Les Banques Coopératives

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    Université Paris-Ouest Nanterre-La Défense

    Master Sciences Économiques et Sociales

    Histoire Économique et SocialeLes politiques sociales en Europe, 19e et 20e siècles

    Professeur : Isabelle Moret-Lespinet

    Dossier

    « Banque et Économie Sociale en France au XIXe siècle : une comparaisonentre les Caisses d’Épargne et les banques coopératives »

    “La Clé d’argent” édité chez Dembour et Gangelà Metz (1851-1858)

    Do Vale Salgueiro, AdrianoÉtudiant nº 34008638

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    Table des matières

    Introduction: L’approche, l’hypothèse et leur pertinence

    1 – L’Économie Sociale des banques coopératives

    1.1 – Remarques générales sur le contexte historique français

    1.2 – Modèles d’inspiration et premières expériences enAllemagne

    a) Modèle proudhonien b) Modèle libérale - Schulze c) Modèle chrétien - Raiffeisen

    1.3 – Les banques coopératives en France

    a) Les crédits populaires b) Le Crédit Agricole c) Du crédit libre au crédit mutuel

    2 – L’Économie sociale des Caisses d’épargne

    2.1 – Les Caisses d’épargne : une utopie libérale

    2.2 – Le modèle français

    2.3 – L’efficacité socialedes Caisses d’épargne

    3 – Les Caisses d’épargne sont des institutions d’économie sociale ?

    3.1 – Les prémisses du débat

    3.2 – Réponses

    Annexe 1

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    Introduction :L’approche, l’hypothèse et leur pertinence

    Ce dossier est la base de notre exposé subordonné au thème : « Banque etÉconomie Sociale en France au 19e siècle : une comparaison entre les Caisses

    d’Épargne et les banques coopératives ».Pour bien éclairer ce sujeton fera référence aux modèles d’inspiration de

    l’économie sociale particulièrement liés à la banque et aux expériences fondatrices.Chemin faisant sur ce siècle d’émergence du modèle de coopérativisme, on se

    penchera également sur le rôle et le statutambigus des Caisses d’Épargne et on essayerade répondre à la question suivante : les Caisses d’épargnes peuvent ou non êtreconsidérées comme des institutions d’économie sociale ?

    On s’explique dès maintenant par rapport à la pertinence d’une tellequestion. Ilest vrai que notre thème concerne à la base les banques coopératives et du coup traiteren particulier une institution qui peut ne pas appartenir à ce champ est un pariapparemment risqué. Or il en va autrement si l’on pr end en compte la littérature qui pose exactement cette même question et dont les réponses différent comme on le verra.

    Il faudra essentiellement s’interroger sur ce qu’est l’économie sociale etcomment se construit-t-elle au 19e. D’ailleurs, si on rejoint l’historien André Gueslin

    qui a fait un travail magistral sur L’Invention de l‘Économie S ociale , en devenir au 19e,

    elle peut être envisagée, dans la suite du fondateur Charles Gide, au sens large tout aulong du siècle et au sens strict vers la fin. Expliquons-nous !Tout d’abordce « conceptémerge à la fin du premier tiers du XIXe siècle. L’économie sociale veut être, ni plus nimoins, une autre façon de faire de l’économie politique. » (Gueslin, 1998, p.1)

    Ainsi comprise l’économie sociale s’avère premièrement une discipline àl’intérieur de laquelle se développent des écoles. Gueslinen identifie 4, à savoir, une

    socialiste, une chrétienne-sociale, une libérale et une solidariste. (cf. annexe 1) Sil’économie sociale n’a pas eu le même retentissement que l’économie politique en tantque science, « elle recevait parallèlement une signification très concrète etinstitutionnelle» qui n’a rien de résiduelle. « Elle correspond bien au contraire à uneapogée qui va soutenir le grand espoir des mutualistes et des coopérateurs del’époque. » Le 19e est marqué par une acception très large de l’économie sociale « quicouvre ce qu’on appellerait aujourd’hui le secteur de la protection sociale qui rassembletoutes les procédures privées ou publiques d’affectation de l’épargne à des finssociales.L’économie sociale, telle qu’elle a été réinvestie aujourd’hui, a reçu une

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    définition plus étroite et plus homogène. Elle est composée d’organismes producteursde biens et services, placés dans des situations juridiques diverses mais au sein desquelsla participation des hommes résulte de leur libre volonté, où le pouvoir n’a pas pourorigine la détention du capital et où la détention du capital ne fonde pas l’affectation des profits.» (Gueslin, 1998, p.3)

    Ceci étant on propose decomparer l’économie socialestricto sensu des banquescoopératives de la fin du 19e siècle avec celle au sens large du premier 19e qui est plutôtde l’ordre de la protection sociale et qui se matérialise dans l’utopie libérale des Caissesd’Épargne. La question de l’épargne et du crédit est en fait une partie essentielle de la politique sociale en France au 19e et cette dimension ne peut pas être délaissée dans uneanalyse de l’économie sociale et des banques coopératives car en plus à cette stade « lesecteur de l’économie socialeest encore mal dégagé de sa gangue charitable ou philanthropique » (Gueslin, 1998, p.5)

    Qui plus est cette hypothèse jette de la lumière sur une réflexion autour desmodalités d’intervention de l’État dans l’économie en France et sur l’acculturation decertaines pratiques importées et son adaptation à la réalité française. Sans vouloir faireune approche comparative qui exigerait plus d’espace on fera quand même référenceaux circulations d’idées, aux échanges et diffusions européennes.

    Commençons par l’émergence des banques de l’économie sociale en France parl’approche commune, c’est-à-dire, en partant de sa naissance dans le deuxième 19e enAllemagne pour ensuite aborder les cas français. Dans une deuxième partie on reviendraen arrière dans ce 19e pour examiner les Caisses d’Épargne en tant que projet de protection sociale au sens large et finalement on répondra à notre hypothèse.

    1 – L’Économie Sociale des banques coopératives

    1.1 – Remarques générales sur le contexte historique français au 19

    e

    Avant d’évoquer la naissance des banques coopératives il nous faut comprendrele contexte historique françaisdans lequel elles s’insèrent. «L’économie sociale, tellequ’elle apparaît et se développe au XIXe siècle, procède d’une démarche de solidarité. Avant la Révolution française il existait en France des structures confraternelles. (…)corporations, corps intermédiaires entre l’individu et l’État que la Révolution rejette. »Or pour Gueslin il existe une certaine « filiation entre les structures associativesd’Ancien Régime et les structures d’économie sociale postérieures » et un apparent paradoxe dans «le fait que la Révolution, en isolant le travailleur, (…)révèle, voire

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    exacerbe le besoin de «s’associer » chez les laissés-pour-compte de la révolutionindustrielle. » (Gueslin, 1998, p.7)

    Les confréries générales en particulier paraissent êtreaux origines de l’économiesociale et il faut remarquer leur progressive laïcisation et démocratisation« indispensables pour comprendre l’émergence de la mutualité au XIXe siècle »(Gueslin, 1998, p.16-17)La perte d’influence du legs du jacobinisme atomistiqueinterviendra et progressivement le deuxième 19e siècle serafavorable à l’association etaux corps intermédiaires en général. Comme le remarque Pierre Rosanvallon, titulairedepuis 2001 de la Chaire d'Histoire moderne et contemporaine du politique au Collègede France, « à partir de 1848, les conservateurs et les libéraux prennent en effet brutalement conscience qu’une société d’individus entraîne presque mécaniquement unedemande d’État toujours croissante (…) Faute d’associations et de corps intermédiaires,l’État se trouve alors sollicité sur tous les fronts. » (Rosanvallon, 2003, p.4)

    L’atomisation issue de la Révolution Française, des lois Le Chapelier et Allarde,implique un État que les libéraux ne veulent surtout pas. Les revendications et les débatsautour du droit au travail à cette époque démontrent bien le basculement qui intervient.Selon Rosanvallon «le problème était de savoir si l’on se contenterait de stipuler entermes généraux un « devoir» d’aide de la société, par le travail ou par le secours,

    envers les chômeurs ou s’il fallait, en allant plus loin, parler de « droit ». »(Rosanvallon, 2003, p.4) « Ceci conduit les libéraux à nier aussi bien un droit ausecours qu'un droit au travail (...) qui risque d'instaurer le communisme, écritTocqueville » (Gueslin, 1997, p.36)

    « Les hommes de droite ont tiré une leçon fondamentale de cet épisode : pouréviter que le socialisme ne fasse irruption, il faut appréhender dans des termes nouveauxde problème de l’association et des corps intermédiaires. » Selonl’économiste

    conservateur Cherbuliez «l’action des idées communistes ne saurait être neutralisée que par les idées analogues d’association et de patronage (…). L’ouvrier se croit ou se sentdésassocié. Il se trouve en dehors de la société proprement dite (…). Les associationscommunistes ne seront neutralisées que si le capital et la propriété y pénètrent. » (Cité par Rosanvallon, 2003, p.5)

    Napoléon III avait dès les premiers mois de sa prise de pouvoir favorisé lamultiplication des sociétés de secours mutuels par le biais du décret de 1852 qui leur

    permet de se constituer. Un étal libéral qui intervient sans intervenir dont« l’intervention vise surtout á faciliter l’intervention privée » (Gueslin, 1997, p. 100)

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    Mais le Second Empire voit aussi apparaître la figure del’État-Providence, leterme étant forgé dans les années 60 et utilisé pour la première fois par Émile Laurenten 1861 un des lauréats du prix Morogues de l’Académie des Sciences Morales cetteannée-là subordonné au sujet de l’extinction du paupérisme. (Gueslin 1997, p.31) ÉmileLaurent dans Le paupérisme et les associations de prévoyance , qui est devenu unclassique, dénonce un tel État « érigé en une sorte de Providence » et appelle sescontemporains à «la restauration dans la société française de l’idée d’association »« Avant même de pouvoir éviter que le monde ouvrier ne glisse vers le communisme oule socialisme, l’association fait ainsi figure d’alternative à l’avènement d’un État tuteurdu social. Des voix de plus en plus nombreuses souhaitent alors, dans cette perspective,comme Laurent, qu’un système assurantiel et un tissu d’associations ouvrières semettent en place, de telle sorte qu’une société revitalisée prévienne la mise en placemécanique d’un État-providence. » (Rosanvallon, 2003, p.5)

    Comme on le verra, et derrière la démarche philanthropique des Caissesd’épargneet ensuite pour la promotion des secours mutuels, la peur des révoltes et de ladégénérescence sociale est toujours présente mais aussi un refus de la prise en charge par la puissance publique et l’idée d’empêcher l’assistance publique obligatoire.

    À partir du milieu du 19e siècle, l’association retrouve ainsi une légitimité plus

    forte que par le passé. C’est un infléchissement majeur du modèle français qui aboutiraà la reconnaissance légale des syndicats en 1884 par laloi Waldeck-Rousseau, en passant par l’abrogation partielle de la loi Le Chapelier 1864 par laloi Ollivier, quiabolit le délit de coalition.Un accent particulier s’impose sur le dernier quart de siècleet en particulier sur l’avènement de la IIIe République marquée par le solidarisme souslaquelle l’association trouvera les bonnes conditions pour s’affirmer. Un certain pragmatisme réformateur caractérise la doctrine solidariste républicaine, « une sorte de

    troisième voie » qui « procède chez les républicains du souci de trouver un moyen termeentre libéralisme et socialisme collectiviste. » (Gueslin, 1997, p.47)

    Un facteurd’ordre intellectuel a favorisé dans ce contextel’émergence desassociations, « il s’agit de la nouvelle compréhension de la société impliquée parl’émergence progressive de la sociologie à partir des années 1870. Avec la sociologie lacritique de l’individualisme change de nature. Plutôt que des attitudes morales, « on vasurtout s’em ployer à souligner que la structure effective de la société ne correspond

    nullement aux présupposés atomistiques (…). Le jacobinisme, avec sa visionindividualiste-étatiste, va donc se trouver discuté et disqualifié sur un mode inédit. C’est

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_Waldeck-Rousseau_%28syndicats%29http://fr.wikipedia.org/wiki/1864http://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_Ollivierhttp://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_Ollivierhttp://fr.wikipedia.org/wiki/1864http://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_Waldeck-Rousseau_%28syndicats%29

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    En 1848, il imagine une Banque d’échange fondée sur trois principes : le créditmutuel et gratuit, la suppression du numéraireet la généralisation du bon d’achat.L’abondance de liquiditémonétaire permettra la gratuité du crédit. La suppression dunuméraire abolira «la royauté de l’or ». « Il propose de le remplacer par des « bonsd’échange » ou « bons de circulation », gagés sur les produits échangés. » « Le prix estfixé librement par accord mutuel duvendeur et de l’acheteur. (…) Concrètement, la banque d’échange n’aurait ni capital social ni encaisse métallique et elle sera rétribuée par commission. Ellefonctionnera à la fois comme banque d’émission, banqued’affaires et société de crédit. Au fond, elle amorcerait la pompe à circuit fermé où les producteurs « se garantiront mutuellement leurs produits respectifs. » » Élu député,Proudhon ne réussi pas à imposer son projet « car, paradoxalement, il considère que lelancement de la banque d’échanges est du ressort du gouvernement puisqu’elle sesubstituera à la Banque de France » (Gueslin, 1998, p.79-80)

    Il tente lui-même une expérience partielle avec la création en 1849 de la« Banque du Peuple P.J. Proudhon et Cie.» disposant d’un capital initial de 5 millionsde francs réparti en un million d’actions. Il annonce un intérêt de 2 % qu’il prévoitensuite de réduire dans la perspective du crédit gratuit. Les statuts prévoient lefonctionnement de la banque dès que 50000 francs seront versés ce qui n’arrivera pas.

    Toutefois « c’est un projet important dans l’histoire de l’économie sociale puisqu’il y propose une réalisation pratique de ses idées » notamment « la révolution par en basdans le cadre d’une nouvelle organisation des producteurs paropposition à la lutterévolutionnaire visant à établir la dictature du prolétariat» (Gueslin, 1998, p. 75-76)

    Si la suppression de la convertibilité métallique des billets a été une bonne prémonition,l’idée de crédit gratuit manquait de sens pratique. «L’expérience proudhonienne n’eut pas de suite, même si les premiers fondateurs des banques

    coopératives firent parfois référence à la pensée proudhonienne. » (Gueslin, 2002, p. 22)b) Modèle libérale – SchulzeLes premières expériences réussies de banques coopératives ont eu lieu en

    Allemagne. Le juriste Schulze en est la référence libérale en créant lesVolksbanken . «Ses convictions libérales marquées ne l’empêchent pas de réfléchir à une améliorationdu sort des couches populaires. Lors de la grande crise frumentaire de 1846-1847,comme Raiffeisen, il crée un Comité de secours.» (Gueslin, 1998, p.139)

    En 1851, il abandonne son métier de magistrat et se retire à Delitzsch, sa villenatale en Saxe, pour se consacrer à la diffusion de la coopération. L’association est pour

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    lui la mise enœuvre du principe de laSelbsthilfe (forme d’entraide organisée). Il publiedans les années 50 Les comptoirs d’avances en tant que banques du peuple où il énonceles principes de son expérience decréation d’un comptoir d’avance en 1850 à Delitzsch,considéré le premier organisme de crédit populaire dans le monde.

    « Le concept deVolk montre son aspiration à rassembler ruraux et citadins,classes moyennes et prolétaires.Mais progressivement, agriculteurs puis ouvriers s’enéloignent.Mais il n’empêche que vers 1890, il existe dans le Reich allemand un millierde comptoirs regroupant 500 000 sociétaires (…) » Le comptoir d’avances « à l’opposéde la Caisse Raiffeisen, a une vocation strictement bancaire et une orientation vers lesclasses moyennes urbaines.Le but est de leur permettre d’accéder au marché descapitaux en offrant toute garantie aux apporteurs» (Gueslin, 1998, p.140)

    « Le comptoir d’avances repose sur lagarantie solidaire des associés. Schulze necroit pas en la philanthropie et le capital social est rémunéré alors que lesadministrateurs reçoivent des tantièmes. Le capital est complété par la collecte auprèsdes sociétaires ce qui est àl’origine du mutualisme. » Les comptoirs font des prêts personnels aux sociétaires à trois mois renouvelables. Toutefois, « il faut nuancer cette présentationd’un pur modèle mutualiste ». (Gueslin, 2002, p.22) Car en fait les tauxsont élevés, parfois plus de 10 % au temps de la monnaie stable et des garanties réelles

    sont exigées des emprunteurs.L’œuvre de Schulze a eu un impact considérable et a débordé les frontières

    allemandes, s’implantant notamment en Italie d’où, après quelques acclimatations, elle parviendra en France où les banques populaires en seront la matérialisation.

    c) Modèle chrétien - RaiffeisenLe modèle Raiffeisen , du nom du philanthrope allemand, est une autre grande

    source du mutualisme bancaire. Raiffeisen est, à la différence de Schulze, issu du

    monde rural rhénan et profondément influencé par le protestantisme luthérien.« En1843, il entre dans l’administration communale et il est nommé dans une

    contrée très pauvre de sa Rhénanie natale où il est confronté aufléau de l’endettementusuraire. » En 1849, il crée une société de secours aux agriculteurs impécunieux pourles aider à acquérir du bétail, une forme de crédit agricole.

    À partir de 1860, Raiffeisen cherche un système efficace de crédit et en 1864 ilcrée une première caisse à Heddesdorf fondée sur la fameuseSelbsthilfe . « La solidarité

    illimitée jointe à une circonscription de tailleréduite semble autoriser l’absence decapital social. Il craint un modèle par trop capitalistique » et éloigné de la morale

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    chrétienne (Gueslin, 2002, p.23) « De même, la rémunération des administrateurslui semble contradictoire avec le souci de servir.(…) L’absence de capital social permetencore de réserverles bénéfices à la constitution d’un fonds de réserveinaliénable encas de dissolution » ce qui est «la garantie réelle qui pallie l’absence de capital » et« permet de limiter la collecte des fonds assez faiblement rémunérée. » Par conséquent,« les prêts sont parfaitement adaptés au monde agricole : leur taux ne dépasse pas 6 % etleur durée est supérieure à 9 mois. » (Gueslin, 1998, p. 98)

    Le système Raiffeisen repose sur six grands principes : circonscription restreinte,responsabilité illimitée des sociétaires,constitution d’un fonds de réserve inaliénable, interdiction de distribuer des dividendes, attribution de prêts aux seuls sociétaires,caractère honorifique et gratuit des fonctionsd’administrateurs. Ces principes defonctionnement suscitent les critiques du libéral Schulze qui très influent obtient par uneloi d’Empire de 1889 l’interdiction des associations sans capital. « Raiffeisen tournala loi en fixant les montants des parts sociales à un niveau fort modique » mais il a étécontraint de créer la révision, i.e., « la surveillance obligatoire de la gestion, voire uneaide de la part d’une instance supérieure aux Caisses. » « Vers 1890, il existe sur lesterritoires allemand et autrichien environ 700 Caisses » certes de petite taillesi l’oncompare avec les comptoirs de Schulze (Gueslin, 1998, p. 98)

    Très structuré, le mouvement essaime en Europe Centrale, notamment en Suisse,en Belgique et surtout en Italie. « Il devient alors une référence pour tous les penseurssociaux européens qui songent à établir un crédit mutuel dans leur pays. Bientôt, il seramême suivi au Québec » et en France par les pionniers de la coopération de crédit enmilieu rural, le Père Ludovic de Besse et Louis Durand. (Gueslin, 2002, p.24)

    1.3 – Les banques coopératives en FranceÀ la base ce que caractérise le secteur del’économie sociale c’est l’abolition ou

    le détournement du profit. (Gueslin, 1998, p. 1) Mais d’autres principes rentrent dansleur définition tels que «l’administration gratuite, la démocratie participative (« unhomme, une voix») et l’affectation des excédents à un fond de réserves, voire à uneredistribution des excédents entre les associés y effectuant des opérations. » (Gueslin,1998, p. 5)Il faut toutefois noter qu’il y a des exceptions en fonction des contextes etque ces principes n’interviennent toujours tous à la fois.

    En France,on l’a vu, le Second Empire a permis le développement des sociétésde secours mutuelsmais l’attitude impériale face á la coopération est plus ambigüe,

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    oscillant entre les conceptions de foyer de contestation politique et structured’intégration sociale, ceci dans l’absence d’un statut juridique.

    Ainsic’est dansl’ombre en quelque sorte qu’on voit les premières ébauches decoopérative de crédit. En 1957, « les artisans parisiens qui imaginent le premier Créditmutuel doivent se réunir dans les clairières du bois de Vincennes » pour fonder la

    Banque de Solidarité Commerciale . (Gueslin, 1998, p. 270) En 1867 est interdit lecongrès coopératif international auquel devait participerl’allemand Schulze-Delitzsch !

    Les années 60 sont de fort dynamisme, au début venant des sociétés de crédit.En 1863, Beluze, un proche de Cabet, crée leCrédit au Travail , « première véritable banque associative de France » qui « est administrée selon le principe « un homme, unevoix », tout en répartissant les bénéfices au prorata du capital versé », présentant des« ambiguïtés doctrinales ». D’abord un succès d’une « relative unanimité sociale », lafaillite interviendra en 68 suite à « une expansion effrénée » accompagnée de «l’incompétence des gestionnaires ». « Cet échec eut un retentissement considérable carle Crédit au Travail était le moteur du mouvement coopératif. » (Gueslin, 1998, p. 72-73) La question des Crédits mutuels est plus complexe. «L’inspiration est assez vague,semble-t-il. Imprégnation proudhonienne ? Plus sûrement, influence de Schulze dontl’expérience est désormais connue ? (…) Ces groupes à deux sous s’épanouissent dans

    la région lyonnaise où l’on en compte une cinquantaine au milieu des années 1860(…)Sous le vocable de banques populaires, on retrouve d’autres structures d’inspirationnettement schulzienne dans plusieurs villes d’Alsace » (Gueslin, 1998, p. 275)

    Les « caisses de 2 sous » et les Crédits mutuels du Second Empire représententce stade préliminaire de la banque coopérative où essentiellement «il s’agissaitde financer des coopératives de production ». Ils se sont soldés par un relatif échec sansdoute nourri par les dissensions au sein du mouvement ouvrier et des « internationaux »

    français qui progressivement délaissent la coopération au profit de la collectivisation aufur et à mesure quel’influence du proudhonisme se réduit.

    Le congrès de Marseille de 1879 « remit au deuxième plan la coopération, il nefit plus état de la coopération de crédit. Désormais le socialisme ne s’y intéressa plus.En 1894, lors des discussions sur le Crédit Agricole, Jaurès critiqua fermement lesmodèles allemands trop peu démocratiques selon lui. » (Gueslin, 1998, p.329) Ainsi« c’est la bourgeoisie libérale et les catholiques sociaux qui tentent de promouvoir la

    coopération de crédit. » (Gueslin, 1998, p.330)

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    Mais ça sera avec la IIIe République qui envisage une politique sociale via lecrédit que la coopération trouvera des conditions favorables à son essor. Il faut dire que juridiquement « la loi de 1884 sur les syndicats libéra les formes associatives modernesaprès un temps de latence. En une décennie (1894-1906), le secteurde l’économiesociale prit forme. » (Gueslin, 1998, p.351)

    Abordons maintenant l’émergence des crédits populaires et du Crédit Agricole.À cause des limites de notre enquête, on laissera de côté l’expérience qui vade lacréation en 1885 du Crédit Libre,i.e., un crédit agricole sans l’État, au Crédit Mutuel, par exempleteinté d’un christianisme libéral d’un Louis Durand et d’inspirationraiffeiseniste. (Gueslin, 1978, p.119-129)

    a) Les crédits populaires« Dès l’Empire, les milieux libéraux avaient tenté d’implanter le modèle Schulze

    par l’intermédiairedes expérimentations italiennes. » (Gueslin, 2002, p. 29)Deux professeurs italiens d’économie politique, Vigano et Luzzatti, en sont les

    responsables de cet intérêt pour la coopération de crédit en milieu urbain. La réussitedes « acclimatations italiennes » de Luzzatti dès 1864 « démontrait la possibilitéd’adapter le modèle Schulze en France » (Gueslin, 1998, p.142)

    Naturellement, les premières expériences se font le long de la côte

    méditerranéenne. En 1875, Vigano «est à l’origine de la fondation de la Banque populaire de Cannesqui adopte d’ailleurs (…) les statuts de son homologue de Milan »organisée par Luzzatti. » (Gueslin, 1998, p.330)

    « La réussite de cette dernière provoque une grappe de créations, particulièrementla banque populaire de Marseille d’Eugène Rostand. Il faut noter également la création de la banque de Menton en 1883. » (Gueslin, 2002, p. 29-30)

    Au-delà de ce courant libéral et républicain, agissant en milieu urbain et dirigé

    plutôt à la moyenne bourgeoisie entrepreneuriale et commerçante, « le catholicismesocial tente de diffuser les banques populaires » dans le reste de la France. «C’estessentiellement l’œuvre du Père capucin Ludovic (…) » qui, ayant fait un voyage enItalie, «en revient enthousiaste, fasciné par la personnalité de Luzzatti et par l’esprit dela banque populaire » et «s’emploie à diffuser cette structure. Il crée ainsi une vingtainede banques. » (Gueslin, 1998, p.331-332)

    « À l’initiative des méridionaux un premier congrès à Marseille en 1889 réunit

    les fondateurs de Banques Populaires. Suite à celui-ci, le Centre fédératif du Crédit populaire est créé avec pour but de coordonner l’ensemble. Mais le Crédit Populaire

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    connaît bien desdifficultés. Les Banques fondées à l’initiative de Ludovic de Besse se veulent laïques et bientôt le catholicisme social refuse son soutien.(…) Au plan de lagestion les nouvelles banques souffrent de leur inspiration par trop philanthropique et deleur manque d’orthodoxie financière.» (Gueslin, 2002, p.30)

    « 76 banques populairessont fondées entre 1874 et 1910 (…) Mais seulementune quinzainefonctionnent plus de dix ans. (…) Dès 1898, il ne reste plus rien des 17 banques fondées par le Père Ludovic; (…) Globalement, une quinzaine de banques populaires subsistent à la vielle de la guerre. C’est bien peu en comparaison desquelques 2000 banques Schulze et 700 banques Luzzatti. Et pourtant, il existe un besoinréel d’un organisme de crédit pour la petite production.» (Gueslin, 1998, p. 335)

    Rappelons qu’au départ la loi Méline de 1894 qui crée, on le verra, le Créditagricole « visait à la fois l’organisation du crédit agricole et du crédit populaire. LeSénat en décida autrement, en supprimant la partie concernant le Crédit Populaire. Enconséquence les petits commerçants se voyaient privés d’une législation favorable. »(Gueslin, 2002, p.32) « Finalement, malgré les références étrangères et en dépit de leursconvictions profondes, on voit la plupart des dirigeants du Crédit populaire soutenus parles groupes de pression de la petite production, appeler l’État à l’aide. (…) Ons’orientait là aussi dans la direction du modèle français d’économie sociale. À la veille

    de la guerre, le Parlement débat de la question d’un statut de faveur à donner aux banques populaires…» (Gueslin, 1998, p. 335)

    b) Le Crédit AgricoleLa France subit de plein fouet à la fin du 19e la grande dépression de 1873-1896

    et surtout son agriculture est en perte de compétitivité face aux nouveaux concurrents.L’agriculture française a du mal à « s’insérer sur la marché tant du côté des facteurs de production (inputs ) que du côté des débouchés (output ). (…) En l’absence de solidarité,

    celle de la famille ou des voisins, éventuellement celle des groupements déjà évoqués, ilne reste plus qu’à faire appel à l’usurier local » et à subir des taux d’intérêt abusifs.(Gueslin, 1998, p.25) Car en fait, «les banques commerciales (…) refusent de prêteraux agriculteurs qui sont réputés ne pas tenir les délais. De plus, les prêts bancaires, enmatière de garantie, ne sont pas adaptés. Enfin, les paysans résident souvent loin d’une place bancable » (Gueslin, 2002, p.25)

    Or « plutôt que de promouvoir un modèle á l’anglaise, fondé sur un exode rural

    accéléré », le modèle français promeut le développement tout en gardant une paysannerie nombreuse pour des raisons politiques. Notamment avec la IIIe République

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    il y a un enjeu de ralliement à la cause républicaine mais aussi le mythe du « paysan-soldat ». (Gueslin 1997 p.30) La politique française a alors été celle du mélinisme, dunom du président du Conseil Jules Méline, qui était d’abord un protectionnisme patentdans les « tarifs Méline » des années 80 et 90. Or ce protectionnisme, assez répandue enEurope en ce moment, est complété par une vision modernisatrice car Méline décide desusciter « un secteur bancaire dynamique qui devait mettre l’agriculture française àl’abri pour atteindre plus tard le niveau de ses rivales » (Gueslin, 2002, p.25)

    « Pour promouvoir cette politique, le républicain Méline s’inspire dusolidarisme , fait d’une aide de l’État aux structures professionnelles coopératives etmutualistes. La République s’emploie à promouvoir le modèle du« paysan-coopérateur». (…) Mais, incapable d’élaborer une grande loi coopérative comme enAllemagne, elle cherche à encourager le mouvement coopératif naissant par le canal duCrédit agricole. » (Gueslin, 1997, p. 87)Tout d’abordMéline en tant que libéral essaied’éviter une solution centralisée et en 1894, « attiré par les expériences menées enAllemagne,(…) propose de créer des Caisses mutuelles de premier degr é » du styleRaiffeisen, c’est l’acte de naissance du Crédit agricole officiel. Ce modèle initial seravoué à l’échec car les caisses locales n’arrivent pas à collecter les capitaux nécessaires àcause du manque de confiance en l’absence de garantie de l’État. (Gueslin, 2002, p. 26)

    Ainsi, pour faire affluer des capitaux,on s’adresse àla Banque de France et « àla faveur du renouvellement du privilège,en 1897, l’État demande (…) qu’elle vienneen aide à l’agriculture. » Mais pour éviter une centralisation trop forte, en 1899 on créedes Caisses régionales qui interviennent entre l’État qui leur attribue des avances et les

    Caisses locales.Selon les dires d’André Gueslin il y a là encore un interventionnisme àla française mais aux antipodes de «l’étatisme puisque le projet Méline est de couver unsystème mutualiste qui doit s’émanciper progressivement. » (Gueslin, 1997, p.80-88)

    « La nouvelle structure est vraiment destinée à se fondre dans la Francerépublicaine. Purement mutualiste, elle est conforme aux principes du solidarismethéorisé par le républicain Léon Bourgeois. (…) Par ailleurs, la nouvelle législationtémoigne de la clairvoyance du personnel politique qui n’impose pas un modèleétranger mais qui l’acculture. » (Gueslin, 2002, p.27) « Dotéd’un statut juridique solidecomportant de larges exemptions fiscales, nanti d’avances substantielles et à tauxréduits, voire nuls de l’État, le Crédit Agricole républicain s’implante vite sur le

    territoire. » (Gueslin, 1998, p.369)

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    « Une loi de 1906 autorise le crédit à long terme aux coopératives agricoles, qui,en l’absence de législation ad hoc, font l’objet d’une première définition. » (Gueslin,2002, p.28)Mais l’impact du Crédit Agricole est relativement limité et il doit faire faceau réseau Durandd’institutions de crédit agricole mutuel libre qui ont essaimé dans lescampagnes françaises les plus attachés religieusement. « Globalement la pénétration duCrédit Agricole est supérieure » assurant, à la veille de la guerre, un tiers del’endettement agricolecontre 7 % aux Caisses Durand. (Gueslin, 1998, p.369-371)

    À la veille de la guerre, « le nombre des exploitants concernés par le CréditAgricole, s’il s’élève à plus de 235 000 sociétaires en valeur absolue, ne dépasse pas, enfait, 10 % des chefsd’exploitation. » (Gueslin, 2002, p.28)Il s’agissait au départ pourMéline de « faire le Crédit agricole par en bas » (Gueslin, 1978, p.374) Progressivementl’État est appelé à intervenir et « faute de moyens financiers suffisants, le législateuravait dû se résoudre à créer en 1920 un établissement public. » (Gueslin, 2002, p.38)

    On le voit bien dans les cas des banques populaires et du crédit agricole, la politique publique sociale et l’économie sociale sont souvent combinées, si ce n’est parce que lesecteur bancaire en général a besoin de l’appui de l’État comme garant endernier ressort et pour apporter la confiance aux agents.Ainsi on n’a pas « au mépris du purisme de mise en économie sociale, éliminél’État. » (Naszályi, 2010, p.226)

    2 – L’Économie sociale des Caisses d’épargne 2.1 – Les Caisses d’épargne : une utopie libéraleLe XIXe siècle est souvent décrit comme celui du libéralisme triomphant. C’est

    en général une description qui nuance le rôle de l’État dans l’économie et qui oublie que« le mouvement d’industrialisation au XIXe siècle s’accommode, voire nécessite, uneintervention de l’État(Gueslin, 1997, p. 25)

    En fait, les élites libérales de ce premier 19e « croient fortement au progrèséconomique mais quand même « tout en défendant des concepts farouchementindividualistes, elles ont conscience du rôle que l’État peut jouer, aussi bien en matièred’infrastructure des transports qu’en matière de protection sociale en diffusant etsoutenant les Caisses d’épargne… » (Gueslin 1997, p.29-30)

    La protection sociale en ce début de siècle est quasi inexistante. Le Chapelieravait éludé «l’argument selon lequel les confréries assureraient la protection sociale descompagnons : [attribuant]cette mission (…) à la Nation. » (Gueslin, 1998, p.20) Or laRévolution française a voulu instituer mais sans succès un Établissement général de

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    Secours Public et le droit des pauvres à être secourus. Suite à la politique de table rase,finis les corporations, les biens communaux et les ordres religieux qui assuraient lasolidarité,L’État n’a pas étécapable d’assumer le rôle d’« instituteur du social ».

    Ça reviendra aux bureaux de bienfaisance et à la charitéd’assurer la protectionsociale de l’époque. « Constatant, dès le XVIIIe siècle, l’ampleur de la misère, lesfondateurs du libéralisme assortissent leur refus de consacrer « un droit des pauvres »d’undevoir d’assistance, en un mot, de bienfaisance. » (Gueslin, 1997 p.35)

    Or l’industrialisme rimera avec paupérismeau fur et à mesure qu’il avance au19e. Toutefois « dans « la société libérale » chaque individu est responsable

    personnellement de son destin. On veut croire que le pauvre, par son imprévoyance, està l’origine de sa condition, d’où la mise en avant, dès le XVIIIe siècle par la philosophiedes Lumières, de la prévoyance comme vertu. Les fondateurs des Caisses d’épargne ne pensent pas autrement quand ils imaginent cette institution comme remède de la pauvreté. » (Gueslin, 1997, p.35)

    D’un fort discours moraliste sur le travail qui est une vocation dans le monde,découle l’idée qu’il y a le bon et le mauvais pauvre plutôt que le pauvre en soi. La pauvreté n’est pas vue comme un état socialement déterminé mais comme le résultat del’action individuelle. La question de la pauvreté est associée à cette époque-là à celle de

    l’épargne, le travail et épargne étant ainsi les deux vertus dominantes. À l’opposé, ondécrie les vices des classes laborieuses, l’oisiveté étant la mère de tous les vices, la paresse, l’imprévoyance, etc. Il n’est pas dans l’ordre du jour de discuter les bassalaires, car on croît qu’ils sont juste car librement consentis et résultant des lois dumarché, ni des crises, du chômage, où de leur lien avec le système capitaliste.

    L’historienne Carole Christen-Lécuyer dans son Histoire sociale et culturelledes Caisses d’épargne nous éclaire aussi sur cette utopie libérale faite de puritanisme

    bourgeois. «Bien que l’épargne soit de nature économique, et d’ailleurs définie par leséconomistes comme une consommation différée, l’excédent du revenu net sur laconsommation » nous dit Christen-Lécuyer, «l’épargne est liée au concept de prévoyance qui renvoie alors à une pratique sociale plus qu’économique. » Àl’historienne de l’expliciter en soulignant que « dans un siècle où ni la Sécurité sociale,ni les retraites n’existent, épargner est une nécessité vitale, puisque le travail sur lequel

    se fonde pourtant le nouveau ordre social issu des Lumières et de la Révolution

    f rançaise n’est pas garanti par la politique et reste livré aux aléas et aux rigueurs dumarché. L’épargne apparaît comme le seul moyen de pallier l’absence d’un système de

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    protection sociale et de freiner l’extension de la mendicité. » (Christen-Lécuyer, 2004, p.2)Les Caisses d’épargne « forme d’assurance populaire, devaient, par le miracle desintérêts composés, permettre aux pauvres et aux classes laborieuses de se prémunircontre les aléas de la vie » (Gueslin, 1997, p.100)

    2.2 – Le modèle françaisS’il y a bienun moment européen des Caisses d’épargne, avec les premières

    fondations en Allemagne et puis en Suisse à la fin du 18e et en Angleterre au début du19e, c’est en 1818 qu’est fondée la première Caisse d’épargne française, celle de Paris.

    « Il est fortement probable que par leurs séjours à l’étranger, le duc LaRochefoucauld-Liancourt et Benjamin Delessert aient été influencés par les premièresfondations étrangères. » Ces deux personnages fondateurs sont les grands porteurs du

    projet français et sa vision vient de loin. « La Rochefoucauld-Liancourt proposait à laConstituante de fonder les Caisses d’épargne » et sera plus tard le premier président dela Caisse parisienne (Christen-Lécuyer, 2004, p.56-57) Delessert, fils de banquier, estun homme d’affaires mais s’engage socialement en multipliant les initiatives philanthropiqueset c’est lui qui convaincra « ses associés de la Compagnie royaled’Assurances maritimes » de crées la Caisse de Paris. (Duet, 2002, p. 19-20)

    Comme le montre bien Catherine Duprat « le premier XIXe siècle est le grand

    âge de la philanthropie en France » etc’est dans cette esprit qu’œuvrent les fondateurs(Christen-Lécuyer, 2004, p.182)Les Caisses d’épargne « veulent changer l’homme »,soustraite le peuple aux « funestes habitudes » ! La Loterie est en ligne de mire et jusqu’à sa suppression en 1836, qui est une victoire obtenue par la Caisse d’épargne, lecabaret est au second rang, là où les ouvriers fêtent la Saint-Lundi en dépensant « unegrande partie du gain de la semaine » (Christen-Lécuyer, 2004, p.236-237)

    Pour La Rochefoucauld, la Caisse d’épargne est une vision de « saine et vaste

    politique» qui permettra d’atteindre « le bonheur individuel et l’ordre public » mais cequ’également « les fondateurs des Caisses ont sous les yeux, c’est affirmation del’économie de marché et de l’économie monétaire et ce sont les risques de déracinementsocial, d’inadaptation économique et de paupérisme. » (Duet, 2002, p.13-17)

    Marqués par un utilitarisme moderne, ces «amis de l’homme » croient en avoirla solution.Il s’agirait essentiellement de rendre les pauvres épargnants, d’acculturer le peuple aux valeurs bourgeoises, de faire un peu de pédagogiedes conduites d’argent.Face au prêt á gages du Mont-Piété, sorte de micro créditde l’époque, on exalte lasupériorité morale de l’épargne. « L’enjeu est donc de bien diffuser des conduites de

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    rationalisme économique et même de comportement capitaliste, puisqu’on parlera plustard de la Caisse d’épargne comme d’une manière d’ « école primaire du capitalisme » ;conduite rapprochant progressivement le comportement de l’homme moyen de celui del’homo œconomicus » (Duet, 2002, p. 23-24)

    L’essor des Caisses d’épargne est tout à fait surprenant. Le nombre de guichetsest en 1889 supérieur à 1500 et «ce sont les Caisses d’épargne, pratiquement seulesdurant le XIXe siècle, qui « inventent » et expérimentent à cette échelle la notion deréseau d’agence dans la structure bancaire. En effet, les groupes mutualistes qui sedévelopperont auXXe n’existent alors pratiquement pas (…) Quant aux réseaux desgrandes banques de dépôts, souvent crées dans le dernier tiers du siècle, ils apparaissent,en comparaison, bien faibles, même à la fin du siècle. » (Duet, 2002, p. 30-31)

    « À partir de l’ordonnance de 1829 qui institue le Trésor dépositaire des fondsdes Caisses d’épargne et surtout de la loi de 1835 qui consacre le concours de l’État pour le placement de leurs fonds et les considère comme des établissements d’utilité publiques, les Caisses vont former un réseau national privé adossé à l’État. » (Christen-Lécuyer, 2004, p.2-4)

    « D’une institution embryonnaire issue de la mouvance philanthropique du débutdu XIXe siècle » la Caisse devient « une grande institution nationale, enracinée dans la

    société française et incontournable » à la fin du 19e. « Car en 1881, 4,2 millions deFrançais possèdent un livret de Caisse d’épargne – soit une pénétration du livretd’épargne dans la société française de plus de 11 %. » (Christen-Lécuyer, 2004, p.2-4)

    2.3 – Efficacité sociale des Caisses d’épargne Mais qu’en est-il de l’efficacité sociale de l’institution ? C’est une des questions

    posées par Christen-Lécuyer qui se demande si les déposants sont-ils majoritairementdes « cultivateurs, ouvriers, artisans, domestiques et autres personnes économes et

    industrieuses » comme le stipule le premier article des statuts originels de Caisse parisienne. (Christen-Lécuyer, 2004, p.4) La question au fond est celle de savoir sil’institution a était détournée de sa cible initiale. Dès le départ les Caisses « nes’adressaient pas aux plus pauvres car elles sont déstinées essentiellement à desindividus au travail, «des personnes laborieuses » (…) Mais qui sont ces personnes autravail qui possèdent un livret de Caisse d’épargne ? » (Christen-Lécuyer, 2004, p.343)

    En fait, l’épargne ne sera pas tellement « populaire » car il fautd’abordêtrecapable d’épargner. « Les déposants sont loin de tous appartenir aux classes populairescomme le souhaitaient les fondateurs et administrateurs des Caisses d’épargne (…) Les

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    professions populaires constituent une part non négligeable de l’effectif des déposants,elles reculent cependant nettement, passant de près de 52 % en 1835 à 30 % en 1881. Cedétournement des classes populaires envers les Caisses d’épargne alors que leurimportance s’affirme dans la société française, témoigne de l’échec relatif de la missionsociale de l’institution.» Effectivement ça ne concerne pas que les plus pauvres, mais plutôt les ouvriers qualifiés, les petits commerçants, les employés, les fonctionnaires.« C’est bien la diversité socioprofessionnelle » et la présence des femmes et surtout desenfants qui caractérisent les déposants et qui confirment «l’importance de la petite bourgeoisie au sein de la clientèle » (Christen-Lécuyer, 2004, p. 426-427)

    « L’importance numérique des petits livrets et de leur moindre poids dansl’ensemble des dépôts semblent montrer que les caisses d’épargne ont bien réussi àdrainer les petits dépôts, « les modestes économies », » mais aussi «témoignede l’échecrelatif des caisses d’épargne en matière de prévoyance à long terme - « pour garantir lavieillesse » - des classes populaires. » (Christen-Lécuyer, 2005, p.13 ; 21)

    Le rapport du docteur Villermé de 1840 est un exemple de constat de précaritédes classes laborieuses mentionnantl’épargne presque impossible « (…) Quand letravail est continuel, le salaire ordinaire et le prix du pain modéré, un travailleur peutvivre avec une sorte d’aisance et même quelques économies, s’il n’a point d’enfants ;

    que l’épargne, s’il en a un, lui devient difficile ; impossible, s’il en a deux ou trois.Alors il ne peut vivre si le bureau de bienfaisance ou la charité particulière ne vient àson secours aussi longtemps que ses enfants restent à sa charge (…). » (Cité dansGueslin 1997, p.30-31) L’utopie libérale et le principe du self -help sont mis à mal cequi pousse les libéraux à admettre progressivement l’interventionnisme social. « L’idéeque l’homme seul peut s’émanciper économiquement en se « réformant » lui-même, butte contre une société industrielle, fondée sur le travail mais générant la misère en son

    sein même, et pas seulement à ses marges. Les fondateurs de la Caisse d’épargne deParis – tous hommes d’affaires de leur état – le comprennent bien quand ils font appel àl’État pour garantir et diffuser les nouvelles institutions. (Gueslin, 1997, p. 36)

    On commence donc à se rendre compte que la pauvreté n’est pas liée à la seuleattitude et responsabilité individuelles et du coup l’idée de recourir à l’État pour réglerla question sociale est avancée créant des débats très intenses sur lesdangers d’une telleintervention étatique. (Gueslin, 1997 p. 31) « Dès après 1830, certains notables

    commencent à évoquer «la charité qui s’attache à prévenir », note Adeline Daumard. Etla Société de secours mutuelsqui va se substituer à la Caisse d’Épargne dans l’optique

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    libérale est une institution de prévoyance et de prévention, fondée sur les cotisationsrégulières liées au travail. » (Gueslin, 1997, p.36)

    « À la même époque, Émile Buret [auteur de De la misère des classeslaborieuses en Angleterre et en France ] conteste l’efficacité sociale des caissesd’épargne et le baron de Gérando, bien que grand partisan des caisses dès leurfondation, a conscience que cette institution, contrairement au projet originel, n’est pas« le moyen infaillible et absolude prévenir toutes les misères », qu’elle peut luttercontre la pauvreté, mais non contrel’indigence, car seuls certains salariés « aisés » peuvent pratiquer l’épargne. » (Christen-Lécuyer, 2005, p.21)

    Face à l’incapacité des Caisses face au paupérisme « l’État se préoccupe dedonner un statut officiel aux sociétés de secours mutuels qui fonctionnaientde facto etdont l’État se méfiait. » Napoléon III leur donnera en 1852 un statut de faveur aveclarges exemptions fiscales et subventions moyennant un contrôle. (Gueslin, 1997, p.100) Les libéraux trouveront dans les sociétés de secours mutuels une alternative dansune logique paternaliste de certaines élites bourgeoises censée éviter l’intervention del’État. Is s’était engagé un débat sur les bienfaits de chaque modèle dont un rapport parlementaire de 1849 est un bon exemple : « Les motifs qui rendent [la Caissed’épargne] impuissante à protéger l’ouvrier contre les maladies, les infirmités ou la

    vieillesse, c’est d’abord qu’elle ne lie pas assez fortement à l’épargne, c’est ensuite quel’épargne ainsi constituée n’est que le résultat d’un effort isolé, d’une force individuelle.Elle manque du ressort puissant de la mutualité [qui ferait] disparaître les périls de cettemobilité que nous signalons tout à l’heure dans les dépôts faits à la Caisse d’épargne. »(Gueslin, 1998, p. 135)

    L’individualisme du rapport à l’épargne via les Caissesn’étant pas du ressortd’un lien social mais plutôt de l’apprentissage des rouages du capitalisme, on vante les

    bienfaits des secours mutuels se « prêtant parfaitement au patronage » et de sesdémarches collectives qui seraient «l’entraide par la mutualité et l’éducation à la prévoyance par l’épargne obligatoire » (Gueslin 1998, p.135). «L’insuffisance descaisses d’épargne en matière de prévoyance complète sur le cycle de vie, et doncl’échec de la prévoyance par l’épargneindividuelle non obligatoire pour les classesdémunies conduit de nombreux contemporains à se tourner vers la prévoyancecollective des sociétés de secours mutuels. » (Christen-Lécuyer, 2005, p.21)

    Dans la seconde moitié du 19e, l’essor de la mutualitéet la création de la Caisse

    de retraites pour la vieillesse en 1850 fixent le nouveau rôle des Caisses d’épargne, celui

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    d’« initier les salariés à l’épargne et permettre une prévoyance à court terme pour les besoins immédiats. Ce rôle est moins ambitieux que celui initialement prévu. Pour une prévoyance à long terme, les sociétés de secours mutuels et la caisse des retraitesdoivent prendre le relais. » (Christen-Lécuyer, 2005, p.22)

    Au-delà des Caisses, l’épargne, le crédit et la prévoyance ont nourri denombreux débats en ce 19e. Louis Blanc, très influent au moment de la Révolution de1848, «constatant qu’il est vain de compter sur l’épargne ouvrière, il veut faire de l’État« le banquier des pauvres » » qui par le biais des nationalisations, de la Banque deFrance entre autres, trouverait les sources de financement. (Gueslin, 1997, p.41)

    Surtout pas dira Louis Durand, fondateur du Crédit mutuel, en 1897. «L’État nedoit pas prêter aux citoyens ; il ne doit pas être leur banquier; il n’a pas le droit de nous prendre d’une main pour nous prêter d’une autre. Il n’a pas le droit de transfor mer le budget en une providence administrative chargée de pourvoir à tous nos besoins. »Durand un virulent critique del’encyclique Rerum Novarum sur la question sociale, oùle pape Léon XIII réaffirmait la traditionnelle doctrine charitable tout en ouvrant la porte à une certaine intervention de l’État. L’Église qui est alors « tiraillée entrecatholiques libéraux, plus libéraux que catholiques sur la question sociale, et catholiquesociaux, plus catholiques quesociaux sur la question de l’aide aux pauvres » tendra á

    défendre le principe de subsidiarité à l’égard de l’État.(Gueslin, 1997, p.49-50)Pour l’économiste LéonWalras qui s’intéressa à l’économie sociale en tant que

    discipline, «l’avènement des travailleurs à la propriété du capital par l’épargne, voilà endeux mots tout le système des associations populaires. » L’épargne, qui selon lui, permettra rien d’autre que l’abolition du prolétariat. (Cité par Gueslin, 1998, p.121)

    3 – Les Caisses d’épargne : institutions d’économie sociale ?

    3.1 – Les prémisses du débatDans son livre sur L’Invention de l’économie socialeAndré Gueslin considèrequ’on peut se demander si les Caisses d’épargne procèdent réellement à leur origine del’économie sociale. « Certes, [nous dit-il], très rapidement elles vont s’appuyer surl’État et inversement on peut dire que l’État s’appuiera sur elles » (Gueslin, 1998, p.131)Comme le note l’économiste Daniel Duet, spécialiste dans la matière, « lesdirigeants de la Caisse d’épargne estiment que le placement le plus sûr pour les fondscollectés est la rente d’État » et « plutôt que d‘envisager une diversification des placements, ils se tournent vers l’État et lui demandent de prendre en charge le

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    problème de l’emploi des fonds » en proposant « de verser les sommes collectées à laCaisse des Dépôts (CDC), moyennant un taux uniforme » (Duet, 2002, p.41-42)

    La Caisse des Dépôts et Consignations, crée en 1816, au début de laRestauration, permettra d’accueillir les besoins de placement des Caisses d’épargne.Pour la CDC, «cette double nécessité de soutenir le crédit de l’État et de fournir unerémunération suf fisante aux caisses d’épargne s’avère impérieuse » (Margairaz, 2008, p.20) Car cette institution assure de fait la relation entre l'épargne populaire et le placement public en France ayant un caractère double de collecteur de l'épargne populaire etd’investisseur aux rentes, oscillant entre le but "public" et le motif "privé".(Yago, 1996) Une sorte de partenariat public-privé se crée carl’Étatà ce moment-là, etd’une façon structurelle, «continue de ponctionner le marché de l’épargne et d’exercerune vive concurrence auprès des banques.» (Gueslin, 1997, p. 81)

    Pour Gueslin, la pression des contraintes de développement conduira à la miseen place d’un « modèle d’économie mixte » et « par la bonification automatique desdépôts reçus de l’institution privée qu’est la Caisse d’épargne est ébauché un modèled’État providence encore dans ses limbes. » (Gueslin, 1998, p.132-133)

    « Par ailleurs, compte tenu du niveau de vie, de la psychologie et davantageencore de la culture des épargnants potentiels, il fallait « inventer » une formule de

    dépôts garantissant la sécurité et la disponibilité du capital. Le souvenir des banqueroutes de la fin de l’Ancien Régime et de la Révolution était dans toutes lesmémoires. » Côté État la Caisse avait une « fonction positive », une « fonctionsocialed’abord». « Tous les collaborateurs de l’État insistent sur l’influence des Caissesd’épargne sur « le destin » des populations laborieuses » étant «au cœur de l’utopie desCaisses d’épargne qui sont, croit-on, l’outil de protection sociale dont manque la sociétéindustrielle naissante. » (Gueslin, 1998, p.131-132)

    Or dans l’esprit de leurs dirigeants elles «n’avaient rien à voir avec le secteur bancaire classique mais étaient simplement des institutions de protection sociale, pastrès éloignées finalement des sociétés de bienfaisance.» Gueslin considère encore queces institutions inaugurent effectivement une tradition qu’il appelle « libéralisme bienfaisant, c’est-à-dire un libéralisme à dimension sociale, teintéd’interventionnisme. » (Gueslin, 1998, p.133)

    3.2 – Réponses

    « Pour autant, peut-on dire que les Caisses d’épargne relèvent du secteur del’économie sociale ? » nous interpelle Gueslin. Et à lui de nous rappeler qu’« il faut

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    évidemment éviter toute approche téléologique. » (Gueslin, 1998, p.133-134) C’estqu’il reproche à « Daniel Duet qui considère que malgré les différences de taille(…),les Caisses d’épargne s’apparentent dès l’origine et avant la lettre même au secteur del’économie sociale. » Selon Gueslin, Duet «en tient pour preuve que l’objectif desfondateurs «était bien de faire du vecteur économique un moyen d’améliorationhumaine et sociale, hors d’un objectif de valorisation capitaliste comme hors d’une

    logique de prise en charge étatique. » (Gueslin, 2002, p. 43)Cependant reconnait Gueslin «il est évident que par leur proximité des gens, par

    leur souci de servir, par leur refus du profit, par leur contributionà des œuvres d’intérêtgénéral, les Caisses d’épargne du XIXe siècle peuvent s’apparenter à l’économie

    sociale.» Mais inversement il nous dit qu’il est difficile de les y intégrer et il suit lescontemporains, c'est-à-dire la visionstricto sensu de l’économie sociale, car « l’objectifdémocratique n’est pas au centre du système et les clients, qu’on n’appelle pas lessociétaires, ne participent pas aux grandes décisions ; les administrateurs ne sont pasissues ès-qualité de la clientèle… Elles représentent néanmoins une sorte de contre-système par rapport au capitalisme, un moyen de collecter l’épargne hors des grandsappareils bancaires. » (Gueslin, 1998, p.134)

    Or pour Duetles Caisses d’épargne offrent un paradoxe car à la fois « proches

    localement » sont venues «d’en haut » sociologiquement. Et il corrobore son argumenten lançant que «ce sera d’ailleurs assez largement le cas également des créations dumutualisme bancaire, apparu plus tard, avec lequel les Caisses partagent, dès l’origine,la même inspiration fondamentale caractéristique de l’économie sociale : mettrel’économie au service de l’homme et non l’inverse, tout en se distinguant de la sphère publique. » (Duet, 2002, p. 22)

    Le crédit et l’épargne constituent, on l’a vu, des axes essentiels de la politique

    sociale en France au 19e et sous la IIIe République avec les banques mutualistes et dansle premier 19e au moment de la création des Caisses d’épargne. Les Caisses d’épargne peuvent dans une certaine mesure être considérées comme institutionsd’économiesociale si l’on prend cette dernièrelato sensu . Les Caisses annoncent en quelque sortel’avenir de l’économie sociale qui se forme au sens strict à la fin du siècle, étant uneespèce de « degré zéro » de celle-ci, car finalement ce tiers secteur, non-étatique et non-capitaliste, en matière bancaire a en soi une tendance à trouverdes appuis dans l’État.

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    Annexe 1

    Source : (Gueslin, 1998, p. 4)

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