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Le Canada, l'otan et la politique Européenne de sécurité et de défense

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Le Canada, l'otan et la politiqueEuropéenne de sécurité et de défenseJean‐François Morel a

a L'auteur détient un doctorat en histoire , Université LavalPublished online: 14 Mar 2011.

To cite this article: Jean‐François Morel (2007) Le Canada, l'otan et la politiqueEuropéenne de sécurité et de défense, Canadian Foreign Policy Journal, 14:1, 51-66, DOI:10.1080/11926422.2007.9673450

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LE CANADA, L’OTAN ET LA POLITIQUE EUROPÉENNE DE

SÉCURITÉ ET DE DÉFENSE

JEAN-FRANÇOIS MOREL*

Le 24 novembre 2005, le Haut Représentant de l’Union européenne pour la Politique étrangère etde sécurité commune, Javier Solana, et l’ambassadeur du Canada auprès de l’Union européenne(UE), Jeremy Kinsman, ont signé à Bruxelles un Accord-cadre stipulant les règles de participationdu Canada aux opérations de gestion de crises entreprises par l’UE dans le cadre de la Politiqueeuropéenne de sécurité et de défense (PESD). (UE 2005a) Certes, le Canada n’a pas attendu lasignature de cette entente pour contribuer aux missions entreprises sous l’égide de la PESD,Ottawa ayant entre autre participé, quoique très modestement, à la Mission de police de l’Unioneuropéenne en Bosnie-Herzégovine et à l’opération Artemis en République démocratique duCongo en 2003. L’Accord-cadre du 24 novembre 2005 vise cependant à faire en sorte qu’il ne soitplus nécessaire de renégocier au cas par cas les paramètres de la participation canadienne auxmissions européennes.

Au moment où l’Accord-cadre a été signé, le Canada ne contribuait qu’à une seule opération del’UE, l’EUFOR, qui a pris le relais de la SFOR en Bosnie-Herzégovine en décembre 2004.La participation canadienne à l’EUFOR a toutefois été limitée : dès octobre 2004, au moment où latransition de la SFOR à l’EUFOR s’amorçait, le contingent canadien au sein de la SFOR avait étéréduit de 650 à moins de 85 militaires. Puis, en octobre 2005, le contingent canadien en Bosnie-Herzégovine ne comptait plus qu’une vingtaine de membres des Forces canadiennes, soit dixaffectés au Quartier Général de l’OTAN à Sarajevo (opération Bronze) et onze autres appuyant lamission d’observation de l’EUFOR à Biha_ (opération Boreas). (Défense nationale 2005)

Il ne fait nul doute que le développement de la PESD représente un enjeu de taille pour leCanada qui, encore récemment, conservait une dose de scepticisme à l’égard de la défenseeuropéenne. Le Canada étant, avec les États-Unis bien entendu, le seul membre nord-américain del’OTAN,ses réticences à l’égard de la PESD étaient compréhensibles.Plus encore que les membreseuropéens de l’OTAN qui ne font pas partie de l’UE (Norvège,Turquie, Islande), le Canada risquaiten effet d’être complètement marginalisé dans les relations transatlantiques si celles-ci évoluaientvers un rapport bilatéral entre le géant américain d’un côté et l’UE de l’autre. Que la PESD nevienne pas porter atteinte à la primauté de l’OTAN demeurait donc un objectif de premier ordrepour le Canada. (Bryson 2003 : 85)

Il n’est pas étonnant que certains analystes aient vu dans la participation du Canada à l’EUFORla fin du débat qui existait au sein des cercles politiques à Ottawa sur la pertinence d’appuyer tropouvertement la PESD. (Mérand 2005 : 34) Dans ce contexte, la signature de l’Accord-cadreannoncerait la réconciliation définitive du Canada à l’idée de l’Europe de la défense. Il est vrai quel’UE a porté au cours des dernières années une plus grande attention aux préoccupationscanadiennes dans le processus d’élaboration de la PESD, si bien qu’il s’en est trouvé pour affirmerque cette relative ouverture offrait au Canada une possibilité de « redéfinir son propre rôle de

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* L’auteur détient un doctorat en histoire de l’Université Laval et est agent de politiques au Ministère de la Défensenationale à Ottawa. Cet article a été écrit au moment où l’auteur était auxiliaire de recherche au programme Paix etsécurité internationales de l’Institut québécois des hautes études internationales de l’Université Laval. Manuscrit closfin 2006. Les opinions exprimées dans cet article le sont à titre personnel et n’engagent aucunement le Ministère dela Défense nationale ou le gouvernement du Canada.

© Canadian Foreign Policy, ISSN 1192-6422, Vol. 14, No. 1 (Fall 2007), 51-68

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sécurité en Europe et de diversifier ses options de politique étrangère ». (Kaim 2003 : 74)Reprochant au Canada de manquer de vision stratégique dans la mise en œuvre de sa politique dedéfense,Julian Lindley-French a même soumis l’idée que le Canada fournisse à l’UE un groupementtactique (battle group) pour démontrer clairement son intérêt à s’intégrer à la PESD etcontrebalancer sa relation avec les États-Unis, arguant que si le Canada est « géographiquementnord-américain, [sa] culture sécuritaire, sa façon de faire les choses,de même que la taille, la formeet la doctrine de ses forces armées sont sans contredit européennes ». (Lindley-French 2005 :663)1

S’il apparaît juste d’affirmer que le Canada se rallie désormais à la PESD, il demeure néanmoinsimportant de comprendre les motifs véritables et les limites de cette adhésion.En effet, la signaturede l’Accord-cadre avec l’UE est survenue à un moment où le Canada n’avait presque plus de soldatsdéployés en Europe et où ses efforts en matière de défense sont massivement, et quasiexclusivement, dirigés vers l’Afghanistan. En ce sens, les priorités de la politique étrangèrecanadienne ont suivi une évolution comparable à celles de l’OTAN qui, après s’être engagée dansla pacification des Balkans au cours de la dernière décennie,voit désormais dans la pacification del’Afghanistan son principal défi. Les pressions diplomatiques du Canada ont été déterminantesdans l’extension du mandat de l’OTAN à l’Afghanistan et on peut même postuler que le Canada ya trouvé une façon de revaloriser son rôle au sein de l’Alliance atlantique, lui permettant desurpasser ses craintes quant à sa possible marginalisation en raison de la PESD. Il faut aussireconnaître que les orientations actuelles de la PESD satisfont pleinement le Canada. Pour l’heure,la PESD ne menace aucunement la primauté de l’OTAN et le modus vivendi qui régit actuellementles relations entre l’UE et l’OTAN laisse au Canada suffisamment de latitude pour lui permettre demaintenir sa position dans les relations transatlantiques.

Par conséquent, la signature de l’Accord-cadre du 24 novembre 2005 n’annonce pas uneparticipation massive du Canada aux opérations entreprises par l’Europe dans le cadre de la PESD.Au contraire, le gouvernement conservateur de Stephen Harper est pour l’instant déterminé àmaintenir l’engagement du Canada en Afghanistan, laissant peu de marge de manœuvre pourd’autres engagements importants pour les Forces canadiennes. D’autre part, pour des raisonsévidentes de proximité géographique, le Canada a été amené à renforcer la coordination de sapolitique de défense à celle des États-Unis depuis les attentats de septembre 2001. Les prioritésétablies par Ottawa en matière de défense découlent donc également de cette coopérationrenforcée (certains diront obligée) avec les États-Unis. Le gouvernement américain s’étantdésintéressé des questions touchant à la sécurité européenne depuis le 11 septembre 2001, ilsemble donc pour le moment inévitable que la politique canadienne suive une évolutioncomparable, et ce, même si plusieurs analystes considèrent qu’il s’agit d’une erreur.

Afin de bien comprendre la position du Canada à l’égard de la PESD, il est nécessaire dans unpremier temps de faire un bref retour sur les circonstances de l’élaboration de cette politique.Cetterécapitulation permet d’illustrer qu’en dépit de quelques réussites notables, les progrès de la PESDrestent limités. Dans la deuxième partie de cet article, nous nous arrêterons plus spécifiquement àl’évolution de la politique canadienne face à la défense européenne pour montrer que le ralliementdu Canada à la PESD procède en réalité de son état d’avancement restreint et que la signature del’Accord-cadre du 24 novembre 2005, non plus que la participation canadienne à l’EUFOR,n’annoncent un engagement plus important du Canada en Europe à moyen terme.

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1 Le concept de groupements tactiques (battle groups) a été introduit par le Headline Goal 2010, l’objectif global del’UE en matière militaire adopté par le Conseil européen en juin 2004. Ces groupements tactiques sont des unitésfortes de quelque 1 500 soldats, incluant des éléments de soutien et de transport stratégique, pouvant être déployéesen moins de quinze jours dans des théâtres d’opérations difficiles. Ils peuvent être formés par un ou plusieurs États,les pays contributeurs ayant alors à leur charge de fournir les hommes et le matériel nécessaires.

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2 Le traité de Bruxelles a été modifié par le Protocole signé à Paris le 23 octobre 1954 créant officiellement l’UEO etpermettant aussi à l’Italie et à la République fédérale allemande de joindre les signataires originaux du traité de mars 1948,qui étaient le Royaume-Uni, la France, les Pays-Bas, le Luxembourg et la Belgique.

DE LA CED À LA PESD : LA LONGUE ÉMERGENCE DE L’EUROPE DE LA DÉFENSE

Après 1954, année où le projet de la Communauté européenne de défense (CED) a étédéfinitivement rejeté à la suite d’âpres débats, les tentatives de créer une défense européenne sesont soldées par ce que certains observateurs ont qualifié de « cinquante années d’échec ». (Salmonet Shepherd 2003) En fait, à partir de cette date, les questions de sécurité ont été largementdélaissées dans la construction européenne et les problèmes de défense sont demeurés l’apanagedes forces armées nationales et de l’Alliance atlantique. Certes, les insuccès de la CED ont donnélieu à la création de l’Union de l’Europe occidentale (UEO), dont les bases avaient déjà été jetéespar le traité de Bruxelles de 1948, mais cette dernière ne fut jamais capable de s’affranchir del’OTAN à laquelle elle était par ailleurs intégrée militairement.2 Jusqu’à la fin des années 1980, cesont donc les considérations économiques qui ont guidé la construction européenne.

Mais avec le traité de Maastricht de 1991, l’Europe communautaire s’est donnée pour mandatde développer une politique étrangère et de sécurité commune (PESC) qui, en principe, devaitaussi permettre la mise en œuvre d’une politique de défense commune à l’ensemble des membres.Malgré tout, à ce moment, le volet « défense » de la PESC fut relégué à l’UEO, permettant ainsi àl’OTAN de conserver son quasi-monopole en ce domaine. Malgré tout, les ministres de la Défenseet des Affaires étrangères des pays membres de l’UEO, réunis en juin 1992 à l’hôtel Petersberg enAllemagne, s’étaient entendus sur une série de tâches pouvant être prises en charge parl’organisation, à savoir les missions humanitaires, de gestion de crises, de maintien et derétablissement de la paix. (De Bresson 1992) Ces « missions de Petersberg » avaient été adoptéesdans le contexte des guerres en ex-Yougoslavie, particulièrement celle de Bosnie-Herzégovine, oùl’Europe souhaitait s’affirmer en tant qu’acteur crédible dans les relations internationales. Legouvernement américain du président George H.W. Bush était alors tout à fait enclin à laisser auxEuropéens la responsabilité de régler la crise yougoslave. (Vanhoonacker 2001 : 185) Mais lesactions européennes s’avérèrent vite insuffisantes pour permettre de trouver un règlementpolitique à la guerre en Bosnie.Par conséquent,en dépit de l’adoption des « missions de Petersberg», c’est l’OTAN qui, appuyée par l’appareil militaire américain, est devenue au cours des années 1990 l’organisation capable de déployer des missions d’imposition et de maintien de lapaix robustes, ce qu’elle a fait d’abord en Bosnie-Herzégovine à la suite de la signature des accords de Dayton en novembre 1995 (IFOR/SFOR), puis au Kosovo après 1999 (KFOR).(Kaufman 2002 : 137-138)

En raison des échecs patents de l’UE et de l’UEO en ex-Yougoslavie, la volonté des Étatseuropéens de développer une plus grande autonomie dans le domaine de la défense est restéependant longtemps subordonnée au cadre de l’OTAN. À l’occasion du sommet de l’Alliance àBruxelles en 1994, les pays membres se sont entendus pour ériger une Identité européenne desécurité et de défense (IESD) permettant à l’UEO d’utiliser les capacités de l’OTAN,d’une manière« séparable mais non séparée », pour mener des opérations dans le cadre des « missions dePetersberg ». Cette collaboration devait se faire par l’intermédiaire des Groupes de forces

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interarmées multinationales (mieux connus sous l’appellation anglaise Combined Joint TaskForces, CJTF), dont la création avait également été entérinée lors du sommet de Bruxelles.3 Pourcertains pays européens, la France particulièrement, le concept de l’IESD demeurait malgré toutinsuffisant puisqu’il laissait l’Europe dans une position de dépendance à l’égard des États-Unis qui,en raison de la règle du consensus en vigueur au sein du Conseil de l’Atlantique Nord,conservaientle pouvoir de s’objecter à l’utilisation des capacités de l’OTAN par l’UEO. (Watanabe 2005 : 6)

La volonté d’une plus grande autonomie européenne en matière de défense ne s’est donc pasestompée après la création du « pilier européen » que devait être l’IESD au sein de l’OTAN.Mais cen’est qu’en décembre 1998, dans le contexte de la crise du Kosovo, que l’Europe de la défense areçu son coup d’envoi définitif avec le sommet franco-britannique de Saint-Malo.Les retombées dece sommet ont été particulièrement importantes puisque la Grande-Bretagne, qui avait été jusque-là bien peu disposée à participer à l’élaboration de la défense européenne à l’extérieur du cadrede l’OTAN, affirma pour la première fois que l’UE devait avoir une « capacité autonome d’action »en matière de défense, appuyée par des « forces militaires crédibles » et les moyens et la volontéde les utiliser lorsque nécessaire « afin de répondre aux crises internationales ». (UE 1998) Lesommet de Saint-Malo représentait donc un revirement de la part de Londres, quoique legouvernement britannique ne fût aucunement prêt à prendre des actions susceptibles de menacerl’intégrité de l’OTAN. De son point de vue, la déclaration conjointe répondait bien davantage à lanécessité de doter l’Europe de capacités militaires pouvant lui permettre de faire face à des crisescomme celle du Kosovo sans qu’il ne soit toujours nécessaire d’appeler les États-Unis en renfort.(Watanabe 2005 :7) D’ailleurs, la déclaration conjointe rappelait également que la construction dela défense européenne ne devait pas aller à l’encontre des obligations de la France et de la Grande-Bretagne à l’égard de l’OTAN et qu’elle devait même servir à revitaliser l’Alliance atlantique. Pourla France, la déclaration de Saint-Malo représentait donc aussi un compromis puisqu’il y étaitreconnu que l’Alliance atlantique demeurait le fondement sur lequel il était possible d’érigerl’autonomie de l’Europe dans le domaine de la défense. (Haine 2003a)

Le compromis franco-britannique a permis à l’Union de s’engager définitivement dansl’élaboration de la PESD.Lors du sommet de Cologne en juin 1999, les membres de l’UE,endossantl’esprit de la déclaration conjointe de Saint-Malo, affirmèrent leur détermination à se doter « desmoyens et des capacités nécessaires pour assumer [leurs] responsabilités concernant unepolitique européenne en matière de sécurité et de défense ».4 Pour ce faire,les membres du Conseileuropéen adoptèrent lors du sommet d’Helsinki en décembre 1999 des changementsinstitutionnels destinés à atteindre ces objectifs. (Rutten 2001 : 88-98) Ils entérinèrent d’abord lacréation d’un Comité de politique et de sécurité (COPS), formé par les hautreprésentants/ambassadeurs nationaux,dont le mandat est de traiter de tous les aspects de la PESC,y compris la politique de défense commune, et qui serait chargé du contrôle politique etstratégique de toutes les opérations militaires entreprises par l’UE. Ensuite, ils mirent sur pied un

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3 Les CJTF visaient à doter l’OTAN d’arrangements de commandement flexibles par lesquels les forces de l’OTAN pouvaientêtre affectées à des tâches spécifiques afin de permettre à l’Alliance d’entreprendre des missions au-delà des frontières deses membres. Ce concept avait été proposé par les États-Unis à la fin de 1993 dans le contexte de la guerre en Bosnie-Herzégovine. Comme l’explique Stanley Sloan, le concept de CJTF répondait à trois objectifs : 1) donner suffisamment deflexibilité aux forces et au commandement de l’OTAN afin qu’ils puissent mener des opérations autres que celles visant àrépondre à une attaque contre l’un des alliés; 2) permettre aux États européens membres de l’UEO de profiter des capacitésde l’OTAN pour mener leurs propres opérations là où l’OTAN dans son ensemble ne serait pas engagée; 3) allouer auxmembres du Partenariat pour la Paix, une autre initiative lancée lors du sommet de Bruxelles de 1994, de joindre les alliésde l’OTAN pour des opérations ou des exercices. (Sloan 2003 : 92-93) 4 Voir la « Déclaration du Conseil européen de Cologne concernant le renforcement de la politique européennecommune en matière de sécurité et de défense ». (Rutten 2001 : 44)

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Comité militaire (CM) composé des chefs d’État-major des armées et ayant pour responsabilité defournir des avis militaires et des recommandations au COPS et des directives militaires à l’État-major. Enfin, ils favorisèrent l’établissement d’un État-major européen (EM) chargé de l’alerterapide, de l’évaluation et de la planification dans le cadre des « missions de Petersberg », ceciincluant l’identification des forces européennes nationales et internationales susceptibles departiciper aux missions de l’UE.

Ces nouvelles institutions ont toutes été formellement créées par le Traité de Nice de 2000, quiest venu amender le Traité de l’Union européenne (TUE) adopté à Maastricht en 1991.En outre,en1999, Javier Solana, qui était alors secrétaire général de l’OTAN, a été nommé en tant que HautReprésentant pour la PESC, l’UE trouvant chez lui une personnalité crédible et apte à défendre lesintérêts de l’Europe en matière de politique étrangère et de défense. Mais surtout, le sommetd’Helsinki a permis d’aborder de front la question des capacités militaires disponibles pour ledéveloppement de la PESD.Dans un ambitieux Headline Goal, les membres de l’Union affirmaientla nécessité de créer avant 2003 une Force de réaction rapide de 50 à 60 000 hommes, capabled’effectuer l’ensemble des « missions de Petersberg », et pouvant être déployée en soixante jourset en mesure de soutenir ses opérations pendant une année.À partir de ce moment également, lesfonctions autrefois sous la responsabilité de l’UEO pour la conduite des « missions de Petersberg »furent graduellement intégrées au sein de l’UE.

Tant à Cologne qu’à Helsinki, les membres de l’UE avaient insistés sur la nécessité de poursuivrela collaboration et la consultation avec l’OTAN dans la mise en œuvre de la PESD. Lors du Conseileuropéen de Santa Maria da Feira en juin 2000, ces principes de consultation avec l’OTAN furentprécisés par une formule relativement complexe devant permettre de prendre en considérationles opinions des membres européens de l’OTAN qui ne font pas partie de l’UE. La Turquiespécialement, en tant que membre de l’OTAN mais non de l’UE, craignait d’être marginalisée parrapport à son ennemie de toujours, la Grèce (qui elle fait partie des deux organisations), et voulaitobtenir l’assurance que la PESD ne puisse pas permettre l’amorce d’une opération militaire dirigéecontre un allié de l’OTAN.Les inquiétudes d’Ankara étaient bien évidemment liées à la situation deChypre. En raison des objections soulevées par le gouvernement turc, il fallut attendre jusqu’endécembre 2002 avant qu’un compromis ne soit adopté permettant à l’UE de pouvoir légitimementutiliser les capacités militaires de l’OTAN selon les arrangements de Berlin Plus qui avaient éténégociés en 1996 pour l’UEO. (Haine 2003b)5

Malgré tout, des conceptions différentes du degré d’autonomie que devait prendre la défenseeuropéenne continuaient à s’opposer, principalement entre la France d’un côté, qui souhaitait leplus possible qu’elle s’affranchisse de l’OTAN, et la Grande-Bretagne de l’autre, pour qui touteduplication des capacités de l’Alliance devait être évitée. Du point de vue du gouvernementbritannique, offrir à l’UE l’autonomie complète en matière de défense représentait une ambitiontrop coûteuse, spécialement dans le contexte où la plupart des membres européens de l’OTANavaient déjà de la difficulté à maintenir un niveau de capacités acceptable pour l’Alliance atlantiqueen raison des pressions budgétaires. De plus, les autorités britanniques ne voulaient aucunementremettre en question leur supposée « relation particulière » avec les États-Unis dont l’un desprincipaux fondements étaient leur appartenance commune à l’OTAN.

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5 Le 3 juin 1996, lors d’une rencontre des ministres des Affaires étrangères des pays membres de l’OTAN à Berlin,il fut décidé que l’UEO puisse utiliser les capacités militaires de l’OTAN pour mener des opérations militaires danslesquelles seuls les membres européens des deux organisations seraient engagés. La décision de mettre les capacitésde l’OTAN à la disposition de l’UEO serait prise par consensus et au cas par cas. Pour faciliter l’accès aux capacitéset à la structure de commandement de l’OTAN par l’UEO, il fut aussi décidé que le Commandant suprême adjointde l’OTAN (D-SACEUR), un poste attribué à un officier européen, porterait également la casquette de commandementde l’UEO en plus de leur casquette nationale et « otanienne ». (Sloan 2003 : 168-171)

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D’ailleurs, dès le sommet de Saint-Malo, les États-Unis avaient affiché une dose de scepticismequant à la pertinence pour l’UE de se doter d’une politique de défense commune. Pourl’administration Clinton, l’établissement d’un « pilier européen » au sein de l’OTAN parl’intermédiaire de l’IESD demeurait la meilleure solution, puisqu’il permettait aux États-Unis, toutcomme aux membres européens de l’OTAN qui ne font pas partie de l’UE ainsi qu’au Canada, derester engagés dans les questions de sécurité du vieux continent. En d’autres termes, ce que lesÉtats-Unis souhaitaient, c’est que l’OTAN conserve le droit d’intervenir en premier et, dans le casoù elle refuserait de le faire, que l’UE puisse prendre la relève et organiser une opération sous lesauspices de la PESD. La position américaine était donc claire : après l’écart de capacités qui avaitété illustré durant l’opération « Force alliée » au Kosovo, les États-Unis accueillaient positivement lefait que certains pays européens expriment le souhait de réinvestir dans la défense. Par contre,comme l’avait réclamé le secrétaire d’État Madeleine Albright quelques jours seulement après lesommet de Saint-Malo,ce réinvestissement devait se faire sans que le processus décisionnel au seinde l’OTAN ne soit remis en question (pas de découplage),sans que les nouvelles capacités acquisesne soient exclusivement destinées à l’UE (pas de duplication), et sans que les membres de l’OTANqui ne font pas partie de l’UE ne se trouvent marginalisés (pas de discrimination). (Albright 1998)Pour l’essentiel, l’administration de George W.Bush a adopté la même attitude à l’égard de la PESDdepuis son arrivée au pouvoir en janvier 2001.

Pour la France cependant, ce compromis demeurait peu satisfaisant puisqu’il plaçait l’Uniondans une position de subordination à l’égard de l’OTAN dans le domaine de la défense et donc,ultimement, à l’endroit des États-Unis. En 2003, alors que les relations franco-américaines étaient àleur plus bas en raison de la guerre en Irak, le président français Jacques Chirac a tenté de forcerla main des autres membres de l’UE afin de briser ce lien de dépendance à l’OTAN.Le 29 avril, lorsd’un mini-sommet organisé à Bruxelles et qui réunissait, outre Chirac, les premiers ministres belgeet luxembourgeois Guy Verhofstadt et Jean-Claude Juncker de même que le chancelier allemandGerhard Schröder, l’idée a été lancée de créer un quartier général indépendant pour la défenseeuropéenne qui serait situé à Tervuren, près de Bruxelles.

L’administration Bush a fort mal réagi à cette initiative proposée lors de ce « sommet des Quatre ». Nicholas Burns, alors ambassadeur américain auprès de l’OTAN, n’hésita pas à déclarerpubliquement que le quartier général de Tervuren allait s’ériger comme un « symbole decompétition » entre l’OTAN et l’Union. (The Economist 2003) Le secrétaire d’État Colin Powellaccueillit tout aussi froidement la proposition,affirmant que ce dont les alliés avaient besoin,« c’estde plus de moyens et de renforcer les structures et les forces qui existent,pas de plus de quartiersgénéraux ». (Reuters et AFP 2003) Le premier ministre britannique Tony Blair s’opposa lui aussid’emblée au projet d’un quartier général autonome, déclarant que cette proposition découlait dela volonté du président Chirac d’édifier l’Europe comme un contrepoids à la puissance américaine,une vision qu’il considérait contreproductive,voire dangereuse. « Le meilleur moyen pour l'Europede progresser est d'être la partenaire de l'Amérique, non sa rivale », déclara-t-il d’ailleurs lors d’uneconférence à la veille du « sommet des Quatre ». (Langellier 2003)

En raison de l’opposition britannique, qui rendait quasi impossible la création d’un quartiergénéral européen,un compromis fut finalement négocié au cours des mois suivants et annoncé ennovembre 2003 à l’occasion d’une rencontre organisée dans le cadre des travaux de la Conférence

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intergouvernementale de Naples chargée de rédiger la nouvelle Constitution de l’UE. Laproposition, élaborée principalement par Londres, Paris et Berlin, tentait de ménager à la fois lachèvre et le chou. Le premier ministre Blair, qui refusait de remettre en question la primauté del’OTAN pour la défense de la zone atlantique, restant sur ce point bien aligné sur la positionaméricaine, fit en sorte que les termes d’« État-major » ou de « quartier général » ne soient pasemployés dans le texte présenté. En fait, la perspective de créer une instance totalementindépendante pour diriger les opérations de l’Europe de la défense fut abandonnée. Finie, donc,l’idée d’établir un quartier général européen indépendant à Tervuren. La mesure de compromisapprouvée appelait plutôt à rendre permanente la cellule de planification européenne établie auSHAPE, le quartier général de l’OTAN situé à Mons, en Belgique, pour diriger les opérations del’Union européenne entreprises avec les moyens de l’OTAN, et d’inclure une cellule « opérationnelle » au sein de l’État-major européen chargé jusque-là quasi-exclusivement de laplanification stratégique en vue des « missions de Petersberg ». (Zecchini 2003)

Ces débats houleux n’ont pourtant pas empêché les dirigeants de l’Union d’y aller d’assertionstrès ambitieuses sur les avancées réalisées dans le cadre de la PESD. Il est indéniable que certainsprogrès ont été accomplis.Dans un premier temps, les missions de la PESD sont aujourd’hui mieuxdéfinies. Dès le Conseil européen de Feira en 2000 par exemple, la gestion civile des crises a étéintégrée à la PESD et l’UE a entrepris depuis cette date de nombreuses missions civiles nonseulement en Europe (Balkans), mais aussi en Asie (Aceh), au Moyen-Orient (Irak, Palestine), enAfrique (Congo, Soudan) et dans le Caucase (Géorgie). Par la suite, en 2002, le Conseil européen aclairement affirmé que la lutte contre le terrorisme devait être englobée dans les objectifs de laPESD et cette préoccupation se trouve au cœur de la Stratégie européenne de sécurité (SES) quia été développée par Solana et adoptée en décembre 2003. D’autre part, les négociations au sujetde la constitution européenne ont aussi contribué à préciser les objectifs de la PESD en matière degestion de crise, renforçant entre autres l’intégration de ses aspects civil et militaire. En effet, letexte de la constitution a greffé aux « missions de Petersberg » quatre tâches complémentaires afinde rendre l’action de l’Europe plus efficace en ce domaine. Ces nouvelles missions sont celles dudésarmement;de conseil et d’assistance militaire;de prévention des conflits; et de stabilisation à lafin des conflits.Bien que le traité constitutionnel ait aujourd’hui bien peu de chance d’être adoptéen raison des résultats des référendums en France et aux Pays-Bas au printemps 2005, il n’endemeure pas moins que cette nouvelle définition du mandat de la PESD est désormais partagée parla grande majorité des membres de l’UE. (Santopinto 2005)

Parmi les autres réalisations notables de l’UE, il faut aussi noter la mise en place définitive desinstitutions chargées de l’application de la PESD. Au COPS, au Comité militaire et à l’État-majoreuropéen se greffent aussi, depuis 2001, l’Institut d’études de sécurité de l’Union européenne quiproduit, d’une manière indépendante, une panoplie d’études sur les problèmes de sécuritépertinents à l’Union. L’Agence européenne de la défense a aussi été créée en 2004 avec pourprincipales fonctions de promouvoir la coopération entre les industries de défense européennesafin d’améliorer les capacités militaires de l’UE.

Malgré ces progrès intéressants, il faut tout de même convenir que la PESD demeure à un stadede développement limité. Par exemple, plusieurs des objectifs fixés par le Headline Goal adoptéà Helsinki en 1999 n’ont toujours pas été atteints si bien qu’aujourd’hui, et malgré le fait que laForce de réaction rapide ait été déclarée opérationnelle en 2003,des lacunes importantes existent

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toujours dans les domaines du transport de troupes et de soutien logistique, entre autres.(Santopinto 2005) Ces manquements ont conduits à l’adoption d’un nouvel objectif global (leHeadline Goal 2010) en mai-juin 2004 qui introduit le concept de groupements tactiques.Malgrétout, comme l’a rappelé au début de 2005 le général allemand à la retraite Klaus Naumann,ancienprésident du Comité militaire de l’OTAN, l’Europe restera largement incapable de mener seule desopérations militaires majeures de haute intensité au cours de la prochaine décennie, à tout lemoins à l’extérieur du continent, et les groupements tactiques qui voient le jour en ce momentmanquent toujours cruellement de ressources et d’équipements. (Naumann 2005) En ce sens, ledéploiement de l’EUFOR en Bosnie-Herzégovine représente indubitablement un succès pour laPESD, mais cette réussite ne doit pas non plus être exagérée. En Bosnie, l’UE intervient sur unthéâtre d’opération stabilisé depuis longtemps,facilement accessible pour les armées européenneset où les risques que les hostilités reprennent restent minimes. Sans non plus dénigrer les progrèsfaits par la PESD depuis son lancement en 1999, il apparaît néanmoins exagéré de louanger sesaccomplissements sur la base de ses réalisations récentes en Bosnie-Herzégovine,d’autant plus quesi l’EUFOR semble atteindre ses objectifs, il en va tout autrement pour la Mission de police de l’UE(MPUE) en Bosnie, qui a été jugée totalement inadéquate par le très sérieux International CrisisGroup.Les échecs de la MPUE montrent que même dans le domaine de la gestion civile des crises,les capacités de l’UE restent encore insuffisantes. (International Crisis Group 2005)

LE CANADA ET LA PESD : APRÈS LA PRUDENCE, L’INDIFFÉRENCE?

Depuis le sommet de Saint-Malo, les autorités canadiennes ont adopté une attitude empreintede réserves face au développement de la politique européenne de défense. (Fortmann et Viau2001-2) D’un côté, les déclarations publiques ont constamment encouragé l’UE à assumerdavantage de responsabilités dans la défense du continent européen. Toutefois, ces appuis onttoujours été conditionnels au fait que la PESD ne remette pas en question les liens transatlantiques.En décembre 2003 John McCallum,alors ministre de la Défense, a prononcé un discours devant leRoyal Institute of International Affairs qui laissait transparaître les préoccupations du Canada àl’égard de la PESD :

[…] le Canada salut la PESD comme un nouvel instrument complet pour la gestion de crise.Toutefois, nous croyons que la PESD doit être mise en application d’une façon à ne pas minerl’alliance [atlantique] en tant qu’organisation principale de consultation et d’action communepour la défense euro-atlantique et les questions de sécurité. (McCallum 2003)6

Comme l’a bien expliqué S. Neil MacFarlane dans un article publié peu de temps après lesommet d’Helsinki, la réponse du Canada à la mise en place de la PESD a été dictée, à compter dusommet de Cologne de 1999, par quatre considérations principales. (MacFarlane 2000 : 63-64) Enpremier lieu, les dirigeants canadiens ont rappelé à quel point le Canada s’était investi dans ladéfense du vieux continent durant le 20e siècle, remémorant sa participation aux deux Guerresmondiales,à la guerre froide et aux conflits en ex-Yougoslavie.Sur la base de cet engagement à longterme, les représentants du gouvernement canadien souhaitaient montrer que l’Europe avait été etdemeurait importante pour les intérêts de sécurité du Canada. La PESD, par conséquent, ne devaitpas provoquer la rupture de ces liens historiques qui unissent le Canada et l’Europe.

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6 Traduction libre de l’auteur.

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La réaction du Canada a ensuite été celle d’insister sur la primauté de l’OTAN, qui devaitdemeurer la principale organisation vouée à la défense collective de l’Europe et conserver son « droit de premier refus » si une intervention s’avérait nécessaire. Ici, les préoccupationscanadiennes s’alignaient sur celles des États-Unis : les alliés de l’OTAN ne faisant pas partie de l’UEdevaient pouvoir continuer à se prononcer sur les questions de sécurité en Europe. Il était doncimpératif que l’OTAN conserve son droit de regard prioritaire. Si, après délibération au sein duConseil de l’Atlantique Nord, l’OTAN dans son ensemble décidait de ne pas intervenir, alors l’UEpourrait prendre la relève.

Mais permettre à l’OTAN de conserver ce droit de premier refus n’était pas suffisant en soi pourles autorités canadiennes. Il demeurait essentiel également que la PESD ne mène pas à l’apparitiond’un « caucus européen » formé exclusivement par les membres de l’Union au sein de l’Alliance.De l’avis des dirigeants canadiens, l’émergence d’un tel caucus pourrait corrompre le processus dedécision au sein du Conseil de l’Atlantique Nord (fondé sur le consensus) par l’établissement d’unréseau parallèle permettant aux alliés membres de l’Union de faire front commun pour négocieravec les États-Unis des actions futures de l’Alliance. (Long 2003;Bryson 2003) Le Canada serait dèslors automatiquement marginalisé au sein de l’OTAN.

Le quatrième et dernier point sur lequel le gouvernement canadien a insisté était intimementlié au processus de décision qui devait être mis en place pour permettre à l’UE d’utiliser lescapacités de l’OTAN pour conduire ses propres opérations. Le Canada souhaitait que desmécanismes de consultations précis soient établis pour lui permettre à la fois de contribuer à laplanification stratégique des opérations de l’UE utilisant les capacités de l’OTAN – cela parce quedes soldats canadiens, par exemple ceux affectés au Airborne Early Warning & Control System,étaient susceptibles d’être déployés dans de telles missions – mais aussi afin de permettreéventuellement sa participation aux opérations entreprises dans le cadre de la PESD.7

Pour ne pas être laissé de côté dans les relations transatlantiques, le Canada avait donc toutintérêt à ce que la PESD reste solidement arrimée à l’OTAN.Sans doute, le gouvernement canadien,alors dirigé par le premier ministre Jean Chrétien, estima nécessaire de mieux faire comprendreses préoccupations à Bruxelles après que le rapport de la Présidence sur la PESD, soumis lors duConseil européen de Feira en juin 2000, identifia la Russie et l’Ukraine comme des partenairespotentiels aux opérations futures de l’UE mais se limitait à souligner l’intérêt du Canada pour laPESD. (Kaim 2003 : 76; Dumoulin, Mathieu et Sarlet 2003 : 688-689)8 La volonté d’Ottawa departiciper plus étroitement au développement de la PESD mena à la « Déclaration conjointeCanada-Union européenne sur la défense et la sécurité » de décembre 2000.9 Celle-ci représentaitune victoire pour le Canada, puisque les pays de l’Union reconnaissaient d’emblée que l’OTANdemeurait « le fondement essentiel de la défense collective de ses membres » et acceptaient « d’approfondir le dialogue » avec Ottawa au sujet de la PESD. En pratique, cela signifiait que desréunions bilatérales trimestrielles seraient organisées au niveau des experts pour discuter de « l’ensemble des questions de sécurité et de défense d’intérêt mutuel » pour le Canada et l’UE.

Au cours des mois suivants, le gouvernement canadien a poursuivi l’élargissement de sacoopération avec les pays de l’Union au sujet de la PESD. En juin 2002, lors du Conseil européen

7 Il s’agit-là d’un point sur lequel le ministre de la Défense nationale de l’époque, Art Eggleton, a insisté lors de sondiscours prononcé à l’occasion de la 37e Conférence de Munich sur la sécurité en février 2001. (Eggleton 2001) 8 Pour le document en question, voir « Conseil européen Santa Maria da Feira, 19 et 20 juin 2000 », dans Rutten2001 : 135. 9 Le texte de cette « Déclaration conjointe » est disponible en ligne,<http://www.delcan.cec.eu.int/fr/eu_and_canada/official_documents/statements/eu-ca_js_ds_2000-12-00.shtml> (16 août 2007).

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de Séville, d’autres dispositions de collaboration entre l’UE et le Canada furent arrêtées. En tempsnormal, il fut entendu que le Canada et l’UE continueraient d’aborder régulièrement les questionsrelatives à la PESD dans le cadre des forums existants, notamment lors des rencontres entre leschefs d’États et de gouvernements et les ministres concernés. Il fut également stipulé que leCanada pourrait désigner un représentant auprès de l’État-major de l’UE et qu’au moins deuxréunions seraient organisées avec celui-ci durant chaque présidence de l’Union. Il était aussi prévuque ces arrangements de consultation puissent être élevés d’un cran en période de crise.Dès lors,le dialogue entre le Canada et l’UE serait intensifié afin que le gouvernement canadien puisse fairepart de son évaluation de la situation.Advenant qu’une opération militaire soit décidée par l’UE, leCanada pourrait alors choisir d’y prendre part ou non. Cette participation canadienne pourrait sefaire si l’opération était menée avec les capacités de l’OTAN dans le cadre des accords de « BerlinPlus », mais aussi si elle était conduite d’une manière autonome par l’UE. En fonction desdispositions arrêtées lors du Conseil de Séville, le Canada avait aussi la possibilité de participer à laplanification des opérations s’il le souhaitait.Dans le cas d’une opération menée avec les capacitésde l’OTAN, cette contribution à la planification se ferait en fonction des dispositions prévues à ceteffet au sein de l’Alliance.Dans le cas d’une opération autonome de l’UE, le Canada pourrait siégerau Comité des contributeurs, y bénéficiant en théorie des mêmes droits que les membres de l’UEparticipant à la mission.

C’est en fonction de ces dispositions convenues lors du sommet de Séville que le Canada a puparticiper aux opérations civiles et militaires entreprises par l’UE dans le cadre de la PESD,notamment à l’opération Artemis en République démocratique du Congo, à la MPUE en Bosnie-Herzégovine et à l’EUFOR (opération Althea). C’est également sur cette base qu’ont été amorcéesles discussions en vue d’en arriver à un Accord-cadre devant définir les paramètres juridiques de laparticipation canadienne aux missions de l’UE. Lors du sommet Canada-UE à Niagara-on-the-Lakeen juin 2005, la conclusion de ces négociations a été annoncée, (UE 2005b) menant à la signaturede l’Accord cadre le 24 novembre suivant.

Ce dont il faut cependant convenir, c’est que la signature de l’Accord-cadre survient à unmoment où les autorités canadiennes considèrent moins importants plusieurs motifs quisuscitaient il y a quelques années encore leurs réserves à l’égard de la PESD. D’abord, si en 2000MacFarlane avait raison de rappeler que le gouvernement canadien plaçait la stabilité de l’Europeau cœur de ses intérêts de sécurité et qu’il souhaitait pour ce faire demeurer partie prenante desdécisions entourant la pacification des Balkans,10 cette préoccupation semble désormais quelquepeu dépassée. Il ne fait aucun doute que le Canada a tout avantage à ce que l’Europe demeurepaisible, mais force est d’admettre que les processus d’élargissement des organisations euro-atlantiques (OTAN et UE) sont désormais les principaux moteurs de la stabilité en Europe et quedans ce contexte,Ottawa peut très bien se contenter d’un rôle de soutien en facilitant par exemplel’admission de nouveaux membres au sein de l’Alliance atlantique. Certes, le Canada suit de prèsles négociations qui ont lieu en ce moment sur l’avenir du Kosovo, le seul endroit en Europe où laviolence est susceptible de réapparaître à court terme, mais depuis le début de l’année 2000 plusaucun soldat canadien n’est déployé au sein de la KFOR et, comme nous l’avons mentionnéauparavant, la présence canadienne dans les Balkans se résumait jusqu’à tout récemment à unecontribution symbolique à l’EUFOR en Bosnie-Herzégovine. Par conséquent, si la stabilité de

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10 Rappelons que le Canada venait alors de participer, avec les autres membres de l’OTAN, à l’opération « Forcealliée » au Kosovo (mars-juin 1999). D’autre part, le Canada maintenait toujours un contingent important de soldatsau sein de la SFOR en Bosnie-Herzégovine.

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l’Europe demeure un objectif stratégique incontournable pour le Canada, il s’agit cependant d’unobjectif pour lequel Ottawa ne considère plus nécessaire, à tort ou à raison, de mettre àcontribution des moyens militaires considérables.

Depuis les attentats terroristes du 11 septembre 2001, les préoccupations principales duCanada en matière de sécurité et de défense concernent avant tout la lutte au terrorisme. Commel’a souligné David Haglund, pour des motifs tant géographiques et économiques qu’historiques etculturels, le Canada a été,mis à part les États-Unis bien entendu, le pays le plus directement affectépar les attaques du 11 septembre au sein de l’Alliance atlantique. (Haglund 2005 : 17) Parconséquent,dès octobre 2001, le Canada a été l’un des premiers pays à joindre la coalition militairedirigée par les États-Unis visant à renverser le régime des taliban en Afghanistan et à démanteler leréseau Al-Qaïda (opération « Liberté immuable »).Depuis lors, la reconstruction de l’Afghanistan estrestée au cœur des préoccupations de la politique étrangère canadienne. En août 2003, le Canadaa pris le commandement de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS), jouant à cemoment un rôle déterminant afin que celle-ci devienne une mission à part entière de l’OTAN. LeCanada est aujourd’hui engagé dans une mission périlleuse et difficile dans la région de Kandahar,considérée comme le chef-lieu des talibans, où il y dirige l’Équipe provinciale de reconstruction.Cette mission,qui a été entreprise par le gouvernement libéral de Paul Martin,bénéficie de l’appuiinconditionnel du gouvernement conservateur de Stephen Harper qui, le 17 mai 2006, a faitadopter de justesse au Parlement une motion permettant son extension jusqu’en février 2009.

En militant pour que l’Alliance atlantique assume davantage de responsabilités en Afghanistan,le Canada a joué un rôle déterminant dans la redéfinition du mandat de l’OTAN dans le contextede la guerre contre le terrorisme.Mais plus encore,en acceptant de participer activement à la FIAS,le Canada a aussi réaffirmé sa position au sein de l’OTAN, apparaissant comme un allié prêt àdéployer ses soldats dans des théâtres d’opérations lointains et dangereux pour assurer la sécuritéde la zone euro-atlantique dans le contexte de la guerre contre le terrorisme. L’importancequ’accorde désormais Ottawa à l’extension de la mission de l’OTAN au-delà du continent européena été clairement soulignée par Jean-Pierre Juneau, l’ambassadeur du Canada à l’OTAN, lors d’undiscours prononcé à Bruxelles en 2004 : « La guerre contre le terrorisme représente le plus granddéfi auquel nos démocraties sont confrontées aujourd’hui », déclara-t-il alors. « Ce défi dépasselargement le domaine d’action traditionnel de l’OTAN. Néanmoins, il est de notre obligation demettre à contribution le potentiel de l’OTAN dans l’intérêt de sauvegarder nos sociétés et nosvaleurs. » (Juneau 2004)

Ainsi, du point de vue du Canada (et cette analyse est partagée par de nombreux autres alliés),l’OTAN a vécu un épisode charnière de son histoire au lendemain des attentats du 11 septembre2001. En effet, comme au moment de la fin de la guerre froide, l’Alliance devait soit se réformerpour rester pertinente dans le contexte de la guerre contre le terrorisme, soit être condamnée àdisparaître. Dans les mois qui ont suivi le déclenchement de l’opération « Liberté immuable » parles États-Unis, nombreux ont été ceux qui ont justement proclamé l’obsolescence de l’OTAN etannoncé sa disparition prochaine. (Meyers 2003-4; Merry 2003-4) En dépit des tensions quiexistent toujours aujourd’hui au sein du Conseil de l’Atlantique Nord au sujet de la prise en chargepar l’Alliance de missions hors de sa zone d’action traditionnellement admise, ces déclarationsannonçant la mort de l’OTAN étaient probablement prématurées. Comme l’a bien montré CelesteWallander dans le contexte de la fin de la guerre froide, l’Alliance atlantique a pu survivre à la

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disparition de l’URSS et du Pacte de Varsovie parce que ses atouts institutionnels (assets) étaientsuffisamment diversifiés pour rester utiles à ses membres durant les années 1990.(Wallander 2000)Or, il semble que cette analyse soit toujours valable. Il ne fait aucun doute à tout le moins que lerôle que le Canada attribue à l’OTAN a grandement évolué depuis les attentats terroristes deseptembre 2001. Bien évidemment, et cela est vrai depuis sa création en 1949, l’OTAN représentetoujours pour le Canada une communauté de valeurs (celles des démocraties libérales) et le forumpar excellence pour exercer son influence dans les relations transatlantiques. Mais, s’il faut encroire les paroles de l’ambassadeur Juneau, l’attachement du Canada à l’OTAN est de plus en plusdéterminé par le fait qu’elle est « un fournisseur de sécurité et de stabilité en dehors de sa sphèretraditionnelle d’opérations ». (Juneau 2004) L’élargissement de la zone d’influence de l’OTAN au-delà du continent européen a donc permis de revalider la pertinence de l’Alliance aux yeux desdirigeants canadiens. D’autre part, en s’affirmant comme l’un des principaux pays contributeurs àla FIAS, le Canada a pu conserver son rang comme un allié de premier plan au sein de l’OTAN.

Pour toutes ces raisons, le développement de la PESD semble désormais beaucoup moinspréoccupant pour le Canada,surtout si l’on tient compte de l’évolution récente des relations entrel’UE et l’OTAN.Comme nous l’avons vu précédemment, l’état de développement limité de la PESDfait en sorte que la primauté de l’OTAN n’est aucunement menacée pour le moment et, de fait, lesaccords de « Berlin Plus » assurent ni plus ni moins à l’Alliance le droit de premier refus qui étaitconsidéré primordial par Ottawa. Pour les mêmes raisons, les craintes que la PESD conduise à lacréation d’un « bloc européen » au sein de l’OTAN se sont également dissipées.

Ces circonstances nous permettent de croire que la signature de l’Accord-cadre du 24novembre 2005 n’annonce pas un rapprochement définitif entre le Canada et l’UE sur le plan desrelations de défense. Certainement, le gouvernement canadien sera prêt à considérer saparticipation à d’éventuelles missions entreprises sous l’égide de la PESD si les circonstancesl’exigent à l’avenir,mais l’engagement à long terme du Canada en Afghanistan laisse penser que cescontributions canadiennes demeureront marginales, à l’exemple de ce qui ce passe actuellementavec l’EUFOR. Les forces armées canadiennes ne possèdent tout simplement pas les capacitéssuffisantes pour s’investir ailleurs. Le premier ministre Harper a justement affirmé, au moment desdébats en Chambre sur l’extension de la mission des forces canadiennes en Afghanistan, qu’il n’yaura « aucun besoin de déployer de larges contingents de troupes ailleurs » au cours des prochainsmois, voire des prochaines années. (Taber 2006) Visiblement, le premier ministre a fait cettedéclaration en référence à la situation au Darfour,où les appels en faveur d’une intervention se fontde plus en plus pressants au sein de la société civile canadienne. Il n’en demeure pas moins quecette déclaration s’applique tout autant à la participation du Canada aux opérations entreprisessous l’égide de la PESD.Ainsi, les chances que le gouvernement canadien fournisse un groupementtactique à l’UE, comme l’a appelé de ses vœux Julian Lindley-French, apparaissent quasiinexistantes pour le moment.

En outre, il est intéressant de constater qu’en dépit de la signature de l’Accord-cadre, lesdirigeants canadiens prennent toujours soin de rappeler les mêmes réserves à l’égard de la PESD.V. Peter Harder, sous-ministre à Affaires étrangères Canada, a déclaré à ce sujet en avril 2006 que legouvernement canadien souhaitait toujours que la PESD serve « de complément aux activités del’OTAN » puisque celle-ci demeurait pour Ottawa « la principale tribune pour la coopération enmatière de sécurité et de défense transatlantiques ». À la même occasion, M. Harder a aussi

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clairement évoqué l’importance pour l’OTAN de poursuivre sa transformation et de ne plus limiterses actions au strict cadre européen.

[L]’OTAN peut-elle vraiment se défaire de l’idée qu’elle a besoin de toutes sortes de bases, desoldats,et d’armes sur le territoire européen pour se défendre contre une attaque? […] Pour sapart, le Canada a déjà répondu à cette question lorsqu’il a fermé ses dernières baseseuropéennes au début des années 1990.Depuis, la formation et l’équipement de nos forces ontradicalement changé, pour répondre aux menaces de l’avenir, et non à celles du passé. (Harder2006)

Cette déclaration illustre à quel point l’Europe ne fait plus partie désormais des priorités du Canadaen matière de sécurité. Dans ce contexte, le ralliement du Canada à la PESD ne peut être quepartiel.

CONCLUSION« La politique du Canada à l’endroit de l’Europe a trop souffert de périodes d’enthousiasmemomentané entrecoupées d’autres périodes plus longues d’apparent laisser-faire », a écrit PaulButeux il y a quelques années.(Buteux 2001 :116-117) Ses paroles semblent tout à fait appropriéespour expliquer la position actuelle du gouvernement du Canada à l’égard de la PESD.En effet,aprèsavoir tenté de défendre ses intérêts face au développement de la PESD dans les années qui ont suivison inauguration, le Canada semble aujourd’hui se désintéresser de cette question. Cette attitudes’explique par divers facteurs, les principaux étant l’état d’avancement limité de la PESD elle-mêmeet l’importance que le Canada accorde à la redéfinition de la mission de l’OTAN, par laquelle il esten mesure d’assurer sa place au sein de l’Alliance atlantique.

Il semble peu probable qu’Ottawa décide au cours des prochaines années de participeractivement aux missions qui seront entreprises sous l’égide de la PESD. Certains voient là uneerreur stratégique du Canada, qui aurait selon eux tout intérêt à développer des liens decollaboration forts avec l’Europe en matière de sécurité. Cette position est défendue entre autrespar Julian Lindley-French, et il faut reconnaître que celui-ci a sans doute raison d’affirmer que laculture stratégique du Canada est à plusieurs égards plus proche de celle des membres de l’UEqu’elle ne l’est de celle des États-Unis.

Il faut toutefois admettre que les questions liées à la participation du Canada aux missions de laPESD n’ont suscité de débats qu’au sein d’un groupe relativement restreint de diplomates etd’universitaires et ont peu été discutées au sein de la société civile canadienne. Il est intéressantde noter que la signature de l’Accord-cadre entre le Canada et l’UE a été ignorée par l’ensemble dela presse canadienne, signe que les relations entre l’Europe et le Canada n’intéressent quemarginalement les grands médias du pays. Dans un tel contexte, il y a peu de chances que lesrecommandations de certains de renforcer les liens entre le Canada et l’Europe dans le domainede la défense trouvent écho au sein de la classe politique canadienne.

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