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MAN/DA/MM/MK Douala, le 22 avril 2016 LES MODES ALTERNATIFS DE REGLEMENT DES DIFFERENDS : L’ARBITRAGE Chers Confrères, J’ai été conviée par le Barreau avec ma consœur Maître Moungou Marie-Josèphe à vous parler des Modes Alternatifs de Règlement des litiges ci-après MARL ou on dira aussi MARD, Modes Alternatifs de Règlement des Différends. Depuis quelque temps, j’ai décidé de spécialiser mon activité professionnelle dans ce domaine, et plus précisément dans celui de l’arbitrage et de la médiation. Je réalise ainsi un vieux rêve de jeunesse, en même temps que je suis intéressée par de nouveaux challenges, sans doute les derniers d’une activité professionnelle de 40 ans cette année. Cette spécialisation doit me permettre également de gérer différemment mon agenda, et notamment de donner un peu de temps à cette profession qui est la nôtre. Pourquoi devriez-vous vous intéresser aux MARL ? Plusieurs intérêts à mon point de vue : intérêt intellectuel car c’est un concept qui regroupe des notions déjà connues, d’autres nouvelles avec une rationalisation de la mise en œuvre et des effets, un intérêt professionnel, car vous pouvez y être confronté dans votre exercice professionnel, et il faut être prêt à réagir d’une manière adéquate ou de conseiller leur utilisation à vos clients dans le cadre d’une recherche d’efficacité de vos prestations. Intérêt économique. En effet, autour de ces MARL, différentes activités économiques se développent avec des métiers qui ne sont pas réservés aux avocats, mais pour lesquels, avec un peu de formation, ils sont bien outillés pour se les approprier. Il serait dommage que les avocats abandonnent ce marché à d’autres, mais encore, faut -il, pour faire face à la concurrence, se former, je l’ai dit ci -dessus, mais aussi parfois sortir de l’esprit de procédure qui est le nôtre. Certes, au stade actuel des MARL au Cameroun et pour un jeune qui débute, la spécialisation dans ce domaine ne va pas vous permettre de faire vivre un cabinet. Il faut cependant voir l’avenir et sans aller jusqu’à la spécialisation, les MARL peuvent constituer une part de votre activité. Plusieurs métiers sont envisageables dans ce cadre, bien sûr celui de conseiller, mais aussi d’arbitre et de médiateur. Et puis, il faut participer à la création d’un cercle vertueux. Les MARL ne vont pas se développer s’il n’y a pas de professionnels compétents pour les conseiller, les initier, les diriger et les conduire à bonne fin, c’est-à-dire aboutir à la fin du différend.

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MAN/DA/MM/MK Douala, le 22 avril 2016

LES MODES ALTERNATIFS DE REGLEMENT DES DIFFERENDS :

L’ARBITRAGE

Chers Confrères,

J’ai été conviée par le Barreau avec ma consœur Maître Moungou Marie-Josèphe à vous

parler des Modes Alternatifs de Règlement des litiges ci-après MARL ou on dira aussi

MARD, Modes Alternatifs de Règlement des Différends.

Depuis quelque temps, j’ai décidé de spécialiser mon activité professionnelle dans ce

domaine, et plus précisément dans celui de l’arbitrage et de la médiation.

Je réalise ainsi un vieux rêve de jeunesse, en même temps que je suis intéressée par de

nouveaux challenges, sans doute les derniers d’une activité professionnelle de 40 ans cette

année.

Cette spécialisation doit me permettre également de gérer différemment mon agenda, et

notamment de donner un peu de temps à cette profession qui est la nôtre.

Pourquoi devriez-vous vous intéresser aux MARL ?

Plusieurs intérêts à mon point de vue :

intérêt intellectuel car c’est un concept qui regroupe des notions déjà connues, d’autres

nouvelles avec une rationalisation de la mise en œuvre et des effets,

un intérêt professionnel, car vous pouvez y être confronté dans votre exercice

professionnel, et il faut être prêt à réagir d’une manière adéquate ou de conseiller leur

utilisation à vos clients dans le cadre d’une recherche d’efficacité de vos prestations.

Intérêt économique. En effet, autour de ces MARL, différentes activités économiques se

développent avec des métiers qui ne sont pas réservés aux avocats, mais pour lesquels,

avec un peu de formation, ils sont bien outillés pour se les approprier.

Il serait dommage que les avocats abandonnent ce marché à d’autres, mais encore, faut-il,

pour faire face à la concurrence, se former, je l’ai dit ci-dessus, mais aussi parfois sortir de

l’esprit de procédure qui est le nôtre.

Certes, au stade actuel des MARL au Cameroun et pour un jeune qui débute, la spécialisation

dans ce domaine ne va pas vous permettre de faire vivre un cabinet. Il faut cependant voir

l’avenir et sans aller jusqu’à la spécialisation, les MARL peuvent constituer une part de votre

activité. Plusieurs métiers sont envisageables dans ce cadre, bien sûr celui de conseiller, mais

aussi d’arbitre et de médiateur. Et puis, il faut participer à la création d’un cercle vertueux.

Les MARL ne vont pas se développer s’il n’y a pas de professionnels compétents pour les

conseiller, les initier, les diriger et les conduire à bonne fin, c’est-à-dire aboutir à la fin du

différend.

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Les MARL sont divers et sont appelés à s’enrichir de nouveaux modes de règlement pour une

toujours meilleure adaptation aux besoins.

On peut citer : l’arbitrage, la médiation, la conciliation, le droit collaboratif, l’expertise, la

négociation, etc.

Aujourd’hui, nous parlerons de la médiation et de l’arbitrage. La médiation sera développée

par Maître Moungou Marie-Josèphe et je parlerai de l’arbitrage.

La durée de la présente session ne permet pas de vous parler en détail de l’arbitrage.

Je me limiterai donc à une brève présentation générale qui, je l’espère, vous donnera quelques

clés lorsque vous aurez à traiter de sujets en rapport avec l’arbitrage.

La présentation qui suit se limitera à traiter de l’arbitrage tel qu’il est organisé d’une part par

le Traité de Port Louis du 17 octobre 1993 relatif à l’harmonisation du droit des Affaires en

Afrique, ci-après le Traité et le Règlement de la CCJA, ci-après le RA de la CCJA, et d’autre

part par l’Acte uniforme relatif à l’arbitrage, ci-après l’AUA.

Je n’évoquerai pas le Règlement d’Arbitrage des Centres d’arbitrage nationaux et les

interactions avec l’AUA. Néanmoins, au stade de l’introduction, je voudrais vous indiquer

que l’Ohada connaît un système dual d’arbitrage.

Il y a d’une part :

l’arbitrage CCJA régi par le Traité de Port Louis et le R.A. de la CCJA qu’on appellera

arbitrage CCJA,

l’arbitrage développé devant les Centres d’arbitrage de la zone Ohada qui est régi par le

R.A. de chacun de ces Centres et l’AUA.

Vous entendrez également parler de l’arbitrage institutionnel, c’est-à-dire celui qui est

organisé par un Centre.

Par opposition, il y a l’arbitrage ad hoc qui est celui organisé librement par les parties dans

leur convention, en dehors du Règlement d’arbitrage d’un Centre.

Je terminerai en situant les MARL par rapport à la justice étatique.

Les MARL existent parce que l’Etat a autorisé leur fonctionnement.

Les MARL ne sont pas connus et utilisés comme des concurrents à la justice étatique.

Les MARL sont une alternative, parce qu’il est reconnu dans le monde actuel, que les

différents sont d’une extrême diversité, tant par leur objet que par les besoins et la

psychologie des parties, par leur caractère national ou international, par les souhaits des

parties pour résoudre leur différent, leurs souhaits pour l’avenir de la relation, par leur besoin

de célérité, de confidentialité, par leurs moyens financiers, leurs cultures, etc.

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En reconnaissant la légitimité des MARL, l’Etat reconnaît la diversité des besoins et des choix

et le soutient. C’est pourquoi j’ajouterai à la notion d’alternatif celle de complémentarité.

En effet, lorsqu’il y a une difficulté dans la mise en œuvre de certains MARL, il faut avoir

recours au juge étatique.

De même, si dans la grande majorité des cas les décisions issues des MARL sont exécutées

volontairement, le recours à la force exécutoire accordée par l’Etat peut s’avérer nécessaire.

Il faudra alors avoir recours au juge étatique pour l’obtention de l’exequatur et/ou de la

formule exécutoire.

Vous aurez donc à prendre en compte l’intervention du "juge compétent" selon la formule de

l’acte Ohada appelé ailleurs juge d’appui.

Après ces quelques précisions je vais entrer dans le vif du sujet.

1. DEFINITION ET FONDEMENTS JURIDIQUES DE L’ARBITRAGE

1.1. Définition

L’arbitrage peut être défini comme un mode privé de règlement des litiges fondé sur la

convention des parties. Il se caractérise par la soumission d’un litige à de simples particuliers

choisis par les parties.1 L’arbitrage confère à ces particuliers le pouvoir de poser des actes qui

s’imposent aux parties comme un véritable jugement susceptible d’exécution forcée après une

procédure d’exequatur.2

1.2. Fondements juridiques

1.2.a. Le Traité OHADA (ci-après « le Traité »)

En son article 2, le Traité OHADA consacre l’arbitrage comme une matière juridique qui

entre dans le domaine du droit des affaires.

Le titre IV du Traité intitulé « L’Arbitrage » règlemente le système d’arbitrage de la CCJA.

Cet arbitrage est limité aux litiges d’ordre contractuel (article 21 du Traité).

1.2.b. L’Acte Uniforme relatif au droit de l’Arbitrage (ci-après « AUA »)

Adopté le 11 mars 1999, ce texte constitue le droit commun de l’arbitrage dans l’espace

OHADA. Il est fondé sur l’article 2 du traité OHADA. Il est en cours de révision. Il vient en

complément des règlements d’arbitrage des centres d’arbitrage. Cependant, ces règlements

d’arbitrage ne doivent pas contenir des clauses qui sont contraire à l’AUA.

1 Paul-Gérard Pougoué, Jean-Marie Tchakouaet Alain Fénéon, “Droit de l’arbitrage dans l’espace OHADA”

Presses Universitaires d’Afrique (2000) page 8 2 Pierre Meyer, « OHADA : droit de l’arbitrage » Bruylant Bruxelles (2002) Page 21

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1.2.c. Le Règlement d’arbitrage de la CCJA (ci-après « RA de la CCJA »)

Le RA de la CCJA est fondé sur les articles 21 et suivants du Traité, et en particulier, sur

l’article 26, qui dispose que le règlement d’arbitrage est fixé par le Conseil des Ministres.

1.2.d. Le droit interne des Etats Parties à l’OHADA: le cas du Cameroun

Le Cameroun a adopté les textes suivants en matière d’arbitrage :

- Loi n° 2003/09 du 10 juillet 2003 désignant les juridictions compétentes visées à

l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage et fixant leur mode de saisine (ci-après

« la loi de 2003 »)

- Décret n° 2002/299 du 3 décembre 2002 désignant l’autorité chargée d’apposer la

formule exécutoire sur les arrêts de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de

l’OHADA et sur les sentences arbitrales rendues en application du règlement

d’arbitrage de ladite Cour et de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage (ci-après

« le décret de 2002 »)

- Loi n° 2007 001 du 19 avril 2007 instituant le juge du contentieux de l’exécution et

fixant les conditions de l’exécution au Cameroun des décisions judiciaires et actes

publics étrangers ainsi que des sentences arbitrales étrangères

- Loi n° 75/18 du 18 décembre 1975 relative à la reconnaissance des sentences

arbitrales3

- Loi n° 2006/15 du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire4

1.2.e. Autres sources (Convention de New York et CIRDI)

Parmi les autres sources de l’arbitrage figure la Convention de New York du 10 juin 1958.

Ratifiée par le Cameroun par décret n° 87/1041 du 24 juillet 1987 ratifiant la convention des

Nations Unies en date du 10 juin 1958 pour la reconnaissance et l’exécution des sentences

arbitrales étrangères, cette convention poursuit l’objectif de favoriser la circulation

internationale des sentences arbitrales. A cet effet, elle fixe des règles de reconnaissance et

d’exécution des sentences arbitrales étrangères.

Il y a lieu de mentionner également la Convention de Washington du 18 mars 1965 pour le

règlement des différends relatifs aux investissements entre Etats et ressortissants d’autres

Etats (« la Convention CIRDI »). Ladite convention est entrée en vigueur au Cameroun le 2

février 1967.

1.3. Champ d’application

Il convient de préciser le champ d’application de l’arbitrage OHADA. La convention

d’arbitrage doit viser des différends arbitrables, c’est-à-dire, des différends susceptibles d’être

tranchés par voie d’arbitrage, et elle doit être passée entre des parties admises à recourir à ce

3 Cette loi ne concerne que la reconnaissance des sentences arbitrales rendues par les organes arbitraux de la

Convention en date du 18 mars 1965 signée à Washington pour le règlement des différends relatifs aux

investissements entre Etat et Ressortissants d’autres Etats. 4 Cette loi, dans son article 15 alinéa 2(b) dispose que le président du tribunal de première instance ou le

magistrat du siège par lui délégué à cet effet est compétent pour connaître des demandes d’exequatur

(Convention CIRDI)

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mode de règlement des différends.5 Selon l’article 2 alinéa 1 AUA, « toute personne

physique ou morale peut compromettre sur les droits dont elle a la libre disposition ». La

notion d’arbitrabilité est ainsi liée à celle de la disponibilité des droits.

Conceptuellement, un droit est disponible lorsqu’il est sous l’absolue maîtrise de son titulaire,

qui peut tout faire à son propos, notamment l’aliéner et même y renoncer.6

L’article 21 du Traité OHADA et l’article 2 du RA de la CCJA indique par ailleurs que

le différend doit être d’ordre contractuel. Il faut entendre par différend d’ordre contractuel

un litige qui trouve son origine dans un contrat.

Il faut enfin prendre en compte le lien spatial entre le contrat à l’origine du différend et un

Etat partie au traité de l’OHADA. Ce lien spatial est constitué soit du lieu d’exécution – en

tout ou en partie – du contrat, soit du lieu du domicile ou de la résidence habituelle de l’un des

contractants dans un Etat de l’OHADA (article 21 du Traité OHADA et article 2 du RA de la

CCJA).

2. LE FONDEMENT DE LA JURIDICTION ARBITRALE : LA CONVENTION

D’ARBITRAGE

La convention d’arbitrage est la pièce angulaire de l’arbitrage. « Elle permet de prouver que

les parties ont consenti à se soumettre à l’arbitrage. »7Dès lors, elle constitue le fondement de

la juridiction arbitrale. On examinera trois aspects de la convention d’arbitrage.

2.1. La forme de la convention d’arbitrage et l’exigence d’un écrit

En ce qui concerne la forme, l’article 3 de l’AUA retient le principe d’un écrit au plan

probatoire en ces termes : « La convention d’arbitrage doit être faite par écrit, ou par tout

autre moyen permettant d’en administrer la preuve … » Cependant, il est permis de recourir

à « tout autre moyen » pour prouver l’existence d’une convention d’arbitrage. De même, en

matière d’arbitrage CCJA, l’article 5 alinéa 2 du RA de la CCJA oblige le demandeur à

l’arbitrage à produire « la convention d’arbitrage intervenue entre les parties. »

Par ailleurs, la convention d’arbitrage peut également être prouvée par la référence faite à un

document la stipulant : article 3 de l’AUA. C’est ce qu’on appelle la clause compromissoire

par référence. A titre d’illustration, les parties à un contrat litigieux peuvent ne pas prévoir

de clause compromissoire dans ledit contrat. Toutefois, le contrat litigieux fait référence à des

conditions générales ou à un autre acte qui contient une clause compromissoire.8

2.2. La compétence de l’arbitre pour statuer sur le litige

La convention d’arbitrage a pour effet, entre les parties, de les obliger à soumettre à des

arbitres un litige déjà né (hypothèse du compromis) ou un litige éventuel (hypothèse de la

5 Philippe Fouchard, Emmanuel Gaillard et Berthold Goldman, « Traité de l’arbitrage commercial

international » Editions Litec (1996) Page 329 6 Pierre Meyer, op.cit, page 100 7 Alan Redfern, Martin Hunter & Murray Smith, « Droit et pratique de l’arbitrage commercial international »

2eme édition, LGDJ, (1994) Page 106 8 Pierre Meyer, op.cit page 109

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clause compromissoire). Dès lors, la convention d’arbitrage confère aux arbitres des

pouvoirs juridictionnels – dont l’étendue est fixée par la convention – de vider le litige en

départageant les parties.

2.3. L’incompétence des juridictions étatiques pour statuer sur le litige

Le corollaire de la compétence de l’arbitre pour statuer sur le litige est l’incompétence des

juridictions étatique pour statuer sur le même litige. Cette incompétence est posée par l’article

13 alinéa 1 de l’AUA qui dispose que « lorsqu’un litige, dont un tribunal arbitral est saisi en

vertu d’une convention arbitrale est porté devant une juridiction étatique, celle-ci doit, si

l’une des parties en fait la demande, se déclarer incompétente. ». L’alinéa 2 du même article

ajoute que « si le tribunal arbitral n’est pas encore saisi, la juridiction étatique doit

également se déclarer incompétente à moins que la convention d’arbitrage ne soit

manifestement nulle. »

3. APERCU SUR L’INSTANCE ARBITRALE

3.1. La mise en place du tribunal

La prééminence de la convention des parties est fondamentale à la mise en place du tribunal

arbitral, même si dans certains cas, l’intervention du juge est nécessaire pour constituer le

tribunal.

La constitution conventionnelle du tribunal est consacrée par l’article 5 de l’AUA qui dispose

que les arbitres sont nommés, révoqués ou remplacés, conformément à la convention des

parties.

Cependant, l’AUA limite la liberté des parties par deux conditions. La première limitation,

exprimée à l’article 8 alinéa 1 AUA, prévoit que « le tribunal arbitral est constitué soit d’un

seul arbitre, soit de trois arbitres. » C’est la règle de l’imparité. La deuxième limitation est

prévue par l’article 9 de l’AUA qui dispose que « les parties doivent être traitées sur un pied

d’égalité et chaque partie doit avoir toute possibilité de faire valoir ses droits. » Cette

limitation concerne le respect de l’égalité des parties.

En ce qui concerne l’appui judicaire à la constitution du tribunal, les articles pertinents sont

les articles 5 et 8 de l’AUA.

Un désaccord peut persister sur la désignation de l’arbitre unique, ou l’une des parties peut se

refuser à désigner un arbitre, ou encore les arbitres désignés par les parties peuvent ne pas

s’accorder sur le choix d’un troisième arbitre. Dans ces cas, l’article 5 permet la saisine du

juge étatique par l’une des parties afin qu’il nomme un arbitre. Selon l’article 2 de la loi de

2003, le juge compétent visé par l’article 5 de l’AUA est le président du tribunal de première

instance du lieu de l’arbitrage ou le magistrat qu’il délègue à cet effet.

En matière d’arbitrage institutionnel, le RA de la CCJA, comme l’AUA, confère une

prééminence à la volonté des parties dans la désignation des arbitres. Mais le choix des

parties est limité entre un tribunal composé d’un ou de trois arbitres (article 3.1 RA de la

CCJA). A défaut d’accord des parties quant au nombre d’arbitres, la CCJA nomme un arbitre

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unique, à moins que le différend ne lui paraisse justifier la désignation de trois arbitres. Si les

parties choisissent un arbitre unique, le choix de celui-ci repose d’abord sur leur commune

volonté. Ce n’est qu’à défaut d’accord que l’arbitre sera désigné par la Cour (article 3.1 alinéa

2 RA de la CCJA).

3.2. Le déroulement de l’instance

Une fois de plus, la loi fait une large place à la volonté des parties. L’article 14 de l’AUA

énonce que « les parties peuvent directement ou par référence à un règlement d’arbitrage

régler la procédure arbitrale ; elles peuvent aussi soumettre celle-ci à la loi de procédure de

leur choix. » Cette disposition accorde aux parties la possibilité de régler elles-mêmes la

procédure que les arbitres suivront. A défaut de volonté des parties, l’AUA retient le principe

de la volonté des arbitres dans l’alinéa 2 de l’article 14 : « faute d’une telle convention, le

tribunal arbitral peut procéder à l’arbitrage comme il le juge approprié. »

L’instance est introduite soit lorsque les arbitres sont saisis par au moins l’une des parties, soit

lorsque l’une des parties entame la procédure de constitution du tribunal (article 10 alinéa 2 de

l’AUA). L’AUA ne fixe aucune forme à la saisine de la juridiction arbitrale.

Dans l’arbitrage CCJA, l’introduction de la procédure arbitrale est réglementée au moyen de

la demande d’arbitrage (article 5 du RA de la CCJA). Celle-ci, adressée au Secrétaire

Général de la Cour, doit contenir certaines mentions (l’exposé sommaire des prétentions du

demandeur et des moyens produits à l’appui etc). La demande d’arbitrage donne lieu à une

réponse adressée au Secrétaire Général de la Cour, et contenant certaines mentions (un bref

exposé de l’affaire et de la position du défendeur sur les demandes formées contre lui, etc).

Contrairement à l’AUA, le RA de la CCJA fixe une organisation préliminaire de l’instance.

Celle-ci consiste en une réunion qui constate certains éléments relatifs à l’arbitrage : la saisine

des arbitres, les demandes des parties, ainsi que certaines modalités de l’arbitrage (droit

applicable au fond, siège et langue de l’arbitrage, calendrier prévisionnel de la procédure) :

article 15.1 du RA de la CCJA. A la fin de la réunion, l’arbitre dresse un procès-verbal de

réunion qu’il signe. Les parties ou leurs représentants sont également invités à signer ce

procès-verbal (article 15.2 RA de la CCJA).

L’AUA et le RA de la CCJA contiennent diverses dispositions qui portent sur l’instruction de

l’affaire. L’instruction de l’affaire comporte l’examen des écritures et des pièces, l’audition

des parties, les témoignages et le recours à des experts (art. 14 AUA, art 19 RA de la CCJA).

3.3. Le fond du litige

Le traitement du fond du litige se fait en droit, sauf en cas d’amiable composition.9 L’article

15 alinéa 2 de l’AUA et l’article 17 alinéa 3 du RA de la CCJA disposent que les arbitres

peuvent statuer en amiable compositeur si les parties ont donné leur accord sur ce point.

L’amiable composition permet au tribunal arbitral de s’écarter, dans certaines limites, des

exigences légales ou contractuelles, en vue de trouver une solution équitable au litige. La

différence fondamentale entre les arbitres et les amiables compositeurs tient au fait que ces

9Pierre Meyer, op.cit page 186

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derniers ne sont pas tenus d’appliquer strictement les règles de droit pour interpréter les

obligations des parties, s’ils estiment qu’une stricte application du droit conduirait à un

résultat inéquitable.10 Selon la jurisprudence française, les arbitres qui statuent en amiable

compositeur recherchent la solution la plus juste, en partant tantôt de la loi qu’ils modèlent ou

en écartant les effets, ou en procédant à une recherche plus directe de la solution.11

Cependant, les amiables compositeurs doivent préserver l’égalité de traitement entre

parties et sont tenus par les règles d’ordre public.12

Pour ce qui est du choix du droit applicable, l’article 15 de l’AUA et l’article 17 alinéa 1 du

RA de la CCJA impose une obligation aux arbitres de trancher le fond du litige selon le droit

désigné par les parties. A défaut de choix des parties sur le droit applicable au fond du litige,

l’article 15 de l’AUA précise que les arbitres appliquent les règles de droit choisies par eux

comme les plus appropriées. Selon l’article 17 alinéa 1 du RA de la CCJA, « A défaut

d’indication par les parties du droit applicable, l’arbitre appliquera la loi désignée par la

règle de conflit qu’il jugera appropriée en l’espèce. Dans tous les cas, l’arbitre tiendra

compte des stipulations du contrat et des usages du commerce. »

4. LA SENTENCE ARBITRALE

4.1. L’élaboration et le contenu de la sentence arbitrale

La sentence suppose que les arbitres prennent une décision. Dans un tribunal composé de trois

arbitres, la sentence est rendue à la majorité des voix : article 19 alinéa 2 de l’AUA, article

22.3 RA de la CCJA. En arbitrage CCJA, les projets de sentence sur la compétence, de

sentences partielles qui mettent un terme à certaines prétentions des parties et de sentences

définitives sont soumises à l’examen de la Cour avant signature : article 23 du RA de la

CCJA.

Les articles 20 et 21 de l’AUA indiquent les mentions de la sentence. Entre autres, ces

mentions sont les suivantes : les noms et prénoms des arbitres qui l’ont rendue, la date de la

sentence, le siège du tribunal arbitral, les noms, prénoms et dénominations des parties ainsi

que leur siège social, etc. La sentence doit être motivée et signée par le ou les arbitres.

4.2. L’exequatur selon l’AUA

Les conditions de fond de l’exequatur sont, d’une part, la preuve de l’existence de la sentence

arbitrale et, d’autre part, la non-contrariété de la sentence à une règle d’ordre public

international des Etat parties (article 31 alinéas 1 et 4 de l’AUA). La preuve de l’existence de

la sentence est établie par la production de l’original accompagné de la convention

d’arbitrage. Il est admis de produire des copies authentiques desdits documents.

La décision d’exequatur est « rendue par le juge compétent dans l’Etat partie » (article 30

AUA). Au Cameroun, la procédure est réglementée par la loi de 2003. Selon l’article 4 alinéa

2 de la loi de 2003, le juge compétent est le président du tribunal de première instance du lieu

où l’exécution de la sentence est envisagée ou, le cas échéant, celui du domicile du défendeur.

10 Alan Redfern, Martin Hunter & Murray Smith, op.cit, pages 29-30 11 Paris 15 mars 1984, Rev.arb, 1985 285 ; Sentence CCI n° 5118 (1986), JDI, 1987, 1087 ; Sentence CCI n°

5103 (1988), JDI, 1988, 1206, in Jean-Marie Tchakouaet Alain Fénéon , op.cit , page 128 12 Pierre Meyer, op.cit page 187

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Le président du tribunal de première instance est saisi par voie de requête ou par « motion ex

parte », accompagnée des pièces établissant l’existence de la sentence arbitrale tel que précisé

à l’article 31 de l’AUA : article 5 alinéa 2 de la loi de 2003. L’article 6 de la loi de 2003

précise que lorsque l’exequatur est accordé à une sentence, la formule exécutoire est apposée

sur la sentence à la diligence du greffier en chef du tribunal de première instance saisi.

Aucun recours n’est permis contre la décision qui accorde l’exequatur (article 32 alinéa 2

AUA). Toutefois, le recours en annulation de la sentence emporte de plein droit recours

contre la décision ayant accordé l’exequatur (article 32 alinéa 3 AUA). La décision qui refuse

l’exequatur n’est susceptible que d’un pourvoi en cassation devant la CCJA (article 32 alinéa

1 AUA).

4.3. L’exequatur selon le RA de la CCJA

Les conditions de fond de l’exequatur sont exposées à l’article 30.6 du RA de la CCJA : il

faut que l’arbitre n’ait pas statué sans convention d’arbitrage ou sur une convention nulle ou

expirée ; qu’il n’ait pas statué sans se conformer à la mission qui lui a été confiée ; il faut que

la procédure contradictoire ait été respectée ; il est nécessaire que la sentence ne soit pas

contraire à l’ordre public international.

La procédure d’exequatur est réglée par l’article 30 du RA de la CCJA. L’exequatur est

demandé par une requête adressée à la Cour et ladite requête donne lieu à une procédure non

contradictoire. L’exequatur est accordé ou refusé par une ordonnance rendue par le président

de la Cour ou le juge délégué à cet effet.

L’article 30 du RA de la CCJA ne précise pas les documents à soumettre pour obtenir

l’exequatur. Cependant, à la lecture de l’article 28 du RA de la CCJA, la Cour aura besoin de

l’original de la sentence arbitrale.

L’exequatur de la CCJA a pour effet de conférer la force exécutoire à la sentence dans

l’ensemble des Etats de l’OHADA. Le Secrétaire Général de la CCJA délivre à la partie qui

lui en fait la demande, une copie de la sentence certifiée conforme à l’original, sur laquelle

figure une attestation d’exequatur. Au vu de la copie conforme de la sentence revêtue de

l’attestation du Secrétaire Général de la CCJA, l’autorité nationale désignée par l’Etat pour

lequel l’exequatur a été demandé, appose la formule exécutoire telle qu’elle est en vigueur

dans ledit Etat (article 31 du RA de la CCJA)

Au Cameroun, l’autorité nationale prévue par l’article 31 du RA de la CCJA est le greffier en

chef de la Cour Suprême, selon le décret de 2002. Il convient de noter les dispositions de

l’article 1 alinéas 1 et 4 dudit décret :

« (1) Le Greffier en Chef de la Cour Suprême est chargé, sous le contrôle du Président de

ladite Cour, d’apposer la formule exécutoire sur les arrêts rendus par la Cour Commune de

Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’OHADA, ainsi que sur les sentences rendues en

application du Règlement d’Arbitrage de celle-ci.

(4) La formule exécutoire est apposée sur les sentences arbitrales susvisées au vu de la copie

conforme desdites sentences, revêtue de l’attestation d’exequatur délivrée par le Secrétaire

Général de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage. »

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5. LES VOIES DE RECOURS

5.1. Les voies de recours contre la sentence dans l’AUA

5.1.a. Le recours en annulation

L’article 25 de l’AUA dispose que la sentence arbitrale n’est pas susceptible d’opposition,

d’appel ni de pourvoi en cassation, et précise que la sentence arbitrale peut faire l’objet d’un

recours en annulation, qui doit être porté devant le juge compétent dans l’Etat partie. Le

recours est recevable dès le prononcé de la sentence. Il doit être introduit dans le mois de la

signification de la sentence munie de l’exequatur : article 27 de l’AUA. La décision du juge

compétent dans l’Etat partie n’est susceptible que de pourvoi en cassation devant la CCJA.

Selon l’article 4 alinéa 1 de la loi de 2003, le juge compétent visé par l’article 25 de l’AUA

est la Cour d’Appel du ressort du lieu de l’arbitrage.

L’article 26 de l’AUA liste les moyens du recours en annulation : si le tribunal a statué sans

convention d’arbitrage ou sur une convention nulle ou expirée ; si le tribunal arbitral a été

irrégulièrement composé ou l’arbitre unique irrégulièrement désigné ; si le tribunal arbitral a

statué sans se conformer à la mission qui lui a été confiée ; si le principe du contradictoire n’a

pas été respecté ; si le tribunal arbitral a violé une règle d’ordre public international des Etats

signataires du Traité OHADA ; si la sentence arbitrale n’est pas motivée.

5.1.b. Le recours en révision

L’article 25 alinéa 5 de l’AUA précise que la sentence arbitrale peut faire l’objet d’un recours

en révision en raison de la découverte d’un fait de nature à exercer une influence décisive et

qui, avant le prononcée de la sentence, était inconnu du tribunal arbitral et de la partie qui

demande la révision. Le recours en révision est porté devant le tribunal arbitral (article 25

alinéa 5, AUA). Ceci suppose que le tribunal arbitral puisse encore être réuni. Si cette

condition ne peut être remplie, le recours devrait pouvoir être porté devant une juridiction

étatique.

5.1.c. La tierce opposition

La tierce opposition peut être portée devant le tribunal arbitral par toute personne physique ou

morale qui n’a pas été appelée et lorsque cette sentence préjudicie à ses droits (l’article 25

alinéa 4 de l’AUA). Les tiers qui peuvent utiliser cette voie de recours sont des personnes qui

n’ont été ni parties, ni représentées à la convention d’arbitrage et à la sentence qui en résulte.

Le recours doit être porté devant le tribunal arbitral. Aucun délai pour agir n’est précisé par

l’AUA. Si la tierce-opposition réussit, la sentence sera rétractée par le tribunal arbitral à

l’égard du tiers-opposant et pour ce qui concerne les dispositions qui lui sont préjudiciables.

5.2. Les voies des recours contre la sentence dans le RA de la CCJA

5.2.a. Le recours en contestation de validité

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Ce recours est prévu par l’article 29 du R.A. de la CCJA qui dispose que si une partie entend

contester la reconnaissance de la sentence arbitrale et l’autorité définitive de chose jugée qui en découle, elle doit saisir la CCJA par une simple requête qu’elle notifie à la partie

adverse. Cette contestation n’est recevable que si dans la convention d’arbitrage, les parties

n’y ont pas renoncé. La contestation peut être déposée dès le prononcé de la sentence. Elle

cesse d’être recevable si elle n’a pas été déposée dans les deux mois de la notification de la

sentence arbitrale article 29.3 R.A de la CCJA).

L’article 29.2 (qui renvoie à l’article 30.6 ) énumère les conditions de fond de la contestation

de validité : si l’arbitre a statué sans convention d’arbitrage ou sur une convention nulle ou

expirée ; si l’arbitre a statué sans se conformer à la mission qui lui avait été confiée ; lorsque

le principe de la procédure contradictoire n’a pas été respecté ; si la sentence est contraire à

l’ordre public international.

La contestation est introduite devant la CCJA par une requête notifiée à la partie adverse.

Les parties peuvent renoncer à cette voie de recours dans leur convention d’arbitrage (article

29.2 RA de la CCJA). L’introduction du recours en contestation suspend l’instance en

exequatur de la sentence (article 30.3 RA de la CCJA). Si la CCJA accueille le recours, elle

annule la sentence (article 29.5 R.A de la CCJA). La CCJA évoque et statue au fond si les

parties en ont fait la demande. Si les parties n’ont pas demandé l’évocation, la procédure est

reprise à la requête de la partie la plus diligente à partir, le cas échéant, du dernier acte de

l’instance arbitrale reconnu valable par la Cour (article 29.5 R.A de la CCJA).

5.2.b. La révision

Le recours en révision est ouvert relativement à la découverte, postérieurement au prononcé

de la sentence, d’un fait inconnu et décisif (Article 32 RA de la CCJA renvoyant l’article 49

du Règlement de Procédure de la CCJA) Le délai pour exercer ce recours est de trois mois à

compter de la connaissance du fait susceptible de fonder la révision.

Toutefois, aucune demande en révision ne sera recevable après l’expiration d’un délai de 10

ans, à compter du prononcé de la sentence (article 49 alinéas 4 et 5 du Règlement de

Procédure de la CCJA). Alors que le recours en contestation de validité peut faire l’objet

d’une renonciation dans la convention d’arbitrage, les parties ne peuvent renoncer à l’exercice

de la révision.

5.2.c. La tierce-opposition

Il s’agit d’un recours exercé par un tiers, qui n’a pas été appelé, contre une sentence qui

préjudicie aux droits du tiers-opposant (article 33 du RA de la CCJA renvoyant à l’article 47

du Règlement de Procédure de la CCJA). Aucun délai n’enferme l’exercice de ce recours. La

procédure de tierce-opposition est contradictoire (article 47 alinéa 2 du Règlement de

Procédure de la CCJA). Si la tierce-opposition est accueillie, elle emporte rétraction de la

sentence dans la mesure où elle préjudicie aux droits du tiers-opposant (article 47 alinéa 3 du

Règlement de Procédure de la CCJA).

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Conclusion

Au terme de cet exposé, j’espère vous avoir donné, comme je l’ai dit au début de mon propos,

quelques clés pour avoir les bonnes réactions en matière d’arbitrage.

J’espère surtout que cet exposé vous a donné l’envie d’approfondir l’étude de l’arbitrage, à la

fois pour améliorer votre technique professionnelle, mais aussi pour élargir votre champ

d’activités.

Avant de terminer, quelques conseils pratiques :

lorsque vous conseillez un client pensez aux MARL

lorsque vous envisagez d’engager une procédure :

examiner l’opportunité ou non de conseiller à votre client une procédure qui relève

des MARL;

vérifier s’il n’existe pas une convention d’arbitrage entre votre client et la partie

adverse ;

vérifier s’il s’agit d’un arbitrage ad hoc ou institutionnel ;

si c’est un arbitrage institutionnel CCJA, vous référer au Traité et au Règlement

d’arbitrage de la CCJA et à certaines décisions administratives de la CCJA ;

si c’est un arbitrage auprès d’un centre d’arbitrage de la zone Ohada obtenir le

règlement de ce centre et l’étudier attentivement. Il y aura également lieu à

application de l’acte uniforme ;

vous informer également sur "le juge compétent" dans le pays concerné ;

étudier la liste des arbitres référencés, s’il y en a une, en obtenant leur C.V et par le

net.

Je vous remercie de votre attention.

Maître Marie-Andrée Ngwe

Avocat au Barreau du Cameroun

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BIBLIOGRAPHIE

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du règlement de la CCJA » EDICEF (2002)

2. Alan Redfern, Martin Hunter & Murray Smith, “Droit et pratique de l’arbitrage

commercial international”LGDJ (1994)

3. Gaston Kenfack Douajni « L’arbitrage OHADA » PUPPA (2014)

4. Paul-Gérard Pougoué, Jean-Marie Tchakoua et Alain Fénéon « Droit de l’arbitrage dans

l’espace OHADA » Presses Universitaires d’Afrique

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7. www.ohada.com

8. www.kluwerabitration.com

9. www.newyorkconvention.com

10. www.icsid.worldbank.org

11. www.legifrance.fr