13, le jugeant sans doute impropre à la publication (le texte déchiré correspond à la moitié de la page 717 du Pléiade) CR 15 : comme souvent et par exemple ici : V. Del Litto ajoute une correction à CR (note c) qui ne f igure pas dans son édition et ne mentionne pas deux corrections autographes de Stendhal. Son édition des corrections et ajouts de CR est d’ailleurs très fautive dans la détermination de l ’autographie des apports. CR 21 : la note de bas de page à l ’encre, datée de 1817, est autographe de Stendhal, ce que ne signale pas l ’édition de la Pléiade (p. 1427). CR 23 : les corrections de Stendhal sont parfois diff iciles à percevoir. Ainsi, sur cette page, le second paragraphe subi quatre modif ications de ponctuation surchargée par Stendhal lui-même. CR 26 : le Journal de Stendhal est souvent orné de croquis. Dans la copie CR, des blancs sont laissés à l ’emplacement de ceux que Stendhal entendait publier. Dans la marge de cette page 26, une note autographe de Stendhal – le mot « f igure » - indique qu’il entendait reproduire ces croquis dans l ’éventuelle publication. De CR 21 à CR 30 : nombreuses corrections autographes de Stendhal. La note de la page 25 est autographe. Sur la page 29, il s’agit de quelques mots ou de petites corrections comme le rajout de « re » à « nouvelait » pour former « renouvelait » que Del Litto ne signale pas non plus. CR 33 : Stendhal, au crayon, redonne à Seissins son véritable nom : Crozet, qu’il ajoute.

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En CR 34  : la note de bas de page de trois lignes est autographe et date de 1817. Elle est polémique et politique puisqu’elle attaque le corps préfectoral de la Restauration. Une première phrase est écrite à l ’encre et une seconde au crayon. Del Litto publie à tort une date de « 1830 » alors que « 1800 » se lit clairement. En CR 38, dans la marge extérieure, f igure le chiffre «  72  » au crayon. Il est autographe de Stendhal et se retrouvera en plusieurs autres lieux de CR. Il fait référence à la pagination de la copie Cordier, en grande partie perdue. CR 39 : à propos du « charivari », accessoire de mode du jeune Léry, une note dans la marge, attribuée par Del Litto à Stendhal, est ajoutée par Stendhal au texte de CR. Elle n’apparaît que dans les notes de la Pléiade. De même, pour les importantes corrections de CR 40. CR 41 : à propos des collines près d’Arbois, dans le Jura, Stendhal ajoute à l ’encre en 1813 après la phrase « j’ai eu du plaisir à voyager » la mention « Physionomie des champs de montagnes », qui donne son titre au chapitre, titre également ajouté de la même encre par Stendhal. En 1817, préparant son édition de RNF1817, il écrit dans une note de bas de page numérotée (2), de sa main  : «  Je me le rappelle encore en corrigeant ceci, octobre 22, 1817  ». La note précédente, numérotée (1), est de la main de Fougeol. Dans sa version du texte de la Pléiade, V. Del Litto ne retient que la version de 1811. CR 42-43 sont très corrigées par Stendhal, à l ’encre, avec des titres courants autographes (« l ’aimable Giacomo »), et une note de bas de page autographe datant de 1813. CR 44-45 : également très corrigés en de multiples endroits (4) datant de 1813. Une correction faite à l ’origine par Stendhal au crayon a été repassée à l ’encre par Stendhal lui-même (CR 45). Surtout, une note de bas de page de quatre lignes, autographe, et datée du 28 septembre 1817, en dit long sur le désoeuvrement de Stendhal, justement préparatoire à l ’œuvre à venir : « J’avais encore un peu cette illusion en 1814 à la chute de Nap. La terrible expérience que nous faisons m’a illuminé. L’Europe ne peut pas plus être ce qu’elle était en 1760, qu’un homme de trente ans être le folâtre jeune homme de quinze. » (Pléiade, p. 1435)CR 46-47-48  : nombreuses corrections et notes, au crayon par Fougeol, et à la plume par Stendhal. La note au crayon par Fougeol en CR 46 est à l ’évidence dictée par Stendhal à son copiste. Elle n’est pas mentionnée dans l ’édition de Del Litto. Dans la marge de cette page 46, Stendhal a aussi ajouté, de nouveau, le mot « f igure » et exigé de Fougeol qu’il laisse un blanc comme pour mieux insérer le dessin du journal (Pléiade, p. 730). La note de la p. 46 est de la main de Fougeol  ; celle de la p. 47 est autographe de Stendhal. On remarquera dans la marge extérieure de CR47 une longue note autographe au crayon de Louis Crozet. CR 49  : la note au crayon est de la main de Stendhal comme la mention «  page 89  ». Elle demande à Fougeol de copier une confidence érotique que la copie Cordier (puisque le numéro de page y renvoie) et le manuscrit du journal conservent. Elle est retranscrite par Del Litto  : « Je prends les deux culs à une f ille d’auberge passable. J’entends une clarinette et un violon qui ne le sont pas et qui cependant me font plaisir.  » Cet inachèvement, alors que Stendhal avait donné son instruction au crayon à Fougeol, témoigne de l ’abandon brutal auquel Stendhal fut contraint par son départ pour l ’Allemagne. CR 50-51-52: plusieurs corrections de la main de Stendhal. La note à l ’encre, autographe, en bas de la p. 51, est datée d’août 1817. Les titres courants sont autographes. CR 53-59 : les titres courants sont autographes, comme les nombreuses corrections et surcharges. Plusieurs notes de bas de pas, de la main de Stendhal, sont ajoutées

LE MANUSCRIT ORIGINAL DU JOURNAL, POUR LA PARTIE DU VOYAGE CORRESPONDANT AU TR AJET DE GENEVE A MILAN, N’EXISTE PLUS.

A partir de la p. 59, Stendhal laisse trois pages blanches, qui auraient dues être remplies par la traversée des Alpes. Dans le Journal de 1811, «  la foliotation saute de 42 à 189. Le registre oublié dans la diligence était donc assez volumineux… A noter qu’il (Stendhal) n’a pas essayé de réécrire la partie perdue. » (Pléiade, p. 1438).

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MILAN

CR 63  : c’est la superbe entrée dans Milan  : «  Mon cœur est plein… Je suis sur le point de pleurer », curieusement datée par Fougeol du dimanche 8 septembre 1812 (au lieu de 1811) dans CR. Elle est identif iée par un titre-courant ajoutée dans CR : « Retour à Milan ». On remarquera la belle note autographe au bas de la page 64  : «  Je venais d’être fait sous-lieutenant par le général en chef de Marengo.  » Dans CR, Angela Pietragrua, présente par la seule lettre « P  » dans le manuscrit du Journal, devient en 1813 « Mme Simonetta » ou la « comtesse Simonetta ». Le recours à cette forme de synonymie obscure a pour but de masquer l ’autobiographique. CR 66 : V. Del Litto n’a pas mentionné un formidable ajout au crayon de la main de Fougeol. Stendhal se prépare à revoir la Pietragrua qui n’a pas été sa maîtresse en 1800. Ce sera le triomphe de 1811. Mais, venant à peine d’arriver à Milan, il en est encore au stade du rêve. Il imagine un plan de conquête qui, comme d’habitude chez lui, est jouissance anticipée : « J’eusse répandu des pleurs délicieux si avec l ’anneau d’Angélique, j’eusse pu pénétrer jusque dans son salon sans être aperçu d’elle. Comme malheureusement, je n’ai pas cet aimable anneau, je me suis fait br [un blanc] hier à mon auberge dell Pozzo, pour tâcher de diminuer ma sensibilité. » (Pléiade, p. 736). Ce « br » évoque à l ’évidence des pratiques rousseauistes. Au crayon dans CR, il comble un espace qui avait été laissé blanc, comme si Stendhal était revenu sur sa décision et avait dicté et de toute façon autorisé l ’ajout de « br ». CR 68 : une note de bas de page à l ’encre est datée de 1817. Comme pour CR 71 : « (1) En 1817, je suis happier que tous ces gens-là, surtout les Petiet. » V. Del Litto n’a pas vu non plus dans ses notes de la page de 737 que toutes les corrections de CR 68-75 sont autographes, au crayon ou à la plume. La page CR 75  montre diverses erreurs du copiste Fougeol. Car le camouf lage synonymique trouve ses limites naturelles, celles du copiste lui-même. Ainsi, lorsque Mazeau, commissaire des Guerres, vient chercher Beyle malade dans la chambre qu’il habitait au-dessus de la salle à manger de Mme Petiet, épouse de son patron, le copiste confond «  madame P.  » (leçon du manuscrit) de 1811 avec Angelina Pietragrua puisqu’il écrit la «  comtesse Simonetta  » que Stendhal biffe alors pour remettre «  P  », pour Petiet. Et à l ’inverse, surtout, lorsque son ami Joinville emmène Beyle-Léry pour sa première grande rencontre avec Angela Pietragrua, cette « grande belle et superbe femme qu’il avait » (Pléiade p. 739), le copiste prend soin d’atténuer le subjectif de la leçon de 1811 et écrit : « Mme Gina ». Stendhal, se souvenant de cet heureux moment – en 1813 -, reprend alors le nom magique de la première aimée au crayon et écrit sur Gina : « Angelina P. ». C’est le retour de l ’autobiographique. CR 79 : comme toujours la note de bas de page de la main de Stendhal est datée de 1817. CR 88-89 montrent bien deux couches de corrections possibles : celles de Stendhal à l ’encre en 1811, celles du même, mais cette fois au crayon, en 1817.

LE RETR AIT D’UN PASSAGE INTIME FINALEMENT AJOURNE

CR 95  : la méthode pour bander, énoncée par Migliorini (Pléiade p. 746), manque à CR, qui laisse un grand blanc (p. 95). Par sa note au crayon dans la marge du chiffre «  135  », Stendhal renvoie Fougeol à la pagination que devait occuper ce texte étonnant dans l ’autre copie aujourd’hui perdue. Le renvoi par ce chiffre signif ie peut-être – à l ’inverse de l ’opinion de Del Litto (p. 1448) - que Stendhal a pu avoir l ’intention dernière de faire recopier ce texte ici par Fougeol. Il n’en eut pas le temps en raison du départ précipité de son maître vers l ’Allemagne.

CR 96-98 : les corrections au crayon sont de la main de Stendhal. Comme la note de 1813 au bas de CR 98 : « je l ’ai vu dernièrement à Moscou »CR 102-103  : cette double page comporte plusieurs corrections autographes, au crayon, de Stendhal. Mais la phrase «  qu’il foutait 2 fois par jour  » obéit à la même règle que le «  br  » précédent. Elle est de la main de Fougeol et comble un blanc, qui marquait comme une hésitation de Stendhal, par la suite levée, devant l ’usage d’un langage cru. CR 104-111  : notes autographes au crayon et à l ’encre, de la main de Stendhal. Numéro de renvoi au crayon dans la marge de 105 également de sa main. CR 113  : de même qu’en CR 66 et CR 103, la formule «  je n’ai envoyé faire foutre que mon laquais » présente un blanc que Fougeol a comblé après instruction de Stendhal, au crayon. Et sur cette page, le reste des notes, également au crayon, est de la main de Stendhal (le nom de « Crozet » pour Seissins) comme la note de page et son renvoi qui sont à l ’encre.

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Entre CR 114 et CR 129, peu de corrections. Une note de bas de page, à l ’encre, avec surcharge au crayon, est de la main de Stendhal en CR 122. En CR 123 et 124, deux numéros de page au crayon, de la main, de Stendhal renvoient à l ’autre copie, disparue, de Fougeol. Les pages CR 129-131 sont sans doute les pages centrales de Léry. Elles forment le célèbre récit de la conquête de la Pietragrua avec son formidable aveu au récit de la vie de Beyle et de son amour pour elle  : « mais c’est un roman » (CR 130). En CR 129, une note de bas de page autographe de 1817, au crayon, atteste de la relecture générale préparatoire en 1817  : «  Tout ceci est bien plaisant à relire pour moi en 1817 (2 novembre 1817) après ce que j’ai vu depuis. » La page CR 131 présente plusieurs notes de bas de pages autographes et trois corrections dans le texte. L’une de ses notes, au crayon et datant de 1817, est aussi importante dans la vie de Stendhal que celle précédemment citée puisque sa relation avec la Pietragrua est son plus grand amour : « Ces mouvements de ma part furent, en effet, ceux qui lui donnèrent le plus de respect for my character. » Aucune de ces pages si intimes ne sera publiée dans RNF1817. A partir de CR 146, Stendhal, en 1813, a plus régulièrement annoté la copie CR à l ’encre et surchargé le texte de quelques corrections au crayon (cf. les pages CR 146, 148 et 153)CR 156-161 (Pléiade 766) voit le début de la lettre à Crozet (ici de nouveau Seissins) qui forme comme un journal dans le journal.

CES PAGES DICTEES EN 1813, SANS AUCUNE CONTRE PARTIE DANS LE JOURNAL, SERONT TR ANSFEREES TELLES QUELLES DANS LE PREMIER LIVRE DE STENDHAL PUBLIE EN 1814.

CR 161-167  : ces sept pages apparaissent ici pour la première fois. Elles commencent par la phrase « Le caractère italien est mélancolique », à propos de laquelle Stendhal ajoute aussitôt en note, de sa main : « written the seventh April 1813 », soit douze jours avant le départ de Beyle pour l ’Allemagne à la suite de Daru. Ces pages ne sont donc pas la copie d’un manuscrit du journal de 1811. Elles présentent beaucoup de corrections ou d’ajouts autographes comme sur CR 164-165. Stendhal date avec soin ce qu’il ajoute au manuscrit du journal de 1811.

Ces pages se terminent sur une note également autographe de Stendhal (CR 167), lorsque le texte s’achève par ces mots  : « des objections sur la théorie de l ’addition ». Stendhal ajoute de sa main « (1813) (1) » qui renvoie en bas de page à une note également autographe : « (1) f in de la lettre à Mr. de Seissins » (Louis Crozet). Ces sept pages ne sont connues que par cette seule copie et sont intégralement publiées par V. Del Litto dans ses notes (pp. 1459-1461). Elles ont très certainement été dictées par Stendhal directement à son copiste. Elles traitent du sentiment mélancolique des italiens, de leur sens de la conversation tout différent de celui des français et racontent un concert chez la comtesse Simonetta, alias Angelina Pietragrua. Le fait remarquable est qu’elles se retrouveront à peu près intégralement dans la lettre VII du premier livre de Stendhal, les Lettres écrites… sur le compositeur J. Haydn, publiées chez Didot en juillet 1814 après qu’il eût abandonné le projet de faire son premier livre du Tour d’Italie en 1811 par M. de Léry. CR est donc la seule trace de ce retournement. CR 168-171 / copie corrigée du manuscrit du journal.

UN PAR AGR APHE DICTE EN 1813 :

CR 171 : deux paragraphes dont l ’un très long (« J’ai lu que pour être bien venu… »), qui forme plus dix lignes, ne possèdent pas de Urtext dans les manuscrits de Grenoble. Ils font l ’objet de deux renvois et notes autographes de Stendhal à l ’encre et d’une datation répétée par deux fois de 1813. Ce paragraphe a sans doute été dicté.

LA VICTOIRE SUR LA PIETR AGRUA

CR 173 : la victoire du 21 septembre (conquête physique de la Pietragrua) est suivie d’une page blanche et demi, comme si Stendhal avait voulu ajouter un texte. Le texte reprend en CR 175 avec la distinction f irst time/three time, et le passage de l ’amour physique à l ’intimité et donc au « bonheur parfait ». Après les trois lignes CR 176, un long blanc laisse un goût d’inachevé. CR 177  : le manuscrit reprend le rythme régulier de ses renvois, notes au crayon ou à l ’encre.

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A partir de CR 197, départ de Bologne de Florence, le nombre de correction est réduit. La relecture des son aventure avec la Pietragrua l ’intéressait davantage en 1813 et 1817 que son chemin vers Florence. CR 202-203 : V. Del Litto ne signale pas qu’un paragraphe entier du journal de 1811 (Pléiade 779 : « Où est la maison qu’habitait le comte Alf ieri »…) a été supprimé dans la mise en forme de 1813 (CR). CR 203 : une note de la main de Stendhal, au crayon dans la marge, donne un numéro de page pour le dessin et fait référence au manuscrit perdu. CR 204 : note savoureuse, de la main de Stendhal : « je crois que j’ai exagéré ». CR 207 : mention dans la marge d’une petite écriture à l ’encre, celle du copiste : « correspondant à la page 237 de la première copie ». Elle fait référence au cahier vert, perdu. CR 215  : de la main de Stendhal, au crayon dans la marge extérieure, en bas  : « 320 de la 1re minute », ce qui constitue une autre allusion à la partie disparue de la copie Cordier. Il est en tout cas certain que Stendhal et Fougeol se livrent là à une sorte de travail de collationnement. CR 218 : lors de la visite au Museum d’Histoire naturelle, Stendhal utilise dans la copie Royer pour la première fois le pseudonyme d’Almeria qui sera celui de la comtesse Martial Daru auparavant connue sous le nom de « Palfy » CR 226 (Pléiade 787) : « Je ne dis pas que ces jugements soient vrais, pour vous qui me lisez », détail qui montre que dès 1811 lors de la rédaction, Stendhal pensait à l ’éventuelle publication de ce voyage ou tout du moins qu’il s’est très tôt adressé à un lecteur à venir.

LA PREMIERE FORMULATION DU CONCEPT DE HAPPY FEW

CR 232 : marque la première formulation du concept de happy few : « Je ne puis certif ier qu’une chose, c’est que j’écris ce que je pense. Il se trouve peut-être en Europe 8 ou 10 personnes qui pensent comme moi. J’aime ces personnes sans les connaître. Je sens qu’elles pourraient me donner des plaisirs vifs. Quant aux autres, sous le rapport des arts, j’ai pour elle le mépris le plus senti, je ne désire que de les oublier. Si je leur étais connu, je leur inspirerais les mêmes sentiments, avec peut-être un peu de haine. Ainsi nous ne pouvons que gagner à être inconnus les uns aux autres » (Pléiade, p. 789, Florence, 27 septembre 1811). CR 239 : une note de Stendhal (« à cause de Porta Romana 1813 ») possède un numéro de renvoi placé sur le trait rouge de la réglure et a donc été ajoutée après la copie. Elle évoque toute l ’émotion amoureuse de Stendhal lorsqu’il aborde le sujet de Milan. Elle n’est pas publiée dans l ’édition de V. Del Litto. CR 244 : le « Giacomo » au crayon, qui complète un nom laissé en blanc dans le manuscrit de 1811, est à l ’évidence de la main du copiste. Cet ajout s’est fait après l ’autorisation de Stendhal.

VOYAGE DE FLORENCE A ROME ET SEJOUR A ROME : PAGES SANS CONTRE PARTIE DANS LE MANUSCRIT DU JOURNAL.

De CR 249 à CR 264, soit le voyage de Florence à Rome et le séjour à Rome, il n’y a plus de manuscrit dans le journal puisqu’il a été égaré par Stendhal lui-même  : « Stendhal a dicté un certain nombre de pages le 20 mars 1813. Il les a ensuite relues et corrigées.  (Pléiade 1473) ». C’est pour cette raison qu’on lit en note de CR 245 cette mention autographe de Stendhal  : « écrit le 20 mars 1813 ». Comme plus haut pour les pages CR 161-167, Stendhal date avec soin ses ajouts les plus importants.

Ces pages, dictées et corrigées, sont conservées à Grenoble (R. 5896, II, f ° 163-167). Stendhal a ensuite fait établir la copie Crozet Royer qu’il a à nouveau corrigée (changement de nom, ajouts de quelques phrases et deux notes autographes selon Del Litto) et organisé en chapitres numérotés conformément à l ’ordre suivi depuis le début de la copie CR. L’une des deux notes est importante, celle qui conclut cette reconstitution  : «  Ce Journal est diablement froid en comparaison de ce que j’ai senti. Je n’y employais que des bouts de temps et je n’ai pas su rendre visible ce que je sentais en (1813)  » (Pléiade 1481, CR 263). Le texte de ces pages dictées est publié par V. Del Litto dans les notes de son édition, aux pages 1474-1481. On remarquera à la p. 259 de CR une intervention de Stendhal dans la copie dictée puisqu’il ajoute quelques lignes qui manquent au journal dicté  : «  qui avec sa croix et sa mise noire resta toute la soirée…  »

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(Pl 1479, note D). Stendhal ajoute encore à la copie. Ce long passage de quinze pages dans CR s’achève au début de la page 264 sur cette phrase : « il faut rire à Naples et aimer à Milan ». Dans son édition de la Pléiade, V. Del Litto, privilégiant toujours le journal de 1811, a fait le choix de ne pas suivre la mise en forme de Stendhal et a préféré renvoyer en note cette importante section, rendant par là diff icile la compréhension de ce que Stendhal souhaitait œuvre.

En CR 263, dans l ’une de ses deux notes autographes du bas de cette page, à la f in de ce long passage écrit pour combler la perte du manuscrit de 1811, Stendhal avoue que la réécriture ne retrouve pas la sensation : « Ce journal est diablement froid en comparaison de ce que j’ai senti. Je n’y employais que des bouts de temps et je n’ai pas su rendre visible ce que je sentais. (1813). » Comme plus haut (cf. CR 161-167), Stendhal date ses ajouts.

ARRIVEE A NAPLES

De CR 264 à CR 269, soit l ’arrivée à Naples, le journal retrouve le cours du manuscrit autographe précédent la section perdue (soit : R. 5896, XXIII, f ° 103r-108v ; Pléiade 793-795). CR 266 : note au crayon de la main de Stendhal

DEBUT DU FR AGMENT SUBSISTANT DE LA COPIE CORDIER

CR 270  : débute du fragment Cordier (p. 101) conservé à la BM de Grenoble, par le chapitre LVII et la phrase : « Nous allons à Pompéia… ». De CR 270 à CR 276, le texte est publié dans l ’édition de la Pléiade aux pp. 795-797. L’antériorité du fragment Cordier, par rapport CR, ne fait aucun doute : il est davantage corrigé que CR. A lire le fragment Cordier sur le site internet de la bibliothèque, tel que montré et brillamment indexé, on comprend que Del Litto a négligé certains d’aspects de la génétique stendhalienne. Entre autres, et par exemple, V. Del Litto omet de préciser que deux des trois notes de CR 270 sont autographes de Stendhal tant dans Cordier que dans CR. Si parfois certains ajouts de Cordier, portés par Stendhal dans le corps du texte, se retrouvent copiés dans CR, la plupart des ajouts et corrections sont communs aux deux copies. La compréhension du manuscrit CR gagne soudain en clarté (cf. http://stendhal. mshalpes. fr/manuscrits/index2. php?show=ensemble). CR 276 : les deux paragraphes, commençant par « Volupté du roi Joseph », ont été ajoutés par Stendhal lui-même à Cordier et reportés par Fougeol dans CR. D’ailleurs, la date de « 1813 » est autographe de Stendhal.

LA MUSIQUE A NAPLES, LONG PASSAGE D’UNE ADDITION DE 1813 QUI SER A INSEREE DANS LES « LETTRES SUR HAYDN » DE 1814.

En CR 277 débute le long développement sur la musique à Naples dont la source directe est le livre de l ’avocat napolitain Luigi Galanti (Napoli e su contorno paru en 1803) que Stendhal plagie. Ce texte sera inséré dans la lettre XIV des Vies de Haydn… On en possède quatre versions  : un brouillon autographe et très partiel  (R. 5896, II, f ° 162r), les pages dictées au copiste et corrigées par Stendhal (R. 5896, II, 168r-175v), les copies Cordier et Crozet-Royer dont le texte est donné aux pp. 1486-1495 de l ’édition de la Pléiade, elles-mêmes corrigées par Stendhal. CR 280  : le report du nom de Lambert, en note marqué d’un « L  », cet ami de Stendhal qui donna en 1811 son opinion sur le manuscrit original, est autographe dans la copie Cordier comme dans CR. Aux pages 284, 286, 288, 292, 293 de CR comme aux pages 111, 114, 115, 122, 124 de Cordier, les notes de page sont à chaque fois autographes et présentent le même texte comme si Stendhal avait annoté les deux exemplaires en même temps. Stendhal copie Stendhal, ce que V. Del Litto avait déjà vu. Les notes de CR 288 ont exactement la même structure alternée Fougeol/Stendhal que celles de la p. 116 de Cordier. En CR 297, les notes 2 et 3 sont de la main de Stendhal ainsi que leur renvoi. Comme dans la copie Cordier (p. 130), la note de la page 298 de CR est de la main de Stendhal. CR 301 marque le retour de Naples à Rome. Au bas de cette page 301, comme au bas de la page 134 de la copie Cordier f igure la même mention autographe de la main de Stendhal : « écrit le 20

mars 1813 », soit exactement le même jour que le passage ajouté en CR 245. Le blanc de quatre pages qui suit obéit à une instruction laissée dans le fragment autographe. On sait maintenant que le 20 mars 1813 Stendhal a dicté deux grands passages à son copiste.

ANCONE : RETOUR SUR LE MANUSCRIT ORIGINAL

Avec le chapitre consacré à Ancone, CR et Cordier retrouvent le manuscrit original de Grenoble, celui du journal de 1811 (R. 5896, XXIII, 109-114). La page 305 de CR et la page 145 de Cordier possèdent de nouveau les mêmes annotations au crayon ou à l ’encre de la main de Stendhal  : la date en haut à droite, le titre « Ancône », la mention au crayon dans la marge « 361 » mais CR ajoute «  in copie originale  » également au crayon, comme la note de bas de page qui est également autographe : « j’écrivais tout cela avec ennui & lassitude. (1813) ». CR 305-309 suit Cordier, seuls les noms des personnages ont été masqués par Stendhal en d’autres personnages. Le texte anglais de CR 306 est autographe dans Cordier et de la main de Fougeol dans CR. CR 310  : la date du 19 octobre 1811 est de la main de Stendhal comme p. 311 la mention au crayon dans la marge extérieure  : «  151 de l ’autre cahier  ». Il s’agit de la copie Cordier où f igurent deux paragraphes (dont l ’un autographe que Fougeol n’a pas repris dans CR) mais pour lesquels il avait laissé un blanc. De même, la phrase suivante n’est pas terminée dans la copie CR comme si du travail restait encore à faire au copiste laissé sans instruction. La phrase suivante a été oubliée par le copiste dans CR. Tout ceci prouve une forme d’inachèvement dans le travail du copiste comme dans celui de Stendhal, par rapport au texte de Cordier.

CR 312 : la mise en ligne de la copie Cordier sur le site de la BM de Grenoble cesse (p. 152, de cette copie).

CR 313  : à l ’inverse de ce que dit Del Litto, le nom de « Frugolis  » (Pléiade 801) n’a pas été corrigé en Foscolo dans CR, alors qu’il l ’est dans Cordier. Ce doit donc être une instruction du manuscrit et cela prouve encore que tout ce travail est réalisé dans l ’urgence de ce printemps 1813. CR 314 : la note de bas de page est de la main de Stendhal comme la date de 1813 dans le texte. Le long paragraphe qui suit, renvoyé en note par Del Litto (p. 1499), n’apparaît que dans la copie CR.

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CR 317 : le texte est mis en forme dans la copie Cordier : c’est-à-dire dicté. Le dernier paragraphe est recopié du manuscrit conformément à une instruction de Stendhal. Titres et premier paragraphe sont de 1813 ; le paragraphe commençant par « A mesure que » date lui de 1811. CR 318, la note de bas de page, qui clôt le développement précédent, est de la main de Stendhal : « Ecrit en 1813 ». CR 321 : « Faure » est raturé par Stendhal. CR 322 : la note de bas de page est autographe. CR 324  : la note avec le mot «  Antonio  » est autographe comme la mention « Angela  » au crayon pour la comtesse Simonetta. CR 325, dans le texte du copiste, Stendhal a corrigé «  préférerai  ». CR 331  : «  A  » pour Angela, au crayon, est de la main de Stendhal, comme en CR 332. CR 333 suit encore Cordier dans l ’addition de la page 808 de la Pléiade. CR 334, « Contrada dei Muri » est une addition autographe de Stendhal avec sa traduction en note, également au crayon  ; c’est l ’adresse de Stendhal à Milan à ce moment. Ces corrections n’apparaissent pas dans Cordier. CR 339, « F » pour Félix est autographe de la main de Stendhal. CR 339, la date est de la main de Stendhal. CR 341  : ajouts de texte (2 lignes) partagés par CR et Cordier  ; la note de bas de page est autographe. Elle se retrouve dans Cordier mais elle est placée ailleurs. CR 342  : la note  : «  les dates fort aisées à vérif ier, j’ai l ’Almanach royal pour 1811  » est de la main de Stendhal, comme dans Cordier. CR 343 : « L » au crayon est de sa main aussi, pour Lanzi. CR écrit « J’ai eu L dans la chambre jusqu’à onze heure et demie », Cordier « J’ai lu L ». Soit c’est l ’ami Lambert pour CR, soit c’est le livre de Lanzi pour Cordier. CR 343 le chiffre de « 189 » dans la marge également au crayon, indique que Stendhal voulait ajouter là une partie de Cordier, comme l’a fait Del Litto, puis, Stendhal a renoncé. Ce développement f igure dans une note de la p. 1507 de l ’édition de la Pléiade. Le long développement de CR 345 se trouve aussi dans Cordier. CR 346-347 est superbe et découle du Journal de 1811. CR 348 : le mot « Cène » et le renvoi à une pagination dans la marge, tous deux au crayon, sont de la main de Stendhal, comme les deux majuscules au crayon de la p. 349.

TROIS PAGES DE LERY QUI ENTRERONT DANS L’HISTOIRE DE LA PEINTURE EN ITALIE

CR 348-349-350, que l ’on retrouve dans Cordier et dans le journal, entreront dans le chapitre LIII de HdPI.

LA FIN

CR 352, soit le merveilleux petit chapitre LXXX, constitue la f in. Il ne se retrouve que dans Cordier, mais pas dans le manuscrit du journal. Stendhal arrive à Paris le 29 novembre 1811. Ce Tour en Italie de M. de Léry s’achève alors sur deux expressions.

En premier lieu « Great  », qui rappelle la mention «  I A. M. GRE. AT. » apposée sur l ’un des registres renfermant la première rédaction de HdPI. V. Del Litto y voyait la f ierté éprouvée par Stendhal à l ’idée d’écrire une histoire de peinture italienne. On peut, pour ce qui concerne le présent manuscrit, y voir aussi la f ierté du travail accompli : le tour de « M. de Léry ».

La mention suivante, « Le lendemain bataille perdue », évoque sans nul doute l ’accueil glacial fait à Henri Beyle par Daru, le jour de son arrivée. Cette froideur marquera aussi la f in de RNF en 1817  : «  le ministre qui m’aime paraît dégoûté de me protéger… j’ai manqué une distinction à laquelle j’avais toutes sortes de droits, et qui seule depuis trois ans maintenait mon ambition vivante  » (Pléiade p. 161). Il s’agit à l ’évidence des préfectures, baronnies et Légion d’honneur dont Stendhal rêvait. Martial Daru, dans une lettre du 4 octobre 1811, avait déjà jugé l ’  «  escapade » de Beyle comme une «  légèreté de plus » (Suzanne d’Huart, « Stendhal et les Daru », Stendhal Club, n° 36). Le 4 décembre 1811, à peine quelques jours après son arrivée à Paris, Stendhal ouvre un grand registre recouvert de vélin vert, identique à celui de « M. de Léry », et commence, on le sait assez maintenant, son Histoire de la Peinture en Italie. Le vert se referme sur le vert.

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CR 367 et CR 368, Stendhal note de sa main dans la « Table  » des chapitres, par deux fois  : «  f ini de transcrire le 13 avril 1813 ». Cette table occupe les pages 367-372 de CR. On notera trois changements effectués par Stendhal, au crayon et de sa main, à la p. 369. CR 367-372 : la table des matières occupe six pages : « la numérotation n’interviendra que dans la mise au net déf initive, la copie Crozet-Royer ». C’est on ne peut mieux dire que la table des matières de CR est inédite (OI, p. 1417).

A LA FIN, UNE NOTE DE STENDHAL DE 1817, INEDITE, CITANT MONTESQUIEU ET TACITE

A la f in de cette table des matières, une longue note manuscrite de Stendhal semble clore le Tour d’Italie par M. de Léry. Elle est encadrée de deux doubles traits horizontaux, à l ’encre, également de Stendhal :

« Voir la brochure de Grouvelle sur Montesquieu, annoncée dans Grimm, tome 16, juin 1789, page 16 sous ce titre : De l ’autorité de Montesquieu dans la Révolution présente. Vir magnus quantum licebat. Réunir ce Commentaire à celui de Liège »

Stendhal cite Tacite et le chapitre XVII de sa Vie d ’Agricola. L’auteur des Annales y fait l ’hommage posthume de son beau-père Agricola, conquérant de la Bretagne : « Grand homme, autant qu’on le permettait alors ». Cette note de Stendhal est inédite (elle ne se retrouve ni dans l ’édition de la Pléiade ni dans le « Journal Littéraire » des Oeuvres complètes dans l ’édition du Cercle du Bibliophile). Elle date à l ’évidence de 1817 et semble faire face, après la chute de l ’Empire, au magnif ique non sum qualis eram des premières pages du Tour d ’Italie en 1811 par M. de Léry.

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[2] STENDHAL. Promenades dans RomeParis, Delaunay, 1829 [1841]

EXEMPLAIRE DE STENDHAL, INTERFOLIE DE GRANDS FEUILLETS VERTS D’EAU, COMME LA CHARTREUSE DE PARME DE L’ANCIENNE COLLECTION BERES, ET RELIE EN ITALIE.

19 DE SES GRANDS FEUILLETS ONT ETE ANNOTES A L’ENCRE PAR L’AUTEUR ENTRE JUIN ET JUILLET 1841, SOIT QUELQUES MOIS APRES SA PREMIERE ATTAQUE D’APOPLEXIE.

DEUX NOTES CAPITALES, PUBLIEES DANS LE JOURNAL, CONFRONTENT MISS BOUCHE - CECCHINA BOUCHOT, LE DERNIER AMOUR DE STENDHAL - ET FIRODEA - FEAR OF DEATH.

LA MEILLEURE PROVENANCE POSSIBLE : EXEMPLAIRE DONNE PAR TESTAMENT A LOUIS CROZET, L’AMI D’ENFANCE DE STENDHAL

EDITION ORIGINALE

3 (sur 4) volumes in-4 (272 x 185mm)

Les trois volumes sont annotés. 17 des grandes pages vertes interfoliées, dont la page de garde de la reliure, portent 27 annotations ou corrections autographes de Stendhal dont deux remplissent chacune une page in-4. Elles sont plusieurs fois datées de juin ou juillet 1841. Nous plaçons ici les notes les plus importantes et renvoyons les autres notes du volume 1 à la f in du document

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Volume 1 : faux-titre, titre, Avertissement (I)-IV, pages (1)-208

Note 1. Sur le feuillet de garde de la reliure :

« Ne pas faire de nouvelle édition sans prof iter des corrections inscrites ici. Juin 1841. C[ivita] V[ecchia]. 22 juillet 1841. Thinking trop to miss Bouche af ter the four months of Firodea. ” (cf. Oeuvres intimes, II, p. 421)

Note 2. En regard de la page ii de l ’Avertissement :

«  Quand je lis un ms. de moi à imprimer, je ne puis jamais faire attention qu’au fond des choses. De là mille négligences, des mots répétés, des mauvais sens, des phrases supposant trop d’attention chez le lecteur, et par là manquant de clarté. Je crois que la littérature actuelle marche à la boutique d’épicier de 1890, en fesant (sic) trop d’attention à la forme. Pour ne pas tomber dans le défaut contraire, j’ai résolu de corriger les Promenades dans les moment perdus. Dans ces derniers mois, songeant au départ, j’étais fâché d’y laisser tant de fautes de forme. Je savais beaucoup de choses laides à dire en écrivant ceci au n° 71, Richelieu. Je ne voulus pas les dire pour ne pas mettre en état de fâcherie et de haine l ’âme des lecteurs se promenant dans Rome. J’aime mieux faire un supplément en 1841. Mme Lamp[ugnani] détestait les choses laides qui donnent des accès de haine impuissante. C[ivita] Vecchia le 25 juin 1841. hier né » Publié par L. Royer puis par H. Martineau, Mélanges intimes et marginalia, (1936), II, 136, absent des éditions de Del Litto (Oeuvres intimes comme Voyages en Italie). Ce texte magnif ique devait former l ’Avertissement de la seconde édition.

Volume 2 : pages 209-450, et un feuillet d’errata

Note 26. La page de garde de la reliure est annotée :

« Four month of Fi[r]odea . Nouvelle convalescence dont je m’aperçois the twenty fourth of July 1841, too much of Miss Bouche. Been reed of death of her sister. Récit qui m’apprend beaucoup, mais beaucoup, hier 21 July 1841. ” (Oeuvres intimes, II, p. 421, Del Litto lit « Hier récit » au lieu de « Been reed »)

Volume 3 : faux-titre, titre, pages (1) - les pages 71-72, 69-70, 67-68, 77-78, 75-76 et 73-74 sont mal reliées

Note 27. P. 25 (Pl. 847) : on distingue encore « fort bien la » statue couchée du Jourdain. Cet ajout est inédit.

Le volume IV de ces Promenades dans Rome, longtemps perdu par D. Bucci qui ne l ’envoya jamais à Louis Crozet, fut conservé par les descendants de Bucci. Il appartient maintenant au fonds Bucci de la bibliothèque municipale Sormani de Milan.

RELIURES ROMAINES STRICTEMENT DE L’EPOQUE ATTRIBUABLES A «  THE LITTLE RELIEUR  ». Dos et coins de basane prune et marbrée, plats de papier marbré, dos long ornés et dorés, pièce de titre de veau vert portant la mention en lettres dorées : « PROMENADES NOUVELLE EDITION »PROVENANCE : Louis Crozet -- Mme veuve Louis Crozet -- Paul Royer -- Louis Royer -- Mme de Royer-Viollet (bibliothèque Royer au château de Claix près de Grenoble)

On connaît quatre exemplaires annotés par Stendhal des Promenades dans Rome. Chronologiquement, le plus ancien est l ’exemplaire Serge André aujourd’hui conservé à la Bibliothèque municipale de Grenoble. Cette édition originale de 1829 a été reliée pour Stendhal. Il n’est pas interfolié mais possède de très nombreuses notes sur des feuillets blancs placés en tête et en queue. L’une des notes est datée du 3 décembre 1829 (cf. E. Champion, « Un nouvel exemplaire annoté des Promenades dans Rome », Stendhal Club, n° 19, 1926, p. 9). Le deuxième exemplaire connu est celui des collections du marquis de La Baume. En 1833, Stendhal avait écrit sur cet exemplaire « quelqu’un m’a pris les deux volumes in-8 où j’avais noté les erreurs pour faire une seconde édition » (ibid. ). Il s’agit de l ’édition Hauman de Bruxelles publiée en 1830. Soit deux petits volumes in-12. Chaque volume comporte à la f in un cahier de 40 pages. Ils sont très annotés. L’exemplaire a appartenu à Alexandrine de Rothschild et f igure donc au Répertoire des bien spoliés (n° 1180, p. 603). Il avait pour Stendhal l ’avantage d’être

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au format de poche, de pouvoir être manié et annoté au fur et à mesure de ses pérégrinations romaines, par opposition à l ’exemplaire Crozet-Royer, plus volumineux, et que Stendhal appelle l ’exemplaire de Civita Vecchia : « 1841…J’ai l ’idée de relire ceci et d’ajouter quelques détails sur les pages blanches, mais l ’exemplaire aux pages blanches est à C. Va. » (Op. cit., p. 10). L’exemplaire de Lysimaque Tavernier, l ’ennemi intime de Stendhal, est interfolié en quatre petits volumes au format in-8 du texte. Il est très annoté. Il a été redécouvert par Yves du Parc en 1955. Les annotations s’échelonnent du 15 novembre 1831 au 20 janvier 1841 et connaissent une interruption de 1835 à décembre 1839, dates du séjour de Stendhal à Paris. L’exemplaire Crozet-Royer, annoté et interfolié, est donc le dernier exemplaire des Promenades dans Rome que Stendhal ait fait confectionner. Les dates qu’il comporte s’échelonnent du 25 juin aux 21 et 22 juillet 1841.

L’écriture de Stendhal a vieilli, comme lui. Elle est hésitante, presque tremblante. Il faut dire que le 15 mars 1841, Stendhal a connu sa grande attaque d’apoplexie. Le 5 avril 1841, il écrivait à son ami Domenico Fiore la lettre qui commençait par la célèbre phrase : « Je me suis colleté avec le néant ». S’installe alors le temps de la convalescence et des soins dont parle l ’annotation du troisième volume de ces Promenades dans Rome (« nouvelle convalescence »). Le 9 août 1841, Stendhal sollicite un congé qui lui est accordé le 15 septembre. Le 21 octobre Stendhal quitte Rome pour Marseille et Paris sans prendre de billet de retour. Il meurt à Paris dans la nuit du 22 au 23 mars 1842, frappé d’une nouvelle attaque d’apoplexie, laissant derrière lui en Italie ses livres et manuscrits, dont l ’aventure ne tarde pas à commencer.

Mais durant ces mois de juin et de juillet 1841, Stendhal s’attelle à ce qui sera sans doute sa dernière entreprise d’écrivain : la préparation d’une nouvelle édition des Promenades dans Rome. Il choisit donc de faire démonter un exemplaire de l ’édition originale et de l ’interfolier sur le modèle de l ’exemplaire Crozet-Royer-Berès de la Chartreuse qu’il a sous les yeux. Ce célèbre exemplaire avait été travaillé par Sendhal peu de temps avant d’être, comme il l ’écrit : « arrangé par le relieur romain le 17 novembre 1840  ». Certaines notes serrées dans la couture de la reliure en attestaient. La reliure avait été payée le 18 novembre 1840. Le matériel de dorure de l ’exemplaire Crozet-Royer des Promenades, le papier vert d’eau interfolié sont très proches de celui de la Chartreuse. Mais cette fois, Stendhal écrit sur l ’exemplaire après sa reliure car les notes sont parfaitement centrées dans les grands feuillets vert d’eau.

Il semble que ce relieur « romain » se rendait aussi à Civita Vecchia. Stendhal, arrivé le 10 juin 1841 dans la cité portuaire des Etats romains, écrit quelques jours après : « The little relieur me rend ce livre 17 juin 1841 » sans que l ’on sache clairement de quel livre il est question ( Journal, OI, II, p. 420). S’agirait-il de cet exemplaire des Promenades ? C’est probable, d’autant que toutes les dates mentionnées ici sont comprises entre le 25 juin et le 22 juillet 1841.

Deux mots sont alors importants dans la vie de Stendhal : Miss Bouche et Firodea. Ils apparaissent par deux fois dans les notes 1 et 26 de cet exemplaire.

Miss Bouche masque Cecchina Lablache récemment mariée au peintre François Bouchot. Pour ce mot griffonné, L. Royer et H. Martineau avaient malencontreusement lu «  Miss Bonola  », qui ne veut rien dire. Cecchina Bouchot séjourne au cours de l ’été 1841 à Civita Vecchia où elle aurait eu avec Stendhal « une légère et piquante passade » (V. Del Litto, Somme stendhalienne, I, p. 155). Le 19 juillet 1841, Stendhal écrit qu’elle « a lu cet exemplaire », Del Litto pensant qu’il s’agit de La Chartreuse interfoliée (Oeuvres intimes, II, p. 421 et note). Le 2 et le 10 août 1841, comme sans doute deux fois le 19 juillet soit deux et trois jours avant des annotations de ces Promenades dans Rome, Stendhal et Miss Bouche ont consommé leur charme : « perhaps the last of his life » (Oeuvres intimes, II, p. 422, 14 août 1841).

Firodea recouvre Fear of Death, qui ronge Stendhal durant son dernier été à Civita Vecchia. Le recours à ce cryptogramme masque l ’ultime défense de la f iction contre la crainte de la mort alors qu’elle ne devrait être que ce « peu profond ruisseau » dont parle Mallarmé (Tombeau de Paul Verlaine). Firodea dans la langue stendhalienne, ce sont les fumerolles imaginaires créées par la religion mal entendue. La fameuse lettre à Domenico Fiore en donne une définition

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: «  toutes les niaiseries qu’on nous a mises dans la tête à trois ans  ». Mais Firodea exprime aussi cette crainte de la mort à l ’état brut, puisque, loin de s’abandonner à l ’imagination d’un nouvel amour éprouvé pour Miss Bouche, Stendhal se reproche ici par deux fois d’y penser trop : thinking trop (note 1), too much of Miss Bouche (note 26). Comme toujours chez Stendhal, la crise existentielle ne se conjure que par un nouveau travail : la nouvelle édition projetée des Promenades dans Rome exerce une fonction cathartique. Cette crise existentielle évoque la structure psychologique des crises testamentaires chez Stendhal. La fantastique note 2 (« Quand je lis un ms. de moi à imprimer, je ne puis jamais faire attention qu’au fond des choses  »…) devait tenir lieu de nouvel Avertissement au lecteur pour la seconde édition ici projetée. Elle est au fond une nouvelle forme de testament littéraire censé conjurer la Firodea.

Ces deux notes du Journal ne sont connues que par l ’exemplaire Crozet des Promenades. Elles présentent le conf lit tragique de Miss Bouche et de Firodea et comptent parmi les plus importantes des dernières années de Stendhal. Elles f igurent sur l ’un des derniers livres qu’il annota.

Il ne reste plus aucun exemplaire disponible en mains privées des grandes oeuvres de f iction de Stendhal, depuis l ’entrée à la Bibliothèque nationale de France de l ’exemplaire Crozet-Royer-Berès de la Chartreuse. A notre connaissance, il ne subsiste aucun autre exemplaire d’une oeuvre de Stendhal annotée qui serait reliée à l ’instigation de l ’écrivain comme les deux exemplaires un temps possédés par Louis Crozet et la famille Royer : dans ces grandes reliures italiennes aux feuillets de texte interfoliés par de grands feuillets vert d’eau.

Sans entrer dans les détails de la trajectoire si complexe des livres et manuscrits de Stendhal après sa mort, il convient de garder à l ’esprit quelques repères. A son départ pour Paris le 21 octobre 1841, Beyle avait laissé toute sa bibliothèque dans ses domiciles de Rome et de Civita Vecchia, à l ’exception de l ’exemplaire Chaper de La Chartreuse, qu’il continuera à annoter durant son voyage de retour (Pierpont Morgan Library). Après sa mort, Romain Colomb, l ’exécuteur testamentaire, pria le vieil ami et voisin de Beyle à Civita Vecchia, l ’antiquaire Donato Bucci, de lui faire parvenir certains ouvrages. Il entendait les adresser au plus vite à Louis Crozet, l ’ami de Stendhal, qui devait en hériter selon le voeu du dernier testament de Beyle, et faire vendre par Bucci ceux qui ne méritaient pas de revenir en France. Le 8 juin 1842, il réclamait entre autre l ’ »exemplaire des Promenades dans Rome relié avec du papier blanc entre chaque page et portant des notes manuscrites  ». Le 13 juillet 1842, Romain Colomb, se faisait l ’écho des diff icultés de Bucci à retrouver l ’ensemble des volumes du livre : «  je crois comme vous qu’on trouvera à Rome le 2e vol. des Promenades relié avec du papier blanc et corrigé pour une 2e édition.  » L’exemplaire f inira par parvenir à Colomb qui le transmettra à Crozet. Mais, dans le désordre des bibliothèques de Stendhal, le quatrième volume, perdu, échut f inalement à Donato Bucci. Relié à l ’identique, il est aujourd’hui conservé à la Bibliothèque municipale de Milan, dans le fonds Bucci. 

Par la suite, la veuve de Louis Crozet céda ces trois volumes au Président Royer. Ils sont depuis demeurés dans sa descendance et ont toujours été conservés au château de la Ronzie, à Claix, à peu de distance du domaine de Furonnières où le jeune Stendhal passait ses vacances et où il lut Voltaire et Don Quichotte.

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Volume 1 :

Note 3. P. 6 (Pléiade 602) : «  son voisin le f ils du cordonnier ou du marchand d’estampes. Juin 41  » qui rétablit deux fautes, la leçon imprimée étant : « son voisin le cordonnier ou le marchand d ’estampes ». La leçon imprimée dans l ’édition originale est ici mise en italiques. Elle est soit remplacée par la correction de Stendhal, soit suivie d’un ajout. Note 4. P. 9 (Pl. 603) : «  à Forli  ; et les nobles de ces pays-là sont tout aussi persécutés que les plébéiens. Beaucoup de prêtres de ces pays-là sont libéraux. »Note 5. P. 12 (Pl. 605) : « Praxède. Pourquoi le Dominiquin n’est-il pas mis sur la ligne de Raphaël, de Corrège et de Titien ? Il fut pauvre et sans intrigue. Cet affreux lui nuit même après deux siècles. Juin 1841. »Note 6. P. 13 (Pl. 606) : « avec magnif icence. (Les phrases comme celles-ci étaient un paratonerre en 1823. Le fait est que M. de Blacas f it un peu réparer ce long escalier tant ébréché par le temps. Et M. de Blacas sot et insolent ne laissait pas maltraiter les Français. ) »Note 7. P. 15 (Pl. 607) : Trinita dei Monti « ne soyons pas trop poli leur ai-je dit ce matin. Supposez deux »…Note 8. P. 18 (Pl. 608) : « une dispense (Lascia Passare) »…Note 9. P. 19 (Pl. 609) : « fort laid ou du moins fort insignif iant »…Note 10. P. 19 (Pl. 609) : « à Monte Cavallo. Le Prince Rospigliosi permet d’entrer le mercredi et le samedi »…Note 11. P. 20 (Pl. 609): « des Jésuites. J’étais si amoureux de cette Se Thérèse que j’ai envoyé mon domestique de place en acheter le plâtre. Mme Lamp[ugnani] l ’a jetée par la fenêtre le lendemain matin. Les formes de la tête sont communes et pitoyables vues de près. Quelle différence avec la tête de la jeune femme du tombeau de Paul III Farnèse. J’ai acheté 20 fr. les Mémoires manuscrits de la vie intime de ce pape. Elle a émerveillé et amusé l ’une de mes soirées. Il se sauve du haut du château Saint Ange avec une corde. »

Note 12. P. 20 (Pl. 609) : «  la semaine et les mêmes jours (lundi et jeudi) les musées du Capitole et du Vatican qui sont à une lieue, cependant si le peuple »…Note 13. P. 21 (Pl. 610) : « on [monte] parvient aux couloirs des étages supérieurs par des »…Note 14. P. 22 (Pl. 610) : s’ écrouler « peuvent céder sous le poids de votre curiosité. Parvenu »…Note 15. P. 22 (Pl. 610) : « cette basilique / ôter sublime »…Note 16. P. 22 (Pl. 610) : « de cyprès. d ’un couvent qui est sur le premier plan tout près du Colisée »…Note 17. P. 22 (Pl. 610) : Cette église fut bâtie : «  St Paul-Hors-les-Murs sur la rivière du Tibre fut bâtie au lieu même »…Note 18. P. 23 (Pl. 611) : « Elles [se] rassemblent en gerbes et prennent les épis de tous les souvenirs de toute une jeunesse agitée. Ailleurs ces »…Note 19. P. 24 (Pl. 612) : « grand . Et l ’on se sent disposé à mépriser les vaincus. »Note 20. P. 25 (Pl. 612) : « midi, parce que pendant 200 ans il a servi de carrière aux Farnèze (sic), aux Barberini, à tous les neveux de Pape qui bâtissaient un Palais. »Note 21. P. 25 (Pl. 612) : « cent jours. Les sots de nos jours méprisent les gladiateurs sauf à mourir de peur quand les soldats prussiens ou russes rentrent à Paris. L’empereur Vespasien »…Note 22. P. 47 (Pl. 624) : « M. le duc de Laval »Note 23. P. 47 (Pl. 624) : « autrefois. Il a même cette pointe de bizarrerie aimable. Il s’arrête dans la rue devant Polichinelle. »Note 24. P. 48 (Pl. 625) : «  Les hommes réunis dans un salon accordent extrêmement peu d’importance »Note 25. P. 48 (Pl. 625) : quelques mots en faveur de «  Dieu , ou plutôt de son alentour. Parler de l ’Etre S[uprême] »

REFERENCES : Louis Royer, «  Les livres de Stendhal dans la bibliothèque de son ami Louis Crozet  », Bulletin du bibliophile, sept-oct. 1923, pp. 423-446) -- Yves du Parc, Quand Stendhal relisait les Promenades dans Rome, Lausane, Editions du Grand Chêne, 1959 -- H. Martineau, Mélanges intimes et marginalia , (1936), II -- H. Cordier, Bibliographie stendhalienne, Genève, 1974, 75. 1, p. 91 -- sur Cecchnia Bouchot, alias Miss Bouche, cf. R. Vigneron, «  Stendhal et Mme Os  », Le Divan, n° 220, juin 1938 -- V. Del Litto, Les Bibliothèques de Stendhal , Paris, H. Champion, pp. 65-70