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POLITIQUE IDÉOLOGIE 16 30 avril au 7 mai 2015 Les adieux au socialisme ? 1885 -2015 LE SOCIALISME est impossible, aurait pu écrire Flaubert dans son Dictionnaire des idées reçues.

Les adieux au socialisme ? M...Belgique, 30 avril 2015

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Analyse de Pierre Jassogne avec Nicolas Baygert (IHECS,ULB,UCL), Pascal Delwit (ULB) et Jean Faniel (CRISP).

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    16 30 avril au 7 mai 2015

    Les adieux au socialisme ?Les adieux au

    1885 -2015

    LE SOCIALISME est impossible, aurait pu crire Flaubert dans son Dictionnaire des ides reues.

  • Face au coup dclat permanent, incarn par Elio Di Rupo, les socialistes doivent pourtant retrouver la force de lesprit pour reconqurir des militants plus que dsabuss. Le PS nest pas encore le parti affaibli et dpass que lon prsente, mais il est moins une pour le changement... PAR PIERRE JASSOGNE

    P as une semaine sans que le PS soit attaqu et bouscul sur sa gauche. Cela tire dans tous les sens : du PTB, de la FGTB o lon estime, linstar de Marc Goblet, que le PS est devenu trop technocratique , mais aussi des camarades. En interne, on dnonce, comme la fait Yvan Mayeur, le management du parti, en rclamant de louvrir aux militants et aux lus. On doit remettre la culture du dbat et le questionnement lintrieur du PS, cest essentiel. Et je vous le dis : il y va de la survie du Parti socialiste , dnonait le bourgmestre de Bruxelles nos confrres de LEcho. Alors que le PS, plus quun autre, est baign de dis-cipline, ces querelles donnent limpres-sion que le parti connat des dif cults profondes. Plus qu un dilemme de stratgie, il serait confront un vide didentit comme le reste de la gauche europenne tellement in ltre par les ides librales quelle ne dit rien .(1)

    LINCULTURE DU DBAT Pourtant, en 2009, le mme Yvan Mayeur adressait son prsident de parti une lettre lappelant lancer une vaste r exion doctrinale (2), estimant que le socialisme devait revi-siter ses options. Une missive reste aux dclarations dintention Do limpression dun parti ambigu dans ses prises de positions, opportu-niste dans les squences dindignation collective, le PS apparatrait mme, selon ses dtracteurs, comme un parti liquide , dpourvu de noyau ido-logique af rm, mais dtenant une grande capacit dadaptation. Il gau-

    chit son discours contre le capitalisme sous la pression de la gauche radicale, mais participe la libralisation des services publics ou au contrle dras-tique des chmeurs, sans inventer de nouvelles formes de rgulation. Un parti la limite de la schizophr-nie, en somme, alors que les militants sont en demande de positions fortes. Aujourdhui, le parti risque de siso-ler pour un bon moment au niveau fdral. Mais pire encore, outre une perte dinfluence progressive, on craint au boulevard de lEmpereur une rosion du pouvoir face une droitisation de la socit. Le PS na jamais t un parti trs idolo-gique. Cest historique, et cela na rien de neuf, rappelle toutefois le poli-tologue Pascal Delwit (ULB). Mais soyons prudent, on donne parfois le sentiment quun parti qui nest pas trs x sur un cadre idologique est plutt la droite de lchiquier poli-tique. Parfois, cela ne lest pas. Car si vous regardez la famille socialiste

    lchelon europen, le PS est assez gauche, en ralit. Pourtant, reste une amre impression pour les socialistes, celle dun parti qui ne propose aucun renouveau idologique suf samment fort pour sortir de la routine gestionnaire ron-ronnante ou pour sauver une gauche europenne en panne de r exion. Affaibli ou dpass, le pro l social-dmocrate de Di Rupo apparat sur-

    tout comme un lourd handicap dans cette possibilit de changer la vie . Et pas seulement pour affronter le PTB Pour le PS, cest dif cile, reconnat encore Pascal Delwit. Parce quil doit tenir compte de cette radi-calisation. Il ne peut pas ignorer que, pour une partie de la gauche, il faut passer loffensive, mme si en ra-lit, le contexte ne sy prte pas. Cette

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    EN 2009, YVAN MAYEURappelait dj Elio Di Rupo lancer une vaste r exion doctrinale .

    MARC GOBLET (FGTB) considre le Parti socialiste comme trop technocratique.

  • LA PRSI-DENCEDI RUPO a t le meilleur comme le pire en termes lectoraux.

    situation nest pas trs diffrente de celle de la FGTB qui vit plus encore cette tension avec sa base, entre ceux qui pensent quils ont le pouvoir de faire tomber le gouvernement par la rue et ceux qui af rment que les mou-vements sociaux nont pas empch le saut dindex ou lallongement de lge de la retraite. Enserr dans ses contraintes, le problme contemporain du PS est double : Dune part, le contexte est mauvais pour la gauche. De lautre, les choix quil a poss, il les a peu et mal expliqus. Sa longue prsence au pouvoir a conduit cela. Tout le parti a t investi au niveau gouvernemen-tal (fdral, rgional, communautaire, provincial, communal). La gestion a t au cur de tout, et les autres missions dun parti comme celles de comprendre les nouvelles demandes sociales et dexpliquer les choix qui ont t ports au pouvoir ont t mini-mises dans son action, voire parfois absentes. Tout lenjeu du PS est l : reprendre pied avec diffrents seg-ments de la population pour entendre ce qui se dit.

    CYNISME LECTORAL Il faut dire que le parti a du, en lais-sant passer des mesures librales sans trop de dif cult. Dans le plus parfait des conformismes, le PS a vot tous les traits europens, instaurant laus-trit. Dif cile ds lors de ressortir le refrain du bain de sang social quand on na pas russi tre crdible dans son rle de rempart contre le lib-ralisme. Par pudeur, par dsespoir, par manque danalyse ou par cynisme lectoral, le PS a maintenu du sans nous, ce serait pire () Il ne semble plus gure faire autre chose que dappliquer de manire plus ou moins dulcore les bonnes pratiques no-librales, tout en tentant localement dessuyer les pltres de la situation sociale et dassortir sa pratique dun discours de gauche (3), crivait Jean Faniel. Ctait en 2009. Aujourdhui, le directeur gnral du CRISP constate que beaucoup de militants mettent toujours en avant une faiblesse de

    r exion et de dbat lintrieur du parti socialiste. Le dernier congrs idologique du PS remonte 1982, au moment o Guy Spitaels venait de devenir prsident du parti. Moment o le PS est dans lopposition au niveau national. Depuis lors, il ny a plus eu dambition aussi importante. Cela ne veut pas dire quil ny a pas de r exion, mais il ny a pas ce dsir

    de dfinir ou de redfinir son pro-gramme, sa ligne idologique. Peut-tre y a-t-il la crainte de le faire ? Selon lui, si le PS est lun des partis qui saffichent le plus gauche en Europe, il est amen au pouvoir faire les carts les plus grands par rapport son discours. Prenons le cas de lEurope. Paul Magnette et, dans une moindre mesure, Elio Di Rupo ont eu des propos critiques lgard de lUnion europenne et de la Commis-sion en particulier. Au mme moment, alors quil aurait pu en tre autre-ment, tant donn quil ne sagissait pas dune question de gouvernement, quasiment tous les parlementaires socialistes ont approuv ladoption du Pacte budgtaire europen. Seule la dpute S a Bouarfa vote contre, en critiquant tant le contenu du trait que la manire dont il a t rati , sans dbat lintrieur du parti. Les socialistes auraient-ils oubli quils avaient le monopole du cur depuis 1885 et la naissance du POB, le Parti ouvrier belge ? En fait, lhistoire du PS est loin dtre linaire. Cest un positionne-ment gauche permanent. Il faut donc se m er de lide que le PS serait moins gauche aujourdhui quhier. Par exemple, dans les annes 60, les socialistes taient nettement plus droite quen 2015 , constate Pascal

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    18 30 avril au 7 mai 2015

    LE DERNIER CONGRS idologique du PS remonte 1982, au moment o Guy Spitaels venait de devenir prsident.

  • Delwit. Une histoire faite de progres-sion et de rgression, donc. Ds le dpart, les socialistes savent trs bien quils ne seront jamais seuls au pouvoir. Mais est-ce une raison pour abandonner le pouvoir la droite ? Cest toute lide du bouclier social. Et cela reste encore un lment de dmonstration au PS puisque, de 1981 nos jours, il y aura quatre

    sauts dindex durant labsence des socialistes au pouvoir. En assumant sa posture de bouclier social, le PS est pourtant prsent sys-tmatiquement comme un mouve-ment conservateur par ses dtracteurs de gauche comme de droite. Cest parce que le PS est lun des derniers de la mouvance socialiste classique en Europe se prsenter comme un

    parti-systme. Un parti pilier lui tout seul, ajoute Nicolas Baygert, charg de cours lIHECS et matre de confrence lUCL et lULB. Que dire dautre quand on voit apparatre devant les mdias lunion sacre, le triumvirat, syndicat, mutualit et parti socialistes, cte cte. Cest dailleurs tout ce que les autres partis ont toujours reproch au PS et la FGTB, savoir dtre infod cha-cun lun lautre. Il semble ny avoir aucune gne face ces accointances qui seraient vues, dans dautres pays, comme scandaleuses, frisant le con it

    dintrts. Ici, cette connivence bon enfant passe comme une lettre la poste, sans aucune distance critique. On accepte sans broncher ce triple poing lev au ciel, ce bloc socialiste, l o laveu dun tournant libral, pro-entreprise, pourtant appliqu par le PS, serait trs mal peru par le public. Malgr son leitmotiv progressiste, le conservatisme du PS tiendrait ainsi la conservation de son logi-ciel idologique immuable : toute remise au cause du statu quo doctri-naire comprendrait un risque ltal dhrsie, qui supposerait la perte imminente de parts de march lectorales. Cest pour cela quil ny a pas de remise en question. Le PS refuse prement le contrle tech-nique tout en choyant son oldtimer qui, pense-t-il, roule toujours bien. Si conservatisme ou statu quo st-rile il y a, celui-ci rsulte donc de la machinerie interne du PS , poursuit Nicolas Baygert. Bref, le socialisme serait une ide qui ne ferait plus son chemin...Puis, tandis quau Fdral, le parti dnonce le capitalisme aust-ritaire , au niveau rgional, par contre, le PS na quun seul objec-tif : faire af uer les moyens pour

    relancer lconomie, en esprant, si possible, faire reculer le chmage. Du socialisme productif, en somme, un pacte de comptitivit que ne renierait pas un Franois Hollande, mais que navouera jamais un Paul Magnette. Pourtant, les socialistes wallons saffichent, sans trop se poser de questions, comme busi-ness friendly . Il est donc loin le temps o la Wallonie apparaissait alors comme le lieu de rsistance face une pousse de libralisation de lconomie , comme le raconte lhistorien Philippe Destatte(4).

    PAUL MAGNETTE chantre du socialisme productif en Wallonie ?

    Le PS est lun des derniers en Europe se prsenter comme un parti systme

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    PLUS QUUNE IDE, le socialisme nest-il pas devenu un pur produit marketing ?

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    LA GAUCHE EST-ELLEdans un trou noir comme le prtend Philippe Moureaux ?

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    ou Stphane Moreau. Or, il subsiste toujours un besoin de cacher ces businessmen que lon ne saurait voir par un voile tantt rtro, tantt folk-lorique surjouant le socialisme origi-nel, grenant un chapelet de poncifs marxisants, et rptant en boucle les victoires du pass. On mobilise un pass mythique, on ressasse le rcit des acquis sociaux pour rassurer les militants sur lancrage gauche, sur lhritage du mouvement ouvrier. Et, tonnement, cela fonctionne. Le parti arrive encore mobiliser les classes populaires, contrairement ses homo-logues europens , ajoute-t-il.Jusquen 2014, les fortunes lectorales du PS ont t diverses, mais jamais le parti de Di Rupo ne sera mis hors jeu dune ngociation gouvernementale. Didier Reynders a essay en 2007. Sans succs. Charles Michel y est par-venu. Serait-ce la n de lhistoire ? Ce qui caractrise la prsidence Di Rupo, en termes lectoraux, cest

    le meilleur et le pire. Il a obtenu un trs mauvais rsultat en 2007, 29 %. Et deux excellents rsultats en 2003 et 2010, 37 et 38 %. La moyenne est bonne, mais cest trs chahut, alors que si vous prenez les rsultats du PS de 1965 1981, on est entre 35 et 36 %. Bref, ctait dune grande sta-bilit. La nouveaut pour le PS, cest donc le mouvement, analyse Pascal Delwit. Aujourdhui, le PS nest pas labri de rester sous la barre des 30 %. Dans lhistoire belge, il na t devanc quune seule fois. Ctait en 2007. Ctait exceptionnel, et je ne crois pas que cela restera une excep-tion. Il ny a rien dinscrit ce quil reste le premier parti de Wallonie et de Fdration Wallonie-Bruxelles. Compte tenu des volutions sociales, rien ne lui est promis. Paradoxalement, ce nest donc pas lidentit socialiste qui poserait pro-blme, mais bien sa dimension orga-nisationnelle. Avec ses multiples chapelles, le PS reste un paquebot difficilement manuvrable, relve encore Nicolas Baygert. Ceci dit, dans une Wallonie lapparence quelque fois nofodale, le PS conserve une position cl. Il continue structurer les identits, sriger en moteur de la vie sociale. Un peu comme lEglise catholique le faisait jusquau milieu du vingtime sicle. La messe est dite. Reste convaincre les dles... PIERRE JASSOGNE(1) Philippe Moureaux, Le Soir, 17 janvier 2009. (2) Yvan Mayeur, Le Soir, 26 aot 2009. (3) Le PS est-il populaire ?, par Jean Faniel, Revue Politique, 2009. (4) LEncyclopdie du Mouvement wallon, Institut Destre, 2010.

    AU PS, IL SUBSISTEtoujours un besoin de cacher ces businessmen que lon ne saurait voir .

    BUSINESS FIRST Elio Di Rupo entretient un rapport plutt dcomplex avec le monde de lentreprise, lorsquil sagit du dveloppement de la Wallonie ou de Mons, et ce, loin de la traditionnelle distance, voire mfiance, face au grand patronat belge ou aux gants comme Microsoft ou IKEA, rappelle Nicolas Baygert. Evidemment, comme militant, on peut regretter ce tournant libral. Surtout quand au PS, on pra-tique une vulgate archo-socialiste, ciblant les parvenus et dsireuse de taxer les riches alors que, dans sa gestion socioconomique, le parti semble avoir bien emprunt le mme sillon libral-social que la plupart des partis socialistes europens. La diffrence, cest que, contrairement ces derniers, ce tournant ne fut jamais pleinement assum. On nimagine pas Elio Di Rupo af rmer comme la fait Franois Hollande savouer social-dmocrate ou ami des patrons, alors que dans les faits, cest le cas.

    PASS MYTHIQUEBref, entre pragmatisme partisan, choyant les entrepreneurs nces-saires au redveloppement cono-mique rgional, et le discours du premier mai, il y a un gouffre. Dans la com socialiste, il semble sagir dune ligne de dmarcation infran-chissable. Outre Di Rupo, capitaine dentreprise et grant sa propre image comme une marque, on peut citer dautres gures ambivalentes des requins daffaires comme les Daerden (pre et ls), Alain Mathot

  • DIDIERREYNDERSa renonc au libralisme social, laiss par Louis Michel. Charles, lui, a enterr cet hritage familial en douceur et profondeur.

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    A vec Charles Michel, le visage du libra-lisme sest consid-rablement modi . Ne cessant din-carner la rupture et de br iser les tabous, partout o il passait. Pour certains, ce ne serait quun simple coup dessai avant de laisser la place aux confdralistes

    Le libralisme, ce progressisme qui signore

    de Flamands, mais pour dautres, plus orthodoxes, on est certain de ce tournant de la rigueur. Exit donc le libralisme social incarn par le pre Michel, dsormais rcupr dans le giron dOlivier Maingain et du FDF. La renonciation au vocable social, ctait lpoque de Reyn-ders qui a considr que ce terme tait plonastique pour dsigner le libralisme, car le libralisme est social par d nition. A ce niveau, Charles Michel a continu dans la voie reyndersienne, en mettant en avant un libralisme de proximit, en recrant les liens avec la base. Un choix qui a t payant. Cest vrai quOlivier Chastel a fait appel ce vocable. Mais pas dans le sens dun retour au libralisme social du gouvernement Verhofstadt. Ce gouvernement incluait une trs forte reprsentation de la gauche et prnait surtout la redistribution sans trop se soucier du futur des pensions et de la scurit sociale. La crise est passe par l. Aujourdhui, le libralisme social que nous pro-mouvons est non pas un libralisme redistributif et subsidiant, mais un libralisme responsable, soucieux, par lassainissement et la relance conomique, de prserver et de prenniser notre scurit sociale , explique Corentin de Salle, directeur scienti que au Centre Jean Gol. De quoi taxer le Premier ministre

    et son parti de conservateur ? Non, car le libralisme est une doctrine progressiste. Il a toujours combattu le statu quo et a toujours t tourn vers le futur, rappelle le philosophe. Puis, le conservatisme nest pas une attitude qui serait lexclusivit de la droite. Ainsi, selon Corentin de Salle, il nest pas abusif de prtendre que le corpora-tisme syndical, incarn par la FGTB, est conservateur, en parlant de droits acquis pour sopposer toute rforme permettant de uidi er le march du travail et favoriser son accs ceux qui en sont exclus . Rien dtonnant comme argument pour un parti qui a fait de lantiso-cialisme, sa premire rforme, en mettant le PS au placard au niveau fdral.

    DROIT DANS SES BOTTESCeci dit, aux yeux des libraux, cette majorit est surtout dune plus grande cohrence socioconomique que la prcdente pour mener une politique de centre-droit raisonnable dont le leit-motiv est la cration demplois et de richesse pour sauver le systme de scurit sociale, en passant par le saut dindex ou lallongement de la pension de 65 67 ans, parmi les mesures les plus emblmatiques Pourtant, dans les faits, les quelque

    A les entendre, les libraux incarneraient d'impopulaires progressistes. La raison ? Ils oseraient briser les tabous et pousseraient mme les travailleurs bout... PAR PIERRE JASSOGNE

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    22 30 avril au 7 mai 2015

    11 milliards deuros dconomies raliser ne reprsentent que la moiti de leffort ralis par le gou-vernement dElio Di Rupo. Cest sans doute cela, le progressisme Ce que les socialistes analysent comme des rgressions, les libraux les considrent davantage comme des volutions ncessaires en fonction du contexte. Ceci dit, concernant lamlioration des standards de vie, lgalit en droit, la prennisation de la scurit sociale, les libraux sont rests la pointe. Ensuite, il faut se m er des analyses rtrospectives. On magni e aujourdhui ces conqutes sociales. Mais, lpoque, les com-bats politiques, mens notamment avec les socialistes, furent tout sauf populaires. L, je crois quon est rest dle cette impopularit inhrente tous ceux qui dcident de mener des combats importants. Dune certaine manire, cest plutt rassurant quon nous critique. Cela prouve que nous sommes dles notre vocation rfor-matrice , ajoute Corentin de Salle.

    LE DIABLE AU CORPSEn ce qui concerne la scurit sociale ou lEtat providence, les libraux ont bel et bien contribu leur gense. Et ce, quoi quon en dise... Le fait est quon serait arriv, selon Corentin de Salle, une situation paradoxale o les libraux doivent dfendre cet acquis contre... lgosme syndical. Les syndicats dfendent leurs membres au dtriment, premirement, des gn-rations futures et au dtriment, deu-ximement, des demandeurs demploi. Tout groupement quil soit syndical ou patronal est toujours corporatiste, prt dfendre ses propres intrts avant lintrt gnral. Malheureuse-ment, mme si les corps intermdiaires sont fondamentaux dans une socit

    dmocratique, le PS sest laiss dvo-rer par sa base syndicale. Il y a tou-jours une attitude schizophrne ce propos chez les socialistes. On envoie laddition aux gnrations futures, alors que la solidarit, mes yeux, doit tre aussi intergnrationnelle. Elle doit aussi jouer en faveur des demandeurs demploi. Ainsi, si lon prend lexemple du saut dindex, la Banque nationale a calcul que cette mesure pourrait gnrer la cration de 56 500 emplois. Cest donc 56 500 personnes qui pourraient trouver un emploi. A partir du moment o les syn-dicats sy opposent, ils sopposent

    une srie de personnes qui aspirent trouver du travail. Mais lair ne fait pas forcment la chanson Quant une proposition comme celle lance par Bart De Wever sur limpossibilit lave-nir pour les syndicats de verser les allocations de chmage, cest une ide qui pourrait faire son chemin. Progressisme, l aussi ? Personnel-lement, jy suis favorable. Cette ide ne gure pas dans notre programme, mais Didier Reynders a dit rcem-ment que nous tions ouverts la discussion sur ce dossier. Dabord et surtout dans lintrt des chmeurs. Car, en raison de ce systme qui leur fait toucher une commission chaque nouveau chmeur, les syndicats sont nancirement intresss maintenir un certain nombre de leurs af lis dans une situation de chmage. Si on veut lutter ef cacement contre le chmage, on ne doit pas tre gn par un argument de la sorte.

    Le MR, dle cette impo-pu larit propre tous ceux qui mnent de vrais combats

    LES MICHEL, PRE ET FILS,deux conceptions du libralisme ou quand la famille devient un loup.

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    Reste que lon est bien loin des pro-positions quasi gauchisantes dun Richard Miller, pourtant actuel administrateur du Centre Jean Gol. En 2010, il signa un nouveau mani-feste Mieux pour tous qui aura eu une dure de vie de six mois peine. A lpoque, les commentateurs indi-quaient alors une in exion du parti libral vers le centre, voire mme le centre-gauche. Par exemple, lpoque, le MR se prononce en faveur dune scurit sociale qui ne laisse personne sur la route et contre les excs du capitalisme nancier.(1) Depuis Charles Michel a tourn le dos

    ce manifeste pour ancrer le parti droite avec Lavenir, a se travaille . Les libraux ont cherch gommer limage dun parti dpeint comme celui des nantis et de la haute nance insaisissable, en leur prfrant ceux qui se lvent tt... comme Walter le libraire. En se prsentant comme le parti qui dfend les classes moyennes, qui lutte contre lassistanat et rforme les structures socioconomiques. En durcissant aussi ses positions en

    matire de scurit et dintgration. Sur ce dernier point, le MR rcuse les approches multiculturalistes et les accommodements raisonnables qui sont, selon lui, contraires aux valeurs universelles issues de la modernit et au libre panouissement de lindividu. De son ct, et malgr les volutions qua connues son parti ces dernires annes, Louis Michel insiste : il faut voir le libralisme comme un rempart face au capitalisme sauvage. Nous voil sauvs : Le capitalisme nest pas un projet de socit. Il est et restera toujours une technique co-nomique, un instrument pour crer

    de la prosprit. A la diffrence, le libralisme est un projet de socit fond sur une thique sociale, cultu-relle et conomique. Son objectif, cest de garantir des liberts relles dont doit disposer chacune et chacun dentre nous. Cest cette harmonie utile entre la cration de richesses et la vigilance dmocratique qui veille assurer une rpartition quitable entre les citoyens. Aucun autre sys-tme au monde ny a mieux russi que le libralisme. Reste que la meilleure analyse du libralisme fut sans conteste don-ne, voil quelques annes, par un certain Paul Magnette que lon taxe tantt didologue de gauche, tantt de non-socialiste, mais qui se fait ici

    lavocat dvou des dilemmes de la pense librale.

    REVU ET CORRIG PAR PAUL Selon lui, les libraux savent mieux ce quils ne veulent pas que ce quils souhaitent. De l leur vient leur force comme leur faiblesse : Les libraux ont souffert de se d nir comme les porteurs dune culture plus que dune doctrine politique. Leurs succs historiques ont fait de leurs fers de lance (parlementa-risme, Etat de droit, dcentralisa-tion, construction europenne, co-nomie de march) les fondations que partagent dsormais la quasi totalit des familles politiques euro-pennes. Les libraux peinent, ds lors, af rmer une identit propre. A plusieurs reprises, ils ont t ten-ts daccentuer les accents [sic] les plus conservateurs de leur hritage pour se distinguer sur lchiquier politique. Ils ont insist sur la cri-tique de lEtat tutlaire plus que sur lquilibre social ; sur lautorit et lordre plus que sur les liberts et la dlibration ouvrant leur gauche un boulevard pour de nou-velles formes de pense librale, qui nen portent pas le nom () Le libralisme vou aux gmonies par les mouvements sociaux qui sopposent la mondialisation, la construction europenne, aux nouvelles politiques conomiques est en fait un librisme, plus souvent alli des partis conservateurs que mdiateur des scnes politiques. Tel est le sort dune pense sans doctrine ; refuser de se quali er soi-mme, on lest forcment par dautres. (2)Osera-t-on encore crire que la rup-ture est totale entre Paul Magnette et Charles Michel aprs avoir lu ces quelques lignes ? Pas sr, quoi quen disent les journaux... PIERRE JASSOGNE (1) Lvolution des partis politiques francophones (2007-2013), CRISP, 2015.(2) Les dilemmes fondateurs du libralisme, dans Libralismes et partis libraux en Europe, ULB, 2002.

    LES LIBRAUXsavent mieux ce quils ne veulent pas que ce quils souhaitent, explique un certain Paul Magnette.

    EN 2010, RICHARD MILLER signa un manifeste Mieux pour tous. Il fut vite rang au placard par Charles Michel...