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Les éditions des JOURNAUX OFFICIELS LES AVIS DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL Les inégalités à l’école M. Xavier Nau Septembre 2011

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Les éditions des JOURNAUX OFFICIELS

LES AVIS DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL

Les inégalités à l’école

LES AVIS DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL

Direction de l’information légale

et administrativeaccueil commercial :

01 40 15 70 10

commande : Administration des ventes

23, rue d’Estrées, CS 10733 75345 Paris Cedex 07

télécopie : 01 40 15 68 00 ladocumentationfrancaise.fr

No 41111-0009 prix : 11,70 eISSN 0767-4538 ISBN 978-2-11-120877-3

CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL9, place d’Iéna 75775 Paris Cedex 16 Tél. : 01 44 43 60 00 www.lecese.fr

M. Xavier Nau

Septembre 2011

Notre système éducatif peine aujourd’hui à remplir sa fonction intégratrice. Un grand nombre

de situations d’échec se révèlent pendant la scolarité obligatoire et les inégalités de réussite sont

très nettement corrélées aux inégalités sociales et culturelles des familles. L’école ne parvient plus

à atténuer ces inégalités de départ et tend même à les accentuer entre le début du primaire et

la fin du collège.

Afin de rester fidèle à son objectif d’émancipation des personnes par le savoir et la formation,

l’école doit renouer avec une ambition éducative pour tous, en assurant un enseignement de

qualité sur l’ensemble du territoire. Tel est le sens des propositions du Conseil économique, social

et environnemental.

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2011-09

NOR : CESL1100009X

Mardi 20 septembre 2011

JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Mandature 2010-2015 – Séance du 13 septembre 2011

Question dont le Conseil économique, social et environnemental a été saisi par décision de son bureau en date du 22 février 2011 en application de l’article 3 de l’ordonnance no 58-1360 du 29 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental. Le bureau a confié à la section de l’éducation, de la culture et de la communication la préparation d’un avis sur Les inégalités à l’école. La section de l’éducation, de la culture et de la communication, présidée par M. Philippe da Costa, a désigné M. Xavier Nau comme rapporteur.

LES INÉGALITÉS À L’ÉCOLE

Avis du Conseil économique, social et environnemental

présenté par M. Xavier Nau, rapporteur

au nom de la section de l’éducation, de la culture et de la communication

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2 – Avis du CoNseiL éCoNoMiQue, soCiAL et eNviroNNeMeNtAL

Sommaire

■ Synthèse de l’avis ____________________________4

■ Avis ________________________________________9

� Constats 9

� L’échec scolaire : une réalité très préoccupante,

étroitement associée à l’origine sociale des élèves 9

� Une baisse récente de performance du système

éducatif mais dont les racines sont profondes 12

� Des réformes fondamentales inabouties

ou appliquées avec inconstance 15

� Les partenaires de l’école 17

� Préconisations 19

� Assurer la réussite de tous

dans la scolarité obligatoire 20

� Assurer la réussite de tous sur tout le territoire 25

� Assurer la réussite de tous :

la formation des enseignants et leur métier 28

� Assurer la réussite de tous : articuler pilotage

national du service public et autonomie 30

� Assurer les conditions de la réforme 31

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Les iNégALités à L'éCoLe – 3

■ Déclaration des groupes _____________________ 33

■ Scrutin ____________________________________ 53

Liste des personnes auditionnées _______________ 55

Liste des personnes entendues __________________ 56

Table des sigles _______________________________ 59

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4 – Avis du CoNseiL éCoNoMiQue, soCiAL et eNviroNNeMeNtAL

LES INÉGALITÉS À L’ÉCOLE

Synthèse de l’avis1

La modernisation du système éducatif entre 1960 et le milieu des années 1990 présente un bilan plutôt flatteur. elle a accompagné de manière positive les transformations de l’économie et de la société et a contribué à corriger les inégalités sociales en démocratisant l’accès aux diplômes. Le système scolaire a ainsi contribué à améliorer les trajectoires sociales et professionnelles des populations moins favorisées.

Mais au tournant des années 1990, cette évolution semble marquer le pas. un très grand nombre de situations d’échec pour les élèves et leur famille sont encore associées à la période de scolarité obligatoire. Près de 18 % des jeunes sortent chaque année sans diplôme du système scolaire. or les difficultés d’apprentissage sont très tôt installées. elles sont repérées dès le début de l’école élémentaire chez 15 % des élèves.

Les inégalités dans la réussite des élèves sont très nettement corrélées aux inégalités sociales et culturelles de leurs familles. Or l’école n’arrive plus à diminuer ces inégalités de départ ; ces dernières ont même tendance aujourd’hui à augmenter tout au long de la scolarité. C’est donc à un nouveau défi que l’école est aujourd’hui confrontée si elle veut répondre à son ambition d’émancipation des personnes.

Les difficultés d’apprentissage sont en lien étroit avec la situation sociale et culturelle des familles. Les résultats aux évaluations des élèves à l’entrée en cours préparatoire sont déjà socialement très contrastés et les écarts se creusent encore dans la suite de la scolarité en fonction de l’origine sociale. en outre, la communication entre l’école et les parents d’élèves de milieu défavorisé est souvent très insuffisante voire difficile du fait de leur propre parcours scolaire et des appréhensions qu’ils nourrissent vis-à-vis d’une institution chargée de transmettre des savoirs qu’ils maîtrisent mal.

La prise en compte trop partielle d’aménagements dans les écoles et établissements d’enseignement, combinée avec l’insuffisance de formation des personnels, amène de nombreux élèves, en situation de handicap ou malades, à ne pas pouvoir suivre une scolarité en milieu ordinaire. il s’agit de l’accessibilité des bâtiments où sont dispensés les enseignements, l’accessibilité des transports mais aussi la mise à disposition de supports d’enseignement adaptés.

Des clivages territoriaux viennent aggraver ces inégalités et rendent leur traitement plus complexe. ils affectent particulièrement les grandes agglomérations, comme la région parisienne où des processus de clivages sociaux et scolaires jouent à plein.

or, l’élévation constante du niveau général des connaissances est un enjeu primordial pour les sociétés contemporaines vouées à une complexité croissante notamment dans le domaine des techniques. L’accès de tous à un bon niveau d’éducation est une condition de l’insertion économique mais aussi sociale et civique des individus. La stratégie de l’union européenne à l’horizon 2020 a récemment fixé des objectifs ambitieux et précis aux états membres en matière de formation de leurs populations.

1 L’ensemble du projet d’avis a été adopté au scrutin public par 155 voix contre 4 et 21 abstentions (voir le résultat du scrutin en annexe).

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Les iNégALités à L'éCoLe – 5

La France affiche aujourd’hui une performance éducative décevante : si pour la moitié des élèves, le système éducatif fonctionne plutôt bien, en revanche la proportion d’élèves très faibles en fin de scolarité obligatoire y atteint 20 %, c’est-à-dire sensiblement plus que chez ses principaux partenaires. de surcroît cette situation s’est fortement dégradée depuis dix ans.

Cette part accrue de l’échec scolaire est aussi très profondément inégalitaire puisque la capacité de notre système éducatif à atténuer les effets du milieu social sur la scolarité est plus faible que dans la plupart des pays développés.

Notre système éducatif a donc cessé d’être un facteur de réduction des inégalités. Cette « panne » relativement récente a cependant des racines profondes à savoir les hésitations et les incohérences de la démocratisation conduite dans le cadre d’un collège unique auquel doivent accéder tous les élèves issus de l’école primaire. Ces difficultés affectent encore la continuité et l’efficacité de l’action éducative. L’accès de tous les jeunes à une scolarité secondaire dans des conditions identiques impliquait, en effet, un changement en profondeur des objectifs et des méthodes d’enseignement qui n’a été réalisé que très partiellement et de façon confuse.

Plus récemment, une conjoncture défavorable, de très sévères restrictions budgétaires et des suppressions de postes sont venues compromettre un peu plus cette situation.

Le Conseil économique, social et environnemental tient à souligner l’urgence de renouer avec une véritable ambition éducative et un effort constant qui garantissent une augmentation effective et régulière du niveau d’éducation et de qualification de la population. L’état et les collectivités territoriales, principaux acteurs des politiques éducatives sont appelés à ne pas seulement subir le poids de cette grande mission mais à manifester concrètement la volonté de faire de l’école républicaine, selon les termes mêmes du code de l’éducation, « la première priorité nationale ».

C’est tout le sens des préconisations suivantes.

Les principales préconisations

Assurer la réussite de tous dans la scolarité obligatoire

Le Cese recommande de :

Ê Faire de l’école et du collège la priorité y en renforçant l’attention aux transitions scolaires, notamment de la grande section

maternelle à la classe de CP, de celle de CM2 à la sixième ;

y en confortant l’école maternelle dans sa mission et en favorisant la socialisation des 2-3 ans ;

y en aidant les communes à faire de l’enseignement primaire une priorité communale

y en finalisant le socle commun et les cycles ;

y en déterminant de façon plus cohérente les objectifs d’apprentissage à l’école et au collège ;

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6 – Avis du CoNseiL éCoNoMiQue, soCiAL et eNviroNNeMeNtAL

y en appliquant réellement l’organisation en cycles des apprentissages à l’école ;

y en renforçant nettement la formation professionnelle des enseignants et futurs

enseignants.

ÊAméliorer les relations entre l’école et les parents y en favorisant les horaires de rencontre avec les parents ;

y dans les secteurs d’éducation prioritaire, en favorisant l’accès des parents à l’école ;

y en sensibilisant les parents aux différents modes d’évaluation.

ÊRendre effectives l’accessibilité et l’adaptation des outils pédagogiques

L’organisation territoriale du système éducatif

Le Cese recommande de :

ÊRefonder l’Éducation prioritaire y elle doit retrouver sa véritable dimension territoriale, dans le cadre de la politique

de la ville ;

y Les moyens doivent y être concentrés pour agir de façon intensive ;

y Le travail des équipes et leur permanence doivent y être favorisés ;

y il faut assurer un suivi des élèves quittant le collège sans diplôme.

ÊRenouveler la démarche de carte scolaire y Le principe d’une régulation forte est nécessaire et doit être maintenu ;

y Cette régulation peut se faire sans affectation autoritaire, et pour cela :

– l’offre d’enseignement doit être également attractive dans chaque établissement ;

– l’attribution des moyens doit être proportionnelle à la mixité sociale des publics

scolarisés.

La formation des enseignants et leur métier

Le Cese préconise de :

ÊRendre réellement professionnelle la formation initiale des futurs enseignants

y en organisant des stages devant les élèves pour tous les enseignants se préparant au

concours de recrutement ;

y en accompagnant le nouvel enseignant lors de son entrée dans le métier ;

y en favorisant les formations pluridisciplinaires pour les enseignants du 1er degré ;

y L’élévation du niveau de recrutement ne doit pas se faire au détriment de la mixité

sociale des futurs enseignants.

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Les iNégALités à L'éCoLe – 7

ÊMieux reconnaitre le métier d’enseignant y en intégrant dans leur temps de service l’ensemble de leurs tâches ;

y en reconnaissant et en valorisant dans l’évolution de leur carrière, leur implication

dans l’ensemble des activités qui relèvent de leur responsabilité.

Ê Faire un effort massif de formation continue des personnels.

Articuler pilotage national du service public et autonomie des équipes éducatives

Le Cese recommande de :

ÊDonner un rôle important au conseil pédagogique, en en faisant une cheville ouvrière du projet de l’établissement

y Pour organiser le temps scolaire et les rythmes de l’établissement ;

y Pour impulser les innovations nécessaires et harmoniser les pratiques ;

y Pour piloter la validation du socle commun.

ÊMaintenir une exigence forte d’égalité des établissements sur le territoire national

y en faisant de l’autorité académique une instance forte de régulation ;

y en soumettant les projets d’établissement à un agrément de l’autorité académique ;

y en exigeant que tout projet comporte un volet « évaluation ».

ÊDoter également les établissements privés sous contrat d’un conseil pédagogique

Les conditions de la réformeLe Cese recommande de :

ÊDonner le temps nécessaire à la concertation et l’appropriation des réformes ;

Ê Faire de l’expérimentation et de l’évaluation une obligation avant toute généralisation ;

ÊAppliquer de façon cohérente et constante les réformes, une fois décidées

y L’application d’une réforme ne doit pas débuter avant que ne soit pris le temps de la

formation des personnels et que les outils nécessaires ne soient développés ;

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y Lorsque tous les moyens (dotations, formation des personnels, etc.) ne peuvent être mis en œuvre sur l’ensemble du territoire, une généralisation progressive, avec les moyens nécessaires, doit être préférée à une application immédiate, partout et sans les moyens suffisants ;

y son application doit être constante. Les pays qui ont réussi à réformer leur système scolaire en profondeur et dans la durée ont pu s’appuyer sur un certain consensus que la France doit ici nécessairement recherché.

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Les iNégALités à L'éCoLe – 9

Avis

Constats

L’échec scolaire : une réalité très préoccupante, étroitement associée à l’origine sociale des élèves

depuis 1960 et jusque vers le milieu des années 1990, le système scolaire français a

connu de profondes transformations qui ont permis à de plus en plus de jeunes d’accéder à

un diplôme et d’améliorer ainsi leur parcours social et professionnel.

il marque aujourd’hui le pas et chaque année, un grand nombre d’élèves achèvent

leur scolarité obligatoire dans les plus mauvaises conditions : 18 % des jeunes soit environ

130 000 quittent le système scolaire, sans aucun diplôme reconnu. or, depuis la fin des

années 1970, l’absence de diplôme rend l’insertion sociale et professionnelle de plus en plus

aléatoire. on constate ainsi que le taux de chômage des jeunes ayant cessé leur scolarité en

2007 sans diplôme est de 40 % trois ans après.

Notre système éducatif manque donc l’un de ses objectifs essentiels qui est de préparer

l’insertion dans la vie sociale et professionnelle de tous les individus, à chaque génération,

et de leur permettre d’exercer pleinement leur citoyenneté.

des difficultés scolaires très tôt installées

Les situations d’échecs constatées à la sortie du système scolaire, au moment où

commence l’entrée dans la vie d’adulte, sont malheureusement prévisibles car elles sont

profondément inscrites dans le passé scolaire des individus. L’origine de l’échec peut, dans

la plupart des cas, être rapportée aux premières grandes difficultés éprouvées à l’école

primaire.

si l’échec scolaire le plus grave concerne un jeune sur cinq en fin de collège, il est pour

l’essentiel construit très tôt, au tout début de la scolarité, dès le cycle des apprentissages

fondamentaux. Le collège hérite donc des difficultés accumulées à l’école élémentaire mais

loin d’y remédier, il les amplifie et en élargit encore la base. Ainsi, 15 % des élèves se trouvent

en grande difficulté d’apprentissage dès le cours préparatoire et 20 % des élèves de 15 ans

(donc pour la majorité d’entre eux en classe de 4ème ou de 3ème) obtiennent en 2009, au test

international PisA, des résultats inférieurs au niveau considéré par les experts comme le

minimum requis pour conserver toutes ses chances de réussir une vie d’adulte.

Cette proportion d’élèves se trouvant en grande difficulté scolaire en fin de collège s’est

accrue de 30 % au cours des dix dernières années. Cette tendance très préoccupante est

confirmée par d’autres évaluations notamment réalisées en fin de scolarité élémentaire.

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10 – Avis du CoNseiL éCoNoMiQue, soCiAL et eNviroNNeMeNtAL

L’échec scolaire en quelques chiffres :

– 15 % des élèves en CM2 présentent de très lourdes difficultés en lecture et en calcul ;

– 20 % des élèves de 15 ans ont un niveau inférieur au 2ème niveau de l’enquête internationale PisA (« Programme international pour le suivi des acquis des élèves » piloté par l’oCde) qui en comporte 6. en deçà de ce seuil, toute scolarité devient problématique ;

– 15 % des élèves de fin de 3ème ont un très faible niveau en mathématiques ;

– 20 % des jeunes « testés » à la « Journée défense et citoyenneté » (JdC) sont de mauvais lecteurs ;

– 18 % des jeunes terminent leur scolarité sans diplôme et moins de la moitié d’entre eux occupent un emploi dans les trois ans qui suivent leur sortie du système éducatif.

des difficultés scolaires en lien étroit avec la situation sociale des familles

Les difficultés de départ des élèves à l’école élémentaire restent étroitement corrélées à la situation sociale de leurs familles. Le niveau d’étude de la mère joue aussi en termes culturels un rôle majeur dans la scolarité des enfants.

Les résultats aux évaluations à l’entrée au Cours préparatoire (CP) sont déjà très différenciés socialement et les enfants de milieux sociaux favorisés et/ou dont les parents sont très diplômés progressent davantage pendant leur scolarité primaire.

seulement 24 % des enfants d’ouvriers et d’inactifs parviennent en 6ème sans redoublement alors que c’est le cas de 65 % des enfants de cadres, d’enseignants et de chefs d’entreprise.

La moitié des disparités sociales de réussite sont constituées avant l’entrée à l’école élémentaire et, ensuite, à chaque année scolaire, les écarts de réussite entre les enfants de milieu favorisé et les enfants de milieu défavorisé s’accentuent un peu plus. une étude réalisée en 2004 a montré que 80 % de ces écarts étaient matérialisés à l’issue de la scolarité primaire. Le collège aggrave encore ces inégalités liées à l’origine sociale des élèves et, surtout, il les révèle au grand jour, au moment où les élèves entrent dans l’adolescence et se rapprochent des premiers choix d’orientation.

Les premiers temps de la scolarité sont donc déterminants. L’école primaire et l’école maternelle devraient en toute logique constituer la cible prioritaire des actions destinées à faire réussir tous les élèves. il est aussi plus difficile d’agir efficacement par la suite car les apprentissages s’inscrivent dans un processus fortement cumulatif et le retard pris par les élèves finit par être trop important, pour pouvoir être comblé.

Ce constat d’un lien étroit entre les caractéristiques sociales et culturelles des familles et la réussite des élèves pourrait faire figure d’évidence et conduire à afficher un certain fatalisme, du moins sur le versant scolaire de la question. toutefois au regard de cette difficulté majeure et générale que constitue la traduction des inégalités sociales sur le terrain scolaire, le système éducatif français, du début de l’école primaire à la fin du collège, se caractérise par des performances médiocres, en tout cas sensiblement inférieures à celles de nombreux pays de l’union européenne et de l’oCde.

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Les iNégALités à L'éCoLe – 11

Au regard des indicateurs d’équité de l’enquête PISA 2009, le système scolaire français est plutôt mal positionné

élaboré à partir de données décrivant le niveau d’études, la profession des parents et les biens matériels et culturels disponibles à la maison, le pourcentage de variation de performance des élèves, en lecture, expliquée par le milieu socio-économique s’établit à 17 % pour la France et dépasse nettement la moyenne de l’oCde (14 %). il est de 6% en islande, de 8 % en Finlande, de 9 % au Canada et au Japon. Notre pays figure dans le groupe de ceux qui parviennent le moins à corriger les inégalités sociales et culturelles de départ.

si l’on considère un autre indicateur, l’écart moyen de score des élèves en fonction de leur « statut » socio-économique (ou pente du gradient socio-économique), la France se classe encore moins bien. Le nombre de points qui sépare les élèves de milieux défavorisés de ceux de milieux favorisés y dépasse les 50 contre 38 pour la moyenne de l’oCde.

L’éducation nationale dispose donc, à l’évidence, de marges d’amélioration réelles et importantes au regard de ce qui est réalisé dans d’autres pays au niveau de développement équivalent.

Les inégalités scolaires selon l’origine et le genreà niveau social égal, les descendants d’immigrés ne sont pas en moyenne plus touchés

par l’échec scolaire et les sorties sans diplôme que le reste de la population.

L’appartenance de la plupart de ces élèves à des familles à bas revenu et dont les membres adultes ont un faible niveau d’éducation explique, pour l’essentiel, leur moindre réussite à l’école. Les élèves issus de l’immigration connaissent plus souvent l’échec, avant tout parce qu’ils appartiennent à des milieux socialement moins favorisés. d’autres facteurs peuvent s’ajouter à cette réalité sociale de base comme la taille de la fratrie, une scolarisation plus tardive en fonction de l’âge d’entrée sur le sol français et parfois l’évitement de l’école maternelle.

toutefois, comme dans l’ensemble de la population, les filles obtiennent des résultats scolaires sensiblement supérieurs à ceux des garçons et étudient aussi plus longtemps. La scolarité des filles semble moins affectée que celle des garçons par les éléments de contexte qui viennent d’être évoqués. C’est aussi le cas dans la population majoritaire et cette inégalité selon le genre, qui n’est pas spécifique à la France, n’en pose pas moins question, même si elle reste difficile à expliquer. L’écart de performance scolaire entre filles et garçons est aussi plus marqué dans les milieux défavorisés.

une géographie des inégalités scolairesLa France ne constitue pas un territoire homogène au regard de la scolarité. L’inscription

des inégalités dans l’espace est un élément supplémentaire de difficulté. en effet, des clivages territoriaux accentuent les inégalités devant l’école.

une véritable fracture existe entre l’outre-mer et la métropole tant en termes de besoins que de résultats. Certaines collectivités ultramarines ont une population particulièrement jeune, les conditions d’enseignement y sont difficiles (en particulier en guyane) et les résultats des élèves aux évaluations de fin de scolarité primaire dramatiquement bas.

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12 – Avis du CoNseiL éCoNoMiQue, soCiAL et eNviroNNeMeNtAL

Pour la France continentale, les difficultés principales concernent avant tout des territoires urbains. elles sont alimentées par la concentration de populations défavorisées dans certaines périphéries des grandes agglomérations. Ce processus va de pair avec des phénomènes de ségrégation scolaire qui déstabilisent les écoles et les collèges de secteurs urbains entiers, parfois même, à l’échelle de tout un département.

une situation socio-éducative aussi clivée, dans laquelle les tensions autour des enjeux de l’école sont exacerbées, finit par affecter le climat général des apprentissages à l’échelle de toute une agglomération. des études récentes ont fait apparaître que les résultats globalement obtenus par les élèves des départements d’Île-de-France, hors Paris, sont finalement inférieurs à ce qu’ils devraient être compte tenu de la richesse moyenne des habitants et du niveau de développement économique de ces territoires. à l’inverse, des territoires moins clivés socialement dans lesquels la mixité sociale continue d’exister dans les écoles et les collèges obtiennent, en moyenne, une meilleure réussite de leurs élèves. à ce titre, l’école rurale, malgré des difficultés qui lui sont propres (suppression et regroupement de classes, trajet scolaire), affiche des résultats plutôt bons.

Une baisse récente de performance du système éducatif mais dont les racines sont profondes

dans une période assez récente, notre système éducatif a cessé d’être un facteur de réduction des inégalités. il les accentuerait plutôt. Cette « panne » de notre école est inquiétante dans la mesure où les inégalités scolaires qu’elle laisse se creuser, aujourd’hui, risquent de renforcer demain les inégalités dans la société.

Pourtant, les réformes conduites entre les années 1960 et les années 1980 ont eu des effets très positifs qui constituent une dynamique sur laquelle la société vit encore aujourd’hui.

Les acquis de la démocratisation scolaire sont bien réels...

en effet, dans la décennie 1960, les conditions d’une prolongation de la scolarité de la très grande majorité des enfants au-delà de l’école élémentaire ont été réunies, avec en perspective l’obtention de diplômes à finalité professionnelle (CAP, BeP) ou sanctionnant un niveau d’étude général (BePC et baccalauréat). La proportion de jeunes terminant leurs études avec une qualification et un diplôme s’est accrue très sensiblement à chaque génération, à partir du début des années 1960, répondant ainsi aux besoins nés des transformations de l’économie et de la société.

Les parcours scolaires se sont allongés d’abord par la suppression du palier d’orientation de fin cinquième au collège, ensuite par la démocratisation de l’accès au baccalauréat, notamment grâce à la création en 1985 des baccalauréats professionnels.

... mais ils reposent sur une base fragile

Les succès les plus récents et les plus spectaculaires du système éducatif ont été obtenus sur le deuxième cycle de l’enseignement secondaire, en particulier sur l’accès au baccalauréat, puis logiquement sur l’augmentation de la participation à l’enseignement supérieur. depuis la fin des années 1970, la base du système formée de l’école primaire et

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Les iNégALités à L'éCoLe – 13

du collège semble avoir été tenue pour acquise alors qu’elle ne l’était pas vraiment. sur ces fondations restées fragiles, tout l’édifice court désormais un risque de déstabilisation.

Le système éducatif traverse aujourd’hui une conjoncture financièrement très défavorable (très sévères restrictions budgétaires et suppressions de postes à un niveau jamais vu jusque là) ; mais il est avant tout, depuis longtemps, en butte à un obstacle structurel qui lui est propre, à savoir les hésitations et les incohérences de la démocratisation conduite dans le cadre d’un collège unique auquel doivent accéder tous les jeunes sortant du primaire. Ces difficultés affectent encore la continuité et l’efficacité de l’action éducative.

L’accès de tous les jeunes à une scolarité secondaire dans des conditions identiques impliquait, en effet, un changement en profondeur des objectifs et des méthodes d’enseignement qui n’a été réalisée que très partiellement et de façon confuse.

Comme l’a bien montré la Cour des comptes dans un rapport thématique de 2010 intitulé « L’éducation nationale face à l’objectif de la réussite de tous les élèves », l’application sur le terrain des grandes réformes repose plus sur l’implication personnelle et la bonne volonté d’une partie des enseignants et des autres personnels des écoles et des collèges, que sur le pilotage résolu et constant du ministère.

Les difficultés nées d’une politique éducative hésitante et peu cohérente ont ainsi retardé des évolutions indispensables si bien qu’actuellement, en France, plus que dans d’autres pays développés, les modes d’apprentissage restent imprégnés par le modèle du cours magistral. La classe est encore trop souvent conçue comme un ensemble homogène et indifférencié.

une adaptation très incomplète de l’enseignement à la démocratisation scolaire et à l’hétérogénéité des élèves et des établissements

Ce qui était partiellement vrai et a pu fonctionner dans un système (celui de la période 1880-1950) qui sélectionnait tôt les élèves, dans leur parcours scolaire, sur une base à la fois sociale et géographique (ville/campagne ; école communale/lycée) et où une minorité d’entre eux étaient appelés à poursuivre des études secondaires, ne l’est plus et ne le peut plus aujourd’hui lorsque des élèves socialement et culturellement très hétérogènes doivent suivre jusqu’à 16 ans une scolarité identique.

il est donc nécessaire de diversifier les méthodes et les rythmes d’apprentissage non seulement dans la classe, lorsque la mixité sociale existe, mais aussi entre les établissements, lorsque la mixité scolaire est battue en brèche par des processus complexes de ségrégation spatiale.

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14 – Avis du CoNseiL éCoNoMiQue, soCiAL et eNviroNNeMeNtAL

Une pédagogie différenciée pour gérer l’hétérogénéité des élèves

L’hétérogénéité a plusieurs composantes : hétérogénéité de niveaux, hétérogénéité des origines sociales et culturelles, des situations familiales, des comportements vis-à-vis des apprentissages scolaires etc.

La gestion de l’hétérogénéité ne passe pas par la prise en charge de chaque élève individuellement. il ne s’agit pas d’assurer en parallèle autant de cours particuliers qu’il y a d’élèves dans la classe mais de mettre en place une organisation du travail et des dispositifs didactiques qui placent régulièrement chacun dans une situation optimale pour apprendre.

L’enseignant qui pratique une pédagogie différenciée :

y Fixe le but qui doit-être le même pour tous mais place des repères d’apprentissage différents selon les élèves: c’est l’itinéraire qui varie et non pas le but ;

y Observe ses élèves. il est capable de détecter les élèves qui apprennent de manière plus linéaire ou analytique ; ceux qui apprennent de manière plus globale ou synthétique ; ceux qui font plus volontiers référence au concret, au vécu ; ceux qui fonctionnent mieux avec des automatismes, du « par cœur » ; ceux qui préfèrent raisonner, structurer ; ceux qui inventent, imaginent, créent…

y Établit une typologie des erreurs caractéristiques qui deviendront alors des objectifs de réapprentissage. il est important d’instaurer ce principe dans une classe hétérogène et d’utiliser les erreurs produites comme levier pour la suite des apprentissages. L’enseignant doit donc travailler à partir de productions d’élèves (analyse des réussites et des erreurs) et apprendre aux élèves à s’auto-évaluer ;

y Fait varier les dispositifs didactiques (démarches, consignes, matériaux) de manière à ce que chaque élève/groupe d’élèves se voit attribuer une tâche qui lui permet de travailler et de progresser à partir du niveau qui est le sien. Les critères de réussite lui sont communiqués : « Pour réussir voilà ce que je dois faire ». A cette fin, l’enseignant peut utiliser des fiches de tâches personnelles, des plans de semaine pour s’adapter aux rythmes différents des élèves...

y Diversifie les modalités d’organisation pour offrir un maximum de possibilités de travail. il tire parti des divers regroupements possibles (groupes de besoin, de projets) en jouant tantôt sur l’homogénéité pour travailler une difficulté spécifique, tantôt sur l’hétérogénéité pour favoriser l’entraide.

Pour devenir cet « enseignant expert », tout débutant dans le métier devrait bénéficier d’une solide formation théorique et pratique.

source : Marie-Claude granguillot, Enseigner en classe hétérogène, Hachette éducation, 1993.

une formation des enseignants insuffisante et aujourd’hui en grand péril

dans ce domaine, les enseignants sont loin d’avoir systématiquement bénéficié de tout l’accompagnement et de toute la formation nécessaires et la récente réforme, conduite à l’occasion de la « masterisation », aggrave encore ce manque. désormais, en effet, dès leur réussite au concours les nouveaux professeurs sont placés en responsabilité, à temps complet, devant des élèves. Face aux protestations quasi unanimes, le ministère a proposé quelques aménagements permettant à ces nouveaux enseignants de quitter leur classe,

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Les iNégALités à L'éCoLe – 15

pendant quelques semaines, pour revenir en formation. toutefois, la baisse drastique des

moyens de remplacement rend très difficile l’application de cette mesure. en définitive,

au moment où l’ensemble du système éducatif devrait être mobilisé autour de l’objectif

de réussite de tous les élèves, la formation des enseignants apparaît plus désorganisée

que jamais. La formation professionnelle proprement dite, initiale ou continue, semble

disparaître ou du moins se trouve considérablement amoindrie alors que sa modernisation

et son relèvement auraient dû constituer une priorité de la réforme.

Des réformes fondamentales inabouties ou appliquées avec inconstance

trois grandes mesures concernant l’école et le collège ont jalonné ces trente dernières

années. Les deux dernières, en 1989 et 2005, ont pour objectif d’accompagner une mise en

œuvre efficace et cohérente de la scolarité obligatoire. Mais les unes comme les autres se

sont révélées défaillantes dans leur application, voire dans leur conception même.

une politique d’éducation prioritaire intermittente et peu lisible

La tendance à la concentration dans l’espace des difficultés sociales et scolaires,

précédemment évoquée, a conduit à territorialiser une partie de l’action éducative.

La scolarisation de tous dans une même structure ne permettait plus d’ignorer, à la

fin des années 1970, les fortes disparités dans les conditions de la réussite scolaire. dans

un contexte de crise économique naissante et d’incertitude sur l’avenir de nombreux

jeunes, l’attribution de moyens identiques à tous les établissements ne pouvait que figer

ces inégalités, voire les renforcer. L’idée de politique prioritaire s’impose alors et voit

effectivement le jour en 1981.

Matérialisée sur le terrain par la délimitation de zones d’éducation prioritaires, les ZeP,

la démarche consistait à apporter plus de moyens et à accorder plus d’attention à ceux

qui en avaient le plus besoin. Pour ce faire, elle s’inscrivait dans un projet territorial sensé

mobiliser, autour des écoles et des collèges, tous ceux qui avaient un lien avec les conditions

de l’éducation : la famille, les collectivités territoriales, les associations.

Malheureusement, les trente années d’existence de la politique d’éducation prioritaire

ont été émaillées de phases de désintérêt et d’abandon partiel, de confirmation et de

relance, de réorientations successives. Au fil du temps, l’éducation prioritaire a obéi à des

logiques différentes qui n’ont, de surcroît, pas été clairement assumées au point que les

dispositifs et les appellations plus anciens coexistent avec les plus récents. une structuration

en réseau (dispositif rAr et rss) a supplanté en 2006 celle des ZeP sans les faire disparaître

et aujourd’hui, le dispositif eCLAir, centré sur les établissements et d’abord focalisé sur les

problèmes de violence, a vocation à se substituer aux réseaux précédents.

La cartographie et le sens même de la politique d’éducation prioritaire sont donc très

peu lisibles et les fondamentaux semblent avoir été largement oubliés, notamment celui de

la mobilisation de tous les partenaires, sur une base territoriale, autour d’un projet éducatif.

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16 – Avis du CoNseiL éCoNoMiQue, soCiAL et eNviroNNeMeNtAL

en outre, les efforts consentis ont été très tôt dilués dans la tendance à banaliser le

classement en ZeP ce qui se traduit aujourd’hui encore par un saupoudrage de moyens qui

nuit à l’efficacité du dispositif. de surcroît, lorsque les dotations en postes et en heures des

établissements sont converties en euros, il apparaît que certains établissements relevant de

l’éducation prioritaire apparaissent moins bien traités, que d’autres qui n’y sont pas éligibles.

enfin, l’efficacité de la politique d’éducation prioritaire ne peut être envisagée en

dehors d’une articulation cohérente avec la carte scolaire. or le contournement aujourd’hui

massif de cette dernière, encouragé par son assouplissement récent, déstabilise nombre

d’établissements situés dans les quartiers populaires où la mixité sociale est faible, sapant

ainsi les efforts éducatifs consentis par ailleurs en leur faveur.

une mise en œuvre laborieuse et insuffisante des cycles à l’école

L’organisation de l’enseignement primaire en cycles a été introduite par la loi

d’orientation de 1989 afin de mieux prendre en compte les rythmes d’apprentissage

propre à chaque enfant. Les huit années de scolarité primaire sont ainsi distribuées en trois

cycles, celui des apprentissages premiers correspondant à la petite et moyenne section de

maternelle, celui des apprentissages fondamentaux à la grande section de maternelle, au CP

et au Ce1 et enfin, celui des approfondissements aux Ce2, CM1 et CM2.

L’idée de base de cette réforme était de ne plus enfermer l’acquisition des connaissances

et des compétences dans un cadre annuel mais de lui permettre d’être développée sur trois

ans. C’est sur cette durée que l’enseignant doit penser les objectifs et aménager pour chaque

élève les chemins qui lui permettront de les atteindre.

or près de vingt ans après l’entrée en vigueur de la loi, le Haut conseil de l’éducation

constatait que cette organisation en cycles n’était bien souvent pas appliquée, que les familles

n’avaient pas conscience de son existence et que dans bien des écoles, l’enseignement

continuait d’être conçu à l’année.

il est vrai que le maintien des anciennes dénominations des classes ne favorise pas

l’appropriation de la nouvelle périodisation : le cours élémentaire 1ère année est en fait la

troisième année du cycle 2 et le Ce2, la première année du cycle 3. de surcroît, le cycle 2, celui

des apprentissages fondamentaux, absolument crucial dans l’acquisition des compétences

en lecture est répartie entre la dernière année de maternelle et les deux premières années

d’école élémentaire et ne s’inscrit donc que partiellement dans la scolarité obligatoire.

Par ailleurs, la persistance de taux de redoublement significatifs à l’intérieur même des

cycles montre que l’esprit de la réforme n’est pas assimilé.

Le socle commun : une bonne idée, un dispositif compliqué, peu lisible et discuté ; une volonté trop faible dans l’application

Le socle commun de connaissances et de compétences pouvait être considéré, lors

de la préparation de la loi de 2005, comme l’aboutissement d’une évolution vers le collège

unique. il correspondait à l’ambition de définir précisément ce que les élèves devaient savoir

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Les iNégALités à L'éCoLe – 17

à l’issue de leur scolarité obligatoire, donc ce qu’il fallait leur enseigner et indirectement, comment leur enseigner.

il s’agissait ainsi de cerner ce qui devait être considéré comme « indispensable » et « faisable » dans la formation des hommes et des femmes du XXiè siècle, en renouant pour notre temps et compte tenu d’une durée de scolarité obligatoire allongée, avec la règle de base de l’école obligatoire républicaine : « Bien apprendre ce qu’il n’est pas permis d’ignorer ».

Par définition, le socle comporte une obligation de résultat pour le système éducatif : porter tous les élèves, scolarisés dans le cadre de l’école primaire puis du collège unique, au niveau des connaissances et des compétences du socle.

de nombreux antagonismes internes et externes au monde éducatif se sont exprimés autour de cette tentative, extrêmement difficile, d’énoncer précisément ce que devait être cette base commune à tous les élèves. Certains interprètent le socle comme un renoncement à toute ambition éducative d’autres, au contraire, soulignent le caractère irréaliste d’une accumulation de connaissances et de compétences très diverses et sans bornes véritables. L’acquisition par un élève de toutes les connaissances et compétences décrites a même été estimée par un chercheur à un score de 600 points dans le barème de l’enquête PisA, niveau correspondant à la performance des très bons élèves de l’oCde.

il ne s’agit pas ici d’arbitrer ces divergences mais de constater qu’elles révèlent les ambiguïtés de l’écriture du socle, probablement tiraillée elle-même entre des visions minimalistes et maximalistes, disciplinaires et transversales. il faut ajouter à cet écueil le peu d’empressement mis par le ministère à bien informer l’ensemble des acteurs (en particulier les parents) de cette démarche, fondamentalement nouvelle, et à former les personnels aux conditions de son application. La conviction des autorités et les moyens qu’elles ont déployés n’ont visiblement pas été à la hauteur de l’ambition initiale et ce qui se présentait comme une grande réforme est aujourd’hui mal en point.

Les partenaires de l’école

Les collectivités territoriales : un rôle essentiel qui ne s’articule pas toujours de façon optimale avec celui du ministère

Le communes et, depuis les lois de décentralisation, les départements et les régions jouent un rôle important dans l’organisation de l’offre scolaire. Leur participation à la dépense intérieure d’éducation (die) est passée d’à peine plus de 14 % en 1980 à plus de 24 % du total en 2009.

dans leurs domaines de compétences respectifs, les écoles pour les communes, les collèges pour les départements et les lycées pour les régions, elles ont en charge d’une part, la construction et l’entretien des infrastructures et d’autre part, le financement et la gestion d’une partie des personnels qui y travaillent tels que les Agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (AtseM) ou les techniciens et ouvriers de services des collèges et des lycées (tos). elles vont aussi très souvent bien au-delà de leurs strictes obligations en finançant par exemple l’achat de fournitures et de manuels scolaires, en organisant un service d’accueil et de garde des enfants avant le début et après la fin de la classe ou en offrant la possibilité à des classes de partir en voyage scolaire.

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18 – Avis du CoNseiL éCoNoMiQue, soCiAL et eNviroNNeMeNtAL

L’action des collectivités territoriales est cependant inégale d’abord du simple fait de l’inégalité même de leurs ressources et ensuite en fonction des priorités qu’elles définissent. un autre paramètre important de l’efficience de leur action est aussi celui de la taille critique. La commune de 5 000 habitants ne dispose évidemment pas des mêmes marges de manœuvre dans le développement de sa stratégie éducative que celle de 100 000 habitants qui interviendra sur un grand nombre d’écoles et sur un territoire plus vaste. Ceci est particulièrement vrai de la détermination des secteurs scolaires et de la négociation avec l’état pour l’ouverture ou la fermeture de classes.

L’action concertée entre les responsables politiques locaux et l’état est évidemment indispensable pour créer les conditions d’une scolarité réussie mais une telle collaboration est souvent complexe à mettre en œuvre. Les représentants de l’état, responsables d’une politique d’ensemble n’en sont pas moins tributaires des choix des collectivités. A l’inverse, ces dernières se méfient des charges supplémentaires qui peuvent s’imposer à elles à la suite de réformes décidées au plus haut niveau. Le débat très actuel autour de la réorganisation du temps périscolaire qui découlerait de la modification des rythmes scolaires, témoigne de la difficulté à trouver, au plus près des réalités de l’école, les meilleurs équilibres.

un partenariat encore trop limité avec les associationsLes associations sont encore peu parties prenantes au projet pédagogique et éducatif

qui doit permettre de lutter contre l’échec scolaire, malgré la position de principe exprimée par le ministère dans de nombreuses circulaires dont celle de mars 2006, sur l’éducation prioritaire, qui insiste sur le lien entre l’action pédagogique à l’école et au collège d’une part, et les activités hors temps pédagogique qui contribuent au développement de l’autonomie et des compétences des élèves.

Le cadre institutionnel et interministériel de ces partenariats, manque à l’évidence de cohérence. on y trouve pèle mêle des dispositifs qui se sont succédés et empilés dans le temps, depuis le Contrat d’aménagement du temps de l’enfant (CAte) jusqu’au Contrat éducatif local (CeL) en passant par les CArveJ, CtL, CLAs, CLs...

il conviendrait de simplifier ces dispositifs et de les recentrer sur la réussite des élèves. en 2005, a été créé le Programme de réussite éducative (Pre), dans une approche effectivement centrée sur l’élève et son environnement, doté de moyens d’intervention importants et d’un support juridique fort. Malheureusement, ce nouveau dispositif n’a pas été mis à profit pour mettre fin aux précédents auxquels il ne fait finalement que se surajouter.

son intégration au sein des Contrats urbains de cohésion sociale (CuCs) permettrait la mise en cohérence nécessaire dans le cadre de la politique de la ville.

enfin, à leur sortie du système éducatif et particulièrement lorsque celle-ci correspond à la fin de la scolarité obligatoire, les jeunes devraient bénéficier d’un accompagnement et se voir proposer, le cas échéant, une solution en termes d’emploi ou de formation. à cet effet, des liens plus systématiques restent à établir entre les établissements scolaires et les Missions locales, en charge de l’insertion des jeunes, ainsi qu’avec les diverses associations œuvrant en ce domaine.

une place encore réduite pour les parentsLa représentation institutionnelle des parents dans l’école est théoriquement

importante : ils siègent en tant que tels dans les conseils d’administration des collèges et dans les conseils d’école. dans ces instances sont normalement discutés les projets d’établissements, particulièrement importants dans le cadre de l’éducation prioritaire. Les

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Les iNégALités à L'éCoLe – 19

parents participent également, à travers leurs élus, aux conseils de classe. Mais la réalité

de cette participation est très variable et ces instances ne sont pas toujours des lieux de

débat constructif. La prise de parole des parents est en effet une question délicate : elle est

soit vécue comme une intrusion dans le domaine pédagogique réservé aux professionnels

que sont les enseignants, soit inexistante du fait d’une certaine autocensure. Qui plus est,

l’enseignement demeurant trop souvent conçu comme l’affaire du professeur seul devant sa

classe, les interventions des parents dans les conseils peuvent être perçues comme relevant

de mises en cause personnelles. La confiance et l’écoute réciproque sont donc loin d’être la

règle générale.

Les parents des milieux favorisés ont en général un niveau d’études leur permettant

de discuter plus facilement avec les enseignants de leur enfant. ils connaissent le

fonctionnement du système scolaire dans lequel ils n’ont pas connu de difficulté majeure,

lorsqu’ils étaient eux-mêmes des élèves. ils peuvent ainsi plus facilement aider leurs enfants

dans leur parcours scolaire. La situation est en général inverse pour les parents des milieux

défavorisés, dont certains sont même confrontés à des difficultés de communication d’ordre

linguistique avec l’institution scolaire. Les évolutions des méthodes pédagogiques et des

contenus enseignés, différents de ce qu’ils ont appris eux-mêmes, leur rendent plus difficile

le suivi de la scolarité de leur enfant. Bien sûr, toutes les nuances existent entre ces deux

extrêmes ce qui contribue à faire de la rencontre entre les parents et l’école une question

toujours singulière.

La lutte contre les inégalités à l’école exigerait de favoriser, autant que possible, la

rencontre entre les parents d’élèves en difficulté et l’équipe éducative. Malheureusement,

ce sont précisément ces parents là que l’école voit le moins. il ne s’agit pas, loin s’en faut,

d’une démission de leur part mais plutôt d’une très grande difficulté à surmonter leurs

appréhensions vis-à-vis de l’institution et de ses représentants.

une manière de dédramatiser les rencontres avec les professionnels de l’éducation

serait sans doute de faire de l’école un lieu plus ouvert dans lequel les parents pourraient

entrer sans craindre que leur soit renvoyée l’image de l’échec scolaire de leur enfant. on

retrouve ici l’importance pour l’éducation prioritaire de la problématique des partenariats et

du territoire et l’on perçoit la limite de l’approche « scolaro-centrée ».

PréconisationsLes inégalités à l’école sont très fortement liées aux diverses inégalités sociales (revenus,

travail, logement, santé) et territoriales. Lutter contre elles ne peut se faire sans un effort

de toute la société pour faire reculer les inégalités en matière de revenus, de travail, de

logement, de santé ni sans un effort conséquent pour résorber les inégalités territoriales

; réciproquement, le système éducatif a un rôle propre à jouer : réduire les inégalités par

l’accès de tous à la formation et à l’éducation participe du rôle fondamental de l’école

d’émancipation de l’individu et du citoyen.

si le présent avis ne porte que sur le scolarité obligatoire, le Cese rappelle néanmoins

que l’objectif d’y assurer la réussite de tous implique que l’on se place dans la perspective,

affirmée par la loi, d’assurer à tous les jeunes sortant du système éducatif une qualification

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20 – Avis du CoNseiL éCoNoMiQue, soCiAL et eNviroNNeMeNtAL

reconnue et de porter à 80 % le pourcentage d’un classe d’âge accédant au niveau du baccalauréat, ceci à travers toutes les voies existantes : générale, technologique, professionnelle, apprentissage.

Assurer la réussite de tous dans la scolarité obligatoire

« L’éducation est la première priorité nationale. Le service public de l’éducation est conçu et organisé en fonction des élèves et des étudiants. Il contribue à l’égalité des chances.

Outre la transmission des connaissances, la nation fixe comme mission première à l’école de faire partager aux élèves les valeurs de la République ». telles sont les premières lignes du Code de l’éducation, qui affirme ainsi l’importance de fournir à chaque élève les moyens de réussir scolairement et tout autant de forger une communauté de vie au travers des valeurs de la république.

Ê Faire de l’école et du collège la prioritéLes sommes consacrées à l’éducation et à la formation initiale sont massives. La dépense

intérieure d’éducation (die), inclut toutes les dépenses en la matière, quel qu’en soit le financeur : elle se monte en 2009 selon le ministère de l’éducation nationale à 132 milliards d’euros, soit 6,9 % du PiB (contre 6,4 % en 1980 et 7,3 % en 2000), dont 59,2 % sont pris en charge par l’état et 24,6 % par les collectivités territoriales. Autant dire que les marges financières sont réduites, si l’on ne veut pas accroître abusivement la dépense publique ni peser sur les familles qui concourent à hauteur de 7,9 % à la die.

si la France demeure, en 2007, au dessus de la moyenne des pays de l’oCde (6,0 % contre 5,7 %), en revanche « les coûts moyens par élève de l’enseignement élémentaire montrent, qu’en 2007, la France se situe toujours en dessous de la moyenne de l’OCDE ».

il est indispensable de faire de l’école, et à sa suite, du collège, la priorité de l’effort éducatif de la nation : les dépenses pour l’éducation sont un investissement pour l’avenir ; en revanche l’échec scolaire représente, outre sa dimension humaine, un coût important pour la collectivité, qu’il s’agisse directement des redoublements ou encore des coûts induits par les difficultés d’insertion sociale et professionnelle des jeunes sans diplôme ni qualification.

La lutte contre les inégalités de réussite à l’école ne peut se réduire à une seule question de moyens financiers, l’évolution des inégalités n’étant pas directement corrélée à celle des moyens fournis à l’éducation nationale. il n’en reste pas moins que les diminutions drastiques de postes opérées ces dernières années dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (rgPP) rendent de plus en plus difficile l’organisation même des enseignements obligatoires.

Le Cese recommande de faire de la scolarité obligatoire la priorité des efforts de l’éducation nationale et des budgets éducation des collectivités territoriales ; partant du principe qu’il est plus facile et moins coûteux de surmonter une difficulté dès son apparition plutôt que d’attendre qu’elle ait pris de l’ampleur, c’est sur la maternelle et le primaire que les efforts doivent être d’abord concentrés.

Dans ce cadre, l’Éducation nationale doit en particulier

y Conforter l’école maternelle dans sa mission et favoriser la socialisation des 2-3 ans

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Les iNégALités à L'éCoLe – 21

Crèches, classes passerelles, écoles maternelles, autres structures d’accueil : le choix, lorsqu’il existe, est souvent financier alors qu’il devrait d’abord être fonction du besoin de l’enfant.

si les études sont nuancées sur les bénéfices d’une scolarisation entre deux et trois ans pour la population prise globalement, une étude du ministère (deP, 2003) montre cependant que son effet positif « s’observe principalement chez les enfants de cadres et d’ouvriers, et bénéficie particulièrement aux élèves de nationalité étrangère ou de parents immigrés. Or, dans l’état actuel des choses, ceux-ci entrent moins fréquemment que les autres à l’école maternelle à deux ans ».

Le Cese constate une baisse massive de la scolarisation des tout-petits.

il n’y a pas de consensus sur la scolarisation des 2-3 ans mais le débat ne peut être tranché sur les seules considérations budgétaires. en tout état de cause, le Cese considère qu’il faut créer les conditions pour que les familles puissent choisir entre les différents modes d’accueil et ce, sans que la dimension financière ne constitue un frein. une priorité devrait être accordée dans la mise en œuvre de cette mesure aux territoires socialement les plus en difficulté.

Le Cese recommande un dépistage précoce des différents troubles qui nuisent aux apprentissages.

y Mettre l’accent sur les transitions : de la grande section de maternelle à la classe de CP, de la classe de CM2 à celle de 6ème

Ces périodes charnières sont des moments de grande fragilité et ce sont les élèves les plus en difficulté qui pâtissent d’un accompagnement insuffisant en ces moments là. L’éducation nationale, sous l’impulsion des inspecteurs d’académie, doit organiser fortement la liaison entre les différents cycles, favoriser la façon dont les enseignants de chaque cycle peuvent s’approprier ce qui se pratique dans les autres cycles (temps libéré pour cela, formation continue, réunions communes au sein d’un même bassin de formation, etc.).

Les communes doivent fortement s’impliquer pour :

y Assurer la présence d’une ATSEM dans chaque classe d’école maternelle

Les Agents territoriaux spécialisés en école maternelle (AtseM) permettent aux enseignants de classe maternelle de se consacrer totalement à leur rôle pédagogique et éducatif. dans nombre d’écoles maternelles, plusieurs classes se partagent encore une seule AtseM. il est impératif que chaque classe puisse disposer d’un poste entier d’AtseM.

y Permettre aux enfants de faire leur travail du soir au sein même de l’école

si les textes officiels ne prévoient pas en primaire de devoirs écrits à faire à la maison, en revanche les enfants peuvent avoir des leçons à réviser. ils ne peuvent pas toujours le faire dans de bonnes conditions chez eux (exiguïté du logement, absence d’un adulte pour les aider, etc.). Les communes devraient organiser des études surveillées après le temps d’école.

y Faire de l’enseignement primaire une priorité communale

Les inégalités territoriales en matière scolaire sont de grande amplitude : les budgets alloués par élève peuvent varier du simple au décuple d’une commune à une autre. Cela provient à la fois des différences de potentiel fiscal entre les communes et des priorités que les élus déterminent dans leur budget.

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22 – Avis du CoNseiL éCoNoMiQue, soCiAL et eNviroNNeMeNtAL

Le Cese recommande de favoriser l’enseignement primaire comme priorité des communes. Pour les inciter à mettre en œuvre cette priorité, et cela malgré les inégalités de ressources, une partie de la dotation de solidarité urbaine (dsu) pourrait être fléchée pour abonder les budgets des écoles.

y Dans bien des cas, la gestion des écoles gagnerait à se faire de façon intercommunale

il est souhaitable dans les communes de faible importance de pouvoir donner une dimension intercommunale à l’organisation de l’enseignement primaire, pour accroître les moyens humains et logistiques qui lui sont accordés, tout en prenant en compte les questions d’aménagement du territoire.

y L’implication des communes, notamment dans un cadre intercommunal, est particulièrement importante également en matière d’éducation prioritaire et de carte scolaire, comme il sera développé ci-dessous

Ê Finaliser le socle commun et les cyclesdeux réformes fondamentales ont été adoptées par le Parlement, l’une en 1989 sur la

création des cycles, l’autre en 2005 sur le socle commun de connaissances et de compétences. La première connait une application insuffisante, voire contradictoire en ce qui concerne les redoublements. La seconde, tout en marquant des avancées substantielles pour améliorer le système éducatif, souffre d’un certain nombre de limites : un certain flou entoure encore la notion de compétence ; la déclinaison des compétences attendues en sept piliers semble trop rigide et peu évolutive ; le profil du diplôme national du brevet devient illisible. si ce dernier doit constituer le but de la scolarisation obligatoire, son articulation avec la poursuite d’études demande à être précisée. il n’épuise pas enfin la question des obstacles qui touchent les apprentissages. toutes ces questions divisent aujourd’hui la communauté éducative.

il faut que l’application de cette réforme permette d’y répondre en améliorant ce qui demande à l’être, et en veillant à ne pas pervertir son objectif par manque de moyens et de formation des personnels.

Créer les conditions nécessaires à une bonne mise en œuvre de ces réformes

y Définir, en fonction du socle commun et des programmes, des objectifs d’acquisition cohérents et capitalisables pour chaque cycle de l’école et du collège, permettant des rythmes de progression différenciés

Les programmes de collège pour les mathématiques, la physique chimie, les sciences de la vie et de la terre et la technologie témoignent d’un réel effort à cet égard : les connaissances y sont référées aux compétences auxquelles concourent ces disciplines, au travers par exemple de thèmes de convergence, de démarches d’investigation. L’approche spécifique de l’enseignement agricole peut aussi être prise en compte avec profit.

Malheureusement, cet effort est très inégal. tous les programmes du collège demeurent annuels et, à l’école primaire, les nouveaux programmes de 2008 sont indéniablement moins transversaux que ceux de 2002.

une évolution des programmes en fonction des enjeux et des transformations de la société devrait aussi être envisagée plus systématiquement.

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Les iNégALités à L'éCoLe – 23

y Le socle commun et l’organisation en cycles des apprentissages doivent être des

éléments structurants de la formation pédagogique (tant théorique que pratique)

des professeurs et futurs professeurs

des propositions détaillées sur la formation initiale et professionnelle des enseignants

font l’objet du troisième point de cet avis.

Appliquer l’organisation en cycles dans toutes les écoles et agir fortement contre les redoublements en cours de cycle

Cette organisation doit permettre à chaque élève de progresser à son rythme.

des éléments de remédiation doivent être systématiquement mis en œuvre pour

accompagner un élève dès que l’on constate chez lui des difficultés risquant de compromettre

l’acquisition de ce qui est requis à la fin du cycle. C’est par rapport à cet objectif qu’il faut

comprendre les Programmes personnalisés de réussite éducative (PPre).

une telle démarche devrait permettre à l’élève de conforter ses apprentissages sans

redoubler, plutôt que d’accompagner un redoublement, souvent contreproductif pour

l’avenir scolaire de l’élève. Le but ne doit pas être en effet de supprimer les redoublements

parce qu’ils coûtent cher, mais bien de les rendre inutiles. Le Cese recommande de rectifier à

cet égard le décret 2005 1014 du 24 août 2005, notamment son article 5 qui en autorisant le

redoublement en cours de cycle, présente le PPre comme une mesure d’accompagnement

du redoublement plutôt que comme une alternative.

Le Cese recommande de réfléchir à la mise en cohérence de l’appellation des classes

élémentaires avec la nouvelle organisation en cycles.

Réformer le diplôme national du Brevet

il est indispensable d’en simplifier la procédure et de le rendre plus cohérent avec

l’objectif fondamental que constitue le socle.

Le CESE réaffirme la nécessité d’une scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans.

il recommande d’éviter tout palier d’orientation précoce risquant de conduire à une

orientation subie.

Le Cese propose de généraliser à tous les élèves de 3ème l’option de découverte

professionnelle (dP3) actuellement proposée de manière facultative. Cet enseignement

pourrait être rapproché du stage obligatoire en entreprise en étant notamment conçu pour

préparer ce dernier dans les meilleures conditions. L’objet de ce module serait d’apporter

à tous les élèves une première connaissance pratique de l’environnement économique et

social de l’entreprise et des métiers.

Plus généralement, le Cese considère qu’un soin particulier doit être apporté à

l’orientation, qui ne doit pas constituer une « décision couperet », mais un processus élaboré

progressivement par l’élève, sa famille et la communauté éducative.

Par ailleurs, afin que les processus d’orientation ne reproduisent pas les inégalités entre

les femmes et les hommes, le Cese souligne la nécessité que dès les premières années

de scolarisation, l’école lutte contre les stéréotypes relatifs à la représentation sexuée des

rôles dans la société. Les personnels s’occupant d’orientation doivent être formés à cette

problématique. La rédaction des manuels scolaires doit également y veiller.

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24 – Avis du CoNseiL éCoNoMiQue, soCiAL et eNviroNNeMeNtAL

ÊAméliorer les relations entre l’école et les parents

Favoriser les horaires de rencontre avec les parents

Le fait que la plupart des parents ont une activité professionnelle et, qui plus est, que

certains d’entre eux travaillent sur des horaires atypiques rend parfois difficile la rencontre

avec l’enseignant de leur enfant ou la participation aux réunions collectives de parents.

Cette difficulté est d’autant plus grande que l’entreprise ou le métier exercé n’offrent pas

la souplesse permettant au parent de se libérer. La difficulté est de même nature pour

les représentants institutionnels des parents, qui éprouvent parfois de réelles difficultés

horaires à exercer leur mandat. Le Cese suggère aux partenaires sociaux de s’emparer de

cette question.

En éducation prioritaire, favoriser l’accès des parents à l’école

il faut favoriser l’accueil à l’école et au collège de parents qui redoutent plutôt d’y venir.

Pour nombre de ces derniers, l’école représente un monde méconnu et peu accueillant, dans

lequel ils ne se rendent que « convoqués » pour discuter des mauvais résultats de leur enfant

ou de problèmes de discipline, ce qui peut parfois faire écho à leur propre passé scolaire.

Pour les mêmes raisons, plus pressenties que clairement comprises, l’enfant de son côté

souhaite rarement que son père ou sa mère franchisse le seuil de l’école alors qu’il devrait

plutôt avoir envie de montrer à ses parents ce qu’il fait à l’école et dont il peut être fier.

L’organisation régulière de rencontres entre les parents et les personnels, combinée à

une formation de ces derniers, et en veillant à ce que ces rencontres soient motivées par

autre chose que le comportement des enfants, permettrait une meilleure connaissance

réciproque.

Sensibiliser les parents aux différents modes d’évaluation

Les modes d’évaluation devraient valoriser les progrès réalisés par l’élève dans le cadre

de son parcours. Mais la pression sociale des notes et des classements est très forte, et situe

très tôt l’école dans un registre essentiellement compétitif et sélectif, si bien que toute

réforme du mode de notation risque de heurter les attentes des familles. il en est allé ainsi

de la notation par lettre, la même difficulté se présente pour l’évaluation des compétences.

Pour avancer dans ce domaine, le Cese recommande qu’une réflexion soit menée entre

les responsables de l’éducation nationale, les associations de parents et les organisations

d’enseignants. il demande aussi que les établissements incluent cette question dans leur

projet d’établissement.

Rendre effectives l’accessibilité et l’adaptation des outils pédagogiques

L’accessibilité aux apprentissages implique aussi d’adapter les manuels scolaires - un

des premiers outils pédagogiques que l’enfant utilise - aux besoins spécifiques des élèves

en situation de handicap. elle concerne tous les supports et activités pédagogiques :

œuvres littéraires étudiées en classe, supports personnalisés de cours, accès à l’information

numérique, supports de devoirs à domicile, évaluations nationales ou examens, sorties

scolaires.

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Les iNégALités à L'éCoLe – 25

Assurer la réussite de tous sur tout le territoire

ÊRefonder l’éducation prioritaire

Renouer avec une conception territoriale de l’éducation prioritaire

L’école n’est pas isolée de son environnement social et territorial, et la vie de l’enfant ou du jeune ne peut être fractionnée entre des domaines étanches, selon qu’il est dans sa famille, à l’école ou au collège, ou encore durant ses loisirs.

Le Cese recommande que la détermination des espaces d’éducation prioritaire (quelle qu’en soit la dénomination) soit calée sur les quartiers sensibles. L’activité scolaire doit être centrée sur son objectif premier : les acquisitions scolaires. C’est aussi par des actions cohérentes et conjointes de l’école, des travailleurs sociaux, des associations et des collectivités locales, dans le cadre de la politique de la ville, que se trouveront réunies les conditions de réussite scolaire. C’est également dans ce cadre que peut avantageusement être utilisé l’apport des activités artistiques de diverse nature. de façon complémentaire et non supplétive, le partenariat doit être renforcé avec les associations. elles sont souvent le lieu où les élèves vont voir valorisées leurs aspirations et leurs aptitudes. Le Cese recommande que les dispositifs soient simplifiés et recentrés sur la réussite des élèves.

Le Cese recommande également que soient soutenus les dispositifs de type classe de découverte (classe verte, classe de mer…), qui permettent d’apporter un regard différent sur le monde qui nous entoure, surtout pour les enfants des quartiers sensibles et des grands centres urbains qui n’ont pas toujours les moyens d’accéder à ces espaces.

en dehors des heures et des périodes scolaires, les établissements scolaires doivent pouvoir être utilisés comme des lieux de vie sociale. une telle utilisation présente deux intérêts : le premier est de permettre à un certain nombre de parents de pouvoir entrer dans les lieux scolaires sans que leur soit renvoyée à chaque fois l’image de l’échec scolaire de leur enfant. Le second est de permettre aux collectivités d’investir d’autant plus facilement dans des locaux de qualité que leur utilisation sera plus large. La priorité doit cependant être clairement mise sur l’utilisation scolaire des locaux.

Concentrer les moyens et agir de façon intensive

Le « saupoudrage » des moyens coûte cher sans donner de résultats tangibles, et peut générer, à tort, le sentiment que de telles politiques sont vouées à l’échec. il est donc urgent de se recentrer sur des objectifs essentiels :

y Réduire de façon très significative les effectifs par classe

La moyenne d’élèves par classe est aujourd’hui de 22,2 en rAr, contre un peu plus de 24 en école ordinaire : ce différentiel est hors de proportion avec les enjeux du contexte.

y Attribuer des postes en surnombre, au moins en premier degré, pour mieux suivre les élèves et intervenir à chaque fois que l’un d’entre eux est en difficulté d’apprentissage

Ces deux dernières propositions peuvent paraître coûteuses en postes d’enseignants. Mais il faut rappeler qu’il est moins coûteux de prévenir tôt l’échec scolaire plutôt que de financer plus tard toutes les conséquences qu’il engendre. d’autre part, c’est sur un nombre concentré d’établissements qu’il s’agit de mettre en place ces mesures. enfin, une baisse des

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26 – Avis du CoNseiL éCoNoMiQue, soCiAL et eNviroNNeMeNtAL

effectifs de 10 élèves par classe pour 5 % des classes, par exemple, ne représente qu’une hausse de moins d’un élève dans les 95 % des autres classes.

y Aider à la constitution dans le second degré d’équipes pluri-professionnelles pour prendre en charge les élèves en grande difficulté (psychologues et médecine scolaire, travailleurs sociaux…).

Favoriser le travail des équipes et améliorer leur permanence ;

y En améliorant les conditions de travail des personnels qui y sont affectés.

L’expérience montre que lorsque les personnels ont les moyens nécessaires pour faire un travail de qualité dans ces établissements, ils ne cherchent pas à en partir et peuvent faire profiter les élèves de leur savoir-faire.

Le Cese recommande de façon forte, dans les établissements d’enseignement prioritaire :

– de diminuer le nombre d’heures de cours que les enseignants doivent assurer, afin de leur laisser le temps nécessaire à la concertation interne, au travail en équipe, aux relations avec les partenaires locaux, les élèves, les familles ;

– de fournir aux personnels l’accompagnement nécessaire : réflexion pédagogique, réunions régulières de synthèse permettant de mieux appréhender et comprendre ce qui se passe dans les classes et l’établissement et pour remédier aux difficultés ;

– d’améliorer les infrastructures scolaires pour assurer à tous de meilleures conditions de travail. à cet égard, la mobilisation des collectivités locales est indispensable.

y En permettant à des personnels volontaires et expérimentés d’y être affectés pendant un nombre déterminé d’années avec la possibilité de revenir ensuite dans leur ancien établissement.

y En évitant d’y nommer les personnels sans expérience ou précaires.

Le Cese recommande de revoir en ce sens les règles actuelles de nomination pour réserver tout ou partie de ces postes à des personnels volontaires ou confirmés. il en va de même pour pourvoir aux remplacements.

Assurer un suivi des sorties précoces

La première priorité demeure d’éviter les sorties précoces du système éducatif.

Pour autant, tous les jeunes sortant du système scolaire sans qualification ni diplôme, doivent se voir proposer un suivi pour accéder soit à une insertion professionnelle, soit à un parcours de formation. un suivi systématique des sorties précoces du système éducatif doit être mis en place en ce sens, avec des indicateurs clairs et uniformes, en lien notamment avec les missions locales pour l’emploi. une telle décision constituerait un moyen d’honorer l’engagement européen pris par la France, à l’occasion de la mise en œuvre du cadre stratégique pour l’éducation et la formation (« éducation et formation 2020 ») qui prévoit notamment qu’aucun jeune sortant précocement du système scolaire ne doit rester sans solution.

ÊRenouveler la démarche de carte scolaireLe maintien et la valorisation de la proximité scolaire est un élément important de

l’apprentissage par les enfants et les jeunes de la vie sociale et citoyenne, et cela quel que soit leur milieu d’appartenance. Par ailleurs, et contrairement à une affirmation souvent

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Les iNégALités à L'éCoLe – 27

entendue, toutes les études montrent que l’hétérogénéité des classes est un facteur important d’amélioration des compétences de l’ensemble des élèves. or la récente libéralisation de la carte scolaire a renforcé au contraire l’homogénéité sociale des établissements.

Le principe d’une régulation forte est nécessaire et doit être maintenu

L’école est un service public et elle doit participer à la politique d’aménagement du territoire en zone urbaine comme en zone rurale. une régulation des flux d’élèves est indispensable :

– pour organiser et harmoniser l’offre scolaire sur un bassin donné de population ;

– pour sauvegarder une mixité sociale et assurer une meilleure cohésion sociale, comme le précise la loi de décentralisation du 13 août 2004 dans son article 81. à cet effet, les secteurs scolaires doivent systématiquement associer des quartiers hétérogènes et les lignes de transport collectif doivent favoriser les déplacements au sein de ces secteurs ;

– pour améliorer la réussite de tous.

L’exigence de mixité sociale, notamment dans les zones de forte concentration urbaine, doit être une préoccupation majeure et relève d’un travail commun entre les collectivités territoriales et les instances académiques.

Concilier souplesse et régulation

L’expérience montre qu’une carte scolaire trop impérative engendre des conduites de contournement : choix d’options ou de classes particulières, adresses de complaisance ou choix du lieu de résidence avec ses conséquences en termes de politique urbaine, etc.

Pour éviter cela, une offre scolaire de qualité doit être assurée pour tous les élèves, sur l’ensemble du territoire : il faut donc se donner les moyens de rendre attractifs tous les établissements.

Rendre partout attractive l’offre d’enseignement

y La carte scolaire doit être pensée en termes de « bassins de formation » suffisamment larges pour que l’offre scolaire y soit complète.

dans chaque bassin de formation, l’offre scolaire doit être cohérente et les options doivent être réparties de sorte que chaque collège soit attractif et qu’aucun ne soit privilégié, notamment en termes d’options, de classes du type « classe à horaires aménagés musicales » ou de section du type « section internationale ». Ainsi seront évitées les situations qui font entrer les établissements en concurrence les uns avec les autres pour attirer les meilleurs élèves. Le rôle de l’autorité académique est ici essentiel.

y Agir sur la répartition des moyens pour favoriser la mixité sociale des écoles et des collèges.

Le Cese recommande qu’une part significative de la dotation des établissements dépende de la mixité sociale de la population qu’ils scolarisent : un établissement scolarisant une population plus défavorisée aura ainsi une dotation majorée, pourra maintenir un meilleur niveau de scolarité et conserver une offre attractive. Cela doit contribuer à rendre sans objet les conduites d’évitement de la part des familles. Ainsi l’ensemble des établissements, quel que soit leur statut (public ou privé sous contrat) sera fortement incité à prendre sa part dans les efforts de mixité sociale.

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28 – Avis du CoNseiL éCoNoMiQue, soCiAL et eNviroNNeMeNtAL

Assurer la réussite de tous : la formation des enseignants et leur métier

ÊRendre réellement professionnelle la formation initiale des futurs enseignantsL’entrée dans le métier se fait désormais au niveau « master », et cette élévation

du diplôme requis participe de l’élévation générale du niveau de la population. il est indispensable que les futurs enseignants reçoivent une formation de haut niveau, articulant formation disciplinaire et formation professionnelle, formation théorique et formation pratique, incluant nécessairement des stages devant élèves. Les structures contribuant à ces formations au sein des universités devraient être identifiées et recevoir des moyens spécifiques.

L’organisation actuelle de cette formation hypothèque fortement la formation professionnelle des étudiants, totalement mobilisés sur la préparation du seul concours. d’autre part, ceux d’entre eux qui ont fait le choix d’un master « métiers de l’enseignement » plutôt que d’un master disciplinaire se retrouvent en cas d’échec sans solution alternative. ils sont donc enclins à choisir plutôt des masters disciplinaires plus monnayables sur le marché du travail en cas d’échec au concours, délaissant alors les masters métiers de l’enseignement, les seuls qui prévoient aujourd’hui des stages devant élèves.

Le Cese recommande :

– de remettre en chantier à partir de ces principes la réforme mise en place en 2010 et notamment la question de la place et de l’organisation des concours et celle des stages ;

– d’accompagner l’enseignant, après l’obtention définitive du concours, dans sa pratique professionnelle au cours de la première année d’exercice (système de tutorat et de retour d’expérience) ;

– de rechercher les moyens d’apporter une aide matérielle aux étudiants issus de milieux défavorisés (bourses, postes d’assistants d’éducation, pré-recrutements...) pour contribuer à une plus grande mixité sociale dans l’accès au métier d’enseignant et améliorer le vivier de recrutement.

ÊReconnaître les évolutions des métiers de l’enseignementLa baisse régulière du nombre de candidats aux concours de recrutement constitue

un signal alarmant. des efforts doivent être faits pour restaurer l’attractivité de ces métiers : efforts financiers pour tenir compte de carrières débutant au niveau master ; efforts également pour rendre le métier plus gratifiant dans son exercice, notamment en facilitant le travail en équipe.

Intégrer dans le temps de service de l’enseignant l’ensemble de ses tâches.

tout enseignant doit assurer un enseignement devant les élèves ainsi que d’autres tâches afférentes : travail ponctuel avec tel ou tel élève dans le courant de l’année, relations avec les parents, concertation et travail en équipe, évaluations transversales, etc. Cela doit être reconnu comme tel dans son service qui ne peut plus être seulement décompté en heures de cours devant élèves et des mesures doivent être négociées pour le permettre,

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Les iNégALités à L'éCoLe – 29

sans alourdissement de la charge de travail. Le métier s’est en effet notablement alourdi

par la multiplication de ces différentes tâches, le temps passé en réunion, et les réformes en

cours renforcent cette tendance.

Mieux répartir les fonctions dans l’équipe pédagogique

en fonction du projet pédagogique, certains enseignants doivent pouvoir consacrer du

temps au pilotage de projets, ou à l’animation d’une équipe, ou au suivi individualisé des

élèves et de leur scolarité, au lien entre les différents cycles, etc., sans pour autant que cela

devienne une fonction permanente. La possibilité de les décharger temporairement de tout

ou partie de leurs cours pour assurer ces tâches de conception, d’animation et de suivi est à

encourager. Le système de dotation des établissements doit intégrer cette nécessité.

Reconnaître et valoriser l’implication des personnels dans l’évolution de leur carrière

Leur implication dans les projets, l’innovation et plus généralement dans l’ensemble

des activités qui relèvent de leur responsabilité doivent être valorisés dans leur carrière.

Ê Faire un effort massif de formation continue des personnels

Sur les cycles :

il est impératif d’aider les enseignants à construire en équipe des apprentissages sur la

durée d’un cycle.

Sur le socle commun :

La formation doit permettre aux enseignants de maîtriser l’articulation entre

connaissances et compétences, et notamment de savoir ce que veut dire « faire acquérir des

compétences et les évaluer » et connaître les méthodes pour y parvenir.

Rendre à nouveau possible des formations plus longues, plus structurantes dans leurs effets

Ces dernières années, des formations courtes sur une journée voire une demi-journée

ont eu tendance à prendre le pas sur des formations plus longues.

Multiplier les formations « recherche-action » dans l’établissement, et cela de façon interdisciplinaire

Ces formations permettent à la fois d’être directement centrées sur le projet à mettre en

œuvre dans l’établissement, mais en même temps de prendre le temps du recul et d’intégrer

les acquis scientifiques dans leur élaboration.

Veiller à ce que les formateurs (en formation initiale comme continue) aient ou aient eu une expérience devant les élèves et à ce qu’ils l’entretiennent

La formation continue des personnels doit en outre leur permettre de compléter leur formation personnelle, pour améliorer leur progression de carrière ou leur mobilité

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30 – Avis du CoNseiL éCoNoMiQue, soCiAL et eNviroNNeMeNtAL

Développer la recherche en éducation

il est indispensable de faire vivre une recherche nourrie dans le domaine de l’éducation : recherche théorique ouverte sur l’étranger, évaluation scientifique des innovations et aide à la mise en œuvre des meilleurs d’entre elles, soutien à la formation des enseignants. Les équipes pédagogiques ont besoin d’un tel regard universitaire et scientifique sur leurs pratiques.

L’institut national de recherches pédagogiques (iNrP) a été dissous en 2010 pour devenir l’institut français de l’éducation (iFe), simple composante de l’école nationale supérieure de Lyon, dont la vocation est tout autre.

Le Cese recommande de doter à nouveau cet organisme de recherche d’un statut de plein exercice lui donnant l’autonomie nécessaire à son action de recherche pédagogique.

Assurer la réussite de tous : articuler pilotage national du service public et autonomie

ÊAssurer un rôle central au conseil pédagogique et au conseil des maîtresil doit constituer un outil essentiel au service de l’équipe pédagogique.Le conseil pédagogique et le conseil des maîtres doivent être, avec le conseil d’école ou

le conseil d’administration, l’une des manières pour les enseignants d’être partie prenante de l’établissement. Animés par le chef d’établissement ou le directeur d’école, ils permettent lorsqu’ils représentent bien les enseignants de piloter l’organisation des enseignements en vue de la réussite de tous les élèves.

Ê Le conseil pédagogique doit constituer la cheville ouvrière du projet de l’établissementil doit permettre :

D’organiser le temps scolaire et les rythmes

Les rythmes scolaires sont un déterminant majeur de la qualité des apprentissages : rythmes de la journée, de la semaine, de l’année. en fonction des caractéristiques de l’établissement et de son projet, le conseil pédagogique doit pouvoir impulser des réponses innovantes adaptées. Ce travail doit être articulé avec le conseil d’école (en primaire) ou d’administration (en collège), desquels dépendent in fine les décisions en ce domaine.

D’impulser et d’harmoniser

dans le respect de la liberté pédagogique des enseignants, le conseil pédagogique doit permettre une réflexion collective sur les méthodes pédagogiques utilisées dans les équipes, leur harmonisation, leur adaptation aux besoins des classes. il facilite les échanges de bonnes pratiques. il coordonne la façon dont se mettent en place les apprentissages interdisciplinaires.

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Les iNégALités à L'éCoLe – 31

De piloter la validation du socle commun

Ê Exiger une forte régulation de l’autorité académiqueLes projets d’établissement doivent être agréés par l’autorité académique (inspecteur d’académie ou recteur selon les cas)

Cette capacité des établissements et de leurs équipes à déterminer eux mêmes plus largement leur organisation et leurs méthodes doit être fortement régulée afin de veiller :

– à construire une offre équilibrée au sein d’un même bassin de formation et ainsi éviter la concurrence entre les établissements ;

– à assurer leur conformité aux objectifs éducatifs et le respect d’un niveau égal d’exigence sur l’ensemble du territoire national.

Tout projet doit comporter un volet «évaluation »

dès sa conception, un projet doit prévoir son évaluation. dans la mise en œuvre d’un tel dispositif, le rôle de l’inspection est central. elle peut impulser les modifications nécessaires.

ÊDoter également les établissements privés sous contrat d’un conseil pédagogiqueL’enseignement privé sous contrat participe à la mission éducative défini par la Nation.

L’enseignement y est dispensé selon les règles et programmes de l’enseignement public. Le conseil pédagogique devant avoir un rôle essentiel dans la façon d’organiser l’enseignement, il doit pouvoir tenir ce rôle dans tous les établissements, y compris privés sous contrat. Le Cese recommande de modifier en ce sens les textes réglementaires.

Assurer les conditions de la réformeLes réformes sont les moyens que se donne une politique publique pour atteindre ses

objectifs. L’application d’une réforme ne doit donc jamais faire perdre de vue au service de quoi elle est mise en œuvre.

une bonne réforme est une réforme concertée, acceptée, expérimentée et évaluée avant d’être généralisée, et mise en œuvre avec les moyens nécessaires. La temporalité tant politique que médiatique ainsi que les contraintes budgétaires contredisent souvent ces exigences : les réformes ne produisant pas alors les effets escomptés sont suivies d’autres réformes présentant souvent les mêmes faiblesses. il est donc indispensable de faire le point sur les réformes en cours avant d’en lancer des nouvelles. Ceci doit permettre de capitaliser sur les réformes passées. Pour ce faire, il est nécessaire de mettre en place une méthode d’évaluation dès la phase de conception de la réforme.

en tout état de cause, il est indispensable de poser comme préalable à toute nouvelle réforme du système éducatif, le respect du cadre national comme seul garant de l’unité de l’école de la république.

Le Cese recommande d’accorder autant d’importance à la mise en œuvre des réformes qu’à leur contenu.

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32 – Avis du CoNseiL éCoNoMiQue, soCiAL et eNviroNNeMeNtAL

ÊDonner le temps nécessaire à la concertation et l’appropriation des réformes

Ceux qui auront à mettre en œuvre une réforme doivent pouvoir se l’approprier. il

s’agit d’une condition essentielle de la réussite. une concertation préalable approfondie

est une étape indispensable. Le temps nécessaire à cette appropriation par les acteurs doit

impérativement être respecté, rien de sérieux ne pouvant se faire dans l’urgence. Le respect

du délai réglementaire entre la parution de nouveaux programmes et leur mise en œuvre est,

par exemple, une règle primordiale, de surcroît simple à appliquer. elle a malheureusement

été trop souvent ignorée par le passé.

Ê Faire de d’expérimentation et de l’évaluation une obligation avant toute généralisation

un grand nombre de réformes sont généralisées avant même que leur éventuelle

expérimentation ait été évaluée. Le Cese recommande d’instaurer réglementairement cette

obligation.

ÊAppliquer de facon cohérente et constante les réformes une fois décidées

L’application d’une réforme ne doit pas débuter avant que soit pris le temps de la

formation des personnels, que les outils nécessaires soient développés.

Lorsque tous les moyens (dotations, formation des personnels, etc.) ne peuvent être

mis en œuvre sur l’ensemble du territoire, une généralisation progressive doit être préférée

à une application immédiate

son application doit être constante, surtout lorsqu’il s’agit de réformes importantes,

notamment de niveau législatif, qui ont vocation à être développées dans la durée. un effort

doit être fait pour dégager un accord entre les forces de la société, les personnels et les

usagers d’une part, les principaux courants de la vie politique d’autre part sur les grandes

orientations à donner au système éducatif. Les pays qui ont réussi à réformer leur « école »

en profondeur et nécessairement dans la durée ont pu s’appuyer sur un certain consensus

qui a jusqu’à présent fait défaut à la France.

une forte ambition pour l’école doit être au cœur des politiques menées par l’état.

L’école constitue en effet un élément essentiel par lequel une nation construit son avenir.

Faire réussir à l’école chaque enfant, chaque jeune et lui permettre ainsi de s’insérer ensuite

socialement et professionnellement dans de bonnes conditions représente sans aucun

doute un investissement important ; mais il est sûrement plus coûteux encore pour une

société de tenter de remédier aux lacunes qu’elle n’a pas su combler à temps.

L’émergence scolaire d’une élite n’est pas contradictoire, loin s’en faut, avec la réussite

de tous. L’école doit permettre à tous les jeunes de se découvrir mutuellement durant leur

scolarité, quelles que soient leurs différences. C’est ainsi qu’elle répondra à l’une de ses

missions essentielles : former le citoyen et lui apprendre à vivre dans une communauté dont

l’un des fondements est l’ouverture à l’autre.

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Les iNégALités à L'éCoLe – 33

Déclaration des groupes

Agriculture

Le groupe adresse tous ses remerciements et ses félicitations au rapporteur qui a su engager et mobiliser notre section autour d’un sujet qui aurait pu être difficile. Les aspects passionnels ont pu être dépassés en écoutant puis en rassemblant les éclairages des uns et des autres. Le travail de la section a pu être mené dans une ambiance apaisée.

Le groupe est satisfait de la prise en compte, particulièrement dans le rapport, des spécificités de l’école rurale. Les contraintes matérielles imposent de reconsidérer l’organisation des enseignements et la pédagogie. à ce titre, l’école rurale peut constituer un laboratoire d’expériences enrichissantes pour l’ensemble du territoire français. Cela vaudrait la peine que le Cese se penche sur la situation particulière de l’école rurale qui est aussi un élément structurant du territoire.

Les réussites de l’école rurale doivent être mises en avant mais il ne faudrait pas que ces bons résultats fassent oublier les difficultés de l’enseignement dans ces zones. Les problèmes de transports et d’isolement rendent compliquées les conditions d’accueil des enfants, l’organisation des activités extrascolaires ou encore l’accès aux nouvelles technologies.

est proposée une gestion intercommunale des écoles dans les communes de faible importance pour accroître les moyens humains. il ne faut toutefois pas tout concevoir en fonction de la rentabilité. d’une part les regroupements ont leurs limites et d’autre part des moyens plus modestes mais plus proches des élèves peuvent aussi donner d’excellents résultats.

Le groupe de l’agriculture a voté l’avis.

Artisanat

L’avis dresse un constat à la fois lucide et très préoccupant, à partir d’un rapport riche d’enseignements sur le fonctionnement de notre système scolaire.

Le diagnostic est posé. Notre système éducatif remplit très mal la mission principale qui est la sienne : préparer tous les jeunes à leur insertion future dans la vie professionnelle. Chaque année, 150 000 jeunes sortent du système scolaire sans diplôme ni qualification. Cet échec scolaire massif n’est pas acceptable. Non seulement pour les jeunes, qui auront de lourdes difficultés d’insertion professionnelle, avec le risque de se retrouver durablement au chômage. Mais aussi pour les entreprises, notamment artisanales, qui sont nombreuses à ne pas trouver les compétences dont elles ont besoin. L’avis nous révèle, de plus, que le nombre de jeunes en difficultés scolaires ne cesse d’augmenter ; surtout, ces difficultés s’accroissent au fil de la scolarité, et les jeunes des milieux défavorisés en sont les premières victimes.

un tel constat appelle à reprendre en mains, rapidement, le fonctionnement de notre système éducatif.

tout d’abord, il est essentiel que tous les jeunes possèdent les savoirs de base du primaire et les connaissances qui font « le socle commun » du collège. C’est leur avenir professionnel qui en dépend. des connaissances et des compétences de base mal maîtrisées

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34 – Avis du CoNseiL éCoNoMiQue, soCiAL et eNviroNNeMeNtAL

seront des obstacles difficiles à surmonter dans la poursuite de leur formation, que celle-ci soit générale ou technique. de même, cela réduit leurs chances de pouvoir, un jour, gérer leur propre entreprise ou manager du personnel. Nous avons donc une obligation de résultat : permettre à tous les élèves d’acquérir ces fondamentaux, quelles que soient leurs origines sociale, territoriale ou leurs capacités d’apprentissage. Cela exige de faire de l’école et du collège la priorité de l’effort éducatif ; c’est un investissement pour les générations futures et donc pour l’économie du pays. Pour prévenir l’échec scolaire, il importe aussi d’individualiser la prise en charge des élèves, en fonction de leurs rythmes d’apprentissage, et de remédier le plus tôt possible à leurs difficultés. Cela suppose que les enseignants bénéficient d’une formation initiale plus professionnalisante et que les conditions d’enseignement les plus délicates soient réservées aux plus expérimentés d’entre eux.

une attention particulière mérite aussi d’être portée à la question de l’orientation de fin de troisième.

Cette orientation doit devenir positive. Pour cela, les jeunes et leur famille doivent disposer de l’information la plus complète possible sur les métiers, les filières de formation, leurs débouchés et les compétences requises pour y parvenir. un véritable service de l’orientation doit les y aider, ainsi que des conseillers d’orientation bien informés sur les besoins du monde professionnel. tout cela appelle des coopérations entre l’école et les branches professionnelles ou les réseaux consulaires. il faut également continuer à lutter contre les représentations négatives ou stéréotypées des formations manuelles, qui induisent souvent un sentiment d’orientation par l’échec, avec un risque fort de démotivation pour les jeunes concernés. enfin, il serait souhaitable de mettre fin à l’orientation couperet en permettant aux jeunes de faire des choix réversibles, grâce à des passerelles entre les spécialités et entre les voies de formation.

s’agissant de l’organisation territoriale du système éducatif, l’avis reprend, à juste titre, la question de l’éducation prioritaire et formule diverses recommandations pour faire coïncider les moyens et les objectifs dans des quartiers où les difficultés se cumulent. Le groupe de l’artisanat regrette toutefois que la question de l’offre scolaire en milieu rural n’ait pas été abordée, alors que l’école est un élément structurant pour la vitalité démographique et économique de tous ses territoires.

en conclusion, le groupe de l’artisanat approuve l’appel lancé aux pouvoirs publics sur la nécessité de redonner à l’école une nouvelle ambition et a voté l’avis.

Associations

Les travaux conduits par notre rapporteur décrivent parfaitement la situation ambivalente du système éducatif de notre pays. si l’école a réussi dans un certain nombre de domaines qui ne sont pas contestables, force est de constater que, depuis une quinzaine d’années maintenant, elle fait du surplace et ne parvient plus à remplir un certain nombre de missions qui lui sont confiées.

Alors que notre école semble aujourd’hui être essentiellement construite pour tirer les meilleurs vers le haut, pour « élever le plafond », et ce, au prix d’un tri social et culturel, cet avis formule une série de recommandations ambitieuses auxquelles le groupe des associations souscrit pleinement. elles nous semblent en effet à même de renverser la perspective, c’est-à-dire de construire un système qui élève la base de tous, avec un double bénéfice. Car contrairement aux idées reçues, nous n’avons pas à choisir entre justice sociale et excellence.

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Les iNégALités à L'éCoLe – 35

Bien au contraire, les systèmes scolaires qui combattent le plus énergiquement l’échec scolaire se révèlent également être les plus efficaces.

Le groupe des associations approuve donc l’ensemble des orientations proposées dans cet avis. Nous ne reviendrons ici que sur trois d’entre elles, non pas pour signifier par là-même un quelconque caractère prioritaire, mais bien pour approfondir les positions du groupe des associations sur ces points.

Pour assurer la réussite de tous, l’avis insiste sur la nécessité de conforter l’école maternelle dans sa mission, et de favoriser la socialisation des 2-3 ans. Le groupe des associations soutient bien sûr pleinement cette proposition, mais souhaite rappeler qu’au-delà, il plaide plus largement pour la construction d’une véritable politique publique de la petite enfance, présente sur tous les territoires et qui permette également de relier les différentes formes d’accueil et de garde et l’école maternelle. Beaucoup de choses se jouent en effet dès la petite enfance, notamment l’accès aux langages et à la communication, et les inégalités se développent très tôt. il est donc impératif d’investir dans ce domaine.

deuxième point d’attention : prenant acte des limites et du flou qui entourent l’actuel socle commun de connaissance et de compétences, l’avis suggère de le finaliser en déterminant de façon plus cohérente les objectifs d’apprentissage à l’école et au collège. Le groupe des associations juge effectivement indispensable, au vu de son caractère fourre-tout, de travailler et de resserrer les éléments de ce socle, et en appelle à un véritable débat qui nous invite à réfléchir ensemble sur ce qu’il faut savoir à l’école. Penser une école de la scolarité obligatoire nécessite en effet d’en faire évoluer tant les contenus que les structures.

enfin, le groupe des associations est pleinement en accord avec l’impérieuse nécessité, mise en avant dans l’avis, de reconstruire la formation des enseignants, mais aussi celle, conjointe, de l’ensemble des personnels, dont le nombre ne peut continuer à diminuer sans porter un grave préjudice à la qualité de l’éducation.

Nous souhaitons ici ajouter une piste aux éléments avancés en matière de formations. il est essentiel d’apprendre aux enseignants à travailler avec l’ensemble des acteurs éducatifs d’un territoire, et notamment - au-delà des collectivités territoriales - avec les partenaires associatifs. Ceux-ci sont nombreux à intervenir dans le champ scolaire et périscolaire mais restent encore trop peu associés aux projets éducatifs et pédagogiques. or, travailler ensemble s’apprend, s’acquiert et s’entretient.

en conclusion, le groupe des associations souhaite remercier le rapporteur pour la grande qualité des travaux réalisés. il souhaite que cet avis participe de la construction du nécessaire consensus auquel notre pays doit aboutir si nous souhaitons, demain, une école qui rassemble et non une école qui trie.

CFDT

Les inégalités à l’école ne constituent pas un phénomène nouveau. Aujourd’hui elles se sont aggravées et atteignent un niveau élevé. Leur réduction constitue un défi majeur. Ce sont les personnes les moins diplômées qui font à chaque fois les frais des difficultés économiques, les crises récentes l’ont encore montré. L’école et le système éducatif sont ainsi des enjeux sociétaux majeurs et l’avis du Cese vient justement souligner l’urgence de renouer avec une véritable politique éducative.

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36 – Avis du CoNseiL éCoNoMiQue, soCiAL et eNviroNNeMeNtAL

Pour la CFdt, l’école doit contribuer à construire une société dans laquelle chacun est en mesure de choisir son devenir, au sein de laquelle chacun doit être pleinement reconnu et peut s’épanouir dans l’exercice de ses responsabilités. C’est sans aucun doute un objectif largement partagé. Pour l’atteindre, l’école a un rôle primordial, en particulier dès la petite enfance. de plus, et alors que se met en place le service public de l’orientation tout au long de la vie, la solidité de la formation initiale est indispensable : on sait bien, en effet, que la formation continue profite davantage à ceux qui ont le meilleur niveau de formation initiale.

Par cette intervention le groupe de la CFdt veut insister sur plusieurs points :

y La formation professionnelle des personnels, et notamment des enseignants, est une exigence incontournable de l’amélioration du système. La réforme actuellement en cours est catastrophique, car elle supprime pour ainsi dire totalement l’apprentissage de ce qu’est la conduite d’une classe d’élèves. Nous aurions aimé à cet égard que l’avis puisse aller plus loin, notamment en recommandant que le concours ait lieu au niveau licence, et que ce soit la formation professionnelle du nouveau recruté qui l’amène au niveau master.

y L’acquisition d’un socle commun de connaissances et de compétences par tous les élèves est aujourd’hui un objectif fixé par la loi et cet objectif est accompagné d’une obligation de réussite. une telle logique a reçu l’adhésion de la CFdt, mais la mise en place de cette réforme ne permet pas actuellement de répondre à l’objectif assigné. Le concept et son contenu doivent encore être précisés, la mise en œuvre de tous les moyens utiles et nécessaires à la réalisation de cet objectif est une obligation qui ne peut plus aujourd’hui être différée.

y L’autonomie des équipes pédagogiques distincte de celle des établissements est un moyen que préconise la CFdt. elle ne peut cependant constituer l’alpha et l’oméga des réformes nécessaires. inscrite dans un cadre national, cette autonomie est de nature à mobiliser les acteurs autour de projets éducatifs adaptés aux différents territoires.

y La mixité sociale dans les établissements doit constituer une « ardente obligation ». une carte scolaire renouvelée peut en être un vecteur privilégié, en restaurant l’offre d’enseignement sur tout le territoire et en répartissant les moyens en fonction du public scolarisé. La CFdt ne peut accepter que sa libéralisation actuelle accentue la concurrence entre établissements et concourt ainsi à une école à plusieurs vitesses et à une société de plus en plus fragmentée.

Pour conclure et à titre d’information, les fédérations CFdt de l’éducation nationale appellent à l’action le 27 septembre pour revendiquer le respect des personnels et le métier qu’ils exercent, et pour dire que l’approche purement comptable s’oppose à l’idée d’une politique éducative.

La CFdt a voté l’avis.

CFE-CGC

Pour la CFe-CgC l’école, l’enseignement, le lien entre les enseignants et les parents, la lutte contre les inégalités à l’école sont des sujets fondamentaux pour l’avenir de notre société.

La CFe-CgC partage de nombreuses propositions de l’avis.

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Les iNégALités à L'éCoLe – 37

Ainsi pour nous :

La maternelle est le socle du dispositif, si cette étape est réussie c’est une scolarité qui s’engage bien, c’est une citoyenneté qui est en marche.

il est fondamental de soigner les transitions que sont le passage de la grande section de maternelle au CP, du CM2 a la 6e, mais aussi de la 3e à la seconde.

L’enseignement primaire doit effectivement devenir une priorité communale car c’est l’assurance d’un aménagement du territoire, c’est une opportunité pour fidéliser les habitants de communes de petite taille, c’est également une question d’équité face à l’enseignement et in fine c’est aussi la mise en place d’un enseignement qui intègre les critères de développement durable.

réduire les effectifs par classe est essentiel car c’est à la fois la condition sine qua non pour un enseignement de qualité mais c’est aussi primordial afin que les enseignants puissent exercer leur métier dans des conditions optimales pour les enfants comme pour eux-mêmes.

rendre réellement professionnelle la formation initiale des futurs enseignants est nécessaire, que ce soit au travers des stages pendant la formation ou d’accompagnement lors de la prise de fonction.

Nous attendons aussi une véritable mise en adéquation des filières professionnelles avec les besoins prévisionnels du marché de l’emploi. Nous souhaitons également que l’enseignement puisse s’adapter en permanence à l’arrivée des Nouvelles technologies de l’information et de la communication (NtiC), sous réserve que l’ensemble des écoles puissent être équipées. C’est là, un gage de futurs salariés compétitifs.

Notre jeunesse est notre avenir.

Les enseignants qui se dévouent chaque jour pour les former méritent toute notre reconnaissance et une rémunération à la hauteur de leur contribution au développement de notre société.

L’état doit investir, le retour sur investissement sera à la hauteur des enjeux.

enfin, la CFe-CgC demande à ce qu’il y ait une continuité des réformes et qu’une évaluation soit faite avant tout lancement de nouvelle réforme.

Pour toutes ces raisons, la CFe-CgC a voté cet avis. La CFe-CgC remercie le président de la section et le rapporteur pour ce projet consensuel.

CFTC

Quand les Français ont connu les évaluations comparatives des élèves de différents pays (PisA en 2009) et qu’ils ont appris que leurs enfants étaient fort mal classés, beaucoup ont voulu casser le thermomètre plutôt que de lutter contre la maladie du système éducatif. L’école, une des fiertés des valeurs républicaines, n’était plus ce qu’elle était : la France tombait de haut d’autant plus que l’école française est particulièrement mal classée quant à la correction des inégalités sociales. Cela pose la question, comment redonner à l’école l’ascenseur social qui lui manque.

La CFtC s’empresse avec toute la section de dénoncer les absurdités flagrantes du système : quasi absence de formation pédagogique des maîtres, nomination de jeunes sans expérience dans les classes les plus difficiles, recul de la scolarisation en maternelle alors que

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38 – Avis du CoNseiL éCoNoMiQue, soCiAL et eNviroNNeMeNtAL

c’est l’âge où se jouent facilement la socialisation et l’intégration qui peuvent manquer aux enfants marginalisés par la langue ou par l’exclusion sociale. Autre absurdité : des réformes qui s’empilent sans avoir été appliquées, ou encore des budgets scolaires par enfant du primaire qui varient du simple au décuple selon les communes.

L’avis aborde aussi trois grands tabous de l’école française mais avec plus ou moins de force critique : d’abord le tabou du collège unique qui a fait croire trop longtemps que tous les élèves pouvaient avoir le même cursus pédagogique ; l’avis est plus vague sur le tabou de la carte scolaire : il est résolument pour, tout en reconnaissant qu’il est massivement contourné. il propose que cette carte scolaire ne soit pas autoritaire mais procède d’une future égale attractivité des établissements scolaires. effectivement, si cette utopie se réalise, alors il n’y aura même plus besoin de carte scolaire. Quant au troisième tabou, il est peut-être trop peu abordé : la coupure encore trop forte entre le monde de l’école et celui de l’entreprise.

La CFtC approuve l’insistance de l’avis sur le souci constant d’évaluation des élèves, des maîtres et des réformes. La CFtC approuve le développement de la mixité sociale d’autant plus que les départements où elle est déjà possible ont des résultats scolaires meilleurs que les départements où les catégories sociales des élèves sont plus homogènes. La CFtC pense que les dotations budgétaires sans revêtir un caractère punitif, doivent tenir compte de l’effort de mixité.

La CFtC soutient la proposition de clarification du socle commun de connaissances et de compétences ainsi que celle de l’application de la structure des cycles de deux fois trois ans de la fin de la maternelle à la fin du primaire, seule façon de gérer et de suivre des classes hétérogènes. à cet égard la CFtC aurait souhaité que l’avis se déclare de façon encore plus tranchée pour le soutien individualisé des élèves en difficulté. La CFtC aurait voulu aussi plus de développement sur la formation civique des enfants et un avis circonstancié quant à l’application de la loi sur l’intégration des enfants handicapés.

tout compte fait, le groupe de la CFtC a voté l’avis.

CGTLe groupe de la Cgt partage la lucidité du constat, la pertinence de l’analyse et

l’audace de certaines préconisations. Malgré les discours sur la réussite de tous, l’école républicaine est en panne. La ségrégation scolaire augmente en lien avec la ségrégation urbaine mais aussi dans certaines régions rurales. L’école n’est plus en réalité la première priorité nationale : la baisse de la dépense intérieure d’éducation en pourcentage du PiB dans la décennie 2000 ainsi que les diminutions drastiques de postes ces dernières années (70 000 emplois supprimés depuis 2007 !) et qui se poursuivent aujourd’hui, pèsent sur la capacité du système scolaire à faire réussir tous les jeunes. L’avis aurait pu préconiser la création d’emplois nécessaires. A-t-on bien mesuré la dégradation du service public et le désarroi de la communauté éducative, particulièrement des enseignants, face aux injonctions contradictoires : empilement des réformes, avant même que l’une aboutisse ou soit évaluée, on passe à une autre mission de réussite pour tous mais maintien d’un système méritocratique qui n’est pas assez à l’écoute des décalages d’acquisition des élèves et en réalité génère plus d’inégalités !

Nous sommes face à un défi sans précédent ! C’est d’une réforme globale dont nous avons besoin pour la réussite de toutes et de tous et pour que la société retrouve confiance

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en l’école. Les inégalités scolaires croissantes alimentent les inégalités sociales, d’accès à l’emploi et conduisent au blocage de l’ascenseur social.

Nous devons avant tout changer de philosophie générale, passer de l’égalité des chances à l’égalité des droits. Puisque les difficultés d’apprentissage sont précoces et durables et liées à la situation culturelle et socio-économique des familles, le repérage doit avoir lieu le plus tôt possible et faire l’objet d’un traitement spécifique durable. Alors que celle-ci a régressé ces dernières années, la Cgt préconise l’effectivité du droit à la scolarisation dès 2 ans particulièrement utile pour les enfants de milieux défavorisés et pas sous la forme actuelle des jardins d’éveil payants ! L’éducation prioritaire doit être refondée : réduction des effectifs, postes en surnombre pour mieux suivre les élèves en difficultés, mesures incitatives pour que les enseignants les plus expérimentés soient nommés sur des zones prioritaires. La carte scolaire doit être remise en place sur de larges bassins de formation avec une répartition des options sur tous les collèges et une dotation majorée pour ceux accueillant une population plus défavorisée afin de supprimer la concurrence entre établissements et rétablir une mixité sociale. La formation et le métier d’enseignant doivent être repensés : il n’est plus possible d’envoyer « au casse pipe » les jeunes enseignants ; la Cgt propose, elle, de recruter à bac + 3 puis 2 années de formation, prendre le temps de stages en situation avec des professeurs chevronnés, apprendre à travailler en équipe, à développer des pédagogies différenciées, mettre fin à l’emploi précaire. Le temps de service des enseignants doit être réduit et intégrer les nouvelles missions et il faut revaloriser y compris matériellement le métier d’enseignant et penser la mobilité professionnelle. L’autonomie des établissements doit s’inscrire dans le cadre de l’unité du service public : ce n’est pas en faisant des chefs d’établissement des chefs d’entreprise mais en créant les conditions d’un vrai travail d’équipe où chacun se sentira partie prenante, que l’on redonnera confiance aux personnels, aux jeunes, aux familles. Quant au modus operandi de la réforme, il est décisif pour une réforme acceptée par la société. enfin, la Cgt plaide pour que l’éducation des sens via l’enseignement artistique ne soit plus réduite à la « portion congrue » afin de permettre à toutes et à tous de développer leur imaginaire et leur créativité.

La Cgt a voté l’avis.

CGT-FOLe groupe Fo tient à saluer le travail de la section et le sens de l’écoute qui a prévalu

tout au long des débats.

si Fo appelle à la plus grande prudence quant aux conclusions trop souvent hâtives qui découlent des comparaisons internationales, elle confirme en revanche le constat d’une difficulté croissante de notre système éducatif à réduire les inégalités scolaires.

Attachée à la défense de l’école publique, laïque et républicaine, Fo ne peut que souscrire à l’exigence formulée par l’avis de renouer avec une véritable ambition éducative et de faire de la lutte contre les inégalités scolaires la « première priorité nationale ».

Considérer la question scolaire comme une question éminemment sociale, est un changement radical de perspective. Cela permet d’éviter que la responsabilité de toutes les difficultés de l’école ne porte uniquement sur les enseignants et ne soit réduit à un problème d’inadaptation des « méthodes ».

Aussi Fo se félicite et partage certaines préconisations développées dans le présent avis. Parmi celles-ci, le maintien d’une exigence d’égalité des établissements sur le territoire

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national, la réduction des effectifs par classe, la défense de l’école maternelle pour mieux prévenir les difficultés scolaires, l’amélioration des relations entre l’école et les parents.

elle se félicite également que l’avis insiste sur le renforcement de la formation des enseignants et l’exigence d’une meilleure reconnaissance de leur métier. une politique qui fait cruellement défaut.

Fo approuve également la recommandation du maintien de la carte scolaire. Présentée comme une mesure de justice sociale, la libéralisation de la carte scolaire a renforcé les inégalités et fait reculer une mixité sociale déjà mise à mal.

Le groupe Fo demeure toutefois critique à l’égard d’une ambition pédagogique basée sur le socle commun de connaissances et de compétences. Ce dernier risque fort, en l’état, de n’être qu’une impasse pédagogique au bout de laquelle la réussite de certains élèves se limiterait aux contours d’un ensemble de savoirs dits de base et de compétences supposées transversales.

Critique également à l’idée d’une action systématique contre le redoublement. Fo dénonce une approche qui conduit déjà à ce que la répartition des dotations globales horaires se fasse au profit des établissements qui ont placé la baisse des redoublements comme un objectif de gestion.

Plus encore, Fo ne partage absolument pas l’analyse qui consiste d’emblée à considérer que les marges financières sont réduites si l’on ne veut pas accroître abusivement les dépenses publiques.

La lutte contre les inégalités scolaires ne doit pas souffrir des coupes drastiques dans les dépenses publiques ni de la suppression massive des postes de fonctionnaires décidée dans le cadre de la rgPP.

Comment ne pas dénoncer en cette rentrée les 16 000 nouveaux postes supprimés à l’éducation nationale, les 14 000 autres programmés en 2012, les suppressions de 1 500 classes dans le primaire. et que dire des réformes successives qui n’ont aucunement permis le recul des inégalités mais ont au contraire appuyé le désengagement de la puissance publique. des choix qui ne font que rajouter aux difficultés existantes. Fo souhaite que soit mis fin à ce gâchis.

La réforme selon Fo doit parvenir à conforter le système éducatif pour permettre à chacun de réussir, sans pour autant qu’elle se double d’une remise en cause des missions des personnels, voire plus grave encore d’une mise en concurrence des établissements et des élèves.

en tout état de cause, pour le groupe Fo, il est indispensable de poser comme préalable à toute nouvelle réforme du système éducatif, le respect du cadre national comme seul échelon adéquat, garant de l’unité de l’école de la république.

Aussi, dans ces conditions et tout en saluant à nouveau le travail accompli, le groupe Fo s’est abstenu lors du vote.

Coopération

dans notre histoire, l’école a été placée au cœur du pacte républicain. Force est de constater que ce formidable outil de cohésion, d’élévation et d’intégration sociale est en panne. Ce constat n’est malheureusement pas nouveau, notre assemblée a déjà produit plusieurs avis sur le sujet, la Cour des comptes s’est exprimée, ainsi que le Haut Conseil de l’éducation.

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Les iNégALités à L'éCoLe – 41

Le groupe de la coopération pense qu’il faut réinventer l’école du XXie siècle. Bien sûr, pour cela il faut des moyens budgétaires, mais rebâtir notre école est-ce seulement une question de crédits ou une question de nombre d’enfants par classe ?

Pour que l’école ne reproduise pas les inégalités sociales, des approches et des moyens différenciés doivent être mis en place selon les territoires et les populations. L’idéal d’égalité suppose des moyens différenciés ; et les enfants des quartiers en difficulté n’ont certainement pas besoin des mêmes moyens, ni des mêmes méthodes de travail et d’organisation de l’école que ceux des quartiers plus favorisés. La politique d’éducation prioritaire a échoué en partie car les moyens supplémentaires ont été trop dilués.

L’école doit s’ouvrir beaucoup plus aux associations, aux parents, mais aussi aux collectivités locales, et aux acteurs du monde social et économique. Les coopératives organisent chaque année la « semaine de la coopération à l’école » pour faire découvrir aux élèves les entreprises coopératives présentes dans différents secteurs d’activité : ces initiatives tendent à rapprocher les jeunes et les enseignants avec des responsables d’entreprises coopératives, et permettent une meilleure compréhension mutuelle en montrant que faire ensemble est le meilleur moyen de créer du lien. Les établissements scolaires doivent en effet devenir des « lieux de vie sociale », une évolution en ce sens a déjà eu lieu et doit s’amplifier pour que les écoles en dehors du temps scolaire puissent accueillir les jeunes pour des activités, soit de remise à niveau scolaire, soit sportives et culturelles, et ce, alors que la France demeure le pays où l’année scolaire est la plus courte.

il faut donc innover, et pour cela il faut des équipes mobilisées autour de projets et autour d’un chef de file. Ainsi, la redéfinition du rôle de directeur d’un établissement, qui ne peut être réduit qu’à une fonction administrative nous paraît essentielle ; celui-ci devrait pouvoir mobiliser des équipes autour de projets définis au sein de l’école. L’avis cite avec justesse l’expérience des classes découvertes. il faut innover sur les méthodes, notamment au collège, pour stimuler la curiosité de nos jeunes, leurs compétences, les capacités d’apprentissage dont ils font preuve, par exemple, pour les nouvelles technologies. L’école d’aujourd’hui est-elle adaptée à l’époque où nous vivons ? Les références aux expériences d’autres pays, notamment la Finlande, sont tout à fait intéressantes.

La place prédominante accordée au savoir dans le développement de nos sociétés exige une refonte profonde de notre système scolaire. Les propositions de l’avis constituent une première étape qui devra être suivie d’autres, et le groupe de la coopération y est globalement favorable.

Entreprises

Le grand mérite de cet avis est d’avoir bien identifié que les inégalités constatées au collège et tout au long de leur cursus trouvent leurs origines dès la maternelle et à l’école primaire et qu’il est plus efficace et moins coûteux pour la société d’essayer de les compenser dès le départ.

il démontre dans son ensemble que la grande complexité du sujet dépasse la question des seuls moyens matériels.

Compte tenu des contraintes budgétaires qui se posent et des sommes en jeu, il faudrait que les réductions d’effectifs par classe proposées s’effectuent à budget constant, c’est-à-dire en diminuant les effectifs des établissements situés dans des zones prioritaires sans hésiter à augmenter les effectifs des autres établissements. d’autant que sur de longues

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42 – Avis du CoNseiL éCoNoMiQue, soCiAL et eNviroNNeMeNtAL

périodes comme entre 1980 et 2009, la chute des effectifs d’élèves dans le premier degré (- 650 000) accompagnée d’un maintien peu ou prou des effectifs d’enseignants ne s’est pas traduite par une amélioration de la performance de notre système éducatif.

Les pédagogies utilisées doivent être différenciées pour gérer l’hétérogénéité des élèves si on ne veut pas laisser de jeunes talents au bord de la route, ni laisser certains jeunes débuter leur vie par un sentiment d’échec ou de mise à l’écart. en ce sens, il serait intéressant de mettre en place une organisation du travail et des dispositifs didactiques qui placent chacun dans une situation optimale pour apprendre : nos voisins européens réussissent en la matière, pourquoi pas nous !

Le groupe des entreprises regrette cependant que l’avis n’ait pas été plus loin sur certains points. en effet, depuis trop longtemps, le chômage des jeunes en France et en particulier le chômage des jeunes non-diplômés, est une terrible spécificité tellement injuste qu’elle menace notre cohésion sociale. A l’évidence, notre système éducatif et de formation n’a su y remédier.

L’éducation nationale ne doit pas maintenir en échec scolaire des jeunes (précédemment en difficultés à l’école primaire) tout au long des 4 années de collèges pour, in-fine, les laisser quitter le système sans aucune solution.

Ces jeunes sortent du système scolaire obligatoire avec un sentiment d’échec important, voire d’exclusion de notre société. il conviendrait pour ceux qui ont des difficultés avec l’apprentissage des savoirs de façon scolaire, qu’ils soient rapidement orientés vers des diplômes, en adéquation avec leurs aptitudes qu’ils puissent réaliser des stages en entreprise de façon précoce et volontaire afin de réfléchir à leur future orientation professionnelle.

Parallèlement, il conviendra de revaloriser, auprès des enseignants, les métiers accessibles après un CAP afin qu’ils puissent, à leur tour, délivrer un message positif aux élèves, ce qui n’est pas forcément le cas aujourd’hui...

enfin un regret : la problématique des rythmes scolaires et du temps de travail des enseignants n’a pas été suffisamment évoquée et des propositions innovantes demandant des diagnostics, fixant des objectifs et mettant en place des plans d’évaluation n’ont pas vu le jour.

Les entreprises ont besoin de jeunes, qui ont appris à l’école des savoirs, des savoir-être et des savoir-faire transférables dans les entreprises.

Parce que l’éducation est un sujet d’intérêt national majeur et que les propositions émises servent cette cause, le groupe des entreprises a voté l’avis.

Environnement et nature

Le groupe environnement et nature regrette le peu de temps accordé au débat sur l’avis, mais remercie le rapporteur Xavier Nau, pour le travail de qualité qui a été fait avec toute la section sur cette première saisine.

Le droit à l’éducation est garanti à chacun, comme précisé dans le code de l’éducation, afin de permettre de développer sa personnalité, d’élever son niveau de formation initiale et continue, de s’insérer dans la vie sociale et professionnelle, d’exercer sa citoyenneté. Ces objectifs ambitieux sont mis à mal par la progression des inégalités, alors que l’éducation devrait permettre de les réduire. Nous sommes à l’aube de transformations importantes de

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Les iNégALités à L'éCoLe – 43

notre société et de nos modes de vie. or, les sociétés qui s’adaptent sont celles qui ont un bon niveau d’éducation.

Pour ne pas obérer significativement nos chances d’évolution, il est impératif de s’attaquer d’une manière volontariste aux inégalités à l’école, comme le propose l’avis.

Le groupe environnement et nature soutient particulièrement les éléments suivants :

– le retour à une conception sociale et territoriale de l’éducation prioritaire, avec l’utilisation des établissements scolaires comme lieu de vie sociale, en les ouvrant aux autres acteurs (parents, collectivités) ;

– dans le prolongement de cette idée, l’amélioration nette et urgente des relations parents/écoles, en éducation prioritaire, mais pas seulement, les préconisations liées au constat d’insuffisance de la formation professionnelle et continue des enseignants.

Notre groupe réaffirme l’importance de la prise en compte du milieu social, économique, environnemental dans lequel sont immergés les établissements scolaires, et celle de favoriser les liens entre les différents acteurs. L’éducation nationale ne peut fonctionner en vase clos et doit pouvoir profiter de toutes les bonnes volontés et initiatives, plus particulièrement dans les quartiers défavorisés. Aussi, le développement de partenariats avec les collectivités et les associations de terrain est-il une piste intéressante et insuffisamment explorée. de nombreux dispositifs existent et le Cese doit recommander l’évaluation et la mise en cohérence de ces derniers.

de même, il est judicieux de faire une place réelle dans le système éducatif aux dispositifs de type classe de découverte (classe verte, classe de mer etc.) qui sont censés apporter un regard différent sur le monde qui nous entoure, d’autant plus importants dans les grands centres urbains où se concentrent les inégalités. Les partenaires associatifs ne manquent pas pour œuvrer dans ce sens.

Les deux points évoqués à l’instant ont fait l’objet d’amendements par le groupe environnement et nature, nous remercions le rapporteur de les avoir intégrés à l’avis.

Pour finir, le groupe souhaite dire un mot sur le socle commun. Au-delà des préconisations de l’avis sur le sujet que nous partageons, il est grand temps de considérer que le socle commun d’hier n’est pas celui d’aujourd’hui ni de demain. ouvrir le socle commun et le mettre régulièrement en adéquation avec les évolutions de la société est un enjeu dont il faut se saisir. Les enjeux climat, biodiversité n’apparaissent pas alors qu’ils seront déterminants pour les générations futures.

en cette rentrée morose, marquées par les suppressions de postes, la lutte contre les inégalités à l’école mérite plus que jamais une volonté politique forte. Le groupe environnement et nature, considérant que ce texte est un pas en avant, a voté l’avis.

Mutualité

Le groupe de la mutualité partage le constat de l’avis sur les inégalités à l’école.

Avec lucidité, il pose que notre système affiche une performance éducative décevante et qu’il a cessé d’être un facteur de réduction des inégalités.

il ne stigmatise pas les personnes : enseignants, élèves, parents...

il évoque notamment deux causes : le manque de continuité politique aggravé par les suppressions de postes.

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Lorsque l’avis précise : « le Conseil économique, social et environnemental tient à souligner l’urgence de renouer avec une véritable ambition éducative », le groupe de la mutualité exprime son adhésion.

La mise en concurrence des établissements et des élèves n’est pas une ambition éducative.

si le compromis domine la tonalité générale du texte, l’ensemble nous convient.

Les préconisations sont intéressantes.

L’avis met en évidence l’importance des transitions scolaires et des apprentissages fondamentaux, celle de la politique de la ville, des communes et de l’intercommunalité, de la relation école-parents, du partenariat entre l’école et le monde associatif.

Au titre des préconisations, toujours, le groupe de la mutualité adhère aux recommandations de « refonder l’Éducation prioritaire » et de « renouveler la démarche de carte scolaire », c’est-à-dire la régulation.

oui, « L’attribution des moyens doit être proportionnelle à la mixité sociale des publics scolarisés ».

L’exercice professionnel peut s’avérer difficile, notamment les premières années. La formation des enseignants est évidemment centrale, il faut s’attacher à trouver un meilleur équilibre entre la nécessaire formation initiale de haut niveau et les indispensables acquisitions pédagogiques et professionnelles.

si l’on veut réduire les inégalités, c’est sur la maternelle et le primaire que les efforts doivent être concentrés, comme le souligne l’avis. Parmi ces inégalités, les inégalités de santé qui se font ressentir dès les bancs de l’école maternelle.

si l’on veut réduire les inégalités, la réduction des effectifs par classe dans les écoles relevant des réseaux ambition réussite s’impose.

L’avis souligne le coût considérable des conséquences de l’échec scolaire, ce dont toutes les composantes de notre Conseil peuvent sans doute témoigner.

Cependant, le groupe de la mutualité exprime certaines réserves.

Le texte se limite à la scolarité obligatoire. C’est un choix pratique que nous regrettons.

Le traitement qui est fait du « socle commun » traduit les divergences qui existent.

L’expression de « culture commune » n’aurait-elle pas porté de plus amples résonances ?

« Préparer l’insertion dans la vie sociale et professionnelle de tous les individus, à chaque génération, et leur permettre d’exercer pleinement leur citoyenneté.

(…) Former le citoyen et lui apprendre à vivre dans une communauté dont l’un des fondements est l’ouverture à l’autre. »

L’avis nous rappelle heureusement cet ensemble de missions de l’école.

Le groupe de la mutualité a voté l’avis, avec un sentiment de grande urgence.

Organisations étudiantes et mouvements de jeunesse

Nous pouvons être fiers des formidables réussites de notre système éducatif, qui a su s’ouvrir massivement à de nouveaux publics en l’absence de moyens suffisants pour accompagner cet effort. N’en déplaise aux tenants de la thèse du déclin éducatif de la France, la modernisation du système éducatif est un indéniable facteur de progrès social, économique, démocratique. elle a accompagné de manière positive les transformations de

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l’économie et de la société et a contribué à corriger les inégalités sociales en démocratisant l’accès aux diplômes. Le système scolaire a ainsi contribué à améliorer les trajectoires sociales et professionnelles des populations moins favorisées.

Cependant, la proportion de jeunes réussissant à obtenir une qualification stagne en France depuis le milieu des années 1990. C’est une nouvelle étape de la démocratisation scolaire qu’il faut désormais engager, en fixant les objectifs d’une massification approfondie et d’une démocratisation réussie.

L’exceptionnelle ambition de former au plus haut niveau une partie importante de la jeunesse a été peu à peu délaissée. La politique actuellement menée lui tourne le dos. Nous avons d’ailleurs la conviction que c’est parce que la république a abandonné ce dessein que la jeunesse s’inquiète pour son avenir.

Faute d’apporter des réponses aux victimes de l’échec scolaire, le système s’organise pour tenter de les isoler de la masse des élèves, afin de les condamner au silence. C’est le sens de la mise en place de paliers d’orientations précoces (apprentissage à 14 ans) qui vident la scolarité obligatoire de tout son sens et qui n’ont rien à voir avec le renforcement nécessaire de processus d’orientation maitrisés par le jeune. C’est aussi l’objectif des politiques de discrimination positive, qui consistent à exfiltrer quelques élèves des établissements difficiles pour leur permettre d’intégrer les établissements prestigieux.

Cette politique de tri éducatif conforte la logique sélective du système ; elle banalise l’échec, elle renforce les inégalités, elle rend les élèves responsables de leurs difficultés, elle exonère le système éducatif de toute remise en cause. L’échec de cette politique est démontré tout au long du rapport. Mais trier les élèves n’est pas seulement inefficace, c’est aussi la solution de facilité. Cette politique est celle du renoncement : nous savons quels sont les jeunes qui en sont prioritairement les victimes.

La politique menée depuis 2007 a renforcé ces caractéristiques : la libéralisation de la carte scolaire joue contre la mixité sociale, la suppression de postes, prive des moyens de mener des réformes ambitieuses.

C’est au système éducatif de s’adapter aux élèves, et non l’inverse. en adaptant sa pédagogie, en adaptant les rythmes scolaires, en renforçant l’approche pluridisciplinaire (en particulier lors des premières années du collège), en réformant ses processus d’évaluation des élèves, en combattant les redoublements contreproductifs, en rééquilibrant les filières. Les moyens doivent être concentrés sur les points faibles du système, en particulier les transitions (école-collège, collège-lycée, secondaire-supérieur). Les projets d’établissements, élaborés en concertation avec les partenaires de l’école, sont des leviers essentiels pour mener des actions de lutte contre l’échec scolaire adaptées aux besoins. L’autonomie pédagogique des établissements doit jouer selon la règle du plus favorable, et non servir d’alibi au désengagement de l’état comme c’est le cas aujourd’hui. une politique de réussite éducative digne de ce nom n’est pas que l’addition des politiques d’établissements, sauf à revoir ses ambitions quantitatives et qualitatives à la baisse. L’état doit donc redevenir pilote, évaluer les objectifs qu’il fixe et donner du temps pour que les réformes engagées produisent leurs fruits.

La place ambiguë des partenaires de l’école (qu’il s’agisse des parents d’élèves, des collectivités locales, ou des associations complémentaires) contribue à développer une approche trop « scolaro-centrée » de la lutte contre l’échec, qui tourne le dos à une approche partenariale et territoriale, et qui renforce in fine le sentiment d’impuissance des acteurs du

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système éducatif, à commencer par les enseignants. Lutter contre les inégalités scolaires ne peut se faire sans un effort de l’ensemble des acteurs.

Cette école à construire, c’est bien d’avantage qu’un service public. C’est un idéal social. Œuvrer à une réussite éducative pour tous, c’est affirmer, de façon permanente et quotidienne, un humanisme militant. C’est affirmer que tout individu, tout jeune, est perfectible et que l’accès aux savoirs et aux qualifications est la clé de cette émancipation. C’est parce qu’il tourne peu à peu le dos à cette mission émancipatrice de l’éducation qu’il convient de transformer en profondeur notre système éducatif. et c’est parce que nous sommes attachés à cette mission émancipatrice que nous souhaitons remettre la réussite des élèves au cœur des préoccupations de l’école républicaine.

Le groupe des organisations étudiantes et mouvements de jeunesse a voté l’avis.

Outre-mer

Le groupe de l’outre-mer a suivi avec beaucoup d’intérêt les travaux sur les inégalités à l’école qui ont été menés au sein de la section de l’éducation, de la culture et de la communication.

il a pris connaissance des préconisations retenues pour tenter de réduire ces inégalités. Plusieurs d’entre elles pourraient être appliquées de manière pertinente dans les collectivités ultramarines, en particulier à toutes celles qui visent une meilleure articulation entre les parents et l’école, entre les collectivités et l’école ou encore entre les différents cycles à l’intérieur de l’école.

Personne n’ignore qu’en outre-mer, les conditions dans lesquelles se déroule l’enseignement, d’une manière générale, sont encore plus problématiques qu’en métropole. Le groupe apprécie l’analyse des clivages territoriaux dans l’avis, soulignant la « fracture » entre l’outre-mer et la métropole. Les résultats dans la plupart des académies outre-mer sont souvent en deçà de la moyenne nationale.

Cette situation n’est pas due au fait que les petits ultramarins ne sont pas aussi doués ou aussi travailleurs que les autres, mais à un ensemble de causes qui font que les difficultés et les inégalités rencontrées à l’école en outre-mer ne peuvent s’expliquer que si elles sont replacées dans un contexte plus global, à la fois économique, social et culturel.

Le contexte familial dans lequel évoluent beaucoup de jeunes en outre mer, l’existence de langues régionales maternelles utilisées plus naturellement que le français, un accès limité aux ressources culturelles et médiatiques et les difficultés d’accès à l’emploi sont quelques-unes des explications retenues lorsque l’on analyse les causes de ces retards scolaires.

La situation ne s’améliorera que si des mesures cohérentes et ambitieuses sont arrêtées dans un vaste plan de rattrapage et de développement discuté avec l’ensemble des acteurs concernés.

il conviendrait donc sans doute mieux, compte tenu des situations propres à l’outre-mer, de mener une réflexion séparée à ce sujet, approfondie et sérieuse, afin de rechercher des solutions spécifiques adaptées à chacune d’entre elles. il est évident qu’on ne peut chercher à solutionner de manière identique, les problèmes de l’accueil des enseignants à Wallis ou à Mayotte, celui du bilinguisme à saint-Martin, du caractère pluri ethnique à la réunion et en guyane ou celui de l’isolement géographique à saint Pierre et Miquelon. Ce sont donc

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Les iNégALités à L'éCoLe – 47

de véritables états généraux de l’école en outre-mer qu’il faut mettre sur pied si l’on veut vraiment prendre à bras-le-corps les problèmes qui s’y posent.

Analyse et préconisations semblant pertinentes le groupe a voté l’avis en préconisant fortement ce travail complémentaire sur l’école en outre-mer.

Personnalités qualifiées

Mme grard : « La réalisation de ce rapport sur les inégalités à l’école a donné lieu à des échanges passionnés et passionnants, ce dont je remercie vivement notre rapporteur. Je partage très largement les préconisations de cet avis, tellement même qu’en les relisant je me suis prise à rêver… et si elles étaient mises en application par le ministère de l’éducation Nationale ?

imaginez : des enseignants plus nombreux et donc des classes moins surchargées ; des professeurs plus longuement et mieux formés à la pédagogie ; les élèves en difficulté non abandonnés, mais faisant l’objet d’une attention prioritaire ; les parents et les enseignants se rencontrant régulièrement, à égalité, pour partager leurs points de vue... imaginez combien changerait alors la vie de milliers d’enfants, d’enseignants et de parents, combien notre société en serait transformée !

Ce rêve n’est pas une utopie irréalisable, il est à notre portée. Alors qu’aujourd’hui l’école est un amplificateur de différences et même d’exclusion, des hommes et des femmes cherchent, inventent, pour inverser la tendance.

Comme cet enseignant de zone d’éducation prioritaire qui, au début de chaque année scolaire, établit une sorte de contrat avec ses élèves et leurs parents. ils se mettent d’accord pour que, grâce au soutien et à la solidarité de tous les autres, chaque enfant sache lire, écrire et compter à la fin de l’année. et ça marche !

Comme cette mère de famille qui, ayant les moyens d’envoyer ses enfants dans une école de bonne réputation, a choisi de les inscrire dans l’école multiculturelle de son quartier du 19e arrondissement de Paris, « pour qu’ils soient plus en phase, dit-elle, avec la réalité du monde ».

elle-même s’est engagée comme parent solidaire, participant à la création d’un « espace parents », lieu de rencontre informel pour construire le « vivre ensemble ». et ça marche !

d’aucuns ne manqueront pas de s’insurger devant certaines préconisations de cet avis qui, selon eux, vont entraîner un investissement financier important. Ce genre de dénonciation avait déjà cours il y a 20 ans, 30 ans... et nous en payons aujourd’hui l’exorbitant prix humain.

il s’agit de savoir si, pour des considérations budgétaires à courte vue, nous continuerons à accepter que les enfants des milieux défavorisés soient globalement en échec scolaire, avec toutes les conséquences pour leur vie future et pour la cohésion sociale, ou si nous voulons avec détermination inverser cette tendance.

« «Considérer les progrès de la société à l’aune de la qualité de vie du plus démuni et du plus

exclu, est la dignité d’une nation fondée sur les Droits de l’Homme. «. C’est à l’application de cette maxime gravée à l’entrée de notre Conseil que nous invite cet avis sur les inégalités à l’école. Bien sûr, je le voterai ».

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48 – Avis du CoNseiL éCoNoMiQue, soCiAL et eNviroNNeMeNtAL

M. Aschieri : « Je dois me féliciter du fait que notre assemblée se soit saisie du sujet des

inégalités à l’école ; c’est selon moi un des problèmes majeurs de notre système éducatif et le

prendre en charge est une urgence des politiques à conduire pour transformer positivement

ce système et permettre qu’enfin il assure la réussite de tous.

Le travail fait en section, la richesse des débats, les évolutions de notre réflexion ont

abouti à un constat largement partagé qui permet de sortir des faux débats et des clichés et

d’avancer des solutions qui, si elles ne sont pas toutes finalisées et laissent place aux débats,

tracent des voies à suivre pour rompre avec un engrenage dramatique et des politiques

dangereuses. J’en partage l’essentiel.

Je pense notamment à ce qui est proposé sur l’éducation prioritaire, sur la carte scolaire,

sur l’importance d’agir dès le début de la scolarité, sur l’enjeu que constitue ce qui se passe

dans la classe, sur la formation et le métier des enseignants, sur le rôle des parents, sur les

réformes...

il est loin d’être indifférent que notre assemblée dans la diversité qui la caractérise

puisse s’accorder sur ces orientations.

Bien évidement les questions éducatives sont toujours sources de vifs débats et ce

large accord n’empêche pas que certains de ces débats subsistent qui traversent tant les

personnels que l’opinion.

Je voudrais donc à partir de mon expérience syndicale exprimer quelques regrets et

relever quelques points de tension.

Mon premier regret porte sur la délimitation de la saisine qui reste circonscrite à la seule

scolarité obligatoire : or, un des enjeux de l’avenir est bien de faire accéder tous les jeunes à

une qualification reconnue (ce que rappelle d’ailleurs le projet d’avis) et les besoins de notre

société font que l’on ne peut pas en rester à une scolarité qui se terminerait à 16 ans.

Le second concerne notamment le silence sur les segPA ou le peu d’attention portée

aux personnels autres que les enseignants.

Quant aux sujets de tension, ils sont connus car ils sont liés aux luttes syndicales.

L’un porte sur la notion de « socle commun » : l’avis souligne avec honnêteté les débats

et relativise cette notion mais ne prend pas assez ses distances. La question n’est pas de

savoir s’il faut ou non donner du sens aux savoirs transmis par l’école, s’il faut dépasser leur

simple juxtaposition. si je préfère la notion de culture commune à celle de socle c’est parce

que celle-ci renvoie à une conception figée, trop peu dynamique, qu’elle prétend corseter

les enseignements disciplinaires de façon artificielle et technocratique au lieu de les faire

interagir et qu’à ce titre elle peut jouer un rôle dans l’approfondissement des inégalités avec

d’un côté les élèves pour qui la seule ambition serait le socle et de l’autre ceux qui auraient

accès à une culture riche et diversifiée, en prise avec notre temps.

L’autre porte sur le rôle du conseil pédagogique : je suis évidemment partisan d’un

travail en équipe, d’une concertation entre enseignants pour définir ensemble des stratégies,

des conduites à tenir, des modes d’évaluation, ou des pratiques interdisciplinaires ; mais

trop souvent aujourd’hui le conseil est conçu comme un instrument non démocratique

pour contrôler et contraindre ce travail. il est source de tensions fortes et de débats dans le

monde enseignant du second degré.

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Les iNégALités à L'éCoLe – 49

en dépit de ces réserves, je voterai en faveur de ce texte parce que ces tensions réelles et les débats parfois vifs ne peuvent faire oublier l’intérêt de ce qui est proposé et parce que je considère important que notre assemblée, généraliste et diverse comme elle l’est, puisse acter positivement les avancées de la réflexion que l’avis exprime ».

Professions libérales

L’objectif essentiel d’un système éducatif initial est bien de permettre aux individus d’acquérir des connaissances et des méthodes pour permettre une meilleure insertion sociale et professionnelle. or le constat est là : si par le passé, l’école de la république a pleinement joué son rôle d’ascenseur social et d’intégration, force est de reconnaître qu’aujourd’hui l’ascenseur est en panne.

Au regard des sommes engagées, les résultats sont médiocres si nous les comparons aux autres pays de l’oCde. Notre système éducatif est en crise et ne remplit plus son rôle fondamental « d’instruction publique ».

– ne serait-il pas temps de revenir aux fondamentaux : lire, ou plutôt comprendre ce que l’on lit, écrire et compter en sortant de l’école primaire, car il s’agit bien de la première des inégalités, si ces savoirs de base ne sont pas acquis ;

– ne serait-il pas temps aussi de permettre aux enfants d’acquérir progressivement de l’autonomie ? Cela ne peut se faire sans respecter le développement différencié des enfants d’une même classe d’âge ; donc il faut admettre des progressions pédagogiques différentes pour atteindre l’objectif défini préalablement ;

– enfin ne serait-il pas temps d’appliquer réellement l’organisation en cycles des apprentissages pour donner plus de souplesse aux élèves dans l’acquisition des savoirs ?

Notre « éducation nationale » est encore dans le quantitatif des années soixante à savoir donner un diplôme au plus grand nombre. Nous en voulons pour preuve l’objectif de 80 % d’une classe d’âge au baccalauréat, alors qu’il serait nécessaire de réfléchir et d’agir « qualitatif » : c’est à dire donner les meilleurs outils pour permettre à chaque individu de progresser en fonction de ses aptitudes. dès lors, et l’avis le souligne, il faut mettre davantage de moyens tant humains que financiers - là où les besoins sont les plus criants. il faut aussi repenser les règles de nomination pour réserver aux élèves les plus en difficulté, les professeurs confirmés.

Par ailleurs, nous souscrivons totalement à la préoccupation de professionnaliser réellement la formation des enseignants et de mieux reconnaître leur métier. Nous ajouterons aussi, de mieux les considérer et de mieux les écouter, car ce sont eux qui sont, tous les jours, sur le terrain. Nous ne connaissons pas un seul enseignant, qui puisse se satisfaire d’un système qui conduit 20 % des élèves à l’échec scolaire et social.

Nous ne pouvons pas non plus nous satisfaire d’un tel résultat. il s’agit bien là d’un défi pour notre pays et chacun doit être partie prenante pour redonner à l’ensemble de notre jeunesse le goût d’apprendre pour mieux réussir sa vie personnelle et professionnelle.

si nous souscrivons aux préconisations fortes dans l’avis, nous tenons à rappeler que la réussite de notre système scolaire ne saurait se limiter aux seuls critères financiers. La preuve étant qu’il n’y a pas corrélation entre les sommes investies et la qualité des résultats.

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50 – Avis du CoNseiL éCoNoMiQue, soCiAL et eNviroNNeMeNtAL

Pour entrer par le haut dans une société de la connaissance, d’innovation et de croissance, rien n’importe plus que des bases bien établies. dès l’école primaire, tout se joue très vite, spécialement le déterminisme de l’échec. Les réformes se sont succédé sans pour autant améliorer les résultats. Le collège unique est l’exemple même de la conduite collective vers l’échec.

Par la suite, dans la vie professionnelle, tout repose sur quatre facteurs décisifs : la compétence, les connaissances, l’aptitude au travail en équipe et l’atteinte d’objectifs. toutes les professions exigent et exigeront de plus en plus de compétences générales, professionnelles et d’adaptabilité qu’une scolarité écourtée ou chaotique empêchera d’atteindre. Le sort de ces jeunes est scellé : précarité, chômage, aide sociale, voire délinquance : un gâchis et un coût qui menacent même la cohésion sociale. tous les dispositifs professionnalisant aussi aboutis qu’ils soient, ne pourront, dans la grande majorité des cas, pallier ce qui n’est pas acquis précocement.

Nous avons des raisons de croire que les esprits arrivent à maturité et qu’il existe une prise de conscience générale sur le fait qu’une éducation en panne est la négation de toute évolution sociétale. L’avis fait œuvre de pédagogie et a plutôt mis en avant l’intérêt général, évitant de remettre sur le métier l’antienne des intérêts particuliers. L’exercice n’était pas facile.

Le groupe des professions libérales a voté l’avis.

UNAF

La modernisation du service éducatif a contribué à corriger les inégalités sociales en démocratisant l’accès aux diplômes.

Pourtant chaque année, 150 000 élèves quittent encore le système scolaire sans diplôme, soit un jeune sur cinq. Le diplôme demeure un élément indispensable pour s’insérer sur le marché du travail et ensuite évoluer dans un parcours professionnel.

L’éducation étant la première responsabilité des parents, tous placent la réussite scolaire de leurs enfants au premier rang de leurs préoccupations. Pour autant, les moyens dont ils disposent ne sont pas égaux pour accompagner leurs enfants.

Ainsi, lutter contre l’échec scolaire, nécessite une réflexion et une implication de l’ensemble des acteurs de l’éducation et en particulier de la communauté éducative.

M. le rapporteur souligne dans le rapport les disparités présentes dès le début de la vie scolaire. Ceci démontre que l’on doit agir vite si l’on veut éviter de trop lourdes séquelles pour l’enfant en construction.

si l’institution familiale, dans son ensemble, est favorable à la scolarisation dès trois ans. dans l’intérêt de l’enfant, la scolarité à deux ans n’est pas la solution adaptée.

C’est pourquoi l’uNAF encourage des lieux de garde près du site de l’école, plus en adéquation avec les besoins de l’enfant.

Le groupe de l’uNAF rappelle l’importance du dépistage précoce, dès la maternelle, pour empêcher que les troubles de la vue, de l’ouïe ou la dyslexie handicapent l’acquisition de savoirs nécessaires à l’entrée au cours préparatoire.

Le groupe de l’uNAF partage l’objectif de l’avis sur l’urgence de renouer avec une véritable ambition éducative. Aussi, pour donner du sens à l’obligation scolaire, ne faudrait-il

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Les iNégALités à L'éCoLe – 51

pas instaurer une obligation de résultat ? Celle-ci imposerait dès lors aux enseignants de porter une attention particulière aux enfants en difficulté pour qu’au moment de l’orientation, tous sachent lire, écrire et compter.

enfin, le groupe de l’uNAF s’appuie sur le constat selon lequel les écrans multimédias occupent une place de plus en plus importante dans la vie des jeunes, devenant ainsi partie intégrante de leur éducation.

Pour développer les usages scolaires, il faut encourager au développement rapide du très haut débit sur l’ensemble du territoire y compris dans les petites communes rurales.

Par ailleurs, le modèle dans lequel les médias interviendraient en responsabilité dans l’éducation reste à inventer.

Le groupe de l’uNAF a voté l’avis.

UNSA

L’uNsA considère que ce sujet des inégalités à l’école est une question centrale pour toute la société et qui déjà traverse les futures échéances électorales.

L’uNsA partage le constat que l’échec scolaire est étroitement lié à l’origine sociale des élèves. L’origine sociale détermine souvent le lieu d’habitation et le choix de l’établissement. Ce qui dans le jargon administratif s’appelle la carte scolaire avec tous les débats autour de cette notion.

s’ajoute aussi à ces inégalités des phénomènes de discrimination qui excluent encore un peu plus des milliers de jeunes du système éducatif.

Ces questions ne sont pas nouvelles, mais jusque dans les années 1990, le système éducatif français contribuait à corriger ces inégalités par l’école. Ce phénomène, à partir des années 1990, s’inverse : les inégalités sont renforcées par l’école elle-même.

L’uNsA considère qu’un certain nombre d’erreurs d’orientation - voire de fautes graves - concernant notre système éducatif méritent d’être relevées :

– des réformes fondamentales inabouties concernant l’éducation prioritaire et le socle commun de connaissances et de compétences ;

– une orientation scolaire en difficulté qui reproduit souvent les inégalités ;

– une baisse des moyens drastique illustrée par l’application de la fameuse règle du non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ;

– et enfin l’absence, depuis trois ans, de toute formation réelle des enseignants, enseigner ne serait pas un métier.

Nous constatons d’ailleurs qu’ensuite, dans le monde du travail, 15 % des salariés sont victimes d’illettrisme. L’avis a le mérite, dans des termes peut-être plus modérés, de traiter ce constat et de proposer des préconisations qui, si elles étaient mises en place, devraient améliorer le système éducatif afin de permettre à chaque élève d’atteindre un socle commun de connaissances et de compétences, l’école républicaine jouerait son rôle.

C’est pourquoi, le groupe de l’uNsA exprimera d’emblée son accord global avec l’analyse et les préconisations formulées dans l’avis qui est aujourd’hui soumis au Conseil, chacun sait bien qu’à un moment donné des discussions plus poussées - et pas seulement plus techniques - devront être organisées entre les pouvoirs publics et les différents acteurs du système éducatif. il faut donc en rester à l’essentiel.

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L’uNsA considère que l’état des lieux dressé par l’avis est globalement juste. L’uNsA, de même, approuve dans l’ensemble les préconisations qu’il formule. il faut être clair : le système éducatif français porte encore les stigmates du lycée napoléonien dont témoignent encore les dénominations des classes de la « sixième » à la « terminale ». or, les lignes de partage ont changé. il y a aujourd’hui trois temps dans la formation :

y Celui de la formation initiale obligatoire, celle du « socle commun de compétences et de connaissances », allant de l’école maternelle - dont l’avis souligne l’importance du rôle, en particulier pour les 2-3 ans - à la fin de l’actuelle classe de troisième.

y Celui de la formation initiale diversifiée, avec d’une part une finalité d’insertion professionnelle immédiate pour le baccalauréat professionnel, sans que cela exclue la poursuite d’études à partir de celui-ci, et d’autre part avec une poursuite d’études dans tous les cas pour les formations générale et technologique jusqu’à un niveau qui devient aujourd’hui celui de la licence, qu’elle soit générale ou professionnelle.

y Celui de la formation continue, de l’éducation permanente voire de l’éducation récurrente qui, au minimum, doit s’appuyer sur les compétences et connaissances relevant du socle commun.

Nous ne sommes plus dans le couple « formation initiale/formation continue » qu’esquissaient les accords de juillet 1970 et la loi de 1971. il faut résolument passer à la conception d’une société éducative, rendant possible pour tous, avec un souci de justice sociale, l’éducation et la formation tout au long de la vie. C’est à juste titre que l’avis insiste, dans la lutte contre les inégalités, sur l’importance du socle commun, cette éducation fondamentale au sens étymologique, au sens fort du terme.

Je dirai également notre accord profond sur deux points. Le premier est la question centrale de la formation des enseignants. Le diagnostic est posé. L’avis fait, comme l’uNsA, le choix d’affirmer qu’enseigner est un métier et qu’un métier s’apprend, là aussi, tout au long de la vie. Le second point est celui des territoires. signataire de « l’Appel de Bobigny » avec d’autres syndicats, associations et le réseau des villes éducatrices, l’uNsA estime indispensable que se développent, dans le respect des missions et des compétences de chacun, des synergies entre les structures de formation, les collectivités, mais aussi tout ce que peut apporter l’éducation informelle, notamment au travers de l’éducation populaire. Cela implique la correction des inégalités territoriales. dans une société de l’éducation tout au long de la vie, le pays a besoin de « territoires apprenants ».

L’uNsA a voté l’avis.

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Les iNégALités à L'éCoLe – 53

Scrutinscrutin sur l’ensemble du projet d’avis

....................................................................................Nombre de votants 180

...............................................................................................ont voté pour 155

........................................................................................... ont voté contre 4

.........................................................................................se sont abstenus 21

Le Cese a adopté.

ont voté pour : 155

Agriculture MM. Bailhache, Bastian, Mmes Beliard, Bernard, Bocquet, doré, M. giroud, Mme Henry,

MM. Pinta, roustan, Mmes serres, sinay.

Artisanat Mme Amoros-schwartz, M. Crouzet, Mmes Foucher, gaultier, MM. griset, Lardin,

Le Lann, Liébus, Martin, Mme sassano.

Associations Mme Arnoult-Brill, MM. Charhon, da Costa, Mme gratacos, MM. Leclercq, Pascal,

Mme Prado, M. roirant.

CFDT M. Blanc, Mmes Boutrand, Briand, M. duchemin, Mme Hénon, M. Honoré, Mme Houbairi,

MM. Jamme, Le Clézio, Malterre, Mme Nathan, M. Nau, Mmes Nicolle, Prévost, M. vérollet.

CFE-CGC M. Artero, Mmes Couturier, Couvert, MM. dos santos, Lamy, Mme Weber.

CFTC M. Coquillion, Mme Courtoux, MM. ibal, Louis.

CGT Mme Crosemarie, M. delmas, Mmes doneddu, dumas, M. durand, Mmes Hacquemand, Kotlicki,

MM. Lepaon, Mansouri-guilani, Michel, Minder, Prada, rozet, teskouk, Mme vagner.

Coopération M. Lenancker, Mme Lienemann, Mlle rafael, MM. verdier, Zehr.

Entreprises MM. Bailly, Bernardin, Mmes Castera, Colloc’h, duhamel, duprez, Frisch, gri, ingelaere,

MM. Jamet, Lebrun, Lejeune, Mariotti, Mongereau, Placet, Pottier,

Mme Prévost Madère, MM. ridoret, roger-vasselin, roubaud,

Mme roy, M. schilansky, Mmes tissot-Colle, vilain.

Environnement et nature MM. Beall, Bougrain dubourg, Mmes de Bethencourt, denier-Pasquier,

ducroux, MM. genest, genty, guerin, Mmes de thiersant, Laplante, vincent-sweet,

M. virlouvet.

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54 – Avis du CoNseiL éCoNoMiQue, soCiAL et eNviroNNeMeNtAL

Mutualité MM. Beaudet, davant, Mme vion.

Organisations étudiantes et mouvements de jeunesse

M. dulin, Mlle guichet, M. Prévost, Mme trellu-Kane.

Outre-mer MM. Budoc, galenon, omarjee, osénat, Mme romouli Zouhair.

Personnalités qualifiées MM. Aschieri, Bernasconi, Mmes Brishoual, Brunet, Chabaud, M. etienne,

Mme Flessel-Colovic, M. geveaux, Mmes gibault, grard, graz, Hochart, Mmes de Kerviler, Meyer,

de Menthon, ricard, MM. soubie, terzian.

Professions libérales M. Capdeville, Mmes gondard-Argenti, riquier-sauvage.

UNAF Mme Basset, MM. damien, Farriol, Feretti, Fondard, Joyeux, Mmes Koné, therry.

UNSA Mme dupuis, MM. grosset-Brauer, rougier.

ont voté contre : 4

Personnalités qualifiées M. Baudin, Mme dussaussois, M. Lucas, Mme du roscoät.

se sont abstenus : 21

CGT-FO M. Bellanca, Mme Boutaric, M. Chorin, Mme Fauvel, MM. Hotte, Lardy,

Mme Medeuf-Andrieu, M. Peres, Mme Perrot, M. Porte, Mme thomas, M. veyrier.

Coopération Mme de L’estoile.

Personnalités qualifiées Mme Ballaloud, M. Corne, Mme el okki, MM. gall, guirkinger, Khalfa, Mme d’ormesson,

M. de russé.

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Les iNégALités à L'éCoLe – 55

Liste des personnes auditionnées

3M. Patrick Baranger

Ancien Vice-président de la Conférence des directeurs d’IUFM et ancien Directeur de l’IUFM de

Lorraine

3M. Choukri Ben Ayed

Sociologue, Professeur à l’Université de Limoges et Chercheur au GRESCO et M. Syvain

Broccolichi, Sociologue, Maître de conférences à l’Université d’Artois et Chercheur au

laboratoire RECIFES

3M. Pascal Besson

Principal du Collège Condorcet de Nîmes

3M. Jean-Michel Blanquer

Directeur général de l’enseignement scolaire accompagné de M. Guy Waiss, Chef de service et

adjoint au Directeur général

3M. Marc Douaire

Directeur de l’Observatoire des zones prioritaires

3Mme Marie Duru-Bellat

Professeur de sociologie à Sciences-Po Paris

3M. Eric Favet

Secrétaire général adjoint de la ligue de l’enseignement

3M. Régis Felix

Responsable du réseau « école » d’ATD Quart Monde et auteur de l’ouvrage Le principal y nous

aime pas

3M. Christian Forestier

Administrateur général du Conservatoire national des Arts et Métiers (CNAM)

3M. Marc Ozanne

Directeur d’école dans l’académie de Versailles

3M. Paul Robert

Principal du collège Lou Redounet d’Uzès et auteur de l’ouvrage La Finlande : un modèle

éducatif pour la France

3Mme Agnès Van Zanten

Chercheur à l’Observatoire sociologique du changement de Sciences-Po Paris

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56 – Avis du CoNseiL éCoNoMiQue, soCiAL et eNviroNNeMeNtAL

Liste des personnes entendues

3Mme Nicole d’Anglejan

Directrice du pôle « Formation des jeunes » (Les apprentis d’Auteuil)

3Mme Marianne Baby

Secrétaire générale adjointe du SNUipp-FSU (Syndicat national unitaire des instituteurs et professeurs des écoles et PEGC de la FSU)

3M. Choukri Ben Ayed

Sociologue-Professeur à l’Université de Limoges et chercheur au GRESCO

3M. Luc Bentz

Secrétaire national de l’UNSA Education, Secrétaire général du Centre Henri Aigueperse

3Mme Cécile Blanchard

Chargée de mission de la Fédération des conseils de parents d’élèves à la (FCPE)

3M. Stéphane Bonnery

Universitaire en science de l’éducation, enseignant à Paris 8 au sein de l’équipe ESSI (Education Socialisation Subjectivation Institution) E.SCOL

3M. Sylvain Broccolichi

Sociologue Maître de conférences à l’Université d’Artois Chercheur au laboratoire RECIFES

3M. Thierry Cadart

Secrétaire général du SGEN CFDT

3M. Eric Charbonnier

Statisticien à l’OCDE

3Mme Pascale de Charentenay

Responsable « formations et vie scolaire »à l’ARŒVEN de Gironde (Associations Régionales des Œuvres Educatives et de vacances de l’Education nationale)

3M. François Content

Directeur général des Apprentis d’Auteuil

3Mme Stéphanie Deloy

Membre du Bureau national du SNEP FAEN

3Mme Chantal Demonque

Secrétaire nationale du SGEN-CFDT

3Mme Dominique Dhooge

Chargée de mission à l’APEL et membre du CESR Ile-de-France pour l’APEL

3M. Philippe Douvier

Membre du Bureau du SCENRAC-CFTC

3M. Vincent Dumas

Membre du Conseil du SCENRAC CFTC et professeur de collège

3M. René Gardan

Secrétaire national de la FEP-CFDT

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Les iNégALités à L'éCoLe – 57

3M. Vincent Gavant

Membre de la CSEN (Confédération syndicale de l’éducation nationale)

3Mme Priscille Garet

Chargée de Mission auprès du Directeur général (Les Apprentis d’Auteuil)

3M. Marc Geniez

Co-secrétaire général de la Fédération autonome de l’éducation nationale (FAEN)

3M. Franck Girard

Président de l’USERD-CFE-CGC (Union syndicale enseignement, recherche et développement) de la CFE CGC

3Mme Bernardette Groisan

Secrétaire générale de la FSU

3Mme Claire Krepper

Secrétaire nationale « Éducation » du Syndicat des Enseignants UNSA

3Mme Isabelle Lacaton

Secrétaire départementale (91) « d’Avenir École » CFE-CGC et Membre du Conseil supérieur de l’Éducation CFE-CGC

3Mme. Eunice Mandago-Lunet

Directrice déléguée de l’AFEV (Association de la Fondation étudiante pour la ville)

3Mme Pascale Massicot

Secrétaire de la section « enseignants » du SCENRAC CFTC

3Mme Claire Mazeron

Vice-présidente de la CSEN

3M. Francis Moreau

Secrétaire national de la FEP-CFDT

3M. Christophe Paris

Directeur de l’AFEV (Association de la Fondation étudiante pour la ville)

3M. Patrice Patula

Secrétaire général de la FCPE

3Mme Lydia Popov

Responsable du secteur collège à la Fédération autonome de l’éducation nationale (FAEN)

3M. Michel Quere

Directeur de la DEPP au ministère de l’Éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative

3M. Michel Richard

Secrétaire général adjoint du Syndicat National des Personnels de Direction de l’Éducation Nationale (SNPDEN UNSA)

3Mme Frédérique Rolet

Secrétaire générale du SNES FSU

3M. Guy Vauchel

Secrétaire national du SGEN-CFDT

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58 – Avis du CoNseiL éCoNoMiQue, soCiAL et eNviroNNeMeNtAL

3Mme Sophie Vayssettes

Statisticienne au sein du programme PISA (OCDE)

3Mme Céline Vivier

Secrétaire nationale du SNEP FAEN

3M. Pablo Zoido

Responsable des rapports thématiques PISA (OCDE)

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Les iNégALités à L'éCoLe – 59

Table des sigles

AFev Association de la fondation étudiante pour la villeAN Assemblée nationaleAPeL Association des parents d’élèves de l’enseignement libreArŒveN Associations régionales des œuvres éducatives et de vacances

de l’éducation nationaleB2i Brevet informatique et internetBeP Brevet d’études professionnellesBePC Brevet d’études du premier cycleBit Bureau international du travailCAP Certificat d’aptitude professionnelleCAPes Certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement

du second degréCArveJ Contrat d’aménagement des rythmes de vie de l’enfant

et des jeunesCAte Contrat d’aménagement des temps de l’enfantCdi Contrat à durée indéterminéeCe2 Cours élémentaire 2ème annéeCeg Collège d’enseignement généralCeL Contrat éducatif localCerC Conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion socialeCereQ Centre de recherche sur l’emploi et les qualificationsCes Collège d’enseignement secondaireCes Conseil économique et socialCese Conseil économique, social et environnementalCesr Conseil économique et social régionalCet Centre d’enseignement techniqueCFdt Confédération française démocratique du travailCLAir Collèges et lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussiteCLAs Contrat local d’accompagnement scolaireCLiPA Classe d’initiation préprofessionnelle en alternanceCLs Contrat local de sécuritéCM1 Cours moyen 1ère annéeCM2 Cours moyen 2ème annéeCP Cours préparatoireCPA Classe de préparation à l’apprentissageCPPN Classe pré-professionnelle de niveauCseN Confédération syndicale de l’éducation nationaleCtL Contrat temps libre

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60 – Avis du CoNseiL éCoNoMiQue, soCiAL et eNviroNNeMeNtAL

CuCs Contrats urbains de cohésion socialeCv Contrat villedeA diplôme d’études approfondiesdePP direction de l’évaluation, de la prospective

et de la performancedePP direction de l’éducation permanentedess diplôme d’études supérieures spécialiséesdgesCo direction générale de l’enseignement scolairediMA dispositif d’initiation aux métiers en alternancedNB diplôme national du brevetdoM département d’outre-mereCLAir écoles, collèges et lycées pour l’ambition, l’innovation

et la réussiteeNi écoles normales d’instituteurseNNA écoles normales nationales d’apprentissageesCs Index of Economic, Social and Cultural Statuseu European UnionFAeN Fédération autonome de l’éducation nationaleFCPe Fédération des conseils de parents d’élèvesFeP-CFdt Fédération de la Formation et enseignement privé de la CFdtHCe Haut conseil de l’éducationHse Heures supplémentaires effectivesidd itinéraires de découverteieN inspecteur de l’éducation nationaleiNed institut national d’études démographiquesiNsee institut national de la statistique et des études économiquesiPr inspecteur pédagogique régionalireA-sgeN institut de recherches, d’études et d’animation sgeNiredu institut de recherche sur l’éducation - université de BourgogneiuFM instituts universitaires de formation des maîtresJAdP Journée d’appel à la préparation de la défenseM1 Master première annéeM2 Master deuxième annéeMAFPeN Mission académique à la formation des personnels

de l’éducation nationaleMFr Maisons familiales ruralesoCde organisation de coopération et de développement

économiquesŒr observatoire de l’école ruraleoive observatoire international de la violence à l’écoleors obligations règlementaires de servicePCs Professions et catégories socioprofessionnelles

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Les iNégALités à L'éCoLe – 61

PeeP Fédération des parents d’élèves de l’enseignement publicPirLs Progress In International Reading and Literacy StudyPisA Program for International Student AssessmentPPre Programme personnalisé de réussite éducativePre Programme de réussite éducativerAr réseau ambition réussiterAsed réseau d’aide spécialisée aux élèves en difficultéreP réseau d’éducation prioritairergPP révision générale des politiques publiquesrPi regroupement pédagogique intercommunalrrs réseau de réussite scolairesCeNrAC-CFtC syndicat CFtC de l’éducation nationale, de la recherche

et des affaires culturellessegPA section d’enseignement général et professionnel adaptésgeN-CFdt syndicat général de l’éducation nationale CFdtsNCL-FAeN syndicat national des collèges et lycées de la Fédération

autonome de l’éducation nationalesNeP-FAeN syndicat national des écoles publiques de la Fédération

autonome de l’éducation nationalesNes-Fsu syndicat national des enseignants du second degré FsusNPdeN syndicat national des personnels de direction

de l’éducation nationalesNuipp-Fsu syndicat national unitaire des instituteurs et professeurs

des écoles et PegC de la FsutiC technologies de l’information et de la communicationtiCe technologies de l’information et de la communication

pour l’enseignementue union européenneuNAF union nationale des associations familialesuNiCeF United Nations of International Children’s Emergency FunduNsA union nationale des syndicats autonomesuNss union nationale du sport scolaireusA United States of AmericauserdCFe-CgC union syndicale enseignement, recherche et développement

de la CFe-CgCZeP Zone d’éducation prioritaire

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Imprimé par la direction de l’information légale et administrative, 26, rue Desaix, Paris (15e) d’après les documents fournis par le Conseil économique, social et environnemental

No de série : 411110009-000911 – Dépôt légal : septembre 2011

Crédit photo : direction de la communication du Conseil économique, social et environnemental

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POUR LE PROGRÈS ÉCONOMIQUE, SOCIAL

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MM. Bernard Guirkinger et Guy Vasseur

Septembre 2011

Consulté par le Premier ministre sur les priorités affichées en matière sociale par la présidence française du G20, le Conseil économique, social et environnemental se veut porteur dans sa réponse d’un message fort articulé autour d’une double conviction : la croissance doit être au service du bien-être de l’humanité, les décideurs politiques doivent se repositionner en première ligne et reprendre la conduite de la mondialisation.

L’établissement de plus de cohérence entre les politiques économiques, sociales et environnementales, de plus de justice sociale et d’une meilleure gouvernance pour rétablir la confiance entre les citoyens et les acteurs économiques et financiers est au cœur des préconisations de notre assemblée.

Retrouvez l’intégralité de nos travaux sur

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Les inégalités à l’école

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M. Xavier Nau

Septembre 2011

Notre système éducatif peine aujourd’hui à remplir sa fonction intégratrice. Un grand nombre

de situations d’échec se révèlent pendant la scolarité obligatoire et les inégalités de réussite sont

très nettement corrélées aux inégalités sociales et culturelles des familles. L’école ne parvient plus

à atténuer ces inégalités de départ et tend même à les accentuer entre le début du primaire et

la fin du collège.

Afin de rester fidèle à son objectif d’émancipation des personnes par le savoir et la formation,

l’école doit renouer avec une ambition éducative pour tous, en assurant un enseignement de

qualité sur l’ensemble du territoire. Tel est le sens des propositions du Conseil économique, social

et environnemental.

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M. Xavier Nau

Septembre 2011

Notre système éducatif peine aujourd’hui à remplir sa fonction intégratrice. Un grand nombre

de situations d’échec se révèlent pendant la scolarité obligatoire et les inégalités de réussite sont

très nettement corrélées aux inégalités sociales et culturelles des familles. L’école ne parvient plus

à atténuer ces inégalités de départ et tend même à les accentuer entre le début du primaire et

la fin du collège.

Afin de rester fidèle à son objectif d’émancipation des personnes par le savoir et la formation,

l’école doit renouer avec une ambition éducative pour tous, en assurant un enseignement de

qualité sur l’ensemble du territoire. Tel est le sens des propositions du Conseil économique, social

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M. Xavier Nau

Septembre 2011

Notre système éducatif peine aujourd’hui à remplir sa fonction intégratrice. Un grand nombre

de situations d’échec se révèlent pendant la scolarité obligatoire et les inégalités de réussite sont

très nettement corrélées aux inégalités sociales et culturelles des familles. L’école ne parvient plus

à atténuer ces inégalités de départ et tend même à les accentuer entre le début du primaire et

la fin du collège.

Afin de rester fidèle à son objectif d’émancipation des personnes par le savoir et la formation,

l’école doit renouer avec une ambition éducative pour tous, en assurant un enseignement de

qualité sur l’ensemble du territoire. Tel est le sens des propositions du Conseil économique, social

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2011-09

NOR : CESL1100009X

Mardi 27 septembre 2011

JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Mandature 2010-2015 – Séance du 13 septembre 2011

Question dont le Conseil économique, social et environnemental a été saisi par décision de son bureau en date du 22 février 2011 en application de l’article 3 de l’ordonnance no 58-1360 du 29 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental. Le bureau a confié à section de l'éducation, de la culture et de la communication la préparation d’un avis et d’un rapport sur Les inégalités à l'école. La section de l’éducation, de la culture et de la communication, présidée par M. Philippe da Costa, a désigné M. Xavier Nau comme rapporteur, ce rapport complétant l’avis 2011-09 adopté le mardi 13 septembre 2011.

Les inégaLités à L'écoLe

Rapport du Conseil économique, social et environnemental

présenté par M. Xavier Nau, rapporteur

au nom de la section de l'éducation, de la culture et de la communication

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2 – RaPPORt du CONSEiL éCONOMiQuE, SOCiaL Et ENviRONNEMENtaL

Sommaire

■ Introduction ________________________________5

■ Savoir d’où l’on vient _________________________6

� Les succès de la modernisation du système éducatif jusqu’au tournant des années 1990 6

Ê Le système scolaire s’est adapté aux transformations de l’économie et de la société. 6

Ê une longue progression de la scolarité et du niveau de diplôme 8

Ê des effets positifs sur les destins professionnels 13

� Un essoufflement voire un sentiment d’échec 14

Ê un malaise multiforme déjà ancien 15

Ê Sans diplôme un avenir professionnel très compromis 15

Ê Le grand malentendu sur les missions de l’école 18

� La difficile mise en place du collège unique 19

Ê une réforme inaboutie 19

Ê L’école du « code sériel » à l’épreuve de la massification 20

■ De fortes inégalités, un échec scolaire massif ________________________ 20

� Un échec scolaire qui reste massif 21

Ê La réussite de tous : une ambition déçue 21

� L’école et le collège ne fonctionnent bien que pour la moitié des élèves 25

Ê Quatre élèves sur dix en difficulté en fin de primaire 25

Ê des résultats qui ont tendance à baisser, surtout pour les élèves les plus fragiles 25

Ê Le collège reproduit et aggrave les inégalités scolaires apparues en primaire 26

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LES iNégaLitéS à L'éCOLE – 3

Ê Ce qu’il faut surtout retenir, à ce stade, de l’enquête internationale PiSa 28

� Inégalités scolaires et inegalités sociales 34

Ê des disparités selon l’origine sociale des élèves toujours très présentes 34

Ê L’enquête PiSa confirme la faible capacité du système éducatif français à atténuer les effets du milieu social 40

Ê un climat scolaire médiocre facteur d’aggravation des inégalités 42

Ê des inégalités selon l’origine 44

� Inégalités selon le genre 47

� Géographie des inégalités scolaires 49

Ê Les principales fractures territoriales 49

Ê La déstabilisation des collèges des secteurs les plus populaires 52

Ê L’école est plus en difficulté dans les grandes agglomérations 55

Ê L’école rurale : des résultats plutôt bons 60

■ Un pilotage politique qui manque de force et de constance ____________ 63

� Des réformes peu ou pas appliquées 63

Ê une mise en œuvre laborieuse et insuffisante des cycles à l’école 64

Ê Le socle commun : une réponse véritable discréditée par une mise en œuvre hésitante et confuse 66

� Une gestion des personnels enseignants inadaptée au contexte et à la hauteur des enjeux éducatifs 74

Ê L’exercice du métier entre passion et désenchantement 74

Ê une formation initiale des enseignants largement déficiente et une réforme conduite depuis 2008 sans objectif clair et dans de très mauvaises conditions 75

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4 – RaPPORt du CONSEiL éCONOMiQuE, SOCiaL Et ENviRONNEMENtaL

Ê L’enseignement change dans un cadre qui demeure trop rigide. 77

Ê des choix actuels essentiellement axés sur un objectif budgétaire et qui obèrent les perspectives de réforme véritable 81

� Une politique d’éducation prioritaire intermittente et peu lisible 82

Ê Les politiques d’éducation prioritaire : une histoire déjà longue, un bilan nuancé 82

Ê Les principales difficultés de l’éducation prioritaire 84

Ê L’assouplissement de la carte scolaire : une fragilisation accrue des établissements des quartiers défavorisés 87

� Une intégration difficile des parents et des acteurs locaux 89

Ê une place encore réduite pour les parents 89

Ê Le partenariat avec les collectivités locales et les associations 91

Ê Le rôle essentiel des collectivités territoriales 92

■ Conclusion _________________________________ 93

Liste des personnes auditionnées dans le cadre de la saisine sur Les inégalités à l’école ________________________ 95

Liste des personnes entendues dans le cadre de la saisine sur Les inégalités à l’école ________________________ 96

Table des sigles _______________________________ 99

Bibliographie ________________________________ 102

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LES iNégaLitéS à L'éCOLE – 5

Les inégaLités à L'écoLe

introductionde nombreux enfants se trouvent, à l’école et au collège, en situation d’échec. Pour

eux, les objectifs fondamentaux de la scolarité obligatoire, tels que définis par le code de l’éducation (article L.111-1), ne sont pas atteints. Et pourtant, notre système éducatif a pour mission de préparer l’insertion de tous les individus de chaque génération dans la vie sociale et professionnelle et de leur permettre d’exercer pleinement leur citoyenneté.

Lorsque ces enfants quitteront le système éducatif, ils n’auront pas la maîtrise suffisante de la langue nationale, parlée et écrite, théoriquement garantie. ils n’auront pas non plus acquis la « culture générale » et la « qualification reconnue », en principe « assurées à tous les jeunes, quelle que soit leur origine sociale, culturelle ou géographique ». dans ces conditions, le partage « des valeurs de la République » sera loin de leur être facilité.

Par la mention de « l’origine sociale, culturelle, géographique », le législateur identifie un élément fondamental du projet éducatif : exercer une action compensatrice afin d’éviter une reproduction aveugle des inégalités sociales et culturelles dans le cadre scolaire. il prévoit encore que « le service public de l’éducation est conçu et organisé en fonction des élèves et des étudiants ». Cette disposition disqualifie en principe une offre scolaire trop homogène dans ses méthodes et conduit, en revanche, à la prise en compte dans l’enseignement, de la diversité des élèves dans la classe et entre les établissements.

C’est donc au regard de l’objectif consistant à fournir aux jeunes les instruments de leur intégration sociale et de la construction de leur avenir personnel que les inégalités à l’école doivent être envisagées. dans la poursuite de cet objectif, au bénéfice de tous les jeunes, le système éducatif est lui-même confronté aux tensions et clivages sociaux de la société. il est sans doute plus facile pour l’école d’assurer des chances de réussite lorsque les inégalités entre les groupes sociaux sont limitées que lorsque la société est elle-même fortement inégalitaire.

Pourtant, ce rapport entre l’école et la société n’a rien de déterministe et un certain degré d’autonomie revient au système éducatif qui peut, à ce titre, être mobilisé pour agir sur son environnement. Comme l’ont montré François dubet, Marie duru-Bellat et antoine vérétout, dans un ouvrage récent, école et société entretiennent des relations très complexes qui s’inscrivent dans des processus dynamiques. La première est rarement l’exact reflet de la seconde. L’école peut être moins inégalitaire que ce qui l’entoure mais à l’inverse le risque qu’une école fasse, dans ce domaine, moins bien que la société dans son ensemble est aussi bien présent.

En France, l’éducation est un objet difficile, souvent polémique, du débat public. Les acteurs du système (enseignants, représentants des parents d’élèves, collectivités territoriales, état…) en pointent régulièrement les difficultés mais divergent souvent sur les réponses à y apporter. depuis la fin des années 1950, lorsque l’enseignement secondaire a entamé sa mue démocratique, sa massification préféreront dire certains, les projets de réforme se sont succédés sans toujours pouvoir aboutir. au total, sur toute cette période, domine l’impression d’un fort dissensus et d’un pilotage erratique qui semble parfois aller à l’encontre des objectifs officiellement poursuivis.

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6 – RaPPORt du CONSEiL éCONOMiQuE, SOCiaL Et ENviRONNEMENtaL

L’adaptation de la base de notre système éducatif aux besoins d’une société moderne et démocratique est à l’évidence loin d’être achevée et cet inachèvement, source de multiples incohérences, nuit gravement à l’efficacité de l’école et du collège qui ont aujourd’hui les plus grandes difficultés à ne pas systématiquement reproduire, voire accentuer, les inégalités présentes dans la société.

Le Conseil économique, social et environnemental a déjà souligné, à plusieurs reprises, dans la période récente, l’urgence d’agir. En 2002, dans un rapport et avis intitulé « Favoriser la réussite scolaire », il identifiait déjà la perpétuation des déterminismes comme une des grandes faiblesses de notre école. « L’effort de démocratisation, en dépit des politiques volontaristes des ministres de l’éducation nationale, n’a pas réussi à vaincre les inégalités socio-économiques, territoriales et sexistes. Le système est resté subrepticement sélectif derrière des orientations affichées de réussite pour tous » était-il alors écrit.

En 2004, à l’occasion d’un avis rendu à la demande du Premier ministre, le Conseil a soutenu le principe de l’acquisition par tous les élèves d’un socle commun de connaissances et de compétences et la rénovation des contenus et des méthodes d’apprentissages qui devaient en découler.

En 2009, dans un avis sur l’éducation civique, il soulignait la grande difficulté de la transmission, dans le cadre de l’école, des valeurs civiques indispensables à la cohésion de la société.

En dépit d’axes forts tracés par les pouvoirs publics, comme en 1989 et en 2005, l’esprit des réformes semble souvent se perdre dans les conditions de leur mise en œuvre au point que la question des inégalités, pourtant déjà clairement posée il y a dix ans, revêt aujourd’hui une dimension plus préoccupante encore.

savoir d’où l’on vient

Les succès de la modernisation du système éducatif jusqu’au tournant des années 1990

Ê Le système scolaire s’est adapté aux transformations de l’économie et de la société.dans les années 1950, l’école, encore structurellement inégalitaire, sélectionnait très tôt

les élèves. au sein d’une même génération, les enfants connaissaient des destins scolaires très différents fortement déterminés par leur origine sociale.

une majorité d’enfants particulièrement ceux des ouvriers et des paysans fréquentaient l’enseignement primaire qu’ils quittaient dès l’âge de 13 ou 14 ans, sans aucune qualification. Cette école qui était encore assez largement celle de Jules Ferry continuait d’offrir au plus grand nombre une formation minimale. Cette courte scolarité (6 années) et le bagage scolaire qui en résultait, suffisaient à une économie où le travail physique occupait toujours une grande place que ce soit dans le cadre taylorien des industries alors les plus modernes ou dans celui plus traditionnel d’activités reposant sur la transmission de tours de main et de savoir-faire en dehors de l’école. à côté de la diffusion des savoirs fondamentaux,

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LES iNégaLitéS à L'éCOLE – 7

l’enseignement primaire, destiné aux masses populaires des campagnes et des villes visait aussi une éducation morale et à forger un sentiment d’appartenance nationale.

« L’enseignement secondaire » quant à lui restait destiné à une élite. il constituait un enseignement complet et recevait la plus grande partie de ses élèves dès sept ou huit ans. Cette situation perdurera dans ses grandes lignes jusque dans les années 1960.

toutefois, à la fin du XiXè siècle et au début du suivant, cette école en s’adressant à la totalité de la population a constitué un incontestable progrès démocratique. ultérieurement, des évolutions, encore assez timides, ont aussi favorisé un début de mobilité sociale. L’ouverture progressive du primaire supérieur a ainsi permis dans l’entre-deux guerre à une fraction des élèves, souvent issus du monde rural, d’accéder à de nouveaux emplois, essentiellement urbains, dans l’industrie et les administrations publiques ou privées1.

Sans nier ces apports fondateurs de l’instruction primaire, il faut cependant se rendre à l’évidence : l’école de la méritocratie et de l’excellence républicaine donnant aux élèves des chances égales de réussite n’a jamais existé et relève de notre imaginaire collectif. il n’y a pas eu d’âge d’or de l’enseignement en France et il n’aurait pas été suffisant de perpétuer le système ancien pour répondre aux besoins éducatifs de la société plus urbaine, plus riche et plus complexe qui émerge après la seconde guerre mondiale.

ainsi, les élèves nés dans les années 1950 faisaient encore l’objet d’une sélection précoce et ne bénéficiaient pour la plupart que d’une scolarité courte. a l’issue de l’école primaire, 15 % d’entre eux poursuivaient une scolarité secondaire dans les lycées qui représentaient alors la voie royale ; dans une proportion équivalente, ils intégraient un cours complémentaire pour obtenir le brevet, le reste, soit quelque 70 %, rejoignaient une classe de fin d’étude ou redoublaient jusqu’à l’âge de fin de scolarité obligatoire2.

au tournant des années 1950 et 1960, dans le cadre de la planification, l’analyse et l’anticipation des besoins de formation de la population dans une économie en forte croissance conduisirent les pouvoirs publics à lancer les premières réformes d’où devait naître l’organisation scolaire que nous connaissons aujourd’hui 3. Les ivème et vème plans (couvrant respectivement les périodes 1962-1965 et 1966-1970) firent de l’investissement éducatif une priorité devant permettre « la démocratisation de l’enseignement » qui devait elle-même servir le développement économique et « la promotion sociale ».

un effort considérable de construction et de modernisation des infrastructures scolaires fut programmé pour permettre l’application de la loi Berthoin, adoptée en 1959, sur le report de l’âge de fin de scolarité de 14 à 16 ans. Cet allongement du temps passé à l’école devait conduire à « la généralisation d’un enseignement moyen ouvert à tous les enfants »4 ; les programmes d’équipements scolaires des années 1960 étaient ainsi en grande partie orientés vers la mise en place de Collèges d’enseignement secondaire (CES) et de Collèges d’enseignement technique (CEt).

Consultés sur les lois de plan, le Conseil économique et social soulignait « l’urgence des problèmes de qualification de main d’œuvre » et considérait que « à l’équilibre quantitatif de

1 Jean-Michel Chapoulie, Mutations de l’institution « éducation nationale » et inégalité à l’école : une perspective historique Les temps modernes, n°637-639, 2006, pp. 9-83.

2 Eric Maurin, La nouvelle question scolaire. Les bénéfices de la démocratisation. Editions du Seuil, 2007, pp.101-108. Sur la nostalgie de l’école « à l’ancienne » se reporter à l’intervention de François dubet devant le Forum Retz sur

les enseignants du premier degré, tenu à Paris, le 9 mars 2011.3 travaux prospectifs de la commission de la main d’œuvre du Commissariat général du plan en 1965.4 avis du Conseil économique et social sur le projet de rapport général sur le vème plan, JO du 14 octobre 1965.

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8 – RaPPORt du CONSEiL éCONOMiQuE, SOCiaL Et ENviRONNEMENtaL

l’emploi devait correspondre un ajustement qualitatif » par la formation5. Pour y parvenir et conduire la démocratisation scolaire, il préconisait de mettre l’accent sur le développement de la filière technique et de la porter à un niveau de qualité et de reconnaissance équivalent à celui de la filière générale, en réunissant les deux filières dans les mêmes lycées et en ouvrant les spécialités techniques sur l’enseignement supérieur.

dans la décennie 1960, les conditions d’une prolongation de la scolarité de la très grande majorité des enfants au-delà de l’école élémentaire, avec en perspective l’obtention de diplômes à finalité professionnelle (CaP, BEP) ou sanctionnant un niveau d’études générales (BEPC, baccalauréat), ont donc été réunies.

toutefois, le problème des jeunes de 14 à 17 ans qui selon les termes même du vème plan « ne reçoivent aucune formation autre que celle de l’enseignement du premier degré », autrement dit la question des jeunes sans diplôme ni qualification, était déjà un sujet de préoccupation et le Conseil économique et social interrogeait les représentants du Commissariat au Plan, sur le type de formation et d’orientation professionnelles qui pourrait leur être proposé6.

ÊUne longue progression de la scolarité et du niveau de diplôme

Ascension, apogée et disparition du certificat d’études

Jusqu’aux années 1950, l’essentiel de l’amélioration des qualifications de la population française s’était donc appuyé sur l’effort entrepris depuis Jules Ferry pour doter tous les Français d’une formation minimale. La lente augmentation des lauréats du certificat d’études primaires témoignait de cet effort.

Créé en 1866 par victor duruy, ministre de l’instruction publique, généralisé et rendu obligatoire par Jules Ferry entre 1880 et 1882, le certificat d’études consacrait, dans les milieux populaires, une réussite tout-à-fait exceptionnelle à l’issue de l’école communale. En 1880, seulement 8 % des jeunes français l’obtenaient. La proportion de lauréats par génération s’est ensuite élevée lentement : elle était de l’ordre de 12 % vers 1900, de 30 % à la fin des années 1920. Juste avant la disparition de l’examen, en 1964-65, le pourcentage des lauréats culminait à 54 %. C’était pourtant le chant du cygne. La présentation du certificat d’étude primaire n’était pas nécessaire pour poursuivre une scolarité secondaire et, dès cette époque, nombre d’élèves envisageaient directement le BEPC.

De moins en moins de personnes sans diplôme

Le mouvement d’élévation des diplômes s’est fortement accéléré sous la vème République comme l’ont montré Christian Baudelot et Roger Establet à partir de l’observation de la structure de la population active entre 1962 et 1987.

Parmi les actifs, la part des sans diplôme et seuls titulaires du certificat d’études primaires (qui, dans les faits cesse d’exister en 1970) a été divisée par deux en 25 ans passant de 80 à 40 %. Cette diminution est particulièrement spectaculaire puisque l’on raisonne ici sur des stocks, plusieurs générations étant représentées dans la population active.

5 avis du Conseil économique et social sur le ivème plan national de développement, JO du 12 décembre 1961. avis du Conseil économique et social sur les principales options du vème plan, JO du 13 novembre 1964.

6 avis sur le projet de rapport général sur le vème plan, précité.

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LES iNégaLitéS à L'éCOLE – 9

à l’inverse, la part des détenteurs d’un diplôme égal ou supérieur au baccalauréat dans

la population active a crû fortement, en particulier pour les femmes. En 1987, un quart des

femmes actives avaient un diplôme égal ou supérieur au baccalauréat contre moins de 10 %

vingt cinq ans auparavant. Mais la caractéristique principale de cette période réside dans

l’augmentation de la part des titulaires de diplômes sanctionnant une formation technique

(CaP et BEP) qui dépasse 30 % des actifs en 1987.

Si l’on s’intéresse aux flux, en comparant le niveau de diplôme de chaque classe d’âge,

la progression, cette fois enregistrée en moins de vingt ans, est également impressionnante :

43 % des jeunes nés à la fin des années 1940 ont achevé leur scolarité sans avoir obtenu

de diplôme (autre que le certificat d’étude) ; ce chiffre tombe à moins de 30 % pour les

générations nées dans la première moitié des années 19607.

tableau 1 : évolution de la structure des diplômes de la population masculine au fil des générations nées entre 1946 et 1965

génération née en … (en %)

1946 1956 1965

non diplômés 43 36 29

caP / BeP 30 35 38

Baccalauréat 10 11 11

Bts / DUt 5 6 9

cycle 1 universitaire 1 2 2

cycle 2/3 universitaires 7 7 6

grandes écoles 1 4 5

totaL 100 100 100

Source : Enquêtes Emplois, M. gurgand et E. Maurin (2006)

La proportion de personnes disposant d’une qualification technique (CaP ou BEP)

a augmenté de 8 points et la proportion de celles disposant d’un diplôme universitaire

technique de 4 points. Les réformes menées dans les années 1960 qui ont permis à la très

grande majorité des élèves de poursuivre leur scolarité dans les collèges ont aussi, pour

l’essentiel, contribué à augmenter la part de la population disposant de formation technique.

Sur une plus longue période, les destins scolaires des jeunes, selon leur origine sociale,

se sont rapprochés. La fin d’une orientation précoce et l’investissement réalisé en faveur

de l’éducation ont considérablement allégé le poids du déterminisme social. En effet, la

moitié des enfants d’ouvriers nés au début des années 1980 obtiennent, 18 à 20 ans plus

tard, le baccalauréat contre 6 % de ceux nés dans les années 1940. La progression a été

particulièrement rapide pour les générations nées entre 1969 et 1978, soit si l’on considère

le moment où elles ont passé l’examen, entre la deuxième moitié des années 1980 et le

milieu des années 19908.

7 Eric Maurin, op. cit.8 L’état de l’école n°20 (édition 2010) pp.66-67.

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10 – RaPPORt du CONSEiL éCONOMiQuE, SOCiaL Et ENviRONNEMENtaL

Les inégalités scolaires ont pu reculer de manière sensible grâce à l’ouverture graduelle

des différentes étapes du cursus scolaire à des fractions plus importantes de la jeunesse. La

montée du collège a été relayée par l’effort considérable réalisé en faveur des lycées et des

premiers cycles de l’enseignement supérieur à la fin des années 1980.

Un allongement progressif des parcours scolaires…

Les jeunes ont d’abord suivi davantage, dans les années 1980, l’enseignement des classes

de 4ème et de 3ème, scellant théoriquement la disparition du palier d’orientation de fin de 5ème

(l’enseignement spécialisé est demeuré cependant, par exemple les classes de SEgPa). ils

se sont ensuite orientés plus souvent vers le second cycle général ou technologique, ont

obtenu de meilleurs résultats au baccalauréat et ont poursuivi en plus forte proportion des

études supérieures. dans le même temps, l’enseignement professionnel a recruté un peu

moins de jeunes, mais plus instruits et en les menant en plus grand nombre au baccalauréat.

ainsi les progrès réalisés entre le milieu des années 1980 et le début des années 2000 ont

été considérables. ils sont d’abord venus parachever la démocratisation de l’enseignement

secondaire dont les fondements matériels avaient été posés dans les années 1960 et la base

institutionnelle installée en 1975 avec la création du collège unique. En 2000, la presque

totalité d’une classe d’âge parvient en classe de 3ème alors que ce n’était encore le cas que

de deux jeunes sur trois en 1985. Environ 10 % commençaient un CaP en fin de 5ème ; 10 %

encore quittaient une 6ème ou une 5ème pour une classe préprofessionnelle de niveau ; 4 %,

en butte à des difficultés d’apprentissage, étaient scolarisés en section d’enseignement

spécialisé.

La proportion de bacheliers dans une classe d’âge a été multipliée par deux en dix ans.

En 1985, un peu moins de 30 % des jeunes obtenaient le baccalauréat ; ils étaient plus de

60 % en 1995 et ce chiffre n’a pas été dépassé depuis lors. La diversification du baccalauréat a

contribué à démocratiser l’accès au secondaire supérieur. à côté des baccalauréats généraux

(aujourd’hui trois séries : économique et sociale, littéraire et scientifique) qui constituent

toujours la voie principale de poursuite d’études supérieures, sont venus s’adjoindre en 1968,

les baccalauréats technologiques (8 séries) qui associent formation générale et formation

technologique, et en 1985 les baccalauréats professionnels qui forment des techniciens,

des employés et des ouvriers très qualifiés dans les diverses spécialités de l’industrie et des

services. Les baccalauréats professionnels ont contribué à 25 % de la progression du nombre

de bacheliers entre le milieu des années 1980 et le milieu des années 19909.

à partir de la fin des années 1970, les familles ont de plus en plus souvent assimilé

une scolarité courte à un risque accru de chômage. Cette tendance a contribué à la montée

quantitative du baccalauréat. L’objectif de « 80 % de chaque classe d’âge au niveau du

baccalauréat » a été plutôt bien accueilli par l’opinion quand il a été énoncé en 1984 puis

repris dans la loi de 1989. une politique volontariste d’allongement des études s’est ainsi

imposée comme une priorité nationale dans un contexte de dégradation de l’emploi des

moins diplômés.

9 Sébastien durier et Pascale Poulet-Coulibando, Formation initiale et diplômes de 1985 à 2002. économie et statistiques n°378-379, 2004, pp.15-33.

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LES iNégaLitéS à L'éCOLE – 11

… accompagné par une diminution du nombre de redoublements surtout à l’école primaire

La diminution du taux de redoublement a aussi accompagné l’allongement de la durée des études et accru pour les élèves les perspectives d’une fin de scolarité sanctionnée par un diplôme. déjà très marquée à l’école élémentaire entre les années 1960 et 1980, portée par la généralisation de la scolarisation en maternelle, la baisse de la fréquence des redoublements s’est poursuivie avec l’instauration des cycles d’apprentissage à la rentrée de 199110. Cette réforme a notamment prévu que la durée passée par un élève dans l’ensemble des cycles, des apprentissages fondamentaux et des approfondissements, ne pouvait en principe être allongée de plus d’un an même si, comme nous le verrons, ces dispositions n’ont été que partiellement et imparfaitement appliquées. En une vingtaine d’années, la proportion d’écoliers qui redoublent une fois dans le primaire a été divisée par deux et les retards scolaires de plus de deux ans sont devenus très rares, de l’ordre de 1 % contre 9 % vingt ans auparavant.

évolution du nombre d’enfants en retard au CP

Evolution du % d'élèves en retard au CP

0,0

5,0

10,0

15,0

20,0

25,0

1960 à1961

1970 à1971

1980 à1981

1985 à1986

1990 à1991

1994 à1995

1999 à2000

années

en %

Un an de retard

Deux ans de retard ouplus

Ensemble

Source : enquête sur les effectifs d’élèves du premier degré. dEP/graphique CESE

La proportion d’élèves en retard en fin de scolarité élémentaire a été ramenée de 52 % à 37 % entre 1960 et 1980 pour diminuer encore de moitié depuis. Les retards ainsi évalués correspondent très majoritairement à des redoublements. L’effet de la mise en œuvre des cycles d’apprentissage au début de la décennie 1990 est particulièrement visible dans le graphique ci-dessous.

10 Jean-Paul Caille, Le redoublement à l’école élémentaire et dans l’enseignement secondaire : évolution des redoublements et parcours scolaires des redoublants au cours des années 1990-2000. éducation & formations - n°69 - juillet 2004, p.79.

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12 – RaPPORt du CONSEiL éCONOMiQuE, SOCiaL Et ENviRONNEMENtaL

évolution du nombre d’enfants en retard en CM2

Evolution du % d'élèves en retard en CM2

0,0

10,0

20,0

30,0

40,0

50,0

60,0

1960 à1961

1970 à1971

1980 à1981

1985 à1986

1990 à1991

1994 à1995

1999 à2000

années

en %

Un an de retard

Deux ans de retard ouplus

Ensemble

Source : enquête sur les effectifs d’élèves du premier degré. dEP/graphique CESE

Les écoliers des milieux défavorisés ont bénéficié de cette évolution. ainsi, les deux tiers des enfants d’ouvriers non qualifiés atteignent en 2005 la sixième à l’heure ou en avance alors que parmi les élèves entrés au cours préparatoire en 1978, moins de la moitié y étaient parvenus 11.

dans le secondaire, les pratiques de redoublement ont connu une évolution beaucoup moins régulière. Entre 1975 et 1985, les redoublements augmentent fortement en lien avec les conditions paradoxales de la mise en œuvre du collège unique (massification sans changement des buts et des méthodes d’enseignement). La hausse est très marquée pour les deux classes qui constituent des paliers d’orientation, la cinquième et la troisième. Cette tendance s’inverse au début des années 1990. La baisse du taux de redoublement est nette après la réforme du collège de 1995.

11 Jean-Paul Caille et Fabienne Rosenwald, Les inégalités de réussite à l’école élémentaire : construction et évolution. in France : portrait social, iNSEE, 2006, pp. 115-137.

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LES iNégaLitéS à L'éCOLE – 13

évolution des taux de redoublement

0,0

2,0

4,0

6,0

8,0

10,0

12,0

14,0

16,0

18,0

1975 à1976

1980 à1981

1985 à1986

1990 à1991

1995 à1996

2000 à2001

rentrée scolaire

en %

SixièmeCinquièmeQuatrièmeTroisième

Source : dEP. graphique CESE

toutefois, en sixième, le nombre de redoublements se maintient à un niveau élevé au début des années 2000, ce qui tendrait à montrer que le passage de l’école élémentaire au collège est effectivement un cap difficile à franchir pour nombre d’élèves12. En revanche, le rebond des redoublements en quatrième, dans un contexte de baisse générale, est plus difficilement explicable.

ÊDes effets positifs sur les destins professionnelsLe prolongement de la scolarité au collège pour tous les élèves et l’unification des

premiers cycles du secondaire ont trouvé une traduction positive bien au-delà de l’affichage du niveau de diplôme atteint par les nouvelles générations.

L’effort réalisé en faveur de l’éducation dans les années soixante, relayé par les mesures de démocratisation de l’accès au lycée dans la deuxième moitié des années quatre-vingt ont effectivement provoqué une amélioration des destins sociaux des bénéficiaires de ces politiques.

Comme le souhaitaient les planificateurs du début des années soixante, l’élévation du niveau de formation a accompagné et favorisé les évolutions structurelles de l’économie et de l’emploi. Entre1970 et 2000, la part d’ouvriers parmi les actifs a considérablement baissé alors que celle des employés d’une part, des cadres et professions intermédiaires d’autre part a augmenté. La croissance de ces catégories socioprofessionnelles s’est effectivement traduite dans une mobilité sociale ascendante pour un certain nombre d’individus par rapport à leurs parents.

12 Jean-Paul Caille, op. cit. 2004, p.80.

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14 – RaPPORt du CONSEiL éCONOMiQuE, SOCiaL Et ENviRONNEMENtaL

à partir de l’analyse générationnelle des cohortes renseignées dans les enquêtes « emploi » de l’iNSEE entre 1982 et 2006, le sociologue Eric Maurin a montré l’existence d’un lien étroit entre les temps forts de la politique éducative et l’amélioration des conditions d’emploi et d’insertion professionnelle

un resserrement sensible de l’éventail des rémunérations entre les salariés les mieux formés (3ème cycles universitaires et, surtout, grandes écoles) et les autres, a ainsi été constaté pour les générations nées entre 1946 et 1964 et doit être principalement attribué à l’effort accompli, dans les années 1960, en faveur des collèges.

La réforme du lycée de la fin des années 1980 avec la création et la montée en puissance du baccalauréat professionnel se serait traduite à la fois par une réduction du chômage à l’issue de la scolarité (« chômage d’insertion ») et une amélioration de la qualité des emplois. Les taux de chômage 2 à 3 ans après la sortie du système éducatif ont diminué de 5 points entre la cohorte née en 1965 et celle née en 1970, passant de 25,5 à 20,5 % et cette baisse a plus fortement bénéficié aux femmes qui profitent aussi plus que les hommes de l’allongement de la scolarité. Pour ce qui est de la nature des emplois, la proportion de jeunes occupant un emploi de cadre ou classé en profession intermédiaire quatre ou cinq ans après la sortie de l’école a connu un accroissement constant à partir des générations nées au milieu des années 1960.

A contrario, un essoufflement de l’effort éducatif global se traduirait par une stagnation, sinon un recul des avantages de la formation, pour les générations concernées. ainsi, toutes choses égales par ailleurs, les évolutions des taux de chômage et d’emploi deviennent moins favorables pour les générations nées à partir du milieu des années 197013.

La modernisation du système éducatif entre 1960 et 1990 présente donc un bilan plutôt flatteur. Elle a accompagné de manière positive les transformations de l’économie et de la société et a contribué à corriger les inégalités de destin en allégeant un peu le poids du déterminisme social.

Cependant, pendant toutes les périodes caractérisées à la fois par l’accroissement des niveaux de formation et de graves difficultés sur le marché du travail, le chômage des moins de 25 ans qui se maintient alors à un niveau élevé, reste concentré sur les jeunes sans diplôme ou très peu diplômés.

Un essoufflement voire un sentiment d’échecà la fin des années 1980, Christian Baudelot et Roger Establet pouvaient décerner ce

satisfecit : « Le système scolaire français assure à sa jeunesse un niveau de formation tout à fait exceptionnel dans le monde. Avec environ 25 % de niveau bac et plus, la France n’est aujourd’hui dépassée que par une demi-douzaine de pays très riches ».

Cette appréciation louangeuse ne serait plus du tout d’actualité en 2011 tant le système paraît à nouveau figé et tant l’école semble dans l’incapacité d’agir positivement sur les trajectoires éducatives et sociales des élèves les plus modestes. Ce présent si difficile sera présenté de manière détaillée dans la deuxième partie. Le doute et le malaise exprimés par les acteurs et les partenaires de l’école bien avant que le blocage actuel du système ne soit constaté, retiendront d’abord notre attention.

13 Eric Maurin, op.cit. pp.129-153.

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LES iNégaLitéS à L'éCOLE – 15

ÊUn malaise multiforme déjà ancienLes acteurs du système éducatif, au premier rang desquels les enseignants, ont éprouvé

très tôt les sérieuses difficultés auxquelles l’institution scolaire est aujourd’hui largement confrontée. dès la fin des années 1970, l’opinion publique a eu conscience des graves défis lancés à l’école qui se traduisaient déjà par une tendance à la concentration de l’échec scolaire dans les établissements des périphéries urbaines dites sensibles, « cités », « quartiers ». il y a 30 ans, bien des enseignants étaient déjà confrontés à une première affectation dans un de ces collèges redoutés où ils se trouveraient désorientés par le comportement peu scolaire d’une partie de leurs élèves. Les problèmes de la gestion des classes et de la grande difficulté à transmettre les savoirs se posent depuis longtemps.

Souvenons-nous que les zones d’éducation prioritaire ont été créées en 1981 précisément pour faire face à des situations encore exceptionnelles.

de nombreux facteurs externes ont assurément leur part dans les difficultés de l’école à la fin du XXème siècle : l’urbanisme, la crise économique et l’augmentation du chômage, les transformations de la famille, la montée d’une « culture » consumériste opposée aux valeurs de l’école et l’effet délétère de la globalisation sur les institutions publiques dont ce n’est pas ici le lieu d’analyser le détail. En revanche, c’est bien la logique interne du système scolaire, telle qu’elle s’est mise en place entre 1960 et 1980, qui doit aussi être interrogée.

Ê Sans diplôme un avenir professionnel très compromisdu point de vue des élèves des milieux les plus modestes - ceux qui ont a priori le

moins de chance de réussir à l’école - et de leur famille, la réalité qui s’impose à partir de la fin des années 1970 est celle de l’absence de diplôme qui rend l’insertion professionnelle compliquée et même de plus en plus compliquée au fil du temps, même si, bien sûr, des cas de réussite professionnelle sans diplôme continuent d’exister.

Certes, comme nous l’avons vu, la part des non diplômés décroît avec la généralisation de la scolarité secondaire.

toutefois, cette décrue est assez lente surtout à partir de 1997...

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16 – RaPPORt du CONSEiL éCONOMiQuE, SOCiaL Et ENviRONNEMENtaL

Proportion de non diplômés et de non qualifiés parmi les sortants de la formation initiale (1990-2044)

Source : CERC, Rapport n°9 : L’insertion des jeunes sans diplôme 2005 / iNSEE-dEPP, Bilans Formation Emploi

Note : une rupture de série intervient en 2002 liée à la nouvelle enquête Emploi.

définitions : les non qualifiés sont les jeunes qui quittent le système scolaire sans avoir atteint l’année terminale de CaP ou de BEP ou la classe de seconde générale ou technologique. un élève peut donc

être réputé qualifié sans avoir obtenu de diplôme.

En 1992, plus de 146 000 jeunes sans diplôme sont entrés dans la vie active, soit 27,5 % de la génération ayant quitté cette année là le système scolaire. ils sont encore 123 000 dans cette situation en 2004.

dans un contexte de montée du chômage de masse, ces non diplômés doivent désormais supporter l’essentiel des difficultés d’insertion.

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LES iNégaLitéS à L'éCOLE – 17

taux de chômage de un à quatre ans après la fin des études, en fonction du niveau de diplôme (1978-2009)

La dégradation de la situation des non diplômés sur le marché de l’emploi est impressionnante. Le taux de chômage des non diplômés passe de 20 % environ à la fin des années 1970 à 40 % en moyenne dans les années 1990-2000. il passe brutalement au dessus de 50 % après la crise financière de 2008.

de surcroît, parmi les jeunes sortis depuis 1 à 4 ans de formation initiale et qui sont en emploi, la proportion de ceux qui occupent un emploi précaire est depuis la fin des années 1980 environ deux fois plus élevé pour les jeunes sans diplôme que pour ceux diplômés du supérieur.

à une époque dans laquelle l’intégration dans la société, l’autonomie et les conditions d’une vie décente, sinon heureuse, ne dépendaient que d’assez loin de la performance scolaire, a donc succédé une autre époque où l’offre scolaire est certes plus généreuse mais où elle conditionne désormais l’insertion même des individus dans la société. Les enjeux de la scolarité n’ont probablement jamais été aussi forts qu’au cours des trente dernières années.

Même si le poids du déterminisme social dans la réussite scolaire s’est allégé pour une grande partie des jeunes français grâce à la démocratisation de l’accès à l’enseignement secondaire, il s’est en revanche accru pour les plus fragiles qui ne parviennent pas à décrocher de diplôme.

d’une part, les évolutions technologiques ont rendu l’emploi peu qualifié moins attractif et ont en outre provoqué la disparition de certaines qualifications ouvrières. d’autre part, avec la montée du chômage, le rôle de signal joué par le diplôme s’est renforcé, si bien que les non diplômés se retrouvent en fin de liste, premières victimes du déclassement des diplômes14.

Le découragement des élèves les plus faibles avec au bout du compte le rejet (parfois violent) d’une scolarité qui ne les mènera à rien trouve là une explication essentielle.

14 Conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale, Un devoir national. L’insertion des jeunes sans diplôme. Rapport n°9, 2005, p. 21.

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18 – RaPPORt du CONSEiL éCONOMiQuE, SOCiaL Et ENviRONNEMENtaL

Même au plus fort du processus de démocratisation scolaire, les plus grandes difficultés

étaient déjà en germe.

Ê Le grand malentendu sur les missions de l’écoledans les sociétés modernes, l’école s’est généralement vue assigner trois grands

objectifs : la transmission des savoirs ; l’éducation des individus en vue de leur socialisation

(enjeu fondamental pour la collectivité) ; la sélection des élèves comme base de leur

distribution dans la hiérarchie professionnelle, et implicitement dans la hiérarchie sociale. La

manière dont ces trois missions sont articulées, l’importance respective qui leur est donnée

ne sont pas sans effet sur l’agencement des inégalités scolaires et des inégalités sociales.

Or, l’absence de choix cohérent de la part des promoteurs des réformes des années

1960 et 1970 a conduit à prolonger la scolarité du plus grand nombre tout en continuant

à confier au système de formation initiale un rôle prépondérant voire quasi exclusif dans

l’attribution des positions sociales. La formation continue et d’autres dispositifs dits de « 2ème

chance » n’ont malheureusement pu desserrer l’étau du déterminisme scolaire de manière à

fluidifier un peu les relations entre les différentes couches de la société. Ce blocage apparaît

d’autant plus crûment qu’en contexte professionnel, ce sont en règle générale les moins

qualifiés qui bénéficient le moins des actions de formation continue.

En France, le processus de sélection a continué à s’appuyer sur des méthodes

d’apprentissage impersonnelles, cloisonnées dans les disciplines et privilégiant l’abstraction.

La mission éducative et intégratrice de la scolarité est ainsi passée largement au second

plan, ce qui n’est peut-être pas sans rapport avec la perception très complexe que la

plupart des familles ont aujourd’hui de l’école, un mélange d’espérance et de doute dont

témoignent, par exemple, les réponses recueillies dans le cadre du sondage sur les services

publics organisé régulièrement par l’institut Paul delouvrier et Bva. Si globalement les

Français identifient l’éducation comme un des principaux problèmes actuels, avec en 2010,

seulement 39 % de bonnes opinions sur le fonctionnement de ce service public, les parents

d’élèves lorsqu’ils sont spécifiquement interrogés sur l’éducation donnée à leurs enfants

se disent satisfaits à 78 %. Mais lorsque le degré de satisfaction des principales attentes

exprimées vis-à-vis des établissements publics d’enseignement est précisément envisagé,

les taux de satisfaction reviennent à un niveau plus modeste : 51 % pour les parents qui

privilégient le fait de transmettre aux enfants un savoir et des connaissances et seulement

41 % pour les élèves qui attendent avant tout que le système éducatif les oriente pour

réussir, favorise leur insertion professionnelle et garantisse une certaine égalité scolaire15.

En définitive, l’éducation nationale a conduit au cours des quarante dernières années

une entreprise très paradoxale : prolonger la scolarité de tous les élèves dans le secondaire

tout en continuant à les sélectionner, de manière plus ou moins avouée, sur la base d’un

style d’enseignement difficilement accessible, de manière directe, aux enfants des milieux

populaires.

Les conditions du passage au collège unique en 1975 quel que fût le bien fondé de la

démarche elle-même, ont poussé jusqu’à son terme cette logique contradictoire.

15 institut Paul delouvrier/Bva, Le baromètre des services publics : les services publics vus par les usagers. 2010, pp.20-30

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LES iNégaLitéS à L'éCOLE – 19

La difficile mise en place du collège unique

ÊUne réforme inaboutieLe passage au collège unique en 1975, avec l’adoption de la loi dite Haby, du nom du

ministre de l’éducation nationale de l’époque, s’inscrivait dans un mouvement général qui a concerné, à partir de la fin des années 1950, la plupart des pays d’Europe du Nord-Ouest. Certains comme la Suède et la Norvège ont précédé la France dans cette voie, tandis qu’au Royaume-uni et en Finlande les réformes furent à peu de choses près contemporaines des nôtres. L’allemagne quant à elle est restée fidèle à son système si particulier dans lequel une sélection précoce s’articule avec une formation duale efficace, elle-même complétée par une formation professionnelle continue qui ne l’est pas moins.

dans tous ces pays, exceptée l’allemagne, le projet consistait à mettre fin à la sélection précoce qui privait la plupart des enfants des milieux populaires d’une scolarité poursuivie dans les mêmes établissements et dans les mêmes classes que ceux des familles plus favorisées.

Les expériences françaises et britanniques furent plus douloureuses et finalement moins abouties. dans ces deux pays, les réformes ont rencontré dans le corps social de très fortes résistances en partie liées au prestige de la formation des élites dans les grammar schools et les lycées. En France la lenteur du processus témoigne des hésitations des pouvoirs publics sur le parti à adopter. Seize années séparent la loi Berthoin qui portait de 14 à 16 ans l’âge minimum de fin de scolarité et jetait les bases du premier cycle du secondaire, de la loi Haby qui créait le collège unique en mettant fin à ce qu’il restait des trois filières d’orientation (enseignement général, collège technique, transition vers la vie active).

Mais le plus lourd de conséquence est le fait que la réforme de 1975 n’ait pas été conduite avec la détermination et la cohérence nécessaires. En effet, l’adaptation de la scolarité et des méthodes d’enseignement au nouveau public, plus nombreux et plus hétérogène, s’est faite très lentement et de manière incomplète dans le cadre officiel. Les équipes enseignantes largement livrées à elles-mêmes dans un contexte radicalement transformé, ont souvent su faire preuve d’imagination et de bonne volonté pour que le système fonctionne vaille que vaille. Mais l’absence de véritable pilotage innovant ne pouvait être compensée par des tentatives d’adaptation locales, par définition très variables, et qui sans soutien réel trouvaient difficilement à se pérenniser. dans bien des cas, le collège unique est finalement resté « un petit lycée » qui a creusé, tant sur le contenu que sur l’organisation des enseignements, le fossé avec l’enseignement primaire16.

Ce qui est à la fois un inachèvement et une contradiction s’est traduit d’abord dans l’importance du nombre de redoublements puis par la reconstitution mal assumée de filières et de classes de niveau au sein même du nouveau collège unique. La réforme a été en partie contournée et les modes de sélection anciens maintenus. avant la fin des années 1980 et l’augmentation rapide du nombre de bacheliers, seules les formations techniques courtes ont continué à se diffuser réellement dans la population.

16 C’est une des principales démonstrations faites par Eric Maurin dans son ouvrage de 2007, précité, La nouvelle question scolaire. Les bénéfices de la démocratisation.

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20 – RaPPORt du CONSEiL éCONOMiQuE, SOCiaL Et ENviRONNEMENtaL

Ê L’école du « code sériel » à l’épreuve de la massificationLe « code sériel » est une notion inventée par Basil Bernstein, sociologue américain dans

les années 1970. Elle est reprise, à propos de la France, par François dubet, Marie duru-Bellat et antoine vérétout dans un ouvrage récent où ils analysent et comparent les relations complexes entre les sociétés et leur école17.

L’école française en donnant la priorité à la transmission, l’initiation aux disciplines et à la culture nationale et en séparant nettement les tâches d’instruction de la « vie scolaire », correspondrait ainsi à la définition du « code sériel », mode d’organisation scolaire dans lequel les matières sont isolées les unes des autres, les savoirs scolaires nettement distingués des savoirs non scolaires, ceci dans un système hiérarchisé où un rythme d’apprentissage précis et uniforme est en principe imposé aux élèves. Ce système s’oppose à celui du « code intégré » caractérisé par un moindre découpage des savoirs et à leur subordination à un projet pédagogique commun pouvant mobiliser les apports de disciplines variées.

avec la France, la Belgique, la Pologne, la Hongrie et, avec des traits très spécifiques, l’allemagne entrent dans le premier cas de figure. La plupart des pays anglo-saxons, les pays scandinaves mais aussi, selon des modalités propres, l’Espagne et l’italie relèvent du « code intégré ».

Pour les élèves français, l’objectif premier est donc l’acquisition de connaissances dont ils doivent faire preuve lors d’examens standardisés. ils sont invités « à travailler seuls et en rang face au tableau ». L’expression n’est pas seulement métaphorique, elle renvoie, aujourd’hui encore, bien souvent, à une réalité physique. « Les valeurs centrales du système sont l’universalisme et le rationalisme et il faut se conformer à des normes venues d’en haut relativement décalées par rapport au contexte local »18.

il s’agit moins dans ce modèle de tenir compte localement de la situation des élèves ou d’individualiser les enseignements mais d’assurer et d’asseoir les processus d’enseignement et d’évaluation, sur des principes abstraits d’égalité et de justice en diffusant à tous, dans les mêmes termes et dans des conditions identiques un savoir présenté comme un instrument de libération et de progrès collectifs.

On conçoit aisément que les qualités de ce système, initialement adapté à la formation académique d’une minorité de Français, aient été mises à rude épreuve par la massification conduite à partir des années soixante. Fortement ébranlé et sans cesse remanié, il ne paraît se maintenir aujourd’hui qu’au prix d’une accentuation des inégalités scolaires et d’un affaissement de sa performance d’ensemble.

De fortes inégalités, un échec scolaire massif« Le droit à l’éducation est garanti à chacun afin de lui permettre de développer sa

personnalité, d’élever son niveau de formation initiale et continue, de s’insérer dans la vie sociale et professionnelle, d’exercer sa citoyenneté. » (Code de l’éducation, L111-1). un tel droit reste certainement aujourd’hui inégalement assuré. Mais où en est le système éducatif français dans la poursuite de l’objectif de la réussite de tous ? En est-il éloigné et surtout quelle est la tendance actuelle ? La dynamique de démocratisation des apprentissages reste-t-elle positive où s’infléchit-elle de manière inquiétante ?

17 François dubet, Marie-duru-Bellat, antoine vérétout, Les sociétés et leur école. Emprise du diplôme et cohésion sociale. Editions du Seuil, 2010, pp.122-125.

18 dubet, duru-Bellat, veretout, op. cit. p.124.

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LES iNégaLitéS à L'éCOLE – 21

Les inégalités de résultats scolaires entretiennent, nous l’avons vu, un rapport pour ainsi dire classique avec les autres inégalités dans la société. S’il s’agit d’un phénomène universel, l’intensité de ce rapport peut varier sensiblement dans le temps et dans l’espace. Elle constitue un indicateur précieux du fonctionnement équitable de l’école dans un projet visant à conforter la cohésion sociale et la démocratie.

Les difficultés de l’éducation s’inscrivent aussi dans une géographie humaine. Les déséquilibres territoriaux d’ordres démographique et économique, entre concentration de populations fragiles en milieu urbain et évolution radicale des milieux ruraux de moins en moins caractérisés par l’activité agricole, sont à l’origine d’immenses défis lancés à l’école. Les inégalités scolaires sont autant de fissures qui passent à l’intérieur des classes mais aussi entre les établissements, les quartiers, les départements, les académies, les régions…

Cette seconde partie, dresse un tableau des inégalités, de la façon la plus « clinique » qui soit. Mais derrière les chiffres, ce sont des histoires humaines qui se jouent, des drames souvent pour ceux qui ne réussissent pas et intériorisent l’image de perdants que l’école leur renvoie d’eux-mêmes. Les personnels des écoles élémentaires et des collèges, enseignants ou non, vivent eux aussi difficilement ces situations d’échec face auxquelles les réponses individuelles sont, à l’évidence, inadaptées.

Un échec scolaire qui reste massif

Ê La réussite de tous : une ambition déçue

Les sorties sans diplôme restent nombreuses

Les sorties sans diplôme sont un des principaux écueils et sans doute le plus apparent sur lequel est venu buter la modernisation du système éducatif entreprise à la fin des années cinquante. Elles se situent aujourd’hui encore à un niveau élevé.

Selon le Centre d’études et de recherche sur les qualifications (CEREQ), 17 % des jeunes ont achevé leur scolarité sans diplôme au cours de l’année 2003-2004, soit 123 000 sur 737 000. d’après les résultats de l’enquête la plus récente, ce taux est même passé à 18 %, pour la génération sortie trois ans plus tard, en 2006-2007. Ces jeunes sont en moyenne âgés de 18 ans lorsqu’ils quittent le système scolaire et ce sont majoritairement (à 62 %) des garçons.

Les non diplômés sont confrontés à de graves difficultés d’insertion professionnelle

En 2010, trois ans après avoir quitté le collège ou le lycée, plus de 33 % des non diplômés sont au chômage et seulement 48 % travaillent. Ces taux étaient respectivement de 28 % et 56 %, en 2007 pour la « génération 2004 ».

Les différences entre diplômés et non diplômés pour l’accès à l’emploi sont marquées. Les non diplômés ont des trajectoires d’insertion plus difficiles que les autres, caractérisées soit par un éloignement durable de l’emploi, soit par une alternance récurrente entre périodes de non emploi et périodes d’emploi. Quand ils sont en emploi, ils sont beaucoup plus souvent recrutés sur des contrats précaires.

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22 – RaPPORt du CONSEiL éCONOMiQuE, SOCiaL Et ENviRONNEMENtaL

Le tableau suivant montre qu’à quelques nuances près, l’accès à l’emploi, dans les trois années qui suivent la sortie du système éducatif (2004+3 et 2007+3), est d’autant plus aisé que le niveau de diplôme est élevé.

tableau 2 : Situation d’activité trois ans après la sortie d’études (pour les « générations » sorties en 2004 et 2007)

Part en emploi(%)

Part au chômage (%) (nb)

taux de chômage (%) (nb)

2004 2007 2004 2007 2004 2007sans diplôme 56 48 28 33 33 40CaP ou BEP 76 70 16 22 17 24Bac professionnel ou technologique

78 75 12 13 13 15

Bac général 62 55 10 13 14 19Bac+2 88 86 7 9 7 9Licence – L3 83 80 6 10 7 11Bac+ 4 * 83 85 9 7 10 8dEa, dESS, M2, école ingénieurs ou commerce

91 88 5 9 5 9

doctorat 91 92 7 5 7 5Ensemble supérieur 87 85 7 9 7 9

total 77 73 13 16 14 18Source : Céreq - enquête 2010 auprès de la « génération 2007 » ;

enquête 2007 auprès de la « génération 2004 »

Champ : ensemble des sortants de formation initiale * évolution non significative résultant avant tout du recul des sorties au niveau M1 dans les universités

(nb) Le taux de chômage est la proportion de jeunes chômeurs sur le nombre de jeunes actifs (en emploi et en recherche d’emploi). La part au chômage est calculée sur l’ensemble des jeunes

de la génération qu’ils soient actifs ou inactifs.

Pour les non diplômés, que l’on considère la part en emploi, la part au chômage ou le taux de chômage (40 % en 2010), l’insertion professionnelle apparaît beaucoup plus difficile que pour les titulaires d’un diplôme de CaP et de BEP (niveau v) et, a fortiori, que pour l’ensemble des diplômés. La part des jeunes qui ne sont ni en emploi, ni au chômage trois ans après leur sortie du système scolaire apparaît en creux dans le tableau ci-dessous. Elle est très élevée pour ceux qui sont dépourvus de diplôme (19 % en 2010 pour la génération 2007), beaucoup moins pour les titulaires de CaP et BEP (8 %) et faible pour les diplômés de l’enseignement supérieur (6 %). Le CEREQ ne peut malheureusement pas encore décrire de façon détaillée ces situations d’inactivité. La forte proportion d’inactifs parmi les sortants titulaires du seul baccalauréat général (32 % en 2010 pour la génération 2007) nous rappelle que ce diplôme a d’abord pour vocation de permettre la poursuite des études dans l’enseignement supérieur.

ils paient aussi un très lourd tribut à la crise avec une diminution de 8 points de leur part dans l’emploi et une augmentation de 7 points de leur taux de chômage. Les diplômés dans leur ensemble résistent évidemment beaucoup mieux même si les évolutions concernant ceux de niveau v sont de même ampleur que celles des non diplômés, ce qui constitue un constat inquiétant.

au regard de la « qualité » ou de la stabilité des emplois occupés dans les trois ans qui suivent la fin de scolarité, la situation des non diplômés s’est dégradée plus fortement que celle de toutes les catégories de diplômés. ils ne sont plus que 37 % à être employés en Cdi

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LES iNégaLitéS à L'éCOLE – 23

ou comme fonctionnaire contre 41 % trois ans auparavant. Comme le souligne le CEREQ, « le diplôme reste un atout gagnant pour les jeunes face à la crise ».

un tel constat ne porte cependant pas fondamentalement à l’optimisme si l’on considère l’impressionnant gâchis que constitue le cinquième de chaque génération sortant sans reconnaissance formelle de sa scolarité.

aux 18 % de non diplômés (130 000 personnes), il faut ajouter les diplômés de niveau v dans des spécialités identifiées comme « problématiques » dans l’analyse des parcours scolaires (comptabilité, secrétariat, services à la collectivité ou textile-habillement et spécialités industrielles des transformations). Les jeunes de ce groupe connaissent des taux et des durées de chômage qui se rapprochent de ceux des non diplômés et ont souvent des parcours d’insertion erratiques dans les trois ans qui suivent l’obtention du diplôme. à l’issue de cette période, ils ne sont que deux sur dix à être parvenu à se stabiliser dans un emploi à durée indéterminée.

il faut noter ici que l’apprentissage accroît à ces niveaux v et iv les chances d’une insertion professionnelle rapide19.

Des situations d’échec pourtant prévisibles

Le parcours antérieur, c’est à dire la scolarité à l’école élémentaire et au collège, influe sur la capacité à préparer et à obtenir un diplôme et également, en termes d’orientation, sur la possibilité pour l’élève d’opter pour la spécialité technique et professionnelle de son choix. L’accès aux spécialités et aux modalités de formation les plus « porteuses » est assez sélectif et les élèves les plus en difficulté s’en trouvent généralement écartés lors de l’orientation de fin de troisième.

En fait, les situations d’échec constatées à la sortie du système scolaire, au moment où doit s’effectuer l’entrée dans la vie d’adulte sont très fortement prévisibles car de l’avis de nombreux observateurs, elles sont profondément inscrites dans le passé scolaire des individus. L’origine de l’échec peut dans la plupart des cas être rapportée aux premières grandes difficultés éprouvées à l’école primaire. Sur la base des enquêtes nationales et internationales, quelque 20 % des élèves français âgés de 15 ans connaissent de très lourdes difficultés d’apprentissage dont les marqueurs les plus évidents sont un retard scolaire supérieur à un an et/ou d’une orientation en Section d’enseignement général et professionnel adapté (SEgPa)20.

Comme le dit Christian Forestier, membre du Haut Conseil de l’éducation et ancien recteur, le primaire reste assez opaque et c’est le collège qui révèle les problèmes. Mais pour n’être révélées qu’au collège, les difficultés n’en existent pas moins dès l’école primaire, et c’est donc dès ce niveau qu’il faut les étudier pour tenter de les traiter.

La réussite de tous : un décalage cruel entre le discours et la réalité

La situation des 130 000 jeunes sortis sans diplôme du système scolaire en 2007 a en fait peu de choses à voir avec celle des 250 000 qui, 40 ans auparavant, achevaient très tôt leur scolarité, avec ou sans le certificat d’études. L’échec scolaire conduit désormais presqu’à coup sûr à de sérieuses difficultés sociales. une scolarité courte non sanctionnée par un diplôme est aujourd’hui très éloignée de la norme attendue.

19 Jean-Jacques arrighi, Céline gasquet, Olivier Jospeh, L’insertion des sortants de l’enseignement secondaire : des résultats issus de l’enquête génération 2004. NEF, n°42, CEREQ, 2009.

20 audition de Christian Forestier, membre du Haut conseil de l’éducation, Président du Céreq au Conseil économique, social et environnemental, le 15 février 2011.

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24 – RaPPORt du CONSEiL éCONOMiQuE, SOCiaL Et ENviRONNEMENtaL

Les destins sociaux se jouent donc sur le diplôme, ce qui était beaucoup moins vrai

dans le passé. Les métiers actuels, dans l’industrie comme dans l’artisanat, demandent une

technicité inconnue auparavant, aux niveaux d’exécution. Le marché du travail s’en trouve

radicalement transformé. dans la branche agricole, par exemple, il faut désormais détenir

un diplôme de niveau iv pour pouvoir s’installer comme exploitant. Les attentes vis-à-vis de

l’enseignement sont donc considérablement renforcées et l’échec à l’école est d’autant plus

durement ressenti que, sans diplôme, les possibilités d’intégrer la vie active dans de bonnes

conditions et, par la suite, de faire carrière sont actuellement des plus réduites. Or, les flux

de sans diplôme représentent toujours des effectifs importants, une forte minorité qu’il

est difficile de considérer comme résiduelle. Cette réalité accuse un décalage cruel avec le

discours sur « la réussite scolaire pour tous », objectif (heureusement) toujours officiellement

affiché.

un enseignement identique dans le cadre d’une scolarité prolongée pour tous les

élèves devait permettre de réaliser le projet libérateur et démocratique énoncé pour la

première fois à la fin du Xviiième siècle lorsque l’instruction publique comme fondement

de l’égalité politique et vecteur du progrès technique et économique a été pensée par

Condorcet21. Cette idée qui a guidé la réalisation de l’enseignement primaire universel sous

la iiième République, avant d’inspirer, à la Libération, le « Plan Langevin-vallon » puis la

marche hésitante vers le collège unique sous la vème République, fait partie intégrante du

patrimoine politique républicain22.

Or, en ce début de XXième siècle, cette vieille ambition républicaine se trouve déçue et

les valeurs qui y sont attachées fortement malmenées. Cette déception collective est à la

mesure de l’aggravation du fossé entre ceux qui sont bien intégrés à la vie de la nation sous

ces différents aspects, économique, culturel, politique et ceux qui ne le sont pas ou dans les

plus mauvaises conditions.

Le rôle fondamental tenu par l’éducation dans l’insertion économique mais aussi sociale

et civique des individus a pourtant été clairement perçu par l’union européenne qui en a fait

une dimension essentielle de sa stratégie de moyen et long terme (Stratégie de Lisbonne

récemment relayée par la Stratégie « uE 2020 »). un récent rapport de la Commission,

s’appuyant sur des études récentes, met en avant l’effet macro-économique positif à long

terme d’une augmentation du niveau d’éducation de la population. L’accroissement de la

part des travailleurs de niveau éducatif moyen aux dépens de celle des travailleurs de plus

bas niveaux provoquerait ainsi une augmentation de la productivité, variable mais sensible

dans tous les pays de l’uE. L’augmentation de la part des plus hauts niveaux d’éducation

emporterait des effets comparables.

de surcroît, les gains attendus d’une amélioration du niveau de formation de la

population seraient supérieurs à ce qui est immédiatement mesurable en termes monétaires

21 Condorcet, Premier mémoire sur l’instruction publique, Editions Klincksiek, 1989.22 Ce projet global de réforme de l’enseignement et du système éducatif français élaboré, par une commission

placée sous la présidence de Paul Langevin puis d’Henri Wallon prévoyait un enseignement gratuit et obligatoire jusqu’à l’âge de 18 ans, avec un corps professoral unique. il visait une élévation continue du niveau culturel de la nation en insistant sur l’importance d’une culture générale commune comme préalable à la spécialisation professionnelle. Ce « plan » ne sera finalement jamais présenté au Parlement et il faudra attendre le début de la vème République pour que son contenu trouve un début d’application assez timide.

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LES iNégaLitéS à L'éCOLE – 25

car ce type d’évolution contribue aussi à la qualité de la vie sociale et civique, à la capacité des individus à se réaliser et à atteindre une certaine forme de bonheur personnel23.

L’école et le collège ne fonctionnent bien que pour la moitié des élèves

Le Haut Conseil de l’éducation a dressé un constat clair et énergique de la médiocrité des résultats obtenus par la base de notre système éducatif, dans deux de ces rapports l’un consacré à l’école primaire en 2007, l’autre au collège en 2010. Nous en reprendrons ici l’essentiel.

ÊQuatre élèves sur dix en difficulté en fin de primaireLes élèves obtiennent des résultats très contrastés à l’issue de l’école primaire et

seulement 60 % d’entre eux ont atteint à la fin du CM2 le niveau de connaissances attendu en français et en calcul.

Les autres forment deux groupes selon leurs acquis :

– 25 % ont des acquis fragiles. Ce sont encore des lecteurs peu entraînés et peu autonomes. En calcul, ils ne maîtrisent pas les opérations de bases ;

– 15 % connaissent de très sérieuses difficultés. ils ont un vocabulaire limité et des problèmes de compréhension. En lecture, ils n’ont pas dépassé le stade du déchiffrement et sont donc incapables de comprendre un texte simple.

Ce retard scolaire, au niveau du primaire pèsera sur la suite du parcours de ces élèves. Les 25 % d’élèves dont le niveau est médiocre auront une scolarité difficile au collège et la poursuite d’études au-delà de la classe de 3ème est pour eux incertaine. a propos des 15 % d’élèves dont les résultats en fin de primaire sont très mauvais, le « verdict » du Haut Conseil est malheureusement sans appel : « Ces lacunes rendent impossible, aussi bien un réel parcours scolaire au collège, qu’une formation qualifiante »24. Le destin scolaire puis social d’un nombre significatif d’enfants serait-il donc scellé très tôt malgré les quatre années d’enseignement encore à suivre ?

de surcroît ces disparités sont accompagnées et même renforcées par une baisse tendancielle des résultats que font apparaître les évaluations nationales et internationales.

ÊDes résultats qui ont tendance à baisser, surtout pour les élèves les plus fragilesLa comparaison des résultats de l’enquête « lire, écrire, compter », à vingt ans d’intervalle,

en 1987 et en 2007, révèle une nette diminution des résultats des élèves de fin de CM2 dans ces trois registres. des points intermédiaires de l’enquête, en 1997 pour la lecture et en 1999 pour le calcul permettent même de périodiser assez finement la dégradation. Pour la lecture,

23 Progress toward the Common European objectives in Education and Training. Indicators and benchmarks Commission staff working document (2010-2011) pp. 73. et F. d’auria, a. Pagano, M. Ratto et J. varga, a comparison of structural reform scenarios across the uE member states : simulation based analysis using the QuESt model with endogenous growth. Economic papers, 392, december 2009.

24 Haut Conseil de l’éducation, L’école Primaire. Bilan des résultats de l’École - 2007, p. 10.

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26 – RaPPORt du CONSEiL éCONOMiQuE, SOCiaL Et ENviRONNEMENtaL

la baisse est sensible à partir de 1997. Pour le calcul, elle est amorcée dès 1987. En lecture, la

dégradation concerne surtout les élèves les plus faibles : ils sont deux fois plus nombreux au

niveau de compétence le plus bas en 2007 : 21 % contre 10 % en 1987 et 11 % en 1997. Les

élèves de 2007 ont un vocabulaire plus pauvre que ceux de 1997, une moins grande maîtrise

de l’orthographe et une plus faible compréhension des énoncés écrits. En calcul, la baisse

a touché tous les niveaux, quoique de manière inégale, avec une stabilisation plus précoce

pour les meilleurs après 1997 si bien que l’écart avec les plus faibles s’est encore accentué25.

Les élèves du primaire relevant de l’éducation prioritaire pâtissent plus que les autres

de cette dégradation. C’est ce que fait ressortir une étude de leurs compétences en Français

entre 1997 et 2007 : un nombre croissant d’élèves sortant du CM2 est en difficulté pour

tous les critères étudiés (connaissance du lexique, phonologie, grammaire, orthographe,

compréhension d’énoncés) et la proportion globale de ceux qui n’atteignent pas le minimum

de capacités, attendu à l’entrée en 6ème, passe de 21 à plus de 31 %, en ZEP, sur cette période

de dix ans26.

L’enquête internationale PiRLS (Progress in International Reading and Literacy Study)

qui porte sur les capacités de lecture des élèves de quatrième année d’école obligatoire

(le CM1 pour la France) confirme cette tendance, relativement récente, à la baisse de la

performance de l’école primaire. Entre 2001 et 2006, le score moyen des élèves français

n’a certes enregistré qu’une légère diminution, passant de 525 à 522, différence en soi peu

significative mais cachant des disparités qui elles le sont. Les résultats des élèves du public

hors ZEP, sont en diminution de 8 points. au niveau de l’éducation prioritaire, les résultats

très médiocres restent stables.

En 2006, les élèves français de CM1 étaient surreprésentés parmi les élèves européens

les plus faibles (32 % contre 25 % pour l’ensemble de l’uE) et sous-représentés dans le

groupe de plus haut niveau (17 % contre 25 %). ils se situaient en dessous de la moyenne

européenne pour l’ensemble des compétences littéraires évaluées : « prélever dans un

texte », « inférer », « interpréter et apprécier ». C’est sur cette dernière compétence que l’écart

à la moyenne européenne (base 500) était le plus marqué (-20).

Ê Le collège reproduit et aggrave les inégalités scolaires apparues en primaire

L’âge d’entrée en 6ème, c’est-à-dire le fait d’avoir ou non redoublé dans le primaire,

apparaît fortement corrélé au parcours scolaire ultérieur : 82 % des élèves entrés à 11 ans

ou moins en classe de 6ème en 1995 ont atteint le niveau iv de formation contre seulement

17 % de ceux qui y sont entrés avec deux ans de retard. Parmi ces derniers, 1/3, n’ont pas

atteint le niveau de la classe terminale de CaP, de BEP ou de la classe de seconde générale

ou technologique. Les redoublements précoces minimisent les chances d’obtenir le

baccalauréat : seulement 25 % des élèves qui avaient un an de retard et 13 % de ceux qui

comptaient deux ans de retard en 6ème ont réussi cet examen27.

25 Ministère de l’éducation nationale, L’état de l’École, n°19 de 2009 et n° 20 de 2010. 26 Enquête sur les dysfonctionnements dans la pratique de la lecture en début de 6ème, 1997-2007, cité dans l’état

de l’école, n°20, 2010.27 Repères et références statistiques- édition 2010, p. 139.

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LES iNégaLitéS à L'éCOLE – 27

Les insuffisances qui apparaissent dans l’évaluation des élèves de fin de primaire sont en fait construites beaucoup plus tôt et sont manifestes dès le début du cycle des apprentissages fondamentaux en CP, voire en grande section de l’école maternelle.

Le parcours des élèves à l’école primaire est fortement prédictif de ce qu’il sera au collège et ce dernier hérite des déficiences de l’école primaire. Le collège, loin de corriger ces insuffisances, les reproduit et même les accentue 28. d’après l’enquête 2009 sur la mesure des compétences de base en français et en mathématiques, 14 % des élèves de CM2 et 39 % de ceux de 3ème étaient en retard d’au moins un an. Cette enquête fait aussi apparaître que la proportion d’élèves maîtrisant les compétences de base est nettement inférieure parmi les élèves en retard, en fin d’école primaire comme en fin de collège.

à partir des résultats de la France à l’enquête PiSa 2009, le Président du CEREQ, Christian Forestier présentait lors d’une audition devant le Conseil économique, social et environnemental, au début de l’année 2011, le schéma de répartition suivant pour les élèves de 15 ans en fonction de leur parcours et de leurs résultats :

– 50 % sont en seconde et peuvent être qualifiés de bons élèves ;

– 30 % sont en 3ème après avoir redoublé une fois ;

– 20 % sont en quatrième générale ou en SEgPa ou dans un autre dispositif de même nature. ils sortiront du collège sans même avoir obtenu le brevet et se trouvent déjà dans la catégorie des exclus.

Sur l’ensemble primaire et collège, notre système ne fonctionnerait vraiment bien que pour la moitié des élèves.

L’évaluation nationale sur échantillon des compétences en mathématiques des élèves de 3ème générale des collèges publics et privés, réalisée en 2008 renvoie une image assez proche de la population scolaire en fin de collège en fonction de ses acquis. 45 % des élèves sortant de 3ème avaient alors un niveau de connaissances en mathématiques considéré comme insuffisant. ils étaient faibles dans cette discipline à 29,3 % et très faibles à 15 %. Par rapport à l’orientation en cours, les élèves de ce groupe « faibles et très faibles » sont surreprésentés parmi ceux souhaitant une orientation en seconde professionnelle. a l’inverse, les élèves ayant un niveau moyen à très bon (55 % de l’échantillon) sont surreprésentés parmi ceux qui optent pour une orientation en seconde générale ou technologique29.

En ce qui concerne la lecture, les résultats des tests réalisés, en 2009, dans le cadre de la journée d’appel à la préparation de la défense (JaPd), sur des jeunes de 17 ans, donc deux ans après l’âge théorique de sortie du collège, confirme les ordres de grandeur et les disparités précédentes. 80 % des jeunes ayant participé aux tests peuvent être considérés comme des lecteurs efficaces et 20,2 % se répartissent entre lecteurs médiocres (9,6 %), lecteurs de très faible capacité (5,5 %) et lecteurs présentant des difficultés sévères (5,1 %)30.

de l’école primaire à l’insertion professionnelle, l’évaluation de l’échec scolaire présente une constance assez remarquable :

– 15 % des élèves de CM2 présentent de très lourdes difficultés en lecture et en calcul ;

28 Haut Conseil de l’éducation. Le Collège. Bilan des résultats de l’École – 2010, pp.13-20.29 L’État de l’école n°20. Ministère de l’éducation nationale, pp.251-252.30 Source : ministère de la défense-dSN, ministère de l’éducation nationale-dEPP, 2010.

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28 – RaPPORt du CONSEiL éCONOMiQuE, SOCiaL Et ENviRONNEMENtaL

– 20 % des élèves de 15 ans ont un niveau inférieur au niveau 2 de l’enquête PiSa et sont dans leur très grande majorité en retard et/ou orientés précocement dans des dispositifs d’enseignement adaptés ;

– 15 % des élèves de fin de 3ème ont un très faible niveau de mathématiques ;

– 20 % des jeunes de 17 ans « testés » à la JaPd sont de mauvais lecteurs ;

– 18 % des jeunes terminent leur scolarité sans diplôme et connaissent des difficultés d’insertion professionnelle très supérieures à celles rencontrées par les jeunes diplômés.

L’échec scolaire au collège conduit aussi à contourner, de manière inavouée, la norme du collège unique par le maintien ou la reconstitution de filières. Le Haut Conseil de l’Education estime ainsi à 13 % la proportion d’élèves non scolarisés en 3ème générale et qui se répartissent entre différents dispositifs (SEgPa, CLiPa, diMa, et classes en MFR31).

ÊCe qu’il faut surtout retenir, à ce stade, de l’enquête internationale PISAL’enquête internationale PiSa (acronyme pour « Program for International Student

Assessment » en anglais et pour « Programme international pour le suivi des acquis des élèves » en français), conduite par l’OCdE, évalue les connaissances et les compétences des élèves de 15 ans en compréhension de l’écrit, culture mathématiques et culture scientifique afin de comparer les systèmes éducatifs des pays membres. Elle a été conduite à quatre reprises, en 2000, 2003, 2006 et 2009. L’échelle de compréhension de l’écrit a été le domaine principal de l’évaluation de 2009 comme elle l’avait été en 2000, ce qui permet de suivre précisément l’évolution sur une décennie d’un ensemble primordial de compétences.

dans sa méthodologie même, PiSa est originale. L’enquête cherche à évaluer la capacité des jeunes à utiliser leurs connaissances et compétences pour des situations proches de celles du monde réel. La priorité est donnée à ce que les élèves savent faire avec ce qu’ils ont appris à l’école plutôt qu’à la mesure dans laquelle ils ont assimilé des matières spécifiques 32. Cette méthodologie a suscité un certain nombre de critiques notamment en France. dans un domaine aussi complexe que celui de la mesure de l’efficacité de l’enseignement, aucune méthodologie n’est exempte de critiques. En revanche, lorsque leurs résultats convergent, ils n’en prennent que plus de pertinence pour étayer les analyses.

En 2009, comme lors des enquêtes précédentes, le système éducatif français occupe une position moyenne parmi les pays de l’OCdE, avec un score de 496 points. Sa performance s’est un peu affaissée par rapport à l’édition de 2000 (505 points). La France tient donc depuis plusieurs années une place assez médiocre qui la situe désormais au 22ème rang des pays de l’OCdE et des économies partenaires et au 12ème rang européen derrière la Finlande, les Pays-Bas, la Belgique, la Norvège, l’Estonie, la Suisse, la Pologne, l’islande, la Suède,

31 Les SEgPa, sections d’enseignement général et professionnel adaptées, accueillent au collège des élèves présentant de très sérieuses difficultés d’apprentissage, qui ne maîtrisent pas les connaissances et les compétences attendues à la fin de l’école primaire. Les CLiPa, classes d’initiation préprofessionnelle en alternance sont accessibles en 4ème et visent à consolider les apprentissages fondamentaux tout en faisant découvrir à leurs élèves les métiers et l’entreprise. Les diMa, dispositifs de formation en alternance s’adressent à des élèves ayant atteint l’âge de 15 ans et leur permet d’intégrer un CFa avant la fin de la scolarité obligatoire. il s’agit d’une formule de préapprentissage. Les MFR, maisons familiales et rurales, forment en alternance, de la classe de 4ème au BtS, des jeunes majoritairement inscrits sous statut scolaire dépendant du ministère de l’agriculture.

32 Résultats du PiSa 2009 : synthèse. OCdE, 2010 p. 3.

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LES iNégaLitéS à L'éCOLE – 29

l’allemagne et l’irlande, au même niveau que le Royaume-uni et devant la grèce, le Portugal, l’italie et l’Espagne.

Pour la « compréhension de l’écrit », les élèves français sont aussi juste dans la moyenne de l’OCdE avec, là encore, un score de 496 très loin des meilleurs, à 43 points de la Corée et à 40 points de la Finlande.

Le résultat assez peu favorable de cet exercice de comparaison internationale n’est pas la conséquence d’une insuffisance en nombre des élèves les plus performants. En compréhension de l’écrit, la proportion d’élèves parmi les plus performants (niveau 5 et 6 de l’échelle PiSa) a augmenté passant de 8,5 % à 9,6 % entre 2000 et 2009 et, pour ce seul aspect, la France dépasse la moyenne de l’OCdE.

La très grande faiblesse du système français tient essentiellement à la forte proportion d’élèves se situant sous le niveau en deçà duquel les responsables de l’enquête considèrent que toute scolarité devient problématique. Cette démarcation est située sous le deuxième des six niveaux de l’échelle de compétences de PiSa.

Sur l’échelle des compétences en « compréhension de l’écrit », près de 20 % des élèves français de 15 ans sont classés sous le niveau 2. depuis 2000, cette proportion d’élèves faibles a augmenté de près de 5 points (passant de 15,2 à 19,8 %), correspondant à une hausse de 30 %, ce qui est tout à fait considérable. Par le nombre d’élèves en situation d’échec scolaire, la France fait désormais moins bien que ses principaux partenaires européens. Elle se classe aussi parmi les pays dont les élèves sont très dispersés sur l’échelle de compréhension de l’écrit. En d’autres termes, l’écart entre les scores des meilleurs et des moins bons élèves de 15 ans y est très marqué.

Le niveau 2 de l’échelle de compréhension de l’écrit, dans l’enquête PiSa

Le niveau 2 de l’échelle de compréhension de l’écrit (score compris entre 407 et 480 points aux tests PiSa)Les élèves qui se classent au niveau 2 de l’échelle de compréhension de l’écrit sont capables de mener à bien des tâches qui consistent à localiser des informations dans le respect de plusieurs critères ; de faire des comparaisons ou des contrastes autour d’une seule caractéristique ; de découvrir le sens d’un passage bien délimité dans un texte, même si les informations pertinentes n’apparaissent pas d’emblée et d’établir des liens entre un texte et leur expérience personnelle.a ce niveau, certaines tâches demandent aux élèves de localiser un ou plusieurs fragments d’informations, que ce soit par déduction ou dans le respect de plusieurs critères. dans d’autres tâches, les élèves doivent identifier le thème d’un texte, comprendre des relations ou découvrir le sens d’un passage limité d’un texte où les informations pertinentes ne sont pas saillantes, ce qui leur impose de faire des inférences de niveau inférieur. dans les tâches de ce niveau, les élèves peuvent avoir à faire des comparaisons ou à opposer des contrastes en se basant sur un aspect du texte. à ce niveau, les tâches de réflexion demandent généralement aux élèves de faire une comparaison ou d’établir des liens entre le texte et des connaissances extérieures au texte, sur la base d’expériences et d’attitudes personnelles : 81.2 % des élèves de 15 ans de l’OCdE ont atteint ce niveau en 2009.

Source : résultats du PiSa 2009-vol.1

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30 – RaPPORt du CONSEiL éCONOMiQuE, SOCiaL Et ENviRONNEMENtaL

Le niveau 5 de l’échelle de compréhension de l’écrit, dans l’enquête PiSa

Le niveau 5 de l’échelle de compréhension de l’écrit (score supérieur à 626 points mais inférieur ou égal à 698 points)Les élèves qui se situent au niveau 5 de l’échelle de compréhension de l’écrit sont capables d’aborder des textes dont le fond ou la forme ne leur est pas familier. ils réussissent à y trouver des informations, à les comprendre dans le détail et à identifier celles qui sont pertinentes pour la tâche à accomplir. ils sont également capables de faire des évaluations critiques de ce type de textes et de formuler des hypothèses sur ces derniers en se basant sur des connaissances spécialisées et en utilisant des concepts parfois contraires aux attentes. L’analyse des types de tâches que les élèves de ce niveau sont capables de mener à bien donne à penser que ceux qui parviennent à ce niveau peuvent être considérés comme la future élite intellectuelle au service de l’économie du savoir. à cet égard, le pourcentage d’élèves à ce niveau dans un pays est donc un indicateur de l’évolution de sa compétitivité économique à l’avenir.Les élèves qui se situent au niveau 5 ou 6 sont souvent désignés sous l’expression générique d’» élèves les plus performants « dans les publications du PiSa. Moins de 1 % (0.8 %) des élèves parviennent au niveau 6 dans les pays de l’OCdE, mais ce pourcentage varie entre les pays. Ces élèves très performants (se classant au niveau 6) sont nettement plus nombreux que la moyenne, plus du double, dans sept pays, à savoir, dans les pays de l’OCdE, en Nouvelle-Zélande, en australie, au Japon, au Canada et en Finlande, et dans les pays et économies partenaires, à Singapour et à Shanghai (Chine). trois de ces pays sont asiatiques et trois autres sont des pays anglophones membres de l’OCdE. Ces pays affichent des performances relativement élevées dans l’ensemble puisqu’ils comptent moins de 5 % d’élèves sous le niveau 1a. toutefois, les élèves sont relativement dispersés sur l’échelle de compréhension de l’écrit dans deux d’entre eux (au Japon et en Nouvelle-Zélande), alors qu’ils le sont très peu dans deux autres pays (en Finlande et à Shanghai [Chine]).

Source : Résultats du PiSa 2009 – vol. 1

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LES iNégaLitéS à L'éCOLE – 31

Pourcentage d’élèves à chaque niveau de compétence de l’échelle de compréhension de l’écrit

Pays de l'UE et quelques autres pays de l'OCDE et économies associées

100 80 60 40 20 0 20 40 60 80 100

Bulgarie

Roumanie

Autriche

Luxembourg

Turquie

Lithuanie

Republique Tchèque

Croatie

République Slovaque

Grèce

Slovénie

Italie

France

Espagne

Allemagne

Royaume-Uni

Belgique

Portugal

Etats-Unis

Lettonie

Hongrie

Suède

Irlande

Islande

Suisse

Taipei Chinois

Danemark

Pologne

Norvège

Macao-Chine

Nouvelle Zélande

Pays-Bas

Australie

Japon

Estonie

Singapour

Canada

Hong Kong-Chine

Finlande

Corée

Shanghai-Chine

pourcentage d'élèves

Elèves au niveau 1aou en deçà

sous le niveau 1b

niveau 1b

niveau 1a

niveau 2

niveau 3 niveau 4 niveau 5 niveau 6

Les pays sont classés par ordre décroissant du pourcentage d’élèves aux niveaux 2, 3, 4, 5 et 6

Source : Base de données PiSa 2009 de l’OCdE, table i.2.1

dans le domaine de la culture mathématique, la situation de la France en 2009, est proche de ce qu’elle est pour la compréhension de l’écrit. Là encore sa performance se situe juste à la moyenne des pays de l’OCdE. Cette situation est cependant assez nouvelle car les élèves français ont vu leurs résultats à PiSa chuter de 14 points entre 2003 (511 points) et 2009 (497 points) et sont ainsi sortis du groupe des plus performants.

Les écarts entre les résultats des meilleurs et ceux des moins bons sont, en mathématiques également, très prononcés. avec une différence de 331 points entre les 5 % d’élèves réussissant le mieux aux tests et les 5 % les moins performants, la France entre dans le groupe de pays où cette variation est la plus forte.

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32 – RaPPORt du CONSEiL éCONOMiQuE, SOCiaL Et ENviRONNEMENtaL

Comme en compréhension de l’écrit, la proportion d’élèves sous le niveau 2 en culture mathématique a augmenté sensiblement entre 2003 et 2009, passant de 16,6 % à 22,5 % tandis que la proportion d’élèves performants restait stable.

Pour nombre de pays européens dont la France, les marges de progression les plus significatives sont sans doute à rechercher du côté des élèves de plus faible niveau. C’est en tout cas la démarche que s’efforce de promouvoir l’union européenne qui a retenu le pourcentage d’élèves inférieur au niveau 2 de l’enquête PiSa comme un des ses principaux indicateurs du volet éducatif de sa stratégie de moyen terme (2010-2020). L’objectif ainsi assigné aux Etats membres est de faire passer les élèves de 15 ans de faible niveau (en lecture, mathématiques et sciences) sous la barre des 15 %. Pour notre pays, la réalisation d’un tel objectif reviendrait dans un premier temps à revenir à la situation qu’il connaissait en 2000.

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LES iNégaLitéS à L'éCOLE – 33

élèves de 15 ans en échec scolaire (niveaux 0 et 1 de l’enquête PiSa) en lecture et mathématiques en 2009

% des élèves sousle niveau de 2

en lecture

% des élèves sousle niveau 2 en

mathématiques

Score moyendu pays en

lecture

Score moyen du pays en

mathématiques

Eu 27 pays 19,6 22,2 493 497Corée 5,8 8,1 539 546Shanghai (Chine)

6,6 4,9 556 600

Finlande 8,1 7,8 536 541Canada 10,3 11,5 524 527Estonie 13,3 12,7 501 512Japon 13,6 12,5 520 529Pays-Bas 14,3 13,4 508 514Norvège 14,9 18,2 503 498Pologne 15 20,5 500 495danemark 15,2 17,1 495 503Liechtenstein 15,6 9,5 499 536islande 16,8 17 500 507irlande 17,2 20,8 496 487Suède 17,4 21,1 497 494Lettonie 17,6 22,6 484 482Portugal 17,6 23,7 489 487Belgique 17,7 19,1 506 515Hongrie 17,7 22,3 494 490uSa 17,7 23,4 500 487Royaume-uni 18,4 20,2 494 492allemagne 18,5 18,6 497 513Espagne 19,6 23,7 481 483France 19,8 22,5 496 497italie 21 24,9 486 483Slovénie 21,2 20,3 483 501grèce 21,3 30,3 483 466Slovaquie 22,3 21 477 497Croatie 22,5 33,2 476 460Rép. tchèque 23,1 22,3 478 493Lituanie 24,3 26,2 468 477turquie 24,5 42,1 464 445Luxembourg 26 23,9 472 489autriche 27,5 23,2 470 496Roumanie 40,4 47 424 427

Bulgarie 41,1 47,1 429 428

Pays de l’union européenne

tri par ordre croissant sur le % des élèves sous le niveau 2 en lectureSource OCdE (PiSa)

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34 – RaPPORt du CONSEiL éCONOMiQuE, SOCiaL Et ENviRONNEMENtaL

Le fait que des pays européens (Finlande, Pays-Bas, Pologne) ou proches de la France de par leur niveau économique (Corée, Canada) parviennent à maintenir la part d’élèves de 15 ans en échec scolaire sous la barre des 15 % montre qu’il n’y a pas de fatalité en ce domaine et que tous les efforts de notre système éducatif devraient tendre à amener les élèves faibles vers les niveaux moyens, tout en stabilisant la part des bons élèves. Le taux très moyen de l’allemagne (18,6 % d’élèves faibles en compréhension de l’écrit) est lui-même riche d’enseignements car il correspond en réalité à une amélioration considérable : une baisse de quatre points depuis 2000 de leur pourcentage d’élèves faibles. Le tableau, ci-dessus, fait logiquement apparaître une association assez étroite entre les scores moyens des pays et la proportion d’élèves de faible niveau.

Pour reprendre les termes de Christian Baudelot et Roger Establet dans un ouvrage récent, « l’essentiel des difficultés de l’école en France se situe en bas de la pyramide scolaire »33. Sur les dix dernières années, en effet, le niveau le plus faible des résultats scolaires n’a cessé de baisser alors que le niveau le plus élevé restait stable ou même augmentait légèrement.

inégalités scolaires et inegalités socialesun des enjeux majeurs de l’éducation dans un contexte démocratique est de

parvenir à faire réussir tous les élèves, de les préparer à l’autonomie et à la responsabilité, indépendamment de la disparité des avantages culturels et sociaux que leur procure leur milieu familial. autrement dit, il s’agit pour l’école d’éviter que les inégalités sociales ne se traduisent, de manière systématique, en termes d’inégalités scolaires. On retrouve là le débat ouvert dans les années 1960 sur la reproduction de l’ordre social par Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron34 et sur la capacité du système d’enseignement à sortir d’une logique simple de reproduction et de légitimation des hiérarchies.

d’autres déterminants combinent leurs effets sur la scolarité avec ceux de l’origine sociale. ainsi, les inégalités scolaires selon l’origine géographique et selon le genre doivent être prises en considération.

ÊDes disparités selon l’origine sociale des élèves toujours très présentesEn dépit d’une évolution assez favorable sur une longue période, les inégalités sociales

continuent de peser fortement sur les parcours scolaires.

Un recul limité des inégalités sur le long terme : l’indicateur du baccalauréat

La moitié des enfants d’ouvriers nés au début des années 1980 sont bacheliers. Les chances de terminer avec succès le second cycle de l’enseignement secondaire ont progressé dans tous les groupes sociaux. Le « rattrapage » pour les jeunes issus des familles ouvrières est même assez spectaculaire sur l’ensemble de la période : dans les générations des années 1930, 41 % des enfants de cadres obtenaient le baccalauréat contre seulement 2 % des enfants d’ouvriers ; dans les générations des années 1980, ces proportions sont de 89 % et 49 %35.

33 Christian Baudelot et Roger Establet, L’élitisme républicain. L’école française à l’épreuve des comparaisons internationales. Editions du Seuil, 2009, p.32.

34 Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron, Les héritiers. Les étudiants et la culture, Paris, Minuit, 1964. Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron, La reproduction des élites, Paris, Minuit, 1970.35 L’état de l’école n°20 – 2010 pp.66-67.

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LES iNégaLitéS à L'éCOLE – 35

Le différentiel reste cependant très marqué (40 points). toutes catégories sociales

confondues la proportion de bacheliers par génération a connu une augmentation très

marquée pendant une dizaine d’années jusqu’à dépasser légèrement la barre des 60 % en

1995 mais elle a depuis cessé de croître et se limite à de faibles oscillations d’une année

sur l’autre. dans le même temps, le rythme du « rattrapage » de la catégorie ouvrière a subi

un très net tassement, comme le montre le graphique ci-dessous pour les générations

des années 1980. L’arrêt de la progression de la part des bacheliers aurait donc été très

préjudiciable aux enfants issus de familles modestes pour lesquels « l’ascenseur » scolaire

s’est arrêté.

Obtention du baccalauréat selon la génération et le milieu social

Source : calculs Centre Maurice Halbwachs à partir des enquêtes formation et qualification professionnelle et dEPP à partir des enquêtes Emploi de l’iNSEE

Surtout, les inégalités sont fortes au regard de l’orientation dans les différentes filières

du baccalauréat. En 2009, les enfants d’ouvriers et d’inactifs sont surreprésentés parmi

les bacheliers professionnels avec respectivement 38,3 % et 30,1 % de l’ensemble des

bacheliers relevant de ces deux PCS alors que les bacheliers dont les parents appartiennent

à la catégorie cadres et professions intellectuelles supérieures ont, à plus de 75 %, obtenu

un baccalauréat général. Seulement 33 % des bacheliers enfants d’ouvriers et 41 % de ceux

dont les parents sont inactifs se trouvent dans la même situation.

dans l’orientation entre les trois filières conduisant au baccalauréat se joue évidemment

la poursuite d’études supérieures longues. tous savent que la voie générale est la plus

favorable à un tel projet, très loin devant la voie professionnelle. L’augmentation de la part

des bacheliers dans la deuxième moitié du XXème siècle s’est faite de façon différenciée selon

le milieu social36.

36 Magali Beffy, delphine Perlmuter, Depuis ving-cinq ans, une population de plus en plus diplômée mais avec des disparités selon le milieu social encore importante. in France : portrait social – 2008, iNSEE, pp.25-33.

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36 – RaPPORt du CONSEiL éCONOMiQuE, SOCiaL Et ENviRONNEMENtaL

Une concentration des sorties précoces et sans diplôme du système éducatif sur les catégories socioprofessionnelles les plus modestes

L’interruption précoce de la scolarité et les sorties sans diplôme dont le caractère assez massif révèle les faiblesses de notre système éducatif, touchent beaucoup plus fréquemment les enfants des catégories socioprofessionnelles les plus modestes. ainsi, parmi les sorties du système éducatif en 2009, 21 % des enfants d’employés et d’ouvriers étaient dépourvus de diplôme du second cycle de l’enseignement secondaire (CaP, BEP, Baccalauréat) alors que 8 % des enfants des catégories indépendants, cadres et professions intermédiaires étaient dans la même situation.

Pour les seuls enfants d’ouvriers, la part des sans diplôme même si elle a fortement diminué depuis 1982 atteint encore 32 %, ce qui la situe bien au dessus de celle constatée chez les enfants de cadres et de professions libérales (5 %), de professions intermédiaires (9 %) ou même d’employés (18 %)37.

Nous avons vu qu’une grande partie du parcours éducatif des élèves se jouait à l’école primaire. L’influence du milieu familial sous ses différents aspects (capital économique, capital culturel, capital relationnel) est très tôt repérable, dès le début de la scolarité.

Une forte corrélation entre l’origine sociale et les difficultés scolaires dès l’école primaire

Les écarts absolus de retard scolaire sont encore importants même s’ils se sont réduits au fil du temps. Sur l’indicateur de parcours scolaire jusqu’à la sixième sans redoublement, l’écart entre enfants d’enseignants et enfants d’ouvriers était de 46 points, en faveur des premiers, pour ceux entrés en CP en 1978 et de 31 points pour ceux entrés en 1997 (et ayant atteint la 6ème en 2002).

de fortes différences de retard scolaire sont également constatées selon le niveau d’étude de la mère dont le rôle culturel au cours de la scolarité élémentaire l’emporte sur celui du père et le niveau économique de la famille.

Le niveau initial de l’enfant est en fait déterminant : un élève faisant partie des 10 % les plus faibles à l’entrée au CP a seulement une chance sur deux d’arriver « à l’heure » au CE2 et une sur trois d’atteindre dans les mêmes conditions la 6ème. Le niveau de compétences en français et mathématiques aux évaluations nationales de 6ème est fortement lié au niveau à l’entrée en CP.

Or, les résultats aux évaluations à l’entrée en CP sont déjà très différenciés socialement. a caractéristiques démographiques et familiales comparables, un enfant d’enseignant réussit 7 items de plus sur 100 qu’un enfant d’ouvrier non qualifié et 9 items de plus qu’un écolier dont le père est inactif. Ces écarts sont deux fois plus élevés que ceux associés à la taille de la famille ou au fait d’être issu d’une famille immigrée38.

Selon la même source, en fin d’école élémentaire, les disparités scolaires selon l’origine sociale peuvent être rapportées à deux phénomènes conjugués :

– les performances scolaires des écoliers sont très liées à leur degré de compétences à l’entrée au CP, lui-même variable selon le milieu social d’origine ;

37 idem.38 Jean-Paul Caille et Fabienne Rosenwald, Les inégalités de réussite à l’école élémentaire : construction et évolution.

in France : portrait social – 2006, iNSEE, pp.115-137.

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LES iNégaLitéS à L'éCOLE – 37

– à niveau initial comparable, les enfants originaires des milieux sociaux les plus

favorisés ou ceux dont les parents sont les plus diplômés progressent davantage,

si bien que les inégalités sociales se creusent au fur et à mesure de l’avancée de la

scolarité élémentaire.

– le niveau de diplôme des parents (particulièrement celui de la mère) et, de manière

plus globale, les possibilités d’encadrement de la scolarité par les familles revêtent

une importance au moins aussi grande que leur situation socio-économique

stricto sensu.

Seulement 24 % des enfants d’ouvriers et d’inactifs parviennent en 6ème sans

redoublement et en ayant atteint la médiane en français et en mathématiques aux évaluations

nationales. C’est le cas de 65 % d’enfants de cadres, d’enseignants, de chefs d’entreprise. Sur

les 41 points séparant les deux groupes, 21 points (51 %) s’expliquent par des différences

de compétence à l’entrée en CP, 7 points (16 %) reflètent des disparités apparues entre le

cours préparatoire et l’entrée au CE2 et 14 points (33 %) résultent de différences qui se sont

manifestées entre le CE2 et l’entrée en sixième.

ainsi, la moitié des disparités sociales sont déjà constituée avant l’entrée à l’école

élémentaire et, chaque année, les écarts de réussite entre enfants d’ouvriers et enfants

de cadres se creusent de près de 10 %. Loin de remédier aux inégalités de départ, l’école

primaire tend au contraire à les conforter39. un suivi d’élèves entre l’évaluation nationale

de CE2 en 2004 et l’évaluation de 6ème en 2007 a montré que la différence de résultats entre

le groupe socialement le plus favorisé et le groupe le plus défavorisé passait de 21 % de la

moyenne nationale en CE2 à 45 % en 6ème. Ces chiffres ne signifient pas seulement que les

écarts ses sont accrus entre les plus performants et les moins performants, ils indiquent

aussi que parmi des élèves initialement de niveaux équivalents, les progrès ont été plus

importants en moyenne pour les élèves des milieux favorisés40.

Par ailleurs, les facteurs liés à l’environnement familial (niveau de diplôme de la mère,

situation économique des parents,…) qui sont responsables d’une part très importante

des résultats des élèves se cumulent avec d’autres caractéristiques sociodémographiques

comme le sexe ou le mois de naissance des enfants (deux enfants nés la même année civile

n’en ont pas moins 12 mois d’écart selon qu’ils sont nés en janvier ou en décembre, ce qui

n’est pas sans conséquence sur leurs capacités d’apprentissage). une étude des acquis à

l’entrée du CE2 révèle l’ampleur des différences qui peuvent ainsi être atteintes entre les

élèves lorsque différentes variables sont prises en compte. ainsi, une fille née en janvier,

sans retard scolaire et dont le père est cadre obtiendrait un score de 78 % en français alors

qu’un garçon, en retard scolaire, né en décembre et dont le père est ouvrier aurait quant à

lui un score de 53,6 % soit une différence de 24,5 points. Ce « cas d’école » est sans doute

schématique, mais il montre bien en quoi les caractéristiques des élèves en cumulant leurs

effets créent une très forte hétérogénéité des niveaux 41.

39 Jean-Paul Caille et Fabienne Rosenwald, op.cit.40 Sylvain Broccolichi, Idéaux démocratiques et criantes inégalités scolaires in école : les pièges de la concurrence.

Comprendre le déclin de l’école française, Editions La découverte, 2010, pp.28-30.41 Sophie Morlais et Bruno Suchaut, Evolution et structure des compétences des élèves à l’école élémentaire et au

collège. Une analyse empirique des évaluations nationales. Cahiers de l’iREdu n°68, mai 2007, pp.28-30.

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38 – RaPPORt du CONSEiL éCONOMiQuE, SOCiaL Et ENviRONNEMENtaL

tous ces résultats sont à rapprocher de ceux d’une étude de 2004 sur la moindre réussite des enfants de milieu défavorisé en fin d’études secondaires qui montre que 81 % des écarts de réussite sont apparus avant le collège42.

Néanmoins, ce dernier ne peut être dédouané de toute responsabilité dans l’échec scolaire des enfants les moins favorisés, comme l’illustre le graphique ci-dessous.

écarts d’acquisition du CE2 à la 5ème en fonction de l’origine sociale (scores globaux centrés réduits)

Source : S. Morlaix et B. Suchaut, Évolution et structure des compétences des élèves à l’école élémentaire et au collège,

Les Cahiers de l’iREdu, n°68, 2007, p.14

Le collège ne réduit pas les inégalités d’origine sociale. Comme la scolarité élémentaire, le début de la scolarité secondaire tend à les aggraver.

il reste que la contribution du premier degré est tout à fait déterminante et que le début de la scolarité devrait en toute logique constituer une « cible » prioritaire des actions destinées à réduire les disparités sociales de réussite. il est aussi plus difficile d’agir par la suite parce que les apprentissages constituent un processus fortement cumulatif et que le retard pris par les élèves aux acquis les plus fragiles finit par être trop important pour pouvoir être rattrapé.

dans de telles conditions, les tout premiers apprentissages, à l’école maternelle, doivent également faire l’objet de la plus grande attention.

L’école maternelle : une première étape décisive ?

une grande partie de l’écart culturel entre les élèves est constitué, dans leur milieu d’origine, avant même leur entrée à l’école élémentaire. L’école maternelle est le lieu de l’apprentissage et de la maîtrise du langage oral. a ce titre, elle a un rôle essentiel à tenir dans la prévention précoce de l’échec scolaire. Mais à l’évidence, les effets de la « préscolarisation »

42 a. davaillon, E. Nauze-Fichet, Les trajectoires scolaires des enfants « pauvres » éducation & Formations, dEP, n°70, décembre 2004.

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LES iNégaLitéS à L'éCOLE – 39

ne parviennent pas à empêcher l’apparition de fortes inégalités scolaires dès le début du primaire et à atténuer l’impact du milieu d’origine même si certaines enquêtes révèlent des écarts de performance très importants entre les élèves en fonction de la fréquentation ou pas de l’école maternelle43.

Ce constat un peu décevant est assez étonnant si l’on considère que la France a été pionnière en termes de préscolarisation et qu’avec un taux de 100 % pour les enfants à partir de quatre ans, elle se place encore en tête de la classe européenne.

taux de participation à l’éducation préélémentaire (à partir de 4 ans) en 2008 dans quelques pays de l’union européenne

Moyenne uE à 27 92,3 %allemagne 95,6 %Finlande 70,9 %France 100 %Pays-Bas 99,5 %Royaume-uni 97,3 %

Source : Eurostat

Cette dynamique semble cependant quelque peu marquer le pas. En effet, le nombre moyen d’enfants par enseignant (19) étaient, en 2008, un des plus élevé de l’union européenne, très au dessus de la moyenne des 27 (13,7)44.

évolution du nombre d’enfants par professeur dans l’éducation préélémentaire dans quelques pays de l’union européenne (2005-2008)

2005 2007 2008Moyenne uE à 27 14,2 14,1 13,7allemagne 13,9 14,4 13,8Finlande 12,5 11,4 11,4France 19,3 19,2 19Pays-Bas nc nc ncRoyaume-uni 11,9 13,2 17,9

Source : Eurostat

il s’agit d’un positionnement très médiocre même si ces chiffres doivent être interprétés avec prudence en raison de fortes différences dans la conception même des différents systèmes nationaux et de l’intervention auprès des enfants d’autres catégories de personnel que les enseignants.

il existe aussi en France un débat sur l’efficacité d’une scolarisation très précoce mais qui relève souvent d’une méconnaissance du travail réalisé au sein des écoles maternelles. La véritable question porte sur les avantages d’une scolarisation à deux ans, ciblée en principe sur les écoles situées dans un environnement social défavorisé, dans un contexte budgétaire où les moyens alloués pour scolariser les enfants à partir de 3 ans sont tout juste suffisants.

Les travaux qui ont été conduits dans ce domaine font ressortir que la scolarisation précoce se traduit en moyenne par de meilleures compétences à l’entrée en CP mais qui ne perdurent pas au cours des deux premières années d’école élémentaire. à l’entrée en 6ème, l’écart de résultats entre le groupe des élèves entrés à l’école maternelle à deux ans et celui des admis à trois ans est des plus réduit même si la fréquence des redoublements est un peu moindre pour les premier45.

43 PiSa 2009, Note de présentation (France), décembre 2010, p.2. et pp.13-14.44 Commission européenne, Progress towards the common Européean objectives in education and training

(2010/2011), pp. 77-79.45 Eric Maurin et delphine Roy (2000) cités par alain gérard Slama, L’éducation civique à l’école, avis du CESE, 2009

et Jean-Paul Caille, Fabienne Rosenwald (2006), op.cit.

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40 – RaPPORt du CONSEiL éCONOMiQuE, SOCiaL Et ENviRONNEMENtaL

à la réflexion, un tel constat ne devrait pas servir à disqualifier l’intérêt de la scolarisation à deux ans pour les enfants évoluant dans un environnement peu favorisé. En effet, il fait plutôt apparaître en creux les insuffisances de la scolarité élémentaire qui annihilent des effets antérieurs et socialement compensateurs. il y a là une raison supplémentaire de s’interroger sur les orientations profondes d’un système qui laisse à ce point libre cours au jeu des inégalités d’origine.

Ê L’enquête PISA confirme la faible capacité du système éducatif français à atténuer les effets du milieu socialL’influence des aspects socio-économiques du milieu familial sur la réussite scolaire

constitue une réalité universelle. L’enquête PiSa réalisée en 2009 le confirme en constatant globalement un effet important des antécédents économiques, sociaux et culturels des élèves sur leurs résultats aux tests en lecture. toutefois, elle permet aussi d’apprécier de très grandes différences entre les systèmes éducatifs nationaux. Certains plus que d’autres parviennent à atténuer très sensiblement les conséquences scolaires du profil socio-économique des familles.

au regard de ces indicateurs d’équité, l’éducation nationale française est plutôt mal positionnée.

Elaboré à partir de données décrivant le niveau d’études, la profession des parents et les biens matériels et culturels disponibles à la maison, le pourcentage de variation de performance des élèves, en lecture, expliquée par le milieu socio-économique s’établit à 17 % pour la France et dépasse nettement la moyenne de l’OCdE (14 %). il est de 6 % en islande, de 8 % en Finlande, de 9 % au Canada et au Japon. Notre pays figure dans le groupe de ceux qui parviennent le moins à corriger les inégalités sociales et culturelles de départ.

Si l’on considère un autre indicateur : celui de l’écart moyen de score des élèves en fonction du statut socio-économique de leur milieu (ou pente du gradient socio-économique), la France se classe encore moins bien. Le nombre de points qui sépare les élèves de milieu défavorisé de ceux de milieu favorisé dépasse les cinquante comme en Nouvelle-Zélande où cette contreperformance trouve son explication dans un passé colonial et dans le fossé socioculturel qui sépare encore aujourd’hui les populations de souche européenne des populations maori.

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LES iNégaLitéS à L'éCOLE – 41

Les trois indicateurs PiSa d’équité sociale de l’éducation

«pente du gradient socio-

économique»

«% variance performance/milieu socio-économique»

«% des élèves résilients»

moyenne OCDE 38 14 8

Hong Kong 17 5 18Islande 27 6 7Finlande 31 8 11Estonie 29 8 9Canada 32 9 10Japon 40 9 11Norvège 36 9 6Corée 32 11 14Italie 32 12 8Grèce 34 12 7République Tchèque 46 12 5Shangaï 27 12 19Taipei 36 12 10Australie 46 13 8Pays-Bas 37 13 8Suède 43 13 6Irlande 39 13 7Israël 43 13 6Suisse 40 14 8Royaume-Uni 44 14 6Slovénie 39 14 6Espagne 29 14 9Mexique 25 14 7Pologne 39 15 9Danemark 36 15 6République Slovaque 41 15 5Singapour 47 15 12Nouvelle-Zélande 52 17 9Etats-Unis 42 17 7France 51 17 8Portugal 30 17 10Autriche 48 17 5Allemagne 44 18 6Luxembourg 40 18 5Belgique 47 19 8Turquie 29 19 10Chili 31 19 6Hongrie 48 26 6

non OCDE (économies partenaires) tri par ordre croissant sur % variance performance/milieu socio-économique

Source des données : OCdE (PiSa 2009)

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42 – RaPPORt du CONSEiL éCONOMiQuE, SOCiaL Et ENviRONNEMENtaL

Le taux d’élèves résilients constitue un troisième indicateur d’équité sociale de l’éducation. En effet, si la plupart des élèves peu performants aux tests PiSa sont issus d’un milieu socio-économique défavorisé, les résultats d’un certain nombre d’élèves de milieu modeste confinent à l’excellence. Ces élèves dits résilients sont assez nombreux en Finlande, au Japon, au Canada et au Portugal et très nombreux dans les économies partenaires asiatiques, Hong-Kong, Shanghai et, dans une mesure un peu moindre, Singapour et taipei. Sur ce troisième indicateur la France se situe dans la moyenne.

La relation entre le milieu des élèves et leurs résultats scolaires est certes observable dans tous les pays mais son intensité varie fortement selon les systèmes d’éducation et en fonction de modalités assez diverses. au Canada, en Finlande, au Japon, les élèves tendent à être performants quel que soit le niveau socio-économique de leur famille ou celui de l’établissement qu’ils fréquentent. Les systèmes d’éducation les plus efficaces parviennent à dispenser un enseignement de qualité à tous les élèves.

L’enquête PiSa s’efforce aussi de mesurer et d’analyser cet « effet établissement ». dans un certain nombre de pays, les résultats donnent à penser que de nombreux élèves sont doublement pénalisés : ils cumulent le fait de vivre dans un milieu défavorisé avec la fréquentation d’un établissement où les conditions d’apprentissage sont moins favorables. Malheureusement, PiSa ne peut fournir en ce domaine aucune donnée concernant la France qui est le seul pays à avoir refusé de participer à cette partie du programme46.

Ces comparaisons, sur la base de la relation entre les résultats et les différentes caractéristiques socio-économiques des élèves, montrent que les pesanteurs de l’environnement social peuvent être considérablement atténuées et suggèrent par là-même des marges d’amélioration importantes pour notre système éducatif.

Les résultats de PiSa montrent aussi que la qualité et l’équité ne doivent pas être considérées comme des objectifs contradictoires : les pays qui enregistrent les performances les plus élevées par le nombre d’élèves dans les niveaux supérieurs de compétence, sont aussi souvent les plus équitables, c’est-à-dire ceux qui font également le mieux réussir les élèves situés aux niveaux inférieurs de compétence.

ÊUn climat scolaire médiocre facteur d’aggravation des inégalitésun climat scolaire médiocre semble entraver la lutte contre l’échec scolaire à moins

qu’il ne faille l’interpréter comme un symptôme de l’incapacité de l’institution à prendre véritablement en charge les élèves socialement et culturellement défavorisés. L’ambiance et les relations au sein de l’école influent sur la qualité de la scolarité et la souffrance éprouvée par certains jeunes élèves empêche leur engagement total dans les apprentissages. des acteurs de l’éducation témoignent aussi de l’extinction psychologique progressive de certains enfants dans les classes47.

46 PiSa 2009, OCdE, vol. i et ii.47 audition de Régis Félix, ancien principal de collège et responsable de réseau atd Quart Monde, devant le CESE,

11 mai 2011 et entretien avec Christophe Paris, directeur et Eunice Mangado-Lunetta, directrice déléguée de l’association de la fondation étudiante pour la ville (aFEv), 11 mai 2011.

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LES iNégaLitéS à L'éCOLE – 43

Le malaise des élèves a deux origines principales. En premier lieu, l’école est loin d’être toujours un espace de sérénité et de sécurité et certains élèves souffrent de violences verbales et parfois physiques de leurs pairs. En second lieu, des élèves éprouvent une véritable hantise au regard des modalités de l’apprentissage.

Le baromètre annuel 2010 de l’aFEv basé sur une enquête conduite auprès de 760 écoliers et collégiens des quartiers populaires permet de se représenter l’importance que revêt cette question de l’ambiance des apprentissages.

dans les quartiers populaires, les relations avec les pairs sont ressenties comme plutôt difficiles par une assez forte proportion des élèves. 53 % déclarent avoir déjà été victimes de violence dans l’enceinte de l’école. 83 % ont subi des insultes et des moqueries et 33 % des violences physiques. C’est à l’école primaire que ces violences physiques seraient les plus fréquentes (50 % des écoliers contre 26,5 % des collégiens disent en avoir été victimes). Le racket est signalé par 7 % des élèves de l’échantillon.

à l’intérieur de la classe, seuls 5 % des élèves de ces quartiers populaires déclarent qu’il n’y a jamais de chahut et 49 % disent qu’il y en a très souvent.

une enquête réalisée à plus grande échelle - sur tous types d’établissements et élèves de tous milieux- par l’observatoire international de la violence à l’école (OivE) et l’uNiCEF a permis d’évaluer à 12 % la proportion d’élèves victimes de micro violences répétées, c’est-à-dire de harcèlement et à 7 % ceux victimes de violences physiques fréquentes. Surtout l’étude montre que ces violences se répètent sur les mêmes enfants avec des conséquences graves en termes de dépression et de décrochage scolaire.

Le baromètre de l’aFEv pointe, par ailleurs, les modes d’enseignement comme une source d’angoisse et de tensions pour une forte proportion des élèves. 54 % des enfants interrogés (et 64 % de ceux du primaire) anticipent l’échec en déclarant qu’ils ont le sentiment qu’ils ne vont pas arriver à faire ce qui leur est demandé. Ce phénomène semble devoir être associé aux difficultés de compréhension des consignes formulées par les enseignants (69 % des élèves sont parfois dans cette situation et 17 % souvent). Ces incompréhensions face aux attentes de l’école sont plus souvent déclarées par les écoliers du primaire (31 %). Plus de la moitié des élèves se trouvant dans cette situation renoncent à solliciter l’enseignant pour obtenir des explications.

La comparaison des résultats des deux enquêtes déclaratives précitées (même si elle doit être relativisée en raison de méthodologie et de taille d’échantillons différentes) fait apparaître un ressenti du climat scolaire plus négatif chez les élèves des quartiers populaires que parmi les élèves de tous les milieux confondus. 50 % des écoliers de l’échantillon aFEv ont subi des violences physiques alors qu’ils sont 17 % dans l’enquête uNiCEF/OivE. 73 % des enquêtés aFEv déclarent n’aimer que peu ou pas du tout l’école pour 28 % des enfants interrogés par l’OivE qui disent ne pas aimer aller à l’école. Ces données semblent témoigner d’une assez forte inégalité des conditions de scolarisation.

Certains éléments de l’enquête internationale PiSa pour les élèves de 15 ans montrent que la France est assez mal positionnée dans l’OCdE pour le climat scolaire. Elle se classe en effet parmi les pays où la discipline est la moins respectée ce qui, d’ailleurs, peut sembler paradoxal compte tenu de son « style » éducatif qui valorise plutôt l’autorité. Le climat de discipline s’est même dégradé entre 2000 et 2009. Les relations élèves/enseignants sont aussi légèrement moins bonnes que la moyenne des pays de l’OCdE bien qu’elles se soient améliorées depuis 2000. Cet exercice comparatif révèle aussi une corrélation marquée entre

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44 – RaPPORt du CONSEiL éCONOMiQuE, SOCiaL Et ENviRONNEMENtaL

le climat en classe et la performance des pays en compréhension de l’écrit48. Pour notre pays, cela est particulièrement vrai en ce qui concerne le climat de discipline de la classe qui influence fortement les résultats des élèves et un peu moins vrai pour ce qui est des relations élèves/ enseignants. dans les deux cas, la France fait moins bien que la moyenne des pays de l’OCdE49.

Néanmoins, toutes les sources indiquent que les élèves de primaire et de collège ont une perception plutôt positive de leurs maîtres ou professeurs et qu’ils ne les tiennent pas pour responsables de leurs difficultés scolaires. Le baromètre de l’aFEv établit même que 57,2 % des élèves de quartiers populaires qui ont été interrogés considèrent que leurs enseignants s’intéressent à eux.

ÊDes inégalités selon l’origine

L’enquête Trajectoire et Origines : les enfants d’immigrés, en particulier les garçons, n’ont pas bénéficié de la démocratisation de l’enseignement au même degré que la population majoritaire

Cet important travail, réalisé récemment par l’iNEd et l’iNSEE, fait apparaître que les effets positifs de la scolarité en termes d’insertion professionnelle et de niveau de diplôme seraient en moyenne beaucoup plus faibles pour les enfants d’immigrés50. L’enquête effectue un retour sur les trajectoires des personnes. il est donc impossible de déduire de ses résultats les effets de l’éducation à un instant t ou pour une classe d’âge déterminée. En effet, l’âge de la population entrant dans le champ de l’étude est compris entre 18 et 50 ans pour les données sur les métiers, sur le chômage et sur le niveau de diplôme et entre 18 et 35 ans pour celles concernant les parcours scolaires. La scolarité est donc une expérience plus ou moins éloignée dans le temps pour les personnes interrogées : certaines étaient encore scolarisées à la veille de l’enquête tandis que d’autres avaient quitté l’école à la fin des années 1970. L’enquête agglomère donc des expériences réalisées dans des contextes temporels différents. L’information qu’elle fournit sur les parcours des personnes en fonction de leur groupe d’origine n’en est pas moins pertinente.

Les sorties sans aucun diplôme du système éducatif sont plus nombreuses chez les descendants d’immigrés (13 % contre 8 % dans la population majoritaire de l’enquête). Cependant, les filles obtiennent, quel que soit le pays d’origine considéré, des résultats sensiblement meilleurs que les garçons, à l’exception toutefois des descendantes d’immigrés venus de turquie. Parmi les descendants d’immigrés dont les parents sont venus d’algérie, du Maroc, de tunisie ou de turquie, la part des hommes sans diplôme est presque deux fois plus importante que dans la population majoritaire51.

après le collège, les garçons descendants d’immigrés sont moins souvent orientés vers des filières d’enseignement général. Les filles ont en revanche des taux de passage dans l’enseignement général comparables, voire, selon l’origine de leurs parents, supérieurs

48 PiSa 2009, notre de présentation (France).49 Résultats du PiSa 2009 : synthèse, OCdE 2010, pp.20-22.50 Le but de cette enquête était d’améliorer les connaissances sur les trajectoires sociales et les conditions de vie

des migrants et de leurs descendants. Elle a été réalisée entre septembre 2008 et février 2009 sur un échantillon de 21000 personnes ; immigrés et natifs d’un dOM, descendants d’immigrés, descendants d’originaire d’un dOM, natifs de France métropolitaine dont aucun parent n’est émigré ou originaire d’un dOM. Le devenir des enfants d’immigrés, par comparaison avec le destin de leur parent est au cœur des analyses de l’enquête.

51 Laure Moguérou, Yaël Brinbaum, Jean-Luc Primon, Niveaux de diplôme des immigrés et de leurs descendants. Enquête sur la diversité des populations en France. Premiers résultats. iNEd-iNSEE, octobre 2010.

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LES iNégaLitéS à L'éCOLE – 45

à ceux du reste de la population. Cette différence sexuée très marquée se retrouve dans l’accès à l’enseignement supérieur.

L’impact des origines sociales des jeunes doit évidemment être pris en compte. il existe des différences socialement marquées entre les groupes d’origine. dans leur majorité, les descendants d’immigrés appartiennent à des familles ouvrières par leur père (65 % contre 41 % des jeunes de la population majoritaire) mais pour les descendants d’immigrés originaires du Maghreb, de turquie ou du Portugal, cette proportion dépasse 70 %. à l’inverse, les immigrés d’asie du sud-est dont les enfants, filles et garçons, ont une réussite scolaire égale ou supérieure à celle de la population majoritaire, étaient en moyenne assez fortement diplômés lors de leur arrivée en France. Ces origines sociales contribuent à l’explication des niveaux d’éducation atteints.

Les différenciations scolaires selon les origines doivent aussi être mises en relation avec le vécu de l’orientation que l’enquête permet d’appréhender : en moyenne, 14 % des descendants d’immigrés déclarent « avoir été moins bien traités » lors des décisions d’orientation, soit environ trois fois plus que la population majoritaire. Parmi les motifs cités comme causes potentielles de ces traitements défavorables, l’origine géographique prédomine, suivie de la couleur de la peau. Ces situations scolaires sont donc ressenties comme des discriminations ethno-raciales52.

d’autres travaux permettent d’appréhender ces inégalités de réussite dès l’école primaire.

Repérables dès l’école élémentaire, ces inégalités sociales selon l’origine sont étroitement associées au niveau économique des familles

Parmi les enfants d’immigrés entrés au CP en 1997, seulement 72 % contre 83 % des enfants de familles mixtes et 84 % de ceux de familles non immigrées parviennent à l’heure ou en avance en sixième. Par rapport aux collégiens issus de familles non immigrées, les écoliers dont les parents sont immigrés réussissent 9 items de moins sur 100 en français et 11 de moins en mathématiques à l’évaluation nationale en sixième.

Cependant, le critère « immigré » est fortement corrélé avec les milieux sociaux défavorisés, le faible niveau de diplôme des parents et des fratries plus nombreuses qui sont autant de caractéristiques associées à un risque élevé d’échec scolaire.

de fait, à situation sociale et familiale comparable, les enfants d’immigrés ont des chances équivalentes - voire légèrement supérieures - de parvenir à l’heure ou en avance en 6ème, sans redoublement donc.

à niveau initial comparable, ils progressent plus en français et en mathématiques et redoublent moins. à niveau social des parents identique (ouvriers), les enfants d’immigrés progressent davantage que les autres élèves au cours de leur scolarité élémentaire mais insuffisamment pour combler l’important déficit d’acquis qui était le leur en début de scolarité53.

52 Yaël Brinbaum, Laure Moguérou, Jean-Luc Primon, Parcours et expériences scolaires des jeunes descendants d’immigrés en France. Enquête sur la diversité des populations en France. Premiers résultats. iNEd-iNSEE, octobre 2010.

53 Jean-Paul Caille et Fabienne Rosenwald, Les inégalités de réussite à l’école élémentaire ; construction et évolution. in France : Portait social, 2006, pp.115-137.

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au total, la scolarité secondaire des enfants de parents immigrés qui représentent environ 10 % des élèves entrant en 6ème, est bien plus aléatoire et erratique que celle de la population majoritaire. Le redoublement les touche plus souvent que les autres élèves : ¼ d’entre eux a redoublé contre 1/5 dans la population majoritaire. ils sont 40 % à parvenir en seconde générale et technologique contre 50 % des autres élèves. ils sont plus souvent dans les voies professionnelles (35 % contre 25 % des autres élèves) tout en ayant moins souvent accès à l’apprentissage (6 % contre 9 %)54.

Les enfants d’immigrés plus vulnérables au chômage mais avec de fortes disparités selon l’origine et le sexe

Le déroulement de la scolarité et le niveau de diplôme atteint influencent évidemment fortement les conditions d’insertion dans l’emploi même si d’autres facteurs, comme la discrimination à l’embauche, sont aussi à considérer. La convergence entre les taux de chômage inférieurs des descendantes d’immigrés et leur meilleur parcours scolaire n’est pas fortuite.

L’ensemble « descendants d’immigrés ou natifs d’un dOM » présente des taux de chômage très sensiblement supérieurs à ceux du reste de la population : 13 % pour les hommes contre 8 % pour ceux de la population majoritaire ; 12 % pour les femmes contre 10 % pour celles de la population majoritaire. Les disparités sont cependant très fortes selon l’origine géographique.

Les taux de chômages sont très élevés pour les hommes originaires du Maroc, de tunisie, de turquie (21 %) d’afrique subsaharienne (21 %) et d’algérie (20 %). Le taux reste sensiblement supérieur à la moyenne pour les descendants d’immigrés d’asie du sud-est (16 %).

En revanche, les hommes descendants d’immigrés d’Europe du sud ont des taux de chômage inférieurs à ceux de la population majoritaire : 7 % pour les origines espagnole et italienne ; 8 % pour l’origine portugaise.

Les femmes descendantes d’immigrés ont des taux de chômage égaux ou inférieurs à ceux de leurs homologues masculins, compris entre 15 et 20 % pour celles dont les parents sont originaires d’afrique subsaharienne, Maroc, tunisie ou algérie. Les femmes d’origine turque font exception avec un taux de chômage à 34 %. Les descendantes d’immigrés sont cependant plus souvent inactives : 26 % d’entre elles sont dans ce cas contre 15 % des hommes. Mais il est intéressant de noter qu’elles sont aussi plus souvent « en études » que leurs congénères masculins (14 % contre 11 %) ce qui correspond effectivement à des parcours scolaires en moyenne plus longs et mieux réussis que ceux des hommes.

dans la population masculine, la comparaison du chômage des immigrés à celui des descendants d’immigrés montre que pour une origine identique le taux de chômage est généralement plus élevé pour les seconds. Parmi les femmes actives en revanche, les descendantes d’immigrés ont des taux de chômage inférieurs aux femmes immigrées.

Le problème de l’insertion professionnelle se pose de manière particulièrement aigue pour les jeunes hommes issus de parents immigrés. il est la conséquence d’un échec scolaire sensiblement supérieur à ce qu’il est dans la population majoritaire.

54 Haut Conseil de l’intégration, Les défis de l’intégration à l’école. Rapport au Premier ministre pour l’année 2010.

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LES iNégaLitéS à L'éCOLE – 47

Pour l’avenir, à l’appui des efforts qui seraient faits pour adapter notre système éducatif, un facteur externe pourrait produire un effet positif sur l’insertion scolaire des enfants d’immigrés. il s’agit de l’élévation régulière du niveau de formation des immigrés eux-mêmes au moment de leur arrivée en France. ainsi, parmi les immigrés qui sont arrivés en France avant 1974 âgés de plus de 17 ans, l’enquête décompte 76 % de personnes non ou peu diplômées et seulement 11 % de diplômés du supérieur. Parmi ceux, des mêmes tranches d’âge, qui ont émigré après 1998 le groupe des non ou peu diplômés ne représente plus que 40 % contre 34 % de certifiés de l’enseignement supérieur. Les données de l’enquête Trajectoires et origines semblent attester que les migrants représentent par rapport aux non-migrants de la société de départ une population de plus en plus sélectionnée sur le plan scolaire55.

La responsabilité de la médiocre performance française aux tests PiSa ne saurait être rejetée sur les enfants issus de l’immigration. En effet, comme nous l’avons déjà souligné, ces derniers, « toutes choses égales par ailleurs » (statut socio-économique de la famille, niveau de diplôme de la mère…) réussissent aussi bien, sinon mieux que les autres56. dans les faits, les enfants d’immigrés voient leurs chances de réussite scolaire considérablement réduites par le fait qu’ils sont issus, dans leur très grande majorité, de famille socialement défavorisées et dont le statut sur le territoire national est parfois précaire. C’est là encore une illustration de la faible capacité de notre système éducatif à compenser les effets négatifs du milieu social sur la réussite scolaire.

inégalités selon le genreLes inégalités de performances scolaires entre les élèves sont aussi étroitement

associées au genre. Les filles sont en moyenne meilleures que les garçons. Contrairement à ce qui est observable pour l’origine géographique, il n’y a pas de rapport aussi direct entre les disparités de résultat selon le genre d’une part, et le milieu économique, social et culturel dans lequel évoluent les enfants d’autre part. il y a là une réalité complexe, difficile à saisir, qui renvoie très probablement à des différences dans les conditions de socialisation des filles et des garçons dont nous ne sommes pas toujours parfaitement conscients.

Les principaux indicateurs de la scolarité rendent compte du meilleur comportement scolaire et de la plus grande réussite des filles jusqu’à un stade avancé de leurs études.

Leur espérance de scolarisation à l’âge de deux ans est supérieure de cinq mois à celle des garçons (F : 18,7 ans ; g : 18,2 ans). Elles sont plus nombreuses à poursuivre leurs études au-delà de l’âge de fin de scolarité obligatoire : 92 % des filles de 17 ans sont scolarisées contre 89 % des garçons du même âge. a 20 ans, cet écart atteint 8 points (54 % contre 46 %).

Les filles obtiennent de meilleurs résultats. Leur retard scolaire est moindre : à 14 ans, elles sont 69 % à avoir atteint la classe de 3ème contre 61 % des garçons. au même âge 8 % des filles mais 11 % des garçons ont mis fin à leur scolarité. au brevet des collèges, leur taux

55 Bertrand Lhommeau, dominique Meurs, Jean-Luc Primon, Situation par rapport au marché du travail des 18-50 ans selon l’origine et le sexe. Enquête sur la diversité des populations en France. Premiers résultats. iNEd-iNSEE, octobre 2010.

56 C’est ce que confirme une étude réalisé en 2009 par Louis Maurin, directeur de l’observatoire des inégalités, sur les taux de bacheliers selon l’origine.

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48 – RaPPORt du CONSEiL éCONOMiQuE, SOCiaL Et ENviRONNEMENtaL

de réussite est supérieur de 6 points (F : 86 % ; g : 80 %) et au baccalauréat, toutes séries

confondues, de 2 points. L’écart est cependant supérieur pour les baccalauréats généraux :

4 points au bac S (F : 92 % ; g : 88 %) ; 3 points au bac ES (F : 90 % ; g : 87 %) ; 4 points au bac

L (F : 88 % ; g : 84 %). Les filles sont toutefois moins nombreuses que les garçons à préparer

un baccalauréat scientifique (45 %) et sont en revanche surreprésentées dans la série

économique et sociale (61 %) et plus encore dans la série littéraire (79 %). dans la génération

2009, 71 % des filles sont titulaires du baccalauréat et seulement 60,5 % des garçons.

Ce phénomène n’est pas propre à la France, loin de là. Si l’on considère la différences des

scores moyens des garçons et des filles de 15 ans, aux tests PiSa, elle est pour notre pays de

40 points, c’est-à-dire un écart exactement identique à ce qu’il est en allemagne, en irlande

et au Japon et équivalent à un point près à la moyenne de l’OCdE. L’inégalité des résultats

selon le genre apparaît même comme le talon d’achille du système éducatif finlandais avec

un écart de score de 51 points. toutefois, ce qui est préoccupant dans le cas de la France

est que le différentiel de performance se soit creusé (+11 points) depuis 2000 un peu plus

fortement que chez la moyenne de ses partenaires (+7 points dans l’OCdE).

Pour l’ensemble des pays de l’OCdE, il apparaît clairement que c’est en compréhension

de l’écrit que les filles font la différence. Elles sont légèrement meilleures que les garçons en

sciences mais la situation tend à s’inverser pour les mathématiques, discipline dans laquelle

les garçons obtiennent des résultats un peu supérieurs. a cet égard, la France ne fait pas

exception. Selon les évaluations, pour 2010, du ministère de l’éducation nationale, en CM2

90 % des filles et 85 % des garçons maîtrisent les compétences de base en français mais, en

mathématiques, les garçons prennent un léger avantage (g : 91 % ; F : 88 %). En fin de collège,

83 % des filles maîtrisent les compétences de base en français contre seulement 72 % des

garçons qui, là encore compensent, très partiellement ce retard grâce au mathématiques (ils

sont 89 % à en maîtriser les compétences de base alors que 87 % des filles sont dans ce cas)57.

La représentation par genre des niveaux les plus faibles à PiSa est particulièrement

éloquente. Elle montre la concentration de la difficulté scolaire sur les garçons. En France, 26

% des garçons et 14 % des filles n’atteignaient pas, en 2009, le niveau 2 de compétence en

lecture, considéré comme un minimum à atteindre pour réussir son parcours personnel (ce

rapport est de 23/14 au Royaume-uni, de 24/13 en allemagne, de 13/3 en Finlande, de 14/6

au Canada et de 9/2 en Corée).

Ces piètres performances des garçons, souvent issus de milieux socio-économiques

défavorisés sont une source d’inquiétude dans de nombreux pays développés : leur

incapacité à lire correctement ne leur permettra pas de participer pleinement à la vie de la

cité.

La question du lien entre la moindre réussite des garçons et le statut socio-économique

de leurs familles doit être posée. L’échec scolaire supérieur des garçons n’est pas en effet

également distribué de bas en haut de la hiérarchie sociale. il semble bien que ce soit dans

les milieux modestes que l’écart avec les résultats scolaires des filles soit le plus prononcé.

57 Filles et garçons sur le chemin de l’égalité, de l’école à l’enseignement supérieur. Ministère de l’éducation nationale dEPP, 2011.

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LES iNégaLitéS à L'éCOLE – 49

Les données de PiSa vont assez clairement dans ce sens. Parmi les élèves en échec scolaire issus de milieux défavorisés58, les filles sont en moindre proportion que les garçons : 3,6 % pour les unes et 6,9 % pour les autres. a l’inverse, elles sont deux fois plus nombreuses parmi les élèves « résilients » c’est-à-dire ceux qui bien qu’issus de milieux défavorisés, obtiennent d’excellents résultats scolaires. 10,1 % des filles et seulement 5,1 % des garçons sont dans ce cas.

Pour les formations les plus élevées et les plus exigeantes, le rapport de performance scolaire entre les sexes semble complètement basculer. En effet, les filles ne représentent que 42,7 % des effectifs des classes préparatoires aux grandes écoles et si elles sont souvent majoritaires dans les cursus licence et master, elles ne le sont plus en doctorat.

il faut sans doute voir ici l’influence de la représentation sexuée des rôles dans la société, dans les familles comme entre pairs, qui favoriserait la réussite scolaire des filles dans un premier temps mais, à partir d’un certain niveau, prédisposerait plus les garçons que les filles à entreprendre des études longues et utiles en termes d’accès à un statut social supérieur.

géographie des inégalités scolairesLa France ne constitue pas un territoire homogène au regard de la scolarité. L’inscription

des inégalités dans l’espace constitue à n’en pas douter un élément supplémentaire de difficulté qui peut être appréhendé à différents niveaux, académique, départemental ou même dans des territoires plus restreints, à l’échelle de l’agglomération et du quartier. La question est de savoir si les inégalités territoriales que l’on observe correspondent simplement ou non à des différenciations socio-économiques ; elle est aussi de repérer si d’autres facteurs peuvent éclairer les stratégies de réduction des inégalités.

Ê Les principales fractures territoriales

Une typologie des académies selon les moyens et les besoins

Patrice Caro et Rémi Rouault dans leur récent Atlas des fractures scolaires ont identifié six types d’académies en fonction d’un ensemble d’indicateurs de besoins et de moyens (effectifs scolarisés, dépenses, caractéristiques des établissements et des corps enseignants).

à une extrémité du spectre, les académies du Sud-est, aix-Marseille, Nice, Montpellier, toulouse apparaissent plus favorisées avec une surreprésentation d’équipements récents, des enseignants souvent titulaires et des dépenses par collégien élevées. Elles concentrent une grande masse de jeunes qu’il a fallu scolariser en se dotant de bâtiments neufs. Les dotations des Conseils généraux aux collèges sont importantes.

à l’autre extrémité, les départements d’Outre-mer et la Corse sont marqués par une sous-représentation d’enseignants titulaires, des dépenses par collégiens faibles et une part importante prise par l’éducation prioritaire. La population lycéenne y est plus faible qu’ailleurs de même que le nombre d’apprentis. Le corps enseignant, en grande partie

58 un élève est considéré comme défavorisé et en échec scolaire lorsqu’il se situe dans le quart inférieur selon l’indice de statut économique, social et culturel (ESCS) dans son pays et dans le quart inférieur des performances de tous les élèves de tous les pays de l’enquête après prise en compte de l’environnement socio-économique. PiSa – 2009, vol. ii « Surmonter le milieu social, l’égalité des chances et l’équité du rendement dans l’apprentissage » tableau ii.3.3.

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50 – RaPPORt du CONSEiL éCONOMiQuE, SOCiaL Et ENviRONNEMENtaL

originaire de métropole n’est pas stabilisé localement et se trouve souvent confronté à de

grandes difficultés sur le terrain, en particulier en guyane où la plupart des élèves étrangers,

en forte proportion dans la population scolaire, ont un accès difficile au français.

Cette typologie fait surtout apparaître la situation difficile des très grosses académies.

versailles, Créteil et Lille partagent de fortes proportions de collèges et d’écoles classés

« ambition réussite ». Elles accueillent beaucoup d’enseignants en début de carrière ou non

titulaires. Les académies de Créteil et de Lille sont confrontées à une très grande précarité

des familles tandis que dans celle de versailles, la présence de banlieues très riches atténue,

lorsque les situations sont observées à cette échelle, l’effet statistique des cités défavorisées.

de grandes académies de la périphérie de l’hexagone se situent quant à elles dans une

situation moyenne. il s’agit en particulier des académies de la façade atlantiques (Rennes,

Nantes, Bordeaux) très attractives ces quinze dernières années mais dont le développement

ne s’est pas appuyé sur de nouvelles constructions.

de petites académies (dijon, Besançon, Reims, amiens et Rouen) incarnent aussi un

profil moyen. Les dépenses par collégien y sont certes supérieures à la moyenne mais de

nombreux établissements relèvent de l’éducation prioritaire avec les difficultés qui y sont

attachées.

Enfin, les académies de Poitiers, Limoges, Clermont-Ferrand et Caen sont en situation

favorable mais rassemblent peu d’élèves et leurs effectifs connaissent même une baisse

tendancielle.

En s’efforçant de simplifier cette carte académique construite sur un principe de

correspondance des moyens et des besoins, nous trouvons :

– d’un côté, une France du Sud-est favorisée, une région atlantique plutôt bien lotie

en fonction de caractéristiques propres (un réseau dense et ancien d’écoles et

de collèges privés) et de petites académies peu urbanisées et dont les moyens

suffisent au regard d’une démographie scolaire en déclin ;

– de l’autre, un grand bassin parisien confronté aux défis d’une urbanisation et d’une

massification difficiles à maîtriser et un Outre-mer marqué par l’éloignement de la

métropole et, dans le cas de la guyane, par la pression démographique de son

environnement.

il est alors utile de recouper entre les fractures dessinées à partir des ressources et celles

basées sur l’évaluation de la scolarité.

De fortes disparités territoriales dans les résultats des élèves

L’analyse territoriale des résultats de l’évaluation nationale de CM2 réalisée en 2009,

confirme la force du lien entre le milieu social et culturel des élèves et leurs résultats scolaires.

Les académies d’Outre-mer, de Créteil et d’amiens où une forte proportion de la population

vit dans la précarité obtiennent, pour les élèves de CM2, des résultats inférieurs à la moyenne

nationale. Les écarts entre les académies sont considérables. ainsi, les performances des

élèves en français et en mathématiques sont cinq à six fois supérieures à Paris qu’elles ne le

sont en guyane. toutefois, les déterminants économiques et culturels n’interviennent pas

de façon simple et uniforme.

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LES iNégaLitéS à L'éCOLE – 51

Les cartes ci-dessous font nettement apparaître un clivage scolaire entre deux parties de l’hexagone59.

Les inégalités territoriales face aux évaluations de CM2

Source : MEN, dEPP, évaluations CM2, janvier 2009

dans une France du Sud, de l’Ouest et de l’extrême Est (Lorraine et alsace) la réussite des élèves de CM2 est plutôt au rendez-vous (45 à 60 % d’entre eux ont obtenus plus de 65 % de bonnes réponses aux tests de français et de mathématiques). Les plus forts taux de réussite sont enregistrés en Bretagne, en aquitaine, en Midi-Pyrénées et en Corse.

une France du Nord (comprenant la région Nord-Pas-de-Calais et la majeure partie du Bassin parisien auquel il faut intégrer la Normandie armoricaine) est marquée par une faible réussite des élèves. Paris intra-muros s’isole de cet ensemble par de très bons résultats tandis que les élèves de l’académie de versailles qui sont nombreux à être issus de milieux favorisés réalisent des scores qui les situent dans la tranche intermédiaire-supérieure. Les départements d’Outre-mer peuvent aussi être rattachés à cet ensemble mais avec des performances encore inférieures.

59 Cartes extraites de L’Atlas des fractures scolaires (2010) de Patrice Caro er Rémi Rouault.

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52 – RaPPORt du CONSEiL éCONOMiQuE, SOCiaL Et ENviRONNEMENtaL

une carte construite sur la base des évaluations et des examens du secondaire (brevet, baccalauréats) ne serait pas fondamentalement différente. La guyane est toujours en situation extrêmement défavorable et les antilles sont en grande difficulté.

La France métropolitaine reste scindée. Le grand Bassin parisien et le Nord-Pas de Calais forment toujours une aire de performances médiocres mais ils sont rejoints par le Sud méditerranéen, en dépit nous l’avons vu de moyens plus importants qu’ailleurs, et par la Corse dont les élèves décrochent fortement dans le secondaire. dans ce groupe, le retard en 3ème est fréquent et le nombre de sorties sans qualification reste important.

Les académies de l’Ouest-atlantique, du Sud-ouest, du Massif Central, de la région Rhône-alpes, de Franche-Comté et d’alsace enregistrent de bons voire de très bons résultats dans le secondaire. On observe quelques changements par rapport aux performances du primaire : la Basse-Normandie intègre le groupe des meilleurs, la Lorraine s’en sépare, à l’instar, nous l’avons déjà noté, des trois académies méditerranéennes60.

il existe, à l’évidence, un rapport entre le dynamisme économique et social des territoires et les résultats scolaires de leurs élèves. Les collectivités d’Outre-mer qui concentrent les populations les plus pauvres, avec de très forts taux de chômage sont effectivement les premières touchées par l’échec scolaire. En métropole, des régions d’industrie ancienne dont la reconversion est un processus difficile, sont aussi confrontées à de très médiocres performances scolaires. C’est le cas du Nord-Pas-de-Calais, de la Picardie, de la Seine Maritime…

Les cas de l’ile-de-France et du littoral méditerranéen entrent plus difficilement dans ce schéma. a ce stade, limitons nous à constater qu’il s’agit de deux régions pesant très lourd dans l’économie hexagonale, fortement urbanisées et socialement contrastées. Mais la suite de l’analyse devra sans doute rechercher l’explication de cette spécificité à un niveau-infra-académique.

Ê La déstabilisation des collèges des secteurs les plus populaires

De la démocratisation scolaire à la ségrégation

une véritable déstabilisation de la géographie scolaire est intervenue au cours des trente dernières années. Elle a débuté dans le secondaire en raison de ce qui peut être qualifié de marche désordonnée vers le collège unique. En 1985, le palier d’orientation en fin de 5ème a finalement été supprimé, conformément à l’esprit de la réforme adoptée dix ans auparavant. Le passage en 4ème a été ainsi généralisé. Mais cette mesure n’a pas été accompagnée de l’effort de rénovation organisationnelle et pédagogique qu’exigeait l’ambition de faire réussir tous les élèves.

En l’absence de réduction de la fréquence des situations d’échec dans les milieux sociaux à faible capital scolaire, la disparition du palier d’orientation en fin de 5ème a eu pour effet d’accentuer les inégalités de niveau entre les collèges en lien avec leur secteur de recrutement. L’impossibilité d’écarter de la voie générale les élèves les moins « scolaires » a rendu bien plus visibles les inégalités de recrutement entre les établissements.

60 Patrice Caro et Rémi Rouault, op. cit. p. 49.

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dans un mouvement cumulatif, cette déstabilisation scolaire des secteurs populaires est devenue un phénomène de très grande ampleur et de très grande intensité. L’aggravation des situations d’échec et d’indiscipline a conduit à définir une catégorie des collèges « sensibles ». Rapidement, les inégalités de recrutement se sont amplifiées dès la 6ème par le développement des phénomènes de fuites vers des collèges plus rassurants. dans certains établissements devenus très peu attractifs, le nombre d’entrants en 6ème a été divisé par deux entre le milieu des années 1980 et le milieu des années 1990. Ce sont les moins démunis qui parviennent à trouver place ailleurs. « En forçant le trait, on pourrait dire que la fraction d’élèves qui continue d’entrer dans ce type d’établissement correspond à celle qui aurait été orientée hors du collège en 5ème quand ce palier d’orientation existait. »61.

d’abord très apparentes dans les collèges, ces difficultés finissent par gagner les écoles élémentaires vis-à-vis desquelles les attentes collectives et individuelles changent. Elles sont elles aussi un objet d’inquiétude pour les familles et subissent elles aussi une pression concurrentielle aux résultats.

La concentration de l’échec scolaire dans l’espace

Cette évolution très négative fait sentir pleinement ses effets dans les grandes agglomérations où voisinent des zones d’habitat socialement contrastées. Le cas de l’Île-de-France est certainement le plus emblématique et peut-être le plus préoccupant. La région concentre une grande part de la richesse nationale et regroupe un grand nombre de familles aisées. La proportion de parents d’élèves cadres ou chefs d’entreprises y est supérieure d’au-moins 20 % à ce qu’elle est dans les autres régions françaises. avant 1985, la part des bacheliers y était donc assez logiquement de loin la plus élevée, 25 % au-dessus de la moyenne nationale. Or, au fil du temps l’ile-de-France a perdu cette avance scolaire. Elle est aujourd’hui rattrapée par de nombreuses régions peu urbanisées et même durablement dépassée par des régions du grand Ouest, en particulier la Bretagne62.

Les tentatives de solutions basées sur une compensation territoriale, en termes de moyens, développées à partir du début des années 1980 dans le cadre de la politique d’éducation prioritaire, ont été submergées par l’immensité du problème. L’instauration des ZEP n’a pu que tenter de lutter contre la disqualification d’un certain nombre d’établissements, disqualification d’abord imputable au recul de la mixité sociale sous l’effet conjugué des difficultés socio-économiques et d’une forme d’urbanisme aujourd’hui étroitement associée à l’idée de quartier sensible.

La massification scolaire a donc dérivé, en particulier dans les très grandes agglomérations, vers des formes de concentration territoriales de la difficulté sociale et de la difficulté scolaire. Ce phénomène de ségrégation a été très bien analysé par la sociologue agnès van Zanten qui a montré toute la complexité des interactions entre la situation des quartiers et des pratiques variées de contournement scolaire63. La dégradation du contexte éducatif a en effet favorisé l’apparition de ces stratégies d’évitement de la part de familles qui en avaient les moyens.

61 Sylvain Broccolichi, Idéaux démocratiques et criantes inégalités scolaires in école : les pièges de la concurrence. Editions La découverte, 2010 p. 33.

62 idem pp.34-35.63 agnès van Zanten, Choisir son école. Stratégies familiales et médiation locale. PuF, 2009 et audition devant le

Conseil économique, social et environnemental, le 8 février 2011.

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La plus radicale et la plus coûteuse de ces stratégies est celle d’un choix résidentiel subordonné à celui de l’école. alors, la déperdition de mixité sociale lèse non seulement l’établissement d’origine mais aussi tout son environnement.

Le choix de l’enseignement privé ou d’un autre établissement public situé dans une commune proche permet à nombre de familles de s’affranchir des contraintes de la sectorisation. Ces pratiques très répandues et désormais encouragées par l’assouplissement de la « carte scolaire » conduisent à homogénéiser socialement et culturellement les établissements et à les répartir entre deux pôles celui de la réussite et du « bon climat scolaire » d’un côté, celui de l’échec massif et des élèves difficiles de l’autre. Notons d’ailleurs ici qu’un certain nombre d’élèves peuvent être piégés par le choix d’un « bon établissement » dont l’orientation extrêmement sélective leur convient peu si bien qu’ils n’y réussissent finalement pas.

très souvent aussi, les souhaits des parents et des équipes éducatives s’accordent tacitement, au sein d’un même établissement, pour renouer avec le tri des élèves en fonction de leur niveau et de leur comportement scolaire. une politique d’options initiée par le ministère (qui renonce d’ailleurs ainsi à assurer l’égalité de l’offre d’enseignement) autorise, en fait, les établissements à ouvrir des classes de niveau. Cette pratique qui constitue à l’évidence une remise en cause du principe du collège unique présente toutefois l’avantage de ne pas avoir d’effet spatial négatif. Les chefs d’établissement et les enseignants peuvent y voir une planche de salut en espérant que l’ouverture de classes à options empêchera le départ des élèves scolairement les plus performants. a l’inverse, elle présente l’inconvénient de mettre à mal les relations entre élèves d’un même établissement, certains éprouvant un sentiment de relégation.

dans ce contexte, une tendance à la sélection des candidatures dans l’enseignement privé comme dans l’enseignement public contribue à renforcer les inégalités. Or, un environnement populaire fortement ségrégué accroît toujours les difficultés de l’école : les élèves sont moins intéressés par l’enseignement ; les problèmes de discipline sont plus massifs ; la durée du travail scolaire est donc plus faible64. Schématiquement, l’espace scolaire connaît une bipolarisation inquiétante : les bons établissements et les bonnes classes sont constitués par des enfants des classes moyennes et favorisées alors que les mauvais établissements et les mauvaises classes accueillent des enfants des milieux populaires souvent issus de l’immigration non européenne. Cette dichotomie recoupe largement, de par l’implantation des établissements, la ségrégation socio-spatiale de l’habitat dans les grandes agglomérations qui est elle même devenue particulièrement visible à partir des années 1970.

64 Marie duru-Bellat, professeur de sociologie à Sciences-Po, Paris, audition devant le Conseil économique et social, le 23 mars 2011.

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LES iNégaLitéS à L'éCOLE – 55

Ê L’école est plus en difficulté dans les grandes agglomérations

Des départements très urbanisés font moins bien que ne le laissent espérer les caractéristiques socio-économiques de leur population

Comme nous l’avons vu précédemment, l’école française fait globalement moins bien qu’elle ne pourrait puisque les acquis des élèves y sont plus étroitement liés à leur origine sociale que dans la plupart des pays comparables. En d’autres termes, elle est plutôt faible dans son combat contre le déterminisme social.

dans le cadre d’une recherche pluridisciplinaire sur les variations des disparités territoriales d’éducation et de formation, une équipe de sociologues et de statisticiens a récemment mesuré, par département, les écarts entre la performance scolaire attendue compte tenu des caractéristiques sociales des élèves (proportion d’élèves issus de familles défavorisées, d’élèves boursiers et d’élèves étrangers…) et la performance scolaire réelle appréciée à partir des évaluations des connaissances à l’entrée en 6ème complétées par les résultats du diplôme national du brevet (dNB)65.

Cette démarche a fait apparaître une géographie scolaire inédite en identifiant des départements en sur-réussite et d’autres en sous-réussite. Plus de la moitié des départements s’inscrivent cependant, assez logiquement, dans une « moyenne » : les acquis des élèves y sont liés à leur origine sociale de la même façon qu’à l’échelle nationale. il est important de bien comprendre que cette approche hiérarchise des territoires non pas en fonction de la moyenne des résultats obtenus par leurs élèves (ce qui aboutirait à un tout autre classement) mais en fonction d’une performance scolaire qui intègre l’avantage ou le handicap initial que constitue la composition sociale de la population. On parvient ainsi à isoler des territoires où le système éducatif compense mieux les effets du milieu social que dans la France entière et d’autres où, au contraire, il fait pire.

65 Le développement qui suit est pour l’essentiel basé sur l’ouvrage coordonné par Sylvain Broccolichi, Choukri Ben ayed et danièle trancart, École : les pièges de la concurrence. Comprendre le déclin de l’école française (La découverte, Paris, 2010) et sur un entretien du rapporteur avec MM. Ben ayed et Broccolichi au mois d’avril 2011.

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56 – RaPPORt du CONSEiL éCONOMiQuE, SOCiaL Et ENviRONNEMENtaL

« Sous-réussites et « sur-réussites « départementales à l’entrée en 6ème

Source : S. Broccolichi et d. trancart, 2010

Les départements en sous-réussite sont tous situés dans le bassin parisien, en ile-de-France et à proximité. un autre groupe en sous-réussite, un peu moins marquée est localisée à l’extrême sud-est sur le littoral méditerranéen, des Bouches-du-Rhône aux alpes-Maritimes.

Les départements qui se trouvent régulièrement en sur-réussite sont situés dans le Massif Central et le sud-ouest. ils sont peu urbanisés. ils ne comptent aucune grande agglomération à l’exception notable du département de la Loire avec Saint-Etienne.

Les territoires en sous-réussite ont en revanche pour point commun d’englober de très grandes agglomérations où d’être situés dans leur orbite. il s’agit aussi de régions riches et attractives qui dans un passé récent se distinguaient encore par une scolarisation supérieure à la moyenne. Ce dernier constat s’applique particulièrement au sud-est qui jusque dans les années 1980 affichait une des plus fortes proportions de bacheliers par génération de l’hexagone.

Quel que soit le niveau socio-économique moyen de leurs populations (par exemple, très élevé dans les Yvelines et les Hauts-de-Seine et très bas en Seine-Saint-denis) les départements en sous-réussite sont aussi parmi les plus ségrégués de l’hexagone. il y a d’ailleurs une correspondance assez forte entre la cartographie de la sous-réussite scolaire et la concentration des zones urbaines sensibles, avec deux pôles très développés la grande région parisienne et le littoral méditerranéen. Nous avons ici un début de réponse à la question que nous posions plus haut sur la spécificité de ces deux régions.

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LES iNégaLitéS à L'éCOLE – 57

Les zones urbaines sensibles en France

Source : P. Caro et R. Rouault, atlas des fractures scolaires, 2010 p. 43

deux éléments opposent nettement les départements en sur-réussite et les départements en sous-réussite :

– la continuité et la densité de l’urbanisation. Les départements où le système scolaire est le plus efficace comptent en effet un nombre relativement faible de collèges et d’écoles en agglomération et à l’inverse ceux qui sont en sous réussite compte peu d’établissements en milieu rural ou dans une ville isolée ;

– l’indice de disparité sociale et scolaire du recrutement entre les collèges à l’entrée en 6ème qui est deux fois plus élevé dans les départements en sous-réussite.

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58 – RaPPORt du CONSEiL éCONOMiQuE, SOCiaL Et ENviRONNEMENtaL

Les disparités entre collèges sont, en règle générale, peu marquées en milieu faiblement urbanisé. tous les départements peu urbanisés ne sont cependant pas en sur-réussite, loin de là. Beaucoup se situent dans la moyenne nationale et quelques uns comme la Creuse et la Corse du Sud se classent très mal. Cette dernière a toutefois la particularité de présenter des disparités entre établissements très supérieures à la moyenne nationale tout en étant dépourvue de grande ville.

Des enseignants nettement plus jeunes dans les départements en sous-réussite

Les enseignants sont sensiblement plus jeunes dans les départements en sous-réussite. La Seine Saint-denis bat tous les records avec 40 % de moins de trente ans en collège contre 15 % en moyenne dans les collèges français. C’est également là que l’on trouve le plus d’enseignants non titulaires, précaires sous des statuts divers et qu’un certain nombre de postes restent non pourvus. dans les écoles des départements en sous-réussite, la proportion de jeunes enseignants est moindre car le recrutement y est départemental. Elle est cependant supérieure à la moyenne nationale et constitue aussi un bon indicateur de répulsivité. Par exemple, les professeurs des écoles sont plus jeunes dans les académies de Créteil et versailles, où les résultats des élèves sont « inférieurs à l’attendu » sur la base des données sociales, que dans celles de Lille, amiens et de Corse où les résultats bruts des élèves sont les plus faibles.

Les auteurs de l’étude proposent d’interpréter cette situation comme la manifestation de la faible attractivité des départements concernés plutôt que comme une cause de la difficulté scolaire. En effet, le mode de gestion du personnel enseignant fait aujourd’hui de l’ancienneté un élément déterminant de la possibilité de choix de l’affectation. Cette faible attractivité explique certes que les enseignants plus anciens ne cherchent pas à y être nommés, elle explique aussi que ceux qui y sont cherchent à en partir. La conséquence directe en est une faible permanence des équipes éducatives, rendant difficiles l’élaboration et la mise en œuvre de projets d’établissement. L’institution favorise même cela en accordant des points supplémentaires au barème des mutations pour les enseignants ayant exercé dans certains établissements difficiles.

Une offre scolaire de qualité inégale et un climat scolaire dégradé dans de vastes territoires urbains

Certains territoires se caractériseraient donc par un « climat » éducatif nettement plus défavorable. Ce constat laisse entrevoir une évolution très inquiétante à plusieurs titres :

– la contreperformance éducative concernent des territoires qui pèsent très lourd en termes démographiques et économiques (la Côte d’azur, l’Île-de-France et sa périphérie mais sans la ville de Paris) ;

– une telle situation traduit l’incapacité du système éducatif dans son fonctionnement passé et actuel à composer avec une tendance géographique lourde de ces cinquante dernières années, à savoir, l’urbanisation et l’extension du mode de vie urbain ;

– enfin, toutes les couches sociales pâtissent, certes à des degrés divers, du contexte territorial de sous-réussite scolaire.

Ce dernier point mérite particulièrement d’être examiné car il introduit dans le bilan un élément nouveau. Les fractures scolaires n’affectent pas seulement les couches les plus défavorisées.

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LES iNégaLitéS à L'éCOLE – 59

Certes, il est établi que les collèges scolarisant les populations les moins favorisées sont les plus sensibles au contexte territorial de sous-réussite. Néanmoins, les effets négatifs ou positifs des conditions de scolarisation, mises en évidence au niveau des départements, concernent tous les milieux sociaux. Les résultats des élèves des départements en sous-réussite sont inférieurs à ceux des élèves des départements en sur-réussite quelle que soit leur origine sociale.

inégalités de réussite scolaire selon les groupes de départements et selon la profession du responsable de l’élève.

Moyenne maths-français (sur 20) aux épreuves du DNB 2004 (France métropolitaine, collèges publics et privés)

cadre, professions

intellectuelles

chef d’entreprise

(+ de 10 salariés)

Professions intermédiaires

employés ouvriers

groupe des 10 départements en « sous-réussite » maximale*

11,3 10,3 9,5 8,8 7,7

groupe des dix départements en « sur réussite »* maximale

12,5 11,7 11,4 10,9 10

ecart de résultats entre les deux groupes

1,2 1,4 1,9 2,1 2,3

Compte tenu des caractéristiques sociales des familles de ces départements

Source : Sylvain Broccolichi, danièle trancart, 2010, données MEN-dEP

L’écart est faible pour la catégorie cadre et professions intellectuelles mais se creuse à mesure que l’on descend les degrés de l’échelle socioculturelle. Les enfants d’origine modeste améliorent considérablement leurs résultats dans le deuxième groupe de départements.

de cette différence de sensibilité des élèves au contexte scolaire départemental en fonction de leur origine sociale, les auteurs donnent l’explication suivante : dans les départements en sous-réussite où, par définition, les conditions de scolarisation ne sont pas partout satisfaisantes, les parents dont le capital culturel et/ou économique est élevé sont mieux placés pour savoir et pouvoir choisir un autre établissement que celui du secteur. Les élèves de familles peu ou pas du tout favorisées socialement réussissent beaucoup mieux, en revanche dans les départements où les conditions de scolarisation sont meilleures et plus homogènes.

Cette analyse territoriale fait finalement ressortir que la variable établissement (au sens large du terme car les écoles élémentaires sont aussi concernées) joue un rôle central dans la réussite ou l’échec scolaire, spécialement pour les plus défavorisés. Là où le service public est en capacité d’organiser une offre scolaire convenable et assez homogène, l’efficacité du système est plutôt bonne en termes de corrections des inégalités socioculturelles de départ et de niveau moyen des élèves. Là où l’offre scolaire est de qualité très inégale, non seulement les écarts de réussite se creusent selon le milieu d’origine des élèves mais toutes

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60 – RaPPORt du CONSEiL éCONOMiQuE, SOCiaL Et ENviRONNEMENtaL

les couches sociales finissent aussi par en pâtir. Notons que l’enquête PiSa pourrait venir en appui à cette analyse si la France acceptait que cette partie de l’enquête soit renseignée.

L’Île-de-France, une région dont la situation se dégrade

L’Île-de-France où sont concentrés la plupart des départements en « sous-réussite » maximale à l’entrée et plus nettement encore à la sortie du collège a connu au cours des trois dernières décennies un développement spectaculaire des pratiques d’évitement et une hiérarchisation exacerbée des établissements qui sont allés de pair avec une polarisation sociale de l’espace résidentiel. aux disparités sociales entre collèges publics, plus fortes que partout ailleurs en France, s’ajoute un accroissement sans précédent des disparités entre collèges publics et collèges privés. L’inscription d’un enfant d’ouvrier y est aujourd’hui dix fois moins fréquente que celle d’un enfant de cadre. Hors ile-de-France, cette fréquence ne varie que du simple au double.

Pourtant, les politiques très sélectives pratiquées par ces établissements « haut de gamme » ne se traduisent pas par des résultats supérieurs, pour une même origine sociale, à ce qu’ils sont en dehors de l’ile-de-France, bien au contraire. En ile-de-France, les résultats scolaires des enfants de cadres et d’enseignants sont, en moyenne, moins élevés qu’ailleurs. Paris intra muros continue cependant de tenir une place à part, il bénéficie d’une migration de très grande ampleur dans ses établissements d’élèves de la périphérie dont on sait, par leur scores aux évaluations nationales, que ce sont de très bons élèves. Cette singularité est à rapprocher de la très faible proportion de jeunes enseignants dans la ville. Pourtant, Paris n’est pas en sur-réussite, seulement moyen au regard des caractéristiques socioculturelles des parents d’élèves. inégalités et forte sélection à l’entrée des meilleurs établissements et pendant la scolarité s’accompagnent aussi, comme dans toute l’Île-de-France, d’un surcroît d’échecs qui n’épargne aucun groupe social.

Ê L’école rurale : des résultats plutôt bonsLes conclusions auxquelles sont parvenues des chercheurs de l’Observatoire de l’école

rurale (ŒR) s’articulent bien avec ce qui vient d’être évoqué sur les difficultés que notre système éducatif éprouve à s’adapter à un environnement urbain très dense avec ce que cela suppose, dans les faits, de renoncements aux principes et aux objectifs sensés guidés le service public66.

L’école rurale, au sens très large du terme car le milieu rural n’a cessé de se transformer et de se diversifier, ne connaît rien de tel. depuis la fin du XiXème siècle, le monde de la campagne, du bourg ou de la petite ville provinciale constitue la terre d’élection de l’école universelle, laïque et obligatoire. C’est peut-être encore un peu vrai, même si cet espace à dominante rurale est aujourd’hui, en partie, placé sous influence urbaine et même si les ruraux actuels ne sont plus du tout ceux d’hier.

il reste que cette relation positive de la scolarité avec le milieu rural va à l’encontre d’une tendance encore très répandue à la dénonciation de la piètre qualité de l’école rurale et de son éloignement de la modernité, dénonciations justifiées par des situations prétendument exemplaires, en général puisées dans un rural très profond qui relève désormais seulement de l’exceptionnel. Cette prévention à l’encontre de l’école rurale rejoint depuis longtemps un souci de rationalité budgétaire et d’économie d’échelle qui a conduit et conduit encore à condamner les petites structures.

66 Yves alpe et Jean-Luc Fauguet, Sociologie de l’école rurale. Paris, L’Harmattan, 2008.

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LES iNégaLitéS à L'éCOLE – 61

L’école rurale scolarise encore environ 20 % des écoliers et des collégiens dans de petites structures

avec plus du cinquième des élèves du primaire et un peu moins du cinquième des élèves de collèges soit environ 2 millions d’élèves dont 600 000 dans le rural isolé (principalement des aires de montagnes), l’école rurale conserve un poids non négligeable.

Cependant, les effectifs connaissent depuis longtemps une baisse tendancielle et la taille moyenne des écoles et des classes est plus faible qu’en milieu urbain. des écoles à classe unique (un peu moins de 6 000 en 2005) continuent de fermer. 30 % des communes françaises n’ont pas d’école et ce taux s’élève à 50 % dans les départements les plus ruraux. généralement, dans le cadre de Regroupements pédagogiques intercommunaux, (RPi), les classes sont réunies dans une seule commune. Ce qui a fait, jusqu’à présent, la spécificité et l’identité de l’école rurale – classes à cours multiples, classes uniques tend aujourd’hui à s’estomper.

Quant aux collèges de zone rurale, ils représentaient en 2002, 26 % des collèges pour 18 % des élèves. En dépit d’une reprise démographique dans les années 2000 et une tendance au repeuplement de l’espace rural, là aussi, le repli semble amorcé. après la multiplication des petits collèges dans les chefs lieux de canton dans les années 1960 et 1970, leur fermeture est désormais envisagée lorsque les effectifs sont jugés insuffisants67.

L’enseignement agricole constitue une offre d’éducation importante en milieu rural, en formation initiale et de plus en plus souvent en formation continue. à la rentrée 200968, 62 594 élèves étaient scolarisés dans 190 établissements publics agricoles et 108 581 l’étaient dans 630 établissements privés, dont 51 086 dans les « maisons familiales rurales », structures associatives, qui constituent pour certains métiers une voie appréciée de formation en alternance.

toutefois, les situations sont contrastées et localement des renversements de tendance sont parfois observés. Par exemple, au milieu des années 2000, dans le quart sud-est du pays, le problème a été de faire droit à des demandes d’inscriptions en hausse après une période accélérée de suppression des petites écoles.

En milieu rural, les écoliers obtiennent des résultats un peu supérieurs à la moyenne nationale

des études poussées sur les trajectoires scolaires des élèves des écoles rurales ont été réalisées à la fin des années 1990. Bien qu’un peu anciennes, elles sont les seules disponibles à cette échelle et méritent d’être citées.

Elles font ressortir les caractéristiques suivantes pour les élèves scolarisés en milieu rural : de bonnes performances scolaires, des niveaux de connaissance et de réussite comparables ou supérieurs à ceux des milieux urbains dans le premier degré mais des difficultés d’adaptation au collège et au lycée ainsi que des demandes de formation et des projets professionnels modestes en relation avec une faible appétence pour la mobilité géographique.

67 Patrice Caro et Rémi Rouault, Atlas des fractures scolaires. Une école à plusieurs vitesses. Editions autrement, 2010, p.17.

68 http://www.chlorofil.fr/typologie/rapports-et-statistiques/actualite-statistique-de-lea/donnees-chiffrees.html#c7143

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62 – RaPPORt du CONSEiL éCONOMiQuE, SOCiaL Et ENviRONNEMENtaL

Ce bilan tranche avec la réputation de moindre efficacité qui a souvent été faite aux écoles éloignées des grands centres urbains. ainsi, à la fin du primaire, les élèves ruraux sont plutôt un peu moins en retard que les autres.

Pourcentage d’élèves de 11 ans et plus en CM2 en 1999

ensemble en ZeP hors ZeP garçons filles

national 19 % 32 % 18 % 22 % 17 %

Base ŒR 18 % ns ns 21 % 16 %

Source : Y. alpe et JL Fauguet, 2008 ; données : MEN et ŒR

Le rural isolé apparaissait même comme encore un peu plus performant : 17 % des élèves de ce milieu scolarisés en CM2 en 1999 étaient en retard contre 18 % de la base ŒR et 19 % au niveau national.

Cependant, les disparités sont fortes selon les départements. La drôme, le département où l’école rurale était la plus performante il y a douze ans, comptait 16 % d’élèves en retard en CM2 et la Haute-Saône 22 %. Ces écarts sont principalement à mettre au compte de la composition socio-économique des populations départementales, autrement dit des inégalités sociales.

Les élèves de la base de l’Observatoire de l’école rurale obtenaient des résultats moyens en mathématiques et en français un peu supérieurs à l’ensemble France entière. Les élèves très faibles sont un peu moins nombreux et les élèves très forts le sont un peu plus.

Résultats des élèves de CM2 aux tests évaluation 1999

Français MathématiquesScore>90 ŒR 8 % 10 %

National 5,8 % 8,1 %Score<30 ŒR 1 % 3 %

National 2,4 % 5,9 %Source : Y. alpe et JL Fauguet, 2008 ; données : MEN et ŒR

Ce léger avantage des élèves ruraux existe dans tous les milieux et il est d’autant plus significatif que ces élèves sont, en moyenne, d’origine sociale, plus modeste que la moyenne nationale. Leurs résultats auraient donc dû être plus faibles.

Les chercheurs de l’Observatoire ont analysé un certains nombre de variables susceptibles d’expliquer les meilleurs résultats des élèves du milieu rural.

Les conditions de scolarisation se caractérisent par la forte domination des petites structures. 30 % des classes sont uniques dans leur école. Les écoles à deux classes représentent le tiers des écoles rurales. En définitive, les classes à un seul niveau ne comptent que pour 17,5 % de l’échantillon. Cette petite taille des écoles est compensée depuis les années 1970 par des stratégies d’ouverture telles que l’appartenance à un réseau, l’utilisation régulière de l’informatique et des technologies de communication, le recours à des partenariats extérieurs à l’éducation nationale. Les collectivités locales, en particulier les communes ont fait des efforts très importants pour donner à leur école les moyens de surmonter les difficultés liées à l’isolement.

L’origine sociale et culturelle des élèves est évidemment, comme nous l’avons vu, une variable essentielle de la réussite scolaire. Or, en milieu rural les catégories socioprofessionnelles « extrêmes » sont sous-représentées. L’écart pour les pères d’élèves

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LES iNégaLitéS à L'éCOLE – 63

appartenant à la catégorie favorisée (PCS1) varie pratiquement du simple au double (17,6 % au niveau national contre 9 % en milieu rural). La catégorie la plus défavorisée (PCS4) est moins représentée à la campagne. La catégorie moyenne (PCS3) constituée d’employés, d’artisans, de commerçants, est en revanche majoritaire (25,5 % des hommes et 31,6 % des femmes). Quant au niveau d’études des parents, le niveau du lycée est surreprésenté dans la base ŒR (35,1 % contre 17,7 % au niveau national). Le niveau universitaire y est par contre moins représenté (18,4 pour 29,1 % à l’échelle nationale).

un milieu social assez homogène où prédominent les familles des classes moyennes constitue sans doute un élément de contexte favorable à la réussite des élèves des écoles rurales. il se conjuguerait avec un facteur de réussite propre aux conditions d’enseignement à savoir la petite taille des écoles et leur ouverture (plus forte qu’en milieu urbain) sur leur environnement immédiat.

Selon les auteurs de l’étude, l’explication du décalage constaté entre les résultats scolaires des élèves du milieu rural et leurs demandes d’orientation peu ambitieuse serait à rechercher dans une tendance à l’autodépréciation résultant elle-même d’une stigmatisation diffuse de l’école rurale dans la société69.

Un pilotage politique qui manque de force et de constance

Des réformes peu ou pas appliquéesil est rare qu’une réforme fasse consensus au point qu’elle ne serait contestée par aucun

groupe social ou professionnel, on peut même se demander si cela est déjà arrivé dans le domaine de l’enseignement… dans ce domaine comme en beaucoup d’autres, une bonne décision est une décision comprise et partagée, ce qui demande un temps plus long que la temporalité politique.

il y a constamment une ou plusieurs réformes en cours au sein de l’éducation nationale, et il n’y a rien là d’anormal. au-delà de leur nombre, la façon dont elles sont préparées, décidées puis mises en œuvre pose question. Certaines restent lettre morte et sont bientôt remplacées par la suivante si bien qu’on a beau jeu de dire qu’il serait dommage de se précipiter… Certaines répondent sans doute plus à un besoin politique et médiatique : qui se souvient par exemple du projet de création d’une « agence nationale de remplacement », annoncé en 2008 par Xavier darcos ?

d’autres mesures ont vu leur existence compromise très peu de temps après leur lancement par le peu de conviction manifestée par l’autorité politique et administrative dans leur mise en œuvre. il en est ainsi des itinéraires de découverte (idd). Conçus comme le principal moyen de promouvoir un enseignement transdisciplinaire au collège, ils ont été introduits en classe de 5ème à la rentrée 2002 et en classe de 4ème, un an plus tard, comme des activités pédagogiques mêlant plusieurs matières et favorisant la découverte d’aspect des programmes, de méthodes de travail et de types de productions qui ne peuvent être développés en classe dans les conditions classiques d’enseignement. En principe intégrés à

69 Yves alpe et Jean-Luc Fauguet, 2008, op.cit.

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64 – RaPPORt du CONSEiL éCONOMiQuE, SOCiaL Et ENviRONNEMENtaL

la grille horaire des classes du cycle central à raison de deux heures hebdomadaires, les idd doivent contribuer, selon les termes même de la circulaire de préparation de la rentrée 2002 « à donner aux enseignements dispensés au collège un sens et une cohérence qu’ils semblent avoir perdus pour un certain nombre de collégiens »70. ils constituent aussi un support au travail en commun des enseignants et un champ d’initiatives pour les équipes pédagogiques.

Ce dispositif innovant faute d’une détermination véritable du ministère a fait long feu. dès la rentrée 2003, année de sa généralisation, de larges possibilités d’évitement ont été données aux collèges, autorisés en fait à utiliser la dotation horaire dévolue aux idd pour d’autres actions. aujourd’hui, les itinéraires de découvertes ont disparu de la plupart des projets d’établissements qui ont souvent utilisé les moyens correspondants pour dédoubler certains enseignements ou maintenir des options à faible effectif71.

Certaines réformes sont d’ampleur limitée (création d’un nouveau diplôme, changement partiel de programme, modifications administratives diverses, etc.), d’autres sont fondamentales et concernent l’ensemble du système éducatif. Le présent rapport a sélectionné deux de ces réformes fondamentales : la mise en place des cycles à l’école primaire, l’instauration du socle commun de connaissances et de compétences. Ces réformes sont fondamentales d’abord parce qu’elles relèvent de la loi et expriment ainsi la volonté du législateur ; elles le sont ensuite par leur ampleur et leurs enjeux.

ÊUne mise en œuvre laborieuse et insuffisante des cycles à l’école

Une autre conception des rythmes de l’enfant

La loi d’orientation sur l’éducation de 198972, dite « loi Jospin », a voulu mettre l’élève au cœur du système. Non pas, comme on a voulu parfois le dénoncer, au sens où l’élève régenterait l’école, mais au sens où la raison d’être du système est bien de faire progresser l’enfant : c’est donc de lui qu’il faut partir. Or, les enfants étant différents, si l’on veut que tous réussissent, il faut bien adapter l’enseignement à chacun. C’est l’objectif essentiel de la nouvelle définition des cycles.

L’enseignement primaire est réparti sur trois classes maternelles (petite, moyenne et grande section) et cinq classes élémentaires (CP, CE1 et CE2, CM1 et CM2). La quasi-totalité des enfants sont scolarisés au moins à partir de la grande section de maternelle. Les programmes définissent pour chaque année ce que chaque élève doit acquérir, et la logique semble vouloir que si le niveau requis n’est pas atteint, l’élève redouble son année.

Or, à l’évidence tous les enfants n’avancent pas au même rythme dans les différents domaines d’acquisition, et ils n’arrivent pas non plus à l’école au même âge. L’enfant entre en CP en septembre de l’année durant laquelle il atteint ses 6 ans, ce qui fait qu’un enfant né un 1er janvier entrera au CP à 6 ans et 9 mois tandis qu’un enfant né un 31 décembre y entrera à 5 ans et 9 mois : il peut donc y avoir un an de différence entre deux enfants de la même classe. Pour cette raison comme pour beaucoup d’autres, il serait vain de vouloir que tous les enfants apprennent les mêmes choses au même rythme.

70 Préparation de la rentrée 2002 dans les collèges et mise en œuvre des itinéraires de découverte - Circulaire n°2002-074 du 10 avril 2002.

71 Cour des comptes, L’Éducation nationale face à l’objectif de la réussite de tous les élèves. Rapport public thématique, mai 2010, p. 111.

72 Loi d’orientation sur l’éducation 89-486 du 10 juillet 1989.

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LES iNégaLitéS à L'éCOLE – 65

Pour tenir compte de cela, la loi de 1989 organise la scolarité primaire en trois cycles : celui des apprentissages premiers correspondant à la petite et moyenne section, celui des apprentissages fondamentaux correspondant à la grande section maternelle, au CP et CE1 de l’école élémentaire, celui enfin des approfondissements, correspondant au CE2, CM1 et CM2. Les huit années de scolarité primaire sont ainsi distribuées sur trois cycles : le premier dure deux ans, les deux autres durent chacun trois ans. C’est donc sur trois ans désormais qu’il faut penser les objectifs, et c’est sur cette durée qu’il faut aménager pour chaque élève les chemins qui lui permettront de les atteindre.

Le retour de la progression annuelle et la constance des redoublements

« Or, en dépit des textes officiels, l’organisation en cycles reste en général un trompe-l’œil, et les familles, dans leur grande majorité, n’ont pas conscience de son existence : on continue de penser les progressions par année et non par cycle, sans coordination entre les maîtres responsables des différentes classes d’un même cycle, sans continuité entre les apprentissages d’une année sur l’autre »73.

L’organisation des enseignements en cycle impose de définir des projets de cycle pour harmoniser la progression des enseignements sur cette durée de trois ans, et que les conseils de cycle réunissent bien les enseignants concernés. Le HCE note pourtant que les enseignants de grande section maternelle ne participent que rarement aux conseils de cycle des apprentissages fondamentaux, alors qu’ils en représentent la première année ; sur 200 rapports du conseil de cycle (2001-2002) que le HCE a analysés, le projet de cycle n’est mentionné que dans trois d’entre eux, signe s’il en est que l’enseignement continue d’être pensé à l’année et non sur la durée du cycle.

il faut reconnaître que le maintien des anciennes dénominations ne favorise pas l’appropriation de cette nouvelle périodisation par chacun, enseignants et encore plus parents : le cours élémentaire 1ère année est en fait la troisième année du cycle 2, celui des apprentissages fondamentaux, le CE2 est en fait la première année du cycle 3, dont le cours moyen 1re année constitue la deuxième année…

dans la logique de cette réforme, un redoublement à l’intérieur d’un cycle n’a plus grand sens. Or la persistance d’un taux élevé de redoublement montre également que l’esprit de la réforme n’est pas assimilé. Qui plus est, un décret de 200574 redonne un fondement réglementaire au redoublement en cours de cycle en indiquant qu’au terme de chaque année scolaire « le conseil des maîtres se prononce sur les conditions dans lesquelles se poursuit la scolarité de chaque élève », et que « lorsqu’un redoublement est décidé et afin d’en assurer l’efficacité pédagogique, un programme personnalisé de réussite éducative (PPRE) est mis en place », alors même que le PPRE doit constituer un outil de personnalisation des apprentissages justement pour éviter le redoublement…

Lente mise en œuvre des programmes

« Les directives sur la mise en place des cycles ont été d’autant moins suivies que leur publication a pris dix ans. Un tel retard est révélateur de la difficulté à tirer les conséquences d’une réforme de fond »75. au moment de la loi de 1989, les programmes en cours dataient de

73 Rapport du Haut Conseil à l’éducation (HCE) sur l’école primaire, 2007.74 décret 2005-1014 du 24 août 2005, art.5.75 Rapport du Haut Conseil à l’éducation (HCE) sur l’école primaire, 2007.

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66 – RaPPORt du CONSEiL éCONOMiQuE, SOCiaL Et ENviRONNEMENtaL

1985. Certes des listes de compétences à atteindre par cycle ont été publiées dès 1991, mais

c’est seulement en 1995 que paraissent des programmes correspondant à l’organisation en

cycles. Et « il a fallu attendre 2002 pour que l’énoncé des compétences à maîtriser au terme de

chaque cycle devienne, avec les objectifs et le programme, un élément des instructions officielles

présentées par cycle et par domaine d’activité ou champ disciplinaire »76.

En outre, il n’y a pas eu de cohérence entre le passage, à la rentrée 2008, de la semaine

de 26 à 24 heures sur quatre jours et les changements de programmes concomitants. de

surcroît, les programmes qui ont été remplacés alors n’étaient en place que depuis 2002.

Un pilotage de proximité insuffisant

L’enseignement du 1er degré est organisé en circonscription, au nombre d’environ

1 300. Chacune est animée par un inspecteur de l’éducation nationale (iEN) : supérieurs

hiérarchiques des enseignants, ils les inspectent et les contrôlent, donnent leur avis sur

leurs demandes de formation ; ils négocient avec les municipalités et les élus locaux,

ils représentent l’inspecteur d’académie notamment sur les questions de carte scolaire,

d’éducation prioritaire ; ils jouent un rôle d’animation pédagogique de la circonscription :

autant dire qu’ils sont un maillon essentiel de l’enseignement primaire.

Mais il suffit de mettre en rapport leur nombre (1 300) et le nombre d’enseignants du

premier degré (près de 370 000) pour voir que chaque iEN doit suivre 280 enseignants, ce qui

est une moyenne : dans certaines circonscriptions, c’est beaucoup plus. En moyenne toujours,

c’est plus de 40 écoles que chacun doit suivre. On comprend aisément qu’ils ne puissent tout

assumer : suivi des nouveaux enseignants et inspections individuelles, accompagnement

des équipes dans les écoles, relations avec les élus et les parents, animation du réseau des

directeurs, animation pédagogique, et bien entendu leur rôle d’impulsion et de mise en

œuvre des réformes.

Ê Le socle commun : une réponse véritable discréditée par une mise en œuvre hésitante et confuseLa question du « socle commun de connaissances et de compétences », instauré

par la loi de 2005, a représenté un point d’aboutissement capital d’une longue évolution

remontant à la prolongation à 16 ans de la scolarité en 1959. Ce faisant, elle a cristallisé

de nombreux antagonismes internes ou externes au monde éducatif, elle a également

fait l’objet de malentendus ou d’incompréhensions, tout cela se liguant pour retarder son

application, voire la dénaturer.

La longue marche vers le collège unique

« […] les difficultés du collège unique proviennent du fait qu’on n’a pas assumé la logique de

la réforme jusqu’au bout en ne donnant pas au collège un contenant et un contenu spécifiques au

rôle qui est le sien : achever la scolarité obligatoire dans de bonnes conditions pour tous les élèves

et préparer, de façon différenciée, les élèves à toutes les formations ultérieures. La question du

collège unique est donc d’abord, me semble-t-il, une question politique avant d’être une question

pédagogique : est-ce que notre pays veut, oui ou non, donner un tronc commun de formation à

76 id.

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LES iNégaLitéS à L'éCOLE – 67

tous les jeunes pendant la scolarité obligatoire et donc organiser la scolarité obligatoire de ces jeunes dans une école commune ? » Jean-Paul delahaye, historien de l’éducation77.

La décision prise en 195978 de prolonger jusqu’à 16 ans la scolarité obligatoire a obligé à redéfinir ce que la Nation voulait enseigner aux jeunes, qui désormais fréquenteraient tous le collège.

La définition de ce qu’il faut enseigner a toujours constitué une question très difficile. C’est d’ailleurs ce qui avait conduit, en 1850, l’auteur de la loi Falloux à écarter la notion même d’instruction obligatoire et la possibilité d’obligation scolaire. Et cela en posant une question redoutable et qui nous interpelle encore : « Quelle partie de l’enseignement rendra-t-on en effet obligatoire ? Demandez-vous beaucoup ? Vous imposez une rigueur excessive. Demandez-vous peu ? Vous abaissez le niveau de l’enseignement général ». Falloux en conclut que la notion même d’obligation scolaire n’a pas de sens.

Ce défi est relevé au moment de la réforme de Jules Ferry en précisant ce qui est en jeu dans l’instauration même de l’école obligatoire, une règle de base présente dans les instructions officielles de 1882 , qui peut se résumer ainsi : » Ne pas embrasser tout ce qu’il est possible de savoir, mais bien apprendre ce qu’il n’est pas permis d’ignorer ». Ce principe régulateur ne règle pas tout, loin s’en faut. Mais il oriente le débat non pas sur la question insoluble du ‘‘niveau’’(trop ‘‘haut’’ou trop ‘‘bas’’) mais sur ce qu’il est ‘‘indispensable’’d’apprendre ou non, et ce qu’il est possible, effectivement, de maîtriser ou non.

En définitive, le vrai problème n’est pas celui du plus ou moins « haut niveau », posé par le Comte de Falloux. il s’agit plutôt de définir ce qui peut être considéré comme ‘‘indispensable’’et ‘‘faisable’’dans la formation des femmes et des hommes du XXième° siècle, en renouant, mais pour notre temps et compte tenu d’une durée de scolarité obligatoire allongée, avec la règle de base de l’école obligatoire républicaine : « Bien apprendre ce qu’il n’est pas permis d’ignorer »79.

En toute logique, cette démarche serait en effet à développer sur toute la durée de la scolarité obligatoire en pensant et en établissant une association étroite entre l’école primaire et le collège dont l’objectif ne serait plus la sélection des élèves mais la maîtrise par tous des savoirs et des savoirs-faire indispensables80.

L’ordonnance de 1959 prévoyant une application à partir de la génération atteignant l’âge de 6 ans en 1959, ne devait rendre effective la prolongation de la scolarité obligatoire qu’à partir de 1967, quand ces mêmes enfants atteindraient 14 ans et continueraient leur scolarité au-delà de ce qui était jusque là requis. Or, entre temps, la réforme Capelle Fouchet81

avait instauré le Collège d’enseignement général (CEg). à une époque où il fallait élargir le vivier des futures élites, il était temps de mettre fin à la déperdition que représentait à cet égard la répartition des élèves en différentes structures (l’ancienne filière longue des lycées et celle de l’enseignement court des CEg : les anciens cours complémentaires). L’idée est donc de les réunir tous dans une même structure, les collèges d’enseignement secondaires (CES), et d’appliquer à toutes les classes les mêmes procédures d’orientation. Mais à l’intérieur

77 Jean-Paul delahaye, historien de l’éducation, inspecteur général de l’éducation national, entretien publié dans « L’enseignant ». Le magazine du syndicats des enseignants-unsa, n°hors-série sur le collège, mai 2011, p.4.

78 Ordonnance 59-45 du 6 janvier 1959 portant prolongation de la scolarité obligatoire.79 Claude Lelièvre, colloque de l’iREa-SgEN.80 audition de Patrick Baranger , ancien directeur de l’iuFM de Lorraine, ancien vice-président de la conférence

des directeurs d’iuFM.81 décret 63-793 du 3 août 1963.

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même du CES coexistent trois filières : « enseignement général long, classique et moderne », « enseignement général court » et enfin le cycle dit « de transition » avec les classes de CPPN et CPa (classes préprofessionnelle de niveau et classe de préparation à l’apprentissage)82. « Le collège à filières est né, qui est avant tout une gare de triage pour capter tous les bons élèves

et les mener vers des études longues »83.

il ne s’agit donc en rien d’un « collège unique », mais de plusieurs collèges au sein d’un même établissement, et la question du sens de la scolarité obligatoire pour tous jusqu’à 16 ans demeure posée.

La « réforme Haby », en 1975, cherchera à réorienter cette marche vers une scolarité commune à tous les élèves : « Les collèges dispensent un enseignement commun, réparti sur

quatre niveaux successifs »84, même si la même loi prévoit cependant que les deux derniers niveaux peuvent relever de l’enseignement professionnel, ce qui constitue une entorse au principe énoncé. de plus, « le nouveau ministre de l’Éducation, Christian Beullac, entré en

fonction le 3 avril 1978, est chargé - devant l’opposition rencontrée - de ralentir la mise en œuvre

de la loi du 11 juillet 1975. En 1980 les programmes disciplinaires sont bien réformés, mais le

savoir minimum a sombré dans l’oubli »85.

Le rapport Bourdieu en 1983 reprend cette question à nouveaux frais, puis le Conseil national des programmes, présidé alors par Luc Ferry, qui publie en 2002 un rapport préfacé par Jack Lang, Qu’apprend-on au collège, dans lequel il est indiqué : « Il faut donc tenter

de définir autrement le socle commun de connaissances, de savoir-faire et de compétences

attendus en fin de collège »86. C’est finalement la loi d’orientation de 2005, dite « loi Fillon »87

qui dispose dans son article 9 que « La scolarité obligatoire doit au moins garantir à chaque

élève les moyens nécessaires à l’acquisition d’un socle commun constitué d’un ensemble de

connaissances et de compétences qu’il est indispensable de maîtriser pour accomplir avec succès

sa scolarité, poursuivre sa formation, construire son avenir personnel et professionnel et réussir

sa vie en société ».

Ce socle commun n’est pas un nouveau programme : « Bien que désormais il en constitue

le fondement, le socle ne se substitue pas aux programmes de l’école primaire et du collège ;

il n’en est pas non plus le condensé. Sa spécificité réside dans la volonté de donner du sens à

la culture scolaire fondamentale, en se plaçant du point de vue de l’élève et en construisant les

ponts indispensables entre les disciplines et les programmes. Il détermine ce que nul n’est censé

ignorer en fin de scolarité obligatoire sous peine de se trouver marginalisé. L’école doit offrir par

ailleurs à chacun les moyens de développer toutes ses facultés »88.

il aura donc fallu plus de quarante ans pour que toutes les conséquences soient tirées, sur le plan des principes, de l’allongement à 16 ans de la scolarité obligatoire et une trentaine d’années pour que soient mis en place non seulement une structure unique - le collège - mais surtout un enseignement commun à chaque génération.

82 article 2 décret 63-793. Les anciens CEg ont pu cependant continuer d’exister jusqu’à la réforme Haby en 1975, mais ne pouvaient offrir que les enseignements des filières ii et iii.

83 Claude Lelièvre id.84 Loi75-620 du 11 juillet 1975, dite « loi Haby », article 4.85 Claude Lelièvre, id.86 Rapport : Qu’apprend-on au collège ? p. 11.87 Loi 2005-380 du 23 avril 2005 d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école. 88 décret 2006-830 du 11 juillet 2006, annexe.

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LES iNégaLitéS à L'éCOLE – 69

Le principe du socle commun doit consacrer l’aboutissement de cette évolution vers le collège unique

Le collège unique répond à deux objectifs, normalement complémentaires mais qui passent pourtant souvent comme antagonistes.

Le premier est de mener toute une classe d’âge au niveau de fin de troisième. Les nombreuses études mentionnées dans la première partie (Maurin, Baudelot & Establet notamment) montrent bien, notamment avec l’abandon du palier d’orientation en 5ème, en quoi l’allongement de la scolarité a bénéficié à tous et notamment aux élèves issus des catégories défavorisées, que cela a favorisé l’obtention du bac par un plus grand nombre d’élèves, et que leur parcours professionnel s’en est trouvé amélioré. Nous pouvions ainsi conclure : » jusque vers le milieu des années 1990, cette évolution scolaire a accompagné de manière positive les transformations de l’économie et a contribué à corriger les inégalités de destin en allégeant un peu le poids du déterminisme social » (partie i-a).

Les difficultés rencontrées depuis et largement analysées dans la deuxième partie de ce rapport ne doivent pas faire renoncer à la volonté de faire progresser le plus grand nombre vers un niveau plus élevé, encore moins renoncer à mener chaque classe d’âge au niveau requis à la fin de la scolarité obligatoire.

Le deuxième objectif vise à scolariser ensemble tous les élèves d’une même génération. il y a ici un enjeu de société, celui de la mixité sociale, celui de l’apprentissage par les jeunes du « vivre-ensemble », du « faire-société ». Les inégalités scolaires décrites plus haut sont d’abord des inégalités sociales si bien que l’on aboutit à des clivages entre établissements, éventuellement au sein des mêmes établissements entre les classes, clivage qui aboutit à une « école des riches » et à « une école des pauvres ». Rien ne justifie cela dans une société démocratique.

On pourrait penser que ces deux objectifs sont antagonistes : c’est en diversifiant les voies que l’on arriverait le mieux à proposer à chacun ce qui peut lui convenir pour le faire progresser. Mais les études mentionnées plus haut montrent que l’homogénéité des classes n’est pas propice aux progrès de chacun, et qu’au contraire, globalement, le niveau scolaire d’une nation gagne à favoriser l’hétérogénéité des classes et donc des milieux sociaux et culturels.

Ces deux objectifs sont donc compatibles. Encore faut-il que les outils soient fournis aux enseignants pour qu’ils puissent gérer cette hétérogénéité au mieux de chacun.

Le socle commun : l’obligation de faire réussir tous les élèves

Le socle commun détermine ce que l’école doit permettre à chacun d’acquérir. désormais, c’est à une obligation de réussite de chaque élève que l’école et le collège sont tenus, ce qui est tout à fait nouveau dans la culture de notre pays. La fixation de cet objectif dans une « loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école » ne doit pas laisser penser que les conditions de la réussite sont uniquement internes à l’école. En matière de lutte contre les inégalités, notamment scolaires, seule une approche systémique peut permettre d’élaborer une stratégie efficace. il n’en reste pas moins que cette réforme du socle commun en constitue un maillon essentiel.

L’instauration d’un tel socle invite à prendre en compte la situation dans laquelle se trouve chaque élève dans son rapport au savoir, dans ses lacunes et ses difficultés, dans sa grande difficulté le cas échéant, et à mettre en place les stratégies éducatives pertinentes

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pour l’aider à progresser. On sait combien la maîtrise du langage constitue un atout capital pour la poursuite des études, et plus généralement, nous avons largement montré plus haut en quoi tous les enfants ne partaient pas à égalité dans le cursus scolaire : on ne peut dispenser le même enseignement de la même manière à tous et espérer que chacun arrive ensuite au même résultat. Pédagogie plus différenciée, articulations diverses entre classes entières et groupes de niveau, diversification dans les façons d’aborder les programmes par l’équipe des enseignants : il ne s’agit pas ici d’entrer dans le détail des dispositifs pédagogiques et cela justement parce qu’il faut laisser les équipes pédagogiques décider elles-mêmes, localement, des stratégies les plus adaptées aux élèves qu’elles ont en charge de faire réussir. L’objectif en revanche est commun : permettre à chaque élève d’accéder à la maîtrise du socle commun, à commencer par lire, écrire, compter.

L’acquisition par tous du socle commun de connaissances et de compétences impose de modifier l’évaluation. Le système français est habitué à l’évaluation chiffrée, permettant d’indiquer à différents moments de l’année et du cursus scolaire, où en est un élève dans ses acquisitions. On ne compte plus les études qui montrent la fragilité de la note, voire ses dérives. On peut citer, par exemple, la « constante macabre », notion élaborée par andré antibi et qui montre qu’une évaluation n’est crédible que si elle comporte un certain pourcentage d’échec, ce qui fait que, quel que soit le niveau d’une classe, on trouvera à peu près toujours le même pourcentage d’élèves qui réussissent, d’élèves en échec, d’élèves à la moyenne, les courbes des notes ressemblant toujours à la courbe mathématique de gauss.

L’évaluation chiffrée est représentative d’une école dont le rôle est essentiellement de classer, de trier les meilleurs élèves et de réorienter ceux qui ne réussissent pas. L’acquisition par tous du socle commun oblige au contraire à penser l’école et le collège comme le temps et le parcours durant lequel chaque élève doit acquérir, à son rythme, diverses connaissances et compétences. L’évaluation consiste alors à certifier l’acquisition, au moment où elle est faite, c’est-à-dire à valider une réussite, plutôt que d’évaluer au même moment pour tous la situation dans laquelle chacun se trouve et bien entendu une situation d’échec pour un certain nombre. L’évaluation permet alors de valider, pour chaque élève, des connaissances et des compétences acquises au moment où elles le sont plutôt que de réaliser un arrêt sur image pour l’ensemble de la classe ce qui conduit inévitablement à entériner l’échec (trop souvent quasi-définitif ) d’une partie importante des élèves. En ce sens, la critique entendue ici ou là d’une évaluation impossible parce que faite en termes de « tout ou rien » relève d’une mauvaise compréhension, d’une difficulté à sortir d’un système qui classe tout le monde au même moment plutôt que d’un système qui accompagne chacun jusqu’à l’acquisition requise. dans cette seconde hypothèse, le processus d’apprentissage reste évidemment compris dans des limites temporelles mais qui dépassent de loin le cadre étroit de l’année scolaire et l’on retrouve ici la question d’une véritable politique des cycles.

Une conception de l’enseignement, en termes de compétences autant que de connaissances

L’une des difficultés de l’introduction de cette notion de compétence dans le socle commun vient de l’usage de ce terme dans d’autres contextes que celui de l’éducation, souvent avec un sens différent : le sens qu’on doit lui donner dans un processus éducatif n’est pas le même que celui qu’un dRH lui donne dans le recrutement ou l’évolution professionnelle d’un salarié. Qui plus est, dans la période, les partenaires sociaux s’opposent sur le rapport entre qualification et compétence, ce qui ne facilite pas la clarté du débat.

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au sein même de l’institution scolaire, cette « notion de compétence est encore loin d’être claire et distincte »89, note un rapport de l’inspection générale de l’EN. Les mots clés qui la caractérisent le mieux seraient, selon ces auteurs : » transversalité » car les compétences peuvent recouvrir plusieurs disciplines, contextualisation / décontextualisation » car la compétence doit être maîtrisée et évaluée à travers des situations concrètes, « complexité » car les tâches de mise en œuvre des compétences sont par essence complexes, requérant la mobilisation de savoirs, savoir faire, capacités, attitudes variées, « intégration » enfin, car les compétences intègrent différentes disciplines, diverses facettes (capacités, attitudes, connaissances).

En France, l’apparition de la problématique des compétences peut être datée de la réforme introduisant les cycles en primaires (loi de 1989) suivie des programmes de 1995.

C’est en revanche une nouveauté, au collège, que de déterminer l’enseignement en termes de compétences autant que de connaissances, les deux se complétant, chacune étant médiatrice de l’autre. Les connaissances disciplinaires ont leur raison d’être dans l’usage que chacun pourra en faire (que cet usage soit utilitaire et professionnel, ou culturel et dans l’épanouissement personnel, ou encore spéculatif, etc.) et donc dans les compétences qu’elles permettent de développer ; mais ces compétences ne s’exercent jamais « à vide » et elles consistent bien à mettre en œuvre des connaissances : une connaissance sans compétence serait vaine, mais une compétence sans connaissance serait stérile. ainsi, certains élèves parviendront directement à la compréhension de contenus académiques et devront ensuite passer à leur utilisation dans des compétences diverses. d’autres, inversement, développeront à partir de connaissances non académiques, non scolaires, des compétences et c’est à partir de ces dernières qu’ils pourront être amenés à la compréhension des savoirs qui y sont inclus. d’ailleurs, dans le premier comme dans le second degré, les maîtres ont toujours eu le souci de faire comprendre aux élèves ce qu’ils pouvaient faire avec les connaissances qu’ils apprenaient. En elle-même l’idée n’a donc rien de nouveau. Ce qui l’est en revanche, c’est de définir le socle commun autant par les unes que par les autres voulant ainsi « donner du sens à la culture scolaire fondamentale ».

Si certaines compétences restent dans une logique disciplinaire, la plupart sont au contraire transversales aux diverses disciplines : c’est dans la découverte des compétences souvent transversales qu’il est capable de mettre en œuvre que l’élève comprendra ce qu’est vraiment le savoir qu’on l’invite à acquérir, à construire. des professionnels qui interviennent auprès des enfants et des jeunes en grande difficulté scolaire et sociale soulignent l’efficacité de cette démarche. ainsi, pour la responsable pédagogique de la fondation des apprentis d’auteuil, « l’entrée par les compétences est la chance à saisir pour faire réussir ces jeunes en particulier »90.

au total donc, le socle commun de connaissances et de compétences, conçu comme ce que doivent acquérir tous les élèves de l’école primaire à la fin du collège, se décrit en sept piliers de compétences :

– la maîtrise de la langue française ;

– la pratique d’une langue vivante étrangère ;

89 Rapport : Les livrets de compétence : nouveaux outils pour l’évaluation des acquis, alain Houchot, Florence Robine et al. juin 2007.

90 Entretien du rapporteur avec Nicole d’anglejan, responsable pédagogique « apprentis d’auteuil », 17 juin 2011.

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– les compétences de base en mathématiques et la culture scientifique et technologique ;

– la maîtrise des techniques usuelles de l’information et de la communication ;

– la culture humaniste ;

– les compétences sociales et civiques ;

– l’autonomie et l’initiative des élèves.

« Chaque grande compétence du socle est conçue comme une combinaison de connaissances fondamentales pour notre temps, de capacités à les mettre en œuvre dans des situations variées, mais aussi d’attitudes indispensables tout au long de la vie, comme l’ouverture aux autres, le goût pour la recherche de la vérité, le respect de soi et d’autrui, la curiosité et la créativité »91.

Cependant, un certain flou entoure encore la notion de compétence et la déclinaison du socle en sept piliers semblent trop peu évolutive.

Déficience de formation, d’information, de volonté et de pilotage politique

Présentée comme fondamentale, une telle réforme se devait d’être mise en œuvre avec détermination et efficacité. il fallait donc reprendre la conception des programmes d’enseignement pour les différents niveaux d’étude. il fallait aussi mettre en place une nouvelle conception de l’évaluation, permettant d’acter l’acquisition des différents éléments du socle aux différents paliers de la scolarité. il fallait enfin permettre à l’ensemble du corps enseignant concerné d’entrer dans cette nouvelle logique. Force est de constater que les éléments de mise en œuvre de la réforme tardent à se mettre en place. Plus grave, ses conditions de mise en œuvre peuvent la dénaturer.

Le rapport grosperrin92 pointe avec justesse et précision les carences dans la mise en œuvre du socle commun. En premier lieu, ce rapport montre en quoi cette réforme a été trop peu accompagnée par le ministère. très mobilisé par la réforme du lycée et, comme nous le verrons par la suite, par celle de la formation initiale des enseignants, il a manifestement placé l’application du socle commun en deuxième ou troisième priorité : « Mais force est de constater que, cinq ans après le vote d’une loi qui ambitionne de reconstruire l’École, la mobilisation du ministère de l’éducation nationale pour faire appliquer ce texte n’a jamais été, pendant toute cette période, totale93. » Le rapport en voit plusieurs indices : le site dédié à l’information des enseignants est resté longtemps insuffisamment fourni sur cette réforme, notamment en ce qui concerne la question clé de l’évaluation ; l’implication des cadres de l’éducation nationale est restée variable, certains rectorats se contentant de retransmettre aux établissements le Bulletin officiel ; l’inspection générale n’a pas joué le rôle d’accélérateur qu’elle aurait du jouer ; enfin, la formation continue des enseignants est restée très insuffisante : en 2007-2008, soit deux ans après le vote de la loi, le socle commun ne représente que 8 % de la formation en second degré, et on ne prévoyait que 5,7 % pour l’année suivante. Si les programmes de sciences ont rapidement « joué le jeu », il n’en est pas allé de même pour ceux de français, langues vivantes, histoire et géographie94.

91 décret du 11 juillet 2006.92 aN, rapport d’information présenté par Jacques grosperrin, n° 2446 7 avril 2010.93 id, p.33.94 id p.37.

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il aurait été logique que la validation du socle commun devienne désormais l’élément clef de l’évaluation de fin de scolarité obligatoire puisqu’il en constitue désormais la finalité première. Or, l’articulation avec le diplôme national du brevet (dNB) apparaît compliquée et peu cohérente car, si ce dernier intègre bien la maîtrise du socle commun au palier 3 (fin de 3ème), avec les connaissances disciplinaires qui en font partie, il comprend encore quatre autres paramètres :

– les notes obtenues à l’examen du brevet en français, mathématiques, histoire-géographie-instruction civique ;

– la note obtenue à l’oral d’histoire des arts, nouvelle épreuve obligatoire à partir de la session 2011 ;

– les notes de contrôle continu obtenues durant l’année scolaire ;

– la note de vie scolaire. On peut d’ailleurs s’interroger sur la pertinence d’une telle note, dans la mesure où désormais les piliers 6 et 7 du socle portent sur les compétence sociales et civiques et sur l’autonomie et l’initiative.

En outre, le fait que le livret de compétences de l’élève inclut en fin de troisième des éléments qui n’appartiennent pas au socle - attestation routière, apprendre à porter secours, prévention et secours civiques de niveau 1 – accentue encore l’impression de confusion, de répétition et de trop plein.

L’arrêté du 9 juillet 2009 indique que l’obtention du dNB suppose à la fois la validation du socle commun et la moyenne à l’ensemble des autres épreuves : « ce nouveau DNB organise la « cohabitation » – plus qu’improbable – de deux formes d’évaluation a priori opposées et inconciliables : d’une part, l’évaluation traditionnelle, chiffrée, par le biais du contrôle continu et des épreuves du brevet, des savoirs disciplinaires et d’autre part, l’évaluation binaire, propre au socle commun, qui indique si chacune des sept compétences est validée ou non. Ce choix est à l’évidence absurde […] et dévalorise, de fait, l’objectif de maîtrise du socle commun assigné par le Parlement à l’École. »95. Qui plus est, si la maîtrise du socle n’est pas attestée, il appartiendra alors au jury du dNB de déterminer s’il le valide lui-même, après délibération…

L’instauration du socle commun de connaissances et de compétences représente une évolution très substantielle de l’enseignement : l’introduction de la notion de compétences, une notation qui n’est plus chiffrée de 0 à 20 mais se pratique en « tout ou rien » : acquis / non acquis, une transversalité disciplinaire affirmée dans une culture d’enseignement avant tout disciplinaire. il n’est pas étonnant que cela provoque des difficultés d’appropriation, d’autant que la formation continue a été faible et l’accompagnement par l’encadrement nettement insuffisant, comme nous l’avons souligné plus haut. Or une telle réforme ne peut se faire qu’en entraînant l’adhésion de ceux qui doivent au premier chef la mettre en œuvre : les enseignants. il n’est pas étonnant que dans ces conditions, nombre de ces derniers éprouvent une certaine lassitude devant une réforme qui entraîne en plus un surcroît non négligeable de travail pour l’évaluation.

Ce qui se présentait comme une grande réforme est donc aujourd’hui mal en point. Mal comprise, souvent mal mise en œuvre, hypothéquée par un contexte budgétaire désastreux, elle peut être « neutralisée » par le système et ne donner aucun effet, voire en arriver à produire des effets contraires à ses objectifs de réussite de tous en démobilisant les acteurs de l’enseignement.

95 id p.38.

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74 – RaPPORt du CONSEiL éCONOMiQuE, SOCiaL Et ENviRONNEMENtaL

Une gestion des personnels enseignants inadaptée au contexte et à la hauteur des enjeux éducatifs

Ê L’exercice du métier entre passion et désenchantementLa commission Pochard, missionnée en 2007 par le ministre Xavier darcos, a publié

en janvier 2008 un livre vert sur l’évolution du métier d’enseignant. dressant un tableau très complet de la profession, tant démographique que professionnel, le rapport analyse notamment le vécu des enseignants et note que ces derniers demeurent très largement satisfaits de leur métier, à 87 % dans le second degré et à 89 % dans le premier degré, parce qu’ils font « un travail qui les intéresse », en raison du « goût du contact avec les élèves » et pour le second degré de « l’amour pour la discipline »96. dans une enquête faite par la Fep-CFdt auprès de plus de 5 000 enseignants du privé sous contrat, les chiffres sont du même ordre : le métier est considéré comme intéressant par 55,5 % d’entre eux et comme passionnant par 29 %, ce qui donne un indice de satisfaction du même ordre. On notera que ce total monte à 94 % pour les enseignants de moins de 30 ans.

toutefois, dans le même temps, « 80 % ne croient pas ou plus à l’idée que l’enseignement puisse continuer à se démocratiser et accroitre l’égalité des chances (alors qu’ils n’étaient que 58 % dans ce cas en 1972) » ; « 86 % ressentent un alourdissement de leur charge de travail, et les deux tiers éprouvent un sentiment de découragement dans leur travail (contre 40 % des cadres français en moyenne)97 ». une enquête faite par le Sgen-CFdt auprès de 20 000 enseignants de collège, montre que 33 % disent « je m’implique dans mon travail, mais je ne me sens pas reconnu » et 15 % « que je m’implique ou non, cela ne fait aucune différence » : c’est ainsi la moitié des enseignants qui ne s’estime pas reconnue.

différents auteurs mettent dès lors en avant la « désinstitutionalisation de l’école » et celle, concomitante, du rôle des enseignants. dubet et Martucelli, 1996 ; dubet, 2002). Cousin (1998) relève ainsi que les enseignants ont le sentiment de vivre une « perte de sens » de leur métier et ils constatent que les conflits au sein des écoles se cristallisent souvent autour de la définition du métier : les enseignants n’ont plus de points de repère clairs, ne savent plus sur quoi s’appuyer et les établissements apparaissent souvent comme une « succession d’individualités et de personnalités ». demailly (1991) parle également « d’effondrement des systèmes symboliques » partagés par les enseignants et de « désenchantement des mythes qui sont le support de la vocation »98.

il ne s’agit pas ici d’aller plus avant dans l’analyse de cette situation, mais ces éléments montrent bien une profession abordée et exercée avec passion, en même temps qu’atteinte de découragement, d’un sentiment de non reconnaissance, d’une impression de ne pas pouvoir correctement réaliser ce pour quoi on est entré dans le métier : en somme, un gâchis !

de surcroît, compte tenu de leur niveau de recrutement, les enseignants ont un niveau de rémunération qui ne favorise pas la reconnaissance sociale de leur métier.

96 Livre vert sur l’évolution du métier d’enseignant, 2008, p. 105.97 id.98 Les évolutions du travail enseignant en Europe, Ch. Maroy, Cahiers de Recherche en éducation et Formation,

giRSEF – CPu juillet 2005.

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LES iNégaLitéS à L'éCOLE – 75

ÊUne formation initiale des enseignants largement déficiente et une réforme conduite depuis 2008 sans objectif clair et dans de très mauvaises conditionsCertes, le métier enseignant continuait, encore récemment, d’être attractif, au regard du

rapport entre le nombre de candidats et celui des postes offerts aux concours ; mais cette attractivité semble avoir amorcé une baisse : de 2005 à 2009, soit sur cinq sessions, le nombre total d’inscrits a diminué régulièrement, passant de 94 884 à 73 937, pour respectivement 11 824 et 6 696 admis99. En période de chômage, on peut s’étonner de tels chiffres, mais la diminution régulière du nombre de postes mis aux concours, la façon dont les futurs professeurs sont formés, recrutés et accueillis, la représentation qu’ils se font du métier influent sur le nombre de candidats. Or, les dernières évolutions de leur recrutement et de leur formation ne peuvent qu’altérer l’image que les jeunes peuvent se faire de l’exercice de la profession.

il a fallu attendre 1989 et la loi dite « loi Jospin »100 pour instaurer une véritable formation professionnelle pour l’ensemble des enseignants. Jusque là, seuls les instituteurs et les professeurs de l’enseignement professionnel et technologique bénéficiaient d’une formation professionnelle initiale dans les écoles normales d’instituteurs (ENi) et les écoles normales nationales d’apprentissage (ENNa). dans le second degré général, pour l’essentiel, la formation initiale était, avant cette date, exclusivement disciplinaire et les concours ne portaient que sur ces disciplines universitaires. Les instituts universitaires de la formation des maîtres (iuFM) qui furent alors créés, eurent pour vocation de préparer les postulants aux concours lors de leur première année d’iuFM, de les former au métier lors de leur deuxième année puis de piloter - après l’intégration des missions académiques à la formation des personnels (MaFPEN) - la formation continue des enseignants en fonction.

il aurait été cohérent de réformer simultanément les concours, pour prendre en compte cette nouvelle exigence de formation professionnelle, mais ceux-ci sont demeurés inchangés si bien que nombre d’étudiants préparaient le concours à l’université, sans passer par l’iuFM, et n’intégraient l’iuFM qu’en deuxième année, donc à l’issue du concours, en tant que fonctionnaire stagiaire. Beaucoup à l’époque ont contesté l’idée même d’iuFM, estimant que la bonne maîtrise de la discipline enseignée constituait le meilleur viatique pour débuter dans l’enseignement, s’opposant ainsi à tous ceux qui au contraire pensaient qu’être professeur est un métier qui s’apprend, comme tous les autres, et que la bonne maîtrise de la discipline est une condition certes nécessaire mais certainement pas suffisante. Ce clivage entre les « disciplinaires » et les « pédagogues », qu’on a parfois caricaturé, recoupait également un autre enjeu : la nature des liens avec l’université. La loi faisait des iuFM des établissements universitaires indépendants à côté des autres universités existantes, enlevant ainsi à ces dernières la responsabilité qu’elles avaient de former les futurs enseignants. Comme toute nouvelle structure à laquelle sont dévolues des attributions jusque là attachées à d’autres, il était fatal que les iuFM soient ainsi contestés.

Cependant, après 1989, les enseignants de 1er degré (qui prennent le titre de « professeurs des écoles » et non plus « instituteurs ») et ceux du second degré général, technique et professionnel étaient désormais formés dans une seule et même institution. La mise en œuvre de ces nouvelles modalités de formation des enseignants s’est avérée

99 http://www.education.gouv.fr/cid22782/regards-statistiques-2009.html100 Loi 89-486 du 10 juillet 1989, article 17.

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laborieuse mais cela n’a rien d’étonnant si l’on considère qu’il s’agissait là d’une véritable révolution pour le second degré, après deux siècles de recrutement des « enseignants du secondaire » sur la base de critères uniquement universitaires.

La loi Fillon de 2005 a depuis intégré les iuFM à l’université, ce qui peut laisser penser que se trouve ainsi renforcée la logique disciplinaire ; mais la parution en 2007 (sous le ministère de gilles de Robien) du Cahier des charges pour la formation des maîtres, prenant en compte le socle commun de connaissances et de compétences, semble cette fois renforcer la logique d’une formation professionnelle. Les iuFM entrent ainsi dans une période de très forte turbulence, leurs personnels ne savent plus trop quelle est leur mission et encore moins leur avenir.

En 2007, sitôt élu, Nicolas Sarkozy annonce la « mastérisation » de la formation des enseignants : c’est désormais au niveau du master que seront organisés les concours de recrutement, et non plus au niveau de la licence pour les CaPES et de la maîtrise pour l’agrégation. Mais de quels masters s’agit-il ? de masters disciplinaires ou professionnels ? à quel moment le concours doit-il être placé : en début, en milieu ou en fin de formation ? autant de questions qui ne semblent pas avoir trouvé de réponse véritable ou définitive aujourd’hui.

Le sort du volet professionnel de la formation initiale dépend évidemment des réponses qui y seront apportées. Mais tout laisse à penser qu’il risque de devenir le parent pauvre de la formation initiale des enseignants.

Mais dans le même temps, les choix budgétaires ont conduit le ministère à supprimer les stages en situation : désormais, sitôt le concours réussi, les nouveaux enseignants seront placés directement en responsabilité, à temps complet, devant les élèves. Face aux protestations quasi unanimes, le ministère propose quelques aménagements permettant aux nouveaux enseignants de quitter quelques semaines leurs classes pour revenir en formation. toutefois, la baisse drastique des moyens de remplacement rend très difficile l’application de cette mesure. il faut noter également que durant cette période les étudiants se destinant à l’enseignement n’avaient aucune visibilité sur la formation qu’ils avaient à suivre, les organismes chargés de les former n’en ayant elles-mêmes aucune, alors même que la réforme était engagée.

En définitive, au moment où l’ensemble du système éducatif devrait être mobilisé pour la mise en œuvre du socle commun, la formation des nouveaux enseignants apparaît plus désorganisée que jamais, la formation professionnelle proprement dite semble disparaître ou au moins ne constituer que le parent pauvre, et les personnels concernés sont en plein désarroi.

ajoutons ici que l’allongement de deux ans du parcours initial nécessaire, avant la présentation du concours qui recule d’autant la possibilité d’être rémunéré, rend plus difficile l’accès à la profession pour les candidats issus de milieu modeste. La commission Pochard notait déjà une évolution substantielle du milieu enseignant : plus d’un quart des jeunes enseignants sont enfants de cadres supérieurs dans le premier degré, plus de la moitié dans le second degré, contre 16 % pour les plus âgés en premier degré. « Les origines sociales des enseignants se sont donc au fil des décennies en partie éloignées de celles de leurs élèves »101. il est légitime de penser que la réforme en cours, telle qu’elle est organisée, renforcera cet écart.

101 Rapport Pochard, p. 27.

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LES iNégaLitéS à L'éCOLE – 77

Ê L’enseignement change dans un cadre qui demeure trop rigide.

Le temps de travail de l’enseignant défini par le seul « face à face pédagogique »

Le nombre d’heures passées devant les élèves ne constitue pas la totalité du temps de travail de l’enseignant ; il en est en revanche la seule mesure définie comme Obligations réglementaires de service (ORS).

depuis 1991, une « entorse » est faite à ce principe dans le premier degré, puisqu’un décret102 répartit alors le service en 26 heures hebdomadaires d’enseignement devant la classe et une heure hebdomadaire, en moyenne annuelle (soit 36 heures par an), hors présence devant les élèves, consacrées « à des travaux au sein des équipes pédagogiques, à des conférences pédagogiques et à la tenue des conseils d’écoles obligatoires ». Pour la première fois un texte réglementaire intègre dans le temps de travail de tout enseignant d’autres tâches que l’enseignement stricto sensu (qui inclut le temps afférent de préparation et de correction). depuis la rentrée 2009103, le temps consacré à tous les élèves est abaissé à vingt quatre heures, et trois heures hebdomadaires en moyenne annuelle doivent être consacrées pour soixante d’entre elles à « de l’aide personnalisée ou à des interventions en groupes restreints auprès des élèves rencontrant des difficultés dans leurs apprentissages et au temps d’organisation proportionné correspondant », pour vingt quatre « aux travaux en équipe pédagogique, aux relations avec les parents, à l’élaboration et au suivi des projets personnalisés de scolarisation pour les élèves handicapés », pour dix-huit à l’animation et la formation pédagogiques et enfin pour six à « la participation aux conseils d’école obligatoires ». La réduction à 24 heures de la semaine scolaire de l’élève a été très contestée, de même que les modalités d’aide personnalisée pour les enfants en difficulté ; mais actons ici que, dans le même mouvement qu’en 1991, la tâche de l’enseignant ne se définit plus exclusivement en temps de classe, au moins pour le 1er degré.

il n’en va pas de même dans le second degré, où l’ORS de l’enseignant demeure exclusivement définie en heures de cours dans sa ou ses disciplines devant les élèves. Ce nombre d’heures varie selon le statut de l’enseignant : 15 heures pour les professeurs agrégés, 20 heures pour les professeurs d’éducation physique et sportive, 18 heures aujourd’hui pour la plupart des autres. des aménagements de cette obligation de service existent, par une réduction d’une heure par exemple pour les enseignements de 1re et de terminale, années du baccalauréat, ou pour les enseignants chargés de tâches particulières : (« heures de labo », « heures uNSS » (union nationale du sport scolaire), pour les enseignants nommés sur plusieurs établissements distants, ou encore par une réduction / majoration en cas d’effectifs très élevés ou au contraire très faibles.

Cette logique horaire et disciplinaire n’a pas changé depuis les décrets de 1950, alors qu’à cette époque ne suivait un enseignement « secondaire » qu’une petite minorité des élèves, tous les autres suivant un enseignement « primaire » 104. Statutairement donc, aucune des autres tâches demandées aux enseignants n’est intégrée dans leur temps de service.

102 décret 91-41 du 14 janvier 1991.103 décret 2008-775 du 30 juillet 2008.104 Sur la démocratisation de la scolarité secondaire au cours des années 1960 et 1970, se reporter à la première

partie de ce rapport.

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Or, ces tâches se sont multipliées : aide personnalisée dans le premier degré, accompagnement éducatif en collège, élaboration des Programmes personnalisés de réussite éducative (PPRE), des itinéraires de découverte (idd), concertation pour la validation des compétences aux différents paliers, pour la validation du Brevet informatique et internet (B2i), conseils aux élèves, dialogue avec les familles, liens avec les acteurs locaux, et plus généralement toutes les concertations pédagogiques rendues de plus en plus nécessaires par le souci d’individualiser les apprentissages, de les rendre plus transversaux, par l’introduction des tiCE, etc.

il y a donc un décalage de plus en plus flagrant entre d’une part les textes réglementaires régissant le service des enseignants et, d’autre part, les missions qui leur sont confiées par l’institution et les pratiques qui en découlent. toutes ces autres tâches sont rémunérées en plus, sous la forme d’indemnités (indemnité de suivi et d’orientation des élèves, instaurée en 1989, par exemple), ou par des Heures supplémentaires effectives (HSE) dans la mesure où la dotation de l’établissement le permet, mais il arrive aussi qu’elles ne le soient pas.

Cette contradiction était déjà signalée par le Conseil économique et social, dans son rapport de 2002 : « il est profondément regrettable que les nombreuses initiatives innovantes engagées sur le terrain par les personnels de l’éducation nationale ne soient pas évaluées, reconnues et soutenues par le système scolaire. En particulier, elles échappent, alors qu’elles sont, pour chaque enseignant, fortement consommatrices de temps, aux méthodes de comptabilisation du temps de travail, lequel ne prend en considération que les heures de cours stricto sensu » 105.

à ce sujet, la Cour des comptes constate : « en l’état actuel, le système éducatif demande aux enseignants d’atteindre des objectifs précis et de remplir des missions explicitement définies par la loi, sans vouloir les traduire de façon cohérente dans l’organisation de leur service. Ainsi, le ministère a indiqué, en réponse à la Cour, qu’il ne souhaitait pas modifier cette organisation, et qu’il envisageait seulement d’accorder des « indemnités spécifiques et encadrées juridiquement dès lors qu’ils exercent des missions particulières au-delà de leur service hebdomadaire «, ou bien de payer des heures supplémentaires […] »106.

Une autonomie insuffisante des équipes éducatives

dans le premier comme dans le second degré, un certain champ est laissé à l’initiative locale.

La répartition des classes entre les maîtres, la confection des emplois du temps, l’organisation du temps scolaire, celles des enseignements : la part n’est pas négligeable de ce qui relève du directeur, de l’iEN, du principal de collège, du conseil d’école, du conseil de cycle, de l’équipe pédagogique. Ces marges de manœuvre sont souvent utilisées par les équipes pour adapter leur enseignement aux élèves, monter des projets. Mais cela demeure limité : les horaires obligatoires des programmes, la définition des temps de service, les budgets sont trop contraints.

La Cour des comptes conclut ainsi son étude de 2010 : « en définitive, c’est moins en raison des réformes ministérielles que grâce à l’implication personnelle des enseignants et des autres agents de l’Éducation nationale que les politiques éducatives peuvent aujourd’hui se concrétiser au plus près des besoins des élèves. C’est le recours à l’imagination et aux bonnes

105 Favoriser la réussite scolaire, rapport et avis du CES, 2002, présenté par Mme Claude azéma.106 Cour des comptes, rapport 2010 : L’Éducation nationale face à l’objectif de la réussite de tous les élèves.

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volontés, ainsi qu’éventuellement à un aménagement parfois peu réglementaire du service des enseignants, qui permet au système scolaire de fonctionner en dépit de ses contraintes et de ses rigidités. Cet état de fait démontre le dévouement remarquable des acteurs de l’enseignement scolaire, mais il révèle également une faiblesse majeure du système éducatif : la réussite d’un élève dépend en partie de l’établissement où il est affecté et des enseignants qui le prennent en charge, ce qui constitue un puissant facteur d’inégalité ».

Les objectifs du socle une fois définis, les grandes lignes des programmes également, les écoles et les établissements devraient avoir beaucoup plus de latitude pour organiser eux-mêmes la façon dont ils mettent en place les méthodes, dont ils organisent les rythmes et les progressions, en fonction de leurs élèves, des enseignants et des personnels disponibles, des ressources locales externes à l’école le cas échéant.

un cadrage serait alors nécessaire. une telle organisation doit être le résultat d’un projet construit, agréé par l’autorité académique, et donner lieu à une évaluation. Ce projet doit être porté par le conseil d’école ou le conseil d’administration, avoir été travaillé par l’ensemble de l’équipe éducative. il doit revenir au conseil pédagogique de veiller à son bon déroulement et d’opérer les ajustements nécessaires. Le chef d’établissement trouverait alors dans de telles dispositions une véritable capacité d’animation au service d’une meilleure pédagogie.

un enseignant peut aussi très bien consacrer, pour une ou plusieurs années, tout ou partie de son temps de service en accompagnement d’une équipe, un autre le consacrer plutôt aux missions d’accompagnement et d’aide ponctuelle pour les élèves en difficulté, y compris sur le temps scolaire des élèves comme dans d’autres pays, etc. Cela permettrait d’ailleurs à l’enseignant de faire varier au long de sa carrière l’exercice de sa fonction, sans passer nécessairement devant une classe l’intégralité de son temps de service, toute l’année et durant toute sa carrière, comme c’est aujourd’hui le cas pour l’immense majorité d’entre eux. de telles possibilités permettraient sans doute de rendre plus attractifs les postes dans les établissements de zones en difficulté, limitant ainsi le « turn-over » que l’on y constate.

Une formation continue insuffisante et mal ciblée

La nécessité de la formation a été évoquée plus haut comme l’un des éléments essentiels d’une bonne mise en œuvre d’une réforme : la formation initiale bien sûr, nous n’y reviendrons pas ici, et tout autant la formation continue. On ne peut demander à des enseignants, sans leur offrir la formation requise, d’évaluer des compétences et non plus seulement des connaissances et d’adapter leur pédagogie à des publics plus hétérogènes.

il est assez difficile d’avoir une vision statistique assez précise de la formation continue dans l’éducation nationale, tant les chiffres recoupent des réalités différentes.

En 2008, les dépenses de formation continue des ministères de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur et de la recherche représentaient 3,2 % de la masse salariale chiffre inférieur d’un point à la moyenne des autres ministères (4,2 % hors éducation nationale).

On peut lire sur le site du ministère107 que 885 443 journées-stagiaires ont été organisées en 2008-2009, pour 333 041 personnes retenues et 200 470 présentes (au moins 2/3 de la formation) ; mais cela ne dit pas comment se répartissent ces formations entre les simples

107 http://eduscol.education.fr/cid47682/enquete-nationale.html

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réunions souvent le mercredi avec un iPR sur les nouveaux programmes ou des sessions plus lourdes de plusieurs jours ou semaines, ni comment s’élaborent les plans académiques de formation et selon quelle articulation de l’offre et de la demande, etc. il faut noter ici, pour le premier degré, que depuis la « mastérisation », le remplacement des professeurs titulaires ne peut plus être assuré par les professeurs stagiaires qui jusque là ne passaient que 8 ou 9 semaines en responsabilité.

deux enquêtes menées pour la dEP (1er et 2nd degré)108, réalisées en 2005, apportent cependant des éclairages intéressants même si elles sont maintenant anciennes, et si elles indiquent plus le vécu des personnes que la réalité. d’autre part, portant sur un échantillon de 1200 personnes, il est peu significatif de « faire parler » les sous-ensembles.

On peut ainsi noter que 87 % des enseignants de collège et lycée sont plutôt d’accord ou tout à fait d’accord avec la proposition : « la formation continue est au moins aussi importante que la formation initiale », et ce chiffre monte à 90 % en premier degré. ils sont 79 % en second degré et 85 % en premier degré à être d’accord (plutôt ou tout à fait) avec la proposition « dans le métier d’enseignant comme dans les autres, la formation continue devrait être obligatoire ». Les trois quarts estiment que « la formation continue doit être prise en compte dans la gestion de la carrière ». autant dire que la demande est forte et que l’on peut facilement mobiliser les enseignants sur la formation continue.

il faut cependant se demander si la formation proposée et suivie correspond bien aux besoins. Les deux enquêtes montrent que les formations demandées portent d’abord dans le 1er degré sur la didactique des disciplines (15 %), l’évolution des contenus d’enseignements (9 %) et le développement personnel et culturel (9 %), dans le second degré sur l’évolution des contenus d’enseignements disciplinaires (29 %), la didactique des disciplines (21 %) et la formation aux tiC (21 %). Mais à la question : quel a été pour vous l’apport principal de cette formation (hors préparation concours), la réponse est « un échange avec d’autres enseignants sur les pratiques professionnelles » pour 30 % en 1er degré et 37 % en 2nd degré, « une amélioration de ma pratique de la classe » pour 18 % en 1er degré et 17 % en 2nd degré, « un élargissement de ma culture pédagogique » pour 13 % en 1er degré et 17 % en 2nd degré, ces trois items arrivant largement en tête. il y a donc nettement un écart entre la finalité attendue de la formation et ce que finalement les stagiaires en retirent d’essentiel. Cet écart est sans doute à interroger pour être mieux compris.

Les demandes de formation concernant les contenus d’enseignement et leur didactique arrivent largement en tête des formations demandées d’après ces deux enquêtes, en tout cas l’année de l’enquête (2005). Les priorités nationales, certes en 2008-2009, concernent « l’évaluation dans le cadre du socle commun de connaissances et de compétences », « la maîtrise de la langue dans toutes les disciplines », « l’accompagnement du plan de rénovation des langues vivantes », « la scolarisation des élèves handicapés », » l’aide et soutien à la réussite des élèves », « l’accompagnement de l’entrée dans le métier ». On peut donc constater un écart entre le type de formation demandée, d’après les enquêtes, et les priorités choisies nationalement, autre écart à interroger. Le ministère indique que 28 % du volume global des formations ont été consacrées aux formations prioritaires en 2nd degré et 71 % en 1er degré, ce qui ne semble pas cohérent avec les données de l’enquête trois années plus tôt, et il serait étonnant que ce type de tendances s’inverse si rapidement.

108 Les dossiers Enseignants et personnels de l’éducation, n°176 août 2006 et 179 décembre 2006. échantillon de 1101 personnes en second degré et de 1200 pour le premier degré.

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La formation « évaluation dans le cadre du socle commun » représente en second degré un quart du volume des formations prioritaires, soit 7 % du volume global des formations. Les chiffres publiés n’indiquent pas à combien d’enseignants cela correspond, mais il est clair que dans la période où se met en place le socle commun, ce chiffre est anormalement faible.

ÊDes choix actuels essentiellement axés sur un objectif budgétaire et qui obèrent les perspectives de réforme véritableLes réformes nécessaires pour lutter contre les inégalités ne sont pas qu’une question

de moyens, loin s’en faut. Et il est vrai qu’une simple augmentation de moyens ne suffit pas à améliorer les résultats des élèves. il n’en reste pas moins que les coupes drastiques opérées depuis quelques années, notamment dans le cadre de la RgPP, constituent un réel handicap aux réformes nécessaires.

Le premier combat à mener est celui qui doit permettre de sortir de l’échec les élèves qui arrivent en 6ème sans le niveau requis, et cela doit se faire dès les toute petites classes, notamment pour les élèves issus de milieux défavorisés. Or, depuis le début des années 2000, la scolarisation des enfants de deux ans a baissé de moitié.

L’effort devrait pourtant être engagé dès la maternelle pour se poursuivre tout au long de la scolarité obligatoire. il faudrait pour cela disposer de maîtres en surnombre pour mieux prendre en charge les élèves en difficulté et les aider avant que le retard s’aggrave. il est nécessaire parfois de mener une activité par groupe de besoin ou d’autres formes de travail collectif, en décloisonnement.

Le coût des redoublements est estimé à environ deux milliards d’euros, alors que toutes les études montrent leur inefficacité. il ne suffit pas bien entendu de les supprimer d’un trait de plume pour que les élèves réussissent, mais les exemples étrangers le montrent, ces deux milliards seraient mieux utilisés à donner les moyens nécessaires à rendre inutiles ces redoublements : « La présence de professeurs spécialisés dans chaque école et collège, avec un ratio comparable à celui de la Finlande, qui prendrait en charge sur le temps scolaire les élèves fragiles, sans alourdissement de leurs horaires, serait possible à ce compte » indiquait lors de son audition Paul Robert.

Le moins que l’on puisse dire est qu’on s’éloigne d’un tel objectif, tant les dotations sont contraintes. Pour n’être pas présents directement dans les classes, les membres des RaSEd (réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté) ne peuvent pas directement satisfaire cet objectif, leur intervention relevant plus de l’aide « exceptionnelle » pour des élèves en très grande difficulté. de surcroît, les RaSEd ont vu leurs moyens considérablement réduits et sont aujourd’hui menacés de disparition.

On a exposé plus haut la quasi-disparition de la formation professionnelle des futurs enseignants. La suppression de l’année de stage postérieure au concours et la mise en responsabilité immédiate devant une classe des nouveaux reçus obéit à l’évidence à une exigence budgétaire, mais à quel prix à moyen et à long terme ?

Les suppressions de postes enlèvent aujourd’hui toute marge de manœuvre, rendent quasi impossibles les remplacements de courte et parfois moyenne durée, les départs en formation, hypothèquent parfois même les enseignements obligatoires, contribuent à transformer en heures de cours celles qui auraient du être consacrées aux idd et autres

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activités de ce type, et diminuent à coup sûr la volonté d’un certain nombre de personnels de s’investir dans des activités innovantes.

Qui plus est, la suspicion d’une motivation essentiellement budgétaire des réformes entreprises ne peut en effet être écartée quel que soit le bien fondé de telle ou telle réforme.

Une politique d’éducation prioritaire intermittente et peu lisible

Les années 1960 et 1970 ont relevé le défi de la massification et l’éducation nationale assurait, en principe du moins, un traitement égal pour toutes les structures d’enseignement, indépendamment de leur localisation ou de leur population. Mais l’allongement de la scolarité jusqu’à 16 ans et la scolarisation de tous les jeunes dans un collège unique ont rendu plus visibles des situations d’échec qui n’en existaient pas moins. Lorsqu’au contraire les jeunes étaient scolarisés dès le départ dans des structures différentes ou encore, lorsqu’après la réforme Fouchet-Berthouin, ils étaient orientés selon leurs résultats vers les voies i ou ii ou iii du collège « unique », les élèves de cette voie iii (« transition », CPPN, CPa) ne maîtrisaient pas ou mal les savoirs fondamentaux, mais la question de leur insertion sociale et professionnelle ne se posait pas avec la même acuité qu’aujourd’hui.

La scolarisation de tous dans une même structure et les mêmes classes ne permettait plus d’ignorer ces inégalités importantes de réussite scolaire ; la crise économique naissante rendait leur avenir professionnel incertain ; enfin, les évolutions de l’urbanisation renforçaient la ségrégation urbaine. L’attribution de moyens identiques à tous les établissements ne pouvait que figer ces inégalités, voire les renforcer ; l’idée de « politique prioritaire » s’est alors progressivement imposée. « Malheureusement, quand on parle de trente ans d’éducation prioritaire, on se figure qu’au fil des années, quelles que soient les discontinuités politiques, bon an mal an, la politique ministérielle a été continue. Très loin s’en faut. […] Sur trente ans, il y a peut-être sept ou huit ans de pilotage effectif. C’est peu quand il s’agit de mobiliser des personnels et des partenaires autour d’un projet dans des situations ordinaires qui ne sont jamais simples, où il y a un contexte de chômage, de précarité, voire de violence, qui crée des tensions. On a besoin de sérénité, de temps, de confiance, d’accompagnement »109.

Ê Les politiques d’éducation prioritaire : une histoire déjà longue, un bilan nuancé

Une politique de discrimination positive

La politique d’éducation prioritaire a marqué un retournement considérable des politiques éducatives jusqu’alors suivies. Les ZEP ont été créées sous le ministère Savary en 1981. « Le souci de formation des élèves en difficulté scolaire m’a conduit à définir une politique de priorité pour les zones défavorisées. La démocratisation du système éducatif et la lutte contre les inégalités sociales doivent se concrétiser par davantage de moyens et surtout par une plus grande attention pour ceux qui en ont le plus besoin. »110. Pour la première fois, l’expression de « discrimination positive » est utilisée dans l’administration française.

109 Marc douaire, président de l’observatoire des zones prioritaires lors de son audition le 5 avril 2011.110 discours d’alain Savary, ministre de l’éducation nationale, devant l’assemblée nationale, 13 juillet 1983.

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LES iNégaLitéS à L'éCOLE – 83

Une politique territoriale

Seconde caractéristique de la politique initiale d’éducation prioritaire, il s’agissait

de mobiliser autour d’un projet territorial l’ensemble de ceux qui avaient un lien avec les

conditions d’éducation : la famille, le monde associatif, les collectivités territoriales. il y avait

là une rupture avec toutes les tentatives précédentes qui étaient restées « scolaro-centrée ».

il s’agissait d’ouvrir le système éducatif vers l’extérieur en développant l’autonomie qui

devait se traduire, dans une période marquée par un acte important de décentralisation

administrative, par la construction du projet éducatif par les acteurs de terrain.

Une reprise avec la loi d’orientation de 1989

En 1984, soit seulement 3 ans après le commencement, cet élan a été interrompu

par la chute du gouvernement Mauroy111 et l’arrivée rue de grenelle de Jean-Pierre

Chevènement, mais les effets ont tout de même perduré. La conviction d’un certain nombre

d’inspecteurs d’académie a permis pragmatiquement de maintenir les dispositifs en zones

d’éducation prioritaire. administrativement en revanche il s’agit d’une longue période de

silence avant une relance en 1990 par Lionel Jospin qui conservait le principe d’ensemble

sociogéographique avec une implication des acteurs au-delà du cercle pédagogique

(représentants des associations, des collectivités locales, des familles…). La relance de

Lionel Jospin reposait sur trois principes : une carte de l’éducation prioritaire cohérente en

ensembles sociogéographiques, coïncidant avec la carte du développement social urbain

de la nouvelle politique de la ville, ce qui supposait de l’interministériel ; un projet « de

zone » avec un projet inter degrés de l’école maternelle à la fin de la scolarité obligatoire,

certains lycées professionnels s’y associant parfois ; un conseil de ZEP avec les représentants

des collectivités, des familles, des associations et un coordinateur de ZEP représentant

l’éducation nationale auprès de la politique de la ville et des partenaires.

Mais ce pilotage fort n’a duré que quelques années, et dès 1992 avec le ministère Lang,

les premières « dispositions violence », la politique prioritaire fut à nouveau laissée de côté.

Le passage à une politique prioritaire d’établissement

1998 a été une année de rupture avec la logique d’intégration territoriale de l’éducation

prioritaire. à la suite du rapport Moisan-Simon le ministère de l’éducation nationale a

décidé de passer à des Réseaux d’éducation prioritaire (REP) qui mettaient l’accent sur les

établissements et non plus sur le territoire. Les initiatives pour l’éducation prioritaire se sont

resserrées autour de partenariats d’établissements pour diffuser de bonnes pratiques. un

glissement d’une politique territoriale à une politique de réseaux d’établissements s’est ainsi

opéré. « C’est une ambiguïté qui n’a pas été assumée politiquement. Je m’explique. Nous n’avons

rien contre le terme de réseau. La mise en réseau de dispositifs, de partenariats, d’établissements

pour faire fonctionner les expériences réussies, les bonnes pratiques, c’est très bien. Mais glisser

d’une politique territoriale à une politique de réseau d’établissements, c’est glisser d’une politique

à une autre. Il faut s’en expliquer, légitimer et donner une nouvelle orientation, ce qui n’a pas été

fait. Suite à cela, aucun ministre dans la même majorité politique et dans celle qui a succédé

111 Conséquence directe du conflit sur l’école privée, dont les répercussions ont ainsi largement dépassé ce qui en était la cause.

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n’a voulu s’emparer de la question de l’éducation prioritaire. Jusqu’en 2005, la politique a été complètement effacée à l’échelle ministérielle.»112

après 1998, la politique prioritaire a cessé de figurer au calendrier politique des différents ministres qui se sont succédés jusqu’en 2006, même si un certain nombre d’aménagements administratifs ont été réalisés au cours de cette période113. Mais à la suite des révoltes urbaines de novembre 2005, sont créés les Réseaux ambition réussite (RaR) qui ont alors vocation à se substituer aux ZEP et aux REP. Le traitement de l’éducation prioritaire est resserré sur 254 RaR (254 collèges « têtes de réseau » et 1 721 écoles en 1999) mais s’y ajoutent les nouveaux « Réseaux de réussite scolaire », soit au total 1 100 réseaux en 2006-2007 c’est-à-dire environ 20 % des élèves, dont 5 % pour les seuls RaR Ces derniers ciblent strictement l’amélioration de la qualité pédagogique des établissements, bénéficient de 1000 enseignants supplémentaires et de 3 000 assistants pédagogiques.

Le dispositif CLAIR et ECLAIR

un rapport d’évaluation a été effectué par la dgESCO en 2010. Le bilan est nuancé mais « encourageant puisque les écarts se réduisent pour plusieurs indicateurs de réussite scolaire »114. Or, dès la rentrée 2010 est expérimenté le dispositif CLaiR (Collèges et lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussite) dans 105 établissements. il « concerne les établissements concentrant le plus de difficultés en matière de climat scolaire et de violence »115. il devient programme ECLaiR à la rentrée 2011 en s’élargissant aux écoles et concernera en tout 325 établissements. Ce programme, annoncé à la suite des états généraux de la sécurité à l’école, devait être axé essentiellement sur ce thème mais les RaR ont désormais vocation à y être intégrés ce qui constitue un changement de cap. Les professeurs supplémentaires dont disposaient les RaR ont vocation à devenir préfets des études 116. Le dispositif fait l’objet d’un vade-mecum de 65 pages : on n’y trouve qu’une dizaine de lignes consacrées aux intervenants extérieurs à l’établissement.

Mais dans le même temps, à la rentrée 2010, sont créés les internats d’excellence en collèges et lycées : ils s’adressent à des « collégiens, lycéens et étudiants motivés, ne bénéficiant pas d’un environnent favorable pour réussir leurs études. » La logique est cette fois d’extraire les élèves motivés de leur établissement d’origine.

dans la même période, la libéralisation de la carte scolaire (cf. infra) contribue à vider un certain nombre d’établissements de leurs meilleurs élèves, renforçant les difficultés de ceux qui y demeurent.

Ê Les principales difficultés de l’éducation prioritaireLa politique prioritaire devait être, à l’origine, dérogatoire et provisoire. Mais face à

l’ampleur et à la permanence des problèmes sociaux et urbains, les 363 zones de 1981 sont devenus les quelques 1 000 réseaux actuels dont 254 RaR. C’est donc un élève sur cinq qui relève de l’éducation prioritaire alors même que les moyens n’ont pas augmenté au même rythme, ce qui a provoqué une désillusion pour l’ensemble des acteurs.

112 Marc douaire, id.113 inspection générale de l’éducation nationale, La contribution de l’éducation prioritaire à l’égalité des chances des

élèves. (Rapport armand-gille), 2006.114 Bilan national des réseaux « ambition réussite », MEN, juin 2010.115 http://eduscol.education.fr/cid52780/l-experimentation-clair.html116 Vade mecum du programme ECLaiR, MEN.

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LES iNégaLitéS à L'éCOLE – 85

Marc douaire, président de l’Observatoire des zones d’éducation prioritaire identifie aujourd’hui sept difficultés principales117.

Le rapport au temps

Le temps de l’éducation n’est pas celui du politique. il faut en effet informer sur la politique mise en œuvre ; former les équipes éducatives ; convaincre les multiples acteurs, de niveau différent et avec des logiques qui leur sont propres (enseignants, parents, collectivités, associations, élèves mais aussi hiérarchie de l’éducation nationale). Puis, il est nécessaire d’accompagner un projet éducatif en termes de moyens et soutien pédagogique et enfin, il faut évaluer le projet. tout cela demande de la durée et ne peut s’apprécier que sur plusieurs années. aujourd’hui, l’on observe plutôt un empilement de dispositifs qui répondent à des objectifs différents et qui bénéficient de moyens susceptibles d’être revus chaque année scolaire.

La définition de l’éducation prioritaire.

à l’origine, on parlait de territoires, avec une population bien précise, marquée par certaines inégalités économiques, sociales, culturelles et donc à l’intérieur de ces territoires, d’établissements scolaires, qui accueillent les jeunes. dans cette conception, l’école doit prendre sa part mais n’est pas la seule responsable des transformations économiques et sociales. Cela permet de construire localement du sens, de la citoyenneté.

au tournant des années 2000, on centre la politique prioritaire sur les établissements scolaires, la politique d’éducation prioritaire devient « scolaro centrée ». Certes, il est essentiel que l’école fasse ce pour quoi elle est missionnée : permettre les apprentissages, éduquer à la citoyenneté. Mais l’école ne peut le faire seule et cette orientation ferme un certain nombre de portes.

Plus récemment, l’éducation prioritaire a été ciblée sur les individus. Le jeune, sa famille, le maître sont tenus pour responsables de la réussite ou de l’échec. dès lors, deviennent concevables des dispositifs consistant à « exfiltrer » les meilleurs ou les plus motivés pour leur permettre de réussir (internats d’excellence, assouplissement de la carte scolaire, « cordées de la réussite »). à l’inverse, on va faire peser sur les parents la responsabilité de l’absentéisme avec les nouvelles mesures de suppression des allocations familiales.

Le besoin de temps pour construire un projet éducatif

L’éducation prioritaire impose d’élaborer des projets à l’école, au collège, entre les deux, avec les différents partenaires. il faut notamment mettre en place les cycles d’apprentissage, réfléchir aux livrets de compétence et à des rythmes adaptés. Cela nécessite du temps de concertation en dehors de la présence des élèves. Or, ce temps est à prendre aujourd’hui en dehors du temps statutaire dû par les enseignants (cf. supra) si bien que l’éducation prioritaire repose souvent sur l’investissement militant d’un certain nombre d’enseignants. L’institution doit tirer les conséquences des missions qu’elle assigne à ses personnels.

Le saupoudrage des moyens

La moyenne d’élèves par classe est aujourd’hui de 22,2 en RaR, contre un peu plus de 24 en école ordinaire : ce différentiel est hors de proportion avec les enjeux du contexte.

117 audition devant la section de l’éducation, de ma culture et de la communication du CESE, le 5 avril 2011.

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Les postes supplémentaires accordés en 1990 ont quasiment disparu. Les enseignants supplémentaires présents dans les RaR, dont le récent rapport d’évaluation montre tout l’intérêt, ont vocation à devenir les préfets d’étude des nouveaux CLaiR, ce qui ne correspond pas au même besoin.

une étude américaine menée sur 11 500 élèves du primaire entre 1985 et 1989 mesure l’impact de l’effectif de la classe, selon qu’il se monte à 22 élèves ou qu’il est réduit à 15, soit une différence très substantielle. Cette étude montre que les faibles effectifs améliorent la « qualité de la classe » et que cette dernière « a un effet significatif, mais limité dans le temps, sur les résultats aux tests. Elle a en revanche des effets considérables et persistants sur tous les aspects mesurés de leurs vies d’adultes (revenus, probabilité de poursuivre des études supérieures, d’être marié, propriétaire de son logement, etc.).»

Paradoxalement, les établissements d’éducation prioritaire peuvent se révéler moins dotés que les autres établissements si l’on raisonne en euros plutôt qu’en postes. ainsi la Cour des comptes note qu’un « établissement relevant de l’éducation prioritaire peut bénéficier de moyens horaires apparemment plus élevés qu’un autre établissement, mais représenter en fait un coût inférieur, dès lors que les enseignants affectés en « réseau ambition réussite « ou en « réseau de réussite scolaire « ont souvent moins d’ancienneté ou un statut moins rémunérateur »118.

L’école primaire et maternelle ont été les parents pauvres de l’éducation prioritaire

La scolarisation précoce représente un enjeu particulièrement fort pour les élèves des catégories défavorisées. Les études réalisées dans ce domaine confirment que plus l’entrée est tardive, plus il est difficile de remédier aux difficultés d’apprentissage.

Par ailleurs, lorsque l’élève est confronté à une mauvaise image de lui-même du fait de la situation d’échec dans laquelle il se trouve, les freins psychologiques à l’apprentissage s’en trouvent considérablement renforcés.

Pourtant, l’école élémentaire et plus encore maternelle, n’ont pas été placées au premier rang des préoccupations ni du ministère ni de l’opinion publique. En termes de moyens et de projets, elles sont donc restées les parents pauvres de l’éducation prioritaire.

La nécessité de diffuser les bonnes pratiques, l’accompagnement des personnels.

Fort heureusement, de nombreuses expériences pédagogiques positives existent mais l’institution ne sait pas suffisamment les diffuser. Par ailleurs, l’indispensable stabilité des équipes est souvent mise à mal par l’affectation de maîtres débutants qui cherchent rapidement à quitter les établissements difficiles. Le travail collectif, souvent remarquable, des équipes pédagogiques ne peut être reconnu dans le cadre de la seule évaluation actuelle des enseignants : l’inspection et la note individuelle.

118 L’éducation nationale face à l’objectif de la réussite de tous les élèves Cour des Comptes, rapport thématique 2010.

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Ê L’assouplissement de la carte scolaire : une fragilisation accrue des établissements des quartiers défavorisésLa carte scolaire répartit les élèves entre les écoles ou les collèges en fonction du lieu

de leur domicile. dans le premier degré, elle est déterminée par les communes alors que

dans le second degré le découpage est effectué dans le cadre du département. La proximité

géographique en constitue une dimension essentielle. En zone urbaine, la sectorisation

scolaire doit donc composer avec des phénomènes de concentration de populations

socialement homogènes, aggravés ces dernières années par l’augmentation des prix du

logement. il s’agit donc d’un instrument fragile et imparfait au service d’une certaine mixité

sociale dans les écoles et les collèges.

depuis la rentrée 2007, le gouvernement a mis en œuvre un assouplissement de la carte

scolaire pour donner aux familles une plus grande liberté dans le choix de l’établissement.

des dérogations à la règle de l’inscription dans l’établissement du secteur géographique

dont relèvent les élèves ont été rendues possibles dans la limite des places disponibles. Ces

critères de dérogation sont par ordre décroissant : l’existence d’un handicap, une prise en

charge médicale importante à proximité de l’établissement demandé, l’octroi d’une bourse,

un parcours scolaire particulier, un frère ou une sœur déjà scolarisé dans l’établissement, un

domicile en limite de secteur.

Bien avant que cette mesure soit prise, les écoles et surtout les collèges à dominante

populaire étaient déjà soumis à la concurrence d’autres établissements à laquelle ils

résistaient parfois difficilement. des cas de dérogations existaient déjà quoiqu’en nombre

plus limité119 et surtout l’inscription dans l’enseignement privé constituait une des techniques

les plus courantes de contournement de la carte scolaire.

dès avant la réforme, 7 % des élèves passent du CM2 public en sixième de collège

privé. ainsi, le pourcentage d’élèves scolarisés dans l’enseignement privé, de 14 % à l’école

élémentaire, s’élève à 21 % en classe de sixième120.

avec plus de problèmes pédagogiques à résoudre et des professionnels en moyenne

moins expérimentés et moins stables, les collèges des secteurs les plus populaires ne

parviennent à se maintenir dans des conditions acceptables que lorsqu’ils bénéficient du

soutien de politique active et cohérente. Les résultats de travaux et d’enquêtes conduites

sur le département des Yvelines montrent que les fuites des établissements classés ZEP ont

pu être stoppées entre 2003 et 2006 grâce aux mesures du dispositif réseau « ambition-

réussite » (RaR) et aux partenariats rendus possibles par le « projet de réussite éducative »

lancé dans le cadre de la politique de la ville.

L’assouplissement de la carte scolaire et le signal puissant qu’il a constitué auprès

des parents comme des personnels des rectorats, a mis fin à ce fragile redressement. Les

évitements de collèges de secteurs à l’entrée en 6ème sont repartis à la hausse dès la rentrée

de 2007 et la tendance s’est évidemment depuis confirmée.

119 Obligations professionnelles des parents, raisons médicales, continuation de la scolarité dans le même établissement après un déménagement, inscription dans un établissement de la ville où un frère ou une sœur était déjà scolarisé.

120 Nadine dalsheimer-van der tol, La carte scolaire : un éclairage international éducation & Formation n°79, décembre 2010, p. 118-119.

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Cette nette accélération des « fuites » de collèges classés en ZEP après 2006 est attestée au niveau national. Entre 1999 et 2009, le nombre de collégiens en ZEP a baissé de 15 % contre 6 % au niveau national et cette baisse a été trois à quatre fois plus rapide entre 2006 et 2009 qu’entre 1999 et 2006.

Ce phénomène paraît bien lié à l’amorce de la désectorisation et touche aujourd’hui des collèges hors ZEP. il emporte les établissements dans une véritable spirale de l’échec en dégradant l’image des collèges, en affaiblissant la confiance des familles et en démoralisant les professionnels121.

dans son rapport thématique de mai 2010, la Cour des comptes a fait un constat similaire en observant une évolution très différenciée des effectifs des collèges depuis 2008, certains accusant des pertes d’effectifs de l’ordre de 10 % alors que d’autres augmentaient les leurs de 23 %. Les collèges RaR sont majoritairement touchés puisque 180 sur 254 enregistraient une diminution du nombre de leurs élèves122.

En quatre ans, le champ et l’intensité de la concurrence pour les élèves moins défavorisés se seraient ainsi sensiblement accrus aux dépens des établissements les plus vulnérables. Cette concurrence qui existait surtout avec les établissements privés, s’étend désormais à l’ensemble des établissements publics et privés. toutefois, dans certaines agglomérations, la ségrégation scolaire par le choix entre public et privé se serait également accentuée. C’est ce que montre une enquête académique réalisée sur les collèges d’avignon pour la période 2004-2010123.

La remise en cause de la carte scolaire s’inscrit aussi dans un contexte plus global qui ne peut qu’inquiéter les parents des milieux populaires au regard de la scolarisation de leurs enfants dans l’établissement du secteur.

La communication autour d’une politique de création d’internats dits d’excellence destinés aux meilleurs élèves issus des milieux défavorisés et des quartiers sensibles - du moins dans la présentation qui en a été faite jusqu’à présent - contribue aussi à cette impression d’une politique qui conduirait à vider l’école des quartiers dits « sensibles » de sa substance et à renoncer ainsi à toute ambition éducative pour des secteurs entiers des grandes agglomérations. Quant à la réorientation très peu lisible des structures de l’éducation prioritaire avec la fusion des « réseaux ambition-réussite » dans le récent dispositif CLaiR, d’abord orienté sur la prévention des violences scolaires, elle semble aller dans le même sens ou, du moins, se laisse difficilement interpréter comme un signal positif.

Cette évolution de la carte scolaire et le débat qui l’entoure sont sous-tendus par deux questions, celle de la liberté de choix des parents d’une part, et d’autre part celle de la nécessaire cohésion de la société qui exige que l’on ne laisse pas les inégalités sociales s’accentuer.

dans une interview récente au Café pédagogique, la sociologue agnès van Zanten considérait qu’il était sans doute impossible de faire prévaloir aujourd’hui un modèle exclusivement fondé sur la contrainte mais que les choix devaient cependant être régulés, soit à partir d’un système de quota par établissement, en fonction des caractéristiques

121 Sylvain Broccolichi, Brigitte Larguèze, Catherine Mathey-Pierre, Contrastes visibles entre collèges, fuites et ghettoïsation. in Broccolichi et alii, École : les pièges de la concurrence. Comprendre le déclin de l’école française. Paris, La découverte, 2010, pp.123-146.

122 Cour des Comptes, L’Éducation nationale face à l’objectif de la réussite de tous les élèves. Rapport public thématique, mai 2010, pp.139-143.

123 Source enquêtes 2004-2010 ia 84 –Rectorat/ étude SNES mai 2011.

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LES iNégaLitéS à L'éCOLE – 89

sociales et scolaires des élèves, soit en harmonisant les pratiques, dans un souci d’équilibre des populations scolaires, entre les établissements d’un même bassin ou d’une même zone. Elle soulignait qu’il fallait au minimum veiller à ne pas dépasser les limites au-delà desquelles la concentration des publics en difficulté dans certains établissements scolaires rendait impossible toute mission éducative124.

Une intégration difficile des parents et des acteurs locaux

ÊUne place encore réduite pour les parentsun certain nombre d’organisations représentent institutionnellement les familles,

comme l’union nationale des associations familiales (uNaF) et ses composantes ou plus particulièrement les parents d’élèves, comme la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE), la PEEP (Fédération des parents d’élèves de l’enseignement public), ou encore l’association des parents d’élèves de l’enseignement libre (aPEL). il est logique qu’elles interviennent tant dans le débat sur l’école que sur la vie des établissements.

La représentation institutionnelle des parents dans l’école

Elle est théoriquement importante : ils siègent en tant que tels dans les conseils d’administration des collèges, dans les conseils d’école et ils peuvent ainsi intervenir dans la politique et la gestion des établissements. C’est dans ces instances que sont normalement discutés les projets d’établissements dont on a vu l’importance, notamment pour l’éducation prioritaire. ils participent également, à travers leurs élus, aux conseils de classe. Mais la réalité en la matière est très variable et ces instances ne sont pas toujours des lieux de débat constructif. La prise de parole des parents est une question délicate : elle est soit vécue comme une intrusion dans le domaine pédagogique réservé aux professionnels que sont les enseignants ; elle est soit inexistante du fait de l’autocensure des parents. Qui plus est, l’enseignement étant trop souvent conçu comme l’affaire du professeur seul devant sa classe, les interventions des parents dans les conseils peuvent être perçues comme relevant de mises en cause personnelles. La confiance et l’écoute réciproque sont donc loin d’être la règle générale.

de surcroît, l’organisation des réunions statutaires, leur calendrier et leurs horaires ne favorisent pas toujours la présence des parents élus, et les associations rencontrent souvent de réelles difficultés à trouver des candidats afin de les former. au total, ces représentants sont plus souvent des témoins et des intermédiaires vis-à-vis des parents, auxquels ils transmettent le bilan des conseils de classe, que de véritables acteurs dans une relation de coéducation avec l’équipe pédagogique.

Une grande inégalité entre les parents

Les parents des milieux favorisés ont en général un niveau d’études leur permettant de discuter plus facilement avec les enseignants de leur enfant. ils connaissent le fonctionnement du système scolaire dans lequel ils n’ont pas connu, lorsqu’ils étaient

124 interview d’agnès van Zanten par François Jarraud (Café pédagogique), à l’occasion de la sortie de son livre Choisir son école : stratégies familiales et médiations locales en 2009.

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90 – RaPPORt du CONSEiL éCONOMiQuE, SOCiaL Et ENviRONNEMENtaL

eux-mêmes des élèves, de difficulté majeure. ils en savent les codes et peuvent aider leurs

enfants aussi bien dans leurs apprentissages que dans leur parcours scolaire. La situation

est en général inverse pour les parents des milieux défavorisés dont certains seront même

confrontés à des difficultés de communication d’ordre linguistique avec l’institution scolaire.

Bien sûr, toutes les nuances existent entre ces deux extrêmes ce qui contribue à faire de la

rencontre entre les parents et l’école une question toujours singulière.

La lutte contre les inégalités à l’école exigerait de favoriser, autant que possible, la

rencontre entre les parents d’élèves en difficulté et l’équipe pédagogique. Malheureusement,

ce sont précisément ces parents là que l’école voit le moins. il ne s’agit pas, loin s’en

faut, d’une démission de leur part. Pour l’avenir de leurs enfants, ils placent, plus encore

que les autres, leurs espoirs dans l’école et les dépenses qu’ils y consacrent sont souvent

proportionnellement plus importantes que celles de familles plus favorisées.

Mais l’école demeure pour eux un monde méconnu et peu accueillant. S’ils s’y rendent,

c’est souvent parce qu’ils sont « convoqués » par l’enseignant ou le chef d’établissement

pour discuter des mauvais résultats de leur enfant ou de problèmes de discipline, ce qui

peut parfois faire écho à leur propre passé scolaire. Souvent inhibés par leur passé scolaire

et leur condition sociale qu’ils perçoivent comme inférieure, ils peuvent très difficilement se

situer dans une relation d’égal à égal avec le représentant de l’institution. Pour les mêmes

raisons, plus pressenties que clairement comprises, l’enfant de son côté souhaite rarement

que son père ou sa mère franchisse le seuil de l’école alors qu’il serait au contraire dans

l’ordre des choses qu’il ait envie de montrer à ses parents ce qu’il fait à l’école, ce dont il peut

être fier.

« Toutes les enquêtes montrent que les familles sont motivées par rapport à l’école mais elles

le manifestent différemment. Il peut y avoir des obstacles, notamment le souvenir d’une scolarité

elle-même traumatisante. On travaille les relations avec les familles, certes, mais il ne s’agit pas

de leur faire la leçon ou de les culpabiliser comme de mauvais parents »125 .

il faut donc que les rencontres entre les parents et les personnels puissent être

dédramatisées, deviennent les plus régulières possibles, et ne soient pas motivées par le seul

comportement de leur enfant. une réponse possible est de faire de l’établissement un lieu

de vie et d’activités en dehors des seuls moments de classe, un lieu dans lequel les parents

peuvent entrer sans que leur soit renvoyée l’image de l’échec scolaire de leur enfant. On voit

ici l’importance dans l’éducation prioritaire de la problématique du territoire et la limite de

l’approche « scolaro-centrée ». L’organisation de moments festifs n’est en rien contradictoire

avec le sérieux des apprentissages et les parents peuvent y trouver toute leur place.

La formation des personnels, initiale et continue, à la relation avec les parents est

également indispensable. il a été noté plus haut que les enseignants sont plus souvent

qu’auparavant issus de milieux favorisés et que par conséquent ils ne connaissent pas la

réalité des familles en grande difficulté. Le partenariat avec un certain nombre de structures

institutionnelles et d’associations peut être ici d’un grand secours. il faudrait veiller en outre

à ce que des moments d’accueil dans les écoles et les collèges soient compatibles avec les

contraintes horaires qui s’imposent par ailleurs aux parents.

125 audition de Mme Marie duru-Bellat.

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LES iNégaLitéS à L'éCOLE – 91

Ê Le partenariat avec les collectivités locales et les associationsLes associations sont encore peu parties prenantes au projet pédagogique et éducatif

qui doit permettre de lutter contre l’échec scolaire, et cela malgré de nombreuses circulaires dont celle de mars 2006126 sur l’éducation prioritaire qui précise que « l’action engagée à l’école et au collège a vocation, ici plus qu’ailleurs, à être en lien avec les activités hors-temps scolaire et notamment avec les différents dispositifs qui, selon des modalités diverses, tendent vers un développement de l’autonomie et des compétences des élèves ».

un premier partenariat, celui à vocation interministérielle, manque à l’évidence de cohérence. On y trouve pèle mêle des dispositifs qui se sont succédés et empilés dans le temps : Contrat d’aménagement des temps de l’enfant (CatE), Contrat d’aménagement des rythmes de vie de l’enfant et des jeunes (CaRvEJ), Contrat temps libre (CtL), Contrat local d’accompagnement scolaire (CLaS), Contrat local de sécurité (CLS), Contrat ville (Cv), Contrat éducatif local (CEL)…

il convient à l’évidence de recentrer ces dispositifs sur la réussite des élèves. En 2005, a été crée le Programme de réussite éducative (PRE), dans une approche recentrée sur l’élève et une réflexion sur l’environnement social, éducatif et urbain, doté de moyens d’intervention importants et d’un support juridique fort. Malheureusement, ce nouveau dispositif n’a pas été mis à profit pour mettre fin aux précédents auxquels il ne fait finalement que se surajouter.

il est souhaitable que l’intégration de ce dispositif au sein des Contrats urbains de cohésion sociale (CuCS) permette la mise en place d’une cohérence des actions.

Cela passe à l’évidence par une programmation pluriannuelle dans un programme intégré dans la structure des lois de finances, placée sous l’autorité du Préfet et confiée à une direction régionale et départementale identifiée, sans doute celle dévolue à la cohésion sociale.

L’intégration des partenaires dans le temps scolaire devrait favoriser une forme de dialogue susceptible d’alimenter un projet pédagogique.

Le constat dressé en 1999 par le CESER du Nord- Pas-de-Calais est malheureusement encore valable aujourd’hui pour l’ensemble du territoire national : des actions multiples sont conduites au niveau local sans réelle coordination et, dans ces conditions, ne s’inscrivent dans aucun partenariat de projet127.

il n’existe pas non plus d’évaluation significative de ces expériences à de très rares exceptions près comme par exemple les ateliers de lecture, expression écrite et mathématiques organisés par la ville de Paris et le secteur associatif en accord avec l’académie.

des sociologues qui ont étudié ces partenariats pointent une appétence plus grande des associations concernées que du monde enseignant. il semble ainsi que seule une minorité des personnels d’éducation croit véritablement à la possibilité de mettre en place des partenariats d’objectifs avec les intervenants extérieurs à l’école128.

126 Circulaire 2006-058 du 30 mars 2006.127 Conseil économique et social de la région Nord-Pas-de-Calais, Le partenariat dans l’école élémentaire. avis, 1999.128 dominique glasman, Des ZEP aux REP, pratiques et politiques. SEdRaP, 2003.

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92 – RaPPORt du CONSEiL éCONOMiQuE, SOCiaL Et ENviRONNEMENtaL

Enfin, à leur sortie du système éducatif et particulièrement lorsque celle-ci correspond à la fin de la scolarité obligatoire, les jeunes devraient bénéficier d’un accompagnement et se voir proposer, le cas échéant, une solution en terme d’emploi ou de formation. a cet effet, des liens plus systématiques restent à établir entre les établissements scolaires et les Missions locales, en charge de l’insertion des jeunes. une telle démarche constituerait un moyen d’honorer l’engagement européen pris par la France à l’occasion de la mise en œuvre du Cadre stratégique pour l’éducation et la formation (« éducation et formation 2020 ») qui prévoit notamment qu’aucun jeune sortant précocement du système scolaire ne doit être laissé sans solution.

Ê Le rôle essentiel des collectivités territorialesLes communes et, depuis les lois de décentralisation les départements et les régions,

ont toujours joué un rôle important en France dans l’organisation de l’offre scolaire : toutes collectivités territoriales confondues, leur participation se montait en 1980 à 14,2% de la dépense intérieure d’éducation et elle atteint 24,6% du total en 2009.

Le ministère de l’éducation nationale reste responsable des personnels enseignants, de la politique éducative et de l’ensemble de la pédagogie : communes, départements et régions ont à leur charge la construction, l’entretien et les grosses réparations des établissements. Mais leur intervention ne se limite aux « travaux du propriétaire » : elles financent également les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (atSEM) pour les communes, les personnels tOS (techniciens, ouvriers et de service) des collèges pour les départements et des lycées pour les régions. Qui plus est, les collectivités vont souvent au-delà de leur stricte obligation, par exemple en ce qui concerne les « fournitures » et les manuels scolaires. Elles sont aussi responsables et financeurs des transports scolaires. L’intervention des collectivités territoriales dans l’éducation est donc aujourd’hui très importante (un quart de la diE) et multiforme.

autant dire que communes ou conseils généraux doivent être étroitement associés à la définition des politiques éducatives : localement, leur intervention est capitale, en lien avec les acteurs du système éducatif, dans la lutte contre les inégalités à l’école et pour la réussite de tous. trois registres principaux peuvent être discernés.

Les conditions d’apprentissage

Les projets d’école ou d’établissement ainsi que les méthodes pédagogiques ne sont pas développés dans une réalité virtuelle. ils sont fonction des locaux disponibles des volumes plus ou moins modulables, des budgets de sorties scolaires. L’ambiance d’un établissement dépend en grande partie de l’espace dans lequel évoluent les élèves, de l’esthétique des locaux, de la qualité de leur maintenance. Lorsqu’un conseil général remplace les manuels scolaire « papier » par des ordinateurs portables pour chaque collégien, ce n’est pas un choix purement gestionnaire, dépourvu d’influence pédagogique. à l’évidence, une telle décision doit relever d’une étroite concertation entre les financeurs et les équipes pédagogiques.

La détermination de l’offre scolaire sur le territoire

La décision d’ouvrir une classe maternelle relève de la commune et cette dernière financera l’atSEM correspondant. Nous avons montré plus haut l’importance de la scolarisation précoce : l’engagement des communes est ici indispensable, à côté de celui de l’Etat qui finance les postes de professeur des écoles.

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LES iNégaLitéS à L'éCOLE – 93

La détermination des secteurs scolaires relève des communes pour le premier degré et du conseil général pour les collèges. Chacun à son niveau organise et finance les transports scolaires. En revanche, l’Etat affecte les enseignants et décide de l’ouverture ou de la fermeture des classes spécifiques, des options de langues et des autres particularités qui servent souvent à contourner la carte scolaire. L’action pour la mixité sociale à l’école et au collège exige donc une collaboration étroite entre les responsables politiques locaux et l’Etat par le biais de ses responsables territoriaux (l’inspecteur d’académie au premier chef ).

Les politiques d’éducation prioritaire

Nous ne reprendrons pas ici ce qui a été écrit plus haut pour souligner la place éminente des collectivités territoriales, notamment des communes, pour mettre en place et faire vivre les Programmes de réussite éducative (PRE) et l’importance qu’il y aurait à les intégrer dans les Contrats urbains de cohésion sociale (CuCS).

Les collectivités sont donc très directement concernées par la lutte contre les inégalités à l’école. a travers les financements qu’elles assurent mais aussi parce qu’elles doivent participer pleinement aux choix politiques qui ont un impact sur les inégalités à l’école, soit qu’ils contribuent à les réduire, soit au contraire qu’ils risquent de les aggraver.

Leur action est cependant inégale, d’abord du simple fait de l’inégalité même de leurs ressources et, ensuite, en fonction des priorités qu’elles définissent. un autre paramètre important de l’efficience de leur action est aussi celui de la taille critique. La commune de 5 000 habitants ne dispose évidemment pas des mêmes marges de manœuvre dans le développement de sa stratégie éducative que celle de 100 000 habitants qui interviendra sur un grand nombre d’écoles et sur un territoire plus vaste. Ceci est particulièrement vrai de la détermination des secteurs scolaires et de la négociation avec l’Etat pour l’ouverture ou la fermeture de classes.

conclusiontout au long du XXème siècle, le système éducatif a été capable d’élever massivement

les compétences et les savoirs scolaires de la population française et a ainsi constitué un puissant facteur d’émancipation, notamment des populations les plus défavorisées.

Mais depuis une vingtaine d’années cette évolution positive semble marquer le pas si bien qu’un très grand nombre de situations d’échec, pour les élèves et leurs familles, sont encore aujourd’hui associées à la période de scolarité obligatoire. Environ 130 000 jeunes sortent chaque année sans diplôme du système scolaire. Or les difficultés d’apprentissage sont très tôt installées. Elles sont repérées dès le début de l’école élémentaire chez 15% des élèves et sont nettement corrélées à la situation sociale et culturelle des familles. L’école ne parvient plus à diminuer ces inégalités de départ ; ces dernières ont même tendance à se creuser tout au long de la scolarité.

Notre système scolaire est donc encore loin de permettre à tous de réussir. Non seulement il ne parvient pas à résorber les inégalités mais il semble même contribuer à les accentuer en laissant se développer l’entre-soi à l’école et au collège. Les inégalités scolaires sont certes le signe d’inégalités sociales déjà présentes mais elles sont aussi un facteur de leur maintien, voire de leur aggravation. Sur ce terrain, l’éducation nationale française fait désormais moins bien que ses homologues d’autres pays de l’union européenne et de l’OCdE.

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94 – RaPPORt du CONSEiL éCONOMiQuE, SOCiaL Et ENviRONNEMENtaL

L’école ne peut bien sûr être dissociée de son contexte socio-économique. Pour briser l’engrenage infernal des inégalités, l’action devrait donc porter simultanément sur le champ scolaire et sur le champ social. à cet égard, l’éducation prioritaire apparaît comme le dispositif charnière auquel il serait dangereux de renoncer. avec des moyens renforcés et concentrés, elle doit être clairement mise en phase avec la politique de la ville.

Le système scolaire possède en son sein les ressources nécessaires pour atteindre l’objectif de la réussite de tous les élèves. au cours des vingt dernières années, des réformes fondamentales ont été conduites en ce sens ; certaines sont encore en cours. Leur mise en œuvre se trouve malheureusement très souvent compromise par l’inconstance du pilotage politique, le décalage entre l’ambition initiale et la volonté d’aboutir, les renoncements et les décisions contradictoires qui ont, par exemple, encore récemment, plongé la formation initiale des enseignants dans une situation désastreuse.

Cette extrême fragilisation du dispositif de formation des enseignants est très préoccupante. En effet, l’adaptation de l’enseignement dans le sens d’une réelle prise en compte de la diversité des élèves - avec l’excellence pédagogique que cela suppose - est aujourd’hui identifiée comme une urgente nécessité et comme une voie essentielle d’une relance de l’effort éducatif. dans le contexte de nouvelles modalités du recrutement des enseignants, désormais placé après l’obtention du master, la mise en place d’une solide formation initiale professionnalisante devrait donc faire figure de priorité.

il est temps aujourd’hui de renouer avec une véritable ambition éducative et un effort constant qui garantissent une élévation effective et régulière du niveau d’éducation et de qualification de tous les jeunes. dans cette perspective, la base des apprentissages que constitue la scolarité obligatoire a un rôle primordial à tenir. L’état et les collectivités territoriales, principaux acteurs des politiques éducatives, sont appelés à ne pas seulement subir le poids de cette grande mission mais à manifester concrètement la volonté de faire de l’école républicaine, selon les termes même du code de l’éducation, « la première priorité nationale ».

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LES iNégaLitéS à L'éCOLE – 95

Liste des personnes auditionnées dans le cadre de la saisine sur

Les inégalités à l’école

3M. Patrick Baranger

Ancien Vice-Président de la Conférence des directeurs d’IUFM et ancien Directeur de l’IUFM de Lorraine ;

3M. choukri Ben ayed

Sociologue, Professeur à l’Université de Limoges et Chercheur au GRESCO

3M. syvain Broccolichi

Sociologue, Maître de conférences à l’Université d’Artois et Chercheur au laboratoire RECIFES ;

3M. Pascal Besson

Principal du Collège Condorcet de Nîmes ;

3M. Jean-Michel Blanquer

Directeur général de l’enseignement scolaire accompagné de M. guy Waiss, Chef de service et adjoint au Directeur général ;

3M. Marc Douaire

Directeur de l’Observatoire des zones prioritaires

3Mme Marie Duru-Bellat

Professeur de sociologie à Sciences-Po Paris ;

3M. eric Favet

Secrétaire général adjoint de la ligue de l’enseignement

3M. Régis Felix

Responsable du réseau « école » d’ATD Quart Monde et auteur de l’ouvrage Le principal y nous aime pas;

3M. christian Forestier

Administrateur général du Conservatoire national des Arts et Métiers (CNAM) ;

3M. Marc ozanne

Directeur d’école dans l’académie de Versailles

3M. Paul Robert

Principal du collège Lou Redounet d’Uzès et auteur de l’ouvrage La Finlande : un modèle éducatif pour la France

3Mme agnès Van Zanten

Chercheur à l’Observatoire sociologique du changement de Sciences-Po Paris ;

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96 – RaPPORt du CONSEiL éCONOMiQuE, SOCiaL Et ENviRONNEMENtaL

Liste des personnes entendues dans le cadre de la saisine sur

Les inégalités à l’école

3Mme nicole d’anglejan

Directrice du pôle « Formation des jeunes » (Les apprentis d’Auteuil)

3Mme Marianne Baby

Secrétaire générale adjointe du SNUipp-FSU (Syndicat national unitaire des instituteurs et professeurs des écoles et PEGC de la FSU)

3M. Luc Bentz

Secrétaire national de l’UNSA Education, Secrétaire général du Centre Henri Aigueperse

3Mme cécile Blanchard

Chargée de mission de la Fédération des conseils de parents d’élèves à la (FCPE)

3M. stéphane Bonnery

Universitaire en science de l’éducation, enseignant à Paris 8 au sein de l’équipe ESSI (Education Socialisation Subjectivation Institution) E.SCOL

3M. thierry cadart

Secrétaire général du SGEN CFDT

3M. eric charbonnier

Statisticien à l’OCDE

3Mme Pascale de charentenay

Responsable « formations et vie scolaire »à l’ARŒVEN de Gironde (Associations Régionales des Œuvres Educatives et de vacances de l’Éducation nationale)

3M. François content

Directeur général des Apprentis d’Auteuil

3Mme stéphanie Deloy

Membre du Bureau national du SNEP FAEN

3Mme chantal Demonque

Secrétaire nationale du SGEN-CFDT

3Mme Dominique Dhooge

Chargée de mission à l’APEL et membre du CESR Ile-de-France pour l’APEL

3M. Philippe Douvier

Membre du Bureau du SCENRAC-CFTC

3M. Vincent Dumas

Membre du Conseil du SCENRAC CFTC et professeur de collège

3M. René gardan

Secrétaire national de la FEP-CFDT

3M. Vincent gavant

Membre de la CSEN (Confédération syndicale de l’éducation nationale)

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LES iNégaLitéS à L'éCOLE – 97

3Mme Priscille garet

Chargée de Mission auprès du Directeur général (Les Apprentis d’Auteuil)

3M. Marc geniez

Co-secrétaire général de la Fédération autonome de l’éducation nationale (FAEN)

3M. Franck girard

Président de l’USERD-CFE-CGC (Union syndicale enseignement, recherche et développement)

de la CFE-CGC

3Mme Bernardette groisan

Secrétaire générale de la FSU

3Mme claire Krepper

Secrétaire nationale « Education » du Syndicat des Enseignants UNSA

3Mme isabelle Lacaton

Secrétaire départementale (91) « d’Avenir Ecole » CFE-CGC et Membre du Conseil supérieur de

l’Education CFE-CGC

3Mme. eunice Mandago-Lunet

Directrice déléguée de l’AFEV (Association de la Fondation étudiante pour la ville)

3Mme Pascale Massicot

Secrétaire de la section « enseignants » du SCENRAC CFTC

3Mme claire Mazeron

Vice-Présidente de la CSEN

3M. Francis Moreau

Secrétaire national de la FEP-CFDT

3M. christophe Paris

Directeur de l’AFEV (Association de la Fondation étudiante pour la ville)

3M. Patrice Patula

Secrétaire général de la FCPE

3Mme Lydia Popov

Responsable du secteur collège à la Fédération autonome de l’éducation nationale (FAEN)

3M. Michel Quere

Directeur de la DEPP au ministère de l’Éducation nationale, de la jeunesse et de la vie

associative

3M. Michel Richard

Secrétaire général adjoint du Syndicat National des Personnels de Direction de l’Education

Nationale (SNPDEN-UNSA)

3Mme Frédérique Rolet

Secrétaire générale du SNES FSU

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98 – RaPPORt du CONSEiL éCONOMiQuE, SOCiaL Et ENviRONNEMENtaL

3M. guy Vauchel

Secrétaire national du SGEN-CFDT

3Mme sophie Vayssettes

Statisticienne au sein du programme PISA (OCDE)

3Mme céline Vivier

Secrétaire nationale du SNEP FAEN

3M. Pablo Zoido

Responsable des rapports thématiques PISA (OCDE)

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LES iNégaLitéS à L'éCOLE – 99

Table des sigles

aFEv association de la fondation étudiante pour la ville

aN assemblée nationale

aPEL association des parents d’élèves de l’enseignement libre

aRŒvEN association régionale des œuvres éducatives et de vacances de l’éducation nationale

B2i Brevet informatique et internet

BEP Brevet d’études professionnelles

BEPC Brevet d’études du premier cycle

Bit Bureau international du travail

CaP Certificat d’aptitude professionnelle

CaPS Certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré

CaRvEJ Contrat d’aménagement des rythmes de vie de l’enfant et des jeunes

CatE Contrat d’aménagement des temps de l’enfant

Cdi Contrat à durée indéterminée

CE2 Cours élémentaire 2ème année

CEg Collège d’enseignement général

CEL Contrat éducatif local

CERC Conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale

CEREQ Centre de recherche sur l’emploi et les qualifications

CES Collège d’enseignement secondaire

CES Conseil économique et social

CESE Conseil économique, social et environnemental

CESR Conseil économique et social régional

CEt Centre d’enseignement technique

CFdt Confédération française démocratique du travail

CLaiR Collèges et lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussite

CLaS Contrat local d’accompagnement scolaire

CLiPa Classe d’initiation préprofessionnelle en alternance

CLS Contrat local de sécurité

CM1 Cours moyen 1re année

CM2 Cours moyen 2ème année

CP Cours préparatoire

CPa Classe de préparation à l’apprentissage

CPPN Classe pré-professionnelle de niveau

CSEN Confédération syndicale de l’éducation nationale

CtL Contrat temps libre

CuCS Contrats urbains de cohésion sociale

Cv Contrat ville

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100 – RaPPORt du CONSEiL éCONOMiQuE, SOCiaL Et ENviRONNEMENtaL

dEa diplôme d’études approfondies

dEPP direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance

dEPP direction de l’éducation permanente

dESS diplôme d’études supérieures spécialisées

dgESCO direction générale de l’enseignement scolaire

diMa dispositif d’initiation aux métiers en alternance

dNB diplôme national du brevet

dOM département d’Outre-Mer

ECLaiR Ecoles, collèges et lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussite

ENi Ecoles normales d’instituteurs

ENNa Ecoles normales nationales d’apprentissage

ESCS Index of economic, social and cultural status

Eu European Union

FaEN Fédération autonome de l’éducation nationale

FCPE Fédération des conseils de parents d’élèves

FEP-CFdt Fédération de la Formation et enseignement privé de la CFdt

HCE Haut Conseil de l’éducation

HSE Heures supplémentaires effectives

idd itinéraires de découverte

iEN inspecteur de l’Education Nationale

iNEd institut national d’études démographiques

iNSEE institut national de la statistique et des études économiques

iPR inspecteur pédagogique régional

iREa-SgEN institut de recherches, d’études et d’animation SgEN

iREdu institut de recherche sur l’éducation – université de Bourgogne

iuFM instituts universitaires de formation des maîtres

JadP Journée d’appel à la préparation de la défense

M1 Master première année

M2 Master deuxième année

MaFPEN Mission académique à la formation des personnels de l’éducation nationale

MFR Maisons familiales rurales

OCdE Organisation de coopération et de développement économiques

ŒR Observatoire de l’école rurale

OivE Observatoire international de la violence à l’école

ORS Obligations règlementaires de service

PCS Professions et catégories socioprofessionnelles

PEEP Fédération des parents d’élèves de l’enseignement public

PiRLS Progress in international reading and literacy study

PiSa Program for international student assessment

PPRE Programme personnalisé de réussite éducative

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LES iNégaLitéS à L'éCOLE – 101

PRE Programme de réussite éducative

RaR Réseau ambition réussite

RaSEd Réseau d’aide spécialisée aux élèves en difficulté

REP Réseau d’éducation prioritaire

RgPP Révision générale des politiques publiques

RPi Regroupement pédagogique intercommunal

RRS Réseau de réussite scolaire

SCENRaC-CFtC Syndicat CFtC de l’éducation nationale, de la recherche et des affaires culturelles

SEgPa Section d’enseignement général et professionnel adapté

SgEN-CFdt Syndicat général de l’éducation nationale CFdt

SNCL-FaEN Syndicat national des collèges et lycées de la Fédération autonome de l’éducation nationale

SNEP-FaEN Syndicat national des écoles publiques de la Fédération autonome de l’éducation nationale

SNES-FSu Syndicat national des enseignants du second degré FSu

SNPdEN Syndicat national des personnels de direction de l’éducation nationale

SNuipp-FSu Syndicat national unitaire des instituteurs et professeurs des écoles et PEgC de la FSu

tiC technologies de l’information et de la communication

tiCE technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement

uE union européenne

uNaF union nationale des associations familiales

uNiCEF United Nations of International Children’s Emergency Fund

uNSa union nationale des syndicats autonomes

uNSS union nationale du sport scolaire

uSa United States of America

uSERd CFE-CgC union syndicale enseignement, recherche et développement de la CFE-CgC

ZEP Zone d’éducation prioritaire

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102 – RaPPORt du CONSEiL éCONOMiQuE, SOCiaL Et ENviRONNEMENtaL

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Lhommeau Bertrand, MEuRS dominique, Primon Jean-Luc, Situation par rapport au marché du travail des 18-50 ans selon l’origine et le sexe, Enquête sur la diversité des populations en France. iNEd-iNSEE, octobre 2010.

Maroy Christian, Les évolutions du métier d’enseignant en Europe, Cahiers de recherche en éducation et formation, giRSEF-CPu, juillet 2005.

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104 – RaPPORt du CONSEiL éCONOMiQuE, SOCiaL Et ENviRONNEMENtaL

Maurin Eric, La nouvelle question scolaire. Les bénéfices de la démocratisation, éditions du Seuil, 2007.

Meirieu Philippe, Pédagogie : le devoir de résister, ESF éditeur, 2008.

Ministère de l’éducation nationale, Bilan national des réseaux « Ambition réussite », juin 2010.

Ministère de l’éducation nationale, Filles et garçons sur le chemin de l’égalité, de l’école à l’enseignement supérieur, 2011.

Ministère de l’éducation nationale, L’état de l’école, n°19 de 2009 et n°20 de 2010.

Ministère de l’éducation nationale, L’état de l’école, n°20, pages 251 et 252, 2010.

Moguérou Laure, Brinbaum Yaël, Primon Jean-Pierre, Niveaux de diplômes des immigrés et de leurs descendants. Enquête sur la diversité des populations en France. Premiers résultats, iNEd-iNSEE, octobre 2010.

Moguérou Laure, Brinbaum Yaël, Primon Jean-Pierre, Parcours et expériences scolaires des jeunes descendants d’immigrés en France, Enquête sur la diversité des populations en France. Premiers résultats. iNEd-iNSEE, octobre 2010.

Moisan Catherine, Simon Jacky, rapport de l’inspection générale du ministère de l’éducation nationale : Les déterminants de la réussite scolaire en zone d’éducation prioritaire, 1997.

Morlais Sophie et Suchaut Bruno, Évolution et structure des compétences des élèves à l’école élémentaire et au collège. Une analyse empirique des évaluations nationales, Cahiers de l’iREdu n° 68, mai 2007.

OCdE, Enquête PISA 2009, note de présentation (France), décembre 2010.

OCdE, Enquête PISA 2009 Synthèse, 2010.

OCdE, Enquête PISA 2009, Surmonter le milieu social, l’égalité des chances et l’équité du rendement dans l’apprentissage, volume ii , 2010.

Pochard Marcel, La redéfinition du métier d’enseignant, rapport remis au ministre de l’éducation nationale (livre vert), 2008.

Raulin dominique, Le socle commun des connaissances et des compétences, Hachette éducation, 2008.

Repères et références statistiques, édition 2010.

van Zanten agnès, Choisir son école. Stratégies familiales et médiation locale, PuF, 2009.

Le collège numéro hors série de L’Enseignant, magazine du syndicat des enseignants-uNSa, mai 2011.

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Les éditions des JOURNAUX OFFICIELS

LES RAPPORTS DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL

Les inégalités à l’école

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et administrativeaccueil commercial :

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commande : Administration des ventes

23, rue d’Estrées, CS 10733 75345 Paris Cedex 07

télécopie : 01 40 15 68 00 ladocumentationfrancaise.fr

No 41111-0009ISSN 0767-4538

CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL9, place d’Iéna 75775 Paris Cedex 16 Tél. : 01 44 43 60 00 www.lecese.fr

M. Xavier Nau

Septembre 2011

Notre système éducatif peine aujourd’hui à remplir sa fonction intégratrice. Un grand nombre

de situations d’échec se révèlent pendant la scolarité obligatoire et les inégalités de réussite sont

très nettement corrélées aux inégalités sociales et culturelles des familles. L’école ne parvient plus

à atténuer ces inégalités de départ et tend même à les accentuer entre le début du primaire et

la fin du collège.

Afin de rester fidèle à son objectif d’émancipation des personnes par le savoir et la formation,

l’école doit renouer avec une ambition éducative pour tous, en assurant un enseignement de

qualité sur l’ensemble du territoire. Tel est le sens des propositions du Conseil économique, social

et environnemental.

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très nettement corrélées aux inégalités sociales et culturelles des familles. L’école ne parvient plus

à atténuer ces inégalités de départ et tend même à les accentuer entre le début du primaire et

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Afin de rester fidèle à son objectif d’émancipation des personnes par le savoir et la formation,

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qualité sur l’ensemble du territoire. Tel est le sens des propositions du Conseil économique, social

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