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LE RÉARMEMENT DE LA SIERRA LEONE UN AN APRÈS L'ACCORD DE PAIX DE LOMÉ Eric G. Berman Traduit de l'anglais par Caroline Pailhe Titre original : Re-armament in Sierra Leone : One Year After the Lomé Peace Agreement, Occasional Paper n°1, Small Arms Survey, Genève, décembre 2000 UNE ÉTUDE DE

Le r.armement de la Sierra Leone - Un an apr.s l'accord …€¦ · B.Les filières d’approvisionnement du gouvernement sierra-léonais 18 1. Avant mars ... ECOMOG Groupe de contrôle

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1LE RÉARMEMENT DE LA SIERRA LEONE

LE RÉARMEMENTDE LA

SIERRA LEONEUN AN APRÈS L'ACCORD DE PAIX DE LOMÉ

Eric G. Berman

Traduit de l'anglais par Caroline Pailhe

Titre original :Re-armament in Sierra Leone : One Year After the Lomé Peace Agreement,

Occasional Paper n°1, Small Arms Survey,Genève, décembre 2000

UNE ÉTUDE DE

RAPPORT DU GRIP 2001/22

© Groupe de recherche et d'informationsur la paix et la sécurité (GRIP)rue Van Hoorde, 33B-1030 Bruxelles

Tél.: (32.2) 241.84.20

Fax: (32.2) 245.19.33

E-mail: [email protected]

Website: www.grip.org

3LE RÉARMEMENT DE LA SIERRA LEONE

Sommaire

Présentation de SAS 5

Acronymes 6

Résumé 7

Executive Summary 7

Introduction 9

I. Les fournisseurs d’armes légères et de petit calibreà la Sierra Leone 11

A.Les filières d’approvisionnement du Front unirévolutionnaire 11

1. Charles Taylor et le Liberia 112. Les autres filières 133. Le gouvernement sierra-léonais 154. L’ECOMOG 165. La MINUSIL 16

B.Les filières d’approvisionnement du gouvernementsierra-léonais 18

1. Avant mars 1991 182. Entre mars 1991 et avril 1992 193. De mai 1992 à février 1996 194. De mars 1996 à février 1998 205. Entre mars 1998 et juillet 2000 20

II. Le désarmement de la Sierra Leone 22

A.Des armes retirées de la circulation… 22

1. Les armes collectées dans le cadredu programme de DDR 22

2. Les armes collectées unilatéralementpar l’ECOMOG 24

3. Les armes collectées unilatéralementpar la MINUSIL 24

B.… mais pas détruites 24

III. Conclusion 25

A propos de l’auteur 26

Remerciements 26

Annexe : Document des Nations unies S/2000/1195, 27« Rapport du Groupe d’experts constituéen application du paragraphe 19 de la résolution1309 (2000) du Conseil de sécurité concernantla Sierra Leone », 20 décembre 2000,deuxième partie, paras. 167-273.

RAPPORT DU GRIP 2001/24

Afrique de l'Ouest

5LE RÉARMEMENT DE LA SIERRA LEONE

Small Arms Survey est un projet indépendant associéau Programme d’Etudes Stratégiques et de Sécurité Internationale (PESI)

de l’Institut Universitaire de Hautes Etudes Internationalesde Genève, Suisse.

Créé en 1999, SAS est soutenu par le Département fédéraldes Affaires étrangères de la Suisse et par les gouvernements belge,

canadien, danois, néerlandais, norvégien, suédois et britannique.SAS collabore avec des instituts de recherche

et des organisations non gouvernementales situées dans de nombreux pays,notamment, au Brésil, au Canada, en Allemagne, en Inde, en Israël,en Norvège, en Russie, en Afrique du Sud, au Sri Lanka, en Suède,

en Thaïlande, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis.

La collection Occasional Paper est publiée régulièrement.Elle présente les résultats des recherches innovantes et pertinentes

que mènent les membres de l’équipe de chercheurs, et des chercheurs associés,sur les données, la méthodologie et les concepts liés aux armes légères

ainsi que des études de cas détaillées par pays et région.La collection est disponible en version papieret en version électronique sur le site de SAS.

Small Arms Survey (SAS)

RAPPORT DU GRIP 2001/26

AFRC Conseil révolutionnaire des forces armées (Armed For-ces Revolutionary Council)

BBC British Broadcasting CorporationCEDEAO Communauté économique des Etats de l’Afrique de

l’OuestCNDDR Commission nationale de désarmement, démobilisation

et réintégrationDDR Programme de désarmement, démobilisation et réinté-

grationECOMOG Groupe de contrôle du cessez-le-feu de la CEDEAOEO Executive OutcomesGSG Gurkha Security Guards LimitedHCR Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiésMINUSIL Mission des Nations unies en Sierra LeoneMONUSIL Mission d’observation des Nations unies en Sierra LeoneMSF Médecins sans FrontièresNPFL Front national patriotique du Liberia (National Patriotic

Front of Liberia)NPRC Conseil national provisoire de gouvernement (National

Provisional Ruling Council)ONG Organisation non gouvernementalePCASED Programme de coordination et d’assistance pour la sécu-

rité et le développementRUF Front uni révolutionnaire (Revolutionary United Front)SLA Armée sierra-léonaiseUNITA Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola

(União Nacional Para a Independência Total de An-gola)

Acronymes

7LE RÉARMEMENT DE LA SIERRA LEONE

Le 7 juillet 1999, le gouvernement de la SierraLeone et le Front uni révolutionnaire (RUF) si-gnaient l’Accord de paix de Lomé censé mettre finà huit années de guerre civile entre les deux partiesen conflit. Cette guerre avait provoqué des dizai-nes de milliers de morts et le déplacement de plusde deux millions de personnes – soit plus d’un tiersde la population – dont la plupart ont trouvé refugedans les pays voisins. Un élément central de l’Ac-cord prévoyait le désarmement du RUF. Mais cedésarmement n’eut pas lieu. Au contraire, un anplus tard, le chef du RUF, Foday Sankoh, seretrouvait dans les geôles du gouvernement sierra-léonais et la survie de l’Accord de paix étaitsérieusement mise en doute.

Une chose était cependant sûre : au lieu deprocéder au désarmement, toutes les parties – leRUF ainsi que le gouvernement et ses alliés –avaient continué à s’armer à une vitesse alarmante.Et ceci en violation totale de l’embargo sur lesarmes décrété par les Nations unies en 1997 (amendéen juin 1998 afin d’en exclure le gouvernementsierra-léonais) et en dépit du moratoire régional de1998 sur l’importation, l’exportation et la fabrica-tion d’armes légères et de petit calibre.

Près d’un an après la signature de l’Accord deLomé, la situation politique et sécuritaire resteextrêmement fragile. Le RUF ne cesse de s’appro-visionner en armes illégalement via des pays telsque le Liberia et le Burkina Faso, tandis que legouvernement sierra-léonais vient de recevoir unegrande quantité d’armes en provenance duRoyaume-Uni.

Le présent rapport explore la facilité avec la-quelle à la fois les rebelles et le gouvernement seprocurent des armes, particulièrement des armeslégères et de petit calibre, et remet en questionl’efficacité des politiques d’armement et de désar-mement passées et présentes. Avec la grande dis-ponibilité des armes dans le pays, la faiblesse dugouvernement actuel, la puissance relative du RUFet l’instabilité des alliances entre les différentsgroupes armés, la fin du conflit qui ravage la SierraLeone ne s’annonce sans doute pas de sitôt.

Résumé

On 7 July 1999, the government of SierraLeone and the Revolutionary United Front (RUF)signed the Lomé Peace Agreement in an effort toend over eight years of civil war between thegovernment and the RUF. This conflict resulted intens of thousands of deaths and the displacementof more than 2 million people – well over one-thirdof the total population – many of whom are nowrefugees in neighbouring countries.

A central component of this agreement calledfor the RUF to disarm. But this did not happen.Instead, a year later, the RUF leader, Foday Sankoh,was in the custody of the Sierra Leoneangovernment and the future of the peace accord wasin grave doubt.

One thing was clear, however: far fromdisarming, all parties – the RUF, as well as thegovernment and its allies – have been re-arming atan alarming rate. They are doing so in contraven-tion of a 1997 UN arms embargo (amended inJune1998 to exclude the Sierra Leoneangovernment) and despite a 1998 regional morato-rium on the production, procurement and sale ofsmall arms and light weapons.

Over a year after the Lomé Peace Agreement,the political and security situation remainsextremely fragile. The RUF continues to obtainweapons illegally via countries such as Liberia andBurkina Faso, while the government of SierraLeone has recently received substantial weaponryfrom the United Kingdom.

This paper explores the ease with which boththe rebels and the government obtain weapons,particularly small arms and light weapons, andquestions the efficacy of previous and currentarmament and disarmament policies. Given theease availability of arms in the country, theweakness of the current government, the relativestrength of the RUF, and the fluidity of alliancesamong the country’s armed groups, the likelihoodof continued conflict in Sierra Leone is great.

Executive Summary

RAPPORT DU GRIP 2001/28

Sierra Leone

Robertsport

Bomi-Hills

Bendaja

KleBong

Kongo

Bopolu

Mamou

Fandié

Tabili

Coyah

Dubréka

Médina Dula

Faranah

Banian

Bambaya

Yombiro

BendouBodou

Koundou

Kindia

Kamakwie

Kamalu

PendembuMateboi

Karina

Gbinti

MadinaJct.

KambiaRokupr

MamboloMange

Port LokoLunsar

Masiaka

Lungi Pepel

Binkolo

Matotoka

Magburaka

Musaia

Kabala

Falaba

Bafodia

Koinadugu

GberiaFotombu

Bendugu

Kurubonla

Bendugu

Alikalia

Kayima

Yomadu

Koidu-SefaduYengema

Tefeya

NjaiamaNjaiama-Sewafe Gandorhun

Kailahun

Songo

York Rotifunk

HastingsWellington

Bauya

Shenge

Waterloo

Moyamba

Sembehun

Bonthé

Gbangbatok

Matru Sumbuya

Koribundu

Gerihun

Tikonko

Potoru

Kpetewoma

Sulima

Pujehun

Gorahun

Zimmi

Yonibana

TaiamaNjala

Mongeri

Yele

Mano

Blama

Lago

PangumaFalla

Tongo

Boajibu

Daru

Giehun

Bendu

BomiManowa

Tokpombu

Pendembu

Segbwema

Buedu

Koindu

Konta

Kukuna Fadugu

Bumbuna

Forécariah

Batkanu

Bradford

Masingbi

Dambara

Tungie

Nitti

Bumpe

Mile 91

Sieromco Mokanje Kenema

Bo

Makeni

N O R T H E R N

S O U T H E R N

WESTERNAREA

E A S T E R N

G U I N E A

L I B E R I A

Freetown

YawriBay

Sherbro River

ATLANTIC OCEANSherbro

Stra

it

Lake Piso

Lake Mape

Lake Mabesi

Moa

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Niger

Lofa

Saint Paul

Mano

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oro

Bagbe

Taia

Sewa

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Mabole

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SeliPam

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R okel or Seli

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Nig

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KolenteKortimaw Is.

Banana Is.

Plantain Is.

Turtle Is.Sherbro I.

12° 30'13° 30' 13° 00' 12° 00' 11° 30' 11° 00' 10° 30'

10° 00'

9° 30'

9° 00'

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8° 00'

7° 30'

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6° 30'

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8° 00'

7° 30'

7° 00'

6° 30'

Ferry

Int'l Airport

The boundaries and names shown and the designationsused on this map do not imply official endorsement oracceptance by the United Nations.

Map No. 3902 Rev. 4 UNITED NATIONSDecember 1999

Department of Public InformationCartographic Section

SIERRA LEONE

Town, village

National capital

Major road

Secondary road

Railroad

Airport

Provincial capital

International boundary

Provincial boundary

0

0

20 40 60 80 km

10 20 30 40 50 mi

SIERRA LEONE

9LE RÉARMEMENT DE LA SIERRA LEONE

Le conflit armé qui ravage la Sierra Leone aéclaté en mars 1991, date à laquelle le Front unirévolutionnaire (Revolutionary United Front -RUF) prit les armes contre le gouvernement enplace. La rébellion était menée par Foday Sankoh,ancien caporal de l’Armée sierra-léonaise (SLA).

En avril 1992, treize mois après le début de laguerre civile, le gouvernement était effectivementrenversé, mais pas à la faveur des rebelles du RUF.En effet, des éléments internes de l’Armée gouver-nementale jugeaient le président Joseph Momohincapable de faire face à la rébellion et installèrentà la tête du pays un Conseil national provisoire degouvernement (National Provisional RulingCouncil – NPRC). Un jeune capitaine, ValentineStrasser, fut nommé chef de l’Etat et gouvernajusqu’en janvier 1996, date à laquelle il fut ren-versé par son chef d’état-major, Julius Maada Bio.

Un accord de paix entre le gouvernement et leRUF fut signé en novembre 1996, rapprochantdavantage les rebelles du pouvoir. La firme privéede sécurité sud-africaine Executive Outcomes (EO)engrangea des succès militaires considérables con-tre le RUF dès que Strasser employa ses mercenai-res en 1995. Comme le prévoyait l’accord de paixconclu à Abidjan avec le gouvernement de AhmadTejan Kabbah, dont le Parti du peuple avait rem-porté les élections en février 1996, mettant fin àl’intérim du Conseil national provisoire de gou-vernement, le RUF accepta de cesser les hostilitésen échange de la rupture de contrat entre le gouver-nement et EO. Le RUF reprit rapidement les armesdès le départ de EO en janvier 1997, multipliant sesincursions et étendant son contrôle sur le pays.Quant à la compagnie sud-africaine, elle ne revintjamais en Sierra Leone.

Lorsque des éléments internes de l’Armée ren-versèrent Ahmad Tejan Kabbah en mai 1997, leRUF applaudit le coup d’Etat et forma une allianceavec le nouveau gouvernement, le Conseil révolu-tionnaire des forces armées (Armed ForcesRevolutionary Council - AFRC). Le major JohnnyPaul Koroma, président de l’AFRC, proposa mêmeà Sankoh le poste de vice-président. Celui-ci ac-cepta. Koroma nomma également plusieurs repré-sentants du RUF au sein de son gouvernement.

De nombreux pays membres de la Commu-nauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest(CEDEAO)1 désapprouvèrent le coup d’Etat etprirent des mesures énergiques afin de réinstallerle gouvernement démocratiquement élu. La Gui-née accueillit Kabbah et le Nigeria refusa de libérerSankoh, qui y était détenu depuis mars 1997. LaGuinée et le Nigeria, respectant en cela certainsaccords de défense bilatéraux conclus avec laSierra Leone, envoyèrent d’abord des troupes pourcombattre le Conseil révolutionnaire et le RUF. LeGroupe de contrôle du cessez-le-feu de la CEDEAO(ECOMOG), créé en 1990 dans le but de rétablir lapaix au Liberia, reçut ensuite le mandat d’interve-nir en Sierra Leone. Plusieurs initiatives diploma-tiques laissèrent la place à une action militaire enfévrier 1998 et Kabbah fut réinstallé au pouvoir enmars, dix mois après avoir été démis.

L’ECOMOG reprit Freetown, la capitale sierra-léonaise, mais ne put sécuriser les campagnes. LeRUF entendait faire savoir qu’il restait une forceavec laquelle il fallait compter. Pour le prouver, lesrebelles commirent une nouvelle série de viola-tions des droits humains. En janvier 1998, leConseil révolutionnaire et le RUF assiégeaient lacapitale, l’apogée d’une offensive qui avait débutédans l’est du pays au cours des derniers mois de1998. L’ECOMOG tenta de repousser l’attaquemais déjà, on déplorait des milliers de morts et desdizaines de milliers de mutilés et de disparus.

Face à l’incapacité de vaincre le RUF militaire-ment, les différents acteurs impliqués tentèrent detrouver une issue diplomatique au conflit. Ainsi,après la mort de dizaines de milliers de personneset le déplacement de plus de deux millions d’autres– soit plus d’un tiers de la population –, desnégociations eurent lieu au Togo où, le 18 mai1999, le gouvernement sierra-léonais et le RUFacceptaient un cessez-le-feu. Deux mois plus tard,le 7 juillet, les deux parties signaient l’accord depaix tant attendu.

Selon les termes de l’Accord de paix de Lomé,en échange de l’appel à la cessation des hostilitéset de son désarmement, le RUF était assuré debénéficier de l’amnistie générale, de certains pos-

Introduction

1. La CEDEAO comprend le Bénin, le Burkina Faso, le Cap-Vert, la Côte-d’Ivoire, la Gambie, le Ghana, la Guinée, laGuinée-Bissau, le Liberia, le Mali, la Mauritanie, le Niger, leNigeria, le Sénégal, la Sierra Leone et le Togo.

RAPPORT DU GRIP 2001/210

tes au sein du gouvernement et du droit de formerun parti politique pour participer aux élections. Enoutre, Foday Sankoh était nommé président d’unnouvel organe censé contrôler les diamants dupays ainsi que d’autres ressources naturelles.

C’est à l’ECOMOG que revenait en premier laresponsabilité de surveiller les dispositions mili-taires de l’accord de paix, mais cette tâche futrapidement assurée par les Nations unies. Jusqu’àcette époque, les Nations unies avaient joué un rôlerelativement mineur de maintien de la paix enSierra Leone. En juillet 1998, le Conseil de sécu-rité autorisait la petite Mission d’observation desNations unies en Sierra Leone (MONUSIL) àservir aux côtés de la force sous-régionale2. Dèsque le Nigeria, le plus grand fournisseur de soldatsà l’ECOMOG, fit savoir qu’il était sur le point deretirer ses troupes, le Conseil de sécurité décida deremplacer cette mission d’observation par uneforce de maintien de la paix beaucoup plus impor-tante : la Mission des Nations unies en SierraLeone (MINUSIL)3. Les derniers soldats del’ECOMOG quittaient la Sierra Leone le 2 mai20004.

Cependant, en mai 2000, le RUF enlevait ettuait plusieurs Casques bleus, anéantissant l’Ac-cord de paix de Lomé moins d’un an après sasignature. Le désarmement avait officiellementdébuté en octobre 1999, mais en mars 2000, leRUF n’avait toujours pas participé de manièresignificative au programme. Cette situation chan-gea en avril quand des centres de désarmements’ouvrirent dans les bastions du RUF de Makeni etMagburaka. Quelques soldats se présentèrent dansles camps contre la volonté de leurs supérieurs.

Les Nations unies refusèrent de tenir comptedes demandes du RUF de fermer les centres et derenvoyer ses hommes. Des combats éclatèrentlorsque le RUF tua un membre du contingentkenyan de maintien de la paix. Plusieurs centainesde soldats du bataillon zambien envoyés pouraider le contingent kenyan furent pris en otage parle RUF à l’extérieur de Makeni. Une semaine plustard, les partisans de Sankoh ouvraient le feu de sarésidence sur une foule de civils venus manifestercontre l’enlèvement des Casques bleus. Plusieursmanifestants furent tués et des dizaines d’autresblessés. Le 17 mai, le gouvernement de SierraLeone arrêtait sur Sankoh et le jetait en prison.

La communauté internationale a vivement réagiaux événements. Le Conseil de sécurité a rapide-ment décidé d’étendre la présence de la Mission à13.000 soldats5 et d’interdire la vente des diamantssierra-léonais non autorisés, afin de renforcer legouvernement6.

En tant que membres des Nations unies, cer-tains pays ont contribué de manière individuelleaux efforts de restauration de la paix des Nationsunies. La Russie a fourni à la MINUSIL deshélicoptères de combat. Le Royaume-Uni envoyades navires de combat et un bataillon de comman-dos en Sierra Leone. Les Etats-Unis ont étenduleur assistance logistique aux troupes de la Mis-sion. Le Canada a fourni des spécialistes militaireset de l’équipement pour accélérer le déploiementdes Casques bleus. Entre mai et juin 2000, plus de4.000 soldats de maintien de la paix débarquèrenten Sierra Leone – une augmentation de près de 50pour cent7. Plusieurs membres de la CEDEAOainsi que d’autres pays firent pression sur le prési-dent libérien Charles Taylor afin qu’il intercède enfaveur de la libération des Casques bleus détenusen otage.

2. Voir document des Nations unies S/RES/1181 (1998), 13juillet 1998.

3. Document des Nations unies S/RES/1270 (1999), 22octobre 1999.

4. Document des Nations unies S/2000/455, « Quatrièmerapport du Secrétaire général sur la Mission des Nations unies enSierra Leone », 19 mai 2000, para. 59.

5. Document des Nations unies S/RES/1299 (2000), 19 mai1999. La mission a été étendue à 11.100 soldats en février. Voirle document des Nations unies S/RES/1289 (2000), 7 février2000.

6. Document des Nations unies S/RES/1306 (2000), 5 juillet2000.

7. Le 30 avril, la force de la MINUSIL comportait 8.414soldats. Le 30 juin, elle s’élevait à 12.423 soldats. Ces chiffressont fournis par le Département des opérations de maintien de lapaix.

11LE RÉARMEMENT DE LA SIERRA LEONE

Reconnaissant le rôle crucial que jouent lesarmes légères et de petit calibre dans l’exacerba-tion des conflits, la communauté internationale etle Conseil de sécurité, parallèlement à leur missionde maintien de la paix en Sierra Leone, ont tenté dejuguler les flux d’armements déversés dans lepays. Bien avant la création de la MINUSIL, leConseil de sécurité réagissait au coup d’Etat de1997 en plaçant le pays sous une série de sanctionséconomiques et militaires, et de restrictions desdéplacements8. L’embargo sur les armes étaitamendé en juin 1998 après la réinstallation aupouvoir de Kabbah. Les sanctions furent finale-ment levées contre le gouvernement mais mainte-nues contre les forces rebelles9.

En octobre 1998, les Etats membres de laCEDEAO approuvaient un moratoire de trois anssur l’importation, l’exportation et la fabricationdes armes légères et de petit calibre dans l’ensem-ble de la sous-région. Parallèlement, un Programmede coordination et d’assistance pour la sécurité etle développement (PECASED) était créé afin desoutenir l’application du moratoire10.

En 1994, le ministère de la Défense tentad’introduire un registre des armes du RUF maissans succès11. Généralement, toute arme prise auxmains des rebelles était cédée aux unités locales del’armée régulière ou aux milices pro-gouverne-mentales. Les armes n’étaient pas envoyées àFreetown pour subir une enquête. Jusqu’il y a peu,le Comité des sanctions du Conseil de sécurité desNations unies n’a pas été particulièrement actif12.

1. Charles Taylor et le LiberiaLe soutien apporté par Charles Taylor au RUF

remonte à 1991. Leader du Front national patrio-tique du Liberia (National Patriotic Front of Libe-ria - NPFL), qui avait pris les armes contre legouvernement de Samuel Doe en décembre 1989,Taylor pensait que le RUF pouvait l’aider à ac-complir ses propres objectifs. Taylor voulait affai-blir l’ECOMOG qui contrecarrait ses tentatives deprendre le contrôle de Monrovia.

Le NPFL avait déjà pris position dans la capi-tale libérienne et se préparait à assiéger l’ExecutiveMansion où Doe s’était retranché lorsque les trou-pes de l’ECOMOG arrivèrent en août 1990, stop-pant ainsi l’offensive de Taylor. En soutenant leRUF, Taylor espérait détourner l’attention et lesressources que l’ECOMOG investissait au Libe-ria.

L’aide militaire de Taylor en faveur du RUFétait au départ très limitée. Dans les premièresannées de l’insurrection libérienne, elle consistaitgénéralement en un petit nombre d’armes légères

I. Les fournisseurs d’armeslégères et de petit calibreà la Sierra Leone

Armes légères et de petit calibre :une définition

Selon les Nations unies, les « armes de petit calibre »incluent les pistolets, les fusils, les mitraillettes, les fusilsd’assaut et les mitrailleuses légères. Les « armes légè-res » incluent les mitrailleuses lourdes, les lance-grena-des, les canons antiaériens et antichars portatifs, leslance-missiles antichars et antiaériens portatifs, lesmortiers de petit calibre et, enfin, les munitions et explo-sifs.

A. Les filières d’approvisionnementdu Front uni révolutionnaire

Peu d’informations concrètes sont disponiblessur les fournisseurs d’armes au RUF. Le gouverne-ment sierra-léonais a récupéré, au fil des années,environ deux cents armes appartenant au grouperebelle mais n’a jamais tenté de tracer leur originede manière méthodique.

8. Voir le document des Nations unies S/RES/1132 (1997),8 octobre 1997.

9. Document des Nations unies S/RES/1171 (1998), 5 juin1998.

10. Le moratoire, entré en vigueur le 1er novembre 1998,peut être levé de manière exceptionnelle moyennant l’accord desEtats membres de la CEDEAO. Sur l’historique du PECASED,voir, notamment, Jackie Seck, Moratoire ouest-africain sur lesarmes légères : Consultations de haut niveau sur les modalitésde la mise en œuvre du PECESED, UNIDIR, Genève, 2000.

11. Interview du général de brigade à la retraite K. O. Conteh,ancien Chef d’état-major, Armée sierra-léonaise (1994-95), 2juin 2000, Freetown.

12. Pour les deux rapports du Comité, voir les documents desNations unies S/1998/1236, 31 décembre 1998 et S/1999/1300,31 décembre 1999 qui présentent un « résumé factuel » de ses ac-tivités mais peu d’informations détaillées ni d’analyses politi-ques. Cette situation changea radicalement le 31 juillet 2000quand le Comité dut se soumettre à une audience sans précédentafin de s’expliquer devant le Conseil de sécurité au grand com-plet.

RAPPORT DU GRIP 2001/212

et de munitions. En fait, le RUF lui-même a fournidu matériel au NPFL pour l’offensive de Taylorcontre Morovia en octobre 199213.

Taylor continua d’approvisionner le RUF enarmes après son accession à la présidence duLiberia suite aux élections de juillet 1997 quimirent fin à la guerre civile, ainsi qu’après le départde l’ECOMOG du Liberia fin 199914. Il a doncfourni des armes au RUF au cours de la période degouvernement dirigé par l’AFRC, de mai 1997 àfévrier 1998.

L’importance des relations entre Taylor et leRUF est difficile à préciser. Selon des rapportscirconstanciés15, les fournitures libériennes d’ar-mes au RUF ne sont que le sommet de l’iceberg16.Les preuves sont cependant très minces. Les per-sonnes directement coupables de non-respect dessanctions sont en général peu loquaces quant àleurs activités.

La présence internationale sur la zone fronta-lière entre le Liberia et la Sierra Leone est réduiteet les travailleurs humanitaires actifs dans la ré-gion sont discrets quant aux activités militaires.Médecins sans Frontières (MSF), l’une des quel-ques organisations non gouvernementales (ONG)encore actives dans le district de Lofa, affirmaitqu’aucun de ses membres n’avait observé de con-vois ou d’activités louches le long de la frontière17.

Toutes les armes fournies au Liberia ne sont pasdestinées au RUF. Le Liberia restant sous embargodes Nations unies sur les armes18, Taylor a étéobligé de restituer des milliers d’armes, comme leprévoyait le programme de désarmement qui con-duisit aux élections de juillet 1997. Sous la pres-sion internationale, les armes collectées dans lecadre de ce programme furent détruites. Nombred’entre elles étaient neuves et encore emballées19.

Néanmoins, Taylor a non seulement été capa-ble de défier les embargos internationaux sur lesarmes mais a également réussi à s’accommoder delourdes contraintes logistiques. Ainsi, le Liberiamanque cruellement d’infrastructures et d’avions.Bien que la « flotte » aérienne du gouvernementne compte que deux petits hélicoptères légers Mi-2 récemment achetés à la Libye20, Taylor utilise lescompagnies d’aviation privées de la région21.

En dépit du mauvais état des routes reliant leLiberia et la Sierra Leone, et des difficultés qu’oc-casionne la saison des pluies de mai à septembre,

il est possible de transporter rapidement une grandequantité de marchandises, comme l’atteste la sai-sie de plus de 800 tonnes de biens humanitaires àKailahun dans le district de Lofa en août 199922.

De plus, l’« intercession» de Taylor dans lalibération des Casques bleus pris en otage en SierraLeone est loin de signifier un changement dans sesrelations avec le RUF. En dehors des raisons mili-taires que Taylor peut invoquer pour aider le RUF,les considérations économiques et sécuritaires as-surent à elles seules la pérennité des relations23.

Bien avant l’indépendance, le Liberia tiraitprofit de la vente des diamants sierra-léonais – audétriment de ce pays24. Cependant, la dépendancedu Liberia – ou plutôt de Taylor – vis-à-vis desdiamants de la Sierra Leone s’est ensuite accrue.

Taylor dépend d’un réseau enchevêtré d’orga-nisations de sécurité concurrentes pour contrôlerles menaces externes et internes et les activités

13. Ainsi, le RUF a fourni à Taylor un obusier pour l’ « Opéra-tion Octopus », nom de code de l’offensive. Interview du Colo-nel K. S. Mondeh, ancien membre suprême du Conseil, Conseilnational provisoire, 4 juin 2000, Freetown.

14. Un petit nombre de soldats de l’ECOMOG sont restés auLiberia afin de vérifier la destruction des armes légères collec-tées au cours du désarmement, lequel était officiellement ter-miné en octobre 1998.

15. Voir, notamment, ce que rapporte James Rupert dans TheWashington Post.

16. Interview d’un officier militaire occidental, juin 2000.17. Interview de Benoît Leduc, Coordinateur technique,

Médecins sans Frontières, 9 juin 2000, Monrovia.18. Document des Nations unies S/RES/788 (1992), 19

novembre 1992.19. Interview de Masimba Tafirenyika, Représentant politi-

que, Bureau de soutien au maintien de la paix des Nations uniesau Liberia, 7 juin 2000, Monrovia.

20. La Libye a également fourni à Taylor un jet présidentielFalcon pour certaines affaires officielles. Interviews de représen-tants des Nations unies, mai et juin 2000, Freetown et Monrovia.

21. Ainsi, en juin 2000, Taylor loua deux hélicoptères Mi-8aux Weasua Airlines afin de transporter les Casques bleus libérésvers Monrovia (alors qu’un avion des Nations unies devaitassurer leur transport).

22. L’identité des auteurs et des bénéficiaires du vol n’estpas connue. Selon des sources sûres, ce sont les Forces desécurité libériennes qui auraient mené l’attaque. Les avis diver-gent quant à l’identité des bénéficiaires, ainsi que sur le fait desavoir si les attaquants n’ont fait qu’exécuter des ordres - et sic’est le cas, à quel niveau ceux-ci ont été donnés. Interviews dereprésentants des Nations unies et d’ONG, juin 2000, Monrovia.

23. Interview de Ebou Camara, Représentant au Liberia duHaut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR),11 juin 2000, Monrovia.

24. Ian Smillie, Lansana Gberie et Ralph Hazleton, « TheHeart of the Matter : Sierra Leone, Diamonds & Human Security »,Parternship Africa Canada, janvier 2000, pp. 45-47.

13LE RÉARMEMENT DE LA SIERRA LEONE

respectives de ces sociétés. Mais il dispose de peude ressources pour payer ces services à cause de ladégradation de l’économie libérienne et de l’aideextérieure de plus en plus ténue25.

Ainsi donc, l’accès aux diamants sierra-léonaispermet à Taylor d’engranger des ressources finan-cières importantes qui assurent son pouvoir et sasolvabilité. Partnership in Africa, dans son rap-port intitulé The Heart of the Matter : SierraLeone, Diamonds & Human Security, atteste del’ampleur des profits réalisés par le Liberia dansses relations avec le RUF26. Selon RichardHolbrooke, Représentant permanent des Etats-Unis auprès des Nations unies, le commerce desdiamants rapporte annuellement au RUF au moins30 à 50 millions de dollars US – ces rentréespouvant atteindre 125 millions de dollars US. Lamajeure partie de ce commerce s’exerce via leLiberia27.

juillet 2000, que Taylor avait intensifié son soutienau RUF au cours des deux derniers mois. Selon lui,des cargaisons d’armes, de munitions, d’essence,de vivres et de médicaments sont régulièrementacheminées vers les zones contrôlées par le RUFpar hélicoptère à partir du Liberia31.

2. Les autres filièresa) La Libye

Le RUF bénéficie également d’une aide mili-taire apportée par la Libye. De nombreux rebellesdu RUF ont été entraînés dans ce pays32. Tripoliaurait effectivement fourni des armes au RUF.Certains documents attribués à Sankoh stipulentque la Libye aurait financé l’achat d’armes33.Ainsi, en 1995, le gouvernement sierra-léonaisfaisait main basse sur des armes en possession duRUF, notamment des boîtes de munitions sur

25. Ainsi, l’Union européenne annonçait en juin 2000 lasuspension de 48 millions de dollars US d’aide au développe-ment au Liberia. Voir Sierra Leone Web, 13 juin 2000, disponiblesur www.sierra-leone.org.

26. Ian Smillie, Lansana Gberie et Ralph Hazleton, « TheHeart of the Matter : Sierra Leone, Diamonds & Human Security »,Parternship Africa Canada, janvier 2000, p. 32.

27. Richard Holbrooke, Représentant permanent, Missionpermanente des Etats-Unis auprès des Nations unies à New York,« Statement before the UN Security Council’s ExploratoryHearing on Sierra Leone Diamonds », US UN Press Release, n°102(00), 31 juillet 2000.

28. Douglas Farah, « Liberia Reportedly Arming Guerrillas »,The Washington Post, 18 juin 2000, p. A21. Ces « missiles sol-sol » sont vraisemblablement des lances-roquettes. Interview deJakkie Potgieter, chercheur à l’Institute for Security Studies(Pretoria), 8 septembre 2000, Genève.

29. « Liberia Selling Arms for Diamonds », BBC News, 6juillet 2000. La BBC a ensuite fourni des copies des deuxdocuments. Voir « Sierra Leone : Document One », BBC News,18 juillet 2000 et « Sierra Leone : Document Two », BBC News,18 juillet 2000. Ces trois références sont disponibles sur Internetà news.bbc.co.uk.

30. « Sierra Leone : Document Two ».31. Stephen Pattison, Directeur du Département des Nations

unies, Bureau des affaires étrangères et du Commonwealth duRoyaume-Uni, « Statement before the UN Security Council’sExploratory Hearing on Sierra Leone Diamonds », 31 juillet2000 ; correspondance avec Catherine Mackenzie, Premièresecrétaire (presse), Mission permanente du Royaume-Uni auprèsdes Nations unies à New York, 15 août 2000.

32. Sankoh aurait effectivement rencontré Taylor en Libye.33. Le gouvernement sierra-leonais détient des copies de

lettres datées des 26 juin et 4 décembre 1996 qu’il affirme êtreadressées à l’ambassade libyenne du Ghana par Sankoh, danslesquelles celui-ci reconnaît avoir reçu 500.000 dollars US etdemande 1,5 millions de dollars US supplémentaires pour ache-ter des armes. Avec l’autorisation d’un diplomate occidental,mai 2000, Conakry.

Tandis que Taylor assurait la libération desCasques bleus détenus en Sierra Leone, il augmen-tait parallèlement son soutien au RUF. En juillet2000, les soldats du RUF sous le commandementde Sam Bockarie, étaient entraînés et casernés auLiberia. Ils étaient apparemment armés jusqu’auxdents, équipés de « missiles sol-sol », de fusilsd’assaut et de canons antichars28.

La BBC, sur base de documents de la policesierra-léonaise, rapportait que le 1er juin 2000, descargaisons d’armes légères, comprenant des lan-ces-grenades et des munitions AK-47 avaient étéexpédiées du Liberia à destination du RUF enSierra Leone29.

Taylor aurait également fourni au RUF 200soldats libériens bien armés, ainsi qu’une pièced’artillerie, apparemment de canon 40 mm30. Ste-phen Pattison, représentant du Bureau des affairesétrangères et du Commonwealth du Royaume-Uni, affirmait devant le Conseil de sécurité, le 31

Les diamants :meilleur allié des dictateurs ?

Chaque année, le commerce des diamants rapporteraitentre 30 et 125 millions de dollars US au RUF. Cestransactions passent principalement par le Liberia, ouplus précisément, par Charles Taylor qui dépend de plusen plus des revenus générés par les diamants sierra-léonais.

RAPPORT DU GRIP 2001/214

lesquelles figuraient des inscriptions en arabe,suggérant leur provenance34.

Selon le Jane’s Terrorism and Security Monitor,la Libye continue d’acheminer des armes vers leRUF. Des avions de transport libyens convoient lematériel vers le Burkina Faso et ensuite vers leLiberia. De là, les armes sont transportées parhélicoptère sur le territoire contrôlé par le RUF, àKailhun et Pendembu. De nombreux parachutagesà l’intérieur du territoire sierra-léonais ont égale-ment été effectués35.

b) La Côte-d’IvoireLa Côte-d’Ivoire soutient aussi le RUF. Cette

aide est le plus souvent indirecte, résultant dusoutien ivoirien en faveur de Taylor. L’ancienprésident Félix Houphouët-Boigny a protégé etassuré le passage à travers le pays de matériel deguerre destiné au NPFL. Si le successeur deHouphouët-Boigny, Henri Konan Bedie, ne parta-geait pas l’antipathie de l’ancien Président enversle président libérien Samuel Doe36, il a tout demême soutenu Taylor. Des rapports dignes de foiaffirment que le soutien ivoirien comprend égale-ment des livraisons aériennes au RUF37. L’aideque recevrait Taylor du général Robert Gueï, qui arenversé Bedie en décembre 1999, demeure quantà elle incertaine.

c) Le Burkina FasoLa plupart des armes destinées au RUF via le

Liberia débarquent d’abord sur le continent afri-cain au Burkina Faso. Dans une étude remarqua-ble, le Groupe d’experts des Nations unies enquê-tant sur le transport d’armes vers l’Union nationalepour l’indépendance totale de l’Angola (UniãoNacional Para a Independência Total de Angola –UNITA) affirme avoir reçu des informations selonlesquelles le Burkina Faso transbordait des armesnotamment vers l’UNITA38. Il est vraisemblableque le RUF bénéficie également de cette routed’approvisionnement.

Le Washington Post rapporte que le RUF aobtenu au moins cinq cargaisons d’armes du Bur-kina Faso en 1998 et 1999. Les armes furentacheminées directement vers le RUF en SierraLeone et indirectement via le Liberia39. SelonPattison, le Burkina Faso soutient également, etjusqu’à ce jour, le RUF par l’apport de soldats,

d’armes, d’entraînement et de conseillers militai-res burkinabés40.

d) L’UkraineLa plupart des armes destinées au RUF pro-

viennent d’Europe de l’Est, où des courtiers res-sortissants de l’Europe occidentale servent d’in-termédiaires. Les éléments de ces transactionsrestent souvent secrets41. L’une de ces venteséchappe cependant à la règle et révèle le fonction-nement typique des filières d’approvisionnementen armes destinées au RUF.

Human Rights Watch a révélé une livraisond’armes légères en provenance d’Ukraine vers leBurkina Faso en mars 1999. La transaction, quiportait sur une livraison de 67 tonnes de marchan-dises, fut conclue avec une firme installée à Gibral-tar. Cette firme passa à son tour un contrat avec unesociété établie au Royaume-Uni, intermédiaired’une compagnie ukrainienne de transport aérien.La livraison était suspecte car les forces arméesburkinabaises utilisent des armes légères occiden-tales. Kiev reconnut que l’Ukraine avait envoyédes armes au Burkina Faso, mais précisa qu’aucuneréexportation du matériel ne devait s’effectuer

34. Interview de Conteh, 2 juin 2000, Freetown.35. « International Terrorism becomes a Feature of Sierra

Leone’s War », Jane’s Terrorism and Security Monitor, 25juillet 2000, disponible sur CD-Rom.

36. Doe a assassiné Adolphus Tolbert, beau-fils deHouphouët-Boigny et fils du président libérien que Doe avaitrenversé – et tué – lors de son coup d’Etat de décembre 1980. Lafille d’Houphouët-Boigny se maria plus tard avec le présidentburkinabé Blaise Camporé. Cet exemple où une famille faitpartie de trois différents gouvernements illustre combien lesintrigues relationnelles peuvent influencer le (dés)équilibre dupouvoir politique.

37. Correspondance avec Peter C. Anderson, Editeur, SierraLeone Web, 19 août 2000.

38. Document des Nations unies S/2000/203, « Rapport duGroupe d’experts chargé d’étudier les violations des sanctionsimposées par le Conseil de sécurité à l’UNITA », 10 mars 2000,annexe, paras. 21 et 22.

39. James Rupert, « Diamond Hunters Fuel Africa’s BrutalWars ; In Sierra Leone, Mining Firms Trade Weapons andMoney for Access to Gems », The Washington Post, 16 octobre1999, p. A1 et Douglas Farah, « Rebels Get Arms ThroughBurkina Faso, Sources Say », The Washington Post, 6 mai 2000,p. A15.

40. Pattison, « Statement before the UN Security Council’sExploratory hearing on Sierra Leone Diamonds ».

41. Pour un rapport sur les réseaux de marchands d’armes etd’intermédiaires, voir Brian Wood et Johan Peleman, « TheArms Fixers : Controlling the Brokers and Shipping Agents »,PRIO Report 3/99 et BASIC Research Report 99.3, Oslo, Inter-national Peace Research Institute, 1999.

15LE RÉARMEMENT DE LA SIERRA LEONE

sans son accord, ce qui n’avait pas été fait dans cecas42.

e) Autres pays de l’ancien bloc de l’Est

Lorsque ce statu quo est menacé, le RUF netarde pas à réagir. Dans la région guinéenne deForécariah, par exemple, le RUF a attaqué lescamps de réfugiés de Moola et de Tassin en avrilet mai 1999, visant essentiellement les soldats etles représentants guinéens du gouvernement. Aucunréfugié n’a été blessé (bien que les représentantslocaux de Moola ripostèrent en rasant le camp)45.Le but, tout au moins en ce qui concerne l’attaquede Moola, était de sanctionner les fonctionnairescorrompus qui ne fournissaient pas les armescomme convenu46.

3. Le gouvernement sierra-léonaisLe RUF a également bénéficié de quantités

considérables d’armes prises au gouvernementsierra-léonais. Le colonel K. S. Mondeh, ancienmembre du Conseil suprême lors du NPRC, recon-naît que le RUF « prospérait grâce aux armes qu’ilsaisissait à l’armée lors des embuscades ». Il ajouteque les rebelles récupéraient aussi les armes aban-données par l’armée régulière47.

La corruption généralisée au sein du gouverne-ment et des forces armées de la Sierra Leonerapportait également au RUF des quantités d’ar-mes importantes. Selon Mondeh, les soldats del’armée sierra-léonaise, notamment des officiers,vendaient quelquefois leurs armes au RUF48. Lacorruption atteignait vraisemblablement les ni-veaux hiérarchiques les plus élevés. Ainsi, MaadaBio, qui devint président en janvier 1996, affirmaitavoir renversé Strasser parce que celui-ci ne tenaitpas sa promesse d’organiser des élections. Mais ilest plus que probable que Maada Bio avait passé unaccord avec Sankoh afin d’assurer le maintiend’un statu quo dont les deux parties tiraient profit.

42. Voir « Neglected Arms Embargo on Sierra Leone RebelsBriefing Paper », Human Rights Watch, 15 mai 2000, disponibleà www.hrw.org.

43. David Leppard et al., « British Firms Arming SierraLeone Rebels », Sunday Times (Londres), 10 janvier 1999,disponible via Lexis-Nexis.

44. Holbrooke, « Statement before the UN Security Council’sExploratory hearing on Sierra Leone Diamonds ».

45. Interview de Senaï Terrefe, Officier de protection, HCR,25 mai 2000, Conakry.

46. Interview d’un représentant d’ONG, 22 mai 2000, Co-nakry.

47. Interview de Mondeh, 4 juin 2000, Freetown.48. Ibid.

A côté des armes ukrainiennes, le RUF auraitégalement reçu des armes en provenance de laBulgarie et de la Slovaquie. En janvier 1999, lacompagnie britannique Sky Air Cargo et la compa-gnie belge Occidental Airlines ont convoyé desarmes de Bratislava vers la Gambie et le Liberia,où un avion d’une troisième compagnie les ache-mina vers Kenema en Sierra Leone à destinationdu RUF43. Selon le gouvernement des Etats-Unis,en juillet 1999, un négociant en diamants installéen Sierra Leone organisa pour le compte de laContinental Aviation Company basée à Dakar letransport de 68 tonnes d’armes de la Bulgarie versle RUF44.

f) La GuinéeLe RUF a également reçu des armes de la

Guinée, en petites quantités et sans que cet appro-visionnement ne fasse partie d’une politique offi-cielle de soutien aux rebelles. Les preuves de cestransactions font défaut et les représentants dugouvernement à Conakry minimisent les traficsd’armes signalés le long de la frontière avec laSierra Leone.

D’après les représentants du Haut Commissa-riat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), lesréfugiés sierra-léonais qui vivent dans les campsen Guinée ne sont pas armés. Cependant, l’arméeguinéenne confisque régulièrement des armes auxrebelles sierra-léonais, aux soldats du gouverne-ment et aux milices pro-gouvernementales quitraversent la frontière.

Les travailleurs humanitaires de la zone fronta-lière reconnaissent quant à eux qu’une politiqueofficieuse de laissez-faire existe et que les repré-sentants locaux, les militaires et la police traitentrégulièrement avec le RUF qui contrôle pratique-ment tout le nord de la Sierra Leone.

En juillet 1999, un négociant en diamants installé enSierra Leone organisa pour le compte de la ContinentalAviation Company basée à Dakar le transport de 68tonnes d’armes de la Bulgarie vers le RUF.

RAPPORT DU GRIP 2001/216

La semaine précédant les élections prévues enfévrier 1996, des représentants de Maada Bio et deSankoh entamèrent des pourparlers de paix enCôte-d’Ivoire. Sankoh proclama ne vouloir négo-cier qu’avec Maada Bio et ignorer les résultats desélections. Selon certains témoignages, l’arméerégulière s’évertua davantage encore que le RUF àfaire capoter le processus électoral, mais sanssuccès49.

4. L’ECOMOGLe RUF a également obtenu des armes en

s’appropriant celles des troupes de l’ECOMOG.Les Nigérians furent dépossédés d’importantesquantités d’armes légères et de munitions quitombèrent aux mains du RUF au cours de laprogression des rebelles vers Freetown. En décem-bre 1998, le RUF mit en déroute l’ECOMOG àKono, où la force ouest-africaine avait stationné lamajeure partie de son matériel, faisant main bassesur toutes ses armes, dont notamment trois tanks50.Des armes légères auraient également été prises àl’ECOMOG lors de certaines embuscades aprèsque le RUF ait été bouté hors de la capitale. Ainsi,le 18 janvier 2000, les rebelles du RUF désar-maient 14 soldats de l’ECOMOG51.

Certains soldats de l’ECOMOG auraient égale-ment vendu leurs armes aux forces rebelles. Uncommandant de l’ECOMOG reconnaît que desventes ont eu lieu au Liberia52. Selon un chefrebelle du RUF, ses hommes auraient reçu desarmes et des munitions des soldats nigérians del’ECOMOG contre de l’argent liquide, des dia-mants, de la nourriture et des médicaments53.

En outre, les circonstances entourant la perte,en septembre 1999, de l’équipement du bataillonguinéen servant sous la bannière de l’ECOMOGrestent inexpliquées. Cependant, à la lumière d’unincident survenu ultérieurement dont il est ques-tion plus bas, il est possible que les armes aient puêtre vendues. A côté du matériel de communica-tion et de deux véhicules, les Guinéens furentdépouillés de 46 fusils AK-47, de 14 pistolets et de15 boîtes de munitions 7.62 mm54.

Toutes les armes prises à l’ECOMOG ne sontpas tombées aux mains des rebelles. Selon untémoin oculaire, à la fin janvier 1999, des soldatsde l’ancienne armée gouvernementale ont tenduune embuscade à une colonne de soldats guinéens

et saisirent toute une remorque d’armes légères etde munitions. Le commandant de l’ancienne ar-mée avait de tout d’abord assuré aux Guinéensqu’ils pouvaient sans crainte traverser la zone sousson contrôle mais était revenu sur sa promesse enconstatant que ses soldats commençaient à man-quer de munitions55.

L’AFRC fit également main basse sur desarmes appartenant au bataillon malien del’ECOMOG. Les armes furent saisies au coursd’une attaque en mai 1999, près de Port Loko.Elles furent ensuite utilisées par les forces deJohnny Paul Koroma contre le RUF en mai 200056.

5. La MINUSILC’est le contingent guinéen qui fut le premier

dépossédé de ses armes57. Aucun des observateursmilitaires de la MONUSIL (la première Missiond’observation des Nations unies en Sierra Leone)n’était armé. Le contingent kenyan, le premier àavoir été déployé dans le cadre de la MINUSIL,n’arriva sur place que le 29 novembre 1999. Quantaux premiers incidents qui se sont produits àSegbwena et Buedu et au cours desquels le RUF adétenu en otage des Casques bleus, aucun n’adonné lieu à une saisie d’armes.

49. Ian Douglas, « Fighting for Diamonds : Private MilitaryCompanies in Sierra Leone », dans Jakkie Cilliers et PeggyMason (eds), Peace, Profit or Plunder ?: The Privitisation ofSecurity in War-torn African Societies, Halfway House, Institutefor Security Studies, 1999, pp. 184-185.

50. Abdel-Fatau Musah, « A Country Under Siege : StateDecay and Corporate Military Intervention in Sierra Leone »,dans Abdel-Musah et J. Kayode Fayemi (eds), Mercenaries : AnAfrica Security Dilemma, Londres, Pluto Press, 2000, p. 109.

51. Document des Nations unies S/2000/186, « Troisièmerapport du Secrétaire général sur la mission des Nations unies enSierra Leone », 7 mars 2000, para. 11.

52. Gibril Gbanabome, « ECOMOG Sold Weapons to RebelsArnold Quainoo », Africa News Service, 20 janvier 1999, dispo-nible à www.nisat.org.

53. Voir The NINJAS, 28 janvier 1999, disponible àwww.sierra-leone.cc/news128.html. Référence fournie par PeterC. Anderson.

54. Document interne de la MINUSIL, février/mars 2000.55. Correspondance avec Corinne Dufka, Chercheur, Human

Rights Watch, 15 août 2000.56. Interview par téléphone de Zainab Bangura, coordinatrice

de la Campagne pour la bonne gouvernance, 25 juillet 2000.57. Les Nations unies ont précisé que les Guinéens n’étaient

pas sous le commandement de la MINUSIL lorsque l’incidents’est produit car ils n’étaient pas encore officiellement arrivés àdestination. De manière générale, cependant, les Nations uniessont responsables de l’équipement des pays contributeurs lors deleur déplacement vers la zone de mission.

17LE RÉARMEMENT DE LA SIERRA LEONE

Le 10 janvier 2000, un petit groupe de rebellesdu RUF immobilisait un détachement du bataillonguinéen parti en reconnaissance près de Kambia.L’unité fut privée de ses armes qui comprenaienttrois véhicules blindés (chacun muni d’une mi-traillette 14.5 mm et 12.7 mm)58, une mitrailleuseà propulsion automatique, une mitrailleuse anti-char, une arme antichar, 485 fusils AK-47, dixmortiers 82 mm, 24 mitrailleuses légères, 20 gre-nades pour lances-roquettes et 30 pistolets59. Aumoins deux tonnes de munitions furent égalementsaisies60.

Il est vraisemblable que la troisième saisied’armes d’un contingent en provenance de la Gui-née résulte d’une transaction commerciale. Offi-ciellement, le RUF « fit main basse » sur les armesdétenues par le bataillon guinéen61. Cependant,plusieurs représentants occidentaux, ainsi que desreprésentants des Nations unies et de la MINUSIL,sont d’un tout autre avis. D’un point de vuestratégique, ils font remarquer qu’aucune raisonmilitaire ne motive le déplacement du matérield’un bataillon vers le front en compagnie d’uneunité de reconnaissance.

Selon les mots d’un observateur bien informé,« soit les Guinéens ont été vraiment, vraimentstupides, soit un accord avait été passé »62. Leconsensus officieux consiste à dire que, si lapremière thèse ne peut être écartée, quelqu’un asans doute été soudoyé. Personne ne se hasarde àémettre d’hypothèse quant au niveau de décision,mais personne ne remonte en tous cas jusqu’auprésident guinéen Lansana Conteh lui-même.

Il semble également qu’au moins un lance-roquette à lancements multiples faisait partie del’équipement volé. On ne sait pas si le RUF a reçuun ou deux systèmes BM-21 de canon 40 mm desGuinéens. On ne sait pas non plus si les armesétaient opérationnelles.

Cependant, par la suite, les Casques bleus del’ONU furent dépossédés de leurs armes lors d’ac-tions hostiles. Ainsi, des unités du bataillon ke-nyan sont tombées deux fois dans des embuscadesen janvier 2000. Le Secrétaire général a attribué lepremier incident impliquant des Kenyans à l’ex-armée sierra-léonaise63 mais la MINUSIL, entreautres, accuse le RUF. Au total, le RUF s’est em-paré de huit fusils G-3, d’un pistolet et de plusieurscentaines de munitions pour armes légères64.

Comme pour l’ECOMOG, toutes les embusca-des ne furent pas montées par le RUF. En avril2000, dans la région des monts Occra, contrôléepar les forces fidèles à Johnny Paul Koroma, ungroupe d’hommes armés provenant apparemmentde l’ex-armée sierra-léonaise a attaqué cinq sol-dats de la paix nigérians de la NIMUSIL et s’estemparé de leurs armes65. En juin, un soldat de lapaix jordanien s’est vu délesté de son arme dans lamême région66.

L’incident le plus grave concerne la détentiondu contingent zambien, le 2 mai 2000. Le com-mandant de la Force de la MINUSIL avait envoyéce bataillon pour soutenir les soldats de la paixkenyans assiégés à Makeni. Peu avant que lesZambiens n’atteignent Makeni, le RUF réussissaità les encercler et à les désarmer. Les Casques bleusfurent finalement libérés, mais sans leur équipe-ment. Afin de minimiser l’incident, et d’assurer lasécurité des otages, les représentants de laMINUSIL négligèrent de préciser ce qui tombaeffectivement aux mains des rebelles. D’une ma-nière générale, on pense que le bataillon fut dé-pouillé d’environ 500 fusils AK-47, de quelquesdizaines de mitraillettes, de mortiers et de plu-sieurs tonnes de munitions pour armes légères.

Le bataillon kenyan a été également dessaisi degrandes quantités de matériel au profit du RUF.Les représentants de la MINUSIL louent le cou-rage des soldats kenyans qui ont combattu lors deleur retour à Freetown avec une force de feuminimale et peu de munitions, contre les nom-breux barrages routiers dressés par le RUF. Unofficier a fait remarquer que même les Kenyansblessés sont parvenus à rentrer avec leur arme àfeu. Pourtant, le Ministre kenyan de la Défense,Julius L. Sunkuli, décrit plus sobrement ce que lesKenyans ont laissé au RUF. Le Ministre souligne

58. Interviews de représentants de la MINUSIL, juin 2000,Freetown.

59. Document interne de la MINUSIL, février/mars 2000.60. Au moins un camion de 5 tonnes, d’une capacité de

chargement de 2,5 tonnes, aurait chargé des munitions pourarmes légères.

61. Document des Nations unies S/2000/186, para. 11.62. Interview d’un officier militaire occidental, mai 2000.63. Document des Nations unies S/2000/186, para. 11.64. Document interne de la MINUSIL, février/mars 2000.65. Document des Nations unies S/2000/455, para. 19.66. Interview par téléphone de Dufka, 15 août 2000.

RAPPORT DU GRIP 2001/218

que son pays est « pauvre et (que) perdre cettequantité d’équipement n’est pas vraiment honora-ble »67. Les Kenyans perdirent huit blindés, cha-cun équipé d’une mitrailleuse 12.7 mm, dix autresmitrailleuses de calibres divers et 33 fusils G-368.

Les Casques bleus nigérians de la MINUSILont également été dépouillés par le RUF. Ils furentdessaisis de leurs armes à Mange en avril 200069.Un incident plus grave s’est produit le 3 mai àKambia, au cours duquel une compagnie de Nigé-rians fut détenue et dépouillée de ses armes70.

Le contingent indien, particulièrement bienéquipé et discipliné, a également perdu des armesau profit du RUF. Le détachement de 21 soldats dela paix indiens basés à Kuiva, qui tomba aux mainsdu RUF en mai 2000 et fut ensuite déplacé àPendembu, a été lui aussi dessaisi de toutes sesarmes. Par contre, un autre groupe de plus de 200Casques bleus indiens, accompagnés de 11 obser-vateurs militaires des Nations unies, que le RUFencercla à Kailahun au cours du même mois, nefurent pas désarmés.

B. Les filières d’approvisionnementdu gouvernement sierra-léonais

1. Avant mars 1991Au début de la guerre civile, l’armée sierra-

léonaise (SLA) était réduite et peu armée. Au coursde ses dix-sept ans à la tête du gouvernement, de1968 à 1985, le président Siaka Stevens avaitdélibérément contenu la taille de l’armée – àenviron 2.000 soldats – et limité ses réserves demunitions71. Selon le major-général à la retraite J.S. Gottor, ancien chef d’état-major du Quartiergénéral militaire, en mars 1991, l’armée n’étaitconstituée que d’environ 3.000 hommes, dontseulement 800 à 900 constituaient véritablementune force combattante72. En outre, près de la moitiédes mieux entraînés et équipés se trouvaient endehors du pays lorsqu’éclata la rébellion. Quelque350 soldats servaient dans les troupes del’ECOMOG au Liberia. Une trentaine d’autresprenaient part à l’opération « Tempête du désert »menée par les Etats-Unis afin de libérer le Koweïtde l’emprise irakienne.

Le pays ne possédait que peu d’armes et cellesdont il disposait étaient généralement en piteuxétat, parce que vieilles et mal entretenues. Ainsi, la

plupart des blindés suisses Mowag ne furent opé-rationnels qu’en 1991. Même les armes légères del’armée n’étaient pas en bon état de fonctionne-ment73.

Le gouvernement reçut quelque 6.000 fusils G-3 du Royaume-Uni et du Nigeria durant les années1970 et 80. Ces armes sont puissantes et précisesmais nécessitent parallèlement davantage de soinspour fonctionner correctement74. C’est pourquoiles soldats préféraient utiliser des fusils AK-47 quiprésentent certains avantages, dont le fait de pos-séder un canon chromé, plus résistant à la pluie età l’humidité que les canons à base d’acier forgé.

Le gouvernement tenta donc de se procurer desAK-47 en grande quantité et, en 1990, Freetownconcluait un accord avec la Chine à cet effet75.Selon un ancien chef d’état-major de l’arméesierra-leonaise, le brigadier-général à la retraite K.O. Conteh, la livraison chinoise s’élevait à environ1.000 fusils de type AK-47 et leurs munitions76.

La Chine fournit à la Sierra Leone davantageque des fusils. Conteh se souvient que, en plus desAK-47, le chargement comportait 50 mitrailleusesainsi que de nombreux lance-grenades automati-ques et des grenades77. Le major-général à laretraite Gottor confirme ces informations, ajoutantque les Chinois ont également fourni 10 canonsantiaériens doubles montés sur roues et un assor-timent de mortiers de 60, 82 et 120 mm. Selon lui,les munitions qui accompagnaient la livraison

67. Sierra Leone Web, 23 mai 2000, disponible à www.sierra-leone.org.

68. Correspondance avec le lieutenant-colonel Haggai Dulo,conseiller militaire, Mission permanente du Kenya auprès desNations unies à New York, 16 octobre 2000. Le Kenya futégalement dépossédé d’équipement de communications, de gé-nérateurs et d’une vingtaine de véhicules. Ibid.

69. Document des Nations unies S/2000/455, para. 61.70. Ibid.71. Comfort Ero, « Sierra Leone’s Security Complex », The

Conflict, Security & Development Group Working Paper n° 3,Londres, Centre for Defence Studies, juin 2000, p. 18.

72. Interview du major-général à la retraite, J. S. Gottor,ancien Chef d’état-major, armée sierra-léonaise (1992-1994), 3juin 2000, Freetown. On tenta de créer un second bataillon maisces efforts tardèrent à se concrétiser. Ibid.

73. Interview de Conteh, 2 juin 2000, Freetown.74. Interview de Gottor, 3 juin 2000, Freetown.75. Ibid.76. Interview de Conteh, 2 juin 2000, Freetown.77. Ibid.

19LE RÉARMEMENT DE LA SIERRA LEONE

étaient « très nombreuses ». Le chargement arrivaà destination au cours du premier semestre 199178.

2. Entre mars 1991 et avril 1992Malgré ses ressources limitées, le gouverne-

ment put s’assurer des fournitures importantesd’armes et de munitions dans les mois qui suivi-rent immédiatement le début de la rébellion. LaGuinée offrit plusieurs chargements de munitionsà la Sierra Leone qui, pour la plupart, n’étaient pasen très bon état. Conakry fournit également desformateurs pour les deux pièces d’artillerie qui setrouvaient dans l’arsenal du gouvernement79. Enoutre, la Sierra Leone reçut gratuitement de l’Egypteune cargaison de munitions, qui comprenait 80boîtes de munitions AK-47 (1.500 munitions de7.62 par boîte)80.

3. De mai 1992 à février 1996Malgré une augmentation du nombre de ses

soldats, l’armée régulière sous le NPRC ne semontra pas beaucoup plus efficace contre le RUFet compta de plus en plus sur d’autres pays pourl’aider à combattre les rebelles. Jusqu’en avril1994, l’armée comptait 12.000 à 13.000 soldats85.Mais son moral, son entraînement et sa logistiquerestaient déficients.

Le NPRC se tourna alors vers les troupesguinéennes et nigérianes. La contre-offensive s’avé-rant tout aussi inefficace, le gouvernement enga-gea les services de compagnies privées de sécu-rité : d’abord, la Gurkha Security Guards Limited(GSG)86 et, ensuite, Executive Outcomes (EO). Legouvernement commença aussi à armer officielle-ment les milices civiles87.

La méthode d’approvisionnement en armes semodifia sous le gouvernement du NPRC. La plu-part des armes provenaient désormais de Rouma-nie, de Russie et d’Ukraine, via un intermédiaire.La Roumanie a notamment livré des lance-grena-des à roquettes propulsés SPG-9, 75 à 100 lances-grenades automatiques, diverses mitrailleuses lé-gères et lourdes, plusieurs mortiers de 60 à 120 mmet environ 1.000 fusils dont près de 500 de type M-16 avec des lances-grenades.

La Russie a livré à la Sierra Leone dix blindéset dix véhicules amphibiens BPM-2. Les systèmes

De tous les bienfaiteurs de la Sierra Leone, leNigeria s’est avéré le plus généreux. Ce pays afourni quelque 2.500 fusils et d’importantes quan-tités de munitions. Les armes étaient usagées etdans un état douteux, mais elles étaient gratuites.La largesse du président nigérian IbrahimBabangida avait cependant des limites. Sur based’une rumeur selon laquelle la Sierra Leone auraitacheté des armes à la Russie ou à l’Ukraine pour500.000 dollars US, le Nigeria refusa la livraisond’armes supplémentaires demandées par la SierraLeone81. En fait, la transaction à laquelle Babangidafaisait référence ne se concrétisa jamais. Le gou-vernement, qui opérait via un homme d’affaires dupays, commença à se méfier de l’intermédiaire etstoppa la transaction82.

Le gouvernement s’est montré moins prompt àassurer la bonne volonté de ses forces armées. Pourfaire face à la rébellion, le président Momohdoubla ses effectifs et l’armée s’élevait, en avril1992, à tout au plus 5.000 hommes83. Cependant,les gages médiocres et l’effort de guerre insuffi-sant conduisirent tout droit au coup d’Etat de mai199284.

De tous les bienfaiteurs de la Sierra Leone, le Nigerias’est avéré le plus généreux. Ce pays a fourni quelque2.500 fusils et d’importantes quantités de munitions.

78. Interview de Gottor, 3 juin 2000, Freetown.79. Interview de Mondeh, 4 juin 2000, Freetown.80. Interview de Gottor, 3 juin 2000, Freetown.81. Interview de Conteh, 2 juin 2000, Freetown.82. Interview de Gottor, 3 juin 2000, Freetown.83. Ibid.84. Des soldats blessés devaient apparemment assumer eux-

mêmes leurs soins médicaux. Correspondance avec Anderson,19 août 2000.

85. Interview de Gottor, 3 juin 2000, Freetown.86. Pour un compte-rendu du court séjour de GSG en Sierra

Leone, voir Alex Vines, « Gurkhas and the Private SecurityBusiness in Africa », dans Cilliers et Mason (eds), Peace, Profitor Plunder ?: The Privatisation of Security in War-torn AfricanSocieties, pp. 129-132.

87. Précédemment, les soldats de la SLA auraient, de leurpropre initiative, souvent « donné » leur fusil G-3 délivré par legouvernement aux Kamajors et à d’autres milices pro-gouverne-mentales, en échange des AK-47 tant convoités. Interview deConteh, 2 juin 2000, Freetown.

RAPPORT DU GRIP 2001/220

en provenance de l’Ukraine comprenaient deuxhélicoptères, un Mi-17 de transport et un Mi-24 decombat, qui ont constitué les premiers éléments del’armée de l’air. Le gouvernement n’a pas reçud’équipement naval significatif.

La Chine a fourni gratuitement une livraisond’armes légères88. Selon Gottor, le nombre total defusils AK-47 achetés sous le NPRC peut s’éleverà 4.000. Il n’en est pas certain, dit-il, car le NPRCachetait du matériel sans consulter ni en aviser leQuartier général militaire89.

4. De mars 1996 à février 1998Les pratiques gouvernementales d’approvision-

nement en armes n’ont pas beaucoup varié sousKabbah. Il utilisait le même intermédiaire que leNPRC, le négociant en diamants Serge Müller.Kabbah donnait à Müller une somme d’argent enéchange de nouvelles armes mais, au début, Müllerrefusa d’honorer la commande, arguant que legouvernement sierra-léonais lui devait toujours lepaiement de livraisons antérieures. Kabbah reçutfinalement quelques armes légères et des muni-tions via Müller, qui insista de nouveau sur la dettedu gouvernement à son égard. Il a récemment portécette affaire devant les tribunaux sierra-léonais90.

Le gouvernement a également reçu des armesde Executives Outcomes. En janvier 1997, lesrelations que le gouvernement entretenait officiel-lement avec EO prirent fin. A contrecœur, Kabbahchoisit de mettre un terme au contrat à la demandede Sankoh afin de conclure l’accord de paix denovembre 1996 entre le gouvernement et le RUF.Sur le point de partir, EO fournit au gouvernementquelques armes légères91. EO avait à ce momentdes difficultés à se procurer des armes. La firmereçut au moins une livraison en provenance de laBulgarie mais celle-ci ne contenait pas plus de dixtonnes de marchandises92.

Lorsque Kabbah était en exil à Conakry, ildemanda l’aide de la compagnie britanniqueSandline International. Sandline organisa une li-vraison de 35 tonnes d’armes bulgares afin d’aiderl’ECOMOG à réinstaller le président Kabbah aupouvoir. Une compagnie de transport aérien bri-tannique, Sky Air, transporta ce chargement de laBulgarie au Nigeria, le 22 février 1998 et duNigeria en Sierra Leone le lendemain. Il est diffi-cile de savoir si cet équipement a pu être distribué

aux milices sierra-léonaises et si oui, dans quellesproportions. Certaines armes auraient été distri-buées aux Kamajors. La plupart, si pas toutes,auraient été saisies par les troupes nigérianes del’ECOMOG93. Selon un officier militaire nigé-rian, Abuja les aurait finalement restituées commecela était prévu94.

A côté de la razzia des arsenaux d’Etat, l’AFRCreçut un nombre important d’armes des partisanstraditionnels de son allié, le RUF. L’AFRC nepouvant utiliser le principal aéroport du pays pourrecevoir des armes95, il développa les infrastructu-res de l’aéroport de Magburaka. Deux ou troisAntonov-24 au moins atterrirent à Magburaka enoctobre et novembre 1997 en provenance du Bur-kina Faso via le Liberia. Les cargaisons compre-naient diverses armes légères et de petit calibre et,selon certains observateurs, des missiles antiaé-riens Blowpipe96.

5. Entre mars 1998 et juillet 2000

88. Interview de Mondeh, 4 juin 2000, Freetown.89. Interview de Gottor, 3 juin 2000, Freetown.90. Interviews par téléphone d’observateurs informés, 4 juin

2000, Freetown et 16 août 2000.91. Selon plusieurs rapports, EO a armé et entraîné les

Kamajors. Voir, par exemple, Khareen Pech, « ExecutivesOutcomes – A Corporate Conquest », dans Cilliers et Mason(eds), Peace, Profit or Plunder ?: The Privatisation of Securityin War-torn African Societies, p. 94. Mais selon un autre compte-rendu, EO ne fit que permettre de temps en temps aux Kamajorsd’accompagner ses hommes. Les Kamajors collaboraient aussiparfois avec la SLA, qui était entraînée par EO. Toutes les armesque les Kamajors ont reçu provenaient du gouvernement sierra-léonais et non pas de EO. Correspondance avec un observateurinformé, 5 septembre 2000.

92. Interviews d’observateurs bien informés, 24 août 2000 et4 septembre 2000, par téléphone.

93. Human Rights Watch, « Bulgaria : Money Talks, ArmsDealing with Human Rights Abusers », Human Rights WatchReport, vol. 11, n° 4, avril 1999, pp. 49-51.

94. Ed O’Loughlin, « Sandline Scandal Arms Shipmentreaches Forces », The Independent, 22 mai 2000, disponible àwww.independent.co.uk.

95. Tout au long du gouvernement de l’AFRC, les soldats del’ECOMOG ont contrôlé l’aéroport de Lungi, qui dessert lacapitale Freetown.

96. Interview par téléphone d’un observateur informé, 16août 2000.

Depuis l’amendement des sanctions imposées par lesNations unies en 1998, le Royaume-Uni est devenu leplus grand fournisseur d’armes de la Sierra Leone.

21LE RÉARMEMENT DE LA SIERRA LEONE

Le Royaume-Uni est devenu le plus grandfournisseur d’armes de la Sierra Leone depuisl’amendement des sanctions imposées par lesNations unies en 1998. En octobre 1999, leRoyaume-Uni annonçait son intention de fournirau gouvernement sierra-léonais 132 mitrailleuseslégères avec 2 millions de munitions, 7.500 fusils,800.000 munitions d’ « entraînement », 24 mor-tiers de 81 mm avec 2.000 munitions et diverséquipements, dont des uniformes et des bottespour 3.000 soldats97. En mai 2000, Londres fournitencore 10.000 fusils SLR98. En juin s’ajoutèrent 5millions de munitions et 4.000 mortiers99. Enjuillet, Londres annonçait une autre livraison de 5millions de munitions à la Sierra Leone100.

La Chine poursuit également ses livraisonsd’armes au gouvernement sierra-léonais. Dans lesannées 70 et 80, le pays avait fourni quelquesarmes légères mais, selon plusieurs sources, sonapport récent a été plus généreux. Annoncé ennovembre 1998, le chargement est arrivé à destina-tion aux environs d’avril 1999 et comprenait diffé-rentes armes légères et de petit calibre101. Le criantbesoin d’armes de Freetown n’explique qu’enpartie l’attitude de la Chine. La raison est égale-ment à rechercher dans les relations que Taylor

97. « Defense & Foreign Affairs : Strategic Policy », Inter-national Media Corporation, avril 2000, disponible via Lexis-Nexis. Un témoin bien informé pense, cependant, que le gouver-nement sierra-léonais a reçu une cargaison de matériel beaucoupplus réduite que ce dont il est fait mention ici. Correspondanceavec un observateur informé, 22 août 2000.

98. « Britain Sending More Bullets to Sierra Leone », TheGuardian, 14 juillet 2000, disponible à www.nisat.org.

99. Correspondance avec Tamsin Burfitt, Bureau des affai-res étrangères et du Commonwealth du Royaume-Uni, 10 juillet2000.

100. « Britain Sending More Bullets to Sierra Leone », TheGuardian, 14 juillet 2000, disponible à www.nisat.org.

101. Interview d’un observateur informé, 4 juin 2000, Free-town.

102. « Handing Over Note by Commander OC Medani »,DHQ/SL/109/4/A, mai 2000.

entretient avec Taiwan. Pékin ne veut pas voirMonrovia étendre son influence dans la région.

D’autres pays ont offert des armes à la SierraLeone. L’Afrique du Sud a notamment proposéd’entraîner et d’équiper un escadron de transmis-sions et a promis de doter l’armée gouvernemen-tale d’équipement militaire, de matériel et d’uni-formes. Une compagnie bulgare s’est proposée deprêter à la Sierra Leone 3,75 millions de dollars USafin d’acheter des armes102. En juillet 2000, aucunede ces offres ne s’était concrétisée.

RAPPORT DU GRIP 2001/222

A. Des armes retirées de la circulation…

Différentes initiatives ont vu le jour afin deretirer de la circulation les armes légères mais peud’armes ont été effectivement restituées ou repri-ses. Le gouvernement a tenté officiellement et demanière structurée d’aborder le problème que posela prolifération des armes légères en créant leprogramme de désarmement, démobilisation etréintégration (DDR) en Sierra Leone. Les troupesde l’ECOMOG ont aussi repris des armes au RUFet à l’AFRC en dehors du cadre de ce programmemais sans en rendre compte systématiquement.Quant à la MINUSIL, elle espérait reprendre lesarmes dont ses Casques bleus avait été dépossédés.En fin de compte, aucune de ces initiatives n’aconnu un franc succès.

1. Les armes collectées dans le cadredu programme de DDR

Le programme de DDR du gouvernement sierra-léonais a débuté avant la signature de l’Accord deLomé. A la suite de la contre-offensive del’ECOMOG en février 1998, plusieurs milliers derebelles et d’anciens soldats du gouvernement sesont rendus ou ont été faits prisonniers. Environ3.000 d’entre eux ont refusé l’offre du gouverne-ment de rejoindre les forces de l’Armée sierra-léonaise pour combattre aux côtés de l’ECOMOG.Ces soldats ont donc constitué les tout premierscandidats à un programme de désarmement, dirigépar la Commission nationale de désarmement,démobilisation et réintégration (CNDDR), crééeen juillet 1998. Ils furent tous désarmés, maisseulement 1.400 d’entre eux obtinrent un certificatde réinsertion. Les autres réussirent à s’enfuirdurant l’offensive rebelle sur Freetown en janvier1999103.

Le programme de DDR prévu par l’Accord deLomé eut bien du mal à démarrer. Le désarmementdevait commencer six semaines après la signaturede l’accord104. Mais, le 18 août, le désarmementn’avait pas encore débuté. Plusieurs facteurs sontà l’origine de ce retard : le soutien mitigé desdonateurs, les lacunes administratives, les retards

dans le déploiement des soldats de maintien de lapaix et le non-respect des termes de l’accord par leRUF. Le désarmement commença officiellementle 20 octobre 1999, par l’ouverture du premiercentre de désarmement.

Cette date n’est toutefois qu’administrative carle centre établi à Lungi existait bien avant lasignature de l’accord de paix. Le programme futdonc véritablement lancé le 4 novembre lorsquequatre nouveaux centres furent ouverts : deux àPort Loko, un à Daru et un autre à Kenema. Quatreautres centres de désarmement furent ouverts le 17avril 2000 à Bo, Magburaka, Makeni et Moyamba.

Lorsque le processus de désarmement échouasuite à l’attaque menée par le RUF contre lessoldats de la MINUSIL au début du mois de mai2000, quelque 12.500 armes et 250.000 munitionsavaient été récoltées.

II.Le désarmementde la Sierra Leone

Le désarmement de la Sierra Leonedans le cadre de l’Accord de Lomé

Type d’armes Nombre enregistréau 9 mai 2000*

Fusils AK-47 4.287Fusils AK-74 1.072Fusils FN FAL 440Fusils SLR 451Fusils G-3 940Mitrailleuses 140Lances-grenades RPG-7 217Mortiers 45Pistolets 496Grenades 1.855Autres 2.752

Total 12.695

Munitions 253.535

* Le processus de désarmement prit effectivement finaprès la première semaine du mois de mai 2000Ce tableau reprend le nombre et le type d’armes collectéesaux centres d’entreposage des armes après le 4 novembre1999 et se base sur un document interne des Nationsunies.

103. « Summary Programme Information », ExecutiveSecretariat, CNDDR, févier 2000, pp. 2-3.

104. Document des Nations unies S/1999/777, Annexe,« Peace Agreement Between the Government of Sierra Leoneand the Revolutionary United Front of Sierra Leone », 12 juillet1999, Article XVI, p. 20.

23LE RÉARMEMENT DE LA SIERRA LEONE

Les armes collectées provenaient d’à peu prèstous les principaux pays producteurs. Les fusilscomprenaient divers AK-47 de fabrication chi-noise, soviétique et d’Europe de l’Est105, des FNFAL belges, des G-3106 et des Mauser 98k alle-mands et des SLR et Lee-Enfield n°4 britanniques.Les mitrailleuses incluaient des GPMG britanni-ques, des mitrailleuses chinoises 12.7 mm et desRPD soviétiques ou d’Europe de l’Est.

Quelques mitraillettes ont été également récol-tées : des Sten allemands et des Uzi israéliens. Lesgrenades étaient principalement d’origine chinoise.Les mines anti-personnel étaient des modèles chi-nois et italiens. Aucune mine antichar n’a étécollectée dans le cadre du programme de désarme-ment, bien que l’Armée sierra-léonaise en aitrécupéré quelques-unes à la frontière guinéenne.Les mortiers étaient de calibre 60 mm, 82 mm et120 mm, les mortiers chinois de 82 mm étant lesplus nombreux.

Les autres armes collectées incluaient des bom-bes à fragmentation françaises Beluga (larguéespar un Alpha Jet nigérian), un missile antiaérienanglais Blowpipe, une arme antichar téléguidéesoviétique Spigot, deux missiles sol-air soviéti-ques SA-7, des canons antiaériens 23 mm et desroquettes 122 mm Katyusha en provenance del’ancien bloc de l’Est. A côté des différentesvariétés de munitions pour armes légères, descartouches 105 mm américaines (notamment desmunitions à phosphore blanc) vraisemblablementamenées en Sierra Leone par un contingent del’ECOMOG, furent également récoltées107.

La qualité de la plupart de ces armes étaitdouteuse. Le Secrétaire général des Nations unies,Kofi Annan, a reconnu la « qualité médiocre »générale des armes collectées108. Ceux qui ont puobserver de plus près le processus se sont montrésmoins diplomates et indulgents dans leurs appré-ciations.

D’après le Haut Commissaire britannique ad-joint pour la Sierra Leone, Steve Crossman, lesarmes restituées au cours du programme de DDRétaient dans un état épouvantable. Certaines d’en-tre elles étaient même inutilisables. La plupartavaient été confectionnées par leur propriétaire. Ilest clair, affirmait-il, que les combattants ontconservé les meilleures armes109. Un autre obser-vateur décrit ce qui a été restitué comme de la« vraie merde ». D’après lui, certaines des armes

présentaient plus de danger pour le tireur que poursa cible110.

Il est normal que les factions combattantesrechignent à remettre leurs meilleures armes et àdésarmer leurs soldats les mieux entraînés, maisl’attitude généralisée de laissez-faire del’ECOMOG, de la MINUSIL et du CNDDR n’aremédié en rien à cet état de fait. Ainsi, toutes lesarmes étaient acceptées alors que nombre d’entreelles étaient manifestement hors d’état. Au coursdes premières phases du désarmement, même lesfusils de chasse « faits maison » et les grenadesisolées étaient acceptés.

Bien que le retrait des armes de la circulationétait considéré à juste titre comme une priorité, lala procédure employée a suscité des problèmesinattendus. Les individus qui s’inscrivaient dansles centres de désarmement et qui y remettaientleur arme recevaient une allocation de sécuritétransitoire de 300 dollars US.

Lorsqu’une personne peut revendre pour 300 dollars USune grenade qui n’en vaut que 10, la demande en armesaugmente inévitablement.

Malheureusement, lorsqu’une personne peutrevendre pour 300 dollars US une grenade qui n’envaut que 10, la demande en armes augmenteinévitablement. En fait, selon certains rapports, leprogramme de DDR aurait provoqué en SierraLeone l’arrivée massive d’armes en provenance deGuinée. En outre, comme les individus restituantdes armes aux centres de collecte n’étaient soumisà aucun contrôle, le nombre théorique d’« ancienscombattants » a été surestimé. Des progrès impor-tants semblaient s’accomplir alors qu’en fait, iln’en était rien.

105. Selon Brian Johnson-Thomas, de nombreux AK-47récupérés étaient d’origine ukrainienne. Brian Wood, « TestimonyBefore the Security Council », 31 juillet 2000.

106. La plupart de ces fusils G-3 étaient de fabricationiranienne. Ibid.

107. Interview par téléphone de Ian Biddle, ancien représen-tant technique qualifié, CNDDR, 24 août 2000.

108. Document des Nations unies S/2000/186, para. 24.109. Interview de Steve Crossman, Haut Commissaire ad-

joint, Haute Commission du Royaume-Uni pour la Sierra Leone,1 juin 2000, Freetown.

110. Interview d’un observateur informé, 18 mai 2000,Conakry.

RAPPORT DU GRIP 2001/224

2. Les armes collectées unilatéralementpar l’ECOMOG

L’ECOMOG aurait repris un grand nombred’armes aux rebelles au cours de sa contre-offensi-ve de janvier et février 1999. Ces armes ne furentpas remises aux centres d’entreposage des armes.Au contraire, elles servirent à réapprovisionner lesstocks épuisés de l’ECOMOG. Selon certains rap-ports, des soldats nigérians de retour de Sierra Leo-ne auraient vendu les armes qu’ils avaient pu em-porter à des réseaux criminels actifs au Nigeria111.

3. Les armes collectées unilatéralementpar la MINUSIL

De l’ensemble des armes saisies à la MINUSIL,seulement un petit nombre a pu être récupéré. Lestrois véhicules blindés guinéens saisis en janvier2000 ont été récupérés mais sans leur mitrailleuselourde112. Trois des fusils kenyans saisis ont étérécupérés113. Près de la moitié des armes saisies àl’unité nigériane près de Kambia en mai ont étérestitués114. Un soldat jordanien a pu récupérer sonarme115.

En dehors du processus officiel de désarme-ment, la MINUSIL a également repris d’autresarmes que celles ayant appartenu à ses Casquesbleus. Ainsi, en juillet 2000, en libérant les soldatsde maintien de la paix détenus à Kailahun, lessoldats des Nations unies ont récupéré une grandequantité d’armes et de munitions au RUF116, dontau moins un missile sol-air117. Le missile serait defabrication ukrainienne et serait arrivé en SierraLeone par le Burkina Faso via le Liberia118.

B. … mais pas détruites

La plupart des armes collectées dans le cadre duprogramme de DDR n’ont pas été détruites.L’ECOMOG, qui surveillait le processus et géraitles centres d’entreposage des armes jusqu’en fé-vrier 2000, a simplement démonté les armes resti-tuées. Les parties essentielles, telles que la culasseet l’ensemble culasse/glissière des fusils, furentdésassemblées et séparées. Or, la plupart de cesarmes peuvent être remontées en quelques minuteset les AK-47 ont des éléments parfaitement inter-changeables.

La question subsiste de savoir pourquoi lesarmes collectées n’ont pas été détruites dès ledépart. Il est possible que l’ECOMOG ait projetéde se réapproprier les armes qui avaient été saisiespar les forces rebelles. Cette même raison a pumotiver le gouvernement sierra-léonais. Kabbah atout aussi bien pu vouloir les conserver afin de lesutiliser par la suite. Les Nations unies affirmentavoir toujours recommandé à la MINUSIL dedétruire les armes collectées, mais dans ce cas, lesinstructions ne sont pas parvenues aux soldats demaintien de la paix en charge de surveiller ledésarmement. Ce n’est qu’en avril 2000 que ceux-ci ont modifié leurs méthodes.

Même les initiatives les mieux intentionnéesont mal tourné. La décision d’organiser une flammede la paix pour détruire les armes n’est qu’unexemple parmi d’autres. L’objectif de cette actionétait de montrer au monde que la situation évoluaitde manière positive en Sierra Leone. Le projetcommença à s’émousser lorsque le brigadier-gé-néral Maxwell Khobe, le très respecté chef de ladéfense, mourut le 18 avril. Kabbah institua unepériode de deuil national et recula l’événement.Avant que la flamme de la paix ne puisse êtrereprogrammée, le centre d’entreposage des armesde Masiaka, où se trouvaient les armes destinées àl’opération, était envahi par les rebelles. Le RUFfit main basse sur environ 400 fusils qui y étaiententreposés119.

111. Voir, par exemple, Anthony Okoro, « Crime UpsurgeLinked to Abacha », P.M. News (Lagos), 1er septembre 1999,disponible via Lexis-Nexis.

112. Interviews de représentants de la MINUSIL, juin 2000,Freetown.

113. Document interne de la MINUSIL, février/mars 2000.114. Interviews de représentants de la MINUSIL, juin 2000,

Freetown.115. Interview par téléphone de Dufka, 15 août 2000.116. Correspondance avec le major Mike Evanson-God-

dard, ancien observateur militaire des Nations unies, MINUSIL,11 octobre 2000.

117. Holbrooke, « Statement before the UN SecurityCouncil’s Exploratory Hearing on Sierra Leone Diamonds ».

118. Correspondance avec le major Mike Evanson-God-dard, 11 octobre 2000.

119. Interview d’un observateur informé, 18 mai 2000,Conakry.

25LE RÉARMEMENT DE LA SIERRA LEONE

Malgré le tableau relativement noir dressé parle présent rapport, quelques facteurs suggèrent quela situation en Sierra Leone est loin d’être désespé-rée :- Premièrement, le pays n’est en guerre « que »depuis dix ans. Avant 1991, il n’a pas dû mener deguerre d’indépendance et ne disposait que d’unetoute petite armée. Le gouvernement limitait déli-bérément la taille et le pouvoir de ses forcesarmées ;- Deuxièmement, les combattants sierra-léonaismanquent de professionnalisme et, de ce fait, leursarmes sont généralement en très mauvais état. Lemanque de maintenance et les entretiens trop raresaccélèrent leur dégradation, plus particulièrementsous un climat humide comme celui de la SierraLeone. Cela est vrai également pour les munitionsqui doivent être stockées dans des endroits secs etfrais pour conserver leur efficacité ;- Troisièmement, les Nations unies ont reconnul’inadéquation de leur première gestion du conflit.

L’Organisation s’est rendu compte que des res-sources insuffisantes avaient été allouées à lagestion du problème sierra-léonais et que rien nesert d’augmenter sans cesse les troupes de laMINUSIL, sans tenir compte de la volonté et de lacapacité des pays contributeurs.

Près d’un an après la signature de l’Accord depaix de Lomé, la situation politique et sécuritairede la Sierra Leone reste extrêmement fragile.Malgré les embargos internationaux sur les armeset le moratoire régional sur les armes légères et depetit calibre, le gouvernement sierra-léonais, leRUF et d’autres acteurs non étatiques tels que lesmilices pro-gouvernementales, demeurent sur piedde guerre.

Le RUF continue d’obtenir des armes illégale-ment via des pays tels que le Liberia et le BurkinaFaso, tandis que le gouvernement vient de recevoirune grande quantité d’armes en provenance duRoyaume-Uni. Avec la grande disponibilité desarmes dans le pays, la faiblesse du gouvernementactuel, la puissance relative du RUF et l’instabilitédes alliances entre les différents groupes armés, lafin du conflit qui ravage la Sierra Leone ne s’an-nonce sans doute pas de sitôt.

III. Conclusion

RAPPORT DU GRIP 2001/226

Eric G. Berman a intégré le Département pourles Affaires de désarmement des Nations unies(DDA) en 1990 et, ensuite, a été nommé porte-parole assistant de l’Autorité provisoire des Na-tions unies au Cambodge (APRONUC), assistantspécial du Directeur général de l’Office des Na-tions unies à Genève et membre du Bureau desAffaires politiques pour la Commission interna-tionale d’enquête (Rwanda) des Nations unies. Il aégalement dirigé United Nations Watch, une orga-nisation non gouvernementale située à Genève. E.Berman est actuellement consultant indépendant àArlington, Massachusetts. Il est licencié en sciencepolitique de l’Université du Michigan, Ann Arboret a obtenu une maîtrise en relations internationa-les à l’Université de Yale.

E. Berman a publié de nombreux ouvrages surles Nations unies et sur les questions de sécurité enAfrique. Son dernier livre s’intitule Peacekeepingin Africa : Capabilities and Culpabilities, UNIDIR,Genève, 2000, écrit en collaboration avec Katie E.Sams. Il est entre autres aussi l’auteur de « Thesecurity Council’s Increasing Reliance on Burden-Sharing : Collaboration or Abrogation ? », Inter-national Peacekeeping, vol. 4, n°1, printemps1998 ; Bringing New Life to UN Human RightsOperations, United Nations Association of theUnited States of America, New York, 1998 etManaging Arms in Peace Processes : Mozambi-que, UNIDIR, Genève, 1996.

Je suis très reconnaissant aux nombreuses per-sonnes et organisations qui m’ont permis d’effec-tuer mon voyage de recherche en Sierra Leone enmai et juin 2000 alors que la situation était des plustendues. Le Haut Commissaire aux réfugiés desNations unies, le Programme de développementdes Nations unies, le Programme alimentaire mon-dial et l’Agence américaine pour le développe-ment international m’ont fourni un soutien logis-tique précieux. Je tiens à remercier tout spéciale-ment Kingsley Amaning, Hannah Baldwin, EbouCamara, Ahmed Tidiane Diallo, John Kakonge etChristian Lehembre.

Nicole Ball, Tom Dempsey, Corinne Dufka,Joseph Melrose, William Reno et Adriaan Verheulm’ont fourni des contacts utiles et des conseilsjudicieux. A cet égard, je suis particulièrementreconnaissant à Kelly David Toweh, MahmounBahsoon et S. J. Kpukumu qui m’ont aidé àorganiser plusieurs interviews à Freetown qui sanseux n’auraient pas eu lieu. Robert Adolph, KeithBiddle, Mike Evanson-Goddard, Francis Kai-Kai,Sheka Mansaray, David Wimhurst et PhilipWinslow m’ont consacré du temps et offert leurhospitalité sans compter.

Peter Anderson, Peter Bachelor, Ian Biddle,Kathy Jones et Jakkie Potgieter ont apporté descritiques constructives à mon manuscrit. Enfin, jevoudrais remercier l’équipe de Small Arms Survey,à Genève : Maria Haug et Glenn McDonald quim’ont assisté dans mes recherches, et Adrea Machpour la relecture du manuscrit.

A propos de l’auteur Remerciements

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Deuxième partieArmements

I. Les armements et le RUF

A. Données du problème

167. Les armes légères jouent un rôle important dansla poursuite des conflits, l’exacerbation de la violence,le déplacement de populations innocentes, l’affaiblis-sement du droit international et la montée de la crimi-nalité et du terrorisme. Conscients de ces problèmes, leConseil de sécurité et la communauté internationale sesont employés à juguler la prolifération des armes légè-res en Afrique de l’Ouest. Le Conseil de sécurité a im-posé une série de sanctions – restrictions des déplace-ments, sanctions économiques et militaires – à la SierraLeone après le coup d’État de mai 1997. Après le re-tour au pouvoir du gouvernement légitime, le Conseil aamendé l’embargo sur les armes en juin 1998 afin delever les sanctions pesant sur le Gouvernement. Lessanctions imposées au Libéria depuis 1992 ont étémaintenues.

168. Le 31 octobre 1998, les membres de la Com-munauté économique des États d’Afrique de l’Ouest(CEDEAO) ont déclaré un moratoire sur l’importation,l’exportation et la fabrication d’armes légères dans larégion. Le moratoire est entré en vigueur le 1er no-vembre 1998, pour une période de trois ans, et bénéfi-cie de l’appui du Programme de coordination et d’as-sistance pour la sécurité et le développement, lequelvise à surveiller l’application du moratoire et à établirune base de données et un programme de formation àl’intention des institutions chargées du maintien del’ordre dans les pays signataires. Le programme estsoutenu par le Programme des Nations Unies pour ledéveloppement, le Département des affaires politiquesde l’Organisation des Nations Unies et l’Institut desNations Unies pour la recherche sur le désarmement.

169. Malgré le moratoire de la CEDEAO (égalementappelé Moratoire du Mali), les armes légères n’ont ces-sé de proliférer en Afrique de l’Ouest. De graves pro-blèmes se sont fait jour non seulement dans les pays enguerre, mais aussi dans les grandes villes de toute lasous-région. Les actes de violence armée se multiplientrapidement. Les troubles civils qui ont éclaté au Séné-gal, en Guinée-Bissau, au Niger, au Libéria et en Sierra

Leone au cours des 10 dernières années ont nourri lademande d’armes légères.

170. Des réseaux transfrontières de trafiquants, decriminels et d’insurgés approvisionnent en armes lesforces de la guérilla. Les armements sont égalementtransférés d’une zone instable à une autre; les mouve-ments rebelles et les organisations criminelles d’unpays vendent leur arsenal aux groupes auxquels ils sontalliés dans un autre pays. Dans d’autres cas, les gou-vernements, mus par leurs propres ambitions régionalesen Afrique de l’Ouest, fournissent des armes aux grou-pes de rebelles.

171. Il n’existe pas d’information systématisée sur lacontrebande d’armes dans la région et les données quipermettraient de lutter contre ce problème à l’échelonrégional – par l’intermédiaire de la CEDEAO oud’échanges bilatéraux – ne sont généralement pas dis-ponibles. Rares sont les pays de la région à avoir lesmoyens ou l’infrastructure nécessaires pour faire obs-tacle aux contrebandiers, ce qui facilite le traficd’armes au travers des principales frontières de la ré-gion.

172. Les responsables admettent l’existence d’uncommerce d’armes florissant et largement incontrôlé,en marge des circuits officiels, voire franchement illi-cite. Par son ampleur, bien supérieure à celle du com-merce parallèle traditionnel, ce négoce est un facteuraggravant de la corruption et de la criminalité danstoute la région.

173. En Sierra Leone, le RUF est presque exclusive-ment tributaire des armes légères, bien qu’il disposeaussi de matériel plus perfectionné. La liste des arme-ments remis dans le cadre du programme de désarme-ment, de démobilisation et de réintégration révèle laprovenance du matériel : Europe de l’Est mais aussiÉtats-Unis, Belgique, Grande-Bretagne et Allemagne.En mai 2000, au moment où le processus de paix deLomé se désintégrait, quelque 12 500 armes et 250 000munitions avaient été collectées dans les centres destockage établis huit mois auparavant. L’inventaire desarmes collectées s’établissait comme suit :

• 496 pistolets;• 4 000 fusils « Kalachnikov » AK-47;• 1 072 fusils AK-74;

Annexe

Document des Nations unies S/2000/1195, "Rapport du Groupe d'experts constitué enapplication du paragraphe 19 de la résolution 1309 (2000) du Conseil de sécurité concernantla Sierra Leone", 20 décembre 2000, deuxième partie, paras. 167-273.

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• 940 fusils G-3;• 440 fusils FN-FAL;• 451 fusils SLR;• 140 mitrailleuses;• 217 lance-grenades;• 1 855 grenades;• 45 mortiers.

174. Ces chiffres ne représentent qu’une infime frac-tion des armes actuellement détenues par les rebelles.La médiocre qualité et l’ancienneté des armes remisespar les rebelles laissent à penser que ceux-ci ontconservé les armes les plus modernes et les plus per-fectionnées. Malgré le revers du mois de mai,d’anciens rebelles, des enfants soldats et des membresde la Civil Defence Force continuent à se présenterdans les différents centres de démobilisation et de col-lecte des armes mis en place dans le cadre du pro-gramme de désarmement, de démobilisation et de ré-intégration.

175. Une bonne partie des armes sont de conceptionancienne et ont transité par différentes filières, aussibien régionales qu’internationales. Des armes fabri-quées il y a 10 ans suffisent cependant à semer la mort,pour peu que l’on dispose des munitions appropriées.La faible utilisation des mines antipersonnel est l’undes seuls signes encourageants du conflit en SierraLeone.

176. Comme il n’existe pas de marquage normalisé desarmes légères, lesquelles prolifèrent littéralement,l’approvisionnement en armes des groupes rebelles enAfrique reste largement incontrôlé.

B. Filières d’approvisionnement du RUFen Sierra Leone

177. Le RUF a besoin de s’approvisionner régulière-ment en armes et en munitions. Si les armes invento-riées dans le cadre du programme de désarmement, dedémobilisation et de réintégration proviennent de plu-sieurs pays, la plupart des fusils ont cependant été fa-briqués en Europe de l’Est. La Kalachnikov AK-47 etses variantes sont les plus employées. De conceptionrusse, l’AK-47 est maintenant fabriquée dans tellementde pays et se décline en tellement de variantes qu’ilfaudrait entreprendre une étude approfondie des numé-ros de modèle et de série et des marques de fabriquepour déterminer précisément l’origine de chaque fusil.Cela fait, il sera peut-être possible de remonter les fi-

lières d’approvisionnement, mais cette entreprise serad’autant plus difficile que de nombreuses armes ontprobablement été achetées en toute légalité avant d’êtrerevendues une ou deux fois.

178. Les forces du RUF se sont emparées de nombreu-ses armes au cours d’affrontements avec l’armée sierra-léonaise et les forces de l’ECOMOG et de la MINU-SIL. Une organisation non gouvernementale genevoise,Small Arms Survey, a mis à la disposition du Grouped’experts une étude, à paraître prochainement, quidresse un inventaire détaillé des saisies d’armes effec-tuées par le RUF. Le Groupe d’experts a pu corroborerla plupart des incidents dont l’étude fait état.

179. Le RUF s’est emparé des armes de contingentsdéployés en Sierra Leone en diverses occasions, parexemple :

• Il a mis la main sur de grandes quantités d’armesau cours d’affrontements avec les forces arméesloyales au Gouvernement sierra-léonais, lesquel-les insuffisamment entraînées et manquant de dis-cipline, avaient abandonné leur équipement der-rière elles. Des soldats de l’armée sierra-léonaiseauraient également vendu des armes et des muni-tions aux rebelles;

• Lorsque les rebelles ont détenu et désarmé uneunité guinéenne de la MINUSIL en janvier 2000,ils se sont emparés de très nombreuses armes, no-tamment des centaines de fusils, 24 mitrailleuses,10 mortiers, 20 grenades à tube, plusieurs tonnesde munitions et trois véhicules blindés de trans-port de troupes. Des unités guinéennes déployéespar l’ECOMOG avaient déjà subi le même sort aucours d’embuscades;

• En mai 2000, les forces rebelles ont dépouillé deleurs armes les contingents kényens et zambiensde la MINUSIL qu’elles retenaient en otages. Detrès nombreux fusils, huit véhicules blindés detransport de troupes et plusieurs autres véhiculesmilitaires sont tombés aux mains des rebelles àcette occasion.

II. Appui du Libéria au RUF

A. Exposé de la situation

180. Le Président Charles Taylor et Foday Sankoh seconnaissent depuis 10 ans, depuis l’époque de leur en-

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traînement commun en Libye, l’époque où ils soute-naient Blaise Campaoré dans sa marche vers le pouvoirau Burkina Faso et où Foday Sankoh aidait CharlesTaylor, alors chef du NPFL, à s’imposer à la tête duLibéria au début des années 90. Ces faits sont ample-ment établis, et le Président Taylor a déclaré au Grouped’experts considérer Foday Sankoh comme un ami. Ilaffirme cependant avec force que ni lui ni son gouver-nement n’ont assuré l’entraînement militaire du RUF,ni ne lui ont fourni des armes ou du matériel connexe,ni mis à sa disposition des installations ou une base àpartir desquelles lancer des attaques ou vers lesquellesse replier.

181. Le Président Taylor a déclaré au Groupe d’expertsavoir autorisé la présence sur le territoire libérien dudirigeant du RUF, Sam Bockarie, dans un souci depermettre au RUF d’oeuvrer de manière concertée à unrèglement pacifique du conflit en Sierra Leone aprèsque Foday Sankoh et Sam Bockarie eurent constatéleur incapacité à collaborer.

182. Le Groupe d’experts a toutefois réuni des élé-ments de preuve écrasants et irréfragables, qui mon-trent que le Libéria a appuyé l’ensemble des activitésdu RUF, qu’il s’agisse de l’entraînement des troupes,de l’approvisionnement en armes et en matérielconnexe, de l’appui logistique, de l’autorisation de lan-cer des attaques à partir du territoire libérien ou de s’enservir comme d’une base de repli.

B. Entraînement militaire

183. Le RUF a régulièrement bénéficié d’un entraîne-ment militaire au Libéria, à Gbatala, près de Gbanga, eten d’autres lieux. Des centaines d’anciens combattantset plusieurs anciens dirigeants du RUF ont confirmé cepoint dans des déclarations verbales et écrites. Les rap-ports des commandants du RUF à Foday Sankoh cons-tituent autant de preuves écrites corroborant ce fait. Lessoldats du RUF ont suivi le même entraînement quel’unité antiterroriste libérienne. Le Président Taylor afréquemment recours à des combattants du RUF pourassurer sa sécurité rapprochée. Des officiers et des sol-dats libériens interviennent aussi aux côtés du RUF enSierra Leone, en tant que combattants, instructeurs ouofficiers de liaison.

184. Le Groupe d’experts a été informé de la présencesur le territoire libérien de nationaux ukrainiens, burki-nabè, nigériens, libyens et sud-africains chargés de

l’entraînement militaire. Cet entraînement était dispen-sé à des nationaux d’autres pays que le Libéria. Ceux-ci sont ensuite intervenus dans les zones contrôlées parle RUF en Sierra Leone et ont également été mêlés auxrécents affrontements à la frontière guinéenne. Au dé-but de 1999, on a constaté que les rebelles du RUFavaient grandement progressé sur le plan tactique et surcelui du maniement des armes. Il n’est pas anodin quecette amélioration soit intervenue peu de temps aprèsque les instructeurs étrangers eurent commencé à en-traîner les rebelles du RUF au Libéria.

185. Par ailleurs, l’interrogatoire de certains responsa-bles du RUF arrêtés par la police et les déclarationsd’anciens rebelles avec lesquels le Groupe d’expertss’est entretenu confirment la présence de mercenairesétrangers, notamment sud-africains et ukrainiens, quiencadrent les forces du RUF et combattent à leurs cô-tés.

Présence d’instructeurs sud-africains

au Libéria

186. Fred Rindel, officier à la retraite des Forces dedéfense sud-africaines et ancien attaché militaire auxÉtats-Unis, a joué un rôle central dans l’entraînementd’une unité antiterroriste libérienne composée de sol-dats libériens et de groupes d’étrangers, y compris desressortissants de la Sierra Leone, du Burkina Faso, duNiger et de la Gambie.

187. Le Groupe d’experts a longuement entenduM. Rindel. Fred Rindel a été engagé par le PrésidentCharles Taylor, en septembre 1998, en tant queconseiller pour les questions de sécurité et a commencéles activités d’entraînement en novembre de la mêmeannée. Aux termes du contrat, il devait fournir des ser-vices consultatifs et des avis en matière de stratégieafin de transformer les anciennes milices rebelles deCharles Taylor en une unité professionnelle. L’unitéantiterroriste a pour mission de protéger les bâtimentsofficiels, le palais présidentiel et les ambassades etd’assurer la protection des personnalités. Quelque1 200 soldats ont participé à l’entraînement. En raisonde la contre-publicité que lui faisaient les médias, Rin-del a mis fin à son contrat au Libéria en août 2000.

188. En 1998, l’ECOMOG a établi qu’un appareil,immatriculé N71RD, propriété d’une société sud-africaine, Dodson Aviation Maintenance and SpareParts, avait servi à transporter des armes à Robertsfielden septembre de la même année. L’appareil, un avion

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d’affaires de 14 places de type Gulfstream, ne peutnormalement pas servir au transport d’armes. Il existetoutefois des indices concordants. Fred Rindel était lepropriétaire de Dodson. La société a cessé ses activitésle 31 décembre 1998, mais pendant la période concer-née, l’appareil a été loué à la société Greater Holdings(Liberia) Ltd., détentrice de concessions d’or et dediamants au Libéria, qui s’en est servi pour amener dupersonnel dans ce pays.

189. L’homme d’affaires sud-africain, Niko Shefer,était Président-Directeur général d’une filiale de Grea-ter Holdings, la Greater Diamond Company (Liberia)Ltd. Shefer nie avoir mené des opérations ayant traitaux diamants au Libéria et en Sierra Leone, à l’excep-tion de deux accords de prospection dans les zones deMano et Lower Lofa conclus avec le Gouvernementlibérien. À la suite d’attaques dirigées contre le per-sonnel de Mano, Shefer s’est entretenu du problème dela sécurité avec le Président Taylor et a suggéré de faireappel à des spécialistes privés de la sécurité en Afriquedu Sud. C’est à la suite de cet entretien que les servicesde M. Rindel ont été retenus. Shefer a finalement re-noncé aux opérations de prospection, celles-ci n’étantpas rentables. À cette époque, les autorités américainesenquêtaient sur les associés américains de GreaterDiamonds, soupçonnés de fraude fiscale et de blanchi-ment d’argent au moyen d’avoirs détenus au Libéria.Shefer a rencontré le dirigeant du RUF, Foday Sankoh,en Afrique du Sud en février 2000 (voir égalementpar. 97).

190. Fred Rinkel affirme n’avoir mené aucune opéra-tion ayant trait aux diamants au Libéria et ne pas avoireu de contacts à ce sujet dans ce pays. Toutefois,d’après le Ministère libérien des mines, Rindel a parti-cipé à un projet concernant les diamants avec le fils duPrésident Taylor, Charles Taylor Jr. La carte de visiteprofessionnelle de Rindel porte la mention De DekkerDiamonds (Pty) Ltd. Rindel a également travaillécomme consultant dans le cadre d’une opération deprospection géologique portant sur d’éventuels gise-ments aurifères dans les zones de Mano et Nimba, auLibéria. Des géologues sud-africains ont été expressé-ment engagés à cette occasion. Rindel a obtenu deuxconcessions sur les gisements en or et en autres mine-rais pour le compte d’une société sise aux Bermudes, laBermuda Holding Corporation, dans laquelle le Prési-dent Charles Taylor et des membres de sa famille dé-tiennent des intérêts. M. Rindel était également entractations avec plusieurs sociétés internationales afin

de les convaincre de monter des opérations conjointesavec la Bermuda Holding Corporation.

191. M. Rindel nie avoir fait venir des instructeurssud-africains au Libéria. Toutefois, pendant son séjourau Libéria, plusieurs autres Sud-Africains étaient éga-lement présents sur le territoire libérien, notammentMeno Uys, Gert Keelder et Faber Oosthuyzen. Ceshommes, ainsi que d’autres personnes, ont travaillésous contrat au Libéria en 1998, 1999 et 2000 en tantqu’instructeurs dans le domaine de la sécurité. Ils sontbasés à Gbanga. Un autre Sud-Africain, Karl Albertsest pilote d’hélicoptère dans les forces armées libérien-nes. Ni Rindel ni ses compatriotes n’ont déposé de de-mande d’autorisation comme les y oblige pourtant laloi sud-africaine de 1998, qui régit l’assistance mili-taire à l’étranger. Rindel argue du fait que ses servicesétaient uniquement axés sur la protection et excluaienttout entraînement au combat ou instruction de forcesarmées au Libéria.

C. Refuge sûr

192. Il est fait état à d’innombrables reprises, dans lesrapports écrits du RUF, dans les dépositions orales fai-tes auprès du Groupe d’experts et dans les messagesinterceptés par la police et l’armée, de réunions de hautniveau entre le RUF et le Président Taylor, de voyagesde membres du RUF à Monrovia, de réunions d’état-major du RUF à la Executive Mansion, de voyages demembres du RUF à bord d’hélicoptères libériens et debases d’entraînement du RUF à Camp Schefflein,Voinjama et Foya-Kama. Le Libéria fournit un refugesûr aux familles de nombreux responsables du RUF.Des témoins oculaires ont affirmé que des membres duRUF se faisaient soigner dans les hôpitaux de Monro-via. Dernièrement, Gibril Massaquoi, porte-parole duRUF pour les questions relatives au cessez-le-feu du10 novembre 2000, a été interviewé à Monrovia, d’oùil fait par ailleurs ses déclarations à la presse.

D. Armes et matériel connexe

193. Les messages interceptés par la police et l’armée,les témoignages de civils, les rapports écrits des diri-geants du RUF à Foday Sankoh et les dépositions ora-les faites auprès du Groupe d’experts par d’ancienscombattants font longuement état, de manière détaillée,du flux constant d’armes et de fournitures (mortiers,fusils, roquettes, téléphones par satellite, ordinateurs,

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véhicules, batteries, vivres et médicaments) qui circuleentre le Libéria et la Sierra Leone. La plupart des four-nitures sont transportées par route ou par hélicoptère àFoya Kama, à quelques kilomètres de Kailahun, à lafrontière sierra-léonaise, puis transportées par camionsur le territoire contrôlé par le RUF, où elles sont dis-tribuées.

III. Le rôle des autres pays

194. Il arrive que les armes soient achetées directe-ment dans les usines où elles sont fabriquées ou auxforces armées de différents pays qui liquident leursstocks excédentaires mais la plupart sont achetées parl’intermédiaire de courtiers et de marchands d’armesagissant pour le compte d’entités autres que des États.Les courtiers et marchands d’armes privés sont lesprincipaux fournisseurs du RUF, qui ne reçoit la plu-part de ses gros approvisionnements en armes et enmunitions qu’indirectement, par l’intermédiaire depays dont les gouvernements lui sont favorables.

195. Le Groupe d’experts a pu établir de manière pro-bante que le RUF était approvisionné en armes via leBurkina Faso, le Niger et le Libéria. Les armes four-nies à ces pays par des gouvernements ou des mar-chands d’armes privés sont détournées pour être utili-sées dans le conflit sierra-léonais. La Côte d’Ivoire,sous ses gouvernements précédents, était favorable auGouvernement libérien et, indirectement, au RUF. Sesliens avec eux datent de l’époque où elle formait lesmembres du RUF et les rebelles libériens, au début desannées 90.

196. Le plus souvent, les armes qui sont fournies auRUF par un pays sont acheminées en plusieurs étapeset transbordées à plusieurs reprises. Ces armes, en par-ticulier celles fournies par des marchands d’armes quine respectent pas les sanctions imposées par l’ONU,devraient logiquement faire l’objet de contrôles et êtresoumises aux procédures juridiques et aux réglementa-tions régissant l’exportation, l’importation et le transitde matériel militaire. Comme elles ont été introduitesdans la région et ont passé les frontières en toute impu-nité, on ne peut que conclure que les parties intéressées– les courtiers et marchands qui fournissent des armesau RUF – ont réussi à s’assurer la complicité des ins-pecteurs des douanes et des services administratifschargés d’accorder des licences d’importation pourcontourner les sanctions imposées par l’Organisation

des Nations Unies et éviter les contrôles habituels auxfrontières.

197. Le Président du Burkina Faso est un proche alliédu Président Charles Taylor et le Burkina Faso a re-connu que plus de 400 de ses soldats se trouvaient auLibéria lorsque Charles Taylor y conduisait sa rébellionen 1994 et 1995. Des crédits ont d’ailleurs été ouvertsdans son budget pour financer les services que ces sol-dats ont rendus au cours de cette période. Il a nié à plu-sieurs reprises que certains de ses nationaux aient ap-puyé le RUF mais des témoins oculaires et d’ancienscombattants du RUF confirment que certains de sesnationaux ont participé activement aux opérations de cedernier. C’est un national du Burkina Faso, le généralIbrahim Bah (alias Baldé) – dont il est question auxparagraphes 72 et 73 –, qui effectue une grande partiedes transactions d’argent, de diamants et d’armes entrele RUF, le Libéria et le Burkina Faso. Il fait régulière-ment le voyage entre Monrovia et Ouagadougou. Ontrouvera ci-après une description détaillée de la ma-nière dont le Burkina Faso est impliqué dans les trans-ferts d’armes.

IV. Le rôle des avionsdans l’approvisionnementdu RUF

A. Vols desservant directementle territoire contrôlé par le RUF

198. N’ayant pas accès à l’océan, le RUF ne peut im-porter d’armes et de matériel connexe que par voie ter-restre ou aérienne. Le rôle des avions dans son appro-visionnement est crucial, ce qui est vrai en particulierpour les deux dernières années, période au cours delaquelle il a étendu sa sphère d’influence en SierraLeone. Vu l’état des routes du pays, le RUF ne pourraitobtenir l’approvisionnement dont il a besoin pour desopérations telles que celles qu’il a entreprises à Pame-lap (Guinée) à la fin 2000, par exemple, s’il ne bénéfi-ciait pas d’un appui aérien.

199. En Sierra Leone, la plupart des pistes d’atter-rissage situées sur le territoire contrôlé par le RUF ontété détruites ou n’ont pas été entretenues à cause de laguerre. La piste d’atterrissage de Yengema n’est proba-blement pas opérationnelle et bien que celle de Magbu-raka ait été reconstruite en 1997 pendant la période duCRFA et se trouve maintenant sur le territoire contrôlé

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par les rebelles, il semble, selon les informations donton dispose, que peu d’avions y atterrissent, comme ilsemble, selon les mêmes informations, que peud’avions atterrissent sur le territoire tenu par le RUF.

200. Le fait qu’on ne soit pas renseigné à ce sujet n’estpas vraiment significatif, le Gouvernement n’exerçantaucun contrôle sur l’espace aérien sierra-léonais enraison de l’insuffisance des infrastructures des aéro-ports du pays et de ceux de la sous-région en général(voir partie III, ci-après).

201. En dépit de ce problème, on sait que le RUF a étéapprovisionné épisodiquement en armes par hélicoptèreavant 1997 et régulièrement depuis cette date. Les héli-coptères en provenance du Libéria atterrissent à Buedu,Kailahun, Makeni, Yengema, Tumbudu, Yigbeda etailleurs dans le district de Kono. Dernièrement, deshélicoptères de transport Mi-8 neufs ont servi à trans-porter des armes, notamment des missiles surface air(SA-7) portatifs.

B. Transport d’armes par avionau Libéria

202. Presque toutes les armes introduites dans le ter-ritoire tenu par le RUF transitent par au moins deuxpays entre leur point de départ et leur point d’arrivée.Le dernier pays où elles transitent avant d’être intro-duites en Sierra Leone est presque toujours le Libéria,où elles sont acheminées de diverses manières – parfoispar bateau, mais le plus souvent par avion. Le Grouped’experts a étudié de manière très approfondie la ma-nière dont certaines armes avaient été acheminées afinde démonter le mécanisme des filières d’approvision-nement.

Exemple : Livraison d’armes ukrainiennes

au Burkina Faso

203. Soixante-huit tonnes d’armes (715 boîtes d’armeset de cartouches, 408 boîtes de poudre, des armes anti-chars et des missiles surface-air ainsi que des grenadesà tube et leurs lanceurs) sont arrivées à Ouagadougoule 13 mars 1999.

204. On est désormais bien renseigné sur cette cargai-son. Selon des documents communiqués par le Gou-vernement ukrainien au Comité des sanctions duConseil de sécurité concernant la Sierra Leone en avrilet juin 1999, les armes ont été fournies dans le cadred’un contrat passé entre une société installée à Gibral-

tar, agissant pour le compte du Ministère de la défensedu Burkina Faso, et la société d’État ukrainienne Ukr-spetsexport. La cargaison a été transportée par un avionde la compagnie Air Foyle, qui travaille pour le trans-porteur aérien ukrainien Antonov Design Bureau dansle cadre d’un contrat que celui-ci a passé avec la so-ciété Chartered Engineering and Technical Services,installée à Gibraltar. Une licence ukrainienne de ventedes armes a été octroyée à la société Ukrspetsexportaprès que celle-ci eut reçu un certificat d’utilisation duMinistère de la défense du Burkina Faso.

205. Ce certificat, qui est daté du 10 février 1999, au-torisait la société installée à Gibraltar à acheter les ar-mes pour le compte du seul Ministère de la défense duBurkina Faso et certifiait que ce pays était la destina-tion finale de la cargaison et l’utilisateur final des ar-mes. Il est signé par le lieutenant-colonel Gilbert Dien-deré, chef de la garde présidentielle du Burkina Faso.Au cours de la visite qu’un membre du Grouped’experts a effectuée en Ukraine, le détail des transac-tions qui ont abouti à la livraison des armes a été re-confirmé.

206. Dans des lettres qu’elles ont adressées au Comitédes sanctions du Conseil de sécurité concernant la Sier-ra Leone, les autorités du Burkina Faso ont nié les allé-gations selon lesquelles les armes avaient été réexpor-tées vers un pays tiers, le Libéria, et pendant une visitequ’il a effectuée au Burkina Faso, le Groupe d’expertsa pu voir les armes censées avoir fait partie de la car-gaison.

207. Cependant, ces armes ne sont pas restées au Bur-kina Faso. Elles ont été transportées et déchargées tem-porairement à Ouagadougou [sauf certaines, qui ont ététransportées par camion à Bobo Dioulasso (BurkinaFaso)]. La plupart ont été transportées au Libéria quel-ques jours seulement après avoir été déchargées à Oua-gadougou.

208. La plus grosse partie a été transportée à bord d’unBAC-111 qui appartient à un homme d’affaires israé-lien d’origine ukrainienne, Leonid Minin. Cet avionétait immatriculé aux îles Caïmanes sous les lettres VP-CLM et exploité par la société LIMAD, immatriculée àMonaco. Minin était, et est peut-être encore, un associéet un proche du Président Charles Taylor. Il est fichépar la police de plusieurs pays et a participé à plusieursreprises à des activités criminelles (criminalité organi-sée des pays d’Europe de l’Est, trafic d’objets d’artvolés, possession illégale d’armes à feu, trafic d’armes

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et blanchiment d’argent). Il utilise plusieurs nomsd’emprunt, est considéré comme persona non grata

dans de nombreux pays, dont l’Ukraine, et se sert denombreux passeports différents. Il a offert à CharlesTaylor de lui vendre le BAC-111 susmentionné commeavion présidentiel. Celui-ci a été utilisé comme telpendant une période comprise entre 1998 et 1999 maisil a aussi été utilisé pour transporter des armes.

209. En ce qui concerne la cargaison en question, leBAC-111 a fait le voyage entre Ibiza (Espagne) et Ro-bertsfield (Libéria) le 8 mars 1999. Le 15 mars, deuxjours après l’arrivée des armes ukrainiennes à Ouaga-dougou, il s’y est rendu à partir de Monrovia pour re-venir le 16 au Libéria chargé d’armes. Le 17, il est re-tourné à Ouagadougou puis, après être allé à Abidjan(Côte d’Ivoire), s’est rendu à nouveau, le 19, de Oua-gadougou au Libéria avec des armes à son bord. Le 25,il a fait le voyage dans le sens inverse pour retournerau Libéria le même jour chargé d’armes. Le 27, il estreparti pour Ouagadougou, d’où il a gagné BoboDioulasso (Burkina Faso) pour charger les armes quiavaient été transportées là-bas par camion. Il a effectuétrois vols au cours des trois jours suivants entre BoboDioulasso et le Libéria puis est retourné en Espagne le31 mars. Comme il était aménagé pour transporter despersonnalités, il ne pouvait transporter que peu de mar-chandises à la fois, ce qui explique qu’il ait dû effec-tuer tant de vols.

210. Selon des témoins oculaires, un deuxième avion,un Antonov exploité par la société libérienne Weasua,aurait transporté une partie de la cargaison de BoboDioulasso au Libéria.

211. Le BAC-111 de Minin avait déjà été utilisé endécembre 1998 pour transporter des armes et du maté-riel connexe de l’aéroport de Niamey (Niger) à Monro-via, peu de temps après que Minin l’eut acheté et acommencé à s’en servir dans la région. Le 22 de cemois, en effet, le BAC-111 avait effectué deux vols deNiamey à Monrovia. Au cours du deuxième, il avaitpris à son bord une cargaison d’armes qui provenaientprobablement des stocks des forces armées nigériennes.Ces armes avaient ensuite été chargées sur des véhicu-les de l’armée libérienne. Quelques jours plus tard, lesrebelles du RUF lançaient la grande offensive qui adébouché, en janvier 1999, sur la prise destructrice deFreetown.

C. Le « premier cercle » du régime Taylor

212. Le Président Charles Taylor est directement àl’origine de la violence qui sévit en Sierra Leone. C’estlui en effet qui, avec une petite coterie de responsablesgouvernementaux et d’hommes d’affaires, contrôle unsystème occulte de contournement des sanctions quidonne lieu à des activités criminelles internationalesvisant à armer le RUF. Au fil des années – avant qu’iln’entre en fonction et après –, lui et ses complices ontpassé des contrats avec des hommes d’affaires étran-gers pour financer, mener ou faciliter ces activités oc-cultes. Leurs agissements sont rendus possibles, sur leplan financier, par la contrebande de diamants etl’extraction de ressources naturelles au Libéria et dansle territoire contrôlé par le RUF en Sierra Leone. Ilssont également rendus possibles par le fait qu’ils utili-sent à leurs propres fins le droit souverain qu’a le Libé-ria d’immatriculer des avions et des navires et de déli-vrer des passeports diplomatiques.

213. Le Libéria joue un rôle capital comme centre detransbordement des armes destinées au RUF mais lesarmes qui sont introduites dans la région ne provien-nent pas de ce seul pays. De nombreux hommesd’affaires appartenant au « premier cercle » de la pré-sidence libérienne exercent leurs activités à l’échelleinternationale et achètent des armes en Europe orien-tale. Le Groupe a axé ses travaux sur un nombre limitéde personnes mais la criminalité organisée est bien im-plantée dans la région, comme de nombreux autresexemples pourraient le montrer.

214. Un des personnages clefs de cette criminalité estTalal El-Ndine, un homme d’affaires libanais fortunéqui finance les activités du « premier cercle ». C’est luiqui rémunère personnellement les Libériens qui com-battent en Sierra Leone aux côtés du RUF et ceux quisortent les diamants de Sierra Leone. C’est lui égale-ment qui négocie, dans son bureau d’Old Road, à Mon-rovia, le prix des services des vendeurs et transporteursd’armes et qui amène au Libéria les hommes d’affaireset investisseurs étrangers disposés à coopérer avec lerégime libérien, dans le cadre tant d’activités commer-ciales licites que du trafic illicite d’armes et de dia-mants. C’est lui enfin qui rémunère les pilotes et autresmembres de l’équipage des avions utilisés pour trans-porter des cargaisons clandestines à destination ou enprovenance du Libéria. Ces derniers sont pour la plu-part de nationalité russe ou ukrainienne et séjournentinvariablement à l’hôtel Africa à Monrovia.

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215. Le gérant de cet hôtel est un national néerlandaisrépondant au nom de Gus Van Kouwenhoven. VanKouwenhoven a commencé à gérer cet hôtel et uncommerce de jeux au Libéria dans les années 80. Il faitpartie du « premier cercle », dans lequel il a été intro-duit par l’intermédiaire du conseiller économique duPrésident Taylor, Emmanuel Shaw. Celui-ci, qui a étéMinistre des finances au Libéria, est propriétaired’installations à Robertsfield, notamment de tous leshangars de l’aéroport. Van Kouwenhoven est chargédes aspects logistiques de bon nombre des transactionsd’armes. Grâce aux fonds qu’il a investis dans une so-ciété malaisienne faisant le commerce du bois au Libé-ria, il organise le transfert d’armes de Monrovia vers laSierra Leone. Les routes servant à transporter le boislui permettent de transporter des armes à l’intérieur duLibéria et de les expédier en Sierra Leone.

216. Simon Rosenblum, homme d’affaires israélieninstallé à Abidjan, a investi dans le commerce du boiset la construction de routes au Libéria. Lui aussi trèsproche de Charles Taylor, il est titulaire d’un passeportdiplomatique libérien. C’est notamment à bord de sescamions que des armes ont été transportées de Robert-sfield à la frontière sierra-léonaise.

217. Minin et Van Kouwenhoven sont liés à l’industrielibérienne du bois, qui fournit d’importantes ressourcesextrabudgétaires occultes au Président Taylor à des finsnon spécifiées. Cette industrie est représentée par troissociétés : Exotic and Tropical Timber Enterprise, Fo-rum Liberia et Oriental Timber Company, une sociétéindonésienne.

V. Le Libéria et les réseauxinternationaux de transports

A. Généralités

218. La résolution 1306 (2000) du Conseil de sécuritépriait le Groupe d’experts d’examiner si les systèmesde contrôle de la navigation aérienne dans la régionétaient adéquats pour repérer les vols d’appareils donton soupçonnait qu’ils transportaient à travers les fron-tières nationales des armements et du matériel connexeen violation des sanctions des Nations Unies. Une sur-veillance efficace de l’espace aérien et un système ap-proprié de contrôle dans les aéroports sont essentielspour la détection de tout trafic. À cet égard, le Grouped’experts a déterminé que les capacités régionales de

contrôle aérien étaient insuffisantes, voire totalementinadéquates, pour détecter les activités des marchandsd’armes fournissant le Libéria et le RUF, ou pour avoirun effet dissuasif. La faible surveillance de l’espaceaérien dans la région en général et des pratiques abusi-ves en ce qui concerne l’immatriculation des appareilscréent un climat permettant aux trafiquants d’armesd’opérer en toute impunité. (Les notes techniques surce sujet figurent à la partie III du présent rapport.)

219. On peut citer de nombreux exemples de ce pro-blème. Le 18 juillet 2000, un Iliouchine 18D d’imma-triculation libérienne EL-ALY a demandé l’autorisationd’atterrir à Conakry en Guinée. Le vol était assuré parune compagnie dénommée West Africa Air Services.L’équipage était composé de ressortissants de la Répu-blique de Moldova et l’avion était parti du Kirghizistanà destination du Burkina Faso, puis de la Guinée etenfin du Libéria. Le manifeste de chargement mention-nait sept tonnes de « pièces détachées pour matérielaéronautique », à l’intention d’une entreprise de raisonsociale Kipo Dersgona, à Conakry (Guinée). Cette en-treprise soi-disant guinéenne n’est pas inscrite au re-gistre des entreprises du pays. L’avion ne figure pasnon plus sur la liste des appareils ayant une immatri-culation libérienne que les autorités libériennes ontrépertoriés à l’intention du Groupe d’experts, ni dansles registres de l’Organisation de l’aviation civile in-ternationale.

220. L’enquête se poursuivait à l’heure de la rédactiondu présent rapport. Il est toutefois pratiquement impos-sible de localiser un appareil portant un numérod’immatriculation inconnu et l’avion en question aprobablement utilisé des immatriculations multiples,passant rapidement de l’une à l’autre afin d’éviterd’être détecté. De telles violations des procédures in-ternationales de l’aviation sont difficilement décelablesà moins que les contrôleurs aériens et les autorités aé-roportuaires nationales de différents pays ne coopèrent,notamment en répertoriant et en mettant en commundes informations sur la localisation et les mouvementsde ces appareils.

B. Appareil immatriculé au Libéria

221. Du fait de sa législation laxiste en termesd’immatriculation et d’imposition, le Libéria sert de-puis de nombreuses années de « pavillon de complai-sance » pour l’industrie marginale du fret aérien. Uneentreprise immatriculée au Libéria peut installer ses

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bureaux exécutifs dans un autre pays et se livrer à desactivités commerciales dans le monde entier. Il n’estpas nécessaire d’enregistrer ou de répertorier les nomsdes cadres supérieurs ou des actionnaires et il n’y a pasde minimum requis pour la mise de fonds. Une entre-prise peut obtenir la personnalité juridique dansl’espace d’une journée. Le Libéria bénéficie égalementd’une législation laxiste en ce qui concerne le secteurmaritime et l’aviation, qui accorde aux propriétaires denavires et d’aéronefs une discrétion et une protectionmaximales, avec le minimum d’interférence des orga-nismes de réglementation. Les hommes d’affaires dedivers pays se font concurrence pour attirer des clientsen leur offrant de telles immatriculations offshore. Cesystème a conduit à un mépris total des règles de sécu-rité aéronautique et à l’absence de contrôle des avionsimmatriculés au Libéria opérant au niveau mondial.

222. Le Groupe d’experts a demandé aux autorités del’aviation civile libérienne et au Ministère des trans-ports de lui fournir de la documentation sur tous lesappareils immatriculés au Libéria, mais a appris quecette documentation avait été perdue ou détruite lors dela guerre civile libérienne. La liste des aéronefs imma-triculés au Libéria fournie au Groupe d’experts par leMinistre ne comptait que sept avions. Aucune docu-mentation n’était disponible à propos de 15 autres ap-pareils qui avaient été identifiés par le Grouped’experts. Les autorités libériennes n’avaient appa-remment pas connaissance de nombreux appareils opé-rant sous immatriculation libérienne, qui n’avaient ja-mais été inspectés ni même vus dans le pays. Nombrede ces appareils opéraient à partir d’aéroports en Afri-que centrale (N’Djili en République démocratique duCongo, Luanda en Angola ou des aéroports nationauxdu Congo (Brazzaville), du Rwanda, du Kenya et duGabon) ou du Moyen-Orient (Émirats arabes unis, Tri-poli en Libye, Khartoum au Soudan).

223. Plusieurs pays (dont la Belgique, l’Afrique duSud, le Royaume-Uni et l’Espagne) ont au cours desdernières années banni les appareils immatriculés auLibéria de leur espace aérien ou de leurs aéroports,notamment en raison de fraudes au niveau de leur im-matriculation. L’attribution du même numéro d’imma-triculation à plus d’un appareil était notamment unepratique illicite fréquemment mentionnée par les ins-pecteurs des aéroports dans toute l’Afrique. Il est éga-lement avéré que les avions d’immatriculation EL duLibéria opérant en Afrique et à partir d’aéroports des

Émirats arabes unis sont fréquemment utilisés pour desenvois illicites d’armes.

C. Principaux responsablesdu registre libérien de l’aviation

224. Un ressortissant kényen, Sanjivan Ruprah, joueun rôle de premier plan en ce qui concerne le registrelibérien de l’aviation et le commerce des armes. Avantd’intervenir au Libéria, Sanjivan Ruprah avait des inté-rêts dans des mines au Kenya et était associé àl’entreprise Branch Energy (Kenya). Branch Energypossède des droits sur des mines de diamants en SierraLeone et a présenté Executive Outcomes, une entre-prise militaire privée, au Gouvernement sierra-léonaisen 1995. Ruprah est également un marchand d’armesconnu. Il a travaillé en Afrique du Sud avec Roelf vanHeerden, qui avait été son collègue à Executive Out-comes, et ils ont fait des affaires ensemble, notammentau Rwanda et en RDC. Ruprah a à un moment dirigéune compagnie aérienne au Kenya, Simba Airlines,jusqu’à ce qu’une enquête sur des irrégularités finan-cières ait imposé la fermeture de la compagnie.

225. En novembre 1999, Ruprah a été autorisé parécrit par le Ministre libérien des transports à faire of-fice d’« agent de l’aviation civile dans le monde en-tier » au nom de l’Autorité de tutelle de l’aviation ci-vile libérienne et d’« étudier et régulariser ... le registrelibérien de l’aviation civile ». L’objectif manifeste del’enquête de Ruprah était de « suspendre ou annulerl’immatriculation des appareils qui étaient dotés decertificats illégaux délivrés à l’insu du Gouverne-ment ». Au cours de sa visite au Libéria, le Grouped’experts a posé des questions au Ministère des trans-ports, au Ministère de la justice et aux autorités policiè-res sur Ruprah et ses activités, mais ces derniers ontrépondu qu’ils ne connaissaient pas l’individu en ques-tion.

226. Sanjivan Ruprah voyage sous couvert d’un passe-port diplomatique libérien délivré au nom de SamirM. Nasr. Le passeport le désigne comme commissaireajdoint aux affaires maritimes du Libéria.

227. Un ressortissant britannique, Michael G. Harri-dine, avait auparavant été nommé par le Ministre libé-rien des transports Président de l’Autorité de tutelle del’aviation civile libérienne, par l’intermédiaire d’unbureau au Royaume-Uni. M. Harridine a indiqué auGroupe d’experts qu’il ne s’occupait plus de l’immatri-

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culation d’avions au Libéria. Il a toutefois reconnu quel’immatriculation d’appareils libériens était entachéed’irrégularités.

228. Une compagnie aérienne nommée Santa CruzImperial/Flying Dolphin, dont le siège est aux Émiratsarabes unis, a utilisé le registre libérien pour ses appa-reils, apparemment à l’insu des autorités libériennesjusqu’en 1998. Elle a également utilisé le registre duSwaziland jusqu’à ce que le Gouvernement de ce paysen retire ses appareils en 1999. Au total, 43 appareilsont été immatriculés, exploités par les compagnies ci-après : Air Cess, Air Pass, Southern Cross Airlines,Flying Dolphin et Southern Gateway Corporation.D’après le Gouvernement swazi, « bien que les nomssoient différents, la plupart de ces compagnies ne fontqu’une et n’opéraient pas à partir du Swaziland ».Lorsqu’il a découvert que certains de ces appareilsétaient encore en opération, le Gouvernement swazi aenvoyé des informations aux autorités de l’aviationcivile des Émirats arabes unis où certains des appareilssont basés, d’une part, en raison de préoccupations enmatière de sécurité et, d’autre part, parce qu’il estimaitque les responsables pouvaient être impliqués dans letrafic d’armes. La compagnie Flying Dolphin appar-tient au cheikh Abdullah bin Zayed bin Saqr al Nayhan,un associé de Victor Bout.

229. Victor Bout est un fournisseur bien connu quiapprovisionne des destinataires non gouvernementauxfrappés d’embargo, en Angola et en République démo-cratique du Congo notamment. Viktor Vasilevich Butt,plus connu sous le nom de Victor Bout, est souventappelé par les forces de l’ordre « Victor B », car il uti-lise au moins cinq différentes identités ou différentesversions de son nom de famille. Il est né à Douchanbé(Tadjikistan), a suivi la formation de l’armée de l’air enRussie, et aurait travaillé comme agent du KGB peuavant la fin de la guerre froide. Il est ensuite entré dansle secteur privé, créant des compagnies aériennes danstoute l’Europe orientale. Aujourd’hui, Victor Bout su-pervise un réseau complexe qui englobe plus de50 avions, des dizaines de compagnies aériennes, descompagnies de fret aérien et des compagnies de transi-taires, dont la plupart sont impliquées dans des envoisillicites. Bout quant à lui réside aux Émirats arabesunis.

230. Victor Bout a utilisé à de nombreuses reprises leregistre libérien de l’aviation pour sa compagnie AirCess Liberia. Le Groupe d’experts de l’ONU enquêtantsur les violations des sanctions imposées par l’ONU

contre l’UNITA en Angola a identifié 37 envois aériensd’armes entre juillet 1997 et octobre 1998, utilisanttous de faux certificats d’utilisateur final et de fauxplans de vol, effectués par des avions immatriculés auLibéria opérés par Victor Bout. Ce dernier est un rési-dent des Émirats arabes unis et la plupart de ses com-pagnies aériennes y sont basées, fournissant des servi-ces d’affrètement à des entreprises situées dans plus de10 pays. Ses avions sont parfois immatriculés dansd’autres pays, notamment en Guinée équatoriale et enRépublique centrafricaine.

231. Centrafricain Airlines est l’une des nombreusescompagnies aériennes contrôlées par Victor Bout et songroupe de fret aérien Air Cess/Transavia Travel Cargo.Au début de 2000, une enquête a été menée en Répu-blique centrafricaine sur des fraudes concernantl’immatriculation d’un appareil exploité par Centrafri-cain Airlines, car certains appareils de cette compagnieopéraient sans licence.

232. Un Iliouchine 76, immatriculé au Libéria pour lecompte de Air Cess Liberia en 1996, a été par la suiteimmatriculé au Swaziland. Il a ensuite été retiré duregistre du Swaziland par les autorités de l’aviationcivile de ce pays en raison d’irrégularités. L’avion a étéensuite placé sur le registre de la République centrafri-caine, où il a été immatriculé TL-ACU pour Centrafri-cain Airlines. L’appareil porte parfois une immatricu-lation du Gouvernement du Congo (Brazzaville) et, àl’instar d’autres avions de Victor Bout, il est basé àSharjah aux Émirats arabes unis.

233. Cet appareil a été utilisé en juillet et en août 2000pour des livraisons d’armes au Libéria en provenanced’Europe. Cet avion et un Antonov ont effectué quatrelivraisons au Libéria, trois en juillet et une en août2000. Le chargement incluait des hélicoptères d’atta-que, des rotors de rechange, des systèmes antichar etantiaériens, des missiles, des véhicules blindés, desmitrailleuses et environ un million de cartouches. Leshélicoptères étaient du type Mi-2 et Mi-17. Quelquesmois auparavant, deux hélicoptères Alouette-3 avaientété livrés par un avion du Gouvernement libyen, maisces hélicoptères ont été remplacés par les nouveauxarrivés et ne sont probablement plus au Libéria (unenote sur les sources européennes d’armements figureau paragraphe 247 ci-après). Ces livraisons, toutes ef-fectuées après la rupture de l’Accord de paix de Lomé,sont particulièrement préoccupantes.

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234. Les transactions ont été mises au point par VictorBout aux Émirats arabes unis et par Gus van Kouwen-hoven (voir par. 217 ci-dessus). L’avion utilisé pour lalivraison des hélicoptères était l’Iliouchine 76 immatri-culé TL-ACU. Victor Bout a eu recours à un transitaireà Abidjan. Une compagnie fantôme « Abidjan Freight »a été créée comme couverture par Sanjivan Ruprah afinde dissimuler le trajet exact et la destination finale del’avion. Le trajet annoncé était « Entebbe-Robertsfield-Abidjan », mais le fret a été déchargé à Robertsfield.Les armes provenaient d’Europe centrale et d’Asiecentrale.

D. Bureaux dans les Émirats arabes unis

235. La quasi-totalité des entreprises de Victor Bout,où qu’elles soient immatriculées, opèrent à partir desÉmirats arabes unis. L’aéroport de Sharjah sertd’« aéroport de complaisance » pour des avions imma-triculés dans de nombreux autres pays, comme le Swa-ziland, la Guinée équatoriale, la République centrafri-caine et le Libéria. En octobre 1998, 15 appareils de lacompagnie Santa Cruz Imperial/Flying Dolphin, tousimmatriculés au Libéria mais opérant à partir de Shar-jah, ont été temporairement cloués au sol par l’Admi-nistration libérienne de l’aviation. Les avions ont éga-lement fait l’objet d’une enquête au Swaziland et enAfrique du Sud et ont finalement été interdits dans lesaéroports de ces pays.

236. Les autorités des Émirats arabes unis sont cons-cientes de la gravité du problème et ont indiqué auGroupe d’experts qu’elles étaient en train de prendredes mesures grâce auxquelles il sera plus difficile pourun avion immatriculé à l’étranger de demeurer dans lesÉmirats arabes unis pendant plus d’un an, sans fairel’objet d’une inspection locale. Un meilleur systèmed’immatriculation et d’inspections de sécurité permet-trait peut-être d’améliorer la sécurité de ces appareils,mais ne règlerait pas le problème des envois d’armes.Les préoccupations soulevées par le Groupe d’expertsont déjà été évoquées auparavant aux Émirats arabesunis, mais on ne sait pas si des mesures significativesont été prises à cet égard.

VI. Autres questions

A. Le rôle des douanes dans les paysd’exportation et de transit

237. S’agissant des livraisons d’hélicoptères militaireset de missiles de calibre lourd de juillet et d’août 2000,le Groupe d’experts n’a pas pu obtenir d’informationsconcluantes sur la source exacte d’approvisionnement.D’une façon générale, toutefois, le Groupe d’expertsestime que des initiatives devraient être prises pourrenforcer les moyens dont disposent les pays d’Europeorientale pour contrôler plus étroitement les exporta-tions d’armes. Un appareil de la taille d’un hélicoptèremilitaire Mi-17 passe difficilement inaperçu, et la li-vraison de matériel de ce type au Libéria ne peutéchapper aux services des douanes des pays d’origine,à moins que les plans de vol et les certificatsd’utilisation des appareils ne soient des faux, ou queles douaniers aux points de sortie ne soient payés pourfermer les yeux. Le fait que les aéronefs appartenant àVictor Bout transportent constamment des armes enprovenance d’Europe orientale dans les zones de guerreafricaines semble confirmer la deuxième hypothèse. Ily a donc lieu d’ouvrir une enquête approfondie sur lesmoyens d’action des autorités chargées de l’octroi deslicences et du contrôle en Europe orientale.

238. Pour ce qui est de l’Afrique occidentale, tout aé-ronef en provenance d’Europe orientale doit faire aumoins une escale d’avitaillement en carburant en mi-lieu de parcours. On pourrait donc inspecter les cargai-sons dans les aéroports d’avitaillement afin de décelerles marchandises illicites. Par ailleurs, les envoisd’armes en violation des sanctions de l’ONU transitentsouvent par des pays voisins de l’État frappé d’embar-go. On pourrait donc procéder à une troisième inspec-tion de la cargaison dans ces pays. Or, on dénombrepeu de cas majeurs d’aéronefs transportant des armesqu’on ait empêché de décoller en Europe orientale,dans d’importants escales techniques comme Le Caire,Nairobi ou Entebbe, ou n’importe où ailleurs en Afri-que occidentale.

239. Le renforcement de la surveillance aérienne ou ducontrôle des frontières ne suffit pas à lui seul à régler leproblème du transport aérien d’armes illicites. Il fau-drait mettre en place des mécanismes de coordinationet de concertation entre chaque pays d’origine et dedestination des expéditions internationales de mar-chandises militaires, et les services des douanes et lesautorités aéroportuaires pourraient jouer un rôle toutaussi important dans l’application des sanctions.L’Organisation mondiale des douanes a établi un mo-dèle uniforme de document qui permettraitd’harmoniser et de normaliser la procédure de déclara-

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tion et d’inspection des marchandises aux postes fron-tières, dans les ports et les aéroports.

B. Le rôle des autorités aéroportuaireset des inspecteurs

240. Les avions qui déchargent ou chargent du fretdoivent obligatoirement déposer une demande de li-cence d’exploitation étrangère. En outre, il incombe àla direction de chaque aéroport de vérifier la légitimitéde tous les avions à l’arrivée et de leurs exploitants.Ces formalités offrent deux possibilités d’inspectionsuccessives pour détecter les expéditeurs d’armes illi-cites. Le dépôt de faux plans de vol, l’utilisation defausses immatriculations pour les avions et les états deservice d’une exploitant peuvent être passés au crible àchacune de ces étapes. Certains trafiquants d’armes etles avions qu’ils utilisent sont notoires.

241. L’utilisation d’immatriculations multiples pour unseul avion, ou le changement d’immatriculation du jourau lendemain, sont des pratiques qui devraient éveillerles soupçons des autorités aéroportuaires du mondeentier. Victor Bout et d’autres exploitants transportantdes marchandises illicites ont pu se livrer impunémentà ces pratiques dans beaucoup trop de pays. Dans quel-ques cas, Victor Bout a dû payer de modestes amendes,mais pas au point de compromettre ses alliances lucra-tives avec les chefs de guerre, les chefs rebelles et lescriminels de nombreux pays africains.

242. Bien que certains pays aient interdit à titre tempo-raire ou permanent aux aéronefs immatriculés au Libé-ria d’entrer dans leur espace aérien, le registre libériencontinue d’être utilisé frauduleusement. Il est manifesteque cette pratique a été orchestrée depuis le Libéria encoopération avec d’habiles hommes d’affaires étran-gers et les avions libériens demeurent omniprésentsdans de nombreux pays africains, notamment ceux enconflit.

C. Le non-respect des moratoireset des embargos

243. Les signataires de l’Arrangement de Wassenaar,parmi lesquels figurent les principaux fabricantsd’armes mondiaux, notamment d’armes légères et demunitions, ont accepté de leur plein gré d’être associésau contrôle des exportations d’armes et de munitions.Ils ont également convenu de se conformer au mora-

toire de la CEDEAO, et de limiter leurs exportationsd’armes en Afrique occidentale. Le Groupe d’expertstrouve profondément regrettable que l’Ukraine, signa-taire de l’Arrangement de Wassenaar, et le BurkinaFaso, signataire du moratoire de la CEDEAO, n’aientfait preuve ni de retenue ni de diligence dans le com-merce d’armements et aient été impliqués dans de gros-ses transactions quelques mois à peine après la signa-ture de ces accords. Qui plus est, les armes ont été dé-tournées vers le Libéria au profit des rebelles de laSierra Leone, en violation flagrante de l’esprit du mo-ratoire de la CEDEAO et des sanctions décrétées parl’ONU contre le Libéria et la Sierra Leone.

244. Le moratoire de la CEDEAO ne s’applique pas autrafic illicite. Toutefois, du 30 novembre au 1er décem-bre 2000, une Conférence ministérielle s’est tenue sousles auspices de l’Organisation de l’unité africaine(OUA) à Bamako, au Mali. Une déclaration a étéadoptée concernant la Position commune africaine surla prolifération, la circulation et le trafic illicites desarmes légères et portatives. Les signataires ont décidéd’accroître les moyens dont disposaient les pays mem-bres de l’OUA pour identifier, saisir et détruire les ar-mes illicites, mettre en place des mesures de contrôlede la circulation, de la possession, du transfert et del’utilisation des armes légères et portatives et institu-tionnaliser des programmes de formation afin de mieuxcontrôler et d’éliminer totalement la circulation desarmes illicites en Afrique.

245. Les marchandises militaires devraient toujoursêtre accompagnées d’une licence d’exportation, d’uncertificat d’utilisation, d’un connaissement aérien,d’une facture pro forma, d’un manifeste de chargementet d’un descriptif détaillé de la liste de fret. LaConvention de Kyoto sur les régimes douaniers, telleque révisée en 1996, constitue un bon départ en vue del’amélioration de ces formalités, mais elle n’a toujourspas été signée ni appliquée par les États Membres del’ONU. L’entrée en vigueur d’un document unique,adapté à l’échelle mondiale, permettrait aux douaniersou aux autorités d’exportation, de transit et d’importa-tion de déterminer avec beaucoup plus de précision lanature exacte de la cargaison et l’identité des agentsimpliqués dans la manutention, l’expédition, la facili-tation ou l’achat et la vente d’armes. Pour commencer,tous les États Membres de l’ONU doivent ratifier laConvention de toute urgence.

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D. Investigations supplémentaires

246. Au coeur de toute entreprise criminelle se trou-vent toujours des actifs financiers. Le personnel et lematériel sont toujours remplaçables tant que les actifsfinanciers ne sont pas menacés. Faute de temps, leGroupe d’experts n’a pas pu examiner les actifs deschefs du RUF, de leurs commanditaires et des membresde groupes du crime organisé qui les ravitaillent. Uncomplément d’enquête serait nécessaire pour identifier,localiser, geler et confisquer ces actifs.

247. Faute de temps, le Groupe d’experts n’a pas puenquêter à fond sur la source (c’est-à-dire les pays pro-ducteurs) des armes qui contreviennent aux embargospertinents du Conseil de sécurité. Comme il est indiquéplus bas (par. 250), l’une des demandes de renseigne-ments restées sans réponse concerne un incident surve-nu au Kazakhstan. Une autre porte sur la société Re-nan, dont le siège est en Moldova.

248. Avant l’arrivée de la MINUSIL en Sierra Leone,il est arrivé à plusieurs reprises que les rebelles duRUF s’emparent des armes de soldats nigérians del’ECOMOG tombés en embuscade. Au cours du siègede Kono de décembre 1998, par exemple, les rebellesont fait main basse sur de nombreuses armes del’ECOMOG, dont plusieurs véhicules blindés. Qui plusest, le Groupe d’experts a reçu une foule d’informa-tions faisant état d’échanges d’armes appartenant à dessoldats nigérians de l’ECOMOG contre de l’argent enespèces, des diamants, des produits alimentaires oud’autres produits. Les données fournies ont été jugéesfiables, mais il faudra un complément d’enquête pourconfirmer ou démentir ces allégations.

249. Au cours de ses travaux, le Groupe d’experts aobtenu des renseignements sur les liens existant entrele RUF et les rebelles de Guinée-Bissau, et les repré-sentants de l’UNITA en Afrique occidentale. Il n’atoutefois pas pu réunir de preuves irréfutables et uncomplément de recherche est nécessaire, de préférenceen coopération avec les autorités de police et decontrôle des frontières de la région.

250. Le Gouvernement kazakh a ordonné une enquêtesur un complice de Victor Bout, un citoyen russe dé-nommé Oleg Grigorovich Orlov, soupçonné d’avoir faitsortir du pays en contrebande deux hélicoptères Mi-8T.Selon le Gouvernement kazakh, Orlov est présent surles marchés de l’armement de la Communauté d’Étatsindépendants, de la Syrie, du Sri Lanka, du Pakistan,

de la Corée du Nord et de certains pays africains dontl’Érythrée. Il a traité avec les sociétés ci-après : Dun-ford-Avia Progress Ltd. (Chypre), Global OmarusTechnology Ltd., récemment rebaptisée EMM ArabSystem Ltd. (Chypre), Euroasian Financial IndustryGroup (Singapour et Malaisie), Belmont Trading etGulfstream. Un complément d’enquête sur Orlov et sesliens avec Victor Bout permettrait de faire la lumièresur une importante source de flux d’armes illicites enAfrique.

251. Le 7 décembre 2000, le Groupe d’experts a étéinformé par les autorités ougandaises que les douanesde leur pays avaient récemment confisqué un charge-ment d’armes dont la destination présumée était Mon-rovia. Les autorités ougandaises avaient autorisé letransport par avion, d’Entebbe à Conakry, de ces armesdestinées au Ministère guinéen de la défense. Le plande vol, toutefois, indiquait que la destination réelle del’avion était Monrovia. Un complément d’informationest attendu.

VII. Conclusions relatives aux armeset au RUF

252. Le Libéria s’emploie à enfreindre l’embargofrappant les importations d’armes sur son propre terri-toire et en Sierra Leone, avec le soutien actif du Burki-na Faso. Il reçoit l’aide tacite de tous les pays fournis-seurs de ces armes, des pays qui laissent les armestransiter par leur territoire ou le survoler sans poser lamoindre question, et des pays qui fournissent une baseaux avions utilisés pour ces opérations.

253. Au Libéria, l’immatriculation des avions est ma-nifestement liée à des activités illégales qui n’ont rien àvoir avec l’immatriculation extraterritoriale des avionsou des équipages pour raisons économiques. L’utilisa-tion d’immatriculations achetées au Libéria au cas parcas et pour de courtes périodes, sans que l’avion ou sesexploitants soient soumis à la moindre inspection, amanifestement pour but d’empêcher l’identification desavions utilisés à des fins illicites. Victor Bout, SanjivanRuprah, Leonid Minin et Sheik Abdullah bin Zayed binSaqr al Nayhan sont les principaux instigateurs de cespratiques illégales, en étroite collaboration avec lesplus hautes autorités du Libéria.

254. En résumé, le RUF est à même de se procurer degrosses quantités d’armes, de matériel militaire et de

RAPPORT DU GRIP 2001/240

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S/2000/1195

matériel connexe du fait des principaux facteurs ci-après :

• Le pouvoir d’achat tiré de la vente des diamantsde la guerre;

• Le fait que certains des principaux pays fabricantsd’armes soient prêts à vendre des armes sans sepréoccuper de leur utilisateur final;

• L’empressement de certains pays à délivrer descertificats d’utilisation et/ou à faciliter le transitdes armes en toute sécurité sur leur territoire;

• La faiblesse des réglementations applicables àl’activité des courtiers d’armes et de leurs inter-médiaires;

• La corruption;

• L’incapacité de la Sierra Leone et de ses voisins àsurveiller et à contrôler leur espace aérien;

• La volonté du Libéria de déstabiliser ses voisins.

VIII. Recommandations concernantle contrôle des armes,des transportset de la circulation aérienne

255. Le Groupe d’experts recommande vivementd’interdire de vol tous les aéronefs portant un numérod’immatriculation « EL- » et basés dans des aéroportsautres que libériens, avec effet immédiatement et jus-qu’à ce que les dispositions figurant dans les recom-mandations qui suivent aient été appliquées. L’interdic-tion inclut les avions basés à Chardjah et d’autres aéro-ports dans les Émirats arabes unis, au Congo-Brazzaville, en République démocratique du Congo, auGabon, en Angola, au Rwanda et au Kenya. Il faudraitconseiller aux autorités aéroportuaires et aux opéra-teurs d’avions immatriculés au Libéria au cours descinq dernières années de tenir toute leur documenta-tion, leurs livres de bord et registres, leurs permisd’exploitation, leurs lettres de transport et leurs mani-festes de chargement prêts pour inspection.

256. Il est recommandé en outre d’intimer à tous lesexploitants d’aéronefs inscrits au registre libérien, oùqu’ils soient basés, de déposer leurs certificats de navi-gabilité et permis d’exploitation ainsi que leurs docu-ments d’assurance auprès du siège de l’Organisation del’aviation civile internationale (OACI) à Montréal, y

compris la documentation relative aux inspections ef-fectuées les cinq dernières années. Les aéronefs de tousles exploitants qui ne se conformeraient pas à cetteinstruction devraient être interdits de vol définitive-ment. Les aéronefs qui ne répondraient pas aux normesde l’OACI devraient être interdits de vol définitive-ment.

257. Le Conseil de sécurité, par l’intermédiaire del’OACI, de l’Association du transport aérien interna-tional (IATA) et de l’Organisation mondiale des doua-nes (OMD), devrait établir un bulletin d’informationcentralisé et communiquer la liste des aéronefs libé-riens interdits de vol à tous les aéroports du monde.

258. Le Burkina Faso a récemment recommandé que leConseil de sécurité supervise un mécanisme qui seraitchargé de contrôler toutes les importations d’armesdans son territoire, et leur utilisation, pendant une pé-riode de trois ans. Le Groupe d’experts approuve cetteproposition. Le Groupe recommande également que,dans le cadre de ce mécanisme, l’on enquête sur toutesles importations d’armes et de matériel connexe auBurkina Faso effectuées ces cinq dernières années. Ilrecommande en outre que tout État ayant exporté desarmes au Burkina Faso au cours de cette période mèneune enquête sur l’utilisation finale effective de ces ar-mes, et rende compte des résultats de cette enquête auConseil de sécurité et au Programme de coordination etd’assistance pour la sécurité et le développement établien vertu du Moratoire de la CEDEAO.

259. Compte tenu des cas de violation des sanctionssur lesquels le Groupe d’experts a enquêté et des in-formations rassemblées dans la région, le Groupe re-commande au Conseil de sécurité d’encourager le ren-forcement du Programme de coordination etd’assistance pour la sécurité et le développement de laCEDEAO, avec l’appui d’Interpol et de l’Organisationmondiale des douanes. Ce programme devrait être ha-bilité à contrôler activement le respect des embargossur les armes et la circulation des armes illicites dans larégion.

260. Le Conseil de sécurité devrait encourager lesÉtats membres de la CEDEAO à conclure des accordsbilatéraux contraignants entre États ayant des zonesfrontalières communes, afin de mettre en place un sys-tème de contrôle efficace, collectif et convenu au ni-veau international comprenant l’inscription dans lesregistres, la délivrance de permis, et la collecte et ladestruction des armes légères et des armes portatives.

41LE RÉARMEMENT DE LA SIERRA LEONE

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Ces accords bilatéraux peuvent être encouragés et faci-lités par l’intermédiaire de la CEDEAO et du Pro-gramme de coordination et d’assistance pour la sécuritéet le développement. Interpol pourrait mettre au pointune norme commune et assurer la gestion d’une basede données sur les cas majeurs de contrebande et decontravention aux sanctions dans la région. Le Systèmeinternational de dépistage des armes et des explosifs(IWETS) d’Interpol pourrait être utilisé pour retrouverl’origine des armements.

261. Dans le présent rapport, le Groupe d’experts aidentifié certains courtiers en armes privés et intermé-diaires responsables de la fourniture d’armes au RUF.Il faudrait élaborer un projet visant à déterminer lescaractéristiques de ces courtiers avec la coopérationd’Interpol. De même, vu l’importance des transportsaériens dans la violation des sanctions, il faudrait dé-terminer les caractéristiques des principales compa-gnies de transport participant à ces pratiques, afin detrouver les moyens de renforcer encore l’applicationdes sanctions.

262. La responsabilité de l’arrivée massive d’armes enAfrique de l’Ouest incombe aux pays producteurs deces armes comme à ceux qui les transportent et les uti-lisent. Le Conseil de sécurité doit trouver les moyensde restreindre l’exportation d’armes, surtout en prove-nance d’Europe orientale, dans les zones de conflit setrouvant sous embargo régional ou embargo de l’ONU.La méthode « Que chacun sache » (pour faire honteaux coupables) est un premier pas, mais il faudrait aus-si envisager de décréter un embargo sur les exporta-tions d’armes en provenance de certains pays produc-teurs, tout comme on a imposé un embargo sur les dia-mants venant de certains pays producteurs, jusqu’à cequ’aient été mis au point des plans acceptables de certi-fication.

263. Il conviendrait de modifier les embargos décrétéspar le Conseil de sécurité actuellement en vigueur defaçon à y inclure clairement l’interdiction de la four-niture d’entraînement militaire et paramilitaire.

264. Il faudrait encourager les pays d’Afrique del’Ouest qui n’ont pas signé la Convention internatio-nale de 1989 contre le recrutement, l’utilisation, le fi-nancement et l’instruction de mercenaires à le faire.

265. Il faudrait entreprendre une analyse des armes àfeu récupérées des rebelles, en coopération avec Inter-pol et son Système international de dépistage des armeset des explosifs, ce qui aiderait à mieux déterminer

l’identité des personnes faisant partie de la ligned’approvisionnement du RUF.

266. Il faudrait demander à l’Organisation mondialedes douanes de donner au Conseil de sécurité son avissur l’établissement de mesures adéquates pour mieuxcontrôler et détecter les armes et le matériel connexepassant par des protagonistes autres que des États, oupar des pays auxquels s’applique un embargo sur lesarmes.

267. Il faudrait envisager d’élaborer des programmesde formation spéciaux sur la surveillance de l’applica-tion des sanctions à l’intention des organismes de po-lice et de sécurité, ainsi que par le personnel aéropor-tuaire et douanier en Afrique de l’Ouest, et d’établir unou des manuel(s) sur la surveillance de l’applicationdes sanctions dans les aéroports à l’intention des auto-rités aéroportuaires et les services de police dans lemonde entier.

268. Il faudrait envisager de poster des agents de sur-veillance de l’ONU spécialisés dans les principaux aé-roports de la région (et peut-être au-delà), en seconcentrant sur les zones névralgiques, et en coordon-nant les résultats obtenus avec d’autres aéroports. Celapermettrait de mieux déterminer les aéronefs suspects.Cela créerait également un élément de dissuasioncontre le trafic illicite et permettrait d’obtenir les in-formations nécessaires pour identifier les avions, lespropriétaires et les exploitants qui violent les sanctionset les embargos sur les armes de l’ONU.

269. Le Conseil de sécurité devrait examiner les fa-çons dont on pourrait améliorer le contrôle et la sur-veillance de la circulation aérienne en Afrique del’Ouest, aux fins de réduire les mouvements illicitesd’armes. On pourrait notamment :

• Encourager l’installation de radars primaires danstous les principaux aéroports d’Afrique del’Ouest, et trouver l’appui financier pour ce faire.Seuls les radars primaires peuvent détecter indé-pendamment les mouvements des aéronefs;

• À défaut, opter pour le « pseudo radar » qui créeun environnement radar au moyen de puissantsmoyens de transmission de données air/sol parsatellite;

• Imposer l’utilisation dans la région d’un systèmede positionnement universel et obliger les aéro-nefs à s’équiper des systèmes d’avionique voulus,en installant le matériel correspondant au sol.

RAPPORT DU GRIP 2001/242

n0080118.doc 51

S/2000/1195

Ainsi, les aéronefs circulant en Afrique del’Ouest seraient tenus d’être équipés, ou d’avoir àleur bord, des systèmes d’avionique permettantaux contrôleurs au sol d’identifier tout mouve-ment se produisant dans leur secteur, n’importeoù et à n’importe quel moment;

• Encourager l’OACI et d’autres organismes inté-ressés à aider les États à renforcer l’autonomiedes organes établis pour gérer les services de na-vigation aérienne.

IX. Recommandations finales

270. Dans le présent rapport, le Groupe d’experts for-mule toute une série de recommandations précises pourtraiter de la question des diamants, des armes et del’utilisation d’aéronefs pour éluder les sanctions, et dela circulation d’armes illicites. Nombre de ces recom-mandations et les problèmes qu’elles cherchent à réglerconcernent le principal appui du RUF, le Libéria – lePrésident de ce pays, son gouvernement et les particu-liers et sociétés avec lesquels ils traitent. Le Grouped’experts note avec préoccupation que les résolutionsdu Conseil de sécurité concernant les diamants et lesarmes sont violées en toute impunité. Outre celles quiprécèdent, le Groupe présente les recommandations ci-après.

271. Il conviendrait d’envisager de faire appliquer partous les États Membres de l’ONU une interdiction devoyage semblable à celle que les États-Unis imposentdéjà aux hauts fonctionnaires et aux diplomates libé-riens, jusqu’à ce que le Libéria cesse définitivementd’appuyer le RUF et de contrevenir à d’autres sanc-tions imposées par l’ONU.

272. Les principaux protagonistes de l’industrie dubois du Libéria participent à toute une variété d’opéra-tions illicites, et une grande partie des recettes sert àpayer des activités extrabudgétaires, notammentl’acquisition d’armes. Il faudrait envisager de décréterun embargo temporaire sur les exportations de boislibériennes jusqu’à ce que le Libéria ait démontré defaçon convaincante qu’il ne participe plus au traficd’armes à destination du Libéria ou de diamants enprovenance de ce pays.

273. Il faudrait envisager de créer au Secrétariat del’ONU un mécanisme capable d’assurer le contrôlecontinu de l’application des sanctions et des embargosdécrétés par le Conseil de sécurité. C’est là un élément

indispensable si l’on veut établir une base de connais-sances interne sur les questions d’actualité comme lesdiamants de la guerre, comme il est noté au paragraphe166 ci-dessus, mais il importe encore plus de susciterune plus grande conscience de problèmes tels que lecommerce illicite d’armes et de matériel connexe, ainsique d’instaurer la capacité d’y faire face, car il est peuprobable d’en voir la solution dans un avenir proche.

43LE RÉARMEMENT DE LA SIERRA LEONE

GROUPE DE RECHERCHEET D'INFORMATIONSUR LA PAIX ET LASÉCURITÉ

Fondé en 1979 à Bruxelles,le GRIP est un institut derecherche indépendant qui étu-die les questions de défense, desécurité et de désarmement.Par ses travaux, le GRIP veutcontribuer à une meilleurecompréhension de ces problé-matiques dans la perspectived'une amélioration de la sécuri-té internationale en Europeet dans le monde.

Adresse : rue Van Hoorde, 33B -1030 BruxellesTEL: (32.2) 241.84.20FAX: (32.2) 245.19.33E.Mail: [email protected]: http://www.grip.org

(bureaux ouverts du lundiau vendredi de 8h30 à 13h etde 13h30 à 17h)

Directeur : Bernard Adam

Coordination : Bernard Adam,Luc Mampaey, Caroline Pailhe,Marc Schmitz

Recherche : Bernard Adam,Georges Berghezan, Luc Mam-paey, Félix Nkundabagenzi,Sophie Nolet, Caroline Pailhe,Valérie Peclow, Jean-PhilippeRenaud, Marc Schmitz, MichelWéry

Secrétariat et administration :Edith Grosse, Caroline Pailhe,Chantal Schamp

Centre de documentation :Valérie Peclow, AlainReisenfeld

Edition, relations publiques :Sabine Fievet, Sophie Nolet,Marc Schmitz

Informatique : Luc Mampaey

Conseil d'administration :Bernard Adam (administrateurdélégué), Rik Coolsaet, LaurentDumont, Gérard Lambert(président), René Marchandise,Michel Wautelet.

LES PUBLICATIONS DU GRIP

Depuis sa fondation, le GRIP est surtout connu par son travail d’édition. Au fildu temps, les publications ont changé, tant au niveau du contenu, de laprésentation que de la périodicité. Depuis l’automne 1997, elles se présententsous trois formes :

1. Les Nouvelles du GRIPUne lettre d’information trimestrielle de 8 pages : regard sur les grandsdossiers du moment, nouvelles insolites, aperçu des activités du centre, etc.

Cette lettre est envoyée d’office à tous les membres du GRIP en règle de coti-sation de même qu’aux abonnés aux « Livres du GRIP ».

2. Les Livres du GRIPChaque année, le GRIP publie 5 ouvrages en collaboration avec les éditionsComplexe, abordant les questions internationales dans les domaines de lagéo-stratégie, de la défense et de la sécurité internationale.

Ces 5 ouvrages font partie de l’abonnement aux « Livres du GRIP » ; ils sontégalement disponibles en librairie et au GRIP.

3. Les Rapports du GRIPCette nouvelle collection (format A4, sans périodicité) valorise des travaux derecherche réalisés pour la plupart au GRIP.

Ces rapports sont envoyés d’office à tous ceux qui souscrivent un abonnementde soutien ; ils peuvent aussi être commandés au GRIP.

Tarifs 2001

Belgique France Autres AutresEurope Monde

1. Cotisation1

Abonnement aux 600 FB 100 FF 700 FB 750 FB«Nouvelles du GRIP» 14,87 euros 15,24 euros 17,35 euros 18,59 euros

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3. L'abonnement annuel complet inclut la collection des Rapports (non périodiques), avec en moyenne sixparutions par année.

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RAPPORT DU GRIP 2001/244

Les Rapports du GRIP

1/97 Ex-Yougoslavie - L'embargo sur les armes et le réarmementactuel, Georges Berghezan, 32p., 300FB - 55FF - 7,44 euros.

2/97 FN Herstal : Quel avenir pour la tradition armurière ?, LucMampaey, 20p., 200FB - 35FF - 4,96 euros.

3/97 Burundi : trafics d'armes et aides militaires, Human RightsWatch, 60p., 450FB - 80FF - 11,16 euros.

1/98 L'industrie belge de défense - Adaptation, consolidation etmythe de la reconversion, Luc Mampaey, 84p., 500FB - 90FF -12,39 euros.

2/98 Kosovo : poudrière des Balkans, Sevdi Zymberaj et BernardAdam, 21p., 300FB - 55FF - 7,44 euros.

3/98 Concepts et potentiels nucléaires 1999-2000, André Dumoulin,35p., 300FB - 55FF - 7,44 euros.

4/98 La Belgique et les satellites de renseignement, AndréDumoulin, 23p., 200FB - 35FF - 4,96 euros.

5/98 Le programme HAARP : science ou désastre ?, Luc Mampaey,84p., 450FB - 80FF - 11,16 euros.

1/99 Les armes non létales - Une nouvelle course aux armements,Luc Mampaey, 40p., 350FB - 60FF - 8,68 euros.

2/99 La guerre du Congo-Kinshasa - Analyse du conflit et trans-ferts d'armes vers l'Afrique centrale, Georges Berghezan etFélix Nkundabagenzi, 54p., 400FB - 70FF - 9,92 euros.

3/99 Post-Cold War Conversion in Europe - Defence Restructuringin the 1990s and the Regional Dimension, collectif, 104p.,700FB - 120FF - 17,35 euros.

1/00 La détention d'armes par les civils - Armes à feu : un enjeu enmatière de Santé publique, Sophie Nolet, 44p., 350FB - 60FF -8,68 euros.

2/00 Marquage et traçage des armes légères, Ilhan Berkol, 72p.,600FB - 110FF - 14,87 euros.

3/00 Bilan de la guerre du Kosovo : Résultat des frappes - Fin duconflit - La reconstruction - La situation en Serbie-Monténé-gro, Valérie Peclow et Bernard Adam, 56 p., 400FB - 70FF - 9,92euros.

4/00 National Missile Defense - Le retour de la guerre des étoiles etles enjeux stratégiques, Aris Roubos et Michel Wautelet, 60p.,400 FB - 70FF - 9,92 euros.

5/00 L'Union européenne et la prévention des conflits africains,Félix Nkundabagenzi, 28p., 300FB - 55FF - 7,44 euros.

6/00 Groupe Herstal S.A. - L'heure des décisions, Luc Mampaey,34p., 300FB - 55FF - 7,44 euros.

7/00 La disponibilité des armes légères illicites - Comment com-battre cette menace nationale, Peter Lock, 33p., 300FB - 55FF -7,44 euros.

1/01 Le micro-désarmement - Le désarmement concret en armeslégères et ses mesures associées, Michel Wéry avec la contri-bution de Georges Berghezan et Félix Nkundabagenzi, 64p., 13euros - 524FB - 85,50FF.

Les « Rapports du GRIP » sont peu diffusés en librairie. Avant toutdisponibles au GRIP.