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Index d'articles mis à jour le 01 Janvier 2014 Les dérives du capitalisme (01) 01. Three States Dump Major Private Prison Company In One Month - Think Progress, 21.06.2013 02. Trading algorithmique : mobilisation contre la "menace" des ordinateurs boursiers - Le Monde, 03. Trading haute fréquence & délits financiers - Blog de Paul Jorion, 15.05.2013 04. Le trading haute fréquence - ABC Bourse, Mai 2013 05. Comment jeter les banquiers voyous en prison, en dix leçons - Basta!, 29.04.2013 06. Le document de la BNP expliquant comment créer une société offshore en toute discrétion - Huffington Post, 04.04.2013 07. Crédit agricole, BNP Paribas.. des banques françaises à l'ombre des "palmiers"- Le Monde, 06.04.2013 08. Index 'Off-shore Leaks' - Le Monde, 05.04.2013 09. Affaire Cahuzac : les pistes fournies aux enquêteurs par un banquier de Genève - Le Monde, 20.03.2013 10. L'affaire Cahuzac en cinq questions - Le Figaro, 20.03.2013 11. Jérôme Cahuzac contraint de démissionner - Rue89, 19.03.2013 12. Le "blanchiment de fraude fiscale", qu'est-ce que c'est ? 19.03.2013 13. Dossier Médiapart : Le compte Cahuzac 14. How Wall Street's New Empire of Rental Homes Could Blow Up the Economy - Alter Net, 26.11.2013 15. Quand les actionnaires s’accaparent 60% des bénéfices des entreprises - Basta!, 05.12.2013 16. Why "Fines" Don't Stop Bad Corporate Behavior - Alter Net, 31.12.2013 1

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Index d'articles mis à jour le 01 Janvier 2014

Les dérives du capitalisme (01)➫ 01. Three States Dump Major Private Prison Company In One Month - Think Progress, 21.06.2013

➫ 02. Trading algorithmique : mobilisation contre la "menace" des ordinateurs boursiers - Le Monde,

➫ 03. Trading haute fréquence & délits financiers - Blog de Paul Jorion, 15.05.2013

➫ 04. Le trading haute fréquence - ABC Bourse, Mai 2013

➫ 05. Comment jeter les banquiers voyous en prison, en dix leçons - Basta!, 29.04.2013

➫ 06. Le document de la BNP expliquant comment créer une société offshore en toute discrétion - Huffington Post, 04.04.2013

➫ 07. Crédit agricole, BNP Paribas.. des banques françaises à l'ombre des "palmiers"- Le Monde, 06.04.2013

➫ 08. Index 'Off-shore Leaks' - Le Monde, 05.04.2013

➫ 09. Affaire Cahuzac : les pistes fournies aux enquêteurs par un banquier de Genève - Le Monde, 20.03.2013

➫ 10. L'affaire Cahuzac en cinq questions - Le Figaro, 20.03.2013

➫ 11. Jérôme Cahuzac contraint de démissionner - Rue89, 19.03.2013

➫ 12. Le "blanchiment de fraude fiscale", qu'est-ce que c'est ? 19.03.2013

➫ 13. Dossier Médiapart : Le compte Cahuzac

➫ 14. How Wall Street's New Empire of Rental Homes Could Blow Up the Economy - Alter Net, 26.11.2013

➫ 15. Quand les actionnaires s’accaparent 60% des bénéfices des entreprises - Basta!, 05.12.2013

➫ 16. Why "Fines" Don't Stop Bad Corporate Behavior - Alter Net, 31.12.2013

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By Aviva Shen on Jun 21, 2013 at 10:30 am

01. Three States Dump Major Private Prison Company In One Month

(Credit: AP)

State lawmakers who embraced private prisons as a cost-cutting measure are starting to have trouble ignoring their a b y s m a l c o n d i t i o n s . C o r r e c t i o n s Corporation of America, the largest and most powerful private prison company in the nation, lost four prison contracts in the past month after extensive reports of abuse, neglect, and even fraud within their operations.

Idaho cut ties with the corporation on Wednesday, which turned the state’s

largest prison into a violent hellhole inmates called “Gladiator School.” Earlier this year, CCA was caught understaffing the prison and using prison gangs to control the population. The company admitted to falsifying nearly 4,800 hours of staffing records to squeeze more money out of the state for nonexistent security work. Shift logs at the prison showed the same security guards working for 2 to 3 days at a time without breaks.

Last week, Texas closed two CCA prisons, including one with a history of suspicious prisoner deaths. One lawsuit alleges prison staff ignored an inmate’s cries for medical assistance, forcing her to give birth in a prison toilet to a baby that died four days later.

CCA was also booted from Mississippi earlier this month after multiple deadly riots over poor food and sanitation, lack of medical care, and mistreatment by guards. Mississippi is hiring another private prison company, MTC, to take over CCA’s contract — even though MTC runs another prison with the highest inmate assault rate in the state. Mississippi already terminated contracts with the other major private prison company, GEO Group, after it was found guilty of turning a juvenile facility into “a cesspool of unconstitutional and inhuman acts.” Despite this record, the state is apparently not ready to give up on private prisons.

There is no reason to believe these human rights abuses are isolated. CCA has faced numerous lawsuits and investigations in virtually every state where it does business. Most recently, the company had to pay $600,000 to settle a lawsuit over abuses in a Colorado prison. Another CCA prison in Ohio has flunked multiple audits due to its filthy and overcrowded facilities. Riots are common in private prisons all over the country.

The industry and its political allies have touted private prisons as a cost-saving alternative for cash-2

strapped states. But these companies have not actually saved money and even cost more than state-run prisons in some cases; CCA and others have been caught overcharging states by millions of dollars and extracting guarantees of 100 percent occupancy.

Though states are not seeing much fiscal benefit from these deals, the industry is thriving. Many of these companies are enjoying record profits. CCA has done especially well, rebounding from the verge of bankruptcy in 2000 to boast net profits of $162 million in 2011. However, the obvious violations and bad publicity may start to tip the scale against these companies, perhaps even outweighing the massive sums the industry has spent lobbying lawmakers.

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Le Monde.fr Edouard Pflimlin20.05.2013 à 15h51 Mis à jour le 20.05.2013 à 17h53

02.Trading a lgor i thmique : mobilisation contre la "menace" des ordinateurs boursiers

Le trading à haute fréquence (HFT, pour high frequency trading) ou trading algorithmique (algotrading) a-t-il encore frappé le 23 avril ? Ce jour-là, le compte principal de l'agence Associated Press (AP) sur Twitter a été piraté par une mystérieuse "Armée électronique syrienne".

Près de 2 millions d'abonnés avaient reçu un message annonçant un attentat à la Maison Blanche, et le président

Obama était donné pour blessé. Or les tweets sont surveillés par des outils informatiques de trading à haute fréquence qui réagissent à des mots-clefs. La combinaison de mots "explosions", "Obama" et "Maison Blanche" a été perçue comme pouvant avoir "un impact significatif" sur la place financière. Des milliards d'ordres ont été retirés des marchés en quelques secondes. En trois minutes, Wall Street perdait 136 milliards de dollars (105 milliards d'euros) de capitalisation avant de se rétablir.

Lire notre lexique Comprendre les mots de la finance

C'est donc un nouvel épisode mouvementé de l'algotrading. Mal appréhendée, cette technique boursière a pourtant assuré en 2009 70 % du volume des 10 milliards d'échanges quotidiens réalisés sur les différentes places boursières aux Etats-Unis, selon Tabb Group, une société américaine de

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conseil et de recherche sur la finance, contre 21 % en 2005. Depuis le HFT a baissé mais représente encore 53 % du volume des échanges en 2012 outre-Atlantique.

Cette pratique repose sur des machines capables d'exécuter des ordres à toute vitesse et de tirer ainsi profit des écarts de prix minimes sur les valeurs. Ces outils d'un nouveau genre arbitrent, fractionnent, achètent et vendent. L' échelle de temps est le millième de seconde et les moyens reposent sur des formules mathématiques complexes.

Son histoire est récente. Né aux Etats-Unis à la suite de l'informatisation des ordres sur les marchés financiers dans les années 1970, le HFT a pris son essor au début des années 2000, quand la décimalisation a modifié la taille des ordres en fractionnant leur valeur, passée d'un minimum de 1/16 de dollar (0,062 5 dollar) à 0,01 dollar. Cela a changé la microstructure du marché en créant des différences plus petites entre prix offerts et prix proposés, favorables aux opérations automatisées.

Une décennie plus tard, le boom du HFT est spectaculaire. Aux Etats-Unis, plus de 75 % des institutions financières et 95 % des traders institutionnels utilisent des stratégies de trading algorithmique. Les plus grosses sociétés américaines de trading algorithmique, comme Getco ou Citadel, traitent parfois de 10 à 20 % des actions de grandes sociétés cotées. L'Europe est "en retard" en la matière mais le Vieux Continent progresse vite : l'algotrading y est responsable de 37 % de l'activité de trading en 2012 (contre seulement 1 % en 2005), selon Finance Watch. Les acteurs majeurs sont surtout issus des Pays-Bas, pays qui a une très vieille tradition boursière, comme Flow Traders, IMC et Optiver.

Lire aussi L'explosion du trading à haute fréquence depuis 2007 en une image

ENJEUX FINANCIERSLes bénéfices sont élevés pour les opérateurs de HFT. Ils se sont élevés à 7,2 milliards de dollars en 2009. Mais la concurrence est rude et les bénéfices ont chuté à 1,8 milliard de dollars en 2012. Une partie des échanges se fait grâce à l'essor des dark pools et autres "Bourses de l'ombre". Un tiers des échanges d'actions passent aujourd'hui par ces plateformes opaques aux Etats-Unis et en Europe. Les teneurs du marché comme Getco, les fonds spéculatifs et les Bourses elles-mêmes se livrent à une bataille technologique coûtant des centaines de millions de dollars d'investissements pour gagner les quelques fractions de seconde qui leur permettront d'empocher des bénéfices juteux.

Les opérateurs boursiers ont aussi compris leur intérêt. Progressivement, ils proposent à leurs membres de louer des serveurs à quelques mètres, voire quelques centimètres du cœur des échanges électroniques. C'est ce qu'on appelle la "co-location". On estime qu'à chaque centaine de miles (160 kilomètres) supplémentaire de distance du lieu de l'opération, 1 millième de seconde est ajouté à celle-ci : ce qui peut faire perdre ou gagner des millions. Bientôt opérationnel, le projet "Hibernia", un tunnel de fibre optique sous l'Atlantique, va permettre de relier Londres à New York à très grande vitesse, 60 millisecondes, pour l'unique besoin des traders haute fréquence. Le gain de temps minime, 5 millisecondes, peut faire la différence.

UNE FLUIDITÉ ACCRUE DU MARCHÉ ?Les partisans de l'algotrading mettent en avant plusieurs arguments en faveur de cette technique boursière : les économies d'échelle ont contribué à diminuer les commissions sur les opérations et aussi à la consolidation des places boursières, c'est-à-dire au rapprochement entre les Bourses. Par ailleurs, un des bénéfices évidents pour les investisseurs est "la réduction des spreads [écarts] – différence entre le prix auquel un acheteur est désireux de payer un instrument financier et le prix auquel un vendeur est prêt à le vendre – ainsi qu'un accroissement de la liquidité", comme l'explique la Réserve fédérale de Chicago. La liquidité améliorée du marché boursier signifie qu'il est plus facile d'y échanger des valeurs, ce qui le rend plus attractif pour les investisseurs. C'est en tout cas l'argument avancé par les traders à haute fréquence. Ces opérations n'entraînent pas non plus une

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volatilité accrue du marché, c'est-à-dire une amplification de la fluctuation des cours.

Lire aussi Le trading à haute fréquence taxé en France

Mais comme le souligne Yann-Eric Le Boulch, président de CM-CIC Securities, l'algotrading aboutit aussi à une fragmentation de la liquidité en multipliant les ordres de plus en plus fins, ce

qui accroît les coûts de négociation et les frais informatiques. Les intervenants traditionnels peuvent y être perdants, même si la concurrence entre les Bourses fait baisser les prix. L'Autorité des marchés financiers (AMF) relativise elle aussi les bénéfices du HFT sur la liquidité, comme l'évoque son rapport sur la cartographie des risques de juillet 2012.

UN FAISCEAU DE RISQUES MULTIFORMESLes risques engendrés par l'algotrading sont multiples. D'abord le risque d'erreurs lors des opérations est accentué lorsque l'accès des clients aux opérations se fait par les machines, sans que cet accès soit filtré. Selon Robert L. D. Colby, ancien vice-directeur de la division trading et marchés de la Securities and Exchange Commission (la SEC, le gendarme de la Bourse américaine), en deux minutes, des centaines de milliers d'ordres valant des milliards de dollars peuvent être donnés. L'accroissement de la vitesse des opérations sans contrôle peut donc générer des pertes considérables.

De tels cas se multiplient, comme le montrent les journalistes suisses Frédéric Lelièvre et François Pilet dans leur livre Krach machine : comment les traders à haute fréquence menacent de faire sauter la Bourse, paru en mars. Les "algos sont fous", expliquent-ils. Ils évoquent le cas d'un des grands acteurs du HFT, Knight Capital, qui le "1er août 2012, en moins de 30 minutes, a pratiquement fait faillite" à cause d'un "bug informatique" lié à l'algotrading. Il a finalement perdu 461 millions de dollars avant d'être renfloué par un consortium d'investisseurs...

Les auteurs mentionnent aussi l'introduction en Bourse annulée de la plateforme électronique BATS, la plus brève de l'histoire : "Après 1,5 seconde de cotation, le cours de cette plateforme électronique tournée en grande partie vers les traders à haute fréquence ne valait que 0,002 cent contre 15,25 dollars 1 500 millisecondes plus tôt, à cause d'un algorithme. L'introduction en Bourse fut finalement annulée. En mai ce fut le tour de Facebook. Au moment où le réseau

social cherchait de nouveaux amis actionnaires en entrant en Bourse, la cotation a d'abord été retardée de 30 minutes, puis est devenue erratique après un deuxième black-out de 17 secondes, mettant en cause une averse d'ordres et une infrastructure boursière débordée..."

L'algotrading pose également le problème d'un accès équitable au marché. Cette technique avantage les intervenants de grande envergure qui peuvent négocier numériquement de larges volumes de titres, presque à la vitesse de la lumière. Ce qui pose la question des prix du marché : reflètent-ils la valeur du marché ou sont-ils biaisés et avantagent-ils les gros opérateurs ? Si tel est le cas, on s'écarterait d'un fonctionnement efficient des marchés financiers.

FACTEURS DE KRACHS BOURSIERS ?Enfin l'algotrading peut-il conduire à des krachs boursiers ? Récemment, Wall Street a connu un nouveau "flash crash" dans la soirée du 20 décembre 2012. L'indice Standard & Poor's 500 E-mini a chuté de 3,6 % en quelques secondes du fait des inquiétudes relatives à la "falaise fiscale", avant de se reprendre. Un épisode qui n'est pas sans rappeler le 6 mai 2010, lorsque l'indice phare Dow Jones a chuté de plus de 9 % en quelques minutes. Un vent de panique s'était alors emparé des marchés et 1 000 milliards de dollars s'étaient envolés.

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En réalité, les analyses sont d'être unanimessur cette question. L'AMF souligne que "les implications pour la formation des prix et la stabilité financière restent mal cernées. Il reste difficile de mesurer l'impact du HFT sur la formation des prix. Une autre approche de la formation des prix étudie la volatilité et les événements extrêmes. Un certain nombre d'études soulignent alors le caractère bénéfique, en règle générale, des stratégies de HFT ou, au contraire, leur caractère nuisible lors d'épisodes de forte volatilité, dès lors qu'elles atteignent leurs limites de positions et deviennent ' directionnelles'".

Côté britannique, les méfaits du HFT sont balayés, selon Les Echos : "Après deux ans d'enquête et l'analyse d'une cinquantaine d'études indépendantes émanant de 100 chercheurs de 20 pays, l'étude sur le trading à haute fréquence (HFT) commandée par le gouvernement anglais exonère largement ce trading ultrarapide des maux traditionnels qui lui sont généralement reprochés, tout en pointant des sources de risques. Ainsi, 'il n'existe jusqu'ici aucune preuve directe que le HFT ait augmenté la volatilité' des marchés, souligne ce rapport, qui ne constate pas non plus qu'il accroisse l'instabilité financière et le risque systémique."

Si le débat n'est pas tranché, la question d'une meilleure régulation du phénomène s'est néanmoins imposée avec la multiplication des "incidents".

Lire le récit L'essor vertigineux du trading algorithmique

LE FBI ENTRE EN SCÈNEFace au HFT, les autorités américaines ont décidé de hausser le ton : la SEC va s'associer au FBI pour accroître sa force de frappe. Les deux entités viennent de mettre sur pied une cellule d'analyse quantitative, composée de mathématiciens et d'informaticiens ayant passé plusieurs années à développer des algorithmes pour les banques. Ils seront chargés de traquer les abus provoqués par le trading haute fréquence et de décortiquer les formules mathématiques permettant aux acteurs financiers d'orienter le marché en leur faveur, a révélé le Financial Times en mars.

En Europe, on avance aussi vers une meilleure régulation du HFT. L'Allemagne va encadrer les transactions boursières à haute fréquence, représentant entre 40 et 50 % des échanges sur le marché. Le Bundestag a adopté le 28 février un projet de loi gouvernemental pour mettre de l'ordre dans cette pratique. Les courtiers lançant des ordres de haute fréquence vont devoir obtenir une licence auprès du gendarme des marchés, la Bafin. La Bafin aura des droits d'intervention pour réparer certains abus. Les députés de l'opposition n'ont pas voté le texte, estimant qu'il ne va pas assez loin. Ils souhaitaient instaurer une durée minimale de détention de 500 millisecondes par ordre afin de décourager la spéculation, reprenant une proposition du Parlement européen. Le législateur s'y est refusé, craignant que cela conduise les acteurs du trading à haute fréquence à déserter le marché allemand.

MOBILISATION FRANÇAISE ET EUROPÉENNE ?En France, les opérateurs de HFT sont désormais taxés depuis le décret du 6 août 2012. Et le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires tel qu'amendé par le Sénat accroît l'encadrement du trading à haute fréquence, avec des obligations d'informations sur les dispositifs de traitement automatisé, et invite l'entreprise qui pratique le HFT à notamment mettre "en place des mécanismes permettant de rejeter les ordres dépassant des seuils de volume et de prix qu'elle aura préalablement établis ou des ordres manifestement erronés, de suspendre temporairement la négociation en cas de fluctuation importante des prix d'un instrument financier sur le marché et, dans des cas exceptionnels, d'annuler des transactions".

Les instances bruxelloises s'intéressent aussi à la question. Ainsi dans le cadre du projet de législation sur les marchés financiers, les députés européens ont voté des dispositions visant à s'assurer que tous les ordres restent valides pendant au moins 500 millisecondes, c'est-à-dire ne puissent pas être annulés ou modifiés pendant ce laps de temps. Toutes les entreprises et

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plateformes de négociation doivent être prêtes à faire face à des poussées soudaines ou à des pressions du marché et possèdent des coupe-circuits pour suspendre temporairement les transactions.Les mises à jour de la directive et du règlement européens (appelés respectivement Mifid et Mifir) sur les instruments financiers vont mettre en place des règles uniformes sur les transactions en vue de protéger les investisseurs, renforcer la transparence et consolider la stabilité du marché financier.

D'autres pistes sérieuses sont envisagées, comme le décrivent Frédéric Lelièvre et François Pilet. Les autorités des marchés financiers se sont penchées sur le problème. Parmi les idées de réforme : l'interdiction d'annulations d'opérations en un temps record, qui créent une distorsion de l'information, ou alors le retour à la seconde comme unité maximale de temps du trading.

En Europe, la directive Mifid pourrait faire l'objet d'amendements notamment par la préconisation de l'extension du dispositif prévu pour les marchés encadrés à ceux de gré à gré, pour "faire en sorte que les marchés financiers, et en l'occurrence les HF-traders, apportent des services au reste de l'économie et non le contraire", a confié aux journalistes suisses Markus Ferber, le rapporteur du projet au Parlement européen, souligne La Tribune. La bataille contre les dérives de l'algotrading ne fait que commencer.

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1 5 M A I 2 0 1 3 p a r J U L I E N A L E X A N D R EB i l l e t i n v i t é par William Bourdon

03. Trading haute fréquence & délits financiers.

L’innovation technologique a permis le développement du trading à haute fréquence au sein des grandes places financières mondiales. Il représente aujourd’hui 60 % du trading sur actions aux États-Unis et 40 % en Europe.

Cette nouvelle pratique du trading, associant la sophistication des algorithmes à la vitesse du traitement informatique de données, remet en cause la transparence et l’équité du fonctionnement des marchés financiers.

Elle pose aussi la question de l’adéquation de l’arsenal législatif aux fins de prévenir et sanctionner les éventuelles manipulations de marché que permet cette nouvelle forme de trading.

Peu de travaux juridiques ont étudié la question de manière rigoureuse et systématique. Aussi faut-il saluer l’excellent article de Monsieur Stéphane DANIEL[1] dont sont issues les définitions citées ici.

I. Définition du high frequency trading (HFT)L’on peut utilement faire référence à la définition retenue par l’Autorité européenne des marchés financiers (ESMA) : "activité de trading utilisant une technologie algorithmique sophistiquée pour

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interpréter les données de marché et, en réponse, mettre en œuvre des stratégies de trading résultant généralement en l’émission d’ordres à très haute fréquence et leur transmission en des temps de latence extrêmement réduits. Ces stratégies consistent le plus souvent en une tenue de marché non contractuelle ou en arbitrage sur des horizons à très court terme. Elles impliquent une négociation essentiellement pour compte propre et un dénouement des positions à la fin de chaque séance"[2] .

Les deux piliers technologiques du HFT sont le recours aux algorithmes et la vitesse de traitement des données et des ordres.

Pour intervenir sur les marchés à une vitesse optimale, en amont dans la collecte de données comme en aval dans l’émission des ordres d’achat ou de vente, le HFT applique trois techniques différentes.

Tout d’abord, celle de la colocation : "Procédé par lequel une entreprise de marché permet à un membre de marché, contre paiement, de placer son serveur informatique au plus près de l’infrastructure de marché, afin de raccourcir au maximum la longueur des câbles transmettant l’information et gagner quelques microsecondes ou millisecondes dans la vitesse de transmission des messages."[3]

Ensuite, celles des conventions d’accès direct au marché (direct market access) : "Convention par laquelle un membre de marché permet à un non-membre de marché d’accéder, soit directement au marché (sponsored access) soit indirectement au marché par intermédiation des ordres du client par le fournisseur d’accès (automated order routing). Dans les deux cas, le non-membre de marché bénéficie de l’identifiant du membre de marché et profite de temps de latence réduits dans la transmission de ses ordres."[4]

Enfin, celle des ordres flash (flash order) : "Convention à titre onéreux entre une entreprise de marché et un membre de marché par laquelle la première va permettre au second de bénéficier, pendant quelques millisecondes, de la connaissance d’un ordre avant même que celui-ci ne soit transmis au public."[5]

II. ProblématiqueL’association des algorithmes à l’hyperréactivité dans le traitement des données et des ordres met à la portée des traders des manipulations de marché d’un nouveau genre que l’on peut subdiviser en trois pratiques différentes.

Tout d’abord, le spoofing, ou layering : "Stratégie qui consiste à exercer une pression d’un côté du carnet d’ordres via une émission massive d’ordres à l’achat ou à la vente, ce aux meilleures limites de prix pour diminuer au maximum le risque d’exécution. En conséquence de ce déséquilibre, parfois renforcé par la présence de traders suiveurs croyant déceler une opération imminente, la fourchette de prix se décale. Aussitôt, le trader opère une passation d’ordres en sens inverse et procède à l’annulation subséquente des ordres entrés dans le sens initial. Le plus souvent, cette stratégie est utilisée sur des laps de temps très réduits et pour des gains infimes, ce afin de ne pas attirer l’attention du régulateur. Le profit dégagé est fonction de la répétition du stratagème illicite."[6]

Ensuite, le momentum ignition : "Pratique qui consiste en la passation d’ordres dans un seul et même sens, afin d’attirer et d’inciter les autres intervenants à faire de même et provoquer un mouvement directionnel de prix. Synthétiquement, il ne s’agit ni plus ni moins que de créer ou d’accompagner une bulle de très court terme en espérant attirer des investisseurs puis de déboucler la position. Le déclenchement de cette dynamique n’est possible que parce que l’algorithme peut sonder le marché en profondeur, au-delà des seules données de quantité et de prix, et détecter les tendances sous-jacentes."[7]

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Enfin, la stratégie d’order anticipation : "Stratégie qui utilise les nouvelles possibilités d’analyse et de réaction ultra-rapide aux données de marché offertes par le HFT (notamment par les ordres flash). Il s’agit essentiellement des ordres test (ping order), ordre binaire (immediate-or-cancel order), exécuté immédiatement en cas d’existence de liquidité ou annulé instantanément à défaut de liquidité. Le but est, par l’envoi d’ordres isolés, de deviner les intentions et les stratégies des autres intervenants et de les devancer dans la réalisation des négociations. Il est dès lors possible de détecter la présence d’un important intérêt acheteur ou vendeur sur le marché (iceberg order), de l’anticiper en opérant une première transaction de même sens sur le marché, de se placer en situation de seule contrepartie disponible, puis d’intervenir opportunément pour réaliser une transaction en sens contraire avec ce vendeur ou acheteur."[8]

Les trois stratégies décrites ont pour objectif commun d’exercer une influence malicieuse sur les cours des actions visées. Lors de la formation des prix, elles génèrent un marché spéculatif à court terme ou prennent de court les anticipations des autres acteurs sur le marché.

Cet objectif s’éloigne des vertus généralement prêtées au HFT qui serait un pourvoyeur de liquidité nécessaire sur les marchés (market maker).

De telles stratégies doivent tomber sous le coup de la répression des manipulations de cours.

Le questionnement porte ainsi sur la capacité de la réglementation financière actuelle à prévenir, faire cesser et réprimer ces nouvelles manipulations de cours.

III. Rares exemples de sanctions de manipulations de cours par HFTLa répression n’a jusqu’à présent visé que la stratégie de layering, la plus facilement identifiable pour le régulateur. Aucune des autres stratégies manipulatrices, dont on ne doute pourtant pas qu’elles ont cours, n’ont pu être identifiées, imputées et réprimées.

Stéphane DANIEL, dans son étude sur le trading haute fréquence, a identifié trois cas de répression.

Aux États-Unis, le 9 septembre 2010, la société TRILLIUM, son directeur général, son directeur conformité, ainsi que neuf de ses traders ont été condamnés par la FINRA[9] (Financial Industry Regulatory Authority) au paiement d’une amende à hauteur d’un million de dollars pour la société et un million deux-cent soixante mille dollars pour son mandataire et ses salariés, complétée d’une interdiction d’activité sur les marchés financiers pour des durées allant de 6 mois à 2 ans.

Le régulateur américain leur reprochait d’avoir mis en œuvre, sur les plateformes du NASDAQ et de NYSE Arca, une stratégie de trading illicite à haute frénquence sur 46.000 transactions ayant généré un profit total de 575.000 dollars.

En Angleterre, le 31 août 2011, la société de droit canadien Swift Trade a été condamnée par la FSA (Financial Services Authority) au paiement d’une amende de 8 millions de livres pour manipulation de cours entre le 1er janvier 2007 et le 4 janvier 2008 sur la plateforme du London Stock Exchange.

Le régulateur britannique avait identifié et imputé à la société une pratique délibérée et répétée de layering.

Cette condamnation a été confirmée le 23 janvier 2013 par la Chambre financière du Tribunal de Londres devant laquelle une voie de recours avait été exercée[10].

En France, avec sa décision Kraay en date du 12 mai 2011, l’AMF a sanctionné pour la première fois une manipulation algorithmique de cours de type layering.

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Le nombre de condamnations prononcées paraît bien faible au regard des risques de manipulation systémique des cours de bourse que fait courir le trading haute fréquence.

L’opinion publique en prend conscience ponctuellement à l’occasion de chaque "flash krach", ces affolements des indices boursiers générés par le trading haute fréquence.

Le 6 mai 2010, à Wall Street, dans un contexte de nervosité sur le marché en raison des dettes souveraines en Europe, un courtier a initié un programme de ventes portant sur 75.000 contrats à terme sur l’indice S&P 500, destinés à parier sur l’évolution future de cet indice[11].

Le programme, représentant plus de 4 milliards de dollars, a été exécuté en seulement 20 minutes par trading algorithmique.

Les autres intervenants, en réaction à l’effet de cette vente aussi massive que rapide sur l’indice S&P 500, se sont retirés du marché. Le Dow Jones a alors perdu presque 10 % et 1.000 milliards de capitalisation boursière ont disparu en quelques minutes, sans raison apparente. De nombreux titres de société ont subi une importante décote.

Dans un rapport publié le 1er octobre 2010, les régulateurs américains, SEC (Security Exchange Commission) et CFTC (Commodity Futures Trading Commission) ont relevé que "l’une des leçons essentielles de l’évènement est que, face à un marché nerveux, l’exécution automatique d’un important ordre de vente peut provoquer des mouvements extrêmes."[12]

Le rapport n’a pas identifié la société de courtage concernée et n’a évoqué aucune poursuite administrative ou pénale.

Plus récemment, en août 2012, Knight Capital, un poids lourd du trading à Wall Street, a été l’auteur d’un mini-krach à la bourse de New York. Un problème technique lors de l’installation d’un nouvel algorithme de passage d’ordres a provoqué l’envoi d’ordres par centaines et des mouvements anormaux sur plus de 140 titres.

L’incident, qui a failli entraîner la faillite de Knight Capital, s’est soldé par un simple retrait provisoire de son mandat de teneur de marché par NYSE-Euronext, opérateur de la Bourse de New-York[13].

IV. Carences de la réglementation actuelleLes carences principales de la réglementation actuelle ne résident pas dans la définition des infractions, les textes actuels étant parfaitement en mesure d’appréhender les nouvelles formes de manipulations.

Elles résident dans la mise en œuvre des contrôles et de la répression.

Les experts comme les autorités régulatrices mettent en avant l’insuffisance des moyens humains et techniques et le manque de transparence pour expliquer l’échec actuel de la régulation.

Comment les autorités régulatrices peuvent-elles contrôler de tels volumes d’ordres passés en un temps qui dépasse l’entendement et réprimer les éventuelles manipulations de marché ?

Interrogé sur le flash-krach du 6 mai 2010, Arnaud Oseredczuk, alors chef du service de la surveillance des marchés à l’AMF, commentait : "Selon le régulateur américain, il y a potentiellement dix causes qui ont interagi et il n’est même pas garanti qu’un jour il arrivera à identifier l’origine de ce mini-krach. La réponse américaine pourrait consister à dire que compte tenu du fait qu’il y a une incapacité à collecter et à relier les données nécessaires pour comprendre ce qui s’est passé et éventuellement prévenir la répétition de tels phénomènes, et plus généralement compte tenu des

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limites dans les données accessibles actuellement au régulateur, il lui faut disposer en temps réel de tous les ordres et de toutes les transactions. Le coût de ce dispositif est estimé à 4 milliards de dollars (3,35 milliards d’euros) d’investissement initial puis 2 milliards de dollars (1,68 milliard d’euros) par an. C’est une proposition qui a été faite fin mai : si cela est mis en œuvre, c’est une révolution. Ce serait en effet un virage majeur dans la manière dont se fait la régulation aux États-Unis."[14]

Au niveau européen, si les régulateurs disposent déjà d’un relevé consolidé des transactions sur une valeur donnée réalisées sur différents marchés en Europe, la transparence fait encore défaut au niveau des carnets d’ordres. Or c’est un enjeu essentiel de la régulation. Le trading haute fréquence permettant d’entrer et d’annuler un ordre très rapidement sans exécuter une quelconque transaction, un trader peut décider d’effectuer cette double opération dans le seul but de voir comment le marché réagit, créant ainsi une asymétrie d’information parmi les intervenants plus ou moins bien équipés (stratégie décrite plus haut d’order anticipation).

Dans un registre dramatique, l’auteur – qui a souhaité rester anonyme – d’une longue enquête intitulée "6", publiée en février 2013, sur le trading haute fréquence fait observer que "les autorités publiques censées réguler les marchés financiers n’ont en réalité pas vraiment l’idée de ce qui se trame au sein de ce réseau de machines si complexe que le simple fait de le placer sous surveillance relève de l’impossible."[15]

Lors du mini-krach provoqué par Knight Capital, il a fallu près d’une heure aux techniciens pour comprendre que le problème venait du nouvel algorithme mis en place…

V. Nouveaux outils juridiquesL’application, par l’AMF, des lignes directrices émises par l’ESMA sur l’application des directives européennes MIFID et MAD[16]. Par un communiqué de presse en date du 5 avril 2012, le régulateur français a fait part de sa décision de faire siennes et d’exiger le respect, dès le 7 mai 2012, des lignes directrices de l’ESMA. Celles-ci clarifient les obligations des marchés réglementés (MR), des systèmes multilatéraux de négociation (SMN) et des entreprises d’investissement dans la perspective d’un emploi de plus en plus répandu du trading haute fréquence. En particulier, ceux-ci :

- doivent disposer de procédures, dites de governance, incluant la conformité et des principes de gestion des risques, traitant des responsabilités, de la communication d’information et des autorisations initiales concernant le déploiement des systèmes électroniques ;

- doivent tester et contrôler tout système électronique avant sa mise en œuvre ainsi qu’opérer des vérifications et contrôles régulièrement pour s’assurer de l’efficience des systèmes ;

- doivent mettre en place des mécanismes et des règles qui permettent de prévenir des flots excessifs d’ordres, ceux-ci pouvant inclure le rejet automatique des ordres qui ne respectent pas certains paramètres de volumes et de prix ;

- doivent assurer la traçabilité des ordres ainsi que sur l’information des autorités ;

- sont responsables des actes accomplis par ceux qui bénéficient de l’accès direct et automatisé au marché.

Désormais, les obligations professionnelles des acteurs de marché concernés découlant des dispositions législatives et réglementaires issues de la transposition des directives précitées s’entendent à la lumière des dispositions énoncées dans les orientations de l’ESMA.La révision de la directive MIF (marchés d’instruments financiers) dont le projet a été rendu public fin 2011[17]. Ce dernier prévoit notamment :

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- Une obligation renforcée, à la charge des entreprises intervenant sur le marché, de consolidation des données pré et post négociation. Il sera ainsi possible de conserver une meilleure image des opérations de marché et donc de renforcer le pouvoir de contrôle du régulateur.- Une obligation, à la charge des entreprises de HFT, de communiquer leurs algorithmes aux régulateurs sur simple demande, ceci pour identifier et neutraliser les dispositifs de nature à manipuler les cours.

- Une obligation de mettre en place des contrôles internes.

- Une obligation de neutralité, à la charge des marchés réglementés et des systèmes multilatéraux de négociation, dans l’exécution des transactions de leurs clients.

La révision de la directive MAD (sur les opérations d’initiés et manipulations de marché) dont le projet a été rendu public fin 2011. Ce dernier prévoit notamment :

- Une extension du champ d’application à toutes les formes de marchés : marchés réglementés (MR), systèmes multilatéraux de négociation (SMN), systèmes d’appariement des ordres et marchés de gré à gré.

- La répression de la simple tentative d’abus de marché, ceci afin d’appréhender les subtilités du HFT qui font qu’une personne peut avoir une intention manifeste de manipulation de marché alors qu’aucun ordre n’est passé ni aucune transaction exécutée.

- Une répression qui vise spécialement les stratégies de HFT : le bourrage d’ordres (quote stuffing) consistant à passer des ordres sans intention de négocier, mais dans le but de perturber un système de négociation, l’empilage d’ordres (quote layering) à différentes limites d’un côté du carnet d’ordres ou encore l’émission concentrée d’ordres trompeurs autour d’une seule limite (spoofing).

Aux Etats-Unis, la Securities Exchange Commission a pris des dispositions comparables : elle impose désormais aux opérateurs HFT de révéler leurs stratégies et, dans certains cas, leurs algorithmes. Elle a également voté en 2009, à l’unanimité, une proposition consistant à interdire les ordres flash.

VI. La valeur ajoutée du HFT contestéeAu-delà des nouvelles formes de manipulations de marché qu’il rend possible, le HFT fait l’objet de vives critiques au motif qu’il est plus néfaste que bénéfique pour le fonctionnement du marché.

Les représentants des entreprises de HFT affirment que ce dernier est utile car il est pourvoyeur de liquidité sur les marchés (market maker).

La liquidité d’un marché correspond à la possibilité pour un investisseur d’effectuer une transaction au prix affiché et pour un volume important sans affecter le cours du titre. Elle est d’autant plus forte que le nombre de titres admis sur le marché est important et que la fréquence des transactions est élevée.

Plusieurs acteurs, dont Finance Watch[18], contestent cette qualité au HFT. Le HFT est, selon leur analyse, bien plus market taker (preneur de liquidité) que market maker (pourvoyeur de liquidité).

Un market maker a pour fonction de fournir une liquidité dite "artificielle" au marché quand les intérêts acheteurs et vendeurs ne se rencontrent pas naturellement, en assurant systématiquement la contrepartie de la transaction. Il doit continuellement proposer une cotation aux investisseurs à l’achat et à la vente, avec une obligation d’acheter en cas d’excès d’ordres de vente et de vendre en cas d’excès d’ordre d’achat, agissant ainsi comme un correctif face aux déséquilibres du marché.

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Or telle n’est pas la façon dont agissent les entreprises de HFT. Ces dernières ne peuvent pas être pourvoyeurs de liquidité pour une simple et bonne raison : le temps de latence de leurs ordres est de 3 millisecondes en moyenne et cette durée n’est pas compatible avec l’obligation, pour les market makers, de proposer aux investisseurs des cotations fermes sur une durée minimum.

Pire encore, le modèle du HFT, consistant à être plus rapide que les autres investisseurs pour réaliser certaines transactions sélectionnées au préalable, est en complète contradiction avec celui des market makers. Le HFT profite de la liquidité du marché bien plus qu’il n’y contribue.

Finance Watch souligne également que le HFT amplifie les comportements spéculatifs car il se contente bêtement de refléter (voire anticiper) à grande échelle les informations financières et les comportements de panurge, sans prendre le temps de l’analyse des fondamentaux de la matière première ou de l’entreprise cotée.

Enfin, d’aucuns soulignent que la mise en place d’un contrôle efficace du HFT par les régulateurs serait bien trop coûteuse au regard de la faible (ou de l’absence) utilité du HFT.

VII. What should be done? Finance Watch a émis des recommandations bien plus radicales que les dispositions projetées dans le cadre de la révision des directives européennes :

- Interdiction des conventions des conventions de direct market access afin de préserver l’équité entre les acteurs de marchés ;

- Interdiction des accès privilégiés aux carnets d’ordres, mettant ainsi un terme aux ordres flash ;

- Obligation, pour les entreprises de HFT et à hauteur de 30 % de leur trading, d’être pourvoyeurs de liquidité ;

- Imposer une durée minimum (1 seconde) de présence des ordres dans le carnet ;

On peut aussi rappeler que les mesures d’interdiction qui sont intervenues, parfois de façon temporaire (par exemple, sur les ventes à découvert à l’initiative de tel ou tel Etat européen ou à l’initiative de l’Union Européenne), ne peuvent avoir de portée que si elles sont annexées à un risque pénal.

Sur cette base, il est donc tout à fait légitime de proposer que soit instauré un arsenal juridique européen et/ou français contre ces nouveaux délits sous forme de sanctions pénales de la violation d’interdiction émise par l’autorité administrative d’effectuer un certain nombre d’opérations – c’est une première idée – qu’il nous faut développer.

S’agissant de la définition d’une nouvelle incrimination pénale, elle pourrait s’articuler autour de :

- Une "nouvelle génération" de délits d’initiés dont la rapidité de mise en œuvre et l’opacité s’inscrivent évidemment dans le cadre notamment de l’HFT ;

- Plus précisément, prévoir qu’un délit d’initié commis dans le cadre d’une concertation entre plusieurs entités, par le truchement d’un paradis fiscal ou d’un Etat non coopératif, serait poursuivi avec une double circonstance aggravante soit celle d’avoir recherché à tout prix la dissimulation des opérations litigeuses mais aussi avec, pourquoi pas, celle de la bande organisée.

- Tenter de caractériser une nouvelle typologie de comportements caractéristiques de conflits d’intérêts (par exemple, considérer que doit être interdit le fait de spéculer sur la dette publique d’un

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Etat après avoir conseillé le même Etat et ce, a fortiori, aux fins de l’aider à maquiller ses finances publiques, il y a bien d’autres exemples) ;- On pourrait également envisager que soit sanctionnée pénalement l’opacification délibérément organisée (notamment dans le cadre de la titrisation) aux fins de rendre non détectables pour les actionnaires et/ou les clients, le contenu, les caractéristiques, les risques des produits financiers ainsi titrisés.

- Prévoir l’interdiction ferme, assortie de sanctions pénales, de fabrication, de commercialisation, de mise à disposition de machines, quelle qu’en soit la nature, qui permettrait de contourner l’obligation légale de respecter une durée minimum d’une seconde de présence des ordres dans le carnet.

[1] Stéphane DANIEL, "Trading haute fréquence et manipulation de cours", RTDF n° 3 – 2012, p. 55[2] ESMA, Consultation paper, "Guidelines on systems and controls in a highly automated trading environment for trading platforms, investments firms and competent authorities", p. 10[3] Stéphane DANIEL, "Trading haute fréquence et manipulation de cours", précité[4] Ibidem[5] Ibidem[6] Ibidem[7] Ibidem[8] Ibidem[9] Le communiqué de presse de la FINRA est accessible à cette adresse : http://www.finra.org/Newsroom/NewsReleases/2010/P121951[10] La décision de la Chambre financière est accessible à cette adresse : http://w w w . t r i b u n a l s . g o v . u k / f i n a n c e a n d t a x / D o c u m e n t s /Canada_Inc_Swift_Trade_Inc_and_Peter_Beck_v_FSA.pdf [11] Le Monde.fr avec AFP, "Le trading algorithmique mis en cause dans le krach du 6 mai à Wall Street", article en date du 4 octobre 2010[12] Le rapport des régulateurs américains est disponible à l’adresse suivante : http://www.sec.gov/news/studies/2010/marketevents-report.pdf[13] Audrey TONNELIER, "Les déboires de Knight Capital, un spécialiste du trading haute fréquence", article paru dans Le Monde daté du 8 août 2012[14] Propos recueillis par Laurent CHECOLA et parus sur Le Monde.fr dans un article en date du 18 juin 2010[15] Anonyme, "6" (traduit du binaire par Erwin KARP), Ed. Zones Sensibles, 111 pages.[16] "L’AMF applique les recommandations de l’ESMA sur le trading automatisé", Revue de Droit bancaire et financier n° 3, Mai 2012, alerte 14[17] Pauline PAILLER, "Les projets européens de révision de la directive sur les marchés d’instruments financiers (MIF)", Revue de Droit bancaire et financier n° 2, Mars 2012, étude 4[18] Une étude de Finance Watch sur le HFT est disponible à cette adresse : http://www.finance-watch.org/ifile/Publications/Reports/Investing-not-Betting-Chapter-HFT.pdf LE MERCREDI 15 MAI 2013 À 21:30 RSS 2.0 - LES COMMENTAIRES SONT FERMÉS.

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04. Le trading haute fréquenceLe royaume des ordinateurs et des mathématiciensLorsque l’on parle de trading, nombreux sont ceux qui imaginent encore une personne hurlant dans une salle de marché et agitant les bras dans tous les sens. Mais les temps ont bel et bien changé. Alors que le relationnel était encore primordial pour les anciens traders, ce sont désormais l’informatique et les mathématiques qui ont la main mise sur la plupart des transactions financières.

La nouvelle "star" du trading n’a besoin ni de téléphone, ni de bureau et encore moins d’amis. Et pourtant il brasse des milliards de dollars chaque jours dans le monde entier avec environ 60% des transactions quotidiennes mondiales à son actif.

Ce "Roi" de la finance s’appelle le "High Frequency Trader" connu en français sous le nom de "trader haute fréquence".

Le principe de cette technique consiste à utiliser de puissants algorithmes mathématiques et des ordinateurs ultra-rapides afin de détecter et d’exploiter les micromouvements de marché avec une échelle de temps de l’ordre de la dizaine de millisecondes.

Ces machines sont capables d’exécuter des ordres à toute vitesse et de tirer profit de très faibles écarts de prix sur des valeurs ou encore des faiblesses passagères qui peuvent survenir sur les systèmes d’échanges de titres.

Quelques stratégies standardLe succès de cette technique est indéniable, et l’on peut citer plusieurs types d’algorithmes mathématiques utilisés par le trading haute fréquence:

- Afin d’éviter de signaler leurs intentions au marché, de nombreux opérateurs décomposent leurs ordres en petits lots (de 100 à 500 pièces) à des prix bien définis. Dans le but de découvrir à quel prix les investisseurs sont prêt à acheter ou vendre un titre, les algorithmes envoient une série de pièces à des prix différents qui seront rapidement annulées dès que la réponse souhaitée sera ressortie. A ce moment les machines achètent (ou vendent) le titre juste avant l’investisseur, puis le lui revendent (ou le lui rachètent) quelques millisecondes plus tard avec un léger profit.

- Un deuxième algorithme va permettre de faire exploser la volatilité d’une action en surfant sur ses phases de forts mouvements haussiers. Cette manipulation va ainsi permettre d’augmenter la valeur des options détenues par les opérateurs.

- Mais les algorithmes les plus utilisés et les plus contestés restent les algorithmes utilisant les "ordres flashs". Des informations confidentielles sur l’ordre en question sont révélées durant une fraction de seconde lors du passage de l’ordre avant d’être transmis au système national de marché. Ainsi, si un opérateur ayant accès à ces données peut égaler la meilleure offre ou demande du système, il peut exécuter l’ordre en question avant que le reste du marché puisse en avoir connaissance.

Une transaction pouvant être réalisée en moins de 500 microsecondes, la fréquence de passages d’ordres peut atteindre parfois jusqu’à 1000 exécutions de transactions par seconde.

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Les déterminants d’un système de trading haute fréquence?L’informatisation croissante des marchés financiers mondiaux a entraîné une augmentation significative des cotations ainsi qu’une diminution des temps de passage d’ordre. De plus, dans un contexte économique ultra concurrentiel, on a assisté à un resserrement des marges et donc une nécessité pour les banques d’augmenter leur nombre de transactions.

C’est pourquoi l’utilisation d’automates capables à la fois de collecter des informations et de prendre des décisions en un temps très court s’est vite avérée indispensable. L’humain se borne à programmer la machine, la surveiller et la faire évoluer.

Dans une quête perpétuelle de bénéfices de plus en plus importants, les opérateurs se sont mis à développer des machines ultra puissantes utilisant des connexions aux marchés toujours plus performantes.

Mais tout le monde ne peut pas s’improviser trader haute fréquence. Réservée à une poignée de professionnels, cette technique nécessite un travail et un contrôle permanent sur différents points techniques afin de profiter d’un système toujours plus performant.

Voici une liste non exhaustive des principaux facteurs jouant un rôle clé sur les bénéfices réalisés par un système de trading haute fréquence:

- L’algorithme de trading : point de départ d’un trading à haute fréquence, l’algorithme utilisé pour les transactions est primordial. En effet, il est important de posséder un outil de calcul permettant de générer des espérances de gains toujours plus importantes et une déviation de ces retours la plus faible possible afin de minimiser le "drawdown" (perte maximale à un instant "t").

- La vitesse d’exécution : le nerf de la guerre étant le temps, tous les traders haute fréquence cherchent à obtenir un algorithme avec une moyenne et une dispersion du temps nécessaire à la prise de décision et à l’envoi des messages les plus faibles possibles. L’infrastructure informatique tient également un rôle clef, et le serveur qui fait tourner l’algorithme de passage d’ordre sera localisé au plus près des serveurs des bourses (Euronext, CME de Chicago, etc.). Des fournisseurs spécialisés proposent des services de "low latency" qui permettent d’avoir des accès au marché à la vitesse de l’éclair.

- L’algorithme de management des ordres : pour les systèmes haute fréquence, un algorithme de placement des ordres est un point primordial qui peut rendre un système gagnant ou perdant. Tout résidera dans la programmation de cette "boite noire".

- Management du risque : savoir fixer des limites. Il est important de savoir gagner de l’argent, mais il est non moins important de savoir limiter ses pertes. L’algorithme de "money management" focalisera autant d’attention que celui qui prends les positions.

- Commissions et charges : tout passage d’ordre est soumis à des commissions ainsi que des charges. Or le nombre de transactions effectuées quotidiennement étant colossal, il est important ne pas négliger ce point si l’on ne veut pas avoir à payer plus de commissions que les gains effectués sur un aller retour.

- Taxes : Certaines entreprises ou institutions financières préfèrent se délocaliser et ainsi fuir les lois fiscales trop contraignantes de leur pays. Ces stratégies peuvent parfois faire la différence.

- Recherche et développement: Une bonne stratégie de trading n’est malheureusement jamais éternelle. C’est pourquoi la recherche et le développement de nouvelles stratégies ont une importance cruciale pour une visibilité long terme.

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En conclusion, même si le trading haute fréquence permet d’exécuter automatiquement des milliers d’ordres au quotidien, il nécessite une vigilance de tous les instants ainsi que des personnes hautement qualifiées en mathématiques et en informatique afin de repousser un peu plus chaque jour les limites de la finance.

Dans cette guerre contre le temps, certains acteurs du marchés dénoncent de plus en plus une véritable "course à l’armement", rendant impossible l’intervention de petits acteurs et créant ainsi des distorsions de concurrence.

De plus, les autorités de marché commencent à hausser le ton. Ainsi, l’AMF a récemment fait état d’un rapport accablant sur ce type de trading, dénonçant notamment les menaces "d’intégrité du marché dès lors que les stratégies de trading sont détournées de leur objectif initial pour être utilisées à des fins de manipulation de marché".

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CRISE FINANCIÈREPAR AGNÈS ROUSSEAUX 29 AVRIL 2013

05. Comment jeter les banquiers voyous en prison, en dix leçonsFaire condamner les responsables de la crise financière : telle est l’ambition de l’Islande depuis quatre ans. Nomination d’un procureur spécial, investigations sur les crimes économiques, levée du secret bancaire... Si tout n’est pas rose sur l’île, une chose est sûre : face à la pire crise bancaire de l’histoire, l’Islande fait passer les intérêts des citoyens avant ceux des banquiers. Et a décidé de mettre fin à l’impunité des délinquants de la finance. Mode d’emploi d’une sortie de crise pas comme les autres.

Imaginez en France 20 000 agents de l’Etat chargés d’enquêter sur les crimes économiques, cherchant des preuves, interrogeant des témoins, fouillant dans les moindres recoins des archives des banques, plaçant en détention provisoire PDG, dirigeants ou traders.

Plus de secret bancaire, accès illimité à toutes les informations. Un seul objectif : faire condamner les responsables de la crise financière. Science-fiction ? C’est pourtant la voie choisie depuis quatre ans par l’Islande, avec des moyens à la mesure de ce petit pays de 320 000 habitants.

Octobre 2008. L’onde de choc de la crise des subprimes qui secoue les États-Unis arrive en Islande. Le tsunami financier submerge l’île. En 48 heures, les trois principales banques du pays (Glitnir, Kaupthing et Landsbanki) se déclarent en faillite. Elles détiennent des actifs d’un montant dix fois

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supérieur au PIB islandais ! Et sont incapables de faire face. En cause, un secteur bancaire hypertrophié, fragilisé par le développement de crédits à bon marché, le gonflement de la sphère financière, la fusion des banques d’investissement et des banques commerciales, des pratiques de gestion plus que douteuses... "Que Dieu sauve l’Islande." Telle est la conclusion du discours télévisé du Premier ministre, alors que s’effondre le secteur bancaire. C’est la débâcle.

Quatre ans et une Assemblée Constituante plus tard, l’Islande a retrouvé quelques couleurs. Fin 2012, le taux de chômage – qui dépasse les 8 % en 2009 et 2010 – est redescendu à 4,4 %. Inlassablement, les autorités traquent les responsables de la crise. Et prouvent qu’un pays peut survivre à un crash mondial, sans endetter ses citoyens sur plusieurs générations. Ni transformer des dettes privées en dette publique, comme l’ont fait une grande partie des pays européens, dont la France. Comment l’Islande a-t-elle réussi à se remettre aussi vite, alors que plus au Sud, Espagne, Grèce et Portugal s’enfoncent dans l’austérité ? Petit mode d’emploi.

1 - Enquêter sur les crimes financiersPremière étape : établir les responsabilités. C’est le rôle d’Olafur Hauksson. En 2008, il était commissaire de police dans une petite ville côtière, à 50 kilomètres de Reykjavik, la capitale. Lorsque la gauche arrive au pouvoir début 2009, la nouvelle Premier ministre, Johanna Sigurdardottir, le nomme Procureur spécial. Sa mission ? Traduire en justice les responsables de l’effondrement économique du pays. Pour cela, il assure deux fonctions : enquêteur et procureur. "Je décide des investigations à lancer sur les délits commis, mais aussi des poursuites en justice, explique Olafur Hauksson. Nous enquêtons et poursuivons en même temps. Nous travaillons des deux côtés de l’Atlantique, et à l’échelle européenne." Comme par exemple au Luxembourg, où en avril dernier une trentaine d’agents ont perquisitionné les locaux de la banque Landsbanki, pour y confisquer des données utiles aux investigations du Procureur spécial.

2 - Donner à la justice des moyens conséquentsCes deux missions sont parfois difficiles à mener de front, mais garantissent une très bonne connaissance des dossiers, face à l’armée d’avocats engagés par les banquiers. "Nous devons nous battre à chaque étape. Nous avançons doucement mais sûrement". Depuis quatre ans, l’équipe s’est étoffée. En février 2009, son service compte cinq personnes. Aujourd’hui, il est à la tête d’une équipe de 110 agents. Des moyens conséquents. Avant la crise, le service d’investigation sur les crimes économiques employait seulement 15 personnes.

3 - Lever le secret bancaireAutre élément essentiel : la modification de la loi sur le secret bancaire. "Si on devait approcher les banques avec des mandats du juge pour obtenir des informations, la procédure serait très longue", détaille le procureur. Pour accélérer le processus, le Parlement a décidé de lever le secret bancaire. "Les banques sont tenues de nous fournir tous les documents dont nous avons besoin. Ce qui a grandement simplifié notre travail." Des experts internationaux ont également été sollicités, comme Eva Joly, pour venir renforcer le travail du procureur et de son équipe.

4 - Punir les délinquants en col blancUne fois les enquêtes menées, reste à faire aboutir les procédures judiciaires. Mises en examen et procès ont commencé. Au total, une centaine de personnes devraient être inculpées d’ici fin 2014, assure Olafur Hauksson. En majorité d’anciens responsables du secteur financier. Et pas question de renouer avec l’impunité. Les têtes tombent les unes après les autres. Et les condamnations pleuvent. Anciens PDG et ex-dirigeants écopent de peines de prison. Et pas des peines symboliques : de plusieurs mois à plusieurs années de prison ferme pour la plupart d’entre eux.

Tels ces deux anciens dirigeants de la banque Byr, condamnés à quatre ans et demi de prison en 2012. Alors que leur banque était sur le point de faire faillite, ils ont octroyé un prêt de 6 millions de

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dollars à une holding. Celle-ci a utilisé l’argent pour leur racheter les actions de la banque qu’ils détenaient personnellement... Le hold-up était presque parfait. Ou tel le PDG de la banque Landsbanki, Sigurjon Arnason : il passe une partie de l’année 2012 en cellule de confinement pendant que la justice enquête sur ses possibles délits. Imaginez Daniel Bouton, ex-PDG de la Société Générale, placé en détention provisoire pendant l’enquête sur l’affaire Kerviel ! Impossible ? Pas en Islande. D’autres dirigeants sont inculpés pour manipulation du cours des actions, fraude, évasion fiscale ou délit d’initié [1]. Il faut dire que les dirigeants des grandes banques locales ne s’embarrassent ni avec l’éthique, ni avec la loi [2].

5 - Faire le ménage dans l’oligarchie administrative et politiqueLe Procureur spécial fait également le ménage dans l’administration. Baldur Gudlaugsson, directeur de cabinet du ministre des Finances en 2008, est condamné à deux ans de prison ferme pour délit d’initié [3]. "Nous avons fait du bon travail, estime Olafur Hauksson. Mais cela demande beaucoup de temps. Une grande partie de notre travail d’investigation sera terminé d’ici fin 2014. Tous les responsables de la crise bancaire seront poursuivis à cette date. Si, bien sûr, les preuves le permettent." En comparaison, aux États-Unis, aucun dirigeant de banque n’a été poursuivi suite à la crise des subprimes. L’organisme de contrôle des marchés financiers – la SEC (Securities and Exchange Commission) – a annoncé avoir sanctionné 39 hauts fonctionnaires pour leurs décisions lors de l’effondrement du marché immobilier.

La "purge" du secteur bancaire islandais permettra-t-elle de prévenir de nouveaux abus ? "Le système n’a pas changé, tempère Árni Daníel Júlíusson, chercheur indépendant et membre d’Attac Islande. Mais certaines personnes en ont été exclues, les responsables bancaires ont complément changé. Et l’Islande n’est pas autant ouverte qu’avant au système financier international".

6 - Assurer une totale transparencePour faire toute la lumière sur cette crise, le Parlement islandais, a également mis sur pied une Commission spéciale d’enquête. Son travail : établir une chronologie de la crise, analyser avec minutie le processus d’effondrement bancaire, examiner les responsabilités de chacun des acteurs économiques.

Expliquer comment la taille des trois principales banques a été multipliée par 20 en sept ans ! Ou pourquoi les propriétaires de ces banques en étaient également les principaux emprunteurs...

Le résultat de cette commission [4] est impressionnant : huit livres, soit plus de 2500 pages, relatant dans le détail la crise de 2008. "Tous les citoyens ont accès à ce texte, qui est disponible dans les librairies depuis 2010, explique Árni Daníel Júlíusson. Il donne clairement le nom de tous les responsables de cette crise, et montre comment les responsables politiques n’ont rien fait, alors qu’ils savaient qu’un effondrement était en cours." Le texte va jusqu’à révéler les courriels échangés entre responsables bancaires, mettant en évidence qui avait accès à quelle information, qui a pris les décisions et sur quelles bases.

7 - Ne surtout pas écouter le FMISi ces mesures ont été mises en place, c’est que le peuple islandais ne s’est pas laissé faire. Et n’a pas cédé aux injonctions du FMI et de l’Union européenne. Alors qu’elles se déclarent en faillite, les trois grandes banques islandaises sont nationalisées, dont une filiale qui va faire parler d’elle : Icesave (filiale de Landsbanki). Le drame islandais prend alors une tournure internationale. Car Icesave est un service bancaire sur internet créé en 2006 pour attirer les investisseurs européens, grâce à un taux d’intérêt très attractif (jusqu’à 7%). Pari réussi : ceux-ci affluent depuis le Royaume-Uni et les Pays-Bas. Parmi les clients, l’Université de Cambridge,

la police de Londres, ou la commission qui gère les finances des collectivités locales britanniques. Les agences Icesave à l’étranger ne sont pas des filiales : en cas de faillite, c’est bien l’Islande qui est garante en dernier recours de ces dépôts. Et personne ne se pose la question de savoir

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comment ce pays de 320 000 habitants pourra faire face en cas de problème. Résultat : en 2008, les banques islandaises font défaut sur 85 milliards de dollars ! Six fois le PIB du pays ! Les dépôts d’Icesave se sont évaporés comme neige au soleil.

Pour éviter contagion et panique, le Royaume-Uni et les Pays-Bas décident rapidement de rembourser les pertes subies par leurs ressortissants dans le naufrage d’Icesave. Le FMI, appelé en renfort, demande à l’Islande de dédommager les deux États. Le peuple islandais refuse. Pas question que les contribuables remboursent la dette Icesave, de 4 milliards d’euros. C’est le début de la "Révolution des casseroles", révolte citoyenne au son des ustensiles de cuisine. Les Islandais refusent par référendum, à deux reprises, en 2010 et 2011, un accord de remboursement [5] et la proposition d’étaler les versements : l’équivalent d’environ 100 euros par mois par habitant, jusqu’en 2046… En septembre 2011, Landsbanki annonce finalement qu’elle remboursera elle-même les gouvernements britannique et néerlandais (à hauteur de 8 milliards d’euros) grâce à la vente de ses actifs, réévalués après le crash financier.

8 - N’accorder aucune confiance à la Commission européenneL’affaire ne s’arrête pas là : la Commission européenne poursuit l’Islande [6]. Motif : violation de la directive européenne qui stipule qu’un minimum de 20 000 euros doit être assuré aux déposants d’une banque en faillite [7]. L’obligation de créer un fonds de garantie n’implique pas de garantir les dépôts avec de l’argent public, argumente l’Islande. Le 28 janvier dernier, la justice européenne a tranché : l’Islande avait le droit de refuser le remboursement. La liquidation de Landsbanki, dont les actifs ont permis de rembourser la dette Icesave, a donc suivi une procédure "normale". C’est pourtant le contraire qui a été fait dans le reste de l’Europe, lorsque les gouvernements ont apporté des garanties sur fonds publics, pour sauver les banques – et les grands actionnaires – au détriment de l’ensemble des contribuables. Cette décision de justice ouvrira-t-elle la voie pour d’autres pratiques ?

9 - Placer les intérêts des citoyens avant ceux des banquiersA chaque étape de la crise financière, l’Islande a placé les besoins de sa population avant ceux des marchés ou des banques – souvent sous la pression de la rue. Si des mesures d’économie budgétaire ont été votées, on est loin des destructeurs plans d’austérité appliqués dans d’autres pays européens. Les hausses d’impôts ont visé principalement les plus hauts revenus. Et la

dévaluation de la couronne a dopé l’économie. Depuis 2008, les banques islandaises ont allégé la dette de plus d’un quart de la population – l’équivalent de 13% du PIB [8]. Un accord entre le gouvernement et les banques les a obligé à effacer une partie des dettes immobilières des particuliers, lorsque celles-ci étaient supérieures à 110% de la valeur du bien. En 2010, la Cour suprême a également déclaré illégaux les prêts indexés sur une devise étrangère : les emprunteurs n’ont plus à faire les frais de la dévaluation de la monnaie islandaise.

10 - Refonder la démocratie, un travail à long termeTout irait donc pour le mieux en Islande ? Les partis conservateurs et libéraux – ceux-là même qui ont préparé le terrain à la crise de 2008 – ont pourtant remporté les élections législatives le 27 avril. Sans doute des années de rigueur budgétaire et l’endettement persistant des propriétaires immobiliers ont-ils eu raison de la coalition de gauche, qui avait pris les rênes du pays en 2009.

Si Geir Haarde, Premier ministre en 2008, a dû répondre de ses actes, d’autres responsables politiques n’ont pas été inquiétés. Et le pays est toujours marqué par un puissant réseau de clientélisme, qui pèse sur la société islandaise.

Symbole de cette oligarchie politique et économique : David Oddson, premier ministre pendant 20 ans, gouverneur de la Banque centrale en 2008, est aujourd’hui directeur d’un des grands journaux du pays, d’où il assure la couverture médiatique de la crise économique. Un peu comme si on avait

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nommé Richard Nixon à la tête du Washington Post pendant le Watergate, compare Le monde diplomatique. L’Islande a-t-elle tiré des leçons de la crise ? "Au moins, les responsables économiques et les banquiers sont désormais conscients que les infractions peuvent être condamnées", souligne Árni Daníel Júlíusson, d’Attac. Et une partie des responsables de la crise financière dorment en prison. Une voie que d’autres pays n’ont pas encore eu le courage de suivre.

Sans parler de ceux qui ont capitulé avant même de livrer bataille.

Agnès Rousseaux@AgnesRousseaux sur twitterIllustrations : CC Occupydesign

Notes[1] Les dirigeants de Landsbanki ont été inculpés pour manipulation du cours des actions, avant l’effondrement du système bancaire. Un dossier de 30 pages recensant les charges retenues contre eux établit notamment comment la banque a acheté pour près d’un demi-milliard de dollars de ces propres actions, pour soutenir le cours de celle-ci, avant l’effondrement. Cette accusation concerne également les dirigeants de la banque Kaupthing.[2] Pour la banque Glitnir, les condamnations de dirigeants se succèdent depuis quelques mois. Décembre 2012 : Larus Welding, ancien PDG, et Gudmundur Hjaltason, ancien directeur, sont condamnés à 9 mois de prison pour fraude. Ils ont approuvé un prêt à une entreprise qui détenait des actions de Glitnir, afin que l’entreprise puisse à son tour rembourser une dette à Morgan Stanley. Ce prêt a entrainé une perte de 53 millions d’euros pour la banque. Février 2013 : Bjarni Armannsson, ancien PDG de la banque est accusé d’évasion fiscale. Mars 2013 : Fridfinnur Ragnar Sigurdsson, ancien dirigeant, est condamné à un an de prison pour délit d’initié, pour avoir vendu en 2008 des actions de la banque à cinq reprises. Du côté de la banque Kaupthing, même traitement : Sigurdur Einarsson, ancien président, a été condamné à rembourser 3,2 millions d’euros.[3] Membre d’un comité gouvernemental de surveillance sur la stabilité financière, il avait vendu ses actions de la banque Landsbanki deux semaines avant la faillite de celle-ci...[4] Composée d’un juge de la cour suprême, du médiateur parlementaire et d’une professeure de l’Université de Yale (Etats-Unis), épaulés par des historiens et des économistes.[5] L’accord soumis au vote en 2010 porte sur une remboursement de 3,7 milliards d’euros, versés au Royaume-Uni et aux Pays-Bas de 2016 à 2023. 93 % des Islandais (contre 2%) le refusent lors du référendum de 2010.[6] Devant le tribunal de l’Association européenne de libre-échange (AELE)[7] Suite à la crise de 2008, ce montant garanti a été relevé en 2009 de 20 000 à 100 000 euros par déposant.[8] Selon un rapport de Icelandic Financial Services Association. Le montant des créances effacées serait d’environ 1,6 milliards de dollars, d’après les décisions de justice enregistrées.

Nos dossiers :• Que faire face à la crise financière ?

Lire aussi :• Lettre ouverte à Wall Street• Comment Renault se prépare à démanteler ses usines en France• Comment les multinationales pétrolières et minières se moquent du fisc et des États

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Le HuffPost Par Grégory RaymondPublication: 04/04/2013 20:02 CEST

06. Le document de la BNP expliquant comment créer une soc ié té o f f sho re en tou te discrétion

PARADIS FISCAUX - L'évasion fiscale est décidément sous les feux de la rampe en ce début de printemps, avec les aveux de l'affaire Cahuzac et l'opération "Offshore leaks" qui a révélé l'existence de 120.000 comptes offshore.

Le HuffPost s'est penché sur le cas de la BNP Paribas, au moyen d'un document utilisé en interne chez BNP Paribas Wealth Management (gestion de fortune) en Suisse et à destination des conseillers clientèle. Ce fascicule de présentation d'une cinquantaine de pages, datant de 2009, constitue une sorte de guide de la création de la société offshore à partir des filiales suisses.

➪ Un montage pour faire disparaître le nom du détenteur du compteSur l'une des slides de la présentation, la banque prend comme par hasard l'exemple d'un investisseur "d'origine ukrainienne" qui voudrait détenir une société dans son pays, sans toutefois que son nom n'apparaisse officiellement. Tiens, tiens...

(Source : BNP Paribas Wealth Management)

Il lui est conseillé (voir diagramme ci-dessous) , accrochez-vous, de créer une société offshore dans les Îles Vierges britanniques (BVI), qui investirait ensuite dans une compagnie maltaise, elle-même à la tête de 30% d'un holding de droit néerlandais, qui investirait à son tour dans un autre holding chypriote.

Au terme de ce montage financier? Le holding enregistré à Chypre détiendrait 100% de la société de M. X, qui est "d'origine ukrainienne", selon le document. Rien d'illégal bien sûr. Rappelons que détenir un compte, où qu'il soit n'a rien de répréhensible du moment qu'il est déclaré. Mais autant de manoeuvres pour mettre en place l'anonymat peuvent légitimement faire douter de la bonne foi du contribuable en question.

➪ Un Ukrainien, un hasard?22

La nationalité n'a sans doute pas été choisie par hasard: les pays de l'Est affectionnent tout particulièrement la petite île. Et pas que pour ses plages. L'agence Moody's estime à 19 milliards de dollars les seuls avoirs des sociétés russes, auxquels s'y ajouteraient 12 milliards de dollars d'avoirs de banques russes dans des établissements chypriotes. Au total, près de 22% du système bancaire de Chypre serait de nationalité russe, selon le cabinet de gestion d'actifs Alfa Capital.

La banque promet que l'intéressé percevra les revenus de sa société sous forme de dividendes ou de plus-values à Malte, où l'imposition est nulle.

De plus, selon une étude CCFD-Terre Solidaire, les principales banques françaises auraient actuellement au moins 547 filiales dans les paradis fiscaux. Elles auraient même renforcé leur présence ces dernières années. BNP Paribas est notamment passée de 347 à 360 filiales, entre 2010 et aujourd'hui.

Contactée par Le HuffPost, la banque a souligné que le nombre de filiales en activité était en réalité de 309, dont 126 rien qu'en Belgique et au Luxembourg. BNP Paribas déclare également que ces pays ne sont pas officiellement des paradis fiscaux, car non présents dans la liste grise de l'OCDE. La propre définition du terme par la France englobe toutefois Brunei et les Philippines, selon un arrêté du 12 avril 2012. BNP Paribas se défend d'y exercer des activités litigieuses.Pour autant, des places comme les Îles Vierges britanniques ou Singapour ne sont pas réputées pour leur transparence.

➪ BNP vante son "expérience terrain unique" aux Îles CaïmanLa position de BNP Paribas au sujet des Îles Caïman est également pour le moins équivoque. Cette autre île sous le feu des projecteurs ne fait pas payer d'impôt sur les sociétés, pratique l'opacité des fonds entreposés et constitue le cinquième centre financier de la planète, après New York, Londres, Tokyo et Hong Kong. La plupart des entreprises du CAC 40 y ont d'ailleurs des filiales (ou dans une île équivalente).

(Capture du site BNP)

BNP Paribas y a conservé 22 structures sur place, malgré son engagement à quitter les paradis fiscaux. Certes, selon la définition du terme "paradis fiscal" par la France et l'OCDE, les Îles Caïman n'en font pas partie. Il n'empêche, ce caillou de 260 km2 n'en reste pas moins un centre

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MISE À JOURLe Monde a de son côté corroboré ces informations dans le cadre l'opération "OffshoreLeaks". D'après des documents secrets, BNP Paribas, mais aussi Crédit Agricole, ont supervisé la création de très nombreuses sociétés offshore pour des clients recherchant la confidentialité et une fiscalité plus faible, dans les îles Vierges britanniques, dans les îles Samoa ou à Singapour, à la fin des années 1990 et tout au long des années 2000. Les fichiers brillent par leur incroyable complexité, où "la volonté de dissimulation est manifeste", écrit le quotidien.

BNP Paribas a publié un communiqué, stipulant que ces documents étaient "anciens". "BNP Paribas a revu et durci ses procédures, et s'impose aujourd'hui des obligations qui vont bien au delà des exigences légales, par exemple en refusant d'ouvrir des comptes a des structures immatriculées dans certains pays lorsque leur propriétaire est européen."

"offshore", à la réglementation très souple, pour ne pas dire "peu regardante". En effet, les sociétés écran permettent de cacher le nom de propriétaire. Et sans nom, pas de renseignements.

Sur le site internet de la banque, BNP Paribas vante d'ailleurs son "expérience terrain unique" aux Îles Caïman, en proposant ses services "à un grand nombre de sociétés de placement collectif et d'investissements alternatifs sous l'égide (…) de gestionnaire de fonds spécialisés". Parmi le savoir-faire de la banque, des services de "trustee".

De quoi s'agit-il? Des structures o p a q u e s , l e p l u s s o u v e n t

implantées dans des paradis fiscaux, et qui permettent de dissimuler des propriétés et des biens en rendant invisible le nom du véritable propriétaire. Les trusts "n'ont aucun intérêt pour les Français fiscalement... sauf à ce qu'ils fassent de l'évasion fiscale". Et ce n'est pas n'importe qui qui le dit: c'est Baudouin Prot, président de BNP Paribas en avril 2012 devant la commission d'enquête du Sénat.

(Mise à jour : Le journal Libération nous a signalé avoir publié le document de BNP Paribas Wealth Management en mai 2012. L'article est disponible ici)

LIRE AUSSI» À la poursuite des fonds cachés de Jérôme Cahuzac» L'enquête en Suisse confirme l'existence du compte» Quels paradis fiscaux restent-ils en Europe ?

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Le Monde.fr | 05.04.2013 à 09h57 • Mis à jour le 06.04.2013 à 11h53Par Anne Michel

07. Crédit agricole, BNP Paribas.. des banques françaises à l'ombre des "palmiers"Dans les fichiers "Offshore Leaks" révélés par Le Monde daté du 5 avril, il apparaît que deux banques françaises majeures, BNP Paribas et le Crédit agricole, ont supervisé la création de très

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nombreuses sociétés offshore pour des clients recherchant la confidentialité et une fiscalité plus faible, dans les îles Vierges britanniques, dans les îles Samoa ou à Singapour, à la fin des années 1990 et tout au long des années 2000. C'est ce que dévoile le Consortium international de journalistes d'investigation (ICIJ) qui travaille sur ce dossier depuis plus d'un an et dont les données s'arrêtent au début de l'année 2010.

Selon ces documents secrets, BNP Paribas opère par l'intermédiaire de ses filiales à Singapour et à Hongkong, alors que le Crédit agricole s'appuie sur sa filiale suisse, dont le siège est à Genève. Dans les deux cas, les sociétés ont été constituées depuis les filiales asiatiques. Et avec l'aide d'un prestataire spécialisé sur l'offshore et la création de sociétés clés en main (ces fameuses quick companies, créées en moins de 48 heures), Portcullis TrustNet, pour de riches clients se déclarant domiciliés en Asie, dissimulés derrière des prête-noms.

La constitution de telles sociétés de droit anglo-saxon n'est pas illégale en soi, tant qu'elle n'est pas proposée à des clients de pays où ces sociétés sont interdites (comme la France, où la loi exige de connaître le bénéficiaire d'une société et interdit le trust). Mais cette activité suppose la plus extrême vigilance. De l'avis concordant d'experts de la lutte contre l'évasion et la fraude fiscales internationales, elle place donc toutes les banques qui s'y adonnent en risque sérieux de complicité de fraude fiscale voire de blanchiment d'argent.

Regarder la vidéo : Comment des banques françaises aident leurs clients à pratiquer l'évasion fiscalehttp://www.dailymotion.com/video/xyr99n_evasion-fiscale-comment-des-banques-francaises-aident-leurs-clients_news#from=embediframe

Évasion fiscale : comment des banques françaises aident leurs clientsLe Monde.fr

04:20En participant activement à la création de ces sociétés offshore, les banques françaises contribuent à l'opacité financière internationale. Une pratique en contradiction avec les principes qu'elles n'ont de cesse d'affirmer haut et fort publiquement. Comme le 17 avril 2012, quand Baudouin Prot, président du groupe BNP Paribas, déclarait à la commission d'enquête du Sénat sur l'évasion fiscale : "Pour nous, il n'y a pas de compromis dans ce domaine : nous tenons à être absolument exemplaires."

Ou comme ce 30 janvier 2013, lors de l'audition des dirigeants des grandes banques françaises devant les députés, au moment de l'examen du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires. De concert, ils ont affirmé que leurs activités dans les paradis fiscaux étaient marginales ou en relation avec le financement de l'économie réelle (par exemple, le financement de bateaux ou d'avions dans des Etats offrant un droit des contrats accommodant).

S'agissant de BNP Paribas, les fichiers d'ICIJ permettent de reconstituer 56 montages de "sociétés commerciales internationales" (international business companies) – un statut assimilable à celui du trust –, créées à partir de ses filiales à Jersey et en Asie (Singapour, Hongkong et Taïwan), aux îles Vierges britanniques, aux Samoa, aux Seychelles, à Hongkong et à Singapour.

Le Crédit agricole apparaît, lui aussi, très actif, en tout cas jusqu'à la fin des années 2000, avec, sur les fichiers d'ICIJ, 36 sociétés créées par sa filiale suisse, Crédit agricole Suisse SA, par l'intermédiaire de ses implantations en Asie (Hongkong et Singapour).

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"C'EST UNE FAÇON NORMALE DE FAIRE DE LA BANQUE PRIVÉE"Interrogé par Le Monde, le directeur général de BNP Paribas, Jean-Laurent Bonnafé, a refusé de s'exprimer officiellement. Mais, après des recherches en Asie, la banque a confirmé l'existence de ces structures dont la moitié, assure-t-elle, ne sont plus actives aujourd'hui.

BNP Paribas affirme que ces sociétés ont été constituées dans la plus stricte légalité, pour le compte de clients asiatiques ou domiciliés en Asie, dont elle "connaît l'identité" et dont elle a "contrôlé l'origine et l'emploi des fonds ainsi que les motivations". Aucun Européen ne figure, selon elle, parmi ces clients.

Toujours selon BNP Paribas, ces clients ne chercheraient pas à échapper à l'impôt sur le patrimoine, faible en Asie, mais à mettre celui-ci à l'abri dans des territoires protégés par le secret des affaires afin de le transmettre à leurs héritiers en toute confidentialité le jour venu. "En Asie et dans les pays du Commonwealth, la plupart des transmissions se font par des trusts dans des territoires offshore, justifie BNP Paribas. C'est une façon normale de faire de la banque privée."

Pourtant, les documents d'ICIJ viennent contredire les affirmations de BNP Paribas. Ainsi, les actionnaires réels de la société Muju International Limited, créée aux îles Vierges britanniques par BNP Paribas banque privée à Singapour, sont domiciliés en Grèce. Donc dans un pays européen, placé sous assistance financière de l'Europe depuis 2010 et dont les finances publiques ont été gangrenées par l'évasion fiscale. Il s'agit de George Macrymichalos et de Dimitrios Charitatos.

Renseignements pris à Athènes, ce dernier est le fils de Catherine Drakopoulos-Charitatos et le petit-fils de l'armateur grec George Drakopoulos, ex-propriétaire de la compagnie maritime Empros Lines, décédé en 2008. MM. Macrymichalos et Charitatos sont les dirigeants actuels d'Empros Lines. BNP Paribas affirme pour sa part que les activités de leur société ont cessé en 2007.

Le Crédit agricole s'est refusé à commenter des informations confidentielles, retranché derrière "le secret bancaire et les autres règles applicables en matière de confidentialité, dont le non-respect est passible de sanctions". Un haut dirigeant de la banque coopérative souligne toutefois qu'un important nettoyage de ses implantations dans les paradis fiscaux jugés non coopératifs (avec le fisc ou la justice de pays tiers) a été entrepris en 2009 et 2010, après le G20 d'avril 2009 à Londres. Celui-ci avait vu les grandes puissances, frappées par la crise financière de 2008, engager le combat contre les "juridictions à palmiers", comme on les appelle, et exhorter leurs banques à quitter ces trous noirs de la finance mondiale.

Dans les fichiers d'ICIJ, on découvre des montages offshore qui interpellent par leur incroyable complexité. La volonté de dissimulation y est manifeste, notamment vis-à-vis des autorités de régulation. Elle conduit à s'interroger sur les motivations de leurs bénéficiaires. On y voit des dirigeants et des actionnaires fantômes s'empiler, qui donnent pour adresse des boîtes postales dans les paradis fiscaux partout dans le monde.

C'est le cas, par exemple, de Triple 888 Fortune Limited, sise aux îles Vierges. La société compte parmi ses administrateurs des banquiers de BNP Paribas Jersey et des entreprises domiciliées aux îles Vierges et aux Caïmans. Parmi ses actionnaires figure la filiale d'une banque suisse spécialisée dans la fourniture de prête-noms, UBS Nominees... Un véritable ovni juridique ! Qui s'avérerait parfaitement "indétricotable" pour l'administration fiscale qui voudrait y regarder de plus près, afin d'en contrôler les flux et la légalité, et remonter jusqu'aux bénéficiaires économiques réels.

Questionnée sur ces cas particuliers, BNP Paribas répond qu'il est fréquent pour des banquiers de se retrouver administrateurs de sociétés qu'ils ont créées pour des clients - fût-ce, détail non négligeable, aux côtés d'autres administrateurs fictifs. Quant aux actionnaires grecs et italiens identifiés sur la liste ICIJ, la banque admet avoir rencontré "certaines difficultés" lorsque des

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changements de domiciliation ont eu lieu sans qu'elle en soit avertie. Mais "les contrôles ont été changés en 2010, fait valoir un porte-parole, et de tels cas ne pourraient plus se produire".

"ON APPLIQUE LES RÈGLES POUR AUTANT QU'ELLES EXISTENT"Côté Crédit agricole, l'architecture des sociétés est tout aussi opaque. On y retrouve d'ailleurs les mêmes prête-noms que ceux utilisés par sa concurrente française : des Execorp Limited, Sharecorp Limited, ou encore Acticorp Limited..., de faux dirigeants et de faux actionnaires, loués à l'année par Portcullis TrustNet.

Des questions similaires se posent donc. A quelles fins ces "véhicules" ont-ils été créés ? Surtout, avec quels contrôles ? La banque peut-elle garantir l'identité et la probité de ses clients ? Assurer que ces structures n'ont pas servi à soustraire des impôts aux pays d'origine ? Ne se met-elle pas en risque de blanchiment ?

De l'avis d'experts, les banques françaises ont été parmi les premières, dès 2009, à répondre aux exigences du monde politique et de la société civile, en se repliant des paradis fiscaux alors jugés trop opaques et rétifs à coopérer avec le fisc ou la justice de pays étrangers, tel Panama. Mais, depuis, ce mouvement de retrait a marqué le pas. Leurs activités manquent de transparence. Les trusts sans bénéficiaire et les sociétés offshore sans obligation comptable continuent de prospérer.

Si le secteur bancaire a déployé d'énormes efforts ces dernières années pour mettre en place des procédures strictes en matière de lutte contre le blanchiment d'argent issu d'activités criminelles, son action en matière de lutte contre l'évasion et la fraude est jugée insuffisante.

Un dirigeant de banque, qui reste anonyme, récuse la critique : "Il n'y a plus de liste noire des paradis fiscaux qui soit établie par l'OCDE [Organisation de coopération et de développement économiques]. Tous ont signé des conventions fiscales. Pourquoi devrions-nous nous interdire de travailler dans des territoires qui ne sont pas fichés?", interroge-t-il.

Et de poursuivre : "On applique les règles pour autant qu'elles existent. Que les politiques aient le courage de sanctionner les pays qu'ils jugent opaques, et nous nous adapterons. Arrêtons de demander au secteur marchand de faire le travail du gouvernement. Ce n'est pas aux banques de faire la police. Nous ne sommes ni la gendarmerie ni l'armée. Encore moins des juges d'instruction."

Pour Daniel Lebègue, ancien directeur du Trésor et président de l'ONG anticorruption Transparency International en France, "l'un des grands enjeux est de créer un registre national des trusts et autres sociétés offshore opaques, fiducies, fondations, afin de connaître, partout dans le monde, le nom des administrateurs, des gestionnaires et des bénéficiaires économiques réels de ces entités. La transparence constitue l'un des fondements de l'économie de marché.

Elle ne se négocie pas, poursuit cet observateur avisé des pratiques bancaires. Je me félicite que la France, et dans son sillage l'Europe, ait décidé d'imposer aux banques un reporting pays par pays, et pour le monde entier, de leurs activités, incluant le chiffre d'affaires et les profits qu'elles y réalisent et les impôts qu'elles y paient", en allusion à la loi bancaire actuellement en cours d'examen au Parlement.

En 2009, en préface d'un livre de Philippe Quême paru en 2011 (Monnaie bien public ou "banque-casino" ?, L'Harmattan), l'ex-directeur du Trésor avait écrit : "On attend des banques qu'elles se comportent en acteurs socialement responsables, attentifs aux impacts de leur activité (...) Il est de la responsabilité conjointe des gouvernements et des professionnels de faire en sorte que la mondialisation des échanges ne s'accompagne pas d'un développement exponentiel de la fraude et de la délinquance financière : blanchiment, corruption, paradis fiscaux."

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Cette analyse est partagée par l'ONG CCFD-Terre solidaire : "On sait à quel point les banques du monde entier jouent finement avec ce qu'elles ont le droit de faire ou pas, constate Mathilde Dupré. Il faut plus de transparence. Les paradis fiscaux existent et nuisent aux Etats, en particulier aux pays en voie de développement... Ils ont besoin de collecter ces impôts qui leur échappent."

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08.ÉCONOMIEOFFSHORE LEAKS

VENDREDI 05 AVRIL➫ Tout financier offshore est une île, hier comme aujourd'hui...

➫ BNP Parisbas, Crédit agricole... des banques françaises à l'ombre des "palmiers"

➫ Comment "Le Monde" a remonté la piste d'Elie de RothschildVIDÉO

➫ Comment des banques aident leurs clients à pratiquer l'évasion fiscaleVIDÉO

➫ Offshore Leaks : "Nous publierons une dizaine de noms français significatifs"Anne Michel explique la méthode et les enjeux de l'enquête internationale à laquelle "Le Monde" a participé.

JEUDI 04 AVRIL ➫ Les îles Caïmans, trou noir de l'économie mondialeCe caillou de 260 kilomètres carrés, colonie de la Couronne britannique, est l'un des plus gros centres financiers offshore de la planète.

➫ Révélations sur les scandales des paradis fiscauxDes documents jettent une lumière crue sur un système d'évasion fiscale mondialisé. Plongée au cœur des "juridictions à palmiers".

➫ Le trésorier de campagne de François Hollande a investi aux CaïmansJean-Jacques Augier dit avoir agi dans la légalité et invoque son "caractère aventurier".

➫ Offshore Leaks : qui détient les comptes secrets ?Des millions de transactions effectuées dans des paradis fiscaux viennent d'être mis à jour, après quinze mois d'enquête par la presse internationale.Mathilde Carton

➫ Paradis fiscaux : du villageois grec aux aigrefins de Wall StreetLa masse de données analysées représente plus de 160 fois celle des fichiers WikiLeaks.Duncan Campbell, Stefan Candea, Nicky Hager, Michael Hudson, Gérard Ryle et Marina Walker Guevara

➫ Offshore Leaks : la Grèce va enquêter sur des sociétés inconnues

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Les services fiscaux grecs vont enquêter sur 107 sociétés off-shores grecques, dont seulement quatre sont enregistrées auprès des autorités fiscales grecques.

EDITO DU MONDE➫ Le système offshore, cet ennemi patenté de la démocratieÉditorial. L'enquête que "Le Monde" commence à publier est consacrée au maquis des paradis fiscaux à l'échelle mondiale, à leur fonctionnement occulte et à leurs bénéficiaires de tous horizons.Natalie Nougayrède➫ Prête-nom : un job peu rémunérateurIls vendent leur patronyme, parfois à des milliers de sociétés sises dans de lointains paradis fiscaux.Gerard Ryle, Stefan Candea et Arta Gige

➫ Comment le consortium américain d'investigation a traité les donnéesUn travail de fourmi qui a permis d'analyser 2,5 millions de fichiers.Duncan Campbell Adaptation : Alexandre Léchenet

PORTRAIT➫ Jean-Jacques Augier, un ami de trente ans du président de la RépubliqueD'emblée, l'ancien trésorier de la campagne de François Hollande a balayé le soupçon qui pourrait mettre en difficulté le chef de l'Etat.Raphaëlle Bacqué

ENQUÊTE➫ Xi Shu, l'énigmatique partenaire chinois de Jean-Jacques AugierCet homme d'affaires a développé un réseau de librairies franchisées, dont le trésorier de campagne de Hollande est actionnaire.Harold Thibault

MERCREDI 03 AVRIL➫ Secret bancaire : "L'affaire Cahuzac est l'arbre qui cache la forêt""Il est nécessaire de demander la levée du secret bancaire en Suisse", estime Gérard Scheller, du bureau d'Attac à Genève.Simon Piel

MARDI 22 JANVIERCHRONIQUE➫ Les îles Caïmans en quête de vertuLa sixième place financière mondiale n'a cessé de défrayer la chronique judiciaro-financière : pots-de-vin dans l'aéronautique, dissimulation de pertes par le groupe Olympus, blanchiment d'argent du trafic de drogue par HSBC...Marc Roche

VENDREDI 07 DÉCEMBRE 2012➫ Ne pas déclarer un compte bancaire à l'étranger coûte cher, très cherOuvrir un compte dans une banque d'un autre pays est légal... à condition de ne pas "oublier" de le déclarer au fisc. Les sanctions ont été durcies par l'actuel gouvernement.Nathalie Cheysson-Kaplan

MERCREDI 25 JUILLET 2012➫ Evasion fiscale : 50 milliards d'euros de manque à gagner pour l'Etat7La commission d'enquête du Sénat propose un Haut-Commissariat pour lutter contre la fraude.Anne Michel

LUNDI 23 JUILLET 201229

SYNTHÈSE➫ L'évasion fiscale mondiale : dix fois le PIB de la FranceLes actifs financiers de particuliers dissimulés dans des paradis fiscaux atteindraient entre 17 000 et 26 000 milliards d'euros, selon Tax Justice Network.Soren Seelow

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09. Affaire Cahuzac : les pistes fournies aux enquêteurs par un banquier de GenèveLE MONDE | 20.03.2013 à 11h04 • Mis à jour le 20.03.2013 à 13h42Par Agathe Duparc - Genève, correspondance

C'est un témoin privilégié de l'affaire Cahuzac qui a beaucoup de choses intéressantes à raconter. Ce banquier, établi à Genève, a été entendu à Annecy, le 13 février, par deux enquêteurs de la police judiciaire, spécialement venus de Paris.

Fin spécialiste de la gestion de fortune privée, il a, durant quatre heures, aiguillé les policiers sur les différents schémas qui auraient pu permettre au ministre français délégué au budget d'ouvrir un compte non déclaré en Suisse sans que son nom n'apparaisse, puis de le transférer à Singapour.

Acceptant de parler au Monde sous couvert d'anonymat, le financier reconnaît ne pas détenir "d'éléments de preuves sur ce compte". Mais il ajoute connaître la manière dont travaillait Hervé Dreyfus, le gestionnaire de fortune de Jérôme Cahuzac. "Il avait des réseaux politiques, à droite comme à gauche, avec parmi eux des hommes politiques, des chefs d'entreprise et des gens du show-business qui mettaient leur argent en Suisse. Ce serait une coïncidence extraordinaire qu'il ne se soit pas occupé de Cahuzac", confie-t-il.

Interrogé par les enquêteurs, le banquier a d'abord identifié la voix d'Hervé Dreyfus dans le fameux enregistrement fourni à la justice par Michel Gonelle, ex-élu RPR du Lot-et-Garonne, reconnaissant "ses intonations de voix, son vocabulaire et ses tournures de phrases".

M.DREYFUS, "PORTE-VALISES DE REYL"Le banquier genevois a ensuite mis les enquêteurs sur la piste de Reyl & Cie, une société de gestion d'actifs financiers pour le compte de clients privés, fondée en 1973 à Genève par Dominique Reyl, le demi-frère d'Hervé Dreyfus, et devenue une banque en 2010. "Hervé Dreyfus, outre ses activités en

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France au sein de la société Raymond James Asset Management International, était le porte-valises de Reyl à Paris. C'est lui qui livrait le cash et permettait ainsi un système de compensation."

"Pendant longtemps, Reyl n'avait pas de licence bancaire, mais ouvrait dans différents établissements, dont UBS, des master accounts", explique le témoin. Ces "comptes maîtres", ouverts au seul nom de Reyl, permettaient de gérer sous une seule identité plusieurs sous-comptes de clients privés ainsi protégés ou dissimulés.

"Dans ce cas, UBS n'avait pas dans ses livres le nom de Jérôme Cahuzac, d'autant plus si le compte du ministre avait été ouvert au nom d'une société ou d'un trust, une précaution supplémentaire pour masquer son identité", explique-t-il.

FILIALE À SINGAPOUREnfin, dernière hypothèse livrée aux enquêteurs français : un compte ouvert par l'intermédiaire d'une société d'assurance-vie luxembourgeoise, un schéma qui permet en effet de ne pas faire apparaître le nom de l'ayant-droit économique.

Quant au probable transfert du compte de M. Cahuzac à Singapour, le banquier-témoin rappelle que "dès l'introduction, en 2005, d'une retenue à la source sur l'épargne des clients étrangers, la plupart des banques, dont Reyl, ont ouvert des filiales à Singapour pour y mettre à l'abri les dépôts. Et ce mouvement s'est poursuivi à mesure que le secret bancaire helvétique s'amenuisait".

Selon le banquier genevois, la démission de Jérôme Cahuzac devrait provoquer de nombreuses turbulences. "Tout le monde doit trembler, car une bonne partie de la classe politique française, à droite comme à gauche, connaît très bien les bords du Léman."

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Par Jim Jarrassépublié le 20/03/2013 à 12:57 Réactions

10. L'affaire Cahuzac en cinq questions

Jérôme Cahuzac, le 7 mars dernier. Crédits photo : JEAN-PIERRE MULLER/AFP

La voix de Jérôme Cahuzac a-t-elle été identifiée sur la bande publiée par Mediapart ? Qu'est-ce que le délit de "blanchiment de fraude fiscale", sur lequel enquêtent les juges ? La Suisse va-t-elle participer à la procédure ? Le Figaro fait le point sur l'affaire.

" Quels sont les éléments de Mediapart, à l'origine de l'affaire?31

Dans son enquête publiée le 4 décembre, le site d'investigation prétend que Jérôme Cahuzac a détenu un compte "non déclaré" à l'Union des banques suisses (UBS) de Genève, clôturé en 2010 et dont les avoirs ont ensuite été déplacés à Singapour. Deux jours plus tard, suite aux premières dénégations du ministre, Mediapart met en ligne un enregistrement sonore, qui daterait de 2000. Dans cette bande, issue selon le site internet d'un répondeur téléphonique, un homme présenté comme Jérôme Cahuzac évoque son compte en Suisse. "Ca me fait chier d'avoir un compte ouvert là-bas. L'UBS, c'est quand même pas forcément la plus planquée des banques", dit l'homme à un interlocuteur non identifié sur la bande.

" D'où vient l'enregistrement?Mediapart n'a jamais levé le voile sur l'identité de la source qui lui a transmis l'enregistrement. Mais, fin décembre, le site d'information publie le nom du détenteur d'origine de la bande. Il s'agit de Michel Gonelle, un ancien élu RPR, qui a perdu en 2001 la mairie de Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne) au profit de Jérôme Cahuzac, alors député. Selon Mediapart, après avoir appelé Michel Gonelle, Jérôme Cahuzac l'aurait rappelé quelques minutes plus tard, sans s'en rendre compte. Il était en pleine conversation avec son gestionnaire de fortune. Leur discussion aurait alors été enregistrée par le répondeur téléphonique du maire de Villeneuve-sur-Lot. Michel Gonelle laisse entendre que la bande a été donnée à Mediapart par un autre opposant local du ministre, l'ex-juge Jean-Louis Bruguière, à qui il avait transmis une copie de l'enregistrement. Lequel affirme pour sa part avoir "détruit" cet enregistrement sans l'avoir écouté.

" La voix sur la bande est-elle celle de Jérôme Cahuzac?"Oui!", jure Michel Gonelle, qui s'est même manifesté auprès de l'Elysée pour confirmer l'authenticité du document. Dans le doute, le procureur de Paris, François Molins, a pris l'initiative d'ouvrir le 7 décembre une enquête préliminaire et de requérir une expertise sur la bande. Selon le communiqué du parquet de Paris publié mardi, l'enquête a conclu qu'elle n'a "subi aucune altération ou modification". Trois témoins ont dit reconnaître la voix de l'ancien ministre et un autre a reconnu "des intonations de la voix", précise le parquet. La police technique scientifique qui a comparé la voix de la bande avec celle de Jérôme Cahuzac conclut: "Sur une échelle de -2 à +4, la puissance de l'indice, c'est à dire de notre comparaison phonétique et automatique se situe à +2. Autrement dit le résultat de notre analyse renforce l'hypothèse que Jérôme Cahuzac est le locuteur inconnu".

" Qu'est-ce que le blanchiment de fraude fiscale?Les juges d'instruction Le Loire et Van Ruymbeke en charge de l'information judicaire ouverte mardi enquêteront sur des faits présumés de blanchiment de fraude fiscale et non pas directement sur la fraude elle-même. Une manoeuvre habile, car les poursuites pour fraude fiscale sont soumises à un avis de la commission des infractions fiscales, placée sous l'autorité du ministère du Budget. Un conflit d'intérêt patent dans le cadre de l'affaire Cahuzac.

Le blanchiment de fraude fiscale est un délit qui consiste à réinjecter dans l'économie le fruit d'une évasion fiscale, par exemple en achetant un appartement avec l'argent placé sur un compte en Suisse. Dans le cas de Jérôme Cahuzac, les juges devront d'abord vérifier l'existence du fameux compte et la provenance des fonds. Selon le parquet, un des témoins entendus par les enquêteurs affirme que les sommes versées "proviendraient de laboratoires pharmaceutiques", une industrie pour laquelle Jérôme Cahuzac a été consultant dans les années 90. Les enquêteurs chercheront ensuite à déterminer comment cet argent - s'il existe - a été utilisé. Si le délit de blanchiment de fraude fiscale est constitué, le ministre démissionnaire risque jusqu'à cinq ans d'emprisonnement et 375.000 euros d'amende.

" La Suisse va-t-elle collaborer à l'enquête?Le 31 janvier, les autorités suisses ont transmis des informations aux services fiscaux français indiquant, selon des proches du ministre cités par le JDD et le Nouvel Observateur, que Jérôme Cahuzac n'a pas été titulaire d'un compte bancaire à l'UBS depuis 2006. Le document n'a cependant

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pas été rendu public et Mediapart, tout comme une source judiciaire française citée par l'agence Reuters, contestent l'interprétation qui en est faite par Bercy.

Dans le cadre de l'information judiciaire ouverte mardi, la justice genevoise a reçu une demande d'entraide judiciaire venue de Paris. Les autorités suisses doivent désormais décider si elles y donnent suite ou pas. Aucun délai pour donner une réponse n'est imposé par la loi. Attachée au secret bancaire, la Suisse n'est pas réputée pour sa collaboration en matière fiscale. "Elle traîne des pieds. Sur 300 demandes, seulement 40 à 50 réponses sont jugées satisfaisantes par Paris", expliquait fin 2012 François d'Aubert, président du groupe d'évaluation du Forum fiscal mondial, à l'Agefi. Mais face à la forte médiatisation de l'affaire Cahuzac, les autorités helvètes pourraient être forcées de collaborer, surtout si la justice française a recours à une commission rogatoire internationale.

LIRE AUSSI:" Cahuzac, un ministre de talent stoppé en pleine ascension" Démission de Cahuzac: le plus mauvais moment pour Ayrault

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GOUVERNEMENT19/03/2013 à 19h45Blandine Grosjean | Redchef adj

11. Jérôme Cahuzac contraint de démissionnerA 19h30, ce mardi, François Hollande, dans un communiqué laconique, "remercie Jérôme Cahuzac pour son action à la tête du ministère du Budget". Il rappelle sa fierté de l’avoir eu dans son gouvernement et attend qu’il défende son honneur.

Trente minutes plus tôt, François Hollande annonçait qu’il mettait "fin aux fonctions de Jérôme Cahuzac, ministre délégué auprès du ministre de l’Economie et des Finances, chargé du Budget, à sa demande".

Bernard Cazeneuve, ministre délégué aux Affaires européennes, est nommé au poste de Jérôme Cahuzac.

Quelques heures auparavant, le parquet de Paris avait annoncé l’ouverture d’une information judiciaire contre X, pour :

"Blanchiment de fraude fiscale, perception par un membre d’une profession médicale d’avantages procurés par une entreprise dont les services ou les produits sont pris en charge par la Sécurité sociale, blanchiment et recel de ce délit."

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Comme l’a révélé Mediapart, Cahuzac est soupçonné d’avoir possédé un compte bancaire en Suisse aux fins de soustraire des sommes d’argent au fisc.

La situation était devenue intenable pour Jérôme Cahuzac : difficile d’être à la fois ministre du budget, en discussion avec tous les ministères dont celui de la Justice, et être soi-même l’objet d’une enquête judiciaire... On était en présence d’un conflit d’intérêt manifeste.L’ex-ministre a réagi dans un communiqué où il maintient sa ligne de défense : les accusations de Mediapart sont des "calomnies" et s’il démissionne, c’est pour permettre un bon fonctionnement de la justice.

"Ça me fait chier d’avoir un compte là-bas"Une enquête préliminaire pour blanchiment de fraude fiscale avait été ouverte dès le 8 janvier pour déterminer si, comme l’affirme le site Mediapart, Jérôme Cahuzac a bien détenu dans les années 2000 un compte en Suisse. Selon le site, ce compte aurait été clos en 2010 et les avoirs transférés, par des montages complexes, à Singapour.

Ce mardi, le parquet a justifié l’ouverture d’une information judiciaire "au regard de la complexité des investigations à diligenter, notamment la mise en œuvre complète de l’entraide répressive internationale, en Suisse, mais aussi à Singapour".

Le site Mediapart avait appuyé ses accusations sur une bande audio sur laquelle une voix attribuée à Jérôme Cahuzac évoque un compte en Suisse.

Sur l’enregistrement diffusé par Mediapart et qui date, selon le site, de la fin de l’année 2000, un homme dit à un interlocuteur non identifié :

"Ça me fait chier d’avoir un compte ouvert là-bas, l’UBS c’est quand même pas forcément la plus planquée des banques."

Démission de Jérôme Cahuzac (Baudry)

L’enquête préliminaire a déterminé que cet enregistrement n’avait pas été fabriqué ; trois témoins ont reconnu la voix du ministre. Ce mardi soir, Mediapart estime que "le parquet valide l’ensemble des informations" qu’il a publiées.

ALLER PLUS LOINSur Rue89

Affaire Cahuzac : l’enregistrement audio validé selon MediapartCahuzac nie "en bloc et en détail" les accusations de MédiapartAphatie en boucle sur Cahuzac : "Que Plenel publie ses preuves !"

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HOLLANDE REMERCIE CAHUZACFrançois Hollande a "remercié", dans un communiqué, Jérôme Cahuzac "pour l’action qu’il a c o n d u i t e d e p u i s m a i 2012 comme ministre du Budget pour le redressement des comptes de la France". "Il l’a fait avec talent et compétence. Je salue la décision qu’il a prise" de démiss ionner "pour mieux défendre son honneur", a ajouté le Président.

POLITIQUES19 mars 2013 à 19:03 (Mis à jour: 19:10)Par SYLVAIN MOUILLARD, DOMINIQUE ALBERTINI

12. Le "blanchiment de fraude fiscale", qu'est-ce que c'est ?DÉCRYPTAGE Le parquet de Paris a requis l'ouverture d'une information judiciaire visant Jérôme Cahuzac, ministre du Budget démissionnaire.

Jérôme Cahuzac, le 29 mai 2012 à Paris. (Photo Lionel Bonaventure. AFP)

Trois mois après les premières accusations du site d’information Mediapart, le parquet de Paris a requis, ce mardi, l’ouverture d’une information judiciaire sur un éventuel "blanchiment de fraude fiscale" de la part de Jérôme Cahuzac, qui a déclenché sa démission. Que recouvre cette dénomination, pourquoi a-t-elle été préférée à la simple fraude fiscale, et que risque l'ancien ministre socialiste du Budget ? Le point.

Qu’est-ce que le blanchiment de fraude fiscale ?Ce délit se caractérise en deux temps. "Il faut une infraction d’origine, la fraude fiscale, explique Jérôme Lasserre Capdeville, maître de conférence à l’Université de Strasbourg. En clair, vous ne déclarez pas tous vos revenus au fisc. Puis, en plaçant cet argent en Suisse, sans le déclarer, et en l’utilisant pour acquérir des biens, on réalise un acte de blanchiment."

Pourquoi la justice a-t-elle ouvert une enquête sur le blanchiment et non sur la fraude elle-même ?Mediapart accusait Jérôme Cahuzac d'avoir soustrait son argent au fisc français. Mais le choix du parquet de Paris est une habile manœuvre. En France, la fraude fiscale est en effet soumise à une procédure dérogatoire : pour que des poursuites soient engagées, il faut que la commission des infractions fiscales, placée sous l’autorité du ministère du Budget en décide ainsi. Dans le cas de Jérôme Cahuzac, le conflit d’intérêt était évident.

Le motif de blanchiment de fraude fiscale permet, lui, de contourner cet archaïsme et de donner toute liberté à la justice d’enquêter. Autre avantage : le délai de prescription pour un blanchiment de fraude fiscale - d’une durée de trois ans - ne commence qu’à partir de la révélation des faits si ceux-ci ont été dissimulés. Une disposition qui n’existe pas en cas de "simple" fraude fiscale, et qui pourrait suffire à couvrir Jérôme Cahuzac. Celui-ci, selon Mediapart, aurait clos son compte bancaire à l’UBS de Genève en 2010. Reste, dans tous les cas, à prouver l’existence de ce dernier.

Que va-t-il se passer ?"Le juge va devoir démontrer l’infraction principale, la fraude fiscale, avant de s’attaquer à l’infraction de conséquence, le blanchiment, explique Chantal Cutajar, directrice du Grasco (Groupe de recherches actions sur la criminalité organisée) de l’Université de Strasbourg. Des opérations complexes vont être menées, en recourant notamment à la coopération internationale. Cela se passe plutôt bien avec la Suisse, c’est plus tendu avec Singapour." Selon Mediapart, le compte helvète de

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l'ancien ministre du Budget aurait été clôturé en 2010 et ses avoirs auraient été transférés, via des montages complexes, dans la république du Sud-Est asiatique. Concrètement, des commissions rogatoires (quand un juge charge un autre juge d'instruire une affaire ou de rechercher des preuves) seront émises par la justice française, permettant de réaliser des réquisitions dans les établissements bancaires concernés.

Que risque Jérôme Cahuzac ?Si l’enquête démontrait les faits avancés par Mediapart, Jérôme Cahuzac risquerait jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende, peines prévues par le Code pénal. Des circonstances aggravantes peuvent être retenues si le blanchiment est commis "de façon habituelle ou en utilisant les facilités que procure l’exercice d’une activité professionnelle". Dans ce cas de figure, le contrevenant risque jusqu’à dix ans d’emprisonnement et 750 000 euros d’amende. Des peines différentes que pour la fraude fiscale elle-même, assortie de sept ans de prison et un million d’euros d’amende au maximum. Une information judiciaire a été ouverte ce mardi à l'encontre de l'ancien ministre, et non une enquête préliminaire, comme indiqué dans un premier temps par erreur.

À LIRE AUSSI

Cahuzac, des premières révélations à la démissionRetour sur les grandes dates de l'affaire, depuis le début de la publication de l'enquête de Mediapart.

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13. NOTRE DOSSIER: LE COMPTE CAHUZAChttp://www.mediapart.fr/journal/france/dossier/notre-dossier-le-compte-cahuzac

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E C O N O M Y Tom Dispatch / By Laura GottesdienerNovember 26, 2013

14. How Wall Street's New Empire of Rental Homes Could Blow Up the EconomyWall Street is at it again—this time, they're turning rentals into the next get-rich-quick bubble.

Photo Credit: Shutterstock.com/Brian A Jackson To stay on top of important articles like these, sign up to receive the latest updates from TomDispatch.com here.

You can hardly turn on the television or open a newspaper without hearing about the nation’s impressive, much celebrated housing recovery. Home prices are rising! New construction has started! The crisis is over! Yet beneath the fanfare, a whole new get-rich-quick scheme is brewing.

Over the last year and a half, Wall Street hedge funds and private equity firms have quietly amassed an unprecedented rental empire, snapping up Queen Anne Victorians in Atlanta, brick-faced bungalows in Chicago, Spanish revivals in Phoenix. In total, these deep-pocketed investors have bought more than 200,000 cheap, mostly foreclosed houses in cities hardest hit by the economic meltdown.

Wall Street’s foreclosure crisis, which began in late 2007 and forced more than 10 million people from their homes, has created a paradoxical problem. Millions of evicted Americans need a safe place to live, even as millions of vacant, bank-owned houses are blighting neighborhoods and spurring a rise in crime.

Lucky for us, Wall Street has devised a solution: It’s going to rent these foreclosed houses back to us. In the process, it’s devised a new form of securitization that could cause this whole plan to blow up—again.

Since the buying frenzy began, no company has picked up more houses than the Blackstone Group, the largest private equity firm in the world. Using a subsidiary company, Invitation Homes, Blackstone has grabbed houses at foreclosure auctions, through local brokers, and in bulk purchases directly from banks the same way a regular person might stock up on toilet paper from Costco.

In one move, it bought 1,400 houses in Atlanta in a single day. As of November, Blackstone had spent $7.5 billion to buy 40,000 mostly foreclosed houses across the country. That’s a spending rate of $100 million a week since October 2012. It recently announced plans to take the business international, beginning in foreclosure-ravaged Spain.

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Few outside the finance industry have heard of Blackstone. Yet today, it’s the largest owner of single-family rental homes in the nation—and of a whole lot of other things, too. It owns part or all of the Hilton Hotel chain, Southern Cross Healthcare, Houghton Mifflin publishing house, the Weather Channel, Sea World, the arts and crafts chain Michael’s, Orangina, and dozens of other companies.

Blackstone manages more than $210 billion in assets, according to its 2012 Securities and Exchange Commission annual filing. It’s also a public company with a list of institutional owners that reads like a who’s who of companies recently implicated in lawsuits over the mortgage crisis, including Morgan Stanley, Citigroup, Deutsche Bank, UBS, Bank of America, Goldman Sachs, and of course JP Morgan Chase, which just settled a lawsuit with the Department of Justice over its risky and often illegal mortgage practices, agreeing to pay an unprecedented $13 billion fine.

In other words, if Blackstone makes money by capitalizing on the housing crisis, all these other Wall Street banks—generally regarded as the main culprits in creating the conditions that led to the foreclosure crisis in the first place—make money too.

An All-Cash Goliath

In neighborhoods across the country, many residents didn’t have to know what Blackstone was to realize that things were going seriously wrong.

Last year, Mark Alston, a real estate broker in Los Angeles, began noticing something strange happening. Home prices were rising. And they were rising fast—up 20% between October 2012 and the same month this year. In a normal market, rising home prices would mean increased demand from homebuyers. But here was the unnerving thing: the homeownership rate was dropping, the first sign for Alston that the market was somehow out of whack.

The second sign was the buyers themselves.

[About 5% of Blackstone's properties, approximately 2,000 houses, are located in the Charlotte metro area. Of those, just under 1,000 (pictured above) are in Mecklenberg County, the city's center. (Map by Anthony Giancatarino, research by Symone New.)]

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“I went two years without selling to a black family, and that wasn’t for lack of trying,” says Alston, whose business is concentrated in inner-city neighborhoods where the majority of residents are African American and Hispanic. Instead, all his buyers—every last one of them—were besuited businessmen. And weirder yet, they were all paying in cash.

Between 2005 and 2009, the mortgage crisis, fueled by racially discriminatory lending practices, destroyed 53% of African American wealth and 66% of Hispanic wealth, figures that stagger the imagination. As a result, it’s safe to say that few blacks or Hispanics today are buying homes outright, in cash. Blackstone, on the other hand, doesn’t have a problem fronting the money, given its $3.6 billion credit line arranged by Deutsche Bank. This money has allowed it to outbid families who have to secure traditional financing. It’s also paved the way for the company to purchase a lot of homes very quickly, shocking local markets and driving prices up in a way that pushes even more families out of the game.

“You can’t compete with a company that’s betting on speculative future value when they’re playing with cash,” says Alston. “It’s almost like they planned this.”

In hindsight, it’s clear that the Great Recession fueled a terrific wealth and asset transfer away from ordinary Americans and to financial institutions. During that crisis, Americans lost trillions of dollars of household wealth when housing prices crashed, while banks seized about five million homes. But what’s just beginning to emerge is how, as in the recession years, the recovery itself continues to drive the process of transferring wealth and power from the bottom to the top.

From 2009-2012, the top 1% of Americans captured 95% of income gains. Now, as the housing market rebounds, billions of dollars in recovered housing wealth are flowing straight to Wall Street instead of to families and communities. Since spring 2012, just at the time when Blackstone began buying foreclosed homes in bulk, an estimated $88 billion of housing wealth accumulation has gone straight to banks or institutional investors as a result of their residential property holdings, according to an analysis by TomDispatch. And it’s a number that’s likely to just keep growing.

“Institutional investors are siphoning the wealth and the ability for wealth accumulation out of underserved communities,” says Henry Wade, founder of the Arizona Association of Real Estate Brokers.

But buying homes cheap and then waiting for them to appreciate in value isn’t the only way Blackstone is making money on this deal. It wants your rental payment, too.

Securitizing Rentals

Wall Street’s rental empire is entirely new. The single-family rental industry used to be the bailiwick of small-time mom-and-pop operations. But what makes this moment unprecedented is the financial alchemy that Blackstone added. In November, after many months of hype, Blackstone released history’s first rated bond backed by securitized rental payments. And once investors tripped over themselves in a rush to get it, Blackstone’s competitors announced that they, too, would develop similar securities as soon as possible.

Depending on whom you ask, the idea of bundling rental payments and selling them off to investors is either a natural evolution of the finance industry or a fire-breathing chimera.

“This is a new frontier,” comments Ted Weinstein, a consultant in the real-estate-owned homes industry for 30 years. “It’s something I never really would have dreamt of.”

However, to anyone who went through the 2008 mortgage-backed-security crisis, this new territory will sound strangely familiar.

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"It's just like a residential mortgage-backed security," said one hedge-fund investor whose company does business with Blackstone. When asked why the public should expect these securities to be safe, given the fact that risky mortgage-backed securities caused the 2008 collapse, he responded, “Trust me.”

For Blackstone, at least, the logic is simple. The company wants money upfront to purchase more cheap, foreclosed homes before prices rise. So it’s joined forces with JP Morgan, Credit Suisse, and Deutsche Bank to bundle the rental payments of 3,207 single-family houses and sell this bond to investors with mortgages on the underlying houses offered as collateral. This is, of course, just a test case for what could become a whole new industry of rental-backed securities.

Many major Wall Street banks are involved in the deal, according to a copy of the private pitch documents Blackstone sent to potential investors on October 31st, which was reviewed by TomDispatch. Deutsche Bank, JP Morgan, and Credit Suisse are helping market the bond. Wells Fargo is the certificate administrator. Midland Loan Services, a subsidiary of PNC Bank, is the loan servicer. (By the way, Deutsche Bank, JP Morgan Chase, Wells Fargo, and PNC Bank are all members of another clique: the list of banks foreclosing on the most families in 2013.)

According to interviews with economists, industry insiders, and housing activists, people are more or less holding their collective breath, hoping that what looks like a duck, swims like a duck, and quacks like a duck won’t crash the economy the same way the last flock of ducks did.

“You kind of just hope they know what they’re doing,” says Dean Baker, an economist with the Center for Economic and Policy Research. “That they have provisions for turnover and vacancies. But have they done that? Have they taken the appropriate care? I certainly wouldn’t count on it.” The cash flow analysis in the documents sent to investors assumes that 95% of these homes will be rented at all times, at an average monthly rent of $1,312. It’s an occupancy rate that real estate professionals describe as ambitious.

There’s one significant way, however, in which this kind of security differs from its mortgage-backed counterpart. When banks repossess mortgaged homes as collateral, there is at least the assumption (often incorrect due to botched or falsified paperwork from the banks) that the homeowner has, indeed, defaulted on her mortgage. In this case, however, if a single home-rental bond blows up, thousands of families could be evicted, whether or not they ever missed a single rental payment.

“We could well end up in that situation where you get a lot of people getting evicted... not because the tenants have fallen behind but because the landlords have fallen behind,” says Baker.

Bugs in Blackstone’s Housing Dreams

Whether these new securities are safe may boil down to the simple question of whether Blackstone proves to be a good property manager. Decent management practices will ensure high occupancy rates, predictable turnover, and increased investor confidence. Bad management will create complaints, investigations, and vacancies, all of which will increase the likelihood that Blackstone won’t have the cash flow to pay investors back.

If you ask CaDonna Porter, a tenant in one of Blackstone's Invitation Homes properties in a suburb outside Atlanta, property management is exactly the skill that Blackstone lacks. “If I could shorten my lease—I signed a two-year lease—I definitely would,” says Porter.

The cockroaches and fat water bugs were the first problem in the Invitation Homes rental that she and her children moved into in September. Porter repeatedly filed online maintenance requests that were canceled without anyone coming to investigate the infestation. She called the company’s repairs hotline. No one answered.

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The second problem arrived in an email with the subject line marked “URGENT.” Invitation Homes had failed to withdraw part of Porter’s November payment from her bank account, prompting the company to demand that she deliver the remaining payment in person, via certified funds, by five p.m. the following day or incur “the additional legal fee of $200 and dispossessory,” according to email correspondences reviewed by TomDispatch.

Porter took off from work to deliver the money order in person, only to receive an email saying that the payment had been rejected because it didn’t include the $200 late fee and an additional $75 insufficient funds fee. What followed were a maddening string of emails that recall the fraught and often fraudulent interactions between homeowners and mortgage-servicing companies. Invitation Homes repeatedly threatened to file for eviction unless Porter paid various penalty fees. She repeatedly asked the company to simply accept her month’s payment and leave her alone.

“I felt really harassed. I felt it was very unjust,” says Porter. She ultimately wrote that she would seek legal counsel, which caused Invitation Homes to immediately agree to accept the payment as “a one-time courtesy.”

Porter is still frustrated by the experience—and by the continued presence of the cockroaches. (“I put in another request today about the bugs, which will probably be canceled again.”)

A recent Huffington Post investigation and dozens of online reviews written by Invitation Homes tenants echo Porter’s frustrations. Many said maintenance requests went unanswered, while others complained that their spiffed-up houses actually had underlying structural issues.

There’s also at least one documented case of Blackstone moving into murkier legal territory. This fall, the Orlando, Florida, branch of Invitation Homes appeared to mail forged eviction notices to a homeowner named Francisco Molina, according to the Orlando Sentinel. Delivered in letter-sized manila envelopes, the fake notices claimed that an eviction had been filed against Molina in court, although the city confirmed otherwise. The kicker is that Invitation Homes didn’t even have the right to evict Molina, legally or otherwise. Blackstone’s purchase of the house had been reversed months earlier, but the company had lost track of that information.

The Great Recession of 2016?

These anecdotal stories about Invitation Homes being quick to evict tenants may prove to be the trend rather than the exception, given Blackstone’s underlying business model. Securitizing rental payments creates an intense pressure on the company to ensure that the monthly checks keep flowing. For renters, that may mean you either pay on the first of the month every month, or you’re out.

Although Blackstone has issued only one rental-payment security so far, it already seems to be putting this strict protocol into place. In Charlotte, North Carolina, for example, the company has filed eviction proceedings against a full 10% of its renters, according to a report by the Charlotte Observer.

Forty thousand homes add up to only a small percentage of the total national housing stock. Yet in the cities Blackstone has targeted most aggressively, the concentration of its properties is staggering. In Phoenix, Arizona, some neighborhoods have at least one, if not two or three, Blackstone-owned homes on just about every block.

This inundation has some concerned that the private equity giant, perhaps in conjunction with other institutional investors, will exercise undue influence over regional markets, pushing up rental prices because of a lack of competition. The biggest concern among many ordinary Americans, however, should be that, not too many years from now, this whole rental empire and its hot new class of securities might fail, sending the economy into an all-too-familiar tailspin.

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[About 9% of Blackstone’s properties, approximately 3,600 houses, are located in the Phoenix metro area. Most are in low- to middle-income neighborhoods. (Map by Anthony Giancatarino, research by Jose Taveras.)]

“You’re allowing Wall Street to control a significant sector of single-family housing,” said Michael Donley, a resident of Chicago who has been investigating Blackstone’s rapidly expanding presence in his neighborhood. “But is it sustainable?” he wondered. “It could all collapse in 2016, and you’ll be worse off than in 2008.”

[Note: Special thanks to Symone New and Jose Taveras for conducting the difficult research to locate Blackstone-owned properties. Special thanks also to Anthony Giancatarino for turning this data into beautiful maps.]

Laura Gottesdiener is a freelance journalist and the author of A Dream Foreclosed: Black America and the Fight for a Place to Call Home, forthcoming from Zuccotti Park Press.

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5 DÉCEMBRE 2013Ivan du RoyTableau : Mathieu Lapprand via DatatablesPhoto : via NYSE Euronext

15. Quand les actionnaires s’accaparent 60% des bénéfices des entreprisesL’équivalent de 60% de leurs bénéfices : c’est ce qu’ont versé à leurs actionnaires les 47 grandes entreprises françaises cotées en bourse que nous avons étudiées. Alors même que les suppressions de postes se multiplient et que l’investissement est en berne, plusieurs grands groupes hexagonaux continuent de redistribuer une proportion considérable de leurs profits aux actionnaires – y compris lorsque ces profits sont faibles voire inexistants. Notre enquête sur ce "coût du capital" révèle également que l’Etat est un actionnaire aussi gourmand que les autres.

Les actionnaires nuisent-ils à la "compétitivité" de leur entreprise ? Combien coûte la rémunération du capital pour les entreprises cotées ?

Chaque année, les dividendes versés aux actionnaires s’élèvent de quelques dizaines de centimes à plusieurs euros par action. Insignifiant ?

Loin de là. Car les grandes entreprises françaises sont plutôt très généreuses avec leurs actionnaires. En moyenne, les 47 entreprises que Basta ! et l’Observatoire des multinationales ont étudiées (elles

figurent parmi les plus grosses sociétés cotées en France, voir notre tableau ci-dessous) ont versé en 2012 l’équivalent de 60% de leurs bénéfices aux détenteurs de leur capital. Soit 32 milliards d’euros environ sur les 54 milliards de "résultats nets" des entreprises, après acquittement de l’impôt.

Le montant total de ces dividendes varie de 15 millions d’euros (Atos) à près de 5,3 milliards (Total). Huit grandes entreprises françaises ont choisi de verser à leurs actionnaires des dividendes supérieurs à leurs bénéfices.

Pour les conseils d’administration, maintenir un dividende élévé permet, en théorie, de fidéliser les actionnaires. Plusieurs administrateurs y consentent d’autant plus facilement qu’ils détiennent eux-

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mêmes une forte participation au capital de l’entreprise. Parmi notre panel, seule une poignée de groupes sont plutôt raisonnables, redistribuant moins de 20% de leurs bénéfices. Rémunérer fortement le capital, c’est se priver de financements qui auraient pu bénéficier à la recherche, à de nouvelles stratégies industrielles, à la réduction des impacts environnementaux ou à l’amélioration des conditions de travail.

Priorité aux financiers, quoiqu’il en coûte

Plusieurs groupes sont d’une générosité à toute épreuve à l’égard de leurs investisseurs. Même en perdant de l’argent, ils leur distribuent des dividendes ! Chez ArcelorMittal, ST Micro, Accor et Areva, à tous les coups, les actionnaires gagnent. Malgré une perte de 2,8 milliards, le n°1 de l’acier a ainsi ponctionné 910 millions d’euros au profit de ses actionnaires ! La fortune de la famille Mittal, qui détient près de 40% du groupe sidérurgique – et donc perçoit environ 40% des dividendes, soit 360 millions d’euros – passe avant tout. Les métallos sont les grands perdants. En 2013, le groupe supprime 1 600 emplois en Belgique après avoir fermé, l’année précédente, l’aciérie de Florange en Moselle.

Même ambiance chez l’hôtelier Accor. Malgré une perte de 600 millions d’euros l’année dernière, le groupe (Sofitel, Novotel, Ibis, Mercure…) a versé 269 millions d’euros de dividendes… Ce qui ne l’a pas empêché de lancer un "plan d’économie en Europe de 100 millions d’euros" et de supprimer 172 postes en France en 2013. Bref, priorité aux financiers. En l’occurrence, le fonds d’investissement Colony Capital, allié au fonds Eurazeo, premiers actionnaires d’Accor avec 21% du capital. Le nouveau PDG du groupe, Sébastien Bazin, en est d’ailleurs issu. "D’autres emplois sont menacés. Chaque fois ce sont des compétences fortes qui disparaissent en même temps que des collègues qui perdent leurs emplois. Dans le même temps l’entreprise continue de distribuer de forts dividendes", dénonce de son côté la CGT au sein de ST Micro. Et pour cause, la direction a maintenu le versement de 273 millions d’euros de dividendes malgré un résultat négatif de 903 millions en 2012. La réduction des dettes, c’est pour les autres.

(Sur l'article en ligne, cliquer sur chaque entrée du tableau pour voir le classement des 47 entreprises par catégorie, par ordre croissant ou décroissant)

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Entreprise Résultat net (en millions d'euros)

Dividendes distribués (en

millions d'euros

Montant des dividendes comparé au résultat net

(en %)

Montant des dividendes par salarié

(en euros)

TOTAL 10694 5288 49 54445

BNP PARIBAS 6553 406 6 2153

SANOFI 4967 3487 70 31141

AXA 4152 1720 41 18227

LVMH 3424 1448 42 13616

EDF 3316 2125 64 13303

L'OREAL 2868 1268.2 44 17459

VIVENDI 2550 1245 49 21447

SCHNEIDER ELECTRIC

1927 919 48 6031

VINCI 1916.7 951.9 50 4940

44

DANONE 1787 835 47 8154

RENAULT 1772 338 19 2660

AIR LIQUIDE 1609 803 50 16222

MICHELIN 1571 378 24 3523

GDF SUEZ 1550 1887 122 8603

CARREFOUR 1233 257 21 704

EADS 1228 379 31 2699

PERNOD RICARD 1201 411 34 22449

ORANGE 1104 3632 329 21298

KERING (PPR) 1048 473.3 45 14154

SAFRAN 1025 300 29 4796

BOLLORE 804.3 132.6 16 2387

ALSTOM 802 243 30 2616

SOCIETE GENERALE 774 508 66 3299

SAINT-GOBAIN 766 700 91 3631

PUBLICIS 737 189 26 3287

SOLVAY 710 278 39 9552

BOUYGUES 633 504 80 3767

ESSILOR 584 176.6 30 3485

CASINO 564 332 59 1042

TECHNIP 543.1 172.6 32 4728

SODEXO 525 221 42 524

LEGRAND 507 245 48 6950

LAFARGE 432 145 34 2254

VEOLIA ENVIRONNEMENT

393.8 353.8 90 1111

CAPGEMINI 370 154 42 1264

SUEZ ENVIRONNEMENT

251.4 601 239 7555

ATOS 228 14.9 7 194

VALLOUREC 216.8 150.5 69 6494

GEMALTO 201 26 13 2600

ILIAD 186.5 21.2 11 3259

ERAMET 8 59 738 4111

AREVA -99 112 2408

45

ACCOR -599 269 2009

ST MICRO -903 273 5634

ARCELORMITTAL -2826 910 3716

PEUGEOT -5010 0 0 0

www.bastamag.net

Sur les cinq entreprises déficitaires de notre panel, seul Peugeot a renoncé à rémunérer ses actionnaires. Mais c’est surtout pour sauver l’activité financière du groupe, la Banque PSA Finance, que la famille Peugeot, actionnaire à 25%, ne s’est pas versée un seul euro de dividendes. En échange d’une garantie de l’État sur 7 milliards d’euros d’emprunts, le groupe a promis en octobre 2012 de "ne pas procéder à des distributions de dividendes ou à des rachats d’actions, et à ne pas attribuer aux membres du directoire d’options de souscription ou d’achat d’actions ni d’actions gratuites". Et ce, pendant trois ans. De leur côté, les salariés de PSA paient le prix fort : plus de 8 000 emplois sont supprimés, l’usine d’Aulnay-sous-Bois en région parisienne a fermé, celle de Rennes est menacée. Au printemps 2012, les effectifs de l’activité automobile s’élevaient à 67 100 personnes. Selon les syndicats, ils devraient fondre à 55 900 employés d’ici à mi-2014. Les actionnaires, eux, devraient de nouveau percevoir des dividendes en 2015. Les salariés au chômage arriveront, eux, en fin de droits.

L’État, un actionnaire aussi gourmand que les autres

L’État, directement ou via l’une de ses institutions – Caisse des dépôts, Fonds stratégique d’investissement (FSI), Commissariat à l’énergie atomique (CEA)… – est présent au capital d’une vingtaine d’entreprises de notre panel. Dans neuf d’entre elles, la puissance publique pèse plus de 10% des actions, donc des voix (Areva, EADS, EDF, Eramet, GDF Suez, Orange, Renault, Safran, ST Micro). Comment se comporte l’État actionnaire ? Est-il aussi gourmand que les gros fonds ou portefeuilles d’actions privés ? Le cas Areva montre que l’État peut privilégier ses propres intérêts financiers, quel que soit l’état de santé de l’entreprise. Actionnaire à plus de 85% du champion du nucléaire, via notamment le CEA, l’État a empoché la plus grande part des 112 millions d’euros de dividendes, quand le fabricant de combustible nucléaire déplore une perte de 99 millions.

Areva n’est pas le seul exemple. En plus des multinationales déficitaires, quatre autres grands groupes français ont distribué à leurs actionnaires davantage d’argent qu’ils n’en ont gagné. Ils ont un point commun : l’État est très présent au sein du capital. Eramet, l’une des rares sociétés minières hexagonales, a ainsi versé l’équivalent de 738% de ses bénéfices en dividendes ! Parmi ses actionnaires figurent le FSI et le Bureau de recherche géologique et minière, un établissement public (27% à eux deux). Les actionnaires d’Orange – dont l’Etat et le FSI (toujours 27%) – peuvent également se réjouir : ils ont perçu 328% des bénéfices du principal opérateur de téléphonie. Un pactole non négligeable : 3,6 milliards d’euros. La rémunération, longtemps fixée à 1,4 euro par action, a entravé les investissements et a provoqué de sérieux remous en interne. "Depuis dix ans, Orange a versé 27 milliards d’euros de dividendes, c’est plus que son poids en Bourse aujourd’hui !", dénonçait la Confédération générale des cadres lors de la dernière assemblée générale des actionnaires fin mai 2013. Une proposition de baisse des dividendes à 0,78 euro par action a plusieurs fois été refusée par les actionnaires... avec le soutien de l’Agence de participation de l’État, qui représente le ministère des Finances. Elle est désormais en vigueur.

Même scénario pour GDF Suez. Prétextant une hausse des coûts d’approvisionnement, GDF Suez ne cesse de réclamer – et d’obtenir – de nouvelles hausses des tarifs du gaz. Tout en redistribuant des dividendes représentant 122% de ses bénéfices à ses actionnaires, au premier rang desquels l’État (39% avec la Caisse des dépôts). Quand à Suez environnement, elle a distribué 239% de son

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résultat après impôt, dont un bon tiers à son principal actionnaire… GDF Suez. Enfin, EDF, la seconde entreprise cotée en bourse, avec Areva, où l’État est majoritaire (84%), a reversé l’équivalent des deux tiers de ses bénéfices à ses propriétaires, soit 2,1 milliards d’euros. Toujours ça que les énergies renouvelables n’auront pas ! Reste à voir comment seront répartis les résultats de l’exercice 2012 pour vérifier si le gouvernement socialiste infléchit ces pratiques. Ou s’il préfère de l’argent frais à court terme quitte à fragiliser des entreprises.

Sept mois de salaires pour les actionnaires

S’il existait en France la palme du salarié le plus rentable au regard de l’argent qu’il fait gagner aux actionnaires de son entreprise, elle serait remise aux salariés de Total. Chacun des 97 126 employés du groupe pétrolier a rapporté plus de 54 000 euros de dividendes aux propriétaires de l’entreprise en 2012 ! Soit les trois quarts de ce que le groupe pétrolier dépense en moyenne par salarié chaque année. Et l’équivalent de trois années de Smic ! Total est aussi celle qui, parmi les 47 entreprises que nous avons étudiées, a reversé à ses actionnaires les plus gros dividendes : 5,3 milliards d’euros, soit quasiment la moitié de ses bénéfices.

A ce concours des salariés les plus "stakhanovistes" du point de vue de la rentabilité boursière, le personnel de Sanofi arrive en deuxième position : chacun des 112 000 employés du labo pharmaceutique, dont 28 000 en France, a permis à ses actionnaires d’engranger plus de 31 000 euros. Mais le capitalisme financier ne connaît pas la gratitude : entre 900 et 1 500 postes devraient être supprimés en France d’ici 2015, en particulier dans la recherche. Parallèlement, 70% des bénéfices, soit près de 3,5 milliards, ont été distribués aux actionnaires du groupe.

Les salariés de Pernod Ricard, de Vivendi et d’Orange ont également fait gagner plus de 20 000 euros à leurs actionnaires. Pour la moitié des opérateurs et techniciens de l’ancienne France Télécom, qui gagnent moins de 2 950 euros bruts, cela représente sept mois de salaire ! Ils récupéreront cependant l’équivalent d’un mois de salaire au titre de l’intéressement, et se consoleront peut-être en se rappelant que les salariés, via un fonds commun de placement, possède environ 4% des actions d’Orange.

Ces actionnaires qui en profitent le plus

La bourse est un vaste monde. Les petits actionnaires et leurs PEA (Plan d’épargne en actions) y côtoient les grandes fortunes, françaises mais aussi belges, états-uniennes, égyptiennes ou russes. On y croise une multitude de gestionnaires de portefeuilles d’actions des grandes banques françaises ou nord-américaines, des fonds de pension, des fonds souverains norvégiens, koweïtiens ou qataris, des États – la France bien sûr mais aussi l’Italie (dans le capital de ST Micro), l’Allemagne (EADS) ou le Grand Duché du Luxembourg (ArcelorMittal). Les salariés de plusieurs groupes y détiennent, via les fonds communs de placement de leur entreprise, des participations parfois non négligeables : chez Bouygues (23%), Safran (15%), Vinci (10%), Essilor (8%), ou Vallourec (7%) [1] Y apparaissent aussi quelques "humanitaires", comme le fonds britannique "Children’s Investment Fund Management" (Fonds d’investissement pour les enfants) qui possède une petite participation dans le groupe Safran, spécialiste en matière de défense et de drones. Et des multinationales elles-mêmes actionnaires d’autres multinationales. Tous sont unis vers un même objectif : percevoir des dividendes.

Si l’État est loin d’être le dernier à profiter du "coût du capital", plusieurs grosses entités bénéficient pleinement de ce généreux régime de redistribution. Le Groupe Bruxelles Lambert est ainsi présent en force : au sein de Lafarge (20,9%), de Pernod-Ricard (7,5%), de Suez environnement (7,2%), de GDF Suez (5,1%) et de Total (4%). Il s’agit d’une holding détenue par le milliardaire belge Albert Frère et la famille du milliardaire canadien Paul Desmarais, décédé en octobre. Tous deux étaient proches de l’ancien président Nicolas Sarkozy.

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Du CAC 40 aux sociétés coopératives

Le groupe Arnault, qui gère les intérêts de la première fortune de France, possède 46,2% de LVMH, qui a reversé 1,4 milliard d’euros de dividendes à ses actionnaires, et 15,6% de Carrefour (en alliance avec Colony Capital, très présent dans Accor). La société Wendel, dans laquelle officie l’ancien président du Medef Ernest-Antoine Seillières, possède 19,4% du groupe industriel Legrand et 17,4% de Saint-Gobain. Cette dernière est l’une des sociétés du CAC 40 les plus généreuses avec ses actionnaires. Ils se sont vu accordés des dividendes équivalent à 91% des bénéfices, soit 700 millions d’euros. Famille Bouygues ou Bettencourt, Financière Pinault... La liste des autres gros propriétaires de capitaux est loin d’être exhaustive.

Dans un monde parallèle au capitalisme financier, une autre répartition des richesses est à l’œuvre.

Tout n’est pas parfait au sein des 2 000 sociétés coopératives et participatives (Scop) qui existent en France. Mais un autre partage de la valeur créée y est pratiquée entre détenteurs du capital et les 43 800 salariés qui y travaillent. "En 2011, 43,2 % des excédents nets ont été distribués aux salariés sous forme de participation, 44,1 % ont été mises en réserve et 12,7 % ont rémunéré le capital investi dans les entreprises", explique la Confédération générale des Scop. L’État actionnaire pourrait, au moins, s’en inspirer.

Voir aussi notre enquête : Ecarts de rémunérations entre salariés et PDG : quelles sont les entreprises françaises les plus inégalitaires ?

Notes[1] Des fonds communs de placement existent dans plusieurs autres grandes entreprises mais ils dépassent rarement les 5% du capital.

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Méthodologie du tableau

Pour élaborer ce classement, l’Observatoire des multinationales et Basta ! ont étudié les documents de référence 2012, remis à l’Autorité des marchés financiers, de 47 grandes entreprises cotées. Nous avons comparé le montant des dividendes versés au résultat net, équivalent au bénéfice après impôt, de chaque entreprise. Cela permet de donner une idée des choix des dirigeant d’entreprise : favoriser la rentabilité financière à court terme ou consacrer davantage de bénéfices à de nouveaux investissements futurs.

Nous avons ensuite rapporté ces dividendes à l’effectif salarié du groupe dans le monde pour donner une idée des dividendes généré par chaque employé. Et pour que celui-ci constate, au vu de son salaire, la part de la richesse créée qui part rémunérer le capital. Exemple ? Un ouvrier de Renault au Smic générera presque l’équivalent de deux mois de son salaire en profits pour les actionnaires.

Précisons que les grands groupes non cotés en bourse ( comme Auchan) n’ont pas l’obligation de publier leur document de référence. Ils n’apparaissent donc pas dans ce panel.

December 31, 2013

16. Why "Fines" Don't Stop Bad Corporate BehaviorUnless the federal government actually threatens the executives of criminal corporations with jail time, nothing is going to change. As anyone who is paying attention knows by now, the slap-on-wrist "fines" being levied against criminal corporations aren't doing much to curtail illegal behavior: Five years after all those bailouts for big banks, major financial institutions like JPMorgan Chase and Bank of America agreed to pay many billions of dollars in fines this year to settle claims involving a range of wrongdoing, from questionable mortgage practices to trading fiascos.

Others corporate titans have paid out, too. Johnson & Johnson agreed to pay $2.2 billion to settle claims that the company marketed a drug for unproved uses and paid kickbacks to doctors. Another big drug company, Glaxo SmithKline, agreed to pay $3 billion and pleaded guilty to criminal charges that it illegally marketed drugs.

The list goes on. But amid all the headlines — and there have been many in recent years — the question remains: Do big fines actually prompt corporations to mend their ways? Many ordinary people certainly want companies to be held accountable. But for corporations, fines sometimes seem like the cost of doing business. That is because the costs often pale next to the profits that companies stand to make by doing the things that get them into trouble in the first place

What’s more, the penalties often come years after the supposed infractions came to light.

“You’d really like to see the fine in an immediate way such that it is really very observable,” says David F. Larcker, a law professor at the Stanford Graduate School of Business, “but even if it’s years later — once you go in there and do the analysis — you might find out the same practices are still going.”

Unless the federal government actually threatens the executives of criminal corporations with jail time, nothing is going to change. Fear is the only thing that keeps a sociopath in line.

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