Les Chars Sahariens

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    Gabriel Camps

    Les chars sahariens.In: Antiquits africaines, 25,1989. pp. 11-40.

    Abstract

    Description of different types of painted or carved chariots from the saharian areas whose extension closely squares with the

    berber linguistic field. Chronology test and debate about their meaning. The bigae (chariots drawn by two horses) which are the

    most numerous and anciently appeared, are not much fit for use to fight. They seemed to have especially been the ruling

    class'prestige engines born of the first palo-berber mediterraneans whose arrival to the Sahara must be drawn in parallel with

    the coming out of the Iheran-Tahilali style (recent Bovidien).

    Rsum

    Description des diffrents types de chars peints ou gravs des rgions sahariennes dont l'extension correspond troitement au

    domaine linguistique berbre. Essai de chronologie et discussion sur leur signification. Les biges qui sont les vhicules les plus

    nombreux et les plus anciennement apparus sont peu utilisables au combat ; ils paraissent avoir t surtout des engins de

    prestige de la classe dominante issue des premiers mditerranens paloberbres dont l'arrive au Sahara doit tre mise en

    parallle avec l'apparition du style d'Ihren-Tahilahi (Bovidien rcent).

    Citer ce document / Cite this document :

    Camps Gabriel. Les chars sahariens. In: Antiquits africaines, 25,1989. pp. 11-40.

    doi : 10.3406/antaf.1989.1152

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/antaf_0066-4871_1989_num_25_1_1152

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_antaf_98http://dx.doi.org/10.3406/antaf.1989.1152http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/antaf_0066-4871_1989_num_25_1_1152http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/antaf_0066-4871_1989_num_25_1_1152http://dx.doi.org/10.3406/antaf.1989.1152http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_antaf_98
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    Antiquits africainest. 25, 1989, p. 11-40

    LES CHARS SAHARIENSImages d'une socit aristocratique

    parGabriel CAMPS4

    RsumDescription des diffrents types de chars peints ou gravs des rgions sahariennes dont l'extension correspondtroitement au domaine linguistique berbre. Essai de chronologie et discussion sur leur signification. Les biges qui sontles vhicules les plus nombreux et les plus anciennement apparus sont peu utilisables au combat ; ils paraissent avoir tsurtout de s engins de prestige de la classe dominante issue des premiers mditerranens paloberbres dont l 'arrive auSahara doit tre mise en parallle avec l'apparition du style d'Ihren-Tahilahi (Bovidien rcent).

    AbstractDescription of different types of painted or carved chariots from the saharian areas whose extension closely squareswith the berber linguistic field. Chronology test an d debate about their meaning. The bigae (chariots drawn by tw o horses)which are the most numerous and anciently appeared, ar e not much fit for us e to fight. They seemed to have especially beenthe ruling class'prestige engines born of the first palo-berber mediterraneans whose arrival to the Sahara must be drawnin parallel with the coming ou t of the Iheran-Tahilali style (recent Bovidien).La premire mention de char rupestre au Sahara es t due H. Duveyrier1, mais il n'a pas vu cesgravures de chars tirs par des bovins que lu i signalaient ses informateurs toubous. D'aprs H. Lhote, lepremier char fu t dcouvert, mais non identifi comme tel, par F. Dubois, Tit (Ahaggar) en 1908. Maisce n'est vraiment qu'autour des annes 1930 que les officiers sahariens remarquent et font connatre,parmi les innombrables uvres rupestres du Tassili n'Ajjer, de curieuses reprsentations de vhicules deux roues, attels ou non des chevaux, parfois des bufs. Les relevs du lieutenant Lanney (1931),ceux du capitaine Brenans (1933), les premires descriptions de M. Reygasse2 eurent un cho assez faibledans les milieux scientifiques ; pourtant ds ces premires tudes, taient bien poses, mais peut-tre tropfacilement rsolues, les questions relatives l'ge, l'origine et aux fonctions de ces chars. La publication,en 1942, de Y Arte rupestre delle Libia, prcde en 1934 de la premire tude sur les chars du Fezzan dans* Universit de Provence, 29, avenue Robert-Schuman, 13621 Aix-en-Provence.1 DuvhYRii (H.), Les Touareg du Nord. Paris, 1864, 49 9 p., spcialement p. 458.SL (M.), Gravures et peintures rupestres du Tassili de s Ajjers. L'Anthropologie, t. 45, 1935, p. 553-571.

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    12 G. CAMPS Anthropologie, permettait P. Graziosi de faire connatre des documents3 quelque peu diffrents de ceuxdu Tassili n'Ajjer. Le commentaire, douze ans plus tard, par l'Abb Breuil, des relevs du capitaineBrenans4 attirait de nouveau l'attention sur les premiers leveurs de chevaux, baptiss Equidiens. Du faitde la personnalit de ces deux minents prhistoriens, ces tudes donnaient aux chars prhistoriquessahariens un lustre qui ne devait plus cesser. De nombreuses dcouvertes accompagnes de notules oud'articles, dus principalement H. Lhote, se succdent sans interruption jusqu' la publication paralllemais non concurrente, en 1982, de deux ouvrages consacrs la question. Le premier intitul Les charsprhistoriques du Sahara. Archologie et technique d'attelage5 es t la publication des actes d'un colloqueorganis l'anne prcdente par le Laboratoire d'Anthropologie et de Prhistoire des pays de laMditerrane occidentale l'abbaye de Snanque. Le second, d H. Lhote, prsente Les Chars rupestressahariens, des Syrtes au Niger par le pays des Garamantes et des Atlantes0. Il es t le fruit d'une trs longueexprience saharienne et d'une excellente connaissance de l'art rupestre.Pourquoi les spcialistes du Sahara pr et protohistorique se sont-ils si souvent intresss auxreprsentations de chars ? Les raisons ne manquent pas : ce fu t tout d'abord la surprise de dcouvrir dansdes rgions au relief aussi tourment que le Tassili, l'Ahaggar, l'Air, la reprsentation de vhicules aussilgers et fragiles, dans un pays qui, de surcrot, au moment de leur dcouverte, ignorait totalement la roueet presque compltement l'levage du cheval. C'taient donc des uvres se rfrant un monde trsdiffrent de l'actuel, cependant de nombreux dtails dans le vtement et l'quipement rvlaient unecontinuit certaine entre les artistes prhistoriques et les Touaregs actuels. Une deuxime source d'intrttait la relation qui d'emble s'tait impose aux explorateurs sahariens entre ces figurations et une phrased'Hrodote (IV, 184) : Les Garamantes font la chasse aux thiopiens troglodytes sur leurs chars quatre chevaux . D s 1935, M. Reygasse faisant connatre les chars de l'oued Djrat, les qualifiait dechars garamantiques , tout en leur reconnaissant le style mycnien du galop volant . Dans leurenthousiasme, ces estimables chercheurs ne remarquaient pas que la plupart des chars du Tassili taientattel deux chevaux et diffraient donc des quadriges conduits par les Garamantes (fig. 1) . Toutefois

    Fig. 1. Char grav (bige) de l'oued Djerat (Tassili n-Ajjer, relev H. Lhote) paraissant poursuivre un guerriermasqu. Cette scne a t conside comme l'illustration du texte d'Hrodote faisant mention de s Garamantes poursuivantles thiopiens.3 Graziosi (P.), Recherches prhistoriques au Fezzan et dans la Tripolitaine du Nord. L'Anthropologie, t. 44, 1934, p. 33 Id., L'Arte rupestre della Libia. Napoli, 1942, 2 vol., 33 2 p. et 160 pi .4 Breuil (H.), Les roches peintes du Tassili n'Ajjer. Congrs panafricain Prhist., actes 2e session, Alger, 1952 (Paris,1955), p. 65-239.5 Camps (G.) et Gast (M.), Les chars prhistoriques du Sahara. Archologie et techniques d'attelage. Aix-en-Provence,1982, 20 0 p.

    '' Lnoih (H.), Les chars rupestres sahariens, de s Syrtes au Niger par le pays de s Garamantes et de s Atlantes. Toulouse,1982, 28 5 p.

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    LES CHARS SAHARIENS 13les chars de l'oued Zigza et de l'oued Messaouda, publis par P. Graziosi, situs au Fezzan, donc dansle pays des Garamantes taient, eux, de vrais quadriges ; ils furent longtemps les seuls connus au Sahara.

    Quoiqu'il en soit ces reprsentations sahariennes qui pouvaient tre rattaches au texte d'Hrodotetaient les premires uvres d'art du Sahara que l'on pouvait dater puisqu'elles faisaient rfrenceaux vhicules qui taient mentionns prcisment dans la mme rgion au Ve sicle av. J.-C. Nous verronsinfra qu'il aurait t possible de remonter une poque largement antrieure, non pas tant en raison du style mycnien des chevaux au galop volant, mais en utilisant des textes gyptiens bien connus.Autre raison de l'intrt que suscitaient les figurations de chars, la relative frquence de cesreprsentations dans l'ensemble du Sahara, l'ouest du Tibesti. En 1982, H. Lhote dnombrait 608 chars ; la suite des nouvelles dcouvertes de R. Vernet en Mauritanie, de Ch. Dupuy dans l'Adrar des Ifoghas ;on peut estimer prs de 650 les chars actuellement signals. Le nombre des stations es t nettementinfrieur et ne doit pas dpasser le chiffre de 200 car certaines comptent un nombre considrable dereprsentations simplifies de chars (112 l'oued Lar'ar dans le Mont des Ksours, 104 Aouinet enMauritanie). De telles concentrations rvlent que le signe char avait acquis un caractre symboliquequi s'carte de toute utilisation massive de ces vhicules, reprsents presque toujours dtels. Cettedonne numrique ne peut tre nglige : quand un objet es t si frquemment reproduit, cela ne signifiepas ncessairement qu'il es t banal, mais plutt qu'il a acquis une valeur motionnelle ou symbolique.Cette remarque es t d'autant plus intressante que ces reprsentations se situent sur les marges mridionalesu monde classique qui, avant le IIIe millnaire, avait invent la roue. Il es t donc faux de dire quela roue n'a pas travers le Sahara ; les images de chars dans l'Ar, l'Adrar des Ifoghas et l'Aouker (fig. 2)

    Fig. 2. Reprsentations de chars dans l'abri d'Aguentour el-Abiod Teghdaoust (Aouker). Ces figures de chars sontles plus m ridionales et vraisemblablement aussi parmi les plus rcentes (relev R. Mauny).

    prouvent le contraire, mais il es t manifeste que la roue venue du Nord n'a pas t adopte par lespopulations ngro-africaines, pas plus d'ailleurs que l'araire qui avait t rpandue dans le Saharanord-occidental par les agriculteurs berbres.

    Le char saharien, te l qu'il es t reprsent dans les peintures et gravures, es t le plus souvent d'une grandesimplicit qui en fait l'originalit. Il comprend une plate-forme reposant sur un essieu et un timon fix

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    14 G. CAMPSau train. Examinons ces diffrentes parties : la plate-forme es t tantt triangulaire, le sommet du triangledirig vers l'avant, tantt rectangulaire, plus rarement semi-circulaire ; c'est pourtant cette forme qui avaitt choisie par les gyptiens. La plate-forme triangulaire se justifie par l'utilisation de deux entretoisesobliques qui runissent le timon et l'essieu. La plate-forme rectangulaire, plus frquente dans le Nord(Atlas marocain, Fezzan), semble avoir t prfre dans la fabrication de chars plus lourds ; elle es t plus

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    Fi e 3. Chars gravs reprsents dtels, en haut l'oued T-in Mliaout (Amguid, Tassili n'Ajjer) dont les deuxrambardes sont particulirement bien dtailles. Au centre, deux chars de l'oued Lar'ar (Mont de s Ksours) prtendument schmatiques (relev H. Lhote) ; en bas char deux timons et un seul joug d'igherm (Sud marocain, relev R. Wolf).

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    LE S CHARS SAHARIENS 15frquente dans les quadriges (Oued Zigza, Taouz) que dans les biges ; mais il ne s'agit pas d'une rglerigoureusement observe, trs nombreux sont les biges plate-forme rectangulaire (Ti-n Hanakaten,Tabarakkat n 4, Oued Imirhou, station du Mandre, Oued Lar'ar, etc.) tandis qu'il existe des quadriges plate-forme triangulaire (Safiet el Baroud). En dfinitive, je ne pense pas que le plan de la plate-formeai t une valeur discriminatoire. Dans les stations o sont reprsents en trs grand nombre des charsdtels et de tracs parfois schmatiques, les trois sortes de plate-forme apparaissent sans qu'une majoritsignificative ne se dgage. Qu'elle soit semi-circulaire, triangulaire ou rectangulaire, la plate-forme deschars sahariens es t constitue d'un simple cadre de bois retenant un tressage de lanires de cuir ou debranches flexibles. Cet ensemble tait suffisamment robuste pour soutenir le poids du conducteur etsuffisamment lastique pour amortir les cahots et les vibrations. Les exprimentations de J. Spruytte ontmontr les qualits de cet amnagement trs commun dans l'Antiquit.A la diffrence des chars gyptiens, orientaux et grecs, les chars sahariens sont, du moins sur denombreuses reprsentations, dpourvus de rambardes et a fortiori de caisse. Les rambardes quand ellessont figures, le sont sous la forme de demi-cercles de hauteur variable au-dessus de la plate-forme. Ellessont donc facilement omises sur les reprsentations de chars dtels figurs plat, mais elles devraient,en revanche apparatre rgulirement sur les chars monts qui sont reprsents de profil. En fait, la plusgrande libert rgne dans ces reprsentations. La plus prcise es t celle du char dtel de l'oued T-inMliaout (Amguid) (fig. 3) : de part et d'autre du timon trs court et d'une plate-forme rduite sont figursdeux demi-cercles renfermant chacun un croisillon7. A proximit, dans une autre station d'Amguid, unchar attel des chevaux au galop volant prsente le mme dispositif ; une ligne souple qui runit,au-dessus de l'essieu, les deux rambardes reprsente sans doute une corde qui, l'arrire, assurait unescurit supplmentaire au conducteur (fig. 5). Il es t possible qu'un autre amnagement de formesemi-circulaire, qui Tamadjert ou l'Oued Djrat par exemple, recoupe les jambes du conducteur aientt diffrents des rambardes, car ils semblent tre trop bas pour remplir ce rle ; ils sont parfois remplacspar des montants verticaux ou couds situs en avant de la plate-forme qui semblent s'lever directementdu timon (Akakus, Tabarakkat, Oued Djrat, Tamadjert...). Il s'agit vraisemblablement d'lments ancrssur le timon autour desquels on pouvait, l'arrt, enrouler les rnes (fig. 4). L'arrire de la plate-formees t presque toujours libre, il se confond avec l'essieu, mais certains chars avaient un dispositif quipermettait de fixer verticalement un ou plusieurs javelots. Dans la ralit ces porte-javelots devaient tre,non pas l'arrire de la plate-forme, mais fixs la rambarde de droite du char ; la reprsentation duchar n 5 d'Imesseridjen (ou Ladjao) Zaouaten-Laz es t tout fait prcise cet gard, de mme que latrs belle peinture de Weiressen o le porte-javelot es t accol la rambarde. Les javelots taient retenuspar des boucles qui apparaissent nettement sur l'un des chars de Tamadjert.La plate-forme repose sur le timon, lui-mme solidaire de l'essieu fixe ; elle a donc la mmedisposition que sur les chars gyptiens et orientaux. Le cocher se tient donc en avant de l'essieu et sonpoids porte sur le timon et l'attelage. Au contraire, dans le char grec, le conducteur se tient en arrire del'essieu, il fait donc contrepoids, le timon ou les brancards psent moins sur l'attelage, la traction es t plusaise.Le train de roulement es t constitu par l'essieu fixe et deux roues folles. Bien que les figures ne lemontrent pas, on peut supposer que l'essieu traversait l'extrmit du timon ou se logeait dans uneencoche. On remarque sur certaines figures des entretoises obliques qui relient le timon l'essieu, maison ne sait si ce dispositif es t diffrent de l'armature triangulaire ou s'il se confond avec elle, ce qui parat

    BoNNhT (.), Cabissol ( F.), Farri (A.) et Mossant (G.), Les chars sahariens d'aprs les peintures rupestres de Tamadjertet d'Amguid (Tassili n'Ajjer occidental) in Les chars prhistoriques du Sahara. Archologie et techniques d'attelage, op. !,p. 59-67.

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    Fig. 4. Chars peints de Tamadjert (Tassili n'Ajjer). Les chevaux sont reprsents au galop volant . L'attitudedynamique des conducteurs est inexacte. On remarque sur les deux chars du haut les piquets fixs sur le timon, en avantde la rambarde et qu i pouvaient servir attacher les rnes. La figure du bas est la seule du Sahara qu i reprsente un charmuni d'une vritable caisse. On notera les deux manires de figurer les roues : en haut reprsentes en profil absolu, ellessont superposes et les jantes paraissent doubles, en bas elles sont reprsentes plat et dcales en fausse perspective.Ces procds diffrents rvlent, au-del de la rigueur stylistique, une grande libert de la part de l'artiste.

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    Fig. 5. Deux reprsentations de biges sahariens de bonne valeur documentaire ; gauche, char de Weiressen(d'aprs J. Kunz) ; noter la barre de traction nettement indique, le porte-javelot, derrire la rambarde, les roues superposesavec doublement des jantes et du nombre des rayons. A droite, char d'Amguid (d'aprs Karpoff), l'attelage est celuihabituellement pratiqu durant l'Antiquit avec joug au niveau de s paules. Des cordages ou des lanires fixs l'arrirede s rambardes donnent une scurit supplmentaire.

    plus logique. Sur les chars munis de brancards, ceux-ci taient rendus solidaires par une entretoiseparallle l'essieu qui pouvait elle aussi servir de cadre la plate-forme qui dans ce cas es t rectangulaire.Dans la plupart des cas l'essieu lui-mme semble avoir servi de cadre arrire la plate-forme, ce qui es tsans inconvnient puisqu'il es t fixe. Les roues, retenues par une clavette l'extrmit de l'essieu, taientlibres, ce qui permettait de rsoudre les problmes de diffrentiel dans les changements de direction.

    Fig. 6. Char dtel de la Tombe des chars Tarquinia (trurie) . Cette reprsentation trusque du Ve sicle av . J.-C.est identique celle de s chars dits schmatiques de l'Atlas et des chars dtels du Tassili n-Ajjer (voir fig. 3 et 15). Onremarquera l'absence de caisse remplace, comme sur les chars sahariens, pa r de simples rambardes semi-circulaires figuresde part et d'autre de la plate-forme.

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    j. 7. Char peint de Tadjelamine (Tassili n'Ajjer) (photo J.-D. Lajoux).Vraisemblablement, bien que cela ne soit pas visible sur les gravures et peintures, la longueur du moyeusuffisait compenser le diffrentiel ; ce fut en tout cas la solution universellement adopte par lesconstructeurs de chars deux roues. Les roues des chars sahariens ont 4, 5, 6, 8 rayons, exceptionnellementlus (on en compte 14 dans un char d'In-Temeilt mais il s'agit d'une somme des rayons des deuxroues vues en superposition). Comme il es t normal, les deux roues d'un char ont le mme nombre derayons ; il es t cependant des exceptions sur les reprsentations de style nglig, particulirement cellesdes chars dtels de l'Atlas saharien (Station du Mandre, Oued Lar'ar) ou du Tafilalet (Taouz). Lesjantes des roues sont minces, mais dans de nombreuses reprsentations, particulirement prcises, ellessont figures par deux cercles concentriques qui ont fait croire l'existence de deux jantes superposes 8.En fait, ce figur n'apparat que lorsque le char es t vu de profil ; il s'agit d'un procd qui permetd'indiquer qu'il y a bien deux roues alors que l'il n'en voit qu'une (Tamadjert, Akakus, Weiresen, InTemeilt, Tamrit, Aharara, Tedjelamine, etc.) (fig. 5 et 7). A contrario, lorsqu'en faussant la perspective les

    Lu on-. (H.), Les chars rupestres sahariens, op. 1.

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    Fia. 8. Quadriges peints double timon du style du galop volant Ekat n'Oucher (relev J. Kunz) et Iheren(H. Lhote).

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    Fig. 9. Peinture de Tamadjert (Tassili n'Ajjer) (photo M. Touron).peintres et graveurs ont reprsent les deux roues dcales dans l'espace et mises plat, celles-ci sontfigures par un seul cercle. Dans la belle station de Tamadjert les deux procds ont t utiliss, sansdoute, par le mme artiste qui fut l'un des meilleurs de l'poque, au Tassili (fig. 4 et 9). Les conducteursde char avaient des armes en mtal (javelots), ils taient donc en tat de fabriquer des bandages

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    LE S CHARS SAHARIENS 21mtalliques, mais aucun document ne confirme cette opinion. On peut supposer, comme J. Spruytte, queles bandes de roulement taient renforces de cuir.

    L'attelage des chars sahariens a fait l'objet, de la part de J. Spruytte, de recherches trs pousses,allant jusqu' la reconstitution en grandeur naturelle et des dmonstrations exprimentales (Colloquede Snanque). Le mode d'attelage saharien n'est pas toujours identique celui qu'a connu l'Antiquit.En Orient, en Egypte, mais aussi chez les Grecs et les Romains, l'attelage des chars es t assur par un jougattach des fourchons d'encolure (fig. 11). Le joug es t fix au timon par une cheville de bois et descourroies qui assurent son maintien dans une position toujours perpendiculaire au timon. Un te l attelagees t reconnaissable sur les chars deux timons et quatre chevaux gravs de l'oued Zigza ou sur le charpeint de Safiet el Baroud ; on le trouve encore dans une gravure de bige de l'Air (Kori Taguei) et du Tassili(I- Etouami). Mais sur d'autres figurations, plus nombreuses, en particulier sur les peintures du Tassili

    Fie;. 10. Char peint de Titeras -Elias (Tassili n'Ajjer) ; le train de roues a t ddoubl (photo J.D. Lajoux).

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    Fig. 1 1. Le quadrige de style hellnique d'Ekat n'Oucher (relev J. Kunz).n'Ajjer, apparat un autre mode d'attelage qui es t d'interprtation difficile (fig. 12). Le joug n'est jamaisbien visible en raison de l'application de la peinture en aplats dans lesquels sont noys les dtails et lessuperpositions, mais il es t visible que le timon arrive jusqu' la tte des chevaux. Il ne s'agit donc pasd'un attelage fourchons d'encolure, systme dans lequel le timon ne dpasse gure l'paule des chevaux.Les belles peintures de Tamadjert, qui sont parmi les plus soignes du Tassili, montrent bien que le joug(si c'est bien un joug) se trouve au niveau de l'occipital et des premires vertbres cervicales des chevaux.Cette disposition n'est pas particulire Tamadjert, elle se retrouve dans l'Akakus, et en bien d'autresstations du Tassili (T-in Hanakaten, Imessaridjen, Tabarakkat, Weiressen...) ; elle n'est pas sans poser deproblme. J. Spruytte juge qu'il es t impossible de faire reposer un joug ce t endroit sur un cheval :l'animal souffrirait en raison de la faible paisseur des tissus au-dessus des premires vertbres cervicales,d'autre part il faudrait maintenir ce joug par un lien qui passerait ncessairement sous la gorge del'animal, ce qui l'tranglerait. Enfin, compte tenu de la structure de la tte du cheval, on ne voit pascomment un te l joug pourrait servir la traction du vhicule. J. Spruytte en dduit qu'il ne s'agit pas d'unjoug mais d'une barre de traction place sous la gorge des chevaux et laquelle tait fixe l'extrmit dutimon qui ne doit pas dpasser la barre, de crainte que les animaux ne se blessent (fig. 13). Reste comprendre comment tait relie cette barre traction la tte des chevaux ; aprs plusieurs essaisJ. Spruytte s'est arrt un harnais de tte trs simple, semblable au licol d'curie. A l'appui de cettehypothse, plusieurs dmonstrations exprimentales montrrent que des biges attels de cette manirepouvaient tre mens aux diffrentes allures, du pas au vrai galop. La peinture de Weiressen particulirementtaille montre, sans doute possible, la position de la barre de traction sous la bouche deschevaux. Une autre observation faite par J. Spruytte reoit son explication : presque tous les chevauxattels aux biges sahariens sont, sur les peintures, dpourvus de queue ; il ne s'agit pas d'altration d'unepeinture plus claire puisque le moignon de la queue coupe es t bien visible, Tamadjert en particulier ;

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    LES CHARS SAHARIENS 23or , cette mutilation tait rendue ncessaire sur de tels attelages qui laissaient les rnes flottantes puisqu'iln'tait pas possible de placer des passe-guides sur les fourchons d'encolure comme sur l'attelageclassique. Les rnes, qui allaient directement de la bouche du cheval aux mains du cocher, auraient risqude s'emmler la queue.Ce mode d'attelage par barre de traction n'est pas sans rappeler les alliances de mors rigides quipermet de dresser des chevaux et de les entraner tourner en mme temps. Il n'est pas impossible que

    Fie;. 12. Quadriges du Fezzan (Oued Zigza II, d'aprs P. Graziosi) en haut et de l'Atlas (Safiet el-Baroud, relevG. Camps, Erfoud, relev R. Wolf), en bas. Dans les deux rgions apparaissent les deux types principaux d'attelage, jougunique ( gauche) et joug double ( droite).

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    Fig. 13. L'attelage barre de traction. Reconstitution par J. Spruytte en haut l'arrt, en bas au galop. Noterl'attitude du conducteur, les jambes flchies, comme sur les reprsentations sahariennes, mais le tronc dport vers l'arrireet non vers l'avant comme sur la plupart de s peintures (photo J. Spruytte).

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    LES CHARS SAHARIENS 25les peintures du Tassili sur lesquelles ce mode d'attelage es t reconnaissable reprsentent prcisment desscnes de dressage. Il existe au Tassili quelques rares reprsentations de quadriges ; celui d'Amsedentporte deux personnages, et Iheren le vhicule possde deux timons comme les chars gravs du Fezzanou de l'Atlas. On connat aussi des chars attels trois chevaux Tesigmet, dans l'oued Djrat, et Tirar ;ces chars ont galement deux brancards.

    Fie. 14. Chars tirs pa r des bufs, peintures de l'oued Djrat (relev H. Lhote). Le char de gauche, muni de deuxbrancards, est attel un seul buf et porte trois personnes ; celui de droite, attel deux bufs que conduisent deuxhommes , porte un e femme assise dans une nacelle place trs en avant du train de roues.Les chars sahariens ne sont pas uniquement attels des quids. Des reprsentations, aussi bien l'Oued Djrat que beaucoup plus tard Aoudaghost en Mauritanie, montrent des chars attels desbufs (fig. 14). Il s'agit de vhicules dont la structure es t identique celle des biges mais ils paraissentplus lourds et plus larges qu'eux. Ainsi l'oued Djrat, ces chars portent deux personnages et ont deuxtimons ou deux brancards lorsqu'il y a un seul animal tracteur. Parmi les gravures de chars du Sudmarocain on note mme de vrais chariots quatre roues. Des auteurs9 ont affirm que tous les chars del'Atlas et ceux de l'Ouest africain (Sahara occidental, Mauritanie), qui paraissent les plus tardifs, taientattels des bufs. Dans ces rgions le cheval n'aurait t introduit que lorsqu'il fut mont ; de fait dansl'Adrar des Ifoghas, les nouvelles recherches de Ch . Dupuy permettent de penser que les chars rupestres,toujours dtels, apparaissent dans des ensembles ignorant le cheval. Il es t en revanche impossibled'tendre cette remarque l'Atlas saharien. La dcouverte du quadrige peint de Safiet et Baroud l0apporte la preuve que dans ces rgions les chars pouvaient tre attels des chevaux. Plusieurs texteshistoriques, depuis Hrodote jusqu'au IIIe sicle, mentionnent des chars de guerre chez les Numides oules Maures. La mention la plus rcente, celle de Strabon (XVII, 3, 7) qui prte aux Pharusiens du Sudmarocain des chars faux es t plus que suspecte : elle se rattache la lgende de la prtendue origine

    9 Wolk (R.), Contribution l'tude de s chars rupestres du Sud marocain in Les chars prhistoriques du Sahara, op . I,p. 139-151.1(1 Camps (G.) et Hachid (M.), Un quadrige peint dans la rgion de Djelfa. Ibid., p. 153-160.

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    26 G. CAMPSperse de ces Pharusiens dont Pline l'Ancien se faisait encore l'cho. En revanche nous savons, grce Diodore de Sicile, que lors de l'expdition d'Agathocle en Afrique, le ro i des Libyens Aylimas lui apportale concours de sa charrerie. Ces chars de combat taient bien videmment attels des chevaux.

    En examinant l'ensemble de la documentation fournie par l'art rupestre nord-africain et saharien,il est possible de proposer une typologie des chars. Les plus nombreux sont les biges. Ils sont reprsentsdans toutes les rgions, soit attels des chevaux, soit tirs par des bufs, soit dtels. Ils possdent unseul timon. L'allure des chevaux, sur plusieurs reprsentations du Tassili, les a fait dnomms chars augalop volant , ce qui es t un raccourci hardi. Les chevaux sont, en effet, figurs avec les pattes enextension vers l'avant et vers l'arrire de telle faon qu'elles forment presque une horizontale avec la lignedu ventre ; cette licence accentue le dynamisme de la scne. En fait, le vrai galop volant es t assez rarementreprsent, mais les scnes o il apparat ont t trs souvent reproduites en raison de leur valeuresthtique ; on songe en particulier aux belles peintures de Tamadjert... Le plus souvent les jambes deschevaux font un angle de 130 140 avec la ligne du ventre ; ces chevaux sont donc reprsents dans ungalop cabr qui fu t la formule adopte dans l'art occidental jusqu'au dveloppement de la photographie.Ce qui a contribu employer l'expression de galop volant es t aussi l'absence totale de figuration du sol.Qu'ils soient au galop ou au pas, ces attelages flottent dans le vide. Nous ne retiendrons donc pas, bienqu'elle soit frquemment utilise, la catgorie des biges au galop volant d'autant plus qu'elle impliquecertaines relations stylistiques (art mycnien) auxquelles on a voulu donner une valeur chronologique.Il est sr, et plusieurs stations le montrent, que les diffrentes allures des chevaux ( galop volant , galop cabr dplacement au pas, arrt) ont t reprsentes par les mmes artistes et qu'il ne peut yavoir d'cart chronologique entre ces diffrentes figures.A l'oppos des chars au galop volant , c'est--dire des biges attels des peintures du Tassili et dequelques rares gravures, des auteurs, et particulirement H. Lhote, ont introduit la catgorie dite des chars schmatiques . Ces chars sont gnralement gravs et reprsents presque toujours dtels.L'image es t rduite au joug, au timon, aux deux roues runies par l'essieu, la plate-forme et exceptionnellement la rambarde et plus rarement encore les porte-javelots. Je ne comprends pas pourquoi cesreprsentations sont qualifies de schmatiques, alors que personne ne songera qualifier de schmatiqueses chars dtels qui, dans les peintures tassiliennes, voisinent avec ceux au galop volant qui leursont manifestement contemporains. Or ces chars dtels sont aussi schmatiques que ceux de l'Atlassaharien. Organiquement ces chars sont les mmes ; compte tenu de ce que nous avons reconnu et de leurassemblage et de leur mode d'attelage, nous les appellerons dsormais, qu'ils soient attels ou non, lesbiges sahariens. Ces biges peuvent tre attels des chevaux ou des bufs et connaissent au moins deuxmodes d'attelage : le joug (d'encolure ou de garrot) et la barre de traction.L'autre catgorie, distincte de la prcdente par le mode d'attelage, es t le quadrige. Les chars attels quatre chevaux sont rares. On a pu s'interroger sur le nombre exact des chevaux lorsque les chars etleurs attelages sont reprsents en profil absolu. On s'est mme pos la question de savoir si le nombrede pattes, quatre devant, quatre derrire avait une valeur absolue... en un mot si les biges taient bienattels deux chevaux. Cette attitude critique ne rsiste gure l'examen. Si les artistes du Tassili avaientvoulu reprsenter plus de deux chevaux, ils auraient multipli d'autant le nombre de pattes, comme ilsont multipli par deux le nombre des rayons quand ils ont reprsent les roues en superposition. De plus,des gravures figurent souvent les deux chevaux non plus en perpective mais symtriquement de part etd'autre du timon. Enfin une belle scne de la grotte de Tamadjert montre des valets conduisant deuxchevaux vers un char dtel (fig. 15). Nous conviendrons, donc, que les quadriges ne sont qu'exceptionnellementeprsents dans les massifs centraux sahariens.Longtemps ne furent connues que les cinq gravures reprsentant des quadriges dans les trois stations

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    %^Fig. 15. Scnes d'attelage Tamadjert (en haut et gauche en bas), chevaux conduits pour tre attels, char dplacbras, et bige attel, l'arrt, peinture d'I-n Tameilt (relev J. Kunz).

    de l'Oued Zigza et dans celle de l'Oued Messaouda III au Fezzan ". Ces quadriges n'ont pas tous le mmeattelage. Sur les uns, les quatre chevaux sont runis sous le mme joug ; sur d'autres, chacun des deuxtimons supporte un joug sous lequel sont attels deux chevaux. Ce dispositif, plus rationnel, fu t celuiadopt sur un char grav du Jbel Idmisane (Jbel Bani, Sud marocain). Le char peint rcemment dcouvert Safiet el Baroud (rgion de Djelfa) apporte des prcisions intressantes sur le mode d'attelage desquadriges (fig. 12). Ici aussi, le joug es t unique, mais il es t fix un timon galement unique, comme surles biges, dtail d'autant plus intressant que ce char possde aussi une plate-forme triangulaire alors quecelles des quadriges sont gnralement quadrangulaires, plus larges, ce qui permet un lancier de monter ct du conducteur. Timon unique, joug unique auquel sont attels quatre chevaux, le mode d'attelagede Safiet el Baroud parat extrmement fragile et difficile mener. Il faut que les btes soient trs docileset sachent conserver une allure rgulire. Cette ncessit explique la figuration d'une alliance de mors quirunit les quatre bouches des chevaux. Ce dtail a son importance, il montre quel degr de technicittaient parvenus les dresseurs de chevaux du Maghreb protohistorique. On peut tre troubl par la trsforte variabilit des attelages de quadrige alors que ces figures sont elles-mmes trs rares. Ce s variationssont peut-tre le reflet des recherches techniques et des exprimentations diverses auxquelles se livraientles Libyens qui, d'aprs Hrodote (IV, 189), ont appris aux Grecs atteler quatre chevaux .Dans les massifs centraux sahariens, trois quadriges seulement sont connus : il s'agit des peinturesd'Amsedent, dont le conducteur es t accompagn d'un autre personnage, d'Iheren, dont le char possdedeux timons, et la remarquable figuration d'Ekat n'Oucher (fig. 1 1) qui se diffrencie de toutes les autresreprsentations de chars sahariens, par ses dimensions plus importantes (80 cm), le dessin des chevauxd'une grande finesse et empreint d'un certain manirisme (figur de la tte et des sabots), l'allure des btes

    Graziosi (P.), L'Arte rupestre della Libia, op. 1.

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    28 G. CAMPSreprsentes dans le cabr en levade, dans la disposition en chelon qui vite la superposition en unesilhouette unique et donne un effet de perspective. A l'inverse des autres peintures, les queues et lescrinires sont fidlement figures ainsi que la bouche ouverte, la mchoire tire en arrire par la tractionsur le mors. Il es t bien regrettable que le char lui-mme ai t presque compltement disparu, il n'en subsistequ'une roue et de l'aurige ne demeurent que le haut du torse revtu d'une cape bord festonn et un brasqu i semble faire un geste de victoire. Cette peinture si diffrente des autres reprsentations tassilienneschappe totalement au style quidien et je me range volontiers aux conclusions de A. Mller- Karpe l2 quiy reconnat une uvre classique , plus rcente que les chars figurant sur la mme paroi. Il sembledifficile de faire remonter la date d'excution de cette uvre au-del du Ve-IVe sicle av. J.-C. Je douteque cette peinture ait pu tre l'uvre de quelque Garamante ou Equidien rcent , l'influencehellnique me parat trop puissante et le style trop loign de celui des reprsentations habituelles desbiges sahariens. Je prfre imaginer le passage de quelque ngociant de Cyrne ou de Lepcis, voire dequelque libyen hellnis qui, ayant observ les chars de style quidien qui sont figurs dans cette stationaurait tent de reprsenter, la manire moderne , une scne identique. Quoiqu'il en soit, il es tmanifeste que le char d'Ekat n'Oucher appartient une poque plus rcente que les biges shariens.Les chars deux brancards ou plus constituent une catgorie non ngligeable. Dans le Sahara centralceux qui prsentent cette disposition sont plutt attels des bufs (Oued Djrat, Ti-n Bedjedj).La typologie des chars rupestres sahariens serait incomplte si nous rejetions des engins, tous gravs,de forme bizarre. Il ne s'agit pas des vrais chars schmatiques de l'Atlas rduits un train de roulementet un timon, ni de certaines figurations tellement dformes qu'on a peine y reconnatre mme leschma d'un char, te l cet engin roues carres et quadrilles de la station du Mandre l3, ou d'autresaberrations de la station de l'oued Lar'ar l4. Parmi les bizarreries, il faut retenir les trs rares reprsentationse chariots quatre roues limites l'Atlas saharien occidental, le Tafilalet et la Mauritanie. Onen connat trois reprsentations l'Oued Lar'ar et toutes trois ont un train avant roues plus petites quele train arrire, aucune n'est dote d'un timon ou de brancards. De tels engins sont reconnaissables dansl'autre grande station de chars gravs Aouineght en Mauritanie '5 et Taouz dans le Tafilalet. Dans cettedernire station, il existe aussi un vritable train de chars fixs les uns aux autres l6. On a peine croire la ralit de ces assemblages qui semblent tre ns de la fantaisie de l'artiste ou de la volont demultiplier un signe symbolique. Assez fantaisistes galement nous paraissent deux reprsentations, l'une Aouineght, l'autre Hadjar Berrick, de chars deux roues dots d'un timon fixs deux jougs placsl'un derrire l'autre. Cet attelage en ligne de quatre chevaux ou bufs attels deux par deux doit peut-trecompter parmi les essais ou les exprimentations tents par les leveurs sahariens. Ceci encore nousramne la petite phrase d'Hrodote sur l'attelage quatre chevaux enseign aux Grecs par les Libyens.On ne s'tonne donc plus que H. Lhote ait pu dcompter quelque dix-sept types d'attelages possibles dansles figurations rupestres.

    12 Muller-Karpe (.), Eine Quadriga - Darstellung in der Zentral - Sahara. Allgemeine und Vergleichende Archologie.Beitrage, t. 2, 1980, p. 359-379.13 Roubkt (F.-E.), Nouvelles gravures rupestres du Sud de l'Atlas saharien (stations du Mandre, prs de Brezina). Libyca,Anthr.-Prhist.-Ethn., t. 15, 1967, p. 169-205.14 Lhote (H.), La station de chars gravs de l'oued Lar'ar (Sud oranais). Libyca, Anthr .-Prhist.-Ethn., t. 9-10, 1961-1962,p. 131-169.15 Lhote (H.), Les gravures rupestres d'Aouineght (Sahara occidental) . Nouvelle contribution l'tude des chars rupestresdu Sahara. Bull, de l'I.F.A.N., t. 19, 1957, p. 617-658.16 Meunie (J.) et Allain (C), Quelques gravures et monuments funraires de l'extrme Sud-Est marocain. Hespris, t. 43,1956, p. 51-88.

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    Fig. 16. Rpartition des reprsentations de chars au Sahara. La zone hachure correspond aux rgions o le charest mentionn l'poque historique.La rpartition des figurations de chars dans l'ensemble saharien (fig. 16) mrite un examenparticulier. Cette rpartition n'est pas rgulire, il existe, en fait, trois grands ensembles assez nettementspars par des zones dans lesquelles aucune figuration de char n'a t jusqu' prsent signale. Le plusanciennement reconnu et le plus important es t celui des massifs centraux : Tassili n'Ajjer, qui es t le plusriche et qui compte les meilleures reprsentations de chars, Ahaggar, Ar et Adrar des Ifoghas. Les charsde Timmissao, dans le Tassili n'Ahaggar, assurent la jonction entre l'Ahaggar et l'Adrar. On peutrattacher cet ensemble les rares chars du Blaka, et trs loin, vers le nord, le groupe du Fezzanremarquable par ses quadriges. Le second grand ensemble es t presque uniquement constitu de figuresde chars dtels gravs sur les parois grseuses de l'Atlas saharien depuis le mridien de Djelfa l'estjusqu' l'Anti-Atlas occidental. Il es t possible de rattacher cet ensemble atlasique au troisime qui occupela rgion occidentale ; celui-ci es t plus dispers, du Rio de Oro jusqu' l'Aouker, il es t constitu d'une

    constellation de stations dont les plus mridionales atteignent presque la latitude des boucles du Nigeret du Sngal.Si on se contente de pointer ces stations de peintures et de gravures sur une carte muette en ne tenantaucun compte de la topographie on es t bien videmment tent de runir entre elles ces figurations dechars par des itinraires qui dans l'esprit de certains chercheurs devinrent rapidement des routesde chars. Ds 1947 et 1952, R. Mauny17 traait ainsi travers le Sahara une grande pntrantenord-est-sud-ouest, de Cyrne Gao, qui passait par les principales stations du Fezzan, du Tassili, del'Ahaggar et de l'Adrar des Ifoghas ; des routes secondaires , venues de Lepcis et de Gabs confluaient (R.), Nouveaux chars rupestres sahariens. Notes africaines, n 44, 1949, p. 112-114 Id., Autour de larpartition des chars rupestres du Nord-Ouest de l'Afrique. Congrs panafricain Prhist. Alger, op. 1. p. 741-746.

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    30 G. CAMPSavec l'axe principal. L'autre grande route, l'occidentale, avait un trac plus capricieux : R. Mauny lafaisait natre dans le Sud marocain (Sous et Tafilalet) ( l'poque les chars de l'Atlas saharien d'Algrietaient encore inconnus) et lu i faisait dcrire un grand arc de cercle travers la Mauritanie pour atteindre, son tour, le Niger en amont de Tombouctou. Deux grands axes de pntration, depuis la Mditerrane,taient ainsi tracs et on pouvait imaginer de vritables charrois drainant vers le Nord les produits duSahel en change des produits de l'industrie mditerranenne. Les cramiques romaines trouves auFezzan par les archologiques italiens confirmaient l'existence de ce commerce, tandis que le mobilierfunraire de la tombe de T-in Hinan Abalessa (Ahaggar) dnonait des apports, les uns soudanais, lesautres mditerranens l8.Cependant rien n'tait plus fallacieux que ces prtendus tracs et circuits routiers trassahariens. Lamultiplication des dcouvertes permet aujourd'hui d'affirmer que les chars ont t reprsents en gravureou en peinture, dans toutes les rgions du Sahara o il existait les supports rocheux indispensables. Lesmassifs centraux sahariens, les plateaux du Sahara occidental, les falaises de l'Atlas saharien et del'Anti-Atlas marocain sont les rgions les plus riches en reprsentations de chars mais ce sont aussi, bienvidemment, les plus riches dans toutes les autres manifestations de l'art rupestre. En revanche dansl'immensit des ergs et des hammadas ou des regs, il n'y a pas plus de reprsentations de chars que defigurations humaines ou animales. Ainsi le grand Erg oriental, le grand Erg occidental, le Tanezrouft, leMajabat el Koubra et tant d'autres espaces sans relief sont dpourvus de reprsentations de chars,pourtant ces vhicules auraient pu se dplacer plus facilement sur les regs et dans les couloirs interdunai-res que dans les rochers du Tassili, de l'Ahaggar ou de l'Air !Il es t cependant une zone montagneuse souhait, riche en gravures diverses qui ne possde aucunefigure de char, il s'agit du Tibesti. En fait l'est du 15 e degr de longitude est, il n'y a plus d'images dechars, ces dernires ne rapparaissent que dans la valle du Nil. Le monde toubou fut aussi rfractaire la roue qu'il le fut la langue et l'criture berbres. Nombreux sont les auteurs qui voient dans cespopulations la peau sombre les thiopiens troglodytes que, selon Hrodote, les Garamantes poursuivaient ur leurs chars attels quatre chevaux, comme le sont prcisment les chars gravs l'Oued Zigza,au nord-ouest du Tibesti. Cette absence de chars au Tibesti, comme en Ennedi et au jbel Ouhnat '9 , es td'autant plus curieuse que nous savons, par les textes, que les Libyens voisins de la Cyrnaque et de laGrande Syrte taient non seulement possesseurs de chars mais taient mme considrs commed'minents spcialistes en attelage (Hrodote, IV, 189).

    Qu'on interroge les textes ou qu'on pointe sur la carte les reprsentations de chars, on ne peutchapper une constatation flagrante : l'extension des chars dans le nord-ouest de l'Afrique correspondexactement la zone sur laquelle s'tendit la langue berbre. Berbrophonie ancienne et charrerie vontde pair au Sahara. Il es t donc tentant de mettre en parallle l'arrive des Berbres au Sahara etl'introduction dans ces rgions du cheval et du char.Plusieurs auteurs, dont moi-mme, ont longtemps dfendu cette thse. On envisageait une conqutedu Sahara par les Paloberbres qui, disposant d'armes de mtal et de chars leur permettant desdplacements rapides, imposrent leur domination aux anciens pasteurs ngrodes ou du moinsmlanodermes, les Bovidiens, rests l'ge de la pierre. De fait dans la classification chronologiquetraditionnelle de l'art rupestre saharien, aux leveurs Bovidiens succdent les quidiens conducteurs dechars, anctres des cavaliers Gtules et des Touaregs mharistes.Aujourd'hui, grce une meilleure connaissance des divers styles de peintures du Tassili n'Ajjer, leschoses paraissent plus complexes. On ne doute pas d'une progression vers le Sud des populationsmditerranennes, qui paraissent bien tre des Paloberbres, mais cette arrive des Blancs au Sahara (quiau dbut de l'poque pastorale tait peupl de mlanodermes et de vrais Noirs reprsents dans les

    x Cami'S (G.), L'ge du tombeau de Tin Hinan, anctre de s Touareg du Hoggar. Zephyrus, t. 25, 1974, p. 497-516.'" Van Noiii.n (F.), Rock Art of the Jebel Uweinat. Graz, 1978, 39 p., 244 fig.

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    LE S CHARS SAHARIENS 31uvres du style de Sefar-Ozanar) s'est effectue avant l'apparition du cheval et du char. En effet, entrele Bovidien ancien (style de Sefar-Ozanar) et l'poque du cheval s'intercale une phase ou du moins unecole stylistique, celle d'Ihren-Tahilahi20, qui reprsente exclusivement des populations mditerranennes,ont l'quipement, les vtements, les parures de tte sont semblables ceux des Libyens (Rebu,Meshaouash, Temehu, Tehenu...) que les gyptiens figuraient sur les parois de leurs monuments.Confirmant cette prsence ancienne de Mditerranens dans le dsert libyque, les documents gyptiensdistinguent nettement, ds les premires dynasties, les Libyens de race blanche et les ngres du pays deYam (Nubie). Ce qui es t si ne t dans le Sahara oriental ne l'est pas moins dans l'autre partie du Dsert.Il es t manifeste qu' un certain moment au cours du Bovidien les populations peau sombre disparaissentdes peintures et sont remplaces par des Mditerranens que nous sommes en droit de considrer commedes Paloberbres ; ce sont leurs descendants qui reurent de leurs voisins orientaux le char et l'animalqui servait le tracter. Notons bien que la disparition des Noirs dans les uvres rupestres ne signifie pas,pour autant, une disparition physique de ces populations. Il y eut tout simplement changement de l'ethniedominante et seule celle-ci s'est reprsente. Les choses n'ont pas chang aujourd'hui : dans toutel'tendue du Sahara, les graffiti modernes reprsentent toujours des chameliers arabo-berbres arms dela lance puis du fusil et jamais les cultivateurs noirs des oasis qui constituent cependant 80 % environ dela population saharienne.

    L'examen de la rpartition des chars nous a donc conduit naturellement aux problmes chronologiques.n sait combien il es t difficile de dater une uvre paritale, qu'elle soit palolithique, nolithiqueou mme plus rcente. Pour tablir une chronologie, on dispose, thoriquement, de plusieurs lments.Le premier, extrmement rare, rside dans le recouvrement de l'uvre par des sdiments eux-mmesdatables qui fourniront un terminus ad quem. Cet lment fait totalement dfaut pour dater les reprsentations e chars sahariens. Le second, plus frquent, es t la superposition et les relations de voisinage entreles uvres qui permettent d'tablir une chronologie relative : ainsi nous savons que les reprsentationsde chars sont postrieures aux scnes bovidiennes dont elles se distinguent, en outre, par des dtailsvestimentaires, la prsence des chevaux, inconnus antrieurement, et le style des personnages. Letroisime lment es t externe ; il utilise les rapprochements technologiques et littraires et repose surcertains raisonnements qui peuvent paratre subtils voire spcieux mais qui n'en sont pas moinsindispensables. Il importe en effet de ne ngliger aucune information. Or, en ce qui concerne les chars,nous disposons de donnes qui n'ont pas, mon avis, t suffisamment exploites. Ce sont : l'origine ducheval, la plus ancienne mention de chars chez les populations voisines du Sahara, l'abandon du charet de la roue par les Africains.Le cheval, malgr des tentatives maladroites pour faire admettre l'existence de vrais chevauxsauvages en Afrique21, es t un animal introduit par l'homme. Aucun Equus caballus n'est connu auMaghreb, et dans le reste de l'Afrique, aprs l'Atrien ; l'Holocne, il n'existe plus que des asinienssauvages ". La situation es t la mme en Europe occidentale o les plus anciennes traces de domesticationdu cheval ne peuvent tre antrieures 1800-2000 av. J.-C, peut-tre en relation avec l'expansion du vasecampaniforme, mais les documents sont rares et parfois discutables. Toutefois en Europe centrale,particulirement en Hongrie, le cheval semble bien avoir t domestiqu ds avant cette poque. En faitce n'est pas avant l'ge du bronze que les populations europennes les plus proches de l'Afrique ont

    2(1 Mizzouni (.), L'art rupestre prhistorique des massifs centraux sahariens. B.A.R. international sries 318, 1986,35 5 p., 71 fig.21 Lhot: (H.), Les gravures du Sud orarais. Paris, 1970, 21 0 p. Id., Les chars rupestres sahariens, op . 1.22 Camps (G.), Quelques rflexions sur a reprsentation des quids dans l'art rupestre nord-africain et saharien. Bull. Soc.prhist. franc., t. 81, 1984, p. 371-381.

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    32 G. CAMPSpossd des chevaux et ont pu les faire-connatre aux Paloberbres. Il n'est pas impossible qu'une arrivede chevaux europens ait pu se faire travers le Dtroit de Gibraltar. Les relations entre la Pninsuleibrique et le Maroc l'ge du bronze sont suffisamment importantes pour que l'on puisse retenir unepossible origine europenne d'une partie du stock caballin de l'Afrique du Nord. Mais il es t vident quecet ventuel apport europen n'intervient que pour une infime part dans le peuplement de l'Afrique enchevaux. Le cheval barbe23, tout en prsentant des affinits notables avec l'andalou et le camarguais (quipeuvent d'ailleurs tirer leur origine de ce cheval africain) appartient incontestablement au type oriental,comme son cousin mridional, le cheval de Dongola (ou dongolawi). Les chevaux nord-africains,sahariens et dongolawi ont pour origines lointaines les steppes asiatiques ; ils ne peuvent donc treantrieurs l'apparition du cheval en Egypte qui assure le relais indispensable entre le Proche-Orient etle reste de l'Afrique. Certains auteurs soucieux de ne pas tre compts parmi les partisans des thoriesdiffusionistes, dont les excs sont aujourd'hui heureusement dnoncs, ont mis en doute le rle del'Egypte dans cette propagation, mais A. Muzzolini, qui se montre le plus virulent dans cette critique, es tlui-mme conduit conclure que le cheval (africain) a t import... de l'un des pays de la faademditerranenne qui l'utilisaient depuis longtemps. Peut-tre de l'Egypte, aprs tout, mais cette originen'est pas plus probable que les autres24 . Nous ne nous arrterons pas la contradiction qui veut qu'unpassage terrestre, travers l'Egypte, ne soit pas plus probable qu'un long transport maritimed'animaux encombrants sur les embarcations lgres du IIe millnaire.Nous retiendrons donc, prcisment parce qu'elle es t la plus probable, la plus facilement ralisableet la mieux documente, une introduction du cheval chez les anctres des Berbres partir de la valledu Nil. Malheureusement pour l'tablissement de notre chronologie, la date mme de l'apparition ducheval en Egypte es t sujette discussion. Traditionnellement, on attribue aux Hyksos, l'introduction ducheval en Egypte, mais les tmoignages prcis font dfaut. On retiendra cependant la dcouverte de deuxsquelettes de chevaux sous les dblais du mur de la forteresse de Buhen, en Nubie25. Cette forteresse futconstruite au Moyen Empire, donc antrieurement l'infiltration des Hyksos dans le Delta ; mais sousle Nouvel Empire, la forteresse ruine subit des ramnagements et les chevaux peuvent avoir t enterrs ce moment-l. Une couche de cendres qui recouvrait les ossements a t date cependant de 3630 BPsoit 1680 BC en chronologie C 14 , ce qui correspond une priode comprise entre 2310 et 1735 av. J.-C.Malgr ces prcisions, ces restes de chevaux isols, dans une rgion aussi mridionale, inspirent d'autantmoins confiance que les documents font dfaut dans la Haute et la Basse Egypte, l'exception d'unmtapode et de deux molaires trouvs Tell ed Daba, dans des niveaux hyksos26.Les documents iconographiques sont encore plus dcevants : ce sont les tessons d'un vase de Kahun,datant du Moyen Empire, reprsentant un quid allure caballine, malheureusement trs incomplet27et le graffiti figurant un homme tenant les rnes d'un cheval, sur une borne de Tell el Maskhutta28attribue l'poque hyksos ; mais il es t difficile d'affirmer la contemporanit des scnes gravessoigneusement et le graffiti qui peut tre postrieur.Plus srieux mais plus tardif aussi est l'apport documentaire des stles de Kamosis (ou Kamos), ledernier pharaon de la XVIIe dynastie. Sur la seconde stle qui fu t dcouverte en 1954, en remploi dans

    23 Boo ros (D.), Histoire et histoires du Barbe in Le cheval barbe. Caracole 1986, p. 11-113.24 Muzzolini (.), La priode des chars au Sahara. L 'hypothse de l'origine gyptienne du cheval et du char in Les charsprhistoriques du Sahara, op . 1, p. 45-56.25 Emery (W.-B.), A preliminary report on the excavation of the Egypt exploration. Kush, t. 8, 1960, p. 7-1 1.26 Boessneck (J.), Telled Dabba, III, Tierknochenfunde, 1966-1969. Oesterreichische Akademie des Wissenchaften, t. 5,1976, p. 42 .27 Ptrie (F.), Kahun. Gurod. Hawara. 1890, pi. 27, n" s 199-200. Leff.bure (E.), Le nom du cheval sous le Moyen Empire.Sphynx, t. 5, 1902, p. 97 .2H Daressy (G.), Un monument du temps de s Hyksos . ASAE, 1915, p. 258-268.

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    LE S CHARS SAHARIENS 33les fondations d'une statue proche du deuxime pylne de Karnak, es t dcrite l'expdition des Thbains,sous la conduite de Kamosis, contre Avaris, capitale des Hyksos. La ville rsista et Kamosis, sous ses mursne put qu'affirmer qu'il dtruira la demeure d'Apophis (le pharaon hyksos), coupera ses arbres,emmnera ses femmes en captivit et saisira sa charrerie 29 . A partir du rgne d'Ahmosis, premierpharaon de la XVIIIe dynastie, les tmoignages de l'existence de chars et de chevaux se multiplient, detelle sorte que mme les esprits les plus critiques ne peuvent nier la prsence de chars dans l'armegyptienne et la possession de chevaux par les Pharaons partir de 1580 av. J.-C. On ne sombrera pasdans le ridicule de donner une date prcise de l'introduction du cheval en Egypte mais compte tenu dufait que le char de combat roues lgres rayons tait connu en Syrie au dbut du IIe millnaire, onpeut penser que mme sans la domination hyksos, le char et son lment moteur, le cheval, auraientfatalement pntr en Egypte avant le milieu du mme millnaire. Or aucun obstacle ne s'opposait unepropagation rapide du cheval et du char dans la valle du Nil et plus l'ouest dans le pays des Tehenu(entre l'oasis de Siouah, le Fayum et la mer) et plus au sud dans celui des Temehu... De proche en proche,le cheval put gagner les rgions plus occidentales, d'abord celle des Rebu (Libyens) et des Mashaouash,plus loin encore le pays peupl par les anctres des Garamantes, et sur les bords du Tritonis (au voisinagedu Djerid), celui des Auses dont Hrodote dira expressment qu'ils possdaient des chars. Or, contrairementce qui est di t parfois30, les documents ne font pas dfaut qui peuvent tayer cette thse. Il es t vrai,que par hypercriticisme, on peut se permettre de dnier toute valeur documentaire aux textes officielsgyptiens qui nous apprennent que lors de la troisime campagne de Ramss III contre les Libyens etleurs allis qui avaient envahi le Delta occidental, les armes du Pharaon s'taient empares de Mesher,fils de Kaper ro i des Mashaouash, et d'un butin comprenant, entre autres, 183 chevaux et nes et unecentaine de chars. Ces faits sont dats de l'an 1 1 du rgne soit en 1 187 av. J.-C. Or il importe de noterque ces chars ont t pris aux Mashaouash qui, contrairement aux Tehenu, ne sont pas des voisinsimmdiats de l'Egypte. O. Bates31 les situe primitivement l'ouest des Rebu, sur les bords de la grandeSyrte ; on peut les considrer comme les anctres des Maces de l'poque classique. On peut donc affirmerqu'au XIIIe sicle, et certainement depuis au moins deux sicles plus tt, les Libyens orientauxpossdaient des chars et levaient des chevaux. Ces chars taient des biges, comme ceux d'Egypte etcomme ceux qui furent figurs dans les peintures tassiliennes. Trs vraisemblablement cet attelage,simplifi par les Sahariens, se maintnt jusqu' la fin de l'utilisation des chars, mais ds le Ve sicle,Hrodote en apporte le tmoignage, les Libyens attelaient aussi quatre chevaux des chars, de prfrencemunis de deux timons, tels qu'ils sont figurs au Fezzan et dans l'Atlas. Si nous retenons l'assertiond'Hrodote attribuant aux Libyens, sinon l'invention, du moins la priorit de cette pratique par rapportaux Grecs, c'est au VIIe sicle (courses de quadriges aux jeux olympiques) et mme jusqu'au rdacteurde l'Iliade qu'il faudrait remonter puisque les Achens utilisent le quadrige pour se rendre au combat32.Quant aux vhicules plus lourds deux brancards, tirs par un animal ou trois, les plus ancienstmoignages sont ceux de Chypre dats du VIIe sicle33.Ainsi se mettent progressivement en place les linaments d'une chronologie sommaire : Entre 2000 et 1600 av. J.-C. : introduction du cheval en Egypte. Au moins partir de 1500 av. J.-C. expansion du cheval au Sahara.

    y> VhRCOLTTHR (J.), L'Egypte jusqu' la fin du Nouvel Empire. Les premires civilisations. Peuples et civilisations, t. 1,1987, p. 71-220.M uzzoli ni (.), La priode des chars au Sahara, op. 1.31 Batls (O.), The eastern libyans. An essay. Plymouth an d London, 1914, 298 p.32 DtLbBKCQUF (E.), Le cheval dans l'Iliade. Paris, 1951, 231 p.Chamolx (F.), Triges chypriotes. Report of the department of Antiquities of Cyprus, 1975, p. 93-95.

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    34 G. CAMPS 1 187, les Mashaouash possdent srement des chars ; mais ce vhicule avait t certainementconnu en mme temps que le cheval qui le tractait. Au Ve sicle srement, et certainement avant (VII-Xe sicles ?), apparition du quadrige. Srement aprs le VIIe sicle, introduction des vhicules brancards.La fixation d'un terminus a quo n'est pas plus aise. Certaines peintures de chars sont, comme Tabarakkat 34 , recouvertes de tifinaghs anciens, mais il es t impossible de fixer la chronologie de cettecriture ; on sait seulement que ses manifestations les plus anciennement datables au Sahara ne sont pasantrieures au Ier sicle av. J.-C. 35 . Or cette date, il y a fort longtemps que Garamantes, Gtules et autresPaloberbres sont devenus cavaliers, sinon dj des chameliers. Si quelques plaustra roulent encore dansles campagnes africaines et quelques chars bufs dans l'extrme sud-ouest mauritanien, le char deguerre ou de prestige es t abandonn depuis longtemps. Les dernires mentions dans la littrature sontcelle de Diodore de Sicile relative aux chars libyens qu'utilise Agathocle en 310 av. J.-C. et celle deStrabon qui attribue aux Pharusiens la possession de chars faux. Nous avons vu supra que cette assertiondoit tre mise en relation avec l'origine perse des Pharusiens qui n'est qu'une lgende, mais particulir

    ementivace dont on retrouve les lments chez Salluste, Pomponius Mela et Pline l'Ancien.Les chars de guerre taient encore en usage chez les Bretons au Ier sicle de notre re, mais ilsn'apparaissent plus que comme des survivances insulaires ; il n'est pas impossible qu e certaines rgionsafricaines se soient montres aussi conservatrices. Les documents archologiques font, bien entendu,dfaut ; on peut cependant s'attarder quelque peu sur une curieuse scne de Ouan Mouline (Tassilin'Ajjer), connue depuis longtemps36 mais qui n'a pas suscit de commentaires malgr son tranget(fig. 17). Sur un panneau es t figure, gauche, une construction pyramidale qui s'lve au-dessus d'unsoubassement et dont le sommet sert de perchoir un co q ; sur le soubassement se tiennent deuxpersonnages, l'un assis, l'autre debout ; droite un cocher portant un fouet deux cordes es t juch surla plate-forme d'un char dpourvu d'attelage. Au-dessous, un personnage porte sur la tte un grand vasesphrique. Le style de ces diffrentes figures milite en faveur de l'unit de la composition malgrl'anomalie que constitue l'absence des animaux qui devraient tirer le char. L'lment le plus intressantes t la construction pyramidale dont le co q permet de connatre la destination : il s'agit d'un mausoledu type le plus rpandu en Afrique ds l'poque punique, tour quadrangulaire dont le sommet es t unpyramidion. Or nous avons la chance de possder quelques documents qui montrent que de telsmausoles pouvaient tre couronns par l'image d'un coq, comme le prouvent les peintures des hypoges(haouanet) du Jbel Zabouj37 ; dans une tombe punique du Jbel Mlezza, un co q es t peint ct d'un te lmausole ; enfin la clbre inscription du mausole de Kasserine fait clairement mention au sommetde l'difice (des) ailes frmissantes du co q qui vole... plus haut que le dernier nuage 3S . La scne d'OuanMouline, si nous l'interprtons correctement, permet de penser que les chars taient encore en usage aucours des deux premiers sicles de notre re, poque o furent construits les mausoles de ce type, commeceux de Germa, capitale des Garamantes. En bref, les dates extrmes de l'apparition et de ladisparition des chars dlimitent un vaste espace chronologique de l'ordre de quinze sicles.On comprend donc qu'au cours de cette trs longue priode, plusieurs types de chars, plusieursmodes d'attelages, plusieurs espces d'animaux aient pu tre utiliss. Mais les plus anciens, les mieux

    34 ORi.oih (N.), Une frise de neuf chars peints sur la paroi d'un abri du Tassili 'Ajjer in Les chars prhistoriques du Sahara,op . 1, p. 99-115.3" Camps (G.), Recherches sur les plus anciennes inscriptions libyques de l'Afrique du Nord et du Sahara. Bull, archol.du C.T.H.S., nelle srie, n" s 10-11, 1974-1975, p. 143-166.36 Tschudi (J.), Pitture rupestri del Tassili degli Azger. Firenze, Sansoni 1955, 106 p." LoNdiRsiAY (M.), in litteris.* C.I.L., Vili, 211 B.

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    Fig. 17. Scne d'Oua -Moulin, mausole coiff d'un coq et char (relev Brenans).figurs galement, sont incontestablement, les chars peints du Tassili et de ses abords, ces biges sahariens,que dans un raccourci pittoresque H. Lhote a appel les chars au galop volant . Ces chars font leurapparition dans un milieu qui se distingue du style d'Ihren-Tahilahi par une esthtique quelque peudiffrente qui sacrifie volontiers la ralit au dynamisme, tels le galop volant des chevaux ou la positiontendue vers l'avant des conducteurs, contraire celle qu'adopte instinctivement l'aurige sur sa plate f orme de lanires. Les vtements paraissent plus simples que ceux de l'poque prcdente ; il es t vrai quel'application de la peinture en larges aplats rend impossible la reprsentation des dtails. On peutreconnatre deux vtements masculins chez les quidiens ; mais il es t difficile d'tre aussi prcis queH. Lhote pour qui les tuniques longues seraient plus rcentes que les tuniques courtes dont le retroussissemble indiquer qu'elles taient en cuir, comme la tbtik que portaient encore au dbut du sicle lesesclaves en Ahaggar.

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    36 G. CAMPSQuel tait l'usage de ces chars ? Hrodote nous apprend que les Garamantes conduisant de telsengins poursuivaient les thiopiens ; mais il s'agit de quadriges. Au mme moment, le char servait aussi

    de voiture de prestige chez les Machlyes et les Auses voisins du Tritonis, au cours de crmoniesreligieuses en l'honneur d'une desse libyque assimile Athna. Dans son dernier ouvrage, H. Lhotes'attache dmontrer que les chars sahariens taient des engins de guerre. Je pense que l'auteur es td'accord avec moi pour ne pas tendre ce caractre aux chars attels de paisibles bovins ; or , il faut lerappeler, certains de ces chars sont identiques ceux attels des chevaux, comme le montre la scnepeinte de l'Oued Djerat. Rappelons aussi que d'aprs H. Lhote, lui-mme, la plupart, sinon tous les charsgravs de l'Atlas et de Mauritanie auraient t attels des bufs. En fait, l'appui de sa thse sur leschars de guerre, H. Lhote ne peut citer qu'une seule scn e qu'il appelle le splendide combat de l'OuedDjerat dans laquelle il reconnat, au milieu de fantassins arms de lances et du bouclier rond, un charattel deux chevaux mont par trois hommes dont un semble se tenir califourchon au-dessus del'encolure des chevaux en prenant appui sur le timon et tenant un bouclier rond ; or ce personnage a lemme aspect et quipement que les autres fantassins. Si on l'limine, c'est--dire si nous le rattachons la scne du combat de fantassins, on obtient une reprsentation tout fait classique de l'habituel bigesaharien. Nous pensons qu'il y a tout simplement superposition partielle et que le char, une chellebeaucoup plus petite que les combattants, n'appartient pas la scne. En fait, jamais le conducteur seulsur son char n'est montr dans une attitude menaante. Mme lorsqu'il tient un ou plusieurs javelots, iln'est jamais figur dans la position du lanceur. L'arme n'est jamais pointe horizontalement vers unennemi absent. En revanche il brandit souvent son fouet ou un martinet deux cordes pour activer lacourse de ses chevaux.Une autre thorie, particulirement aventure fut, un temps soutenue par G.-Ch. Picard39 qui voyaitdans les reprsentations de chars au Sahara, le souvenir des courses vues dans les cirques des villesromaines du nord, Tripolitaine ou Byzacne. Il fu t facile d'opposer cette hypothse de nombreuxarguments : les biges attels des chevaux au galop volant du Tassili sont certainement antrieurs l'poque romaine ; les chars de course qui paraissaient dans les spectacles du cirque taient desquadriges ; les chars sahariens sont souvent reprsents dtels, ce qui ne correspond gure au souvenirque l'artiste aurait gard d'une course ; il en es t de mme pour les scnes reprsentant des animaux aupas ou tenus en longe. Nous ne reviendrons pas sur les chars attels des bufs qui ne peuvent tre deschars de course. Ces diffrentes remarques et le fait que le phnomne soit attest dans tout le Saharaont fait abandonner cette hypothse par son auteur lui-mme. Nous avons vu, en revanche, qu e lequadrige si exceptionnel d'Ekat n'Oucher, de date certainement plus rcente que celle des biges sahariens,pourrait tre l'uvre d'un voyageur ou d'un Garamante ayant suffisamment frquent les milieux citadinspour tre imprgn des canons artistiques hellniques.Les chars sahariens de la phase quidienne ancienne apparaissent dans une socit qui semble plushirarchise que celle qui es t reprsente dans le style d'Ihren-Tahilahi. Ces vhicules, introduits enmme temps que les chevaux, peuvent, ds cette poque, tre attels des bufs (Oued Djerat), mais surles rares peintures o sont figurs de tels attelages il es t ais de reconnatre surtout des femmes accroupiesou assises sur la plate-forme. L'allure paisible des bovins qui tractent ces vhicules fait penser desdplacements lents, voire des promenades ou des visites ; en bref, ces bufs attels au char remplacentles bufs porteurs de l'poque bovidienne finale (style d'Ihren-Tahilahi) sur lesquels s'taient juchesles lgantes revtues de leurs plus beaux atours. Ces rares scnes confirment que les chars taientparfaitement intgrs dans la vie sociale des quidiens. Les panneaux de Tamadjert sont particulirementloquents : on y voit des chevaux conduits pour tre attels des chars, des chars en pleine action,

    Picard (G.), Images de chars romains sur es rochers du Sahara. C.-R. Acad. Inscriptions et B.-L., 1958, p. 44-49.

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    LES CHARS SAHARIENS 37reprsents dans un style trs dynamique, des personnages conversant, assis sur des tabourets piedsretourns, des femmes dans leur hutte ou enclos et mme de gracieuses jeunes filles portant des mini-jupestransparentes. Plutt qu' des scnes de combat, ce sont les scnes paisibles de la vie quotidienne qui sontainsi reproduites (fig. 9).Les chars, certes, peuvent avoir jou un certain rle pendant les combats. Le fait que les javelotssoient fixs la rambarde es t un argument non ngligeable, encore que ces javelots aient plutt servi

    Fig. 18. Chars lourds de guerre assyriens, en haut trige de Nimroud (IXe sicle), au-dessous, bige de Till Barsip(VIIIe sicle), ce char particulirement puissant ne porte pas moins de 4 guerriers ; les jantes paisses, faites de plusieurssegments, peuvent tre remplaces sans avoir modifier la roue.

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    ^Fig. 19. Le Pharaon seul sur un char et tirant l 'arc, les rnes sont reprsentes attaches derrire le dos. En hautthi 1er combattant les Hittites, en bas Toutankhammon, d'aprs le coffret trouv dans sa tombe.

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    LES CHARS SAHARIENS 39chasser le mouflon ou la gazelle, comme le montre la scne peinte d'Ala n-Edoument. Les biges lgerssahariens ne pouvaient tre des chars de guerre, ce quoi, nous l'avons dit, aucune scne peinte ou gravene fait rellement rfrence. La prsence d'une seule personne sur la plate-forme ne correspond pas nonplus une utilisation belliqueuse de ces engins. Les chars de guerre orientaux ont au moins deuxpassagers, le cocher et l'archer ou le lancier. Les bas-reliefs ramessides d'Abu-Simbel, reprsentant labataille de Kadesh, montrent des chars lourds, hittites et gyptiens, occups par trois personnes, le cocher,le lancier et le porte-bouclier. C'est une licence de majest qui permet l'artiste gyptien de reprsentersi souvent le pharaon seul (fig. 19) sur son char lanc au galop tandis qu'il tire l'arc contre des Asiatiques(dcor de la caisse du char de Toutms III) ou chassant les animaux du dsert (chasse de Ramss III Medinet Habu). Des dfunts de haut rang sont parfois reprsents dans des scnes de chasse du mmegenre (tombe d'Ouserhat, vers 1430). L'artiste savait bien que les rnes demeuraient indispensables, aussiprenait-il soin de les reprsenter attaches au niveau de la ceinture de l'archer. Il n'est pas impossibled'ailleurs que cette conduite ai t t rellement pratique, mais avec des chevaux spcialement dresss etsur de trs courtes distances. Un bas-relief de Louxor reprsente Amnophis III, s'exerant au tir l'arcsur une cible en cuivre et maintenant ainsi son attelage. Enfin pour les dfils triomphaux, le pharaonconduisait seul son char, du moins est-ce ainsi qu'il es t toujours reprsent.Les peintures et gravures sahariennes ne reprsentent qu'exceptionnellement des biges monts parplusieurs personnes. L'exemple le plus intressant es t celui d'Ala n-Edoument publi par H. Lhote(fig. 20). Sur la plate-forme curieusement recourbe en nacelle se tiennent deux personnages debout et

    Fie. 20 . Chars portant plusieurs personnages, Takddoumatine et Ala n-Edoument. La plate-forme en nacellede ce char est semblable celle du char de l'oued Djrat de la fig. 14.un troisime qui semble assis ; le plus petit conduit l'attelage alors que le plus grand, le matre,exceptionnellement peint en blanc, s'apprte lancer un javelot en direction de deux mouflons quis'enfuient devant le char. Une autre peinture du Tassili, Ti n-Abouteka montre deux personnages, sansdoute un couple sur un char malheureusement disparu ; seuls sont encore visibles les rnes, le timon etla tte des chevaux. On connat encore au Tassili des chars monts par deux personnes Ti n-Bedjedjet Takddoumatine. Les biges portant deux personnes sont donc trs rares, en revanche, sur les chars

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    -40 G. CAMPSpeints attels des bufs et surtout sur les quadriges, que nous savons tre plus rcents, le cocher es tsouvent accompagn d'un passager.

    Guerre, chasse, course, en fait ces engins sont susceptibles de servir tout cela aussi bien qu' desimples dplacements de personnes mais srement pas au transport de marchandises le long de routes mythiques. Si dans un souci d'affirmer le dynamisme de l'attelage, le peintre tassilien a volontiersreprsent les chevaux en pleine course, soit sous l'aspect du galop volant soit sous celui du galop cabr,il n'a pas ddaign les scnes plus paisibles : des chevaux que l'on s'apprte atteler au char, comme Tamadjert, d'autres dj attels que l'on flatte (I- Temeilt), d'autres statiques alors que s'approche leconducteur.Il es t bien vident que les possesseurs de char et d'un attelage de deux chevaux au moinsconstituaient, sinon une caste guerrire, du moins un groupe social dominant appartenant l'ethniemditerranenne qui ds l'poque d'Ihren-Tahilahi avait impos sa domination aux Bovidiens mlano-dermes du style de Sefar-Ozanar. Comme les hros homriques et comme les Hippeis leurs contemporainsu style gomtrique grec, ces chefs quidiens aimaient parader sur leurs chars rapides. Peut-tremme, comme les princes achens, se rendaient-ils sur leur char jusqu'aux lieux de combat, mais commeeux et comme le faisaient encore, deux m illnaires plus tard, leurs descendants touaregs, ils mettaient pied terre pour combattre.Ni vhicule de transport, ni char de guerre, le bige saharien nous parat tre un engin de prestigepermettant une classe dominante d'affirmer sa prpondrance. Image de puissance, on comprend quepar la suite, la figure seule du char, en dehors de tout contexte social, ait fini par devenir un symbole,simple signe que l'on peut rpter inlassablement, le regard perdu dans l'infini du dsert.Octobre 1987