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Tous droits réservés © Recherches amérindiennes au Québec, 2015 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 17 avr. 2021 23:12 Recherches amérindiennes au Québec Les origines huronnes-wendates de Kanesatake The Huron-Wendat Origins of Kanesatake Los orígenes hurón-wendat de Kanesatake Jean-François Lozier Amérique latine, Guyane française, États-Unis, Canada, Nouvelle-Calédonie Volume 44, numéro 2-3, 2014 URI : https://id.erudit.org/iderudit/1030972ar DOI : https://doi.org/10.7202/1030972ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Recherches amérindiennes au Québec ISSN 0318-4137 (imprimé) 1923-5151 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Lozier, J.-F. (2014). Les origines huronnes-wendates de Kanesatake. Recherches amérindiennes au Québec, 44(2-3), 103–116. https://doi.org/10.7202/1030972ar Résumé de l'article Cet article propose de jeter un nouvel éclairage sur l’histoire des collectivités « iroquoises » de la région de Montréal pendant la deuxième moitié du xvii e siècle, et plus particulièrement sur celle de Kanesatake, en accentuant l’apport fondateur d’une population d’origine huronne-wendate. Des Hurons, rejoignant la vallée du Saint-Laurent après des décennies de résidence plus ou moins contrainte en Iroquoisie, jouent en effet un rôle de premier plan vers 1667 lors de l’établissement de Kentake (La Prairie, plus tard Kahnawake), puis, à la suite d’une rupture, de Kanesatake (La Montagne, devenue ensuite Sault-au-Récollet et Lac-des-Deux-Montagnes) en 1675. Bien que ces individus d’origine huronne aient été voués à l’assimilation iroquoise à moyenne et longue échéance, les archives recèlent quelques indices des identités et solidarités résiduelles qui ne s’estompent que graduellement. Vers 1740, une crise politique, dont l’explication nous invite à faire un détour par Détroit, vient rappeler ces origines huronnes de Kanesatake.

Les origines huronnes-wendates de Kanesatake · ne peut pas en dire autant de la composante huronne- wendate, dont le rôle s’avère pourtant fondateur. Aussi, le présent article

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Tous droits réservés © Recherches amérindiennes au Québec, 2015 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation desservices d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politiqued’utilisation que vous pouvez consulter en ligne.https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/

Cet article est diffusé et préservé par Érudit.Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé del’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec àMontréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche.https://www.erudit.org/fr/

Document généré le 17 avr. 2021 23:12

Recherches amérindiennes au Québec

Les origines huronnes-wendates de KanesatakeThe Huron-Wendat Origins of KanesatakeLos orígenes hurón-wendat de KanesatakeJean-François Lozier

Amérique latine, Guyane française, États-Unis, Canada,Nouvelle-CalédonieVolume 44, numéro 2-3, 2014

URI : https://id.erudit.org/iderudit/1030972arDOI : https://doi.org/10.7202/1030972ar

Aller au sommaire du numéro

Éditeur(s)Recherches amérindiennes au Québec

ISSN0318-4137 (imprimé)1923-5151 (numérique)

Découvrir la revue

Citer cet articleLozier, J.-F. (2014). Les origines huronnes-wendates de Kanesatake. Recherchesamérindiennes au Québec, 44(2-3), 103–116. https://doi.org/10.7202/1030972ar

Résumé de l'articleCet article propose de jeter un nouvel éclairage sur l’histoire des collectivités« iroquoises » de la région de Montréal pendant la deuxième moitié du xviie

siècle, et plus particulièrement sur celle de Kanesatake, en accentuant l’apportfondateur d’une population d’origine huronne-wendate. Des Hurons,rejoignant la vallée du Saint-Laurent après des décennies de résidence plus oumoins contrainte en Iroquoisie, jouent en effet un rôle de premier plan vers1667 lors de l’établissement de Kentake (La Prairie, plus tard Kahnawake),puis, à la suite d’une rupture, de Kanesatake (La Montagne, devenue ensuiteSault-au-Récollet et Lac-des-Deux-Montagnes) en 1675. Bien que ces individusd’origine huronne aient été voués à l’assimilation iroquoise à moyenne etlongue échéance, les archives recèlent quelques indices des identités etsolidarités résiduelles qui ne s’estompent que graduellement. Vers 1740, unecrise politique, dont l’explication nous invite à faire un détour par Détroit,vient rappeler ces origines huronnes de Kanesatake.

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Kanesatake est aujourd’hui une col-lectivité résolument iroquoise et, plus précisément, mohawk. De

nombreux Québécois et Canadiens qui ne le savaient pas déjà l’auront appris lors de la triste crise d’oka. Le nom même de cette Première Nation, qui compte, au dernier dénombrement, 2321 membres inscrits, dont 1358 habitent le territoire enclavé dans la municipalité d’oka, est sans équi-voque : « Mohawks of Kanesatake » (AADNC 2013). C’est cette identité, langue et culture mohawks que véhi-culent les écoles et les institutions locales. La mémoire locale abonde dans le même sens, la retraçant et la proje-tant fièrement dans le passé (Gabriel-Doxtater et Van den Hende 1995).

or, Kanesatake s’est longtemps distinguée par son caractère hétéro-gène, marqué par la présence de plus d’une composante ethnolinguistique. Rappelons succinctement les dépla-cements de ce village de la fin du xviie siècle au xixe – village ou mission, parce que ces deux entités ont long-temps été indissociables. La com-munauté actuelle tire ses origines de la mission fondée sous l’égide sulpi-cienne à « La Montagne » sur les flancs du mont Royal en l’île de Montréal. Fondée en 1675, cette mission se déplace d’abord entre 1693 et 1704 vers le sault-au-Récollet, sur la rivière des Prairies, puis, entre 1716 et 1721, une deuxième et dernière fois vers les rives du lac des Deux Montagnes. Dès la fin du xviie siècle, on peut

observer la présence, aux côtés des iroquois qui y sont majoritaires, d’un petit nombre d’Algonquins propre-ment dits, mais aussi de Népissingues, de sokokis, de Loups, et de gens appar tenant à d’autres branches de la grande famille algonquienne à La Montagne et au sault-au-Récollet. Cette présence se formalise pendant la première moitié du siècle suivant au lac des Deux Montagnes, lorsqu’une masse critique d’Algonquins et de Népissingues vient se joindre à la communauté iroquoise. Ces groupes partagent un espace, mais sans pour-tant se fondre l’un dans l’autre. Vers la fin des années 1840, Algonquins et Népissingues déplacent leur village du lac des Deux Montagnes vers la rivière Kitigan sibi (rivière Désert), un tributaire de la rivière Gatineau. Par la suite, l’identité mohawk de Kanesatake s’homogénéise et s’affirme.

D’entrée de jeu, précisons que la présente étude n’a nullement comme objectif de nier l’authenticité de l’iden tité contemporaine des gens de Kanesatake, ni la légitimité de leurs démarches de réappropriation du terri-toire (à ce sujet, voir Lepage 2009 ; savard 2009 ; Chalifoux 2009). Les déplacements historiques de la collec-tivité et l’hétérogénéité de ses racines sont déjà reconnus, dans une certaine mesure. La composante algonquienne, encore très proche dans la mémoire collective des gens de Kanesatake et de Kitigan sibi, est rarement négligée par les livres d’histoire. Cela dit, on

Vol.

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014

Jean-François Lozier

Conservateur, Histoire de l’Amérique

française,

Musée canadien de l’histoire,

Gatineau

Les origines huronnes-wendates de Kanesatake

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ne peut pas en dire autant de la composante huronne- wendate, dont le rôle s’avère pourtant fondateur. Aussi, le présent article jette-t-il un nouvel éclairage sur ces origines méconnues, en s’articulant sur deux moments forts : la fondation de Kanesatake en 1675, et la remise en question de ses assises en 1740. La documentation d’époque est avare, mais sa délicate contextualisation et sa triangulation donne des résultats intéressants.

Cette contextualisation des origines huronnes de Kanesatake débute en Huronie au milieu du xviie siècle et se déplace aussitôt en iroquoisie, où l’on voit évoluer des hommes et des femmes que l’on pourrait décrire comme de « Nouveaux iroquois », puis vers la vallée du saint-Laurent, où ces derniers s’installent en grand nombre. Ce parcours nous invite à considérer la nature et les limites de l’adoption, de l’acculturation et de l’assimilation qui, selon l’historiographie, caractérisent les guerres iroquoises. Le jeu sous-jacent des identités et des solidarités persistantes permet de mieux saisir le cycle des tensions, des ruptures et des réconciliations caractéristique de la migration et de l’établissement des missions.

Avec l’établissement de Kentake (La Prairie, qui bientôt transplantée deviendra Kahnawake) puis de Kanesatake, on assiste à la formation de communautés que l’on décrit volontiers aujourd’hui comme iroquoises mais qu’à l’époque on peignait plutôt comme des « colonies huronnes ». incontestablement, ces communautés sont vouées à l’assi-milation à moyenne et longue échéance. Les archives recèlent toutefois quelques indices des solidarités et iden-tités résiduelles qui ne s’estompent que graduellement. Vers 1740, une crise, dont l’explication demande un détour par le détroit des lacs Érié et Huron, vient rappeler les origines huronnes de Kanesatake et démontrer, ultime-ment, à quel point elles étaient déjà lointaines.

Les nouveaux iroquois

Pour comprendre les origines huronnes-wendates de Kanesatake, il faut commencer par revenir sur le brassage ethnique qu’entraînent les guerres du milieu du xviie siècle. Rappelons succinctement qu’à cette époque les Cinq Nations iroquoises mènent contre leurs voisins une guerre « de deuil » (selon l’expression de Daniel Richter) ou « de captation » (selon celle de Roland Viau), dont l’objectif est de renflouer le moral et les effectifs d’une population durement éprouvée par les épidémies venues d’Europe. Entre 1649 et 1650, une offensive iroquoise vient à bout des villages de la Huronie, entraînant la dispersion de ses habitants (Richter 1983 ; Viau 1997 ; Brandão 1997 ; Keener 1998 ; Trigger 1976 : 725-788). Alors que certains d’entre eux se retirent vers le lac supérieur, quelques cen-taines se réfugient plutôt dans la vallée du saint-Laurent, près des établissements français. Ce territoire ne leur était pas étranger. La Huronie avait en effet recueillie, au siècle précédent, de nombreux iroquoiens du saint-Laurent eux aussi dispersés dans un contexte de conflit. À la fin du xixe siècle, le grand chef François-xavier Picard Tahourenche pouvait ainsi expliquer à l’anthropologue

Daniel Wilson que la rive nord du fleuve correspondait au territoire originel des Hurons-Wendats (Wilson 1884 : 59 ; Tremblay 2006 : 118-130 ; Lainey 2006).

En ce milieu du xviie siècle, des Hurons se retrouvent aussi par milliers dans les villages d’iroquoisie. Plusieurs nations voisines subissent le même sort, notamment les Pétuns, les Neutres et les Ériés. Ce mouvement de masse vers l’iroquoisie n’est pas simplement l’effet d’une con-trainte. De fait, l’offensive iroquoise des années 1640 et 1650 est double : militaire, bien entendu, mais aussi diploma-tique, ce que l’on oublie trop souvent. Un observateur perspicace décrivait ainsi l’approche des Cinq Nations :

Ils employaient toute leur industrie pour engager les autres nations à se rendre et à se donner à eux ; ils leur envoyoient des présents et les plus habiles gens de leur nation pour les haranguer, et leur faire connaître que s’ils ne se donnaient pas à eux ils ne pourraient éviter d’être detruits […] ; mais qu’au contraire s’ils voulaient se rendre et se disperser dans leurs cabanes, ils devien-draient les maîtres des autres hommes […] (Raudot 1904 : 184 ; voir aussi Thwaites 1896-1901, 36 : 183-185 ; 43 : 187-189 ; Lozier 2012 : 76-121).

De ce fait, les diplomates et guerriers iroquois adop-taient fréquemment un discours conciliatoire. Un délégué mohawk expliqua par exemple à une assemblée de Hurons dont il cherchait à inciter la migration : « Ne crains point, je ne te regarde plus comme un ennemi, mais comme mon parent, tu seras cheri de mon pays, qui sera aussi le tien » (Thwaites 1986-1901, 43 : 186-188, voir aussi 41 : 60). Les Hurons qui avaient déjà répondu à de tels appels ajou-taient leur voix au chœur, faisant savoir à ceux qui ne s’étaient pas encore donnés qu’ils « les desir[ai]ent » ardemment et leur « donn[ai]nt advis, qu’ils aient à se sauver au plutôt d’un pays désolé, s’ils ne veulent périr dessous ses ruines ». Le paradoxe est poignant : en « se jet[ant] entre les bras de l’ennemi », on pouvait espérer lui échapper (ibid., 35 : 192).

La migration en iroquoisie pendant le troisième quart du xviie siècle équivaut, pour le plus grand nombre, à une acculturation et à une assimilation à longue échéance. Cependant, dans la courte et moyenne durée on observe beaucoup de variété et d’ambiguïté dans les circonstances et la condition sociale des individus et des groupes qui s’y retrouvent. Certains y mettent les pieds comme prison-niers de guerre proprement dits, liés et malmenés, et sont suppliciés et tués dans les jours ou les semaines qui suivent leur arrivée. D’autres arrivent dans de pareilles circonstances mais sont épargnés et voués à un asservisse-ment plus ou moins permanent. Les Français les décrivent comme « esclaves » ; les iroquois, comme katsenen ou haguetchênen, terme qu’ils utilisent aussi pour décrire les animaux domestiques et qui nie par conséquent la condi-tion humaine de ces infortunés (Viau 1997 : 137-199 ; Richter 1983 et 1992 ; Delâge 1991a : 60 ; starna et Watkins 1991).

Ces issues peu enviables, la mort ou l’asservissement, ne sont toutefois réservées qu’à une minorité des nou-veaux venus. Compte tenu des visées incorporatrices de la

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guerre iroquoienne, le scénario préféré est celui de l’adop-tion. Partagés entre les cabanes des villages d’accueil et absorbés par de nouvelles familles, les étrangers se voient intégrés à l’ensemble de la communauté. Cela dit, celui ou celle qui est ainsi adoptés ne jouit que progressivement des libertés et des droits dont jouissent pleinement les membres à part entière du groupe ; le statut que confère l’adoption demeure précaire et sujet à redéfinition quand un individu se montre réfractaire ou incapable de satisfaire aux attentes de sa famille adoptive (Viau 1997 : 137-199). En parallèle, on retrouve en iroquoisie des groupes plus ou moins importants qui, ayant négocié leur reddition en bloc, ne sont pas aussitôt contraints à se disperser et à se fondre dans la masse. L’adoption semble ici collective, afin de permettre que persistent un certain temps des cabanes « huronnes », par exemple, dans les villages iroquois, ou même que soient érigés des « villages » hurons à leurs côtés (Lynch 1985).

Préoccupés par le cheminement spirituel des néo-phytes, les chroniqueurs missionnaires se sont montrés en revanche peu attentifs à la reconfiguration des identités ethnolinguistiques. il n’est pas rare de retrouver sous leur plume un même personnage décrit, tantôt comme un « Huron », tantôt comme un « iroquois » (ou Mohawk, oneida, etc.). De telles irrégularités témoignent pourtant bien de la nature circonstancielle des identités, ainsi que du caractère processuel de l’acculturation et de l’assimila-tion. Ce sont elles qui nous invitent d’ailleurs à formuler le concept de « Nouveaux iroquois », néologisme qui n’appa-raît pas dans les sources, pour décrire ces individus bien acculturés mais non encore pleinement assimilés qui se déplacent en grand nombre vers le saint-Laurent à partir de 1667 et qui contribueront à fonder non pas une, mais bien deux nouvelles missions.

des « CoLonies huronnes »Dans la foulée de la paix franco-iroquoise de 1667, des

centaines d’hommes, de femmes et d’enfants s’aventurent donc sur les sentiers et les cours d’eaux menant des vil-lages d’iroquoisie vers la vallée du saint-Laurent. Un grand nombre d’iroquois « de souche » et de Nouveaux iroquois ne le font que pour chasser et commercer le temps d’une saison, mais d’autres sont prêts à envisager quelque chose de plus permanent.

Les environs de Montréal représentent un premier pôle d’attraction. situé au confluent du saint-Laurent, de la rivière des outaouais et de la rivière Richelieu, ce territoire était central et familier. L’iroquoisie avait, comme la Huronie, intégré des iroquoiens du saint-Laurent à la fin du xvie siècle. Au xviie, les Mohawks semblent considérer que la région montréalaise représente l’extrémité nord de leur territoire traditionnel (Blanchard 1980 : 152-153 ; Gabriel-Doxtater et Van den Hende 1995 : 23-29 ; Delâge 1991a : 61 ; Tremblay 2006 : 124-125). Le gibier et le poisson, ménagés dans cette région pendant de longues décennies de guerre intermittente, y étaient abondants en cette deuxième moitié de xviie siècle. Les possibilités

commerciales étaient aussi alléchantes, le drap coûtant notamment moins cher à Montréal qu’à Albany en ces années (Thwaites 1986-1901, 57 : 25-27). Les missionnaires et les institutions religieuses qu’on trouvait dans les villes de la colonie promettaient par ailleurs un accès privilégié aux forces spirituelles qui, pendant ces dernières années de guerre franco-iroquoises, avaient laissé deviner leur efficacité (voir par exemple Greer 2005).

La région de Québec représentait un autre pôle, et plus spécifiquement la communauté huronne qui, installée d’abord à l’île d’orléans après la dislocation de la Huronie par les iroquois (1651), puis au cœur même de la ville (1656), s’était avec la paix transportée à Notre-Dame-des-Anges (1668). Cette même communauté se déplacera à Notre-Dame-de-Foye (1669), à Lorette (l’Ancienne, 1673) et pour de bon à la Nouvelle ou Jeune-Lorette (Wendake actuel, 1697). La possibilité de renouer avec des parents et des amis exerçait un puissant pouvoir d’attraction sur les Nouveaux iroquois, particulièrement ceux d’origine huronne. Dès 1668, quelque deux cents visiteurs d’iroquoisie étaient parvenus à Notre-Dame-des-Anges. Mais à quelques exceptions près ils n’avaient fait que passer : la communauté ne comptait malgré cela que cent cinquante résidents environ, soit à peine plus que trois ans plus tôt (Thwaites 1986-1901, 52 : 17 ; Blouin 1987, 1 : 265)

François-xavier Tonsahoten et Catherine Gandeaktena, couple fondateur de Kentake (la mission de La Prairie, près de Montréal), bien connus parce que les mission-naires de la fin du xviie siècle en ont fait grand cas, incarnent et illustrent fort bien le jeu des identités et des solidarités qui se manifestent dans ce contexte. Tous deux avaient été adoptés par les oneidas dès leur jeune âge, par suite du démembrement des pays qui les avaient vus naître. Tonsahoten était d’origine huronne et Gandeaktena était Ériée. ils avaient grandi chez les oneidas, s’y rencontrant et s’unissant vers 1656. En 1667, ils firent la rencontre du père Jacques Bruyas qui, avec d’autres jésuites, avait pro-fité de la paix franco-iroquoise pour étendre le champ d’action missionnaire. Plus tard cette année-là, Tonsahoten et Gandeaktena s’aventuraient vers Montréal en compa-gnie de quelques parents et d’un engagé des Jésuites (Thwaites 1986-1901, 50 : 212-216 ; 51 : 147-149 ; 52 : 21-27 ; 61 : 194-208 ; 63 : 154-182 ; Chauchetière 1887 : 80-101 ; Béchard 1976 : 5-55 ; 1966a ; 1966b ; Lacroix 1981 : 15-30 ; Greer 2005 : 91-95 ; Green 1991 : 26-30 ; Delâge 1991a : 60-62 ; Richter 1992 : 179-181).

L’histoire, alimentée par les écrits missionnaires, retient que ce déplacement répondait à l’appétit du couple pour une instruction chrétienne ou encore au besoin qu’avait Tonsahoten de se faire soigner une jambe. on comprendra toutefois que leurs motivations reflétaient la gamme de celles qui incitaient tant d’autres Nouveaux iroquois à faire le même trajet en ces années-là : le désir d’accéder à des soins spirituels et médicaux, peut-être, mais aussi à des territoires de chasse, à des marchés et à une parenté depuis longtemps perdue de vue. La bande de Tonsahoten et de Gandeaktena fit sa chasse d’hiver de 1667-1668

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dans les environs de Montréal. Puis, Tonsahoten pour-suivit son chemin seul jusque chez les Hurons de Notre-Dame-des-Anges, où il avait de la parenté (Thwaites 51 : 148 ; 63 : 154 ; Chauchetière 1887 : 83-84, 89-90).

Rejoint à Notre-Dame-des-Anges par son épouse et huit ou dix autres proches d’oneida, Tonsahoten et compagnie y demeurèrent un certain temps. Bien que la parenté huronne avec laquelle il venait de renouer l’encourageât à demeurer en son sein, il se montra déterminé à regagner « son pays », c’est-à-dire son pays adoptif. Toujours est-il que le couple Tonsahoten-Gandeaktena et une douzaine de parents et amis d’oneida choisirent de s’installer dans la région de Montréal, en un lieu appelé par eux Kentake et par les Français La Prairie, où les Jésuites s’empressèrent d’établir une mission (Thwaites 1986-1901, 51 : 148 ; 63 : 154-156 ; Chauchetière 1887 : 83-84, 89-90).

La faible rétention démographique de la communauté huronne établie près de Québec semble découler de deux considérations : économique et sociale. Dans la région de Québec, les nouveaux venus d’iroquoisie « ne pouvoient vivre que par aumône » (Thwaites 1986-1901, 52 : 26). En revanche, l’iroquoisie et les environs de Montréal fai-saient figure de pays « [d]’abondance » (ibid.). En second lieu, on devine les effets de l’acculturation et de l’atténua-tion de réseaux de parenté. Tonsahoten était certes né en Huronie, mais il avait passé ses années formatrices – les dix-sept dernières années, environ – en iroquoisie. La plu-part des Nouveaux iroquois se trouvaient dans la même situation. En plus de s’être approprié la langue et la culture iroquoises, ils s’étaient insérés dans de nouveaux réseaux de parenté qui n’étaient pas toujours compatibles avec les vieux. Ce n’est que de peine et de misère que Gandeaktena avait réussi à convaincre sa tante et ses autres proches de suivre le couple, puisque ces derniers « n’avoient aucune connoissance à Québec » (ibid. : 24).

on entrevoit ici l’importance fondamentale des femmes. L’influence de Gandeaktena et de sa tante fut vraisembla-blement déterminante. Alors que les hommes exerçaient un leadership dans le contexte des relations avec le monde au-delà des villages, dans la sphère de « la forêt » (c’est-à-dire de la diplomatie, de la guerre, du commerce et de la chasse), « la clairière » (c’est-à-dire la maisonnée, le village et les champs avoisinants) était du ressort des femmes (Tooker 1984 : 118-121). Concrètement, si l’initiative en matière de déplacements saisonniers revenait aux hommes, c’est aux femmes que revenaient les décisions qui avaient trait à la relocalisation de la cabane ou du village – reloca-lisation suscitée par le cours normal des activités agricoles, mais aussi par des circonstances plus exceptionnelles. Comme Daniel Richter l’a déjà écrit, « L’établissement de communautés iroquoises permanentes au Canada n’aurait pas eu lieu si les femmes avaient refusé de jouer un rôle de premier plan » (Richter 1992 : 125-126).

À Kentake, le campement saisonnier de la bande ne se transforma pas sur-le-champ en village. Au printemps de 1669, Tonsahoten fit – assurément avec l’aval de Gandeaktena – ce qui après coup ressemble à un engage-ment clair en ce sens, en construisant une maison-longue

pour les deux familles jusque-là établies sur les lieux. Vers la fin de l’année, l’établissement de Kentake comptait cinq maisons-longues du genre, abritant vraisemblablement une cinquantaine de personne. Vers l’automne de 1671, dix-huit ou vingt familles y étaient établies, dont on peut estimer l’effectif total à cent ou cent vingt individus (ibid., 55 : 34 ; 63 : 158).

Kentake fut caractérisée, pendant ses premières années d’existence, par une grande diversité ethnique. Le père Chauchetière, en décrivant ses premiers habitants, souligne que « l’un était de la nation des Chats [Ériés], l’autre des Hurons, quelques-uns francs iroquois, d’autres Gandastogues [Andastes ou susquehannocks] et maintenant la mission est de plus de dix ou douze différentes nations qui parlent toutes iroquois » (ibid., 63 : 153). Quelques années plus tard, on pouvait rapporter que la mission abritait « jusqu’à vingt-deux nations, dont plusieurs ont des langues entiè-rement différentes », y compris des « outouagannah » (nom générique donné aux Algonquiens de l’ouest des Grands Lacs), des « Gentagega » (sous-division des Ériés), des Algonquins, des Montagnais, des Nipissings, des Mahicans, sokokis et autres « Loups » (Algonquiens provenant de la Nouvelle-Angleterre) [ibid., 58 : 74]. La part huronne demeurait toutefois importante, à tel point que certains observateurs se permirent en ces années-là de décrire Notre-Dame-de-Foye et plus tard Lorette, mais aussi Kentake, comme des « colonies huronnes » (ibid., 56 : 18 ; 57 : 68, 77).

D’aucuns ont décrit la migration d’iroquoisie vers la vallée du saint-Laurent à partir de 1667 comme une expansion de la sphère d’activité et d’influence des Cinq Nations comme entité politique. Cette interprétation a certains mérites, mais il faut se garder de se méprendre sur les conséquences et les causes de la migration1. Les Nouveaux iroquois qui se transportent vers le saint-Laurent ne le font pas comme agents de leur communauté d’accueil, c’est-à-dire en réponse à une stratégie politique que celle-ci aurait élaborée ; au contraire, leurs déplace-ments témoignent des limites de la capacité intégrative de la société iroquoise. Après de nombreuses années passées en iroquoisie, presque deux décennies dans bien des cas, une foule d’individus sont solidement acculturés, intégrés à des réseaux de parenté et manifestement en voie d’assi-milation. ils demeurent pourtant relégués à une certaine marginalité sur les plans politique, économique et culturel, marginalité qui, aussi légère soit-elle, représente un facteur de répulsion, une impulsion à la migration. Pour des cen-taines de Nouveaux iroquois, les rives du saint-Laurent appellent à une vie meilleure.

disCorde à KentaKe

Avant d’arriver à Kanesatake, il nous faut s’attarder un peu à Kentake. Bien que l’on ait pu en ces premières années décrire ce dernier village comme une « colonie huronne », la migration d’iroquois « de souche » annon-çait une nouvelle phase dans l’évolution des missions et dans la formation des identités locales. Les premiers à s’établir à Kentake avaient été oneidas par adoption ou

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naissance, mais les nouveaux venus mohawks se hissèrent rapidement au « premier rang » (ibid., 63 : 168, 178).

Afin de répondre à la croissance de la population éta-blie à Kentake, on s’accorda en 1671 sur une structure politique selon laquelle un chef serait responsable des affaires civiles et militaires et un deuxième des affaires religieuses. Dès 1673 on jugea toutefois nécessaire de réviser cet arrangement pour mieux refléter la nouvelle réalité démographique. Chacune des trois nations alors identifiées comme les plus nombreuses et influentes au village aurait dorénavant son chef : Mohawks, Hurons, onondagas. Lors du conseil tenu à cette fin, les Mohawks et les onondagas nommèrent sans tarder leurs chefs res-pectifs, mais chez les Hurons les pourparlers s’éternisèrent (ibid. : 180).

La prolongation des délibérations chez les Hurons de Kentake laisse deviner l’existence de différends que les chroniqueurs missionnaires n’ont pas pris la peine d’éclaircir. Les circonstances nous invitent toutefois à envi-sager deux hypothèses. La première suppose l’opposition des « Hurons » d’oneida qui, menés par Tonsahoten, avaient servi de fondateurs à Kentake et qui y avaient jusqu’alors conservé un degré d’autorité morale, aux autres « Hurons » nouvellement arrivés du pays des Mohawks et des onondagas.

La seconde hypothèse supposerait un clivage différent, aux racines plus anciennes celui-là. Avant de se disloquer sous le choc de l’invasion iroquoise, la Confédération huronne-wendate avait été composée de quatre ou cinq nations – Attignawantans (Gens de l’ours), Attigneenongnahacs (Gens de la Corde), Arendarhonons (Gens du Rocher), Tahontaenrats (Gens du Cerf) et peut-être Ataronchronons (Gens des Marais) – aux affinités et aux politiques étran-gères parfois divergentes. En 1647, notamment, tandis que les Attignawantans s’étaient efforcés de s’opposer à l’envahisseur par les armes, les Arendarhonons avaient tenté d’entreprendre des négociations de paix avec les onondagas (ibid., 33 : 116-126). Ce genre de bilatéralisme avait aussi caractérisé l’offensive diplomatique menée par les iroquois contre les Hurons qui s’étaient transportés dans la région de Québec pendant la décennie suivante. À l’automne de 1653, un chef attignawantan avait montré de l’intérêt par rapport aux invitations des Mohawks ; quatre ans plus tard, c’est aux Arendarhonons que les onondagas avaient fait parvenir une nouvelle invitation secrète. En 1657, face à une menace diplomatique et militaire inexorable, les Arendarhonons de Québec acceptèrent finalement de migrer en bloc chez les onondagas, tandis que leurs compagnons attignawantans choisirent de rejoindre les Mohawks (ibid., 41 : 18 ; 43 : 40, 45-47, 187, 191). se pourrait-il donc qu’à Kentake en ces années 1670 les « Hurons » (surtout les Attignawantans) revenus de chez les Mohawks aient eu de la difficulté à s’entendre avec leurs compatriotes « Hurons » (surtout Arendarhonons) revenus d’onondaga ? C’est certainement possible.

Quoi qu’il en soit, le site de Kentake ne s’avéra pas mieux adapté à la croissance et à la diversification de la

population que sa structure politique ne l’était. Le rende-ment des champs de maïs, qui avait pourtant impressionné pendant les quelques premières années, était devenu insuf-fisant pour les besoins de la communauté. L’horticulture traditionnelle appauvrissait rapidement le sol des premiers champs, et l’humidité des sols de la région décourageait la préparation de nouveaux champs. Les réserves mission-naires, qui suppléaient aux besoins croissants de la com-munauté, étaient trop étirées. La « pauvreté », selon le père Chauchetière, caractérisait désormais la vie à Kentake (ibid., 63 : 191, 195 ; 58 : 80 ; 59 : 286 ; 60 : 274 ; 62 : 178 ; 63 : 190, 194). Par ailleurs, la proximité des colons français et des débits de boisson dérangeait de plus en plus. Les effets de l’ivrognerie, que bien des arrivants avaient cherché à fuir avant tout, se faisaient sentir (ibid., 56 : 18-20 ; 63 : 179-181).

Fin 1674, vraisemblablement en réponse à une initia-tive autochtone, les Jésuites envisagent la possibilité de transplanter la mission de Kentake à quelque distance en amont. ils visitent des sites intéressants et demandent au gouverneur de Frontenac et à l’intendant Duchesneau une concession qui prolongerait dans cette direction la superficie de La Prairie (ibid., 58 : 111-125 ; 59 : 284-286). Un certain nombre de familles huronnes, qu’on devine des plus marginalisées par les clivages qui caractérisaient alors la vie à Kentake, s’opposent cependant à la relocalisation du village et profitent de l’occasion pour s’en détacher.

La fondation de KanesataKe (1675)En 1675, une délégation de Hurons de La Prairie, à

laquelle un « capitaine Achind8nés » (Achindwanes) servit de porte-parole, tint conseil à ce sujet en la maison du gouverneur de Frontenac à Montréal. Achindwanes et quel-ques Hurons, vraisemblablement accompagnés du jésuite Jacques Frémin alias Gannerontie, supérieur de la mission, rencontrèrent Gabriel souart, supérieur intérimaire du séminaire de Montréal en l’absence de François Dollier de Casson, ainsi que le gouverneur de Frontenac. Charles Le Moyne servit d’interprète. L’événement serait passé inaperçu si son procès-verbal n’avait pas, par chance, été conservé dans les archives du séminaire de Québec (MCQ 1675)2.

L’objectif de la délégation huronne était clair : les Hurons sécessionnistes voulaient « étendre [leur] natte » sur l’île de Montréal. Achindwanes se plaignit avant tout de la rareté et de la pauvreté des terres arables à Kentake. « Je sors de l’autre bord de la rivière [La Prairie], déclare-t-il à souart, ne pouvant y avoir du bled pour vivre, afin que tu me donnes des terres en ton île qui soient propres à faire venir du bled suffisamment pour nourrir ma femme et mes enfants. » (ibid.) Pour remédier à la situation, il demanda qu’on lui permette de fonder un village sur l’île de Montréal, que les sulpiciens y postent un prêtre, qu’ils y empêchent la traite de l’eau-de-vie, et que les autorités religieuses et civiles procurent à ceux qui s’y établiraient une aide matérielle en temps de famine et durant la saison de chasse hivernale. « Quoique nous soyons peu mainte-nant, indique Achindwanes, il nous faut pourtant un

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grand village, car nous viendrons en grand nombre, je suis petit à présent, mais en priant Dieu je grandiray. » (ibid.).

Derrière le porte-parole masculin se cache une volonté nettement féminine. La cabane, le village et les champs, tel que nous l’avons déjà souligné en lien avec Gandeaktena, étaient du ressort des femmes chez les Hurons comme chez les iroquois. Le refrain de l’orateur, bien qu’entonné à la première personne, est incontestablement celui des femmes de son entourage : « je ne puis amasser du bled » à Kentake ; « il y a longtemps que j’y suis, je n’y ay qu’une petite corbeilles [de maïs] » ; les terres n’y sont soit « que du sable » ou « elles innondent » ; les « hautes terres du Montréal », elles, en revanche, promettent d’être fertiles ; « je semeray de bonnes citroüilles, je recuilleray des meures sans peines, il ne faudra plus si souvent que je traverse la rivierre en canot pour en cueillir, je les aurés à ma main » (ibid.).

Faut-il s’étonner que le discours d’Achindwanes passe sous silence les tensions qui déchirent alors la commu-nauté de Kentake ? seuls quelques commentaires pour-raient y faire allusion : ainsi Achindwanes demande à souart « que tu empêches les bruits et les contentions qui pour-ront survenir entre mes enfans et mes neveux ». souart, plus loin, avertit le Huron : « mais prend garde à ne pas amener ici tes neveux par force, je ne veux pas que tu aille troubler tes terres à La Paririe, ni que tu leur dises Viens au Montreal, car ils sont bien ou ils sont ». Encore plus loin, Achindwanes sent le besoin de préciser que le départ des siens s’est fait avec l’assentiment jésuite : « je suis sortis en paix d’avec Gannerontie [Frémin] » (ibid.). il n’aurait pas pu en dire autant du reste du village.

À vrai dire, ce n’est qu’à contrecœur que Frémin et les jésuites voyaient ces familles huronnes quitter Kentake. Achindwanes fait au passage allusion à ses détracteurs, soulignant que lui et ses gens étaient déterminés à s’ins-taller sur l’île « quoi qu’on m’ait dit que j’y serai ivrogne, que l’on m’y maltraitera que l’on m’y ôtera les terres qu’on m’y aura données, que je m’y damnerai, etc. ». Ces argu-ments – la menace de l’ivrognerie, de la damnation et de la dépossession éventuelle – étaient ceux des villageois mais aussi des missionnaires. Ces derniers avaient essayé en vain de retenir ces familles en leur offrant « beaucoup plus [de terres] qu’il ne t’en faut, et pour toute ta nation ». Ces terres, en plus d’être abondantes, étaient dit-on « très bonnes » (ibid. ; sur la compétition entre sulpiciens et Jésuites, voir Tremblay 1981 : 50-51). Pour les Jésuites, le départ de ces familles huronnes et la division de la collec-tivité néophyte de Kentake représentent un sérieux revers.

Fait étonnant, peut-être, l’accueil des sulpiciens s’avéra non moins réticent. Les efforts missionnaires du séminaire de Montréal avaient jusqu’ici été plutôt décourageants : entre 1657, l’année de leur arrivée à Ville-Marie, et 1667, ses prêtres n’avaient baptisé qu’une poignée d’autochtones au passage. La mission sulpicienne de Kenté, fondée en 1668 dans un village cayuga situé sur la rive nord du lac ontario, ainsi que celle entreprise auprès des familles algonquines et huronnes qui campaient ici et là dans le

haut de l’île de Montréal, en amont des rapides de Lachine et sur la rive du lac saint-Louis, s’étaient avérées coûteuses et décevantes (Dollier de Casson 1992 : 301-311 ; Dickinson 2007 ; Tremblay 1981 ; Pritchard 1973). En outre, les missionnaires les plus chevronnés du séminaire, François de salignac de La Mothe-Fénelon et son cousin François-saturnin Lascaris d’Urfé, avaient tous deux été rappelés en France en 1674 (AsssM s.d. [c] ; Maurault 1930 ; Tremblay 1981 : 48-49 ; Dickinson 2007 : 356). souart répondit donc avec beaucoup de circonspection à la demande d’Achindwanes, conseillant aux Hurons qu’il ne serait pas forcément dans leur intérêt de quitter le giron des Jésuites. Ces derniers parlaient déjà leur langue, souligna-t-il, ce qui n’était le cas d’aucun sulpicien encore, et étaient de manière générale mieux équipés pour voir à leurs besoins (MCQ 1675).

seul onontio – le comte de Frontenac – se montra enthousiaste. Lors du conseil tenu chez lui il fit répondre à Achindwanes qu’il était « dans la joye » de le voir à Montréal avec les siens et « que sa joye seras encore plus grande quand il y viendras tous tes nepveux, et les autres de ta nation ». il déclara n’avoir sur ce sujet « qu’un meme cœur avec les robes noires et les mesmes intentions », mais on en doute bien. Les démêlés de Frontenac et des Jésuites sont légendaires. Ce gouverneur tolérait bien mal leur grande autonomie et leur opposition au commerce de l’eau-de-vie. Dans sa correspondance avec la cour il les attaquait régulièrement, les accusant de s’adonner librement à la traite des fourrures, leur reprochant de ne point cher-cher à franciser la langue et les mœurs de leurs néophytes, d’user des missions comme prétexte pour accroître leur propriété terrienne. Dernièrement, Frontenac cherchait plus précisément à faire obstacle à la demande d’extension de la seigneurie de La Prairie que les Jésuites avaient soumis au roi (Thwaites 1896-1901, 58 : 111-125 ; 59 : 284-286 ; 63: 194 ; RAPQ 1927 : 35 ; ANoM 4 : 206-209 ; Lacroix 1981 : 35-36). Pour le gouverneur, la démarche des sécessionnistes hurons représentait une occasion rêvée d’éloigner des alliés autochtones de l’orbite jésuite pour les placer dans celui des sulpiciens, avec qui il s’entendait bien mieux.

Achindwanes et les familles qu’il représente, en tout cas, se montrèrent déterminés à quitter Kentake et à s’éta-blir sur l’île de Montréal. « J’ay tout pensé et résolu, je ne chancelle plus, mon discours est ferme, il y a bien des années que j’y pense ; j’ay quitter l’autre bord. » souart, sensible au plaidoyer des Hurons et vraisemblablement aux pressions tacites du gouverneur, conclut donc en offrant une parcelle de terre et deux missionnaires : « Je ne te refuse point des terres, je t’en donnerai abondament, je ne te les ôterai point, ce sera pour toy, tes enfans et tes neveux. » (MsQ 1675)

Au début de décembre 1675, un terrain de quatre arpents fut délimité au lieu-dit de « La Montagne » ; quelques mois plus tard Guillaume Bailly y fut assigné comme missionnaire (AsssM 1675 ; Maurault 1925 ; Harel 1979 : 19 ; cf. Lacroix 1981 : 28). Ce nouveau village prit le nom de Ganesatagé ou Kanesatake, c’est-à-dire « au

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bas de la côte », au pied de la montagne (Cuoq 1882 : 10). Le nom sera bientôt repris au lac des Deux Montagnes, où la mission se trouvait encore au pied d’une montagne.

déChirure et réConCiLiation

Une partie des Hurons de Kentake alla ainsi s’établir au nouveau village-mission de Kanesatake sur le flanc de la montagne. Ce dénouement avait un potentiel explosif, auquel souart avait fait allusion lors des négociations avec Achindwanes : « [P]rend garde à ne pas amener ici tes neveux par force, lui avait-il demandé, je ne veux pas que tu aille troubler tes frères à La Prairie, ni que tu leur dises Viens au Montréal. » il avait ajouté que « les hommes qui quittent leurs femmes en un autre lieu où ils se plaisent et pour ce ne les veulent pas suivre, ni les femmes qui font la même chose à leurs maris », ne seraient pas reçus non plus (MCQ 1675).

La Narration annuelle de la Mission du Sault de Chauchetière et la Relation de 1676-1677 permettent d’entrevoir à quel point cette implantation fut difficile. « Cette séparation fut rude, explique le père Chauchetière dans son récit, et n’a pas laissé durant quelque temps de tenir les esprits en désunion. » Le déplacement tant attendu du village de Kentake vers un nouveau site à quelques lieues en amont, en juillet 1676, ranima la discorde. Cet été-là, le « capitaine des Hurons » de la communauté menaça de déménager lui aussi à Kanesatake et se faisant, « parla fort mal de cette mission ici et choqua même plusieurs particu-liers », entre autres ses deux homologues mohawk et onon-daga (Thwaites 1896-1901, 60 : 277, 287-289).

Qui était ce « capitaine des Hurons » ? Quoique l’iden-tité de cet homme, à qui les deux autres capitaines avaient jusque-là montré « beaucoup de déférence en tout comme au premier et au plus ancien des capitaines », ne puisse être confirmée avec certitude, il s’agit vraisemblablement de Tonsahoten. Au moment de la mort de son épouse en 1673, celui-ci était en effet décrit comme « premier capitaine » de la mission (ibid., 61 : 206). La description du passage de Monseigneur de Laval dans la mission au mois de mai 1675 nous permet d’entrevoir cette préséance à l’œuvre : le visi-teur fut accueilli d’abord par le capitaine des Hurons et les anciens Hurons, avant de l’être par leurs homologues iro-quois (ibid., 59 : 274).

Durant l’été de 1676, l’autorité du chef huron de Kentake – le présumé Tonsahoten – fut durement éprouvée. si l’on en croit le compte rendu jésuite des événements, c’est l’intervention des missionnaires qui sauva la mise. Frémin rappela aux deux chefs iroquois « qu’il étoit de la gloire de Dieu et du bien de la mission qu’ils se réunissent avec lui [le chef Huron] et qu’il falloit en cela sacrifier le ressentiment à Dieu et au public. Aussitôt dit, aussitôt fait » (ibid., 60 : 286-288). L’initiative réconciliatrice, il est permis de le croire, venait peut-être autant des iroquois que des missionnaires. La division de la communauté n’était pas plus dans l’intérêt des capitaines mohawk et onondaga que dans celui de missionnaires.

Au nouveau site, qui reçut le nom de Kahnawake, le premier capitaine – Tonsahoten ? – offrit son champ pour

qu’on y construise la chapelle « pour témoigner l’affection qu’il avait pour la foi » (Chauchetière 1887 : 100). L’enchevêtrement de la chronologie de la Narration et de la Relation ne nous permet de savoir si ce don avait contribué aux divisions suivant une logique de surenchère, ou s’il avait en revanche contribué à la réconciliation. Quoi qu’il en soit, la crise qui déchirait la chefferie et la population se résorba. Lorsque les chefs mohawk et onondaga du village revinrent de la petite chasse à l’automne ou au début de l’hiver 1676, ils donnèrent chacun à leur tour un festin au capitaine huron, « le remettant ainsi sur pied ou bien plutôt le remettant sur leurs têtes pour être derechef le maître des autres » (Thwaites 1896-1901, 60 : 287-289).

Dès janvier 1677, les jésuites de Kahnawake consta-taient avec soulagement que le capitaine huron avait décidé de demeurer dans le village : on devine que l’autre possibilité était de rejoindre les sécessionnistes à Kanesatake. Tonsahoten, s’il était bien l’homme en ques-tion, y demeura jusqu’à sa mort en 1688. Pour avoir été avec son épouse le fondateur de la communauté, rapporte Chauchetière, il pouvait à juste titre être reconnu comme le « père des croyants » (Chauchetière 1887 : 100).

Une polémique qui éclate en 1740 et dont il sera traité plus loin apporte un éclairage additionnel sur les événe-ments de 1675-1677. La tradition orale alors évoquée révèle que le petit noyau de Hurons qui, sous la direction d’Achindwanes, avaient abandonné Kentake/Kahnawake pour s’établir à Kanesatake, n’était constitué que de « jeunes sans personne de conseil ». Reconnaissant cette faiblesse, ils avaient envoyé des députés à leurs parents de Lorette qui avaient, en réponse à la demande qu’on leur avait faite, « allumé le feu » du conseil du nouveau village. Les Hurons de Lorette avaient établi à Kanesatake une cons-titution, présentant douze colliers de wampum correspon-dant chacun à un article, et leur avaient « donné un chef » (ANoM, 75 : 138-142v ; voir aussi 76 : 263v-264).

il est tentant, à la lumière de quelques bribes d’informa-tion, de supposer que le chef en question était le dénommé Louis Thaondechoren. Huron d’origine pétune- tionontatée, dit-on, baptisé à sainte-Marie-des-Hurons en 1640, il avait été du nombre de ceux qui s’étaient établis dans la région de Québec après le bouleversement de la Huronie. Rescapé de la bataille du Long sault en 1660, il était par la suite devenu dogique de la petite communauté de Notre-Dame-de-Foy, puis de Lorette (Thwaites 1896-1901, 50 : 210 ; 52 : 236-238 ; 55 : 266-268, 276, 298 ; 57 : 74-76 ; 58 : 134, 148-150, 196-198 ; 60 : 78-80, 306 ; Martin 1861 : 171-172). La Relation rapporte que Thaon dechoren entreprit en 1676 un voyage « pour aller trouver ses compatriotes [Hurons des Grands Lacs, ou d’iroquoisie ?] qui étaient venus à Montréal pour la traite pour les exhorter à se faire Chrétiens » (ibid., 60 : 306). Le fait que ce personnage ne réapparaisse plus dans les Relations (sources jésuites) subséquentes ne s’expli-querait-il pas par l’hypothèse qu’il aurait profité de l’occa-sion pour s’établir à la mission (sulpicienne) de Kanesatake ?

Ce n’est pas tout. on sait que les Hurons de Lorette envoyèrent un « célèbre présent » à Kahnawake en 1677.

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il s’agissait d’un collier de wampum invitant les habitants du village à « prendre la foi pour de bon », à bâtir une chapelle dès que possible et à « combattre les différents démons qui conjuroient la ruine de l’une et l’autre mission » (Thwaites 1896-1901, 63: 193-195 ; voir aussi Lainey 2004 : 266-267 ; Devine 1922 : 48). C’est, du moins, le message que rapporte le père Chauchetière. or, le sens du collier était peut-être plus précis que ce missionnaire ne le laisse entrevoir. Pour les Hurons de Lorette, il s’agissait vraisemblablement d’une expression de bonne volonté et d’une invitation à la réconciliation. La matière à réconcilia-tion ne manquait pas : à Kahnawake même, entre le capi-taine des Hurons et ses homologues mohawk et oneida ; entre les gens de Kahnawake et ceux de Kanesatake ; ou encore entre ceux de Kahnawake et ceux de Lorette, car ces derniers avaient sans doute suscité le ressentiment des premiers en appuyant la démarche des sécessionnistes.

Ce collier de wampum fut pendu dans l’église de Kahnawake, au-dessus de l’autel, et y demeura comme symbole de la foi commune et de la bonne entente entre les deux communautés jusqu’à la fin du xxe siècle – où il fut volé (Lainey 2004 : 266-267).

assimiLation et Continuités

on comprendra que non seulement un chef, mais plu-sieurs familles profitèrent de l’occasion pour migrer de Lorette à Kanesatake vers 1676-1677. La communauté huronne de Notre-Dame-des-Anges avait compté 150 per-sonnes en 1668 ; déplacée à Lorette en 1675, elle atteignit 300 âmes, « tant Hurons qu’iroquois » (Thwaites 1896-1901, 52: 228 ; 54: 286 ; 60: 27 ; Chaumonot 1885 : 174-176, 194-196 ; Blouin 1987, 1 : 265-267). La force gra vitationnelle exercée par Kanesatake et, à un moindre degré, Kahnawake, renversa cependant la tendance : au moment du recensement de la colonie de 1685, Lorette ne comptait à nouveau que 146 personnes. La maladie avait peut-être contribué quelque peu à ce déclin démogra-phique, comme certains auteurs l’ont présumé, mais à la lumière des faits soulignés ici il est légitime de croire que l’émigration vers la région montréalaise en fut la cause principale (BAC 1685. Cf. Velez 2008 : 505).

Entre-temps, la population de Kahnawake et de Kanesatake atteignit respectivement 682 et 222 individus en 1685. En raison de l’arrivée continuelle d’iroquois « de souche », ainsi que du besoin d’une identité et d’une langue communes qui se faisait sentir chez les Nouveaux iroquois, le processus d’assimilation entamé dans les villages d’iroquoisie s’acheva dans la vallée du saint-Laurent (BAC 1685).

Le caractère iroquois de Kahnawake s’imposa très tôt. Le départ des éléments contestataires en 1675-1676 con-tribua certainement à cette tendance. L’allusion à des chefs « hurons », voire à une présence huronne distincte, n’est plus documentée à partir de ce moment. Quoique la pré-sence d’oneidas ait été remarquée pendant la dernière décennie du siècle, la prépondérance mohawk s’est vite imposée. Au moment où il rédige sa chronique de la

mission en 1686, Chauchetière pouvait observer que les « guerriers d’Anié [Agnier, c.-à-d. les Mohawks] sont devenus plus nombreux à Montréal qu’ils ne sont au pays » et indiquer que, quoique dix ou douze nations fussent représentées à Kahnawake (et non plus les vingt-deux citées dans les premières années), toutes parlaient l’iroquois (Thwaites 1896-1901, 63 : 152, 178 ; voir aussi 64 : 242.). La communauté allait conserver et raffermir ce caractère mohawk à travers trois relocalisations subsé-quentes en amont, en 1690, 1696 et 1716. Aujourd’hui encore, Kahnawake est une communauté mohawk.

À Kanesatake, l’élément fondateur huron persista un peu plus longtemps. Des quinze individus résidant à La Montagne cités dans les procédures judiciaires du baillage et de la juri-diction de l’île de Montréal entre 1677 et 1686, sept sont en effet identifiés comme « Hurons » (Grabowski 1993 : 340-341). De manière plus impressionniste mais non moins révé-latrice, l’évêque de saint-Vallier et le gouverneur Denonville décrivirent en 1688 et en 1690 cette mission comme étant composée d’« iroquois et [de] Hurons » (saint-Vallier 1856 : 26-28 ; ANoM, 11 : 186).

À partir des années 1690, les références à la présence huronne à Kanesatake s’estompent dans les archives colo-niales. Certes, la présence d’Algonquiens, principalement d’Algonquins et de Népissingues que les sulpiciens avaient tenté de regrouper ici et là sur l’[ile de Montréal depuis les années 1670, mais aussi d’outaouais, de sokokis et de Mahicans, contribuera à maintenir le caractère hétérogène de Kanesatake encore longtemps. Mais en raison du nombre toujours croissant de nouveaux venus d’iroquoisie, la mis-sion devenait comme Kahnawake une mission « iroquoise » (BANQ-M 1684 ; AsssM s.d. [a] ; s.d. [b] ; Maurault 1930 : 122 ; Tremblay 1981 : 49 ; Dickinson 2007 : 356).

Les archives révèlent néanmoins quelques résidus iden-titaires. L’onomastique fournit une première piste : François Vachon de Belmont donne à la mission du sault-au-Récollet, aménagée à partir de 1693 pour recevoir la com-munauté jusque-là établie à La Montagne, le vocable de « Notre-Dame-de-Lorette ». on disait aussi « Fort Lorette », « Nouvelle-Lorette », ou « Lorette » tout court. sur une carte de l’île de Montréal dressée en 1702 et attribuée à Vachon de Belmont, l’emplacement de la mission est indiqué par l’inscription « sauvages de Lorette » (BCss 1702 ; Ladouceur 2003 : 23-29 ; Tremblay 1981 : 93, 127). Ce vocable se transporte par la suite au lac des Deux Montagnes, comme en témoigne l’inscription « Arx Lauretana », c’est-à-dire Fort de Lorette, qui se trouve sur la pierre d’angle de la chapelle de l’endroit. Le nom de Notre-Dame-de-Lorette fut en usage à Kanesatake jusqu’en 1786, moment où il fut remplacé par celui de L’Annonciation (Ladouceur 2003 : 26).

Les origines de ce vocable sont difficiles à confirmer. L’historien sulpicien Maurault affirme que Vachon de Belmont aurait imposé ce choix afin d’honorer la maison de Lorette en italie, où Jean-Jacques olier, fondateur du séminaire de saint-sulpice, avait été guéri par miracle d’une maladie des yeux (Ladouceur 2003 : 26). Vachon de

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Belmont aurait même, semble-t-il, fait construire la cha-pelle du sault-au-Récollet sur le plan de la santa Casa de Lorette, comme Chaumonot l’avait fait à la Jeune-Lorette quelques décennies plus tôt (Beaubien 1898 : 144). Faut-il cependant voir en cette orientation un témoignage exclusif de dévotion sulpicienne ? Ne rejetons pas l’hypothèse d’une volonté de continuité émanant de la communauté autoch-tone elle-même, communauté qui, comme on l’a vu, avait des racines de l’autre Lorette. Cet usage n’était pas étranger à la coutume autochtone : Kahnawake, après tout, avait été le nom d’un village de la vallée de la rivière Mohawk.

L’activité des partis de guerre dans les Pays d’en Haut offre une seconde piste. Au courant de la première moitié du xviiie siècle, les guerriers des missions de la vallée du saint-Laurent envoient de temps en temps des partis de guerre contre des nations de l’intérieur qui se montrent hostiles aux intérêts des Français et de leurs alliés. À l’occasion, on croirait entrevoir l’existence d’une filière « huronne ». À l’automne 1713, par exemple, les Hurons-Tionontatés qui, établis au Détroit, se trouvent aux prises avec les Renards, évoquent la promesse que les gens de Kanesatake, alors établis au sault-au-Récollet, avaient faite de « nous secour[ir] dans notre besoin » et d’envoyer un parti de guerre « pour nous donner secours ». Les Hurons appuient cet appel avec une robe de castor « pour eux aussi bien que pour les Hurons de Lorette » (ANoM, 34 : 65-65v). En 1731, les guerriers iroquois de Kanesatake et hurons du Détroit montent une expédition conjointe contre les Renards ; ceux de Kahnawake, qui sont pourtant d’habitude les plus actifs dans les campagnes militaires de l’intérieur du continent, ne sont pas de la partie (ANoM, 57 : 298-307 ; 57 : 320-321v ; ANF [1732]).

En parallèle, on s’étonne de la rareté des indices qui témoigneraient d’une persistance des relations bilatérales entre les Hurons du Détroit et ceux de Lorette. Ces der-niers mobilisent à cette époque quelques guerriers dans le cadre des campagnes de leurs alliés abénaquis en Nouvelle-Angleterre, mais ils semblent absents des opérations menées contre les Renards et, plus tard, contre les Chicachas (voir par exemple ANoM, 46 : 144-148v). Kanesatake, en revanche, est résolument tournée vers l’intérieur. Lors du Traité de Kahnawake de 1760, l’orateur de ce village déclare qu’il avait été décidé « que nos Frères à Kanesatake auraient leurs yeux sur toutes les nations en haut de l’outaouais ou grande Rivière vers l’ouest » (les gens de Kahnawake gardaient quant à eux un œil sur les six Nations et Albany) [Brodhead et o’Callaghan 1853-1887, 8 : 240]. Cette fonction diplomatique découlait naturelle-ment de la position du village à l’embouchure de la rivière des outaouais, ainsi que de la présence d’Algonquins et de Nippissings en son sein. L’hypothèse que les lointaines racines huronnes de cette communauté iroquoise y étaient aussi pour quelque chose est toutefois attrayante.

La Crise de 1740La polémique qui survient en 1740, évoquée plus

haut, mérite qu’on s’y attarde. Cette année-là, le dénommé Vincent (onehatetaionk)3, un des grands chefs des Hurons

de Lorette, se présenta au village de Kanesatake au lac des Deux Montagnes pour « visiter ses frères » et exigea qu’ils lui montrent leur « trésor », c’est-à-dire leurs colliers de wampum (ANoM, 75 : 138-142v ; voir aussi 75 : 106-109 et 110-114v ; 76 : 263v-264). il fut étonné de découvrir que, des douze « que sa nation y avoit mis autrefois, en allumant leur feu » quelque soixante-dix ans plus tôt, seuls deux s’y trouvaient encore. Le reste avait, semble-t-il, été cédé ou échangé à des étrangers. offusqué, il emporta ces deux colliers avec lui à Lorette, déclarant « ce feu éteint, puisqu’on avoit disposé des colliers » (ibid., 75 : 139). Les archives coloniales n’en disent pas plus long sur la pensée du chef ou sur le contexte de l’incident. Le dénouement de cette affaire vient néanmoins rappeler les origines huronnes d’une communauté désormais iroquoise et souligner une certaine continuité dans le jeu de pouvoir opposant mis-sionnaires et autorités coloniales, jeu dont se trouvait en partie tributaire l’établissement de villages autochtones dans la vallée du saint-Laurent.

Pour comprendre la position singulièrement intransi-geante de Vincent onehatetaionk, il faut faire un détour par les Pays d’en Haut. Les tensions entre les Hurons éta-blis au Détroit depuis le début du siècle, descendants de ceux qui s’étaient retirés vers le lac supérieur et le lac Michigan puis établis un certain temps à Michilimackinac, et leurs proches voisins atteignaient leur paroxysme vers la fin des années 1730. Au xviie siècle, l’ennemi iroquois commun et le voisinage commun avaient fait de ces Hurons et des outaouais des « alliés », des « amis » et des « frères ». Leurs langues, leurs coutumes et leurs modes de subsistance demeuraient toutefois bien différents. Depuis, les Hurons du Détroit s’étaient au fil des ans rapprochés de leurs anciens ennemis iroquois, que les outaouais et autres Algonquiens des Grands Lacs continuaient toujours à craindre. La religion offrait un autre point de divergence, dans la mesure où les Hurons du Détroit s’étaient appro-prié la foi des missionnaires avec plus de hâte que leurs voisins. Au Détroit, Hurons et outaouais se regardaient en somme comme étrangers (sturtevant 2011 : 138-165).

Vers la fin des années 1730, les Hurons du Détroit encoururent la colère de leurs voisins en faisant la paix avec les Têtes-Plates, nom sous lequel on regroupait cer-taines nations du sud dont les Cherokees, les Chickasaws, les Choctaws et les Catawbas, qui avaient jusqu’alors été un ennemi commun. Anticipant des représailles et ne se sentant plus en sécurité chez eux, les Hurons du Détroit appelèrent à l’aide le gouverneur de Beauharnois, ainsi que les domiciliés de Kahnawake, de Kanesatake et de Lorette. ils se mirent aussi à envisager une solution à leurs intermi-nables querelles de voisinages : un déménagement dans la vallée du saint-Laurent. Conformément à la coutume diplomatique, et sans doute parce que ce projet de migra-tion ne faisait pas encore consensus chez eux, ils hésitèrent cependant à saisir l’initiative du déménagement, expri-mant plutôt le souhait que les gens de Kahnawake ou de Kanesatake les retirent de leur feu et en allume un autre pour eux (ibid. : 138-165).

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Armand de La Richardie, missionnaire jésuite chargé du Détroit, était a priori favorable à l’établissement des Hurons dans la vallée du saint-Laurent. il jugeait néan-moins que leur installation à Kanesatake ou ailleurs dans l’orbite sulpicienne devait être évitée à tout prix (ANoM, 74 : 268-268v ; 75 : 124). ses confrères jésuites semblent avoir partagé cette opinion, car dans cette conjoncture, bien plus encore qu’en 1675, les relations entre ces missionnaires étaient imprégnées d’un esprit de concurrence et de méfiance. La prise en charge de la mis-sion de Kanesatake par l’abbé François Picquet en 1739 insufflait alors une nouvelle énergie à l’entreprise sulpi-cienne (Lefrançois de Lalande 1783 ; Chagny 1913). Elle représentait un péril croissant, dans l’optique jésuite, dans la mesure où au même moment leurs relations avec le gouverneur se gâtaient. Ayant pris connaissance du com-merce illégal que les gens de Kahnawake entretenaient avec les New-Yorkais et s’étant convaincu que leurs mis-sionnaires toléraient ce commerce, voire qu’ils l’encoura-geaient et en profitaient comme le voulait la rumeur, Charles de la Boische de Beauharnois décidait d’adopter la ligne dure. Diligemment, ce gouverneur se brouilla avec les pères de Lauzon, à Kahnawake, et de la Richardie, au Détroit. son estime de Piquet et des gens de Kanesatake augmenta à l’inverse. il prit l’habitude de vanter leur fidélité, de leur obtenir les faveurs du roi et de leur accorder un traitement dans l’ensemble préférentiel (standen 1975 : 301-312).

Les Jésuites redoutaient l’influence que les gens de Kanesatake pourraient avoir sur la migration des Hurons du Détroit. « Ces derniers ne sont pas dans mon calendrier [c.-à-d. bonnes grâces], comme vous pouvez croire », confiait La Richardie à un confrère. si Beauharnois permet-tait à une délégation de venir enlever le feu des Hurons pour le rallumer près de chez lui, renchérissait le missionnaire, il fallait absolument que ces « agents » soient de Kahnawake (ANoM, 74 : 268-268v). La Richardie se laissa bientôt convaincre que le projet de transmigration, tel qu’envisagé par le gouverneur et ses associés, n’avait comme autre objectif que de « nous enlever cette mission pour le [sic] faire tomber à son ami M. Piquet » (ibid., 75 : 124).

Le geste d’onehatetaionK

C’est dans ce contexte bien particulier, vraisemblable-ment pour contrecarrer la migration des Hurons du Détroit à Kanesatake, que Vincent onehatetaionk chercha à faire reconnaître les « droits », les « prétentions et […] prérogatives » que sa communauté prétendait avoir sur celle de Kanesatake. impossible de départager l’initiative des gens de Lorette de l’incitation des Jésuites dans cette démarche, hélas. En tous les cas, la situation s’envenima rapidement. Force est de constater qu’à cette époque les gens de Kanesatake ne débordaient pas d’égards pour ces parents éloignés qui avaient appuyé la fondation de leur communauté. Lors du dénouement de l’affaire, les chefs de Kanesatake déclarèrent à Beauharnois que Lorette ne méri-tait même pas d’être reconnue comme village, ses gens « n’étant qu’une poignée de monde qui se cachoient, et qu’on ne voyoit jamais dans les guerres » (ibid., 75 : 139v).

Les voisins et « frères » algonquins et népissingues des iroquois de Kanesatake adoptèrent un discours semblable, ce qu’un de leurs orateurs avoua par la suite en déclarant qu’il s’était peut-être « échappé dans [s]a vivacité et [s]on ressentiment quelques paroles qui auroient pu faire de la peine aux Hurons de Lorette » (ibid. : 108v).

Les iroquois de Kanesatake ne s’étaient pourtant pas opposés à la saisie de onehatetaionk. ils avaient, selon Beauharnois, en cela respecté le décorum autochtone, chez qui on avait « la manière […] de se laisser tout enlever sans rien dire, mais ils n’en pensent pas moins, dans l’espérance qu’ils ont de se venger » (ibid. : 139). Avec plus de recul, il est permis de croire que cette passivité tenait autant de la conjoncture politique interne à Kanesatake que d’une quelconque politesse coutumière. L’enlèvement physique des colliers et l’enlèvement symbolique du feu du conseil avaient en fait exposé et exacerbé la faiblesse de la chefferie du village à cette époque.

Les chefs « du Lac » se présentèrent donc devant le gouverneur pour lui faire leurs remontrances. L’enlèvement symbolique du feu du conseil les avait, expliquèrent-ils, « plongés dans la dernière tristesse ». Beauharnois n’en dit malheureusement pas long sur les revendications huronnes ou sur le contexte de cette querelle. son rapport indique en fait au ministre que le dépôt fondateur du wampum avait eu lieu « il y a environ 7 ans », erreur de compré-hension ou de transcription de la part du gouverneur ou de son secrétaire ; erreur que le gouverneur de Montréal, Josué Dubois Berthelot de Beaucours, ne commet pas dans le résumé des affaires du gouvernement de Montréal qu’il fait lui-même parvenir à la cour. Dans ce résumé, Beaucours indique « il y a environ 70 ans », ce qui semble plus juste et permet de relier les événements de 1740 à ceux de 1675 (ibid., 76 : 263v-264, nos italiques).

D’autres détails sont flous. Beauharnois se contredit, affirmant dans une missive avoir obligé onehatetaionk à déposer les deux colliers chez Beaucours jusqu’à ce que l’affaire soit réglée, mais indiquant ailleurs que les colliers étaient demeurés en la possession de ce chef (ibid., 75 : 139 ; cf. 76 : 263v-264). Chose certaine, la justice d’onontio se faisait attendre, obligeant les chefs de Kanesatake à revenir voir le gouverneur lors de son séjour à Montréal à l’été de 1741. Cette fois-ci, Beauharnois écrivit à Québec pour qu’on fasse venir Vincent onehatetaionk et les autres chefs de Lorette. Le père Pierre-Daniel Richer, supérieur de cette mission, fit craindre à onehatetaionk qu’on s’apprêtait à lui « casser la tête en plein conseil », mais là n’était pas l’intention du gouverneur. s’étant au préalable entretenu avec les chefs hurons, ce dernier convoqua les chefs de Kanesatake à un conseil (ibid., 76 : 263v-264).

Beaucours laisse entendre que ceux de Lorette avaient « abandonn[é] leurs prétentions et leurs prérogatives » à condition que Beauharnois allume un nouveau feu à Kanesatake (ibid. : 263v-264). Mais Beauharnois laisse entendre que l’idée était la sienne. Quoi qu’il en soit, il fut conclu qu’onehatetaionk remettrait les colliers qu’il avait emportés et que le gouverneur se chargerait de rallumer le

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feu du conseil. onehatetaionk se leva, présenta un collier de wampum aux iroquois et fit un discours réconciliateur. « [i]l semblait, dit-il, qu’un Ange était descendu du ciel pour m’inspirer ces sentiments afin de rendre la terre tran-quille ». satisfait d’avoir rétabli la bonne entente au sein de l’alliance au cas où reprendrait la guerre contre la Grande-Bretagne, le gouverneur nota dans son rapport que les chefs de Kanesatake et de Lorette « se séparèrent en bon freres » (ibid., 75 : 139v-140).

Beauharnois, ne s’arrêta cependant pas là. il voulut aussi profiter de l’occasion pour raffermir son autorité personnelle auprès des alliés et, comme Frontenac soixante-dix ans plus tôt, rabaisser la mission jésuite en élevant la sulpicienne. Lors d’un grand conseil tenu à Kanesatake le 12 août 1741, Jean-Baptiste-Nicolas-Roch de Ramezay vint au nom du gouverneur « rallumer un nouveau feu » pour remplacer celui qui avait été allumé jadis par les Hurons de Lorette et « replanter l’arbre » qui avait été abattu par l’enlèvement des colliers (ibid. : 110. Ce grand conseil a fait l’objet d’une analyse détaillée dans Johnston 1999 : 11-21). s’inspirant des conventions autochtones, onontio s’adressa aux membres de l’assem-blée, réorganisant la chefferie et promettant de faire preuve de bonté, demandant en retour leur soumission et fidélité. onontio se déclara « maître absolu de votre village […] en allumant le feu de vos conseils » (ibid. : 111).

Les chefs, les anciens, les femmes et les guerriers du village, ne manifestant aucun désaccord, se montrent reconnaissants : on devine que c’est pour la forme et que la portée de ce coup de force diplomatique fut vraisembla-blement moins importante que se l’imagina alors le gou-verneur. Ne voulant cependant pas trop nous éloigner de notre problématique, celle des origines huronnes de Kanesatake, contentons-nous de signaler que les liens qui unissent les iroquois du lieu aux Hurons de Lorette, bien qu’ils eussent servi de prétexte à la démarche des autorités françaises, ne sont à peu près pas évoqués dans les pro-cès-verbaux du grand conseil du 12 août. onontio fait seulement une allusion à la fondation lointaine du village. « Mes enfans, déclare-t-il, je ne sçaurois oublier la parole que vous me donnâtes au commencemens de l’établissement de votre village à la Montagne ou vous me dîtes que vous vous placiés sous mes aîles, et vous m’ajoutâtes que ceux qui me mordroient, vous mordroient aussy. » (ibid. : 110)

Cette affirmation cadre plutôt mal avec le procès-verbal de 1675, car celui-ci ne recèle aucune déclaration d’alliance militaire. Achindwanes et les siens s’étaient présentés comme vulnérables, « le reste de ces pauvres Hurons », et avaient demandé à onontio de les prendre en pitié. ils lui avaient demandé d’être protégés et placés « souls tes essailes », certes, mais c’était pour éviter que leurs voisins français ne prennent avantage d’eux (MCQ 1675) ! ils n’avaient pas, si l’on se fie à ce document, promis de lutter contre des ennemis communs. La guerre franco-iroquoise, conclue par la Paix de 1667, n’avait pas encore été ranimée, et la menace britannique était encore bien éloi-gnée. or, les gens de Kanesatake acquirent une importance

militaire de premier plan entre 1675 et 1740. L’interprétation de Beauharnois reflète bien cette évolution, mais très imparfaitement le contexte de la fondation.

En septembre 1741, Beauharnois notait que les « sauvages du Lac » étaient descendus « pour visiter leurs frères de Lorette et renouveler leur ancienne amitié ». il leur fit donner de quoi faire festin (ANoM, 75 : 142-142v). La controverse occasionnée par les revendications de Vincent onehatetaionk s’était ainsi résorbée. La crise sous-jacente, provoquée par le projet de transmigration des Hurons du Détroit et les angoisses des Jésuites, fut sur ces entrefaites balayée. Cet été-là, tandis que le gouverneur tentait de mettre de l’ordre chez les habitants des missions, son neveu, Claude, Chevalier de Beauharnois, arrivait au Détroit en compagnie d’une délégation d’iroquois de Kahnawake et de Kanesatake et de Hurons de Lorette dans le but de faire aboutir le projet de la migration (ibid. : 93-93v).

Les espoirs du gouverneur et du chevalier furent déçus. Les Hurons du Détroit venaient tout juste de se réconcilier avec les outaouais, et la recherche d’un refuge était par conséquent devenue moins pressante. Par ail-leurs, les iroquois de la délégation ne se montrèrent pas enthousiastes, faisant valoir qu’ils « ne voyaient qu’avec peine qu’une nation nouvelle vint partager avec eux les pays de chasse et les grâces de sa M[a]j[es]té » (ibid. : 77, 352). La région de Montréal s’avérait ainsi moins accueillante qu’au siècle précédent.

ConCLusion

Cette histoire nous invite à contempler la réalité vécue des identités humaine, plus fluides et floues que les étiquettes des chroniqueurs du xviie siècle et que, par fétichisme de continuité, la politique et la jurisprudence du xxie ne le laissent trop souvent entendre. Kanesatake est aujourd’hui une communauté mohawk, mais de toute évidence elle a comporté une composante huronne impor-tante, voire fondatrice, pendant les années 1670. C’est aussi le cas de Kentake/Kahnawake. Notre esquisse de la trajectoire des Hurons qui, devenus Nouveaux iroquois, deviennent pleinement iroquois dans la vallée du saint-Laurent, n’inviterait-elle pas à pousser la réflexion sur la « guerre de deuil » ? À la suite de Richter et de Viau, les historiens reconnaissent aujourd’hui en ce complexe inté-gratif un trait fondamental de la société iroquoise au xviie siècle, mais à la lumière de cette étude, ses contours et sa portée ne semblent-ils pas plus étendus et inattendus qu’on ne le croyait ?

La relecture des sources d’époque, à la recherche d’indices de la reconfiguration des identités ethnolinguistiques et à la lumière des apports de la psychologie et de la sociologie contemporaines, ne permettrait-elle pas de mieux saisir encore le cheminement des individus, des familles et des communautés dont la spécificité s’est estompée plus ou moins rapidement ? ou qui, a contrario, ont maintenu ces spécificités, comme l’ont fait les gens de Lorette-Wendake ? Les modèles théoriques de l’acculturation et de l’assimila-tion, développés pour l’étude des sociétés contemporaines,

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ne pourraient-ils pas apporter un nouvel éclairage sur cette période et ce contexte culturel fort éloigné du xviie siècle ? Le dénouement de l’histoire, en tout cas, confirme bel et bien la remarquable efficacité du complexe intégratif iro-quois dans la longue durée : le processus assimilatif, entamé en iroquoisie, pour un très grand nombre se consomme dans la vallée du saint-Laurent.

Notes

1. Voir notamment Jon Parmenter, qui décrit cette migration vers le nord comme « un retour planifié à d’anciens secteurs de résidence » et une démarche déterminée ayant comme objectif « d’effectuer des changements permanents dans la composi-tion spatiale de la Ligue » (Parmenter 2010 : 127-147 ; com-parer avec Green 1991 et Richter 1992, p. ex.).

2. Louise Tremblay et Maxime Boily se sont quelque peu attardés à cet événement, sans toutefois pousser bien loin la réflexion sur les origines huronnes des acteurs (Tremblay 1981 : 57-58 ; Boily 2006 : 135-139). L’affirmation de Tremblay, selon laquelle la mission « doit son existence à la volonté d’auto-nomie d’une population autochtone hétéroclite qui avait comme dénominateur commun un statut d’esclave » (nos italiques), a par ailleurs poussé d’autres auteurs à parler à tort d’une popu-lation de « captifs » (Dickinson 2007 : 359).

3. sur l’identité de Vincent onehatetaionk et de la famille Vincent, voir Lainey et Peace 2013 : 206.

Remerciements

Je tiens à remercier les participants au Congrès d’études wendat et wyandot, tenu à Wendake, les 13-16 juin 2012, d’avoir eu la bonté de réagir à une version préliminaire de ce texte. Jonathan Lainey, Tom Peace et Andrew sturtevant ont contribué à alimenter ma réflexion d’une manière toute particulière. Ce dernier a par ailleurs eu l’amabilité de me transmettre une copie de sa thèse avant qu’elle ne soit disponible publiquement. Merci, enfin, à la rédaction de RAQ ainsi qu’aux deux lecteurs anonymes.

Ouvrages cités

Documents d’archives

AADNC (Affaires autochtones et Développement du Nord Canada), 2013 : Profil des communautés autochtones du Québec. <http://www.aadnc-aandc.gc.ca/Mobile/Nations/profile_kanesatake-fra.html> (consulté en janvier 2013).

ANF (Archives nationales de France), s.d. [1732] : « Relation d’une expédition faitte sur les Renards par un petit party de sauvages […] ». Fonds saint-sulpice, Mss. 1200.

ANoM (Archives nationales d’outre-Mer, Aix-en-Provence), 1458-1784 : Colonies, C11A, Correspondance générale, 122 vol. :

—, Frontenac à Colbert, 14 novembre 1674. Vol. 4: 206-209.

—, Mémoire de Denonville à seignelay, janvier [1690]. Vol. 11 : 186.

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—, « Addition à la relation de la défaite des Renards », 1732. Vol. 57 : 320-321v.

—, Boishébert à Beauharnois, 28 février 1732. Vol. 57 : 298-307.

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—, Mémoire de Canada, 1740 et 1741, par Josué Dubois Berthelot de Beaucours, [1741]. Vol. 76 : 263v-264.

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—, Paroles de Beauharnois aux sauvages du Lac des Deux Montagnes, 12 août 1741. Vol. 75 : 110-114v.

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—, Payen de Noyan au ministre, 20 août 1742. Vol. 75 : 77, 352.

AsssM (Archives du séminaire de saint-sulpice de Montréal) s.d. [a] : « Notes de M. Roupe sur la composition ethnique de la mission ». Carton 49-50, n˚ 4.

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—, s.d. [c] : Pierre Rousseau, « Notes historiques sur Dominique de Galinier ». Tiroir 72, n˚ 36.

—, 1675 : Procès-verbal d’arpentage fait par Bénigne Basset, 6 décembre. Tiroir 43, chemise 2, n˚ 3 bis.

BAC (Bibliothèque et Archives Canada), 1685 : Recensement, cote MG1 G1, vol. 461.

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