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L’ENERGIE HYDROELECTRIQUE EN ASIE 31 Avril 2011 L’hydroélectricité, énergie renouvelable des pays émergents ? [Tapez le résumé du document ici. Il s'agit généralement d'une courte synthèse du document. Tapez le résumé du document ici. Il s'agit généralement d'une courte synthèse du document.]

L'Energie Hydroelectrique en Asie

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Mémoire universitaire sur l'énergie hydroélectrique en Asie réalisé dans le cadre d'un cours d'economie de l'environnement par Jean-Charles Hourcade. Auteurs : Alexandre Combessie et Floriane Didier

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L’ENERGIE HYDROELECTRIQUE EN ASIE

31 Avril 2011 L’hydroélectricité, énergie renouvelable des pays émergents ?

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L’énergie hydroélectrique en Asie

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L’énergie hydroélectrique en Asie L ’ H Y D R O E L E C T R I C I T E , E N E R G I E R E N O U V E L A B L E D E S P A Y S E M E R G E N T S ?

INTRODUCTION : L’ELECTRICITE ET L’HYDROELECTRICITE AUJOURD’HUI Aujourd’hui se prépare l’énergie de demain, et c’est dans les pays émergents, en particulier en Asie, que

l’avenir de l’énergie va se jouer, puisqu’ils vont prendre une part de plus en plus grande dans la

production mondiale d’électricité. Ainsi ce sont les pays émergents qui vont devoir répondre aux plus

importants défis de croissance de la demande en énergie, due à la croissance économique et

démographique.

La politique énergétique de demain devra faire face à trois défis, phénomènes aujourd’hui

incontestables :

1) la croissance difficilement limitable de la demande énergétique : l’Agence Internationale de

l’Energie (IEA) prévoit une augmentation de 2.7% par an jusqu’en 2015

2) la raréfaction des ressources énergétiques fossiles disponibles, entraînant la hausse du prix de

l’énergie

3) la nécessité de prendre en compte les externalités et les risques liés à la production d’énergie sur

l’environnement et la société.

L’ordre choisi correspondant à la flexibilité de chacune de ces contraintes pour les états. Il est très

difficile de limiter la croissance de la demande globale d’énergie, car les pays émergents veulent tous

rattraper le niveau de consommation des pays développés. Ceux-ci désirent de plus en plus diminuer

cette consommation grâce à des politiques visant à utiliser l’énergie plus efficacement et plus

économiquement. Mais même s’il est possible d’imaginer un modèle de société développée consommant

moins d’électricité, l’appliquer aux pays émergents à forte croissance démographique demandera

incontestablement plus d’énergie. D’un autre côté, la raréfaction des ressources est un fait, et impose de

quitter progressivement les énergies fossiles. Mais elle est progressive, et, au fur et à mesure que le prix

de l’énergie augmente, de nouveaux gisements deviennent rentables donc sont exploités. Enfin, la

question environnementale, encore sujette à débat aujourd’hui, est plus facilement manipulable par les

états et l’industrie. D’un côté les besoins sont immédiats et mesurables et la raréfaction coûteuse et

mesurable ; de l’autre les externalités et les risques sont moins immédiats et plus difficilement évaluables.

Ces contraintes imposent à long terme de grands bouleversements dans le mode de production d’énergie

et éventuellement sur nos différents modes de vie. Ici nous allons nous intéresser aux différents modes de

production d’énergie, et à l’un d’eux en particulier, l’hydroélectricité, ressource renouvelable. Aujourd’hui,

les principaux moyens de production d’électricité sont, dans l’ordre : le pétrole, le charbon, le gaz, la

biomasse, le nucléaire, l’hydroélectricité, et enfin les autres sources d’énergie renouvelables. Quelle sera

la place de l’hydroélectricité dans cet « energy mix » d’ici 20 ans, compte tenu des contraintes

évoquées ?

Tous les ans, l’Agence Internationale de l’Energie publie un rapport complet, avec prévisions, sur la

production d’énergie, qui fait référence en la matière. Penchons-nous sur un de ses graphiques, sur la

consommation d’énergie par mode de production, de 1980 à 2030. La quantité d’énergie est mesurée

en millions de tonnes de pétrole équivalent, soit 11630 milliards de Watt.heure. Pour donner des critères

de comparaison, une centrale nucléaire classique (puissance de 1000MW) produit en un an 8760 GWh,

L’énergie hydroélectrique en Asie

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soit la combustion de 7532 millions de tonnes de pétrole. Un foyer français consomme 2,75 GWh, et la

France consomme au total 276 millions de tonnes d’équivalent pétrole par heure soit 3.2 millions de

GWh. Ici on prend en compte également l’énergie pour le chauffage et le transport, pas uniquement

pour la production d’électricité. Cela nous donne tout de même une bonne estimation, pour l’énergie au

sens large.

FIGURE 1- EVOLUTION MONDIALE DE LA PRODUCTION D'ENERGIE, PAR MODE DE PRODUCTION (SOURCE : INTERNATIONAL ENERGY

AGENCY, 2009)

Ce graphique permet de voir immédiatement la part importante de l’hydroélectricité dans le mix

énergétique mondial depuis 30 ans. Cette part est doucement croissante depuis les années 80, et par

ailleurs, on voit que dans les prévisions de long terme (2030), les experts de l’IEA s’accordent sur une

augmentation claire de cette part. Cette prévision se base sur un scénario de référence qui correspond à

l’absence de changements législatifs et réglementaires par rapport à la présente situation, et

l’aboutissement des projets déjà commencés. Ainsi on voit que différents changements sont intervenus en

2008, qui ont eu un impact important puisqu’on se situe aujourd’hui en dessous des prévisions faites alors

pour le scénario de référence, réactualisé chaque année.

Comme on le voit dans le graphique de première page de ce rapport, cette augmentation s’est faite

sensiblement en Asie, qui devient depuis 10 ans le nouveau leader mondial de production

d’hydroélectricité, et peut revendiquer la plus grande centrale hydroélectrique du monde, avec le

barrage des trois gorges sur le Yangtsé.

Nous allons dans cette étude nous intéresser au cas particulier de l’Asie dans ce secteur, et enfin mettre

en perspective la production d’hydroélectricité en Asie avec celles des autres énergies renouvelables.

C’est en effet l’Asie qui façonne l’avenir du marché de l’énergie mondial ; les installations de production

d’énergie ayant une longue durée de vie. Pour l’instant l’hydroélectricité est très largement la première

source d’énergie renouvelable, à 83%. Mais va-t-elle le rester ? Les prévisions de l’IEA nous disent que

cette part va baisser. Pourquoi ? Le cas asiatique peut nous éclairer sur la question.

Pour commencer, nous allons identifier les besoins et les ressources énergétiques asiatiques, en mettant

l’accent sur le fort potentiel hydroélectrique.

L’énergie hydroélectrique en Asie

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I. LES RESSOURCES ET LES BESOINS : UN FORT POTENTIEL

HYDROELECTRIQUE EN ASIE

1) Des besoins croissants en électricité

Pour faire face au défi démographique du continent asiatique, des ressources énergétiques

supplémentaires sont nécessaires. Comme l'illustre la carte suivante des populations des pays asiatiques

en 2008, cinq pays comptent désormais plus de 100 millions d'habitants, et l’Inde et la Chine ont

dépassé le milliard d'habitants. La forte pression démographique, qui s’ajoute à l’augmentation de la

demande d’électricité par personne, se ressent de manière accentuée sur le marché de l’électricité. Les

gouvernements, face à ce défi, souhaitent limiter la croissance démographique, qui devient un obstacle

au développement. En effet, elle en dilue les bénéfices par tête et augmente les coûts des infrastructures

nécessaires pour soutenir cette croissance.

Quelles sont les prédictions démographiques à moyen terme, jusqu’en 2050 ?

FIGURE 2 - CARTE DEMOGRAPHIQUE DE L'ASIE DU SUD-EST

L’énergie hydroélectrique en Asie

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Les prédictions pour 2025 présagent une

hausse extraordinaire des populations asiatiques, près

des 2/3 de la population mondiale vivra en Asie

(61%) et la population de l’Inde s’approchera de celle

de la Chine. En 2050, l'Inde devrait même dépasser la

Chine en termes de nombre d'habitants.

En 2050, la distribution de population mondiale sera la suivante (selon les prévisions du SASI

group (Sheffield) et de Mark Newman (Michigan))

FIGURE 3 - LES PAYS LES PLUS PEUPLES EN 2050

FIGURE 4 - LA DISTRIBUTION DE LA POPULATION MONDIALE EN 2050

L’énergie hydroélectrique en Asie

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Cette hausse démographique a et aura des répercussions directes sur les besoins énergétiques des

populations. Selon l'Agence Internationale de l'Energie (AIE), la consommation mondiale d'électricité

augmente deux fois plus vite que la demande d’énergie primaire, et le continent asiatique est le premier

moteur de cette consommation. En 2006, la consommation d'électricité en Asie était la suivante :

A titre de comparaison, si, en 2050, chaque habitant de la région Sud-Est de l'Asie consommait

la moitié de l'énergie consommée aujourd'hui par un Européen, cette région du monde aurait besoin à

elle seule de toute l'énergie actuellement consommée par le monde entier ! La comparaison avec un

Américain serait encore plus édifiante puisqu'il consomme en moyenne deux fois plus d'énergie qu'un

Européen.

2) Coûts et avantages de l’hydroélectricité

1) Les avantages

L'hydroélectricité présente des avantages certains. L'énergie hydraulique est propre et naturelle.

Il n'y a en effet aucun dégagement de gaz à effet de serre, ni de production de déchets toxiques. La

technologie sous-jacente est connue et fiable. Elle est de plus peu onéreuse. Le rendement des

installations hydrauliques est également un facteur clé puisqu'elles sont en moyenne capables de

transformer 90% de l' énergie de l'eau en énergie mécanique.

FIGURE 5 - LA CONSOMMATION ELECTRIQUE EN ASIE

L’énergie hydroélectrique en Asie

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Les projets de barrages hydroélectriques constituent un facteur crucial pour le développement et

la lutte contre la pauvreté. En effet, les barrages permettent d'accroître le niveau de vie des populations

riveraines, d'augmenter la capacité d'énergie disponible pour les industries et donc de développer la

production de biens destinés au marché intérieur et à l'exportation. Les investissements étrangers qui se

font sous forme de services, d'équipements et de matériaux ont un effet positif en formant la main

d'œuvre locale et donc en accroissant le savoir-faire des populations.

Les installations hydroélectriques présentent aussi l'avantage de limiter les crues. Les barrages

permettent de maitriser l'alimentation en eau des populations en capturant l'excédent d'eau en période

d'abondance, et en la délivrant en période de sécheresse. Les récoltes de riz sont dès lors mieux

maitrisées en évitant la sécheresse des cultures.

Il s'agit par ailleurs d'une alternative au charbon, réputé pour son impact néfaste sur

l’environnement. L'augmentation de l'usage de l'électricité a en effet engendré une hausse de la

demande de charbon. La Chine par exemple, a consommé 40% de la production mondiale de charbon

en 2008, selon l'Agence Internationale de l'Energie. Le charbon a permis d'assurer 65 % de l'énergie

primaire consommée en Chine, et 80 % de sa production d'électricité. Il est pourtant nécessaire de

réduire les dommages environnementaux causés par la Chine durant les dernières décennies, comme

l'affirme le Directeur général de WWF International, James Leape : « L’Empreinte Ecologique moyenne

par tête en Chine a récemment franchi le seuil considéré comme viable sur un niveau mondial moyen ».

On peut également citer l'avantage touristique d'un barrage en termes de lacs et de stations

balnéaires.

2) Les coûts des installations hydroélectriques

Il n'est pas évident de donner un ordre de grandeur du coût d'un barrage hydroélectrique car les

conditions de mise en œuvre peuvent varier significativement d'un site à un autre. Par ailleurs, les

spécialistes français d'EDF affirment que le temps de retour sur investissement d'un barrage

hydroélectrique est de 10 ans environ. A titre d'exemple, la construction du barrage chinois des Trois

Gorges avait couté 50 milliards de dollars. D'une hauteur de 185m pour 2km de long, il génère une

puissance de 18 200 MW d'électricité soit l'équivalent de 10 centrales nucléaires, grâce à 26 turbines

de 700MW chacune.

L’énergie hydroélectrique en Asie

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3) La répartition des ressources hydroélectriques et leur facilité d’exploitation

Les ressources hydroélectriques du continent asiatique sont indéniables, comme l'illustre la carte

ci-dessous :

FIGURE 6 – LES GRANDS FLEUVES EN ASIE

L’énergie hydroélectrique en Asie

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L'une des ressources essentielles du continent asiatique est le fleuve Mékong. C'est le fleuve le plus long

d'Asie du Sud-Est. Il traverse ou longe six pays : la Chine, le Myanmar, le Laos, la Thaïlande, le

Cambodge et le Viêt-Nam. Les enjeux hydroélectriques sont considérables : le Mékong peut

potentiellement produire 58 000 MW d'électricité par an. Le Laos – appelé le « Château d'eau » de la

région – et le Cambodge détiennent respectivement 50% et 34 % du potentiel hydroélectrique total du

fleuve, suivis par le Viêt-nam et le Myanmar.

En Chine par exemple, la quantité totale de ressources hydriques est d'environ de 2 812,4

milliards de m3, soit 5,8% de celles du monde, ce qui classe la Chine au sixième rang mondial des pays

ayant les plus grosses ressources en eau. Plus de 50 000 cours d’eau ayant une superficie de bassin

versant supérieur à 100 km2 sont comptabilisés en Chine, parmi lesquels 1 500 ont un bassin versant de

superficie supérieure à 1 000 km2. Le premier fleuve d’Asie et troisième fleuve du monde, le Yangzi

(Changjiang) est situé sur le territoire chinois. Il existe de fortes disparités de ressources en eau à

l'intérieur de la Chine, comme le montre la carte suivante. Cela n'empêche pas la Chine d'être le leader

incontesté de l'énergie hydroélectrique, comme nous allons le voir dans le prochain paragraphe.

FIGURE 7 – LA REPARTITION DES RICHESSE EN CHINE

L’énergie hydroélectrique en Asie

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II. INFRASTRUCTURE ET PROJETS : UN MARCHE DOMINE PAR LA CHINE ?

1) La Chine : leader mondiale de l’hydroélectricité ?

La moitié des plus grands barrages de la planète sont situés en Chine. La Chine veut augmenter

sa capacité de production de 50% à 300 gigawatts d'ici 2015. C'est en tout cas ce qu'a révélé le

douzième plan quinquennal « vert ». La Chine veut créer une «décennie en or» pour le secteur

hydroélectrique du pays. «Cela signifie que chaque année, l'équivalent d'un nouveau barrage des Trois

Gorges sera ajouté en Chine au cours de la prochaine décennie», a déclaré Shao Minghui, analyste chez

China Securities Post. Le barrage des Trois Gorges, situé à Yichang dans la province du Hubei, est le plus

grand du monde.

FIGURE 8 – LE BARRAGE DES TROIS GORGES EN CHINE

L’énergie hydroélectrique en Asie

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FIGURE 9 - LES INFRASTRUCTURES HYDROELECTRIQUES EN CHINE

En 2009, 14% de toute l’électricité produite dans le pays le plus peuplé au monde était

d’origine hydroélectrique. En 2010, les investissements de la Chine dans le secteur des énergies propres

ont progressé de 39% par rapport à 2009, atteignant 54,4 milliards de dollars en 2010.

L’investissement chinois représente plus de 27% de la part des investissements du G20.

2) Les projets et ouvrages hydroélectriques dans le reste de l’Asie

La Chine est la première constructrice de barrages dans le monde. Elle reste le leader de

l'hydroélectricité même en dehors de son territoire, puisque les entreprises chinoises sont en train de

construire plus de cent barrages dans une quarantaine de pays. Il s'agit principalement de pays

asiatiques et africains. Huot Pongan, vice-ministre cambodgien de l’Industrie, des Mines et de l’Énergie:

« Nous n’avons pas assez d’électricité. La Chine va se charger de ce travail pour nous. Nous n’avons pas

les moyens d’exploiter nos mines et nos minerais. La Chine, si ». La Chine a également remporté un

contrat de 2 milliards de dollars en Iran pour la construction d'un barrage hydroélectrique dans le Sud-

Ouest de l'Iran. C'est la compagnie chinoise Sinohydro qui s'en chargera.

L’énergie hydroélectrique en Asie

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D'autres pays asiatiques, comme le Laos, tentent de tirer profit de leurs ressources hydriques. Le

Laos étant au carrefour de la Thaïlande, de la Chine et du Vietnam, l'exploitation des ressources

hydriques du Mékong est un atout géostratégique indéniable. La carte suivante représente l'ensemble

des barrages construits au Laos. Nous verrons au prochain paragraphe que le Laos revend une grande

partie de sa production hydroélectrique à ses voisins thaïlandais et vietnamien.

FIGURE 10 - LES PROJETS DE BARRAGE SUR LE MEKONG

Au Cambodge, le chantier d’un premier barrage d'une puissance 246 MW sur la rivière Tata a

débuté en mars 2010. Le projet a été confié à l'entreprise chinoise China National Heavy Machinery

Corporation pour un montant de 540 millions de dollars. Un autre chantier a été entrepris en avril 2011

sur la rivière Russei Chrum Kraom par la compagnie chinoise China Huadian Hong Kong Limited. La

puissance du barrage est estimée à 338 MW et son coût à 496 millions de dollars. Une trentaine de

projets similaires sont en préparation au Cambodge. Il s'agit d'un enjeu crucial pour ce pays car seuls

20% des ménages cambodgiens ont un accès fiable à l’électricité. Les écarts de tarif entre la ville et la

campagne sont impressionnants, l'électricité est en effet presque quatre fois plus cher dans la campagne

cambodgienne.

L’énergie hydroélectrique en Asie

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Les projets de barrages sur le Mékong sont nombreux, mais les problématiques

environnementales – explicitées dans la dernière partie de ce mémoire – ont tendance à reculer le début

des travaux.

3) Le marché de la revente d’électricité

Dans le cadre du projet des 11 barrages construits sur le Mékong, l'un d'entre eux serait installé au

Cambodge à Sambor et réalisé par la China Southern Power Grid Company. Sa puissance pourrait

atteindre 2600 MW, et permettrait au Cambodge d'exporter son électricité vers la Thaïlande et le

Vietnam.

Concernant les accords commerciaux d'ores et déjà effectifs, le Laos a signé en 1993 un accord

prévoyant l'exportation vers la Thaïlande de 1 500 MW d'électricité par an à partir de 2010. Cet

accord doit durer 20 ans, et le tarif de revente de l'électricité est très avantageux. Mais la Thaïlande est

dès lors dépendante de l’électricité importée de la République démocratique populaire du Laos... Les

liens entre la Thaïlande et le Laos sont devenus encore plus étroits à la suite du projet du complexe

hydroélectrique de Nam Theun 2 au Laos inauguré en décembre 2010. En effet, ce complexe construit

par EDF contient 4 groupes turbo-alternateurs de 250 MW qui alimentent le réseau électrique de la

Thaïlande, et 2 groupes turbo-alternateurs de 37 MW pour la production d'électricité nationale.

FIGURE 11 – L’EXPLOITATION INTENSIVE DU MEKONG

L’énergie hydroélectrique en Asie

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Le Laos a également conclu un accord d'une durée de 30 ans avec le Laos dans le cadre du

projet de la centrale hydroélectrique Xekaman 1. Elle est située dans la province d'Attopeu au Laos, son

installation va couter 441,6 millions de dollars, et elle sera opérationnelle dès 2015. 80% de la

production d'électricité qu'elle dégagera sera destinée au Vietnam et les 20% restants au pays hôte, le

Laos.

III. LES EXTERNALITES HYDROELECTRIQUES ET LEUR GESTION : QUELS ENJEUX ?

Les barrages sont les plus anciennes sources d’énergie renouvelables, c’est une technologie mûre,

relativement fiable et rentable. Cependant, différents problèmes liés à l’installation de grands barrages

ont fait émerger des polémiques assez violentes : le barrage des trois gorges y est d’ailleurs pour

quelque chose. Maintenant la question des externalités liées aux barrages fait rage, et, malgré tous les

avantages listés précédemment, ces problèmes remettent partiellement en cause les projets

hydroélectriques asiatiques.

1) Les externalités environnementales : le cas extrême du barrage

des trois gorges

Il est entendu qu'on s'intéresse spécifiquement au barrage des trois gorges, dont le gigantisme a

forcément pour conséquence des externalités beaucoup plus grandes que pour d'autres barrages.

Intéressons-nous tout d’abord aux externalités ayant des conséquences directes sur le fonctionnement du

barrage. Ainsi, en amont du barrage, le dépôt de sédiment envase le réservoir et réduit peu à peu son

rendement. Pour le barrage des trois gorges, ce problème d’envasement, mal quantifié, pose un certain

problème : 526 millions de tonnes de sédiments traversent chaque année le barrage, et 8,6 millions se

déposent au fond du réservoir. Malgré les aménagements prévus d'évacuation des sédiments, les

autorités chinoises évaluent une diminution de 8 à 12% de la capacité totale à long terme de la

centrale.

Par ailleurs, toujours en amont du barrage, la création même du réservoir implique d’inonder une vaste

zone. Pour le barrage des trois gorges, cela a impliqué l’inondation de 600 km2 de terres agricoles et

de forêts, et le déplacement de plus de 1.8 millions d’habitants sur plusieurs grandes villes et villages.

En aval, le barrage amène des changements écologiques importants : l’écosystème est bouleversé par

plusieurs phénomènes :

- Le barrage constitue un obstacle à la migration des espèces marines. Ainsi, le barrage des trois

gorges est la cause principale de la disparition ou de la quasi extinction de plusieurs espèces : le

dauphin chinois a disparu en 2006, l’esturgeon est en passe de l’être. La biodiversité est

clairement mise en danger par le barrage.

L’énergie hydroélectrique en Asie

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- Le barrage réduit grandement la quantité de sédiments sur tout l’aval du fleuve. Ainsi, tout en

régulant les crues (un des objectifs de la construction du barrage) cela conduit le fleuve à creuser

son lit, à éroder les bords du fleuve, terres arables très fertiles et écosystèmes privilégiés de

nombreuses espèces animales et végétales, comme les grues de Sibérie, espèce mise en danger.

L’érosion va par endroits jusqu’à 4km/an.

- Par ailleurs, la faiblesse du débit en hiver aggrave peu à peu la remontée des nappes salées à

l’intérieur du delta du fleuve, modifiant encore plus l’écosystème fluvial, et nécessitant un

drainage du trop-plein de sel. L’actuelle prolifération des mauvaises herbes aquatiques et des

algues peut être imputée au barrage, cela est reconnu par les autorités chinoises.

- Enfin, depuis l’ouverture du barrage, la quantité d’alluvions, fertilisant naturel des terres, a

diminué d’un tiers.

2) Les conséquences et risques économiques et sociaux

Comme nous l’avons signalé précédemment, la création de la retenue d’eau du barrage a nécessité le

déplacement de plus d’1.8 million d’habitants. Cette opération délicate a été très mal gérée par les

autorités chinoises, ce qui a attiré nombre de critiques nationales et internationales. L’opération de

relogement n’a été accomplie qu’à moitié, sans réelle compensation. Ainsi les 40% de citadins déplacés

ont dû quitter leur maison pour être relogés plus loin dans de grandes barres d’immeubles, sans

compensation financière suffisante d’après les nombreux contestataires. Les 60% de paysans n’ont été

relogé que pour moitié, dans des villages situés au-dessus du réservoir, sur des terres de même

superficie, mais bien moins fertiles, et dans des conditions plus difficiles.

L’inondation de 600 km2 a impliqué l’engloutissement définitif de nombreuses villes, et d’un passé

historique et archéologique énorme : plus de 1300 sites archéologiques sont désormais sous les eaux. Les

autorités chinoises n’ont quasiment jamais prévu de plan de sauvegarde de ces sites.

Tout cela a créé de fortes tensions sociales dans la région, et beaucoup de pauvreté, le tout sans

consultation des personnes concernées. Malgré les avantages certains du barrage en termes de maîtrise

des crues et de navigabilité du fleuve, la population locale peine à recevoir les bénéfices du barrage,

surtout parmi la classe paysanne pauvre. Les nouvelles conditions de navigabilité, qui permettent à des

navires de fret de plus gros tonnage de naviguer, profitent surtout à la grande ville de Chongching, plus

éloignées, à la population ouvrière et plus riche.

Enfin, la construction d’un barrage aussi gigantesque fait peser un gros risque sur toute la population

située en aval. La rupture du barrage provoquerait une gigantesque inondation qui balaierait une

énorme zone d’habitation, faisant potentiellement des millions de victimes et détruisant plusieurs villes,

dont Changsha et Wuhan, comptant plus de 9 millions d’habitants. Ce risque n’est pas nul, d’autant que

le poids de l’eau contenue dans le réservoir fait peser des contraintes sismiques importantes sur le sous-

sol déjà instable, augmentant le risque de séismes. Le barrage a été conçu pour résister théoriquement à

un séisme de magnitude 7, mais différents scandales sur des malfaçons de construction peuvent laisser

penser que cette résistance devrait être revue à la baisse. D’importantes fissures ont été repérées

récemment sur le barrage, apparemment dues à un béton mal calibré.

L’énergie hydroélectrique en Asie

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Pour faire le bilan de la construction du barrage des 3 gorges, il ne répond même pas à l’objectif

originel de couvrir 10% de la consommation nationale d’énergie. Aujourd’hui sa production correspond

plutôt à 3%, pour une production totale de 85 TWh par an.

Le barrage des 3 gorges, considéré par de nombreux observateurs internationaux comme un des plus

grands échecs de la politique énergétique chinoise, a partiellement modéré l’enthousiasme de nombreux

gouvernements pour l’hydroélectrique, et a conduit à l’union progressive des populations contre les

projets de barrages, de plus en plus mal vus. Les externalités que ce barrage a causées sont en effet

communes à la plupart des grands projets de barrages.

3) Des tensions géopolitiques de gestion de la ressource

Quittons l’exemple spécifique du barrage des trois gorges, pour nous intéresser globalement à la gestion

transnationales des ressources hydroélectriques asiatiques.

La Chine est incontestablement le leader local de l’hydroélectricité, en termes de volonté et en termes de

capacités. Elle a ainsi inauguré un plan ambitieux de construction de barrages pour les 10 prochaines

années, avec des projets extrêmement ambitieux, de l’envergure du barrage des trois gorges (voir

partie 2). De plus, elle possède le capital technologique et humain pour la construction de très grands

barrages, capacité qu’elle vend aux autres pays asiatiques, en échange d’argent et d’énergie. C’est

pour la Chine une manière d’imposer son leadership sur la région, et d’étendre sa sphère d’influence.

Cela concurrence directement l’Inde, qui tente aussi de s’imposer dans ce domaine. L’enjeu de maîtrise de

l’hydroélectricité vient donc s’ajouter aux sources de tension sino-indienne.

De plus, la Chine a la chance d’être le premier pays traversé par la plupart des grands fleuves

asiatiques, et par conséquent d’être « la première servie » par la ressource hydraulique. Tout

construction de barrage en Chine a donc des conséquences sur tout l’aval, en Chine mais aussi pour les

autres pays. La multiplication des projets sur les mêmes fleuves, Yangtsé et Mékong en particulier, a pour

conséquence l’appauvrissement des eaux et la diminution de capacité pour les pays situés au sud-est

extrême de l’Asie : Cambodge, Thaïlande et Vietnam. La politique active de la Chine a des

conséquences fortement néfastes pour eux, et ils essaient donc de s’opposer aux nouveaux projets, tant

bien que mal. Parfois des ententes entre gouvernements se forment, au détriment des populations rurales

directement concernées. Ainsi, au Cambodge, les populations de paysans, durement touchées par la

diminution des alluvions fluviales due aux barrages, ne sont pas entendues par le gouvernement, et ne

reçoivent pas les bénéfices des installations hydroélectriques nationales. L’électricité va d’abord aux

villes et à l’industrie, et dans les campagnes, l’électricité reste rare et chère.

Cette situation a conduit à la formation de plusieurs groupes d’intérêts : le gouvernement chinois pro-

barrage, allié à d’autres gouvernements, alliés sur des contrats de construction de barrages mais rivaux

sur l’utilisation des mêmes fleuves. Du côté local, des groupements de citoyens s’opposent aux projets ,

soutenus par des ONG liées à l’occident. Ainsi les pays développés, plutôt opposés aux grands projets

hydroélectriques chinois, tentent de s’y opposer, ce que les gouvernements asiatiques interprètent souvent

comme un interventionnisme malvenu et un frein à leur propre développement. Notons qu’au-delà de

l’intérêt « altruiste » de protection des droits de l’homme et de la nature, les pays développés n’ont que

peu d’intérêts économiques à voir l’Asie s’équiper elle-même en barrages, alors qu’elle peut aussi miser

sur des technologies étrangères pour la production d’énergie, en particulier nucléaire.

De manière indéniable, l’hydroélectricité est pour les gouvernements asiatiques un moyen peu cher

(externalités non comprises) d’assurer une certaine indépendance énergétique, tout en évitant des

moyens de production d’énergie plus polluants comme le charbon, le pétrole ou le nucléaire.

L’énergie hydroélectrique en Asie

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La construction de grands barrages est aussi vue en Asie comme un signe de développement et une fierté

nationale, vision de plus en plus contestée mais toujours très présente chez les gouvernants.

Malgré les tensions et les problèmes créés par les barrages, la politique ambitieuse d’équipement

hydroélectrique va continuer en Asie, certes avec plus de difficultés qu’avant. Les gouvernements

asiatiques évitent le plus possible de payer les coûts des externalités, via ce que de nombreux

observateurs internationaux qualifient de violations des droits de l’Homme, et la destruction de

patrimoine historique et biologique. Mais la nécessité de répondre aux besoins est la plus grande, et il

est vrai que l’hydroélectricité pollue moins directement que le charbon et le pétrole. Pour autant qu’elle

est une énergie renouvelable, elle entraîne d’autres problèmes.

CONCLUSION : L’AVENIR DE L’HYDROELECTRIQUE EN ASIE

La question hydroélectrique est difficile, et souvent confisquée par des lobbies divers dans des débats

contestables. Effectivement l’exploitation à grande échelle d’énergies renouvelables a ses externalités,

tout comme d’autres modes de production d’énergie, et il faut faire un arbitrage économique des coûts

afin de trancher. Il n’est pas possible de limiter l’augmentation de la production d’énergie, et il faut

choisir entre les énergies fossiles polluantes, l’énergie nucléaire et l’énergie hydroélectrique.

Les autres énergies renouvelables, trop chères pour les pays en voie de développement, ne sont pas une

alternative possible. Si l’on met la priorité sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, ne reste

plus comme options que le nucléaire et l’hydraulique. Or c’est en effet ce vers quoi se dirigent les pays

asiatiques à long terme, en s’appropriant des technologies occidentales.

Il faut bien entendu faire pression sur les pays asiatiques pour qu’ils prennent en compte les externalités

causées par leurs barrages, mais il est hors de question de les décourager d’investir leur avenir dans

l’hydroélectricité. C’est pour eux le seul avenir renouvelable possible, et le chemin vers un

développement non polluant. Ce qu’il convient de décourager, c’est la démesure des projets, qui

augmente les problèmes, les risques et les inconnues. On arrive à la limite des rendements d’échelles, et

mieux vaut plus de barrages plus petits que quelques barrages de la taille du barrage des trois gorges.

L’énergie hydroélectrique en Asie

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