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LES PARTICULARITÉS DE LA MORPHOGÉNÈSE DANS LES RÉGIONS DE MONTAGNE

[ La notion de montagne repose sur la combinaison de deux critères s

| - Un critère d'altitude, car, "lorsqu'on s'élève, le climat devient différent [de celui des plaines voisines, et, à sa suite, la couverture végétale se modif̂ 4?. ! Les données climatiques de la morphogénèse sont donc autres.

| - Un critère de vigueur du relief : les montagnes sont des régions de tec- ,tonique positive récente ou actuelle, plus ou moins fortement soulevées au-des- [ sus du niveau de base voisin et, de la sorte, caractérisées par un potentiel mor- j phogénétique élevé et une tendance à une forte érosion qui entraîne, dans la ma-

i'jorité des cas, des pentes raides, donc favorise les composantes mécaniques dela morphogénèse au détriment des composantes chimique et biochimique.

¡ De la combinaison de ces deux critères résultent des conditions morphogéné- ltiques originales, différentes de celles des régions basses voisines, et carac- térisées à la fois par une exacerbation des processus mécaniques zonaux et par [une modification du système morphoclimatique sous l'effet de l'altitude. F | Cependant, i l arrive que ces deux critères ne soient pas applicables simul- tanément dans des régions de montagne pourtant incontestables. Le critère déci- îsif est alors celui d'altitude. Personne ne songerait à exclure du domaine mon- .tagnard des régions comme l'Altiplano bolivien ou les hautes surfaces du Pamir _sous pretexte que les pentes y sont faibles et généralement bien inférieures à .celles de régions de collines peu élevées. Du point de vue morphogénétique , les jrégiona de montagne sont donc celles où le milieu morphoclimatique est différent :de celui des plaines voisines sous l'effet de l'altitude.Toute région montagneu- se est caractérisée par le phénomène de l'étagement climatique, qui fait appa- raître successivement, en fonction essentiellement de l'altitude, des climats et jdes types de végétation originaux par rapport à ceux des bas-pays voisins » La partie basse des chaînes de montagne ne diffère pas fondamentalement des ensem- jbles morphoclimatiques zonaux au milieu desquels ces chaînes s'élèvent. Le plus (souvent, les différences portent surtout sur la pluviosité, modifiée du fait des perturbations que la montagne apporte au mouvement des masses d'air de basse al- ftitude. Dans le cas le plus général, l'ascendance forcée due au relief se tra- duit par des pluies plus abondantes qui provoquent un accroissement de la densi- té du réseau hydrographique. Mais ces changements ne sont que des phénomènes mi- pieurs. Ce n'est qu'à partir des altitudes où le climat et les formations végéta-. les se modirient sensiblement que l'jaa-peut parler de montagne au sens écologi- que du terme. Un milieu m o r p h o g é n é o r i g i n a l apparaît alors, sous la forme (du premier étage montagnard. Du fdlt de; ;1 a l téra t ion du climat zonal, les condi tions écologiques changent, et, a^ec'éliesy les sols et la morphogénèse. Un mi- lieu physique particulier est réal'î'që,, qui pose aux activités humaines , princi- palement agricoles* des problèmes d'adaptation. C'est bien là que l'on franchit

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une limite importante, une limite de première grandeur. Cl est elle qui définit le domaine montagnard et l'oppose aux basses terres voisines.

Bien entendu, l 'apparition du domaine montagnard, du fai t qu'elle est liée à une série de facteurs qui se combinent entre eux, ne peut correspondre à une altitude définie et fixe. Une zone de transition plus ou moins développée tant en altitude -qu'en largeur s'interpose toujours entre lui et les régions basses voisines. Elle se place à des niveaux qui peuvent - différer considérablement sui- vant les milieux morphoclimatiques zonaux et suivant l 'a l lure propre du front montagneux. Par exemple au Pérou, la face pacifique des Andes qui domine le dé- sert brumeux l i t to ra l présente des conditions climatiques originales, déjà mon- tagnardes, dès 400-500 m d'altitude. Dans les secteurs bien exposés aux vents du SI, le rel ief provoque en effet, à ce niveau, de fortes condensations de l'humi- dité atmosphérique qui permettent le développement d'une végétation de steppe arbuat1ve donnant de bons pâturages et susceptible même de quelques cultures. Un sol mince apparaît. Le contraste est grand, surtout en "hiver", avec le désert à peu près absolu qui se étend sur collines et les plaines plus basses, ou qui reprend, avec d'ailleurs des caractères différents, dans les montagnes plus éle- vées ou moins bien exposées situées plus à l ' in tér ieur . Le désert montagnard,au- dessus de 600-800 m, ol oppose au désert brumeux côtier par un a i r beaucoup moins brtUlteux. une- condensation moins forte de Ithumidité atmosphérique, une insolation

et dea pluies accasionnalles » Du point de vue morphoc limat ique, aucun dou- te nt est donc possible, aux environs de Lima, c 'est bien vers 400-500 m de a l t i - tude seulement, avec l'étage steppique des "lomas", discontinu; d'ailleurs , que commence le domaine montagnard. Du fai t du relief, le régime hygrométrique et, par voie de conséquence, le régime thermique subissent à cette altitude des mo- difications suffisantes pour se répercuter sur la morphogénèse. Une telle limite est exceptionnellement basse. Sur le versant oriental des 4ndes, au contraire,le domaine montagnard ccmme-nce bien plus haut, malgré un front aussi abrupt et aus- si nettement tracé. La forêt amazonienne, qui doit son existence à des précipi- tations élevées et à des températures suffisamment constantes, monte sans modi- fication physionomique, jusque vers 2 000-2 500 m dtaltitude sur le flanc de la chaîne. Seules quelques espèces exigeant une forte chaleur sont éliminées plus bas. Mais l'aspect de la forêt reste le même et les conditions morphoclimatiques aussi. Ce nrest que vers 2 000-2 500 m d'altitude que la chaleur devient insuf- fisante et que le régime hygrométrique change assez pour que la. forêt fasse pla- ce à d'autres formations végétales, arbustives, influençant différemment la mor- phogénèse et introduisant le premier étage montagnard* La limite du domaine mon- tagnard est ainsi bien différente, malgré une disposition orographique identique, ;.*3EÇ ,1s# 4JÊUX flancs des And&s, cependant situés à la même latitude ; 400-500m du

du ;,Pacîfique, 2 000-2 500 m du côte de l'Amazonie..

La raideur des pentes, qui est le plus souvent une autre caractéristique morphogéné tique de la montagne, ne peut offrir un critère de délimitation aussi sûr. Ce n'est qu'un élément subsidiaire, non nécessaire• En effet, bien des ré- gions de collines présentent des reliefs accidentés avec des inclinaisons de ver- sants aussi raides que celles des montagnes voisines. Les corniches de calcaire de la garrigue languedocienne ou des environs de Toulon et dl Aix-en-Provence,o:f- frent des abrupts rocheux avec des pentes d'éboulis aussi caractéristiques que ceux des entablements du Vercors ou de la vallée du Mantaro, dans les Andes pé- ruviennes à près de 4 000 m d'altitude. Les hautes croupes boisées des vallées amazoniennes de la Colombie orientale vers 1 500 m d'altitude ne sont pas plus abruptes que les hautes collines du climat tropical humide des environs de Rio-

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de-Janeiro ou de-Man (Côte d'Ivoire). La valeur modale des pentes est une des ca- ractéristiques importantes des divers milieux morphoclimatiques chaque fois que les conditions morphogénétiques locales n'excluent pas l'apparition de pentes raides. De nombreuses zones morphoclimatiques sont caractérisées, dans les ré- gions non montagneuses, par des pentes fortes, comme celles des collines du mi- lieu tropical humide, formant un moutonnement de croupes vigoureusement dessi- nées, ou comme celles des inselbergs des régions de savanes ou encore celles des corniches rocheuses dominant des ravinements des pays arides. Le pied des monta- gnes n'en diffère pas sensiblement. Il faut monter as.-ez haut pour que des modi- fications suffisantes du milieu morphoclimatique introduisent un autre faciès de dissection, ce qui nous ramène au critère altimétrique*

Inversement, l'altitude suffit à faire apparaître des climats originaux dl où découle une morphogénèse particulière, typiquement montagnarde,même quand les pentes élevées font défaut. C'est le cas de tous les ensembles de hautes terres enserrés dans des chaînes montagneuses et qui, pour une raison ou une autre, ont échappé jusqu'à présent à la reprise d'érosion qui aurait pu suivre leur soulè- vement. Par exemple, l'Altiplano péruano-bolivien, perché aux environs de 4 000m d'altitude, offre un pays de plaine. En son centre, le lac Titicaca est une nap- pe d'eau endoréique qui sert de niveau de base local. Les matériaux détritiques s'accumulent dans la cuvette et lui donnent localement un modelé de remblaiement, ce qui entraîne des pentes parfois très faibles, caractéristiques des plaines de niveaux, de base. Il n'en reste pas moins que l'altitude introduit ici. un climat original, à la fois semi-aride et montagnard, qui n'a son équivalent dans aucune région basse et constitue ainsi un milieu. morphogénétique montagnard typique. Il en est de même des cuvettes étagées du Thibet ou des Hauts-Plateaux nord-afri- cains, voire de nos Causses dont le modelé se façonne actuellement d'une manière différente de celui des Garrigues languedociennes, avec lesquelles ils offrent cependant/une analogie structurale très étroite. Mais bien que non nécessaire,le critère de pente n'en doit cependant pas être systématiquement négligé pour cela. Dans la plupart des cas, le soulèvement tectonique qui a créé les montagnes, et qui est à l'origine des modifications du milieu morplloclimatiquo avec l 'altitu- de, est également à l'origine de reprises d'érosion violentes qui ont multiplié les versants raides et influé sur le faciès de la dissection,

L'extrême variété climatique des montagnes, telle qu'elle résulte du jeu sub- t i l des modifications du climat zonal sous l'effet de l'altitude et des influen- ces de facteurs locaux, groupés sous le terme général d'exposition,combinées aux modalités diverses découlant des reprises d'érosion, donne à la morphogénèse des caractères extrêmement complexes et exceptionnellement riches en nuances. Aucun milieu n'est aussi éloigné de l'uniformité et c'est ce qui fait le charme propre du travail en montage. Aucun milieu, par voie de conséquence,n'est aussi rebel- le aux Généralisations' et aussi difficile à appréhender dans une vue d'ensemble. Nous sommes là dans un domaine où. la géographie générale s'efface bien vite de- vant les analyses régionales. Aussi le présent fascicule aura-t-il essentielle- ment pour objectif de faciliter celles-ci en aidant à comprendre les processus et en suggérant des comparaisons et des rapprochements.

Dans une première partie, nous traiterons des particularités du milieu mor- phoclimatique montagnard, puis, dans une seconde, plus succincte,nous montrerons l'influence de la raideur des pentes sur le système morphogénétique. Enfin , la troisième partie apportera l'analyse de quelques exemples de milieux montagnards à de grandes zone? morphoclimatiques différentes.

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CHAPITRE I

LES PARTICULARITÉS DU MILIEU MORPHOGÉNÉTIQUE MONTAGNARD

.ues que le soulèvement tectonique d'une région devient suffisant pour alté- rer sensiblement le climat zonal, les conditions de la morphogénèse se compli- quent d'une manière subtile du fait des interactions de trois séries de facteurs:

- Les influences zonales, qui fournissent le type de climat de base, modi- fié par l'altitude. La position en latitude, qui commande l'incidence des rayons solaires sur le globe terrestre, impose, quelle que soit l'altitude, un certain rythme des variations thermiques, avec deb différences saisonnières d' autant plus grandes que la latitude est plus élevée. Quelle que soit l'altitude., l'amplitude thermique annuelle reste très faible aux abords de l'Equateur,alors qu'aux abords des Pôles, un jour polaire de près de 6 mois s'oppose à une nuit polaire de même durée. Malgré l'originalité qui découle de l'étagement, les montagnes s'intè- grent nécessairement à une zone climatique et ce fait peut être lourd de consé- quences morphogénétiques. Par exemple, le rythme de la fusion glaciaire des An- des vénézuéliennes, qui se trouvent à peu près sous l'Equateur thermique, est ex- clusivement diurne et non saisonnier comme celui des Alpes.

- L'influence de l'altitude, à laquelle est étroitement liée la notion fon- damentale d'étagement, qui s'oppose, par certains côtés, à celle de zonalité. En effet, l'altitude provoque des modifications importantes dans les propriétés phy- siques de l'atmosphère dont la plus immédiatement perceptible est la diminution de la pression atmosphérique. De cette diminution découlent les différences dans la pénétration des radiations au travers de l'atmosphère, dans la teneur en va- peur d'eau, dans la mobilité de l 'air, etc. Ces modifications se produisent quel- le que soient les latitudes, car la diminution de la pression atmosphérique avec l'altitude est à peu près uniforme à la surface du -lobe. De la sorte, l 'altitu- de introduit dans le climat des changements d'une même nature physique,d'une mé- me essence, qui tendent à donner une certaine parenté aux climats des montagnes, malgré les différences zonales initiales0

- L'influence du relief, enfin, nécessairement vigoureux puisque capable, par définition, d'introduire des modifications dans les climats zonaux.Cette in- fluence du relief sur le climat joue de manière complexe. Les pentes modifient l'incidence des rayons solaires sur le sol. La même chose se produit,certes,dans les régions basses et est indépendante, en soi, de l'altitude. Mais comme, plus l'altitude est élevée, plus la radiation solaire directe est prédominante dans le régime thermique du sol, le jeu de l'angle d'incidence, commandé par la lati- tude, la saison, l'heure et la pente topographique devient lui-même plus impor- tant. L'influence de la pente topographique croît ainsi, en montagne, avec l 'al- titude. Mais ce n'est pas tout.- Celle de la disposition du relief est grande éga- lement. Elle introduit la notion d'exposition, tant aux rayons solaires qu'aux

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masses d'air humides ou sèches. D'elle découle des concepts comme adret ou ubac, versant au vent ou versant sous le vent.

Une telle interaction de facteurs aboutit nécessairement à des résultats complexes. L'altitude modifie les climats montagnards suivant certaines règles qui jouent de la même manière sur toute la surface du globe. Mais elle agit sur des climats qui conservent certaines particularités zonales, principalement dans les régimes thermiques et dans les régimes pluviométriques. Ses effets sont sur- tout quantitatifs : elle modifie les valeurs absolues des températures,mais sans supprimer bien entendu les différences entre le jour et la nuit pu entre l'été et l'hiver. Elle modifie les totaux pluviométriques annuels, mais ne transforme pas la saison sèche du pays bas en saison humide ou vice-versa. la répartition saisonnière des pluies se maintient, mais elle sont, suivant les cas, plus ou moins abondantes que celles du bas pays.

Le climat montagnard, à une certaine échelle, résulte donc de la modifica- tion du climat zonal sous l'effet de l'altitude, qui agit suivant des règles gé- nérales, valables à l'échelle du clobe', universelles. Mais le relief modifie le cheminement des masses d'air, introduit des différences d'exposition qui se ré- percutent intensément sur le climat. A une dimension plus faible, à un échelon plus local, l'influence du relief est prépondérante et provoque un jeu fort dif- férencié de ces modifications générales du climat zonal sous l'influence de l 'al- titude. Dans les Andes vénézuéliennes, par exemple, du fait d'une exposition abritée, on passe d'une forêt pluviale d'altitude d'une inextricable densité à une brousse à Cactées semi-aride, sur une distance de moins de 20 km* Dans les Alpes, l'opposition entre adret et ubac ou entre massifs préalpins humides et bassins intérieurs secs à la même altitude est classique.

L' interaction des trois facteurs fondamentaux : climat de basa zonal, alti- tude, relief, s'exerce donc dans le cadre d'une hiérarchie et notre énumération est dans l'ordre de généralité' décroissante. Les mécanismes généraux de la zona- l i t é ayant déjà été traités dans notre "Introduction à la géomorphologie clima- tique", nous examinerons d'abord ici l'influence de l'altitude,puis celle du re- liefs

A) PARTICULARITES DECOULANT DE L' ALTITUDE.

Les particularités découlant de l'altitude sont toutes les conaéquencesplus ou moins directes de la diminution de la pression atmosphérique. L'air étant at- tiré par gravitation par le globe terrestre, plus on s'éloigne de la surface mo- yenne de celui-ci, moins i l est, en quelque sorte, "tassé" et plus faible est sa densité. Le nombre de molécules de gaz au mètre cube décrolt avec l'altitude.Tel est le phénomène qu'enregistre globalement la notion de pression atmosphérique , c'est-à-dire la pression exercée sur une unité de surface par la colonne d'air qui se trouve verticalement au-dessus de cette surface.Cette pression étant fonc- tion de la densité de l 'air varie également, bien entendu avec la température elle-même liée aussi à l'altitude. Eh moyenne, pour une pression de 1 013 ailli-

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bars à l'altitude 0, on a une pression de 796 millibars à 2 000 m, de 703 mb à 3 000 m, de 619 mb à 4 000 m, de 544 mb à 5 000 m et de 476 mb seulement à 6 000 m,

Figure 1 Influence moyenne de l 'a l t i tude sur les propriétés de l ' a t - mosphère ,d'après Ch. P. PEGUY,1961, p* 8.

Or la pression est l'un des facteurs qui commandent l'ensemble des propriétés physiques des gaz,soit directement , soit par l'intermédiaire de la densité, qui lui est proportionnelle. De celle-ci dépend leur conductibilité électrique et la maniè- re dont les pénètrent les radiations, no- tamment les ultrarouges qui fournissent la chaleur. De la pression atmosphérique dé- pend aussi la teneur de saturation de l 'air en vapeur d'eau.

Ces modifications revêtent les aspects suivants :

1*) Un accroissement de la différence de température air-sol :

Le sol s'échauffe de trois manières î

- par rayonnement direct, sous Iteffet des radiations émises par le soleil et qui 1' atteignent

- par conduction et convection à partir de la chaleur propre de l 'air .

Le rayonnement direct est fonction de la facilité avec laquelle les rayons solaires, principalement les infrarouges, traversent l'atmosphère. Celle-ci, en effet, joue le rôle d'écran, de filtre et absorbe une partie du rayonnement émis, ce qui lui permet de s'échauffer. Lorsque l'effet d'écran de llatmosphère est in- tense, peu de radiations directes arrivent au sol, ou même pas du tout.Ltechauf- fement de Itair, par contre, est facilité et une partie de ses calories sont cédées au sol par conduction ou convection. Au contraire, lorsque l 'air est ai- sément traversé par les radiations infrarouges, i l s'échauffe peu lui-même et devient peu susceptible de fournir des calories par conduction et convection,mais les rayons arrivent en plus forte proportion directement à la surface du sol qui s'échauffe BOUS leur effet. Mais le phénomène est irréversible.Ce qui se produit lors de l'échauffement se produit également lors du refroidissement, lorsque ces- se le rayonnement solaire, c'est-à-dire la nuit. Alors le sol perd de la chaleur, par rayonnement direct surtout si l'atmosphère forme écran,le rayonnement direct do la chaleur du sol est diminué et le sol se refroidit moins vite. Une partie des calories qu'il cède sont absorbées par l'atmosphère dont la température dé- croît plus lentement. L'atmosphère peut, restituer, par conduction et convection une partie de ses propres calories au sol si celui-ci s'est refroidi davantage qu'elle. Par contre, si l'atmosphère est transparente pour le rayonnement consi- déré, la chaleur irradiée est considérable et le refroidissement rapide et inten- se. L'atmosphère qui emmagasine peu de calories ne peut guère atténuer ce refroi- dissement en les restituant par conduction.

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Ce mécanisme des échanges thermiques entre l'air et le sol est influencé par l'altitude car celle-ci modifie la transparence de l'air vis-à-vis des radiations infrarouges par l'intermédiaire des facteurs suivants j

a) La densité propre de l'air, qui commande la pression atmosphérique. Plus le nombre de molécules d'air au m3 est élevé, plus les rayonnements risquent d' en rencontrer sur leur passage et d'être partiellement absorbés par elles.L'obs- tacle offert par l'air de cette manière est directement proportionnel à sa den- sité, donc à la pression atmosphérique.

b) L'existence d'eau dans l'atmosphère, sous forme gazeuse ou condensée en gouttelettes (nuages). Comme nous le verrons au paragraphe 3,1a vapeur d'eau pré- sente dans chaque m3 d'air décroît avec la pression atmosphérique mais plus vite qu'elle. Or, la vapeur d'eau absorbe beaucoup plus facilement les rayons infra- rouges que l'air sec. Sa capacité calorifique est élevée. Elle-joue donc un rôle d'écran efficace, mais, en revanche, elle peut restituer beaucoup de calories par conduction. De même le nuage. Un nuage de quelques dizaines de m d'épaisseur peut arrêter une partie du rayonnement solaire direct. Le nuage transmet l'autre partie : c'est le rayonnement indirect. D'une manière générale, en l'absence de nuages, le rayonnement solaire direct croit en intensité avec 15 altitude , par suite de la diminution de la masse de vapeur d'eau contenue dans l'air.

c) La présence, dans l'air, de poussières de toutes sortes, d'origine natu- relle (surtout effets de la déflation éolienne, cristaux de sele provenant de 1' évaporation des embruns) ou artificielle (particules de fumée' industrielle ou brûlis agricole). Ces poussières arrêtent efficacement les radiations et captent des ca- lories. Elles favorisent donc l'échauffement de l'air et la fourniture de chaleur par conduction et convection au détriment du rayonnement solaire directe Elles se maintiennent en suspension surtout dans l'air sec, car une partie d'entre el- les sont hygroscopiques (sel marin notamment) et s'alourdissent dans l'air humi- de, ce qui provoque leur sédimentation. La pluie les précipite également .La pro- portion de ces poussières décroît toujours en fonction de 1' altitude et leur grande masse se trouve en-dessous de 800-1 000 m . Dans les régions tropicales à feux de brousse, en saison sèche, lorsqu'elles sont particulièrement abondantes, il n'est pas rare, en avion, de voir aux alentours de 1 000 m d'altitude un ra- pide changement de transparence de l'atmosphère qui correspond au sommet de la couche particulièement chargée en poussières. Celle-ci se présente sous l'aspect d'un véritable voile à allure de stratus.

Les trois facteurs jouent donc dans le même sens. Moindre densité de l'air, moindre teneur en vapeur d'eau et en poussières accroissent la transparence, di- minuent d'une part la capacité d'absorption calorifique de l'atmosphère et faci- litent d'autre part sa pénétration par les radiations de toute nature,y compris, bien entendu, les infrarouges. Naturellement, cette influence de l'altitude ne s'exerce que par temps clair. Par temps couvert:, les nuages font écran et la cha- leur est fournie au sol par conduction et non par rayonnement direct. Dans les régions montagneuses très brumeuses, où s'accrochent en permanence les bancs de nuages, comme dans la selva nublada des Andes vénézuéliennes, l'altitude ne peut accroître le rayonnement solaire au sol. Au contraire, à la fin de l'année , la somme des calories qu'il a fournies par unité de surface est moindre qu'aux al- titudes inférieures où le ciel est moins couvert. Mais, dans la plupart des cas, c'est l'inverse et il y a augmentation, avec l'altitude, de la quantité de calo- ries fournies par radiation directe et diminution corrélative de celle qui pro-

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vient de la conduction et contraction à partir de l'atmosphère.

Les conséquences de ce phénomène sont importantes :

a) La différence de température entre l'air et la surface du sol est d'au- tant̂ plus grande que l'air est plus transparent au rayonnement infrarouge. Les températures de l'air, mesurées sous abri suivant la méthode météorologique stan- dard sont sans grande signification eéomorpholoCÍque (et écologique)en montagne.

. Alors que le thermomètre marque dans l'air des températures négatives, les pous- sières foncées reposant sur la surface d'un glacier ou de la neige peuvent s'é- chauffer-bien au-dessus de 0* et fournir par conduction assez de calories à la glace pour la fondre ou la sublimer. C'est ainsi, par fusion, que se forment les trous à czyoconite (voir fascicule sur le modelé glaciaire et nival). Sur les; pans de pocher1 bien exposés au milieu des neiges permanentes et des glaces, des plantes suffisamment adaptées peuvent vivre et fructifier grâce à l'intensité des radiations. Tel est le cas de l'Edelweiss alpin. Certains microformes des névés et des glaciers résultent directement de l'importance de la chaleur de rayonne- ment. Tel est le cas des pénitents de neige ou de glace, toujours localisés en haute montagne à atmosphère très claire (Chili aride par exemple). Ils résultent d'une fusion différentielle commandée par l'angle d'incidence des rayons solai- res et se développent généralement lorsque la température de l'air est inférieu- re à 0%

L'importance de l'échauffement par rayonnement direct a incité à remplacer les mesures de température à l'ombre et sous abri (air calme)par l'emploi du ca- tathermomètre (Ch. P. PEGUY, 1947). Le catathermomètre est un thermomètre dont le réservoir a été noirci. On le plonge dans l'eau chaude pour l'amener à 458 et on l'essuie rapidement et soigneusement, puis on le place dans l'atmosphère,sans abri. On relève le temps qu'il met pour descendre à 35'* Ce temps est évidemment inversement proportionnel à la perte de chaleur par rayonnement ou conduction. Il est moindre au soleil qu'à l'ombre et en air calme qu'en air agité (conduction). On peut étalonner ensuite le catathermomètre à l'ombre et sous, abri - pour voir quelles sont les durées, qui, dans ces conditions, provoquent un abaissement de 45 à 35* en un temps donné. Si, par exemple, le catathermomètre utilisé met 3°, secondes pour descendre de 45 à 35° par une température sous abri de + 118. s'il met, à l'air libre ce même temps pour descendre également de 45 à 35* alors que la température sous abri est seulement de + 58, c'est que les conditions d'échan- ge tehrmique (rayonnement et conduction) sont équivalentes,à l'air libre, à cel- les qui règnent dans l'abri pour une température de + ll*. L'avantage de l'air libre, dû à l'insolation, dans ce cas, est de l'ordre de celui d'une différence de température de 6*.

Malheureusement, on manque cruellement de mesures comparatives de la tempé- rature de l'air et de celle de la surface du sol en montagne. Une expérience pu- rement qualitative, en plein accord avec la théorie, montre que le régime ther- mique du sol est d'autant plus " continent al" que la tansparence de l'air est plus grande. Dans les hautes montagnes sèches comme celles du Pérou, de Bolivie, du Nord du Chili, les amplitudes diurnes de la surface du sol peuvent dépasser de 15 ou 20° celle de l'air sous abri. La surface du sol est ainsi soumise à un ré- gime 'thermique très dur, avec fortes différences de température, qui se produi- sent en peu de temps, 2 ou 3 h seulement, au lever et au coucher du soleil par temps clair, ce qui est la règle. Les roches cohérentes se dilatent rapidement et se rétractent aussi vite. Elles sont soumises à des efforts mécaniques, sur-

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tout dans les roches formées de cristaux de teintes différentes, qui absorbe- raient inégalement la chaleur de rayonnement. Ce mécanisme joue peut-être un rô- le, d'après certains auteurs, dans la désagrégation granulaire des granités, des gneiss et autres roches grenues, particulièrement intense en haute montagne, du Vénézuéla au Chili. Parallèlement, ces variations de température provoquent des variations d'humidité, qui seront étudiées plus loin (paragr. ;)et qui seraient, selon d'autres auteurs, la véritable cause des désagrégations précédentes, quand le gel est absent.

Mais souvent ces oscillations thermiques se produisent de part et d'autre de 0" et SI accompagnent donc de phénomènes de gélivation. Principalement dans l 'air sec, elles sont très favorables à la formation de glace d'exsudation.(pipkrakes), qui joue un rôle géomorphologique primordial dans les Andes, grâce à la sécheres- se de l 'a ir aux hautes altitudes. Cependant, ces oscillations thermiques liées aux phénomènes de rayonnement sont toujours de -jourte durée,de sorte qu'elles pé- nètrent peu profondément et le gel n'affecte ru'une couche de quelques millimè- tres, au plus d'un ou deux centimètres dJépaisaeur. C'est aussi bien le cas des dégels fugitifs qui se produisent dans les zones enneigées ou englacées, et qui cessent dès qu'un coup de vent se. produit ou que la marche du soleil donne à ses rayons un angle d'incidence moins favorable, que des coups de froid à pi.pkru.kes résultant de la perte de chaleur par rayonnement. Mais ces actions peu profondes sont multipliées par l'instabilité de l'atmosphère propre aux montagnes(voir pa- graphe 2). Elles y gagnent en efficacité.

La différence de température entre la surface du sol, échauffée par rayon- nement direct, et les couches inférieures de l'atmosphère, à capacité calorifi- que faible, donne naissance à un gradient thermique 6l?vé qui contribue à l'ins- tabilité de l 'air en haute montagne. Il y a là un facteur favorable aux phénomè- nes éclienfs (voir paragraphe 2).

b) La prédominance de la chaleur de rayonnement direct sur la chaleur de conduction et convexion entraîne un régime thermique original pour la surface du sol aux hautes altitudes. L'échauffement est rapide dès que le soleil donne et le refroidissement aussi rapide dès qu'il cesse de donner. L'expérience de la brusque sensation de froid lorsque, le soleil se couche est commune à tous les montagnards. A Briançon, Ch. P. PEGUY a observé, en 1 h, à la fin d'une belle journée, une baisse équivalent à 11 ou 12* au catathermomètre alors que la tem- pérature sous abri ne diminuait que de moins de 2*.

Or, la fourniture de calories par le rayonnement est sujette à toute se- rie de causes de variations. Par exemple, l'angle d'incidence des rayons solai- res sur la surface du sol, qui varie en fonction de l'heure et de la position apparente du. soleil. L'intensité du flux calorifique change ainsi rapidement avec cette dernière et la température du sol se calque sur elle. Il en est de même de Il effet des nuages qui cachent momentanément le soleil. En interrompant la four- niture de chaleur par rayonnement dans une atmosphère trop peu dense pour four- nir une quantité importante de calories par conduction, le passage d'un nuage peut provoquer, aux hautes altitudes, une différence de température d'une dizaine de degrés dans la température superficielle du sol en une heure seulement. On re- trouve parfois ce phénomène aux basses altitudes mais seulement en région très sèche (Sahara).

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La prédominance de la chaleur de rayonnement , si sensible dans de. nombreu- ses montagnes a donc pour effet d'accroître. l'amplitude des variations thermi- ques dans une couche peu épaisse (quelques millimètres, 1 ou 2 cm tout au plus) de la surface du sol, alors que les couches plus profondes du sol ne sont affec- tées que par les variations plus lentes, de type saisonnier. De plus, l'intensi- té de la chaleur de rayonnement étant très aisément modifiée à courte échéance, soit par 1-e mouvement apparent du soleil, soit par les changements de nébulosité, ces variations peuvent souvent revêtir un rythme plus rapide que le rythme diur- ne. Les variations de nébulosité sont particulièrement importantes à ce point de vue et jouent un très grand rôle dans certaines montagnes tropicales (Andes vé- nézuéliennes par exemple).

Les conditions thermiques propres de la surface du sol en haute montagne à forte insolation ont donc pour effet :

- de multiplier les variations de température brutale affectant une couche superficielle très mince, ce qui favorise la désagrégation, contractions ou des- sications, la microgélivation, les pipkrakes.

- de créer un fort gradient dans les couches d'air voisines de la surface du sol, ce qui contribue à l'instabilité de l'atmosphère.

2* Une instabilité accrue de l'atmosphère.

Sous l'influence de l'altitude, les montagnes présentent fréquemment des vents locaux, dont les plus connus sont les vents de vallée des Alpes.Mais ce ne sont pas les seuls. Le vent est également un élément du climat montagnard dans bien d'autres montagnes du globe, notamment dans les Andes. Il rend la vie par- ticulièrement pénible dans la Puna de Atacama, par exemple, et commande certains phénomènes géomorphologiques aux abords des cols élevés des Andes vénézuélien- nes *

L' importance du vent dans le climat de montagne résulte des facteurs sui- vants :

a) La moindre densité de l 'air , qui accroît sa mobilité. Aux hautes altitu- des les nuages se déplacent particulièrement vite, s'étirent, se déchirent, s' évanouissent ou, au contraire, se groupent, se tassent, s' agglomèrent en un voi- le compact en quelques minutes. Leur mouvement sur- le ciel évoque, par sa rapi- dité, par sa fugacité, les tourbillons de fumée au-dessus d'un feu violent.

b) L'accroissement de la différence de température air-sol, qui résulte des conditions particulièrement favorables d1échauffement du sol par rayonnement di- rect, qui entretient une turbulence élevée au ras du sol. Par ciel clair,princi- paIement dans les montagnes tropicales, en se plaçant au ras du sol, on voit les volutes d'air chaud s'élever rapidement en tourbillons comme au-dessus d'une cui- sinière allumée, ce qui est un bel exemple de convection.

c) La grande variété des conditions d'échauffement local, suivant lfincli- naison des versants, la hauteur du soleil au-dessus de l'horizon,la nature de la

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surface du sol, plus ou moins absorbante vis-à-vis des rayons solaires, la. topo- graphie, la nébulosité elle-même changeante avec le mouvement des masses d'air . Eh fonction de leur exposition, les deux versants d'une vallée orientée plus ou moins N-S s'échauffent à des heures différentes, le versant regardant l 'E dans la matinée, l 'autre dans l'après-midi, alors qu'au milieu de la journée, dans 1' hémisphère Nord, c 'est le massif montagneux de la tête de vallée,regardant le S, qui reçoit le plus grand flux de calories; et dans l'hémisphère Sud, le massif regardant vers le Nord.

d) La modification des courants atmosphériques régionaux par l'obstacle mon- tagneux. Le cheminement des masses d 'a i r dans la couche inférieure .de l'atmosphè- re, parfois appelée "couche géographique", est influencé par la disposition du relief. Les massifs forment des obstacles tandis que les vallées facilitent la pénétration des masses d 'air . On voit les nuages s'avancer en les suivant . Par exemple, dons la Moyenne Durance, l 'arrivée d'une masse d'air cyclonale venant de l'Atlantique, se traduit d'abord par la formetion d'une aire nuageuse dans la dépression de Gap. Puis la barre de nuage progresse lentement le long de la val- lée de la Durance vers Embrun et C-uillestre, envoyant des ramifications dans les vallées affluentes.

Du fait de ses causes variées, l ' instabi l i té des masses d 'air dans les ré- gions montagneuses revêt des formes diverses en fonction des milieux géographi- ques. D'une manière générale cette instabilité croît avec :

- l 'alti tude, qui diminue la densité cm l ' a i r et accroît la part du rayon- nement direct dans l'échauffement du sol;

- - l ' instabil i té climatique régionale, génératrice des grands courants atmos phériques qui sont modifiés par les montagnes;

- la massivité du relief, qui diminue les phénomènes d'abri dus à la topo- graphie. Les plateaux sont plus venteux que les régions profondément découpées.

Les effets géomorphologiques de l ' ins tabi l i té de l ' a i r sont multiples et re- vêtent des formes très variées. La plupart d'entre elles sont à action indirecte.

L'action directe du vent, sous forme d'éolisation, est rare en montagne .Le plus souvent, on la rencontre dans les nappes alluviales de grandes vallées,lar- gement étalées et soumises à un perpétuel courant d 'a i r . La déflation éolienne peut alors jouer un rôle considérable. Par exemple, les alluvions très abondan- tes qui ont été épandues par la crue de juin 1957 dans la vallée de la Durance immédiatement en aval du Guil, ont été reprises partiellement par le vent. Moins d'un an après la catastrophe, on pouvait observer de petites dunes sur quelques hectares au pied du versant gauche au droit de 3t. Clément. Des tourbillons de poussière s'élevaient de la nappe alluviale encore au printemps 1961 et alimen- taient une sédimentation loessique très diffuse, trop peu abondante pour être iden- tifiée; Gignoux l 'avait déjà signaléeb Les loess qui existent dans certaines val- lées des Alpes et des Pyrénées nous montrent que des conditions voisines ont ré- gné pendant plus longtemps à certaines époques du Quaternaire récent..

Sur certains hauts plateaux, le vent exerce, une action très constante. Tel ̂ est le cas au Thibet ou sur la Puna de Atacama. Ces grandes étendues planes et

r

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élevées sont particulièrement favorables à des vents violents.Sur la Puna de Ata- cama, le vent commence à souffler dès l'aube et ne tombe que le soir. Sa direc-; tion, variable suivant les lieux, est assez constante. I l en est encore de même dans les Pampas du Nord chilien, situées entre 1 000 et 2 000 m d'altitude. Du fa i t de la sécheresse, encore accrue par le vent lui-même, la couverture végéta- le n'a qu'un rôle insignifiant, de sorte que l 'action du vent est géomorphologi- quement efficace. La déflation en est la forme la plus visible. Elle aboutit à la formation de regs d'ailleurs très minces. La couche vannée de pierrailles et de sable grossier ne dépasse pas 2 ou 3 mm d'épaisseur. Les granules ne forment qu'une couche d'une seule épaisseur. Dessous on trouve le matériel-de désagréga- tion hétérométrique, souvent riche en limon, voire en argile. De tels regs sont très favorables au développement des pipkrakes car i l s offrent un contraste vio- lent entre la couche sous-jacente peu perméable à l ' a i r et assez riche en fines pour offir une surface de condensation sur laquelle elles croissent aisément lois du moindre refroidissement nocturne. Les granules et graviers du reg sont soule- vés par les aiguilles de glace et basculent lorsque celles-ci fondent au petit jour. Souvent, le vent se lève alors et contribue à ce basculement .La très gran- de importance des pipkrakes en haute montagne tropicale semble due en partie à la déflation éolienne. Nous avons observé la combinaison des deux processus sur les surfaces faiblement inclinées entourant certains sols des Andes vénézuéliennes, au-dessus de 4 300 m (Col de Pinango notamment). Dans les Pampas Nord-chiliennes et dans la Puna de Atacama s'observent également quelques cailloux cotisés. Mais i l s sont peu caractéristiques et peu abondants car la fragmentation est trop in- tense pour leur laisser en général le temps d'acquérir un état de surface carac- téristique. De petites dunes et, surtout, des placages de sables éoliens chassés apparaissent aussi de. temps en temps, surtout sur les épandages alluviaux. Des formes analogues ont été décrites au Thibet.

Hais les actions éoliennos en montagne sont surtout indirectes.

Le vent est l 'un des principaux ennemis de la végétation, qu' i l soumet à de brusques et intenses sautes de température et à une forte dessication. Les sites exposés au vent, à part i r d'une certaine altitude, sont souvent mal protégés par les plantes ou complétement nus. Les sommets de croupes venteux sent souvent sans arbres même dans l 'étage de la forêt. Plus haut, les plantes y sont rases et en touffes isolées. Le sol nu occupe de grands espaces entre elles. Avec les sautes de température dues au vent, ce sol nu est favorable aux pipkrakes,qui le labou- rent souvent.

Le vent intervient aussi par l'intermédiaire des précipitations. Les chutes de neige deviennent très inégales de son fa i t . I l balaie la neige sur les en-, droits exposés, plateaux et, surtout, croupes arrondies. Sous les climats à l'y-, thme thermique saisonnier, le sol est ainsi éxposé au gel hivernal, ce qui favo- rise, en ces sites venteux, le développement de microformes périglaciaires, qui peuvent 2.11er jusqu'à des roses de pierres ou même des polygones si l'humidité est suffisante. Inversement, la neige soufflée s'accumule dans les creux.Lorsqu' i l s sont petits et pas trop abrupts, elle y forme des congères qui persistent longtemps au printemps ou même durent tout l1 été et se transforment en névés .Ces congères sont à l 'origine des niches de nivation et, par autocatalyse,peuvent se transformer en névés (voir le fascicule sur le modelé glaciaire et nival).. Lors- que la neige soufflée s'amasse au-dessus d'escarpements, elle finit par tomber en avalanches, le phénomène, se produit régulièrement, en hiver, sur les parods de certains fonds de cirque des Vosges alsaciennes et y alimente des névés y au Qua-

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ternaire i l y donnait des glaciers. De telles avalanches, peuvent revêtir une fré- quence suffisante pour donner naissance ailleurs à certains glaciers (suralimen- tation par avalanches) ou pour modifier sensiblement le bilan de glaciers qui existeraient cependant sans elles. La neige soufflée joue un rêle décisif dans la morphogénèse de certaines montagnes à larges croupes, comme les Vosges ou le Fjell norvégien, car leurs sommets sont exposés de plein fouet à la circulation cyclonale. d'Ouest, malgré leur altitude médiocre. Naturellement, dans des monta- gnes plus élevées, au relief plus compliqué, comme les Alpes, la neige soufflée intervient d'une manière moins uniforme. Son rôle est davantage sous l'influence de la topographie locale et apparaît plus à l'échelle de la crête ou de la crou- pe qu'à celle d'un massif. Dans les montagnes antarctiques , le balayage de la neige par le vent est fondamentale

Le vent modifie aussi les conditions de la condensation de la vapeur d'eau. Lorsqu'il pousse une masse d 'a i r à peu près saturée contre un versant,la conden- sation s'en trouve facilitée et le volume d'eau qu'elle fournit peut en être con- sidérablement accru. Le phénomène est particulièrement typique dans les Lomas pé- ruviennes. La pluviosité proprement dite, telle que l'enregistrent les pluviomè- tres, est faible, de l'ordre de 100 à 200 mm seulement. Mais les masses d 'air chargées de gouttelettes des brouillards, poussées par le vent contre les pre- miers reliefs andins, condensent directement leur humidité contre les obstacles: ce sont les condensations occultes. La surface des rochers, le sol sableux se mouillent, tout comme la cuvette du pluviomètre dtail-leu=,,sans qu'on observe la chute de gouttes de pluie . Cette humidité permet le développement de plantes dont les parties aériennes captent à leur tour ces gouttelettes. Des Eucalyptus, plantés à Lachay, se sont couverts de mousses et de lichens,qui leur donnent un étrange aspect, grisâtre et souffreteux. La condensation, semblable à celle qui s'opère sur une vitre froide, se concentre en gouttes plus grosses qui glissent le long des branches et forment des gouttières sur le sol, soumis ainsi à une pe- t i te érosion par f i le ts d'eau sans qu'il y.ai t la moindre pluie. Cette condensa- tion directe de brouillards poussés par le vent joue probablement un rôle dans l 'altération des roches. On peut supposer qu'elle permet des phénomènes d'hydra- tation des micas, des gneiss et des granités et des alternances d'imbibition et de dessication. En tout cas, on observe une désagrégation granulaire, qui aboutit parfois à la formation de taffonis. Aux Lomas de Lachay, ceux-ci se présentent bien développés sur la face des blocs ou pans de rochers regardant le SW, direc- tion d'où viennent les brouillards chassés par le vent. Dans les Andes vénézué- liennes sur des croupes perpendiculaires à des vents constants (voir paragraphe B) des différences de pluviosité importantes apparaissent entre les deux flancs.

Par temps calme, des vents locaux s'organisent en fonction du relief monta- gneux. Dans les Alpes germaniques, on les connaît sous le nom de Berg^vind (souf- flant de la montagne) et de Talwind (soufflant de la plaine ou des grandes val- lées). En général, le vent de vallée souffle le jour, à partir de 9-10 h et le vent de montagne la nuit. Le phénomène est régulier surtout pendant la belle saison et disparaît en hiver, du fait de la neige qui supprime pratiquement les différences d1 échauffement entre montagne et vallée. Dans certaines grandes val- lées, comme le Valais, le vent de vallée est suffisamment fort et fréquent pour donner une croissance dissymétrique aux arbres. A Siders, en août, vers 13 h, on observe le vent de vallée dans 77 ~cjo des cas. I l gagne d'ailleurs en force au cours de l'après-midi. Dans les Andes vénézuéliennes, dès 7-8 h du matin,le vent

I

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Figure 2 ■

Fréquence des vents de vallée et nébulo- sité à Sa,lzburg (Autriche), d'après CON- RAD, 1936, P> B 326

A gauche, échelle de fréquence des vents de vallée en A droite, nébulosité en % Le trait plein avec points ronds indique la fréquence des vents de vallée au cours de l'année . Le tireté avec croix, les va- riations de la nébulosité.

converge vers les hauts massifs depuis les dépressions voisines, lac de Maracai- bo et Llanos tandis que la nuit, une brise faible descend vers elles. Ces vents de montagne sont la conséquence, par temps calme, des différences d réchauffement découlant de la prédominance de la radiation directe aux hautes altitudes.On ne les trouve, en effet, que dans les massifs assez élevés : au moins 2 000 m dans les Alpes, plus de 4 000 m dans les Andes vénézuéliennes et i l s se renforcent avec l 'al t i tude des sommets » C'est pourquoi i l s sont particulièrement caractéris- tiques dans le Valais. En effet, lorsque donne le soleil, l ' a i r s'échauffe plus vite par conduction au contact du sol des hauts sommets que dans les vallées ou dépressions voieines où une grande partie du rayonnement est arrêtée par l ta t - mosphère. Un mouvement ascendant se produit au-dessus des hauts massifs et pro- voque un appel d 'a i r depuis les vallées voisines, dtoù le vent de valléeaLa nuit, au contraire, la radiation refroidit plus vite l ' a i r qui est au contact des som- mets, l1 alourdit et provoque sa descente vers les vallées, protégées contre la perte de calories par radiation par un air moins transparent.

Les vents de vallée et de montagne n'ont pas d f influence morphogénétique di- recte. Cependant, i l s jouent un rôle. En effet, i l s commandent le régime de la nébulosité et, par elle, influent sur réchauffement du sol. I ls se répercutent aussi sur les précipitations et le régime hygrométrique des versants. Par exem- ple, à Salzbourg (Fig. 2) des observations systématiques montrent que le ciel se couvre souvent dans la journée, surtout en juillet-août, du fa i t des vents de- vallée. Les masses d 'a i r ascendantes sont, en effet, le siège dtune condensation qui provoque la formation de nuages. Au printemps, le- phénomène est beaucoup moins fréquent et, en hiver, lorsque la neige supprime pratiquement les diffé- rences dl échauffement entre montagne et vallée, i l ne se produit pas. Il en ré- sulte une multiplication des oscillations them$.ques dans le sol , Après le re- froidissement nocturne, la température de celui-ci a)élève rapidement lorsqu'il est bien exposé aux rayons solaires matinaux, puis le ciel se couvre et l'echauf- fement par rayonnement est interrompu. Si la chaleur fournie par conduction ni est pas suffisante, i l peut y avoir abaissement de la température du sol<>Qn man- que malheureusement de mesures thermiques dans les sols de montagne .Dans les An- des vénézuéliennes, le phénomène des vents de vallée revêt une importance capi- tale, tant par suite de l'ampleur du rel ief que par suite de la très forte humi- dité des masses d 'a i r des régions de piémont toute lfa.nnée/du côté NW, d'avril à novembre du coté des Llanos au SE. Le mouvement ascendant des masses d' a i r dé- clenché par les premiers rayons solaires fai t que le ciel se couvre , au-dessus

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2°) Les versants atlantiques gq a) Modalités du contact avec les plaines 99 b) L'otage montagnard inférieur (en-dessous de 1 400 ro) 100 c) L'étage idpyen (l 400-2 000 m) 101

3°) Les versants continentaux 102 a) Le contact avec les plaines 103 b) Les étages inférieur et moyen de la montagne (en-dessous

de 2 300m) 104 4°) La haute montagne ...a 105

a) Rôle éminent de la morpl-iogén'p-se actuelle 105 b) Traces de glaciations quaternaires 106

D) QUSLQfJKS ASPECTS M0RP1Î0GKNKTIQUES DES MONTAGES TEMPKREF-S 107 1°) Les étages montagneux inférieurs du domaine forestier 107 2°) L'étage alpin nival et périglaciaire 113 30) La haute montagne alpine .. 117 Orientation bibliographique (chapitre 2) . 120

CHAPITRE III - Une chaine de montagne antarctique: Les monts de la Royal Society et du prince Albert 98

Disposition générale . 98 Climatologie ov.... 9° Glaciologie 99 Absence de végétation 101 effets du gel et du dégel 101 Effets de désagrégation 102 Action géomorphologique du vent 103 Action géomorphologique des glaciers 105 Action géomorphologique de l'eau douce • 1........ 105 Paléoclimats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106

CONCLUSION OT'*,RALE b . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1C0

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