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Le seul magazine au Québec dédié uniquement à la boxe Avril, 2011 Numéro 32 - Le jour où j’ai été champion du monde - Flashback : Fathi Missaoui - La musique d’entrée des boxeurs

La Zone de Boxe vol 32

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En vedette Russ Anber, Vincent Morin, Jean-Luc Legendre, Stéphane Tessier et Fathi Missaoui.

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Magazine La Zone de Boxe 7ième année – numéro 32

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Le seul magazine au Québec dédié uniquement à la boxe

Avril, 2011Numéro 32

- Le jour où j’ai été champion du monde - Flashback : Fathi Missaoui - La musique d’entrée des boxeurs

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Magazine La Zone de Boxe

2755 Clermont Mascouche (Québec) J7K 1C1

[email protected] Éditeur François Picanza Rédacteur en chef Pascal Roussel

Collaborateurs Richard Cloutier Benoit Dussault Samuel D. Drolet Jean-Luc Legendre Vincent Morin Mathieu Normand Correcteur/Réviseur Pascal Lapointe François Couture Véronique Lacroix Monteur Martin Laporte Le magazine la Zone de boxe fut fondé en 2004 à Mascouche par François Picanza. Ce magazine est maintenant offert gratuitement sur le web.

La Zone de Boxe magazine

7e année, numéro 32 avril 2011

03 – L’Éditorial 3 – Le mot du médium format géant 0 6 – Mot du médium : Édition spéciale

9 – Russ Anber, homme d’affaires 13 – Le jour où j’ai été champion du monde 16 – Les routines d’avant-combat 19 – La boxe et moi : Vincent Morin 22 – La boxe et moi : Jean-Luc Legendre 23 – La musique d’entrée des boxeurs 25 – Mon sparring avec Brutus 28 – Chronique Flashback : Fathi Missaoui

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Le mot du médium format géant Contenu de ce numéro : Russ Anber, homme à multiple personnalités? Vous saviez déjà que Russ Anber était un entraîneur, un cutman, un analyste de boxe. Voici une nouvelle équation. Russ Anber plus Rival Boxing égale un. Il est impossible de séparer Russ Anber et sa compagnie d’équipement de boxe. Peut-être que ce bout-là, vous ne le saviez pas. Ils sont indissociables. Benoit Dussault, un de nos collaborateurs réguliers, nous dresse un portrait de la compagnie Rival Boxing, et par le fait même, une facette moins connue de son propriétaire unique, Russ Anber l'homme d'affaires.

Avant un combat, que se passe-t-il pour le boxeur? Dans cette édition du magazine, deux textes vous informeront sur ce qui se passe pour un boxeur avant le combat. 1) Nous vous parlerons de la routine que plusieurs boxeurs répètent avant un combat. Certains ont une routine par superstition, d’autres en ont une pour retrouver ce qu’ils appellent une zone de confort. Samuel D. Drolet vous offre ce texte avec en prime un jeu d’association où vous devrez jumeler la routine à la bonne personne. 2) La marche vers le ring des boxeurs est une partie de la boxe qui m’a toujours fasciné. Le moment où le boxeur apparaît à la foule et sa marche vers l’arène. Le tout est toujours accompagné ici au Québec d’une musique et les promoteurs ont décidé de jouer cette carte sérieusement. L’entrée du boxeur vedette fait maintenant partie intégrante du spectacle. Un nouveau collaborateur au magazine, Mathieu Normand, a accepté ma suggestion d’en faire un texte et il nous livre une superbe analyse de ces moments magiques où le choix musical prend toujours une signification particulière. La boxe et deux journalistes Notre chronique régulière La boxe et moi vous est servie en combinaison gauche-droite cette fois-ci. Deux journalistes qui couvrent la boxe avec passion au Québec, Vincent Morin du journal 24 heures et Jean-Luc Legendre de RDS, ont accepté de nous livrer un texte expliquant comment est née leur histoire d’amour avec la boxe. Deux textes qui frappent. Fathi Il avait tout pour être une vedette. Le look, le charisme, la médaille olympique dans ses bagages. Il était sur le point de devenir un chouchou de la boxe montréalaise. Notre chronique Flashback nous parle cette fois-ci de Fathi Missaoui, ce boxeur excitant qui aurait pu devenir une mégastar, mais pour qui une vilaine blessure à l’œil a tout gâché. Son passage à Montréal ne fut tout de même pas sans heurt. Richard Cloutier vous rappelle donc le voyage de ce Tunisien au Québec de 1998 à 2000. Les aventures d’un rédac en chef C’est un peu une coïncidence si ces deux aventures arrivent presque en même temps. Ne croyez pas que je fais un ego trip et que je veux vous parler de moi. Vous serez sûrement jaloux de ma première aventure où je me suis senti comme un champion du monde, mais vous risquez bien plus de vous foutre de ma gueule pour ce qui de ma seconde aventure, où ma vie était en danger! Dans le premier texte, je joue la doublure de Lucian Bute. Et dans le second, j’affronte un Brutus pour célébrer mes 40 ans. Vous ne me croyez pas? Allez lire plus loin.

Les commentaires du médium Le dernier round de Gatti À la fin du mois de février sortait, aux éditions de la Presse, la biographie d’Arturo Gatti, Le dernier round, écrite par Jacques Pothier, celui-là même qui avait écrit la biographie de Stéphane Ouellet, Stéphane vs Ouellet, en 2004. La bio de Ouellet m’avait tellement plu que je salivais à l’idée de lire celle de Gatti. J’ai dévoré Le dernier round en un temps record. Je ne savais pas à quel point la vie de Gatti avait pu être un tel cauchemar. Ce livre m’a troublé, mais j’ai adoré.

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Quelle ne fut pas ma surprise en apprenant un peu par hasard qu’une autre biographie de Gatti était aussi en train de s’écrire. Ma surprise fut double en fait quand j’appris qui était en train de l’écrire! Ils sont deux à l’écrire et je les connais très bien. En fait, vous les connaissez aussi si vous êtes des fidèles lecteurs du magazine. Richard Cloutier et Vincent Morin, des collaborateurs réguliers, sont ceux qui planchent présentement sur une seconde version biographique de Gatti. Leur version de l’histoire paraîtra donc plus tard dans l’année aux éditions Quebecor. En quoi une seconde biographie apportera-t-elle du nouveau? Lorsque je leur ai posé la question, ils m’ont tous deux répondu que la version de Pothier était un texte d’auteur avec ses bons et moins bons côtés. Alors que leur version sera plus journalistique, avec des entrevues. Si plusieurs personnes autour d’Arturo n’ont pas voulu parler à Pothier, eux ils ont eu accès à tous ces gens.

Gaudet prend les devants Dans le concours de la plus horrible coupure de l’année, Benoit Gaudet prend les devants. Lors de son duel contre Adrian Verdugo, un retentissant coup de tête du boxeur mexicain a ouvert un profond gouffre au-dessus de l’œil de Gaudet. Quand ta coupure prend la forme d’une étoile ninja…. Quel Dawson viendra affronter Diaconu? Bad Chad Dawson est gaucher, plus grand que Jean Pascal. Et rapide. Il frappe et se retire. Finalement, c’est le portrait idéal du gars qui va donner un paquet de trouble à Adrian Diaconu. Dans un duel où les deux boxeurs seraient à leur meilleur, je donnerais Dawson vainqueur sans hésitation. Une chose que l’on sait, c’est quel genre de Diaconu va se présenter sur le ring. Un gars solide, qui frappe fort, mais qui a démontré dans ses plus grands combats qu’il est assez unidimensionnel et qu’il ne s’adapte pas énormément au cours d’un combat. Ça serait une énorme surprise s'il arrivait avec une nouvelle stratégie. Il a déjà eu la chance de démontrer quelque chose de différent et ne l'a pas fait. Ce qui permet donc une préparation assez classique et simple pour l’américain, dans le sens où les partenaires d’entraînement que cherchera le clan Dawson pour calquer le Shark sont assez faciles à trouver. D’un autre côté, trouver des copies de Dawson pour se préparer, c’est aussi compliqué que de trouver une verre de café où l’on déroule le rebord afin de gagner une Toyota hybride. Ça se trouve, mais tu risques de chercher longtemps. La zone grise qui pourrait rendre ce combat serré est de savoir quel Chad Dawson va se présenter au Centre Bell ce soir-là. Bad Chad a eu des problèmes personnels (ils ont débuté bien avant le combat contre Pascal). Des problèmes d’argent, une rupture avec son entraîneur, une longue période d’inactivité. Il ne s’est pas battu depuis sa défaite contre Jean Pascal en août. Son aura d’invincibilité n’est plus présente. Dans quelques-unes de ses victoires, son menton a montré des signes de faiblesse. Combien a-t-il laissé de lui-même sur le ring contre Pascal? Plein de petits doutes viennent contrebalancer ce qui me semblait être une victoire assez facile de Dawson. Si je parlais roumain, je dirais quelque chose comme « Vas-y, mon Adrian, pète-lui la gueule! ». Mais j’y pense, Adrian parle maintenant assez efficacement notre langue. Alors je vais y aller de mon meilleur français : « Go Adrian Go! »

Benoit Gaudet : une coupure qui sera longue à guérir.

Combien Dawson a-t-il laissé de lui-même dans le ring contre Jean Pascal?

(photo Vincent Ethier)

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Une demande spéciale à Renan St-Juste Paraît que Renan va aller au Danemark le 4 juin pour affronter Mikkel Kessler et que ce combat mettrait la table pour un duel Bute-Kessler. Renan, tu as trop souvent perdu des occasions en raison de blessures, comme au Centre Bell récemment contre Alejandro Berrio. Et tu as trop souvent boxé avec une blessure (voir les combats contre Upshaw et Demers et Miranda). Alors, peux-tu, s’il te plaît, pour tout le mois de mai, t’envelopper dans du papier d’emballage avec des bulles qui pètent et ne pas en ressortir avant la pesée? Je n’aimerais pas savoir que tu dois renoncer au combat à cause d’une blessure. Ou t’entendre dire en cas de défaite que tu boxais blessé et que tu n’avais pas voulu laisser passer l’occasion.

« La force de frappe, c’est un outil, pas une stratégie » Cette phrase fut dite par Yvon Michel à CKAC Sports le lendemain du combat Lemieux-Rubio, pour d’une certain façon expliquer ce que David venait d’apprendre. Pas toujours besoin d’une longue explication pour dire quelque chose. Cette phrase résume tout. Dans la tête de Rubio. Laisser passer la tempête. Rouler avec les coups sans se faire faire trop mal. Laisser le jeune vider ses réserves. Utiliser son expérience et sa maturité. Et faire mentir ceux qui croient que je m’en vais me faire descendre par la nouvelle sensation. Ce fut une sage décision du coin d’arrêter le combat. À ce moment-là, il y avait un boxeur perdu devant une situation qu’il n’avait jamais prévu et surtout jamais vécu. Et devant lui, un mexicain en pleine forme qui avait le couteau entre les dents. Et lorsque le combat fut arrêté, on a senti la déception normale dans les circonstances. Dans les yeux de Lemieux, de son entraîneur et de tous les gens de l’entourage. Et moi, je me suis souvenu avoir senti ça à deux autres reprises pour GYM dans les dernières années. Quand Hermann Ngoudjo n’a pu empêcher Juan Urango de prendre la ceinture qu’ils voulaient tous les deux. Et quand Joachim Alcine a vu Daniel Santos lui ravir la sienne. Cette fois-ci, il n’y avait pas encore de ceinture en jeu, c’est les gros billets des réseaux de télé américains qui ont passé tout droit. La cruauté de la boxe. Comme si tu attendais de l’argent et que le camion de la Brinks passait devant chez toi sans arrêter. La bonne nouvelle, c’est que le camion va encore pouvoir passer. Il était peut-être juste trop tôt. Après tout, ne disons-nous pas maintenant que la meilleure chose qui soit arrivé à Jean Pascal fut sa défaite contre Froch? Apprendre à la dure, mais rebondir. Pascal Roussel Rédacteur en chef format géant

Apprendre à la dure, mais rebondir. (photo Vincent Ethier)

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Édition spéciale du médium format géant :

Crédibilité, éthique ou saisir l’occasion? Par Pascal Roussel Crédibilité Quand j’ai commencé à parler de mon trip d’entrer sur le ring à la place de Lucian aux répétitions de l’après-midi (voir texte plus loin dans le magazine), un sage dans l’entourage du magazine m’a demandé si ça m’inquiétait que des gens puissent considérer cela comme un geste de groupie pouvant faire perdre de la crédibilité au magazine, crédibilité durement acquise avec le temps. Sur le coup, j’en ai ri. Je n’avais pas, même pendant un centième de seconde, pensé à cette possibilité. Y aurait-il vraiment des gens assez pisse-vinaigre pour penser ainsi? Je me suis dit en premier lieu que non, ce texte ne pourrait pas causer de tels dommages. La crédibilité du magazine, je la vois dans le regard des gens du milieu. Les boxeurs, les promoteurs, les gérants, les arbitres et les juges, ils lisent le magazine et nous font part de leurs commentaires positifs par courriel ou de vive voix à maintes occasions. À mes yeux, ce texte ne fait pas de moi et du magazine des groupies de Bute ou d’Interbox. L’aspect indépendant et neutre du magazine reste notre priorité et c’est en grande partie ce qui fait notre crédibilité. Nous avons toujours été des observateurs neutres et nous n’avons jamais ressenti la pression de devoir être gentils avec IBOX et GYM. La vérité reste que nous avons une bonne relation avec les deux promoteurs et que nous ne sommes pas mal à l’aise de faire une demande du genre. Il y a environ deux ans, nous avions demandé à Yvon Michel de passer une journée complète à le suivre pour faire un reportage et cela n’a aucunement affecté notre couverture ultérieure de GYM. La bonne relation entre le magazine et les gens du milieu n’empêche pas notre professionnalisme de s’exercer. Devais-je donc m’en faire avec ça? Nah. Saisi l’occasion Pascal. Éthique Et le 20 mars, le lendemain du gala Bute-Magee, paru un texte de Serge Touchette qui m’a dérangé sur Ruefrontenac.com. En voici des extraits. Une photo, s.v.p. « Dans le cadre de ce gala, on a eu droit à de la bien belle visite : Mikkel Kessler. Le Danois a de la gueule. Et il est bien élevé. Il est cool et il ne dit pas n’importe quoi. […]

L’infâme photo qui a tout déclenché, avec Mikkel Kessler. (Photo Richard Cloutier)

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Bref, Kessler, en conférence de presse, a charmé les médias. Il y a même des journalistes qui ont demandé à se faire photographier en sa compagnie. Depuis quand les journalistes profitent-ils de leur statut pour faire entorse à l’éthique ? Je n’essaie pas d’être plus catholique que le pape, mais j’étais un peu gêné à la vue de ces « groupies ». Me voyez-vous en train de me faire photographier avec Jeff Halpern après une victoire du Canadien ? Franchement ! »

J’étais un de ces « groupies » qui ont aujourd’hui une photo avec Mikkel Kessler. J’ai reçu ma convocation pour le peloton d’exécution 2 jours plus tard.

J’ai toujours craint les gens qui commencent leur phrase par « Je n’essaie pas d’être plus catholique que le pape… » Ça annonce souvent un commentaire douteux. La comparaison avec Jeff Halpern est un peu tirée par les cheveux. Comparons des pommes avec des pommes, pas avec des raisins secs. Il aurait pu prendre Sidney Crosby, Mario Lemieux ou Wayne Gretzky au moins. Car moi, j’ai demandé une photo avec Kessler, pas avec Patrice L’Heureux. Cette comparaison Halpern-Kessler démontre potentiellement deux choses au sujet de Serge Touchette : qu’il ne connaît pas grand-chose à la boxe et s’ennuie des Expos ou qu’il est tout simplement très mauvais pour faire des comparaisons. (NDLR : Je ne crois pas qu’un jour, je vais offrir la chronique la boxe et moi à Serge Touchette)

Jacques Thériault à CKAC Sports en a rajouté. Il dit que lui, grand homme, ne ferait pas ça. Entorse à l’éthique. Les vrais journalistes ne se font pas prendre en photo avec Kessler.

Vous, Monsieur Touchette (je suis poli tout de même), n’avez-vous pas quelque part une photo avec Gary Carter datant de l’époque où vous couvriez (très bien d’ailleurs) le baseball des Expos? Christian Tortora n’aurait-il pas une photo avec Michael Schumacher sur le mur de son bureau?

Quand j’essaie de me rappeler qui étaient les autres sans génie qui se sont fait prendre en flagrant délit avec Kessler, mon collègue Richard Cloutier me vient à l’esprit. Et Richard a fait part de son opinion à ce sujet sur le forum de discussion de la Zone de Boxe. Avec sa permission, je vous retranscris des extraits de son message ici. « Mon travail est de rapporter les faits et les événements, ce que j'ai toujours effectué avec beaucoup de sérieux et en regard du code d'éthique […]. Ceux qui me lisent le savent, je ne me suis jamais gêné pour me faire photographier en compagnie de boxeurs. Et je suis très à l'aise avec ça. Ce n'est pas la prise de photos qui altère mon jugement, ni ma capacité d'analyse ou celle de rapporter les faits. […] Dans le clip audio de CKAC, je ne crois pas que Jacques Thériault ait fait référence à la Zone de Boxe. Le fait qu'il ait évoqué Fightnews m'incite à le penser. Je considère qu'il est l'un des commentateurs sportifs les plus au fait de la boxe. Je le respecte beaucoup, ainsi que ses opinions, et j'ai toujours eu plaisir à parler boxe avec lui, à chacune des fois où je l'ai rencontré. Ce qui n'est pas le cas de tous les « columnistes » que j'ai vu défiler dans les événements de boxe. Je ne considère pas Serge Touchette, ni Ronald King par exemple, comme des références en matière de boxe. De fait, ça ne me viendrait pas à l'idée de me référer à eux pour une question concernant la boxe. […] Pour le reste, on a tous nos méthodes de travail et qui sommes nous pour les critiquer? Mais puisqu'on en parle, je trouve pour ma part celle de Serge Touchette assez spéciale. Notre homme est accrédité ringside, ce qui est fort bien (et fort respectueux) quand on sait que le nombre d'accréditations est limité (parlez-en à tous ceux qui se trouvaient sur la galerie de presse). Sauf qu'il suit le gala installé dans la salle de presse. On ne le voit que rarement venir voir un combat près du ring et dans le cas de samedi dernier, je n'ai pas souvenir de l'avoir croisé ailleurs que dans la salle de presse. Après tout, pourquoi s'installer près d'un ring quand on vient couvrir un gala de boxe? Mais bon, peut-être est-ce mon amour de ce sport qui altère mon analyse de la situation... » Cette histoire m’a beaucoup fait réfléchir. J’ai décidé de contacter un VRAI journaliste selon la définition du dictionnaire. Voici l’opinion de Jean-Luc Legendre de RDS sur ce sujet.

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« La prise de photographie avec une personnalité sportive est un sujet délicat pour les journalistes professionnels. Plusieurs organisations qui émettent des accréditations pour des événements sportifs interdisent que les détenteurs de cette passe en profitent pour demander des autographes ou des photographies. C'est donc une chose que j'ai toujours eu en tête. C'est pourquoi je m'accorde une certaine réserve à ce sujet. Je suis un amateur de sport, mais je suis avant tout un journaliste. Les quelques rares occasions où je me suis fait photographier avec un athlète c'est lorsque je n'étais pas en fonction, lorsque j'étais un « simple citoyen », ou encore lorsque l'athlète était à la retraite. Pour moi, c'est clair, pas de photo avec un athlète actif dans le cadre de mon travail. Ça fait partie de l'ABC du métier. » Ok, je m’avoue vaincu. L’éthique l’emporte. Je vais donc accepter. Sur ce point, moi et les autres bozos qui se sont fait prendre en photo avec Kessler avons eu tort. Mais je vais une dernière fois citer Richard Cloutier, un autre bozo. C’est à lui que je donne le mot de la fin, car c’est cette phrase qui dans tout ce débat, me semble la plus intelligente, éthique ou pas. Ce n'est pas la prise de photos qui altère mon jugement, ni ma capacité d'analyse ou celle de rapporter les faits. Conclusion Je ne suis pas un vrai journaliste selon la définition. Le dictionnaire n’a pas tort, je suis tout simplement un passionné qui a une tribune lue par 10 000 personnes et plus. Je serais disqualifié de toute façon à cause de Mikkel Kessler. Devrais-je encore m’en faire et suivre les règles de l’éthique journalistique? Nah. Je vais continuer de mener ce superbe magazine à ma façon avec les collaborateurs extraordinaires qui m’aident. Éthique ou pas, je vais continuer d’en profiter, c’est ça mon salaire. Saisi l’occasion Pascal. Pascal Roussel Rédacteur en chef format géant

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Russ Anber, homme d’affaires Par Benoit Dussault

Russ Anber, hommes d’affaires. (photo Stéphane Lalonde)

Tous les amateurs de boxe connaissent Russ Anber. Entraîneur depuis 1979, Anber a formé quatre olympiens et un champion du monde chez les professionnels. Il est omniprésent sur la scène de boxe canadienne depuis plus de trente ans. Encore aujourd’hui, il touche à presque toutes les facettes de la profession : il est à la fois cutman et un entraîneur dont la réputation dépasse les frontières; il est gérant mais aussi analyste de boxe passionné et passionnant, respecté et reconnu à travers le pays puisqu’il travaille aussi bien en anglais qu’en français. Impossible de faire un portrait de cet homme de boxe dans le cadre d’un magazine. Pour lui rendre justice, il faudrait lui consacrer un livre tant sa carrière est riche et diversifiée. Nous avons choisi de vous faire découvrir une facette un peu moins connue de l’homme. À travers le portrait de la compagnie RIVAL, vous découvrirez Russ Anber, l’homme d’affaires. Vous y reconnaîtrez un être entier, tout aussi passionné et engagé dans le développement dans cette entreprise qu’il ne l’est dans le coin de son boxeur ou derrière un micro. RIVAL BOXING GEAR : Une entreprise novatrice toute montréalaise Jusqu'à tout récemment, on ne pouvait trouver un milieu plus traditionaliste et conservateur que les manufacturiers d’équipement de boxe. Durant des décennies, l’équipement du boxeur est resté inchangé : le gant, la mitaine, les culottes et l’équipement de protection fabriqués en 1950 sont passablement identiques à ceux fabriqués en 1990. Les matériaux, le design, les couleurs sont restés, à peu de choses près, les mêmes. Les manufacturiers se préoccupaient très peu de recherches et de développement. Pour les gants, par exemple, ils se contentaient de répéter la recette de base, d’ailleurs assez simple : 16 oz de crin de cheval fourrées dans un gant de cuir. Cependant, depuis quelques années, une compagnie toute montréalaise est en train de révolutionner l’industrie de l’équipement de boxe : RIVAL Boxing Gear, propriété de Russ Anber, est devenue un véritable chef de file de l’industrie en innovant constamment, en utilisant des matériaux de haute technologie et en proposant des designs nouveaux. Copié sans vergogne par ses concurrents, même les plus grands, force est de constater que la petite entreprise de la rue Saint-Urbain est en train de créer une petite révolution dans l’industrie.

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Des débuts bien modestes Dès son plus jeune âge, Russ Anber trempe dans le monde de la manufacture de vêtements. Son père est distributeur des boucles de ceinture dans la région de Montréal. Une fois la semaine, le jeune Russ l’accompagne dans sa tournée du quartier de la guenille, comme on l’appelait à l’époque, pour y vendre ses boucles, rencontrer ses clients, proposer ses nouveaux produits et prendre de nouvelles commandes. Dans ces années-là, l’industrie de la mode et du vêtement est florissante à Montréal, on y retrouve de nombreuses et souvent énormes entreprises de textile. La journée de travail des Anber n’est pas une réussite complète tant que Russ n’a pas visité l’entreprise Daignault-Rolland, son client préféré. Cet arrêt chez D&R, manufacturier d’articles de sports, est ce qu’il préfère par-dessus tout. Il est ému à chaque fois qu’il met les pieds dans cet entrepôt. Il a l’impression d’entrer dans une véritable caverne d’Ali Baba où les trésors se comptent par milliers : gants de baseball et de hockey, jambières, mitaines de gardiens de but. L’odeur du cuir et le bruit des machines à coudre ne font qu’ajouter aux charmes de l’endroit. Il est bien loin de penser qu’un jour, il créera lui aussi une entreprise de fabrication d’équipement de sports. Plusieurs années plus tard, en 1983, alors qu’il entraîne des boxeurs depuis déjà quatre ans pour la ville de Montréal, il ouvre son propre club de boxe dans une ancienne caserne de pompiers, le Ring 83. Il entraîne à temps plein et parcourt la province de Québec avec ses boxeurs la fin de semaine dans les différentes compétitions. Bien qu’il jouisse d’une excellente réputation, son salaire d’entraîneur est plutôt mince et c’est pourquoi, en 1985, il devient aussi distributeur de l’équipement de boxe RINGSIDE. Dans tous ses déplacements, il trimballe dans le coffre de sa voiture sa poche de gants de boxe, de casques protecteurs et de mitaines d’entraîneur qu’il vend aux autres boxeurs, entraîneurs et amateurs lors des compétitions. Ce revenu d’appoint, presque dérisoire, lui permet tout de même de vivre pleinement sa passion pour la boxe. Son comptable se plaît à lui répéter que s’il fabriquait lui-même l’équipement plutôt que de vendre celui d’un autre, il pourrait faire deux fois plus d’argent en vendant la moitié moins de marchandise. Puis, un beau jour de 1997, alors qu’il entraîne le Montréalais Otis Grant pour son combat de championnat du monde, il apprend par un simple coup de téléphone que la compagnie RINGSIDE n’a plus besoin de ses services. Sans raison apparente, après douze ans de loyaux services, Anber est limogé. Ses soucis d’homme d’affaires seront cependant grandement atténués par la victoire de son protégé Otis. Le voilà maintenant entraîneur du champion du monde version WBO des moyens, sans aucun équipement à vendre dans le fond de son coffre de voiture.

Curieusement, à la même période où Anber est limogé par l’entreprise RINGSIDE, un ancien employé de cette compagnie, congédié lui aussi, démarre sa propre entreprise d’équipement de boxe. Il l’enregistre sous le nom de TITLE. En plus de sa propre ligne, TITLE acquiert les droits de distribution de tout le catalogue de la marque EVERLAST. Quelques mois plus tard, Anber est approché pour devenir son distributeur au Canada.

Au début des années 2000, des manufacturiers et investisseurs pakistanais sont en voyage d’affaires à Montréal. Ils visitent les entreprises de textile de la rue Chabanel à la recherche de nouveaux clients. Un de ces manufacturiers, spécialisé dans le cuir, s’intéresse particulièrement à l’équipement de sport. Il s’informe à gauche et à droite, à la recherche d’une entreprise d’équipement sportif qui pourrait faire affaire avec lui. Malheureusement, toutes ces entreprises sont fermées ou ont été achetées et déménagées. Toutefois, quelqu’un chez Bristol Leather, un manufacturier de vêtements de cuir conçus pour la motocyclette, se rappelle vaguement que le fils de son distributeur de boucles de ceinture s’intéresse à la boxe. Il les met en contact. C’est ainsi que le manufacturier de cuir venu du Penjâbi rencontre Anber. Surpris par cette visite, Anber reconnaît qu’il songe à développer sa propre ligne depuis des années, qu’il a même déjà trouvé le nom, mais qu’il n’a tout simplement pas les moyens de respecter les engagements financiers minimaux pour passer une première commande. Le Pakistanais voit cependant chez Anber une détermination et une énergie hors du commun. Il lui fait immédiatement confiance et lui offre de passer une première commande avec lui, si petite soit-elle. Il n’y aura pas de minimum pour Russ Anber. L’entraîneur-chef du Ring 83 saute sur l’occasion et passe une première commande de gants RIVAL pour 2000 $. Un peu gêné de cette première commande si modeste, il promet qu’à l’avenir chaque commande sera toujours plus importante que la commande précédente.

« Il apprend par un simple coup de téléphone que la

compagnie RINGSIDE n’a plus besoin de ses services »

« Dès son plus jeune âge, Russ Anber trempe dans le monde de la manufacture de vêtements.»

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En 2001, à peu près au moment où Anber reçoit sa première commande du Pakistan, son ami, le designer industriel Jocelyn Poulin, revient s’installer à Montréal après avoir passé les dernières années à travailler pour la compagnie américaine Mission en Californie. Poulin avait auparavant travaillé chez Daignault-Rolland, où Anber et lui s’étaient rencontrés. À la fermeture de D&R, le designer a été recruté pour développer la division hockey sur glace de Mission, qui ne faisait jusque-là que du roller-hockey.

Rapidement, Poulin et Anber se retrouvent et la compagnie RIVAL BOXING GEAR est officiellement incorporée en juin 2003. Dès le début, ils s’entendent pour développer uniquement des produits de qualité haut de gamme. Poulin et Anber visent la qualité autant pour les articles destinés au boxeur débutant que les produits de hautes performances pour les professionnels. Ils ont pour objectif que même leur produit le moins coûteux sera de meilleure qualité que ce qu’offre la compétition. Il est hors de question d’associer la marque RIVAL a des produits de moindre qualité.

Bien qu’Anber en soit le propriétaire unique, l’apport du cofondateur, Jocelyn Poulin, est majeur au sein de l’entreprise : alors que l’entraîneur amène son expérience de boxe, Poulin fait profiter RIVAL de sa grande expérience en design industriel, de sa connaissance des nouveaux matériaux qui ont littéralement révolutionné l’équipement de hockey à la fin des années 90, et de son expérience californienne. Le mariage d’affaires entre Anber et Poulin attire rapidement l’attention des compétiteurs. RIVAL, avec ses designs uniques et ses couleurs vives, envoie une onde de choc dans l’univers ankylosé de l’équipement de boxe. Un an plus tard, en 2004, Anber et Poulin se rendent dans les bureaux de TITLE aux États-Unis avec leurs marchandises et s’entendent avec eux pour la distribution des produits RIVAL sur le marché américain. Toutefois, TITLE, qui distribue également la marque EVERLAST, ne pousse pas beaucoup la marque québécoise de peur de déplaire au géant EVERLAST. L’envol américain se fera vraiment lorsque, deux ans plus tard, la compagnie britannique LONSDALE achète l’américaine EVERLAST et retire à TITLE les droits de distribution de la marque. TITLE peut alors mettre toutes ses énergies à la distribution du catalogue RIVAL aux États-Unis. Cet événement marque un tournant important de la progression de RIVAL aux États-Unis. La situation actuelle La compagnie a parcouru un chemin remarquable depuis la première commande de 2000 $, il y a à peine dix ans. La marque est depuis distribuée en Russie, en Europe occidentale et en Australie, où les perspectives d’avenir sont très prometteuses. Les ventes annuelles dépassent allègrement le million de dollars et sont en progression constante. Tout le design, la recherche et la mise en marché se fait ici à Montréal, dans les bureaux et entrepôts du 9810, rue Saint-Urbain. RIVAL compte maintenant cinq employés à temps plein et deux employés à temps partiel. C’est aussi ici que sont reçues et traitées toutes les commandes Internet et téléphoniques provenant du Canada. Par contre, la fabrication se fait au Pakistan, toujours chez le même manufacturier, en Chine et en Inde. Seulement quelques items, dont les boucliers d’entraîneur, sont fabriqués à Saint-Jean-sur-Richelieu. L’édifice de la rue Saint-Urbain abrite aussi le club de boxe RING 83, où Anber y entraîne toujours ses boxeurs, dont David Lemieux et Kevin Lavallée. Lorsque l’ancienne caserne de pompiers qui hébergeait le RING 83 a été rachetée par un promoteur immobilier, Anber a déniché cet entrepôt de la rue Saint-Urbain. Il y a installé le club de boxe à l’étage et les bureaux, l’entrepôt et le magasin au rez-de-chaussée, ce qui lui permet de passer au bureau presque tous les jours quand il n’est pas sur la route avec ses boxeurs. De toute manière, une grande partie de son travail se fait de la maison, au début de la nuit, alors que les fournisseurs et manufacturiers d’Asie sont au travail. Anber prend encore plaisir à s’occuper personnellement de l’équipement « sur mesure » des boxeurs professionnels. Sa réputation d’entraîneur émérite ne l’avantage pas réellement au niveau des ventes et, dans certains cas, lui nuit, car certains boxeurs et promoteurs ne veulent pas endosser la marque parce qu’elle lui est associée. Ils ne veulent surtout pas encourager un entraîneur qui travaille avec l’un plutôt que l’autre. Ils préfèrent encourager la compétition.

« L’entreprise sera l’héritage qu’il souhaite

léguer à sa fille.»

« Dès le début, ils s’entendent pour

développer uniquement des produits de qualité

haut de gamme.»

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L’entreprise lui prend du temps et des énergies, mais Anber en retire une grande fierté. Il y a des moments où il aimerait bien mieux se retrouver dans son métier premier de cutman ou d’entraîneur ou bien simplement dans un salon de billard à jouer au snooker. L’entreprise sera l’héritage qu’il souhaite léguer à sa fille. Les perspectives d’avenir pour RIVAL La vitesse de la progression de l’entreprise a étonné son propriétaire et tout laisse croire que les ventes continueront de progresser de manière importante au cours de prochaines années. Plusieurs raisons expliquent ces projections enthousiastes. D’abord, la diversification du catalogue auquel on a ajouté des items de MMA et une ligne de vêtements de sport, l’an dernier. La ligne de vêtements commerciale représente déjà 5 % du chiffre d’affaires. Puis, l’innovation technologique qui est la marque de commerce de l’entreprise. L’emploi de nouveaux matériaux, dont le D3O, une mousse de polyuréthane qui durcit instantanément sous l’impact, s’avère un énorme succès.

Cette mousse a d’abord été utilisée dans le sport par des fabricants d’accessoires de snowboard, qui la glissait dans les tuques et les pantalons afin d’amortir les chocs lors des chutes. Jocelyn Poulin a réussi à intégrer le D3O aux gants de sac de RIVAL, de quoi faire rager les concurrents. Par contre, comme il est très difficile et très coûteux d’obtenir des brevets pour ces innovations, la compétition copie sans gêne. Poulin et Anber l’on constaté dernièrement à ISPO (International

Trade for Sporting Goods), en Allemagne, alors que certaines compagnies affichaient carrément des copies conformes des produits RIVAL. Le design de la mitaine d’entraîneur conçue par RIVAL est sans doute l’article le plus copié par la compétition. Finalement, la mise en place d’un réseau de distribution en Europe, en Russie et en Australie assure une pénétration du produit dans de nouveaux marchés en pleine expansion. Déjà, les ventes hors Canada représentent 50 % du chiffre d’affaires. Le Québec qui dérange Il y a quelques semaines, Jean Bédard, président d’Interbox, affirmait aux médias de Montréal que le Québec dérange l’ordre établi dans le monde de la boxe. Les grands promoteurs et les réseaux de télévision américains doivent maintenant composer avec ce nouvel Eldorado de la boxe. Le Québec s’est imposé avec des boxeurs de premier plan, des organisations de promotion sérieuses, des amateurs friands et des connaisseurs de boxe qui emplissent les arénas comme à peu près nulle part ailleurs. Il faut maintenant ajouter à cette liste que Montréal produit de l’équipement de boxe qui dérange, qui dérange beaucoup. Jocelyn Poulin et Russ Anber, avec la marque RIVAL BOXING GEAR, réinventent l’industrie d’équipement de boxe et créent une véritable petite révolution.

« Déjà, les ventes hors Canada représentent 50%

du chiffre d’affaires. »

Anber, propriétaire unique de Rival Boxing Gear. (Photo Stéphane Lalonde)

Le gant de sac D3O, un produit révolutionnaire qui fait rager les concurrents

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Les aventures du rédacteur en chef, premier tome : Le jour où j’ai été champion du monde

Par Pascal Roussel À titre de rédacteur en chef et responsable du contenu, je me dois de chercher des idées de reportage. J’accepte évidemment plusieurs suggestions des collaborateurs. Souvent je trouve des idées, et je les propose aux collaborateurs ensuite. Par contre, dans le cas qui suit, j’avais le goût d’être égoïste. J’avais remarqué, comme tous les amateurs de boxe, que les entrées de Lucian Bute vers le ring étaient toujours spectaculaires. Les boxeurs ont toujours dit, Éric Lucas entre autres, que cette marche vers le ring était ce qu’il y avait de plus motivant et que c’était ce qui manquait le plus au boxeur lors de sa retraite. Je ne suis pas un boxeur, mais je voulais vraiment vivre cette sensation. Ces entrées de combattant sont toujours accompagnées de musique (Where the Streets Have No Name de U2 pour Bute), de projections sur grands écrans et souvent de pyrotechnie. Il était donc évident à mes yeux que ces prestations devaient être répétées avant le combat pour s’assurer que tout irait bien en soirée. Honnêtement, j’ai compris cela le soir du combat Bute-Miranda alors que l’écran géant avait été défectueux lors de l’entrée de Lucian. En parlant avec les gens d’Interbox, j’ai entendu que pourtant, lors de la répétition en après-midi, tout s’était bien déroulé. Il y a donc une

répétition l’après-midi avant le combat! Et ce n’est sûrement pas Lucian lui-même qui fait cela, il doit y avoir un figurant pour jouer ce rôle… À partir de ce moment-là, l’idée que je serais un figurant idéal a trotté dans ma tête. Et si j’en faisais un reportage pour le magazine? Nous sommes donc le samedi 19 mars. Bute affrontera Brian Magee ce soir. Et devinez qui joue le rôle du figurant pour les répétitions techniques? Il fallait bien que quelqu’un se sacrifie. Mais comme je suis un homme consciencieux, il n’était pas question que je prenne cela à la légère. On n’est pas champion du monde tous les jours! J’ai mes gants de boxe et mes vraies culottes de boxeur! Je peux tout de suite vous dire que j’en ai eu plus que ce à quoi je m’attendais. Je m’étais fait un scénario dans ma tête à propos de ce qui allait se passer. Ce fût encore mieux. Il y a eu cinq répétitions. Mon ami Richard Cloutier y était pour prendre des images vidéo et Jonathan Abenhaim du site fanatique.ca a accepté de prendre des photos pour joindre à l’article. Première descente vers le ring : Il est 14 heures. Le régisseur de Montreal Productions (l’équipe de production pour l’entrée de Bute)

me demande de me placer sur le X derrière le rideau. Ça va bientôt commencer. Je me place. Première constatation, je passe près de 2 minutes derrière ce rideau à entendre seulement le son de vidéos projetées sur les écrans géants. Je n’ai aucune idée de l’ampleur de ce spectacle! Il va falloir que j’attende en fin d’après-midi pour voir la vidéo de Richard… Soudain, je reconnais les premières notes de la chanson de U2. Ça s’en vient. La voix de l’annonceur se fait entendre. Et là, je vois que le rideau se lève à mes pieds. Mon cœur bat à 100 milles à l’heure et je ne bouge même pas. Mes fans (une vingtaine de gens de l’équipe technique) me verront descendre tel un champion… L’annonceur se trompe (ou ne se trompe-t-il pas?) : il annonce Lucian Bute! Pas grave, je vais descendre quand même. Mon heure de gloire. Par contre, je ne sais pas à quel point je peux me laisser aller dans la simulation. Lancer des coups de poings, saluer la foule, danser? Je me garde une certaine gêne. En arrivant en bas de l’estrade, j’arrive face à quelques gens d’Interbox. Jean Bédard

« Je ne suis pas un boxeur, mais je voulais vraiment vivre cette sensation.»

Derrière le rideau, j’attends mon moment de gloire. (photo Jonathan Abenhaim)

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lance avec un sourire : « Ouais, Lucian a perdu pas mal de masse musculaire… ». J’en ris. C’est mieux que de l’envoyer promener. Et là, s’arrête la première répétition. On ne se rend pas jusqu’au ring.

Le rideau se lève et me voilà! À ce moment-là, mon cœur battait à 100 milles à l’heure. (photo Jonathan Abenhaim)

Deuxième descente vers le ring: Il est 15 heures et l’équipe du réseau américain Showtime se joint à la répétition. Pas vraiment de différence, à l’exception de ce caméraman qui est juste devant moi lors de la descente. Il me planque la caméra à deux pouces du nez (j’exagère à peine!). Je crois comprendre qu’il doit reculer quand moi j’avance. Mais il ne recule pas vraiment… en tout cas pas assez vite à mon goût! Alors je ne sais trop quoi faire. Je le pousse? Je passe à côté? Finalement, la chanson de Bute est presque terminée, je suis à peine à la moitié du parcours et là, un des responsables de Montreal Productions s’en prend au régisseur. Je n’entends pas exactement ce qu’il dit, mais ça ressemblait selon moi à « Coudonc, peux-tu dire au figurant d’avancer plus vite, sacrement! ». Coupé! On m’explique alors de descendre plus vite, que le caméraman est un pro et qu’il va s’ajuster à ma vitesse. Troisième descente vers le ring : Très courte, arrêtée rapidement. Quelqu’un a gaffé dans les techniciens de Showtime. On reprend. Quatrième descente vers le ring : Le rideau se lève, je salue ma foule, j’attends le 8 secondes suggéré avant d’amorcer la descente. Et là, je vois le régisseur de Montreal Productions, mais aussi un gars qui semble un régisseur pour Showtime. Il s’installe derrière le caméraman et me fait aussi des signes. Le premier régisseur me fait signe d’aller plus vite, et le second de ralentir. C’est donc bien compliqué la vie de figurant! Alors je décide de descendre à vitesse… moyenne! Et je me rends enfin jusqu’au ring. Première constatation : pas facile pour un gars de ma taille de passer entre le deuxième et le troisième câble! C’est par cette mince ouverture que le responsable de la technique sur le ring me fait passer. En passant, il me dit « Red corner big guy! ». Si tu me trouvais si big, pourquoi ne pas m’avoir ouvert les câbles plus grand? Quelques pas ensuite dans le ring et on arrête. Cinquième descente vers le ring : À ce moment-là, je ne le savais pas, mais c’était la dernière répétition. Le rideau se lève, je salue mes fans, la descente, c’est déjà devenu de la routine. Même l’entrée entre les câbles m’apparaît plus facile. J’ai maintenant de l’expérience comme champion du monde et j’y prends goût. Les caméramans de Showtime zooment sur moi, je lance quelques jabs à la caméra. Je rebondis sur les câbles comme un champion, je vais frapper les 4 coins,

« Pas facile pour un gars de ma taille de passer entre le deuxième et le

troisième câble!»

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resalue la foule en délire, lance des combinaisons à la caméra. Je ne le sais pas sur le coup, mais ces images sont projetées sur les écrans géants du Centre Bell au-dessus du ring (je n’allais le comprendre que plus tard en regardant les images sur la caméra de Richard Cloutier qui filmait le tout d’un peu plus loin). On me demande de prendre place dans mon coin, le coin rouge. Jean-Luc Legendre de RDS qui est déjà arrivé au Centre Bell pour faire ses reportages me voit et trouve ça bien drôle. Il se joint à la folie quelques instants et vient jouer le rôle de mon entraîneur dans le coin. Il prend le seau, m’invite à cracher dedans. Je crache comme un champion. Toute cette répétition va bien plus loin que je l’espérais. Ce n’est pas tout, l’annonceur de la répétition (non, pas Jimmy Lennon Jr.) me présente à la foule : « In the red corner, the champion of the world ». Et là, je vous jure, j’ai entendu la foule m’acclamer! Pour couronner le tout, on fait venir les deux boxeurs (moi et un technicien de Showtime qui imite très mal Magee) au centre du ring. Le faux arbitre nous livre ses consignes : « A clean fight, obey my commands, touch gloves… », tout le tralala. Et je retourne dans mon coin. La répétition se termine-là. Dommage, j’étais prêt à me battre! Quel moment inoubliable. Je vais me souvenir de ce moment toute ma vie. Merci à Interbox d’avoir accepter ma demande spéciale. Si vous êtes curieux de voir mon moment de gloire, la vidéo est disponible sur Youtube. Cherchez « Quand le rédac se prend pour un champion du monde ». Vous pourrez tripper avec moi ou rire de moi. Vous avez le choix.

Les écrans géants du Centre Bell, je n’y avais pas pensé! (photo Richard Cloutier)

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Les ingrédients d’une recette gagnante! Par Samuel D.-Drolet À la boxe comme dans tous les sports, les athlètes sont amenés à se dépasser. Leur objectif est généralement simple : gagner! Cependant, ne gagne pas qui veut. Pour parvenir à la victoire, il faut s’astreindre à des heures de dur labeur et de préparation. Bien que la préparation physique soit primordiale, la préparation mentale, elle, est indispensable. Certains ont recours à des professionnels pour développer leurs habiletés mentales, alors que d’autres le font instinctivement ou à l’aide de notions de base que possèdent leurs entraineurs.

En boxe, la force mentale est très importante. Elle a permis à certains boxeurs de remporter des victoires avant même de monter dans le ring. Des athlètes comme Mohammad Ali, Floyd Mayweather fils, Bernard Hopkins et Davey Hilton fils semblaient si confiants et inébranlables qu’ils parvenaient à installer un doute dans la tête de leur adversaire, et ce, avant même de monter dans l’arène. Une fois le doute installé, l’athlète part avec un ou deux rounds d’avance et parfois la partie est déjà jouée avant l’échange des premiers coups (ex. : Antonio Tarver qui demande à Roy Jones fils s’il a des excuses pour la défaite qu’il subira ce soir, au moment où l’arbitre demande aux boxeurs s’ils ont des questions lors du face à face d’avant le premier round). L’athlète ne cherche pas seulement à déstabiliser son adversaire, mais il recherche aussi ce que l’on appelle le « flow » en psychologie sportive. Le flow est en fait une expérience gratifiante hors de l’ordinaire où l’athlète est totalement absorbé par ce qu’il fait. Il a l’impression que la tâche à accomplir s’effectue seule, sans effort. L’athlète est dans un état où le corps et l’esprit sont en parfaite harmonie, où les doutes et les pensées négatives sont absents. Il a l’impression que rien ne pourra l’empêcher d’arriver à ses fins. Certains ont même l’impression que tout se déroule au ralenti, qu’ils ont le temps de bien exécuter chaque mouvement, de bien voir venir les obstacles. Ils ont l’impression d’être intouchables, inatteignables. C’est un état d’extase.

Bien que ce soit un état optimal et que tous les athlètes recherchent cette sensation lorsque vient le temps de passer à l’action, il n’est cependant pas facile à atteindre et à reproduire par la suite. L’athlète doit en premier lieu vivre le flow en créant lui-même l’environnement nécessaire. Une fois l’environnement créé, il faut maintenir cet état d’esprit tout au long de la tâche à accomplir. Ensuite, il faut garder les mêmes habitudes lors de compétitions ou d’affrontements différents afin de se réapproprier l’état d’esprit optimal. Dans le but de recréer le flow, certains athlètes ont des manies, des routines ou des trucs qu’ils font systématiquement avant chaque compétition. Pour certains, il est impossible de déroger de la routine d’avant-match sans risquer la catastrophe. Alors que pour d’autres, il ne faut rien de routinier afin de pouvoir faire face à n’importe quel imprévu sans être déstabilisé ou mentalement affecté.

Eleider Alvarez et Oscar Rivas, deux gars pour qui la routine est importante. (photo Vincent Ethier)

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Je vous propose un petit jeu d’association. Vous trouverez ci-dessous une liste de boxeurs ou d’intervenants influents du milieu ainsi qu’une liste de routines, de manies ou d’habitudes d’avant-combat. Votre but : trouver qui fait quoi! Et comme il est question de superstition, nous en avons choisi 13 pour vous. Liste des participants :

1. Kevin Bizier 2. Nicholson Poulard 3. Michaël Gadbois 4. Marc Ramsay 5. Yvon Michel 6. Ghislain Maduma 7. Renan St-Juste 8. Didier Bence 9. Eleider Alvarez 10. Andrew Kooner 11. Oscar Rivas 12. Antonin Décarie 13. Jean Pascal

Qui suis-je? 1- Dans la chambre, j’écoute de la musique Hip Hop afin de me mettre dans le bon esprit et de me motiver davantage. Quand vient le temps de monter dans le ring, je récite la prière « Notre Père ». 2- Ce qui est le plus important pour moi, lors de m a routine, c’est d’être détendu. Pour ce faire, j’écoute des chansons africaines. Comme les paroles sont dans ma langue maternelle, cela me touche plus et me permet de mieux me détendre. 3- Avant chaque combat, je fais jouer la chanson Can’t Be Touched de Roy Jones fils. Je la mets en boucle une heure avant mon combat et je l’écoute sans cesse. Aussi, le côté droit passe en premier : lors de ma préparation, j’enfile toujours le côté droit en premier (bandages, gants, souliers, shorts, etc.). 4- Je fais une prière pour remercier Dieu de tout ce qu’il m’apporte dans la vie ainsi que pour bénir ma famille et ceux qui me sont chers. 5- La journée d’un combat, je ne réponds à aucun téléphone, message texte ou mot d’encouragement. Je me mets dans ma bulle. Ensuite, j’écoute la chanson de mon entrée toute la journée, et ce, le volume au maximum! Finalement, lorsque

je suis en route vers le lieu du gala, je téléphone à ma mère. Comme elle est très croyante, elle fait une petite prière pour moi. Ma mère ne vient pas me voir, car elle fait de la haute pression et elle ne pourrait supporter de voir que quelqu’un me frappe. Elle me regarde à la télévision par contre. 6- Avant un combat, je m’assure de faire une prière dans un endroit calme avant de monter sur le ring. Je garde aussi une photo du fondateur de ma religion dans mes bas. C’est une tradition qui date des amateurs. 7- Après la pesée, je vais toujours manger à la même place. Je mange le même repas avec les mêmes personnes. Le jour du combat, je vais faire une marche le matin après le déjeuner, puis je dresse une liste de choses à faire et à apporter afin de ne rien oublier. En après-midi, je vais faire une sieste avant de me préparer pour me rendre au combat.

Kevin Bizier, un gars superstitieux? (photo Vincent Ethier)

Renan St-Juste a-t-il une routine d’avant-combat? (photo Stéphane Lalonde)

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8- Les jours de combats, je me fais masser. Aussi, lors de la marche vers le ring, en arrivant aux marches du ring, je fais un petit sprint pour les monter. 9- La journée d’un combat, je mange toujours de la lasagne que ma mère a faite, c’est un incontournable. 10- J’ai ma petite routine d’avant-combat. Je me lève et prends une bonne douche. Après, je fais un peu de ménage et j’écoute de la musique. Avant de faire une sieste, je me détends devant la télévision quelques instants, puis je suis prêt à partir. 11- J’aime bien me relaxer en écoutant de la musique latine avant mes combats. Lors de ce moment de détente, j’en profite pour me concentrer sur le combat que j’aurai à livrer. 12- J’ai une routine bien établie, mais ce qui peut diverger des autres boxeurs, c’est qu’avant chaque combat, je vais toujours chez le même coiffeur, ou encore il vient à moi (rires). 13- En fait, je fais tout ce que je peux pour ne pas avoir d'habitudes ni de routines et ne pas me créer de superstitions. Je suis contre les superstitions parce qu’à mon avis ça porte malchance d’en avoir!

Réponses :

1. N

icholson Poulard

2. G

hislain Madum

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3. M

ichaël Gadbois

4. Eleider A

lvarez

5. Renan St-Juste

6. A

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7. A

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8. M

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9. Kevin Bizier

10. Didier Bence

11. Oscar Rivas

12. Jean Pascal 13. Yvon M

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La boxe et moi est une chronique où nous demandons à une personnalité de nous expliquer comment est née son histoire d’amour avec la boxe. Pour cette édition du magazine, nous vous offrons un duo de textes. Nous avons demandé à deux journalistes sportifs de Montréal qui se spécialisent en boxe de nous raconter leur histoire. Voici en premier lieu l’histoire de Vincent Morin. En second lieu, vous pourrez découvrir celle de Jean-Luc Legendre.

La boxe et moi Par Vincent Morin

Plume et poing

Dans le monde pugilistique, on entend souvent la sempiternelle et redondante déclaration : « Si je n'avais pas boxé, je serais devenu un vanupied, un tôlard ou un cadavre ». Stéréotype ou non, c'est tout de même vrai dans mon cas.

J'ai tenté de mettre fin à mes jours au jeune âge de 15 ans. Après deux réanimations cardiaques et trois jours de coma, j'ai cru en me réveillant avoir vu un ange...ce n'était que l'infirmière au visage magnifique et aux yeux d'un vert d'émeraude. Ce sont ces yeux et la boxe qui m'ont permis de continuer mon chemin et de devenir qui je suis aujourd'hui : un journaliste sportif pour le journal 24 heures, ce que je fais depuis bientôt trois ans.

Flashback

Mon premier contact avec les sports de combat a été bref, dans un style traditionnel qui ne convenait pas du tout (karaté shotokan), ponctué d'une disqualification à ma seule compétition alors que je n'avais que 7 ans.

Mon père, un karatéka dévoué à l’époque, voulait me faire apprendre un art visant à me défendre contre les voyous qui me volaient mon dîner et mes G.I Joe, s’amusant à me faire la vie dure chaque jour à l'école. C'est la vie quand tu es le plus petit dans le carré de sable. Comme je me suis servi de mes apprentissages pour me faire respecter, je fus exclus du cours.

La première fois où j'enfilai des gants de boxe, c'était à l'âge de 9 ans. Chaque Noël, nous nous réunissions toute la famille chez ma grand-mère, dans mon village natal de Napierville, près de la frontière américaine. Il y avait là un ravalement, soit un grand garde-robe qui reliait les chambres l'une à l'autre, typique des maisons irlandaises de mon coin de pays. Cet endroit servait de débarras. Ce Noël, moi et mon cousin y avons trouvé un disque 45 tours de John Lennon (celui avec la célèbre chanson Imagine), de même que de vieux gants de boxe bruns utilisés par un de mes oncles dans ses jeunes années.

Ces gants m'ont servi de défouloir. Mouton noir de la famille, les mauvais coups étaient toujours sur mon dos... Mon cousin, un an plus vieux et plus grand d'au moins une tête, a eu la lèvre ouverte, gracieuseté d'un crochet de gauche.

Ce coup, je l'avais emprunté à Mike Tyson, qui était mon boxeur favori, ayant vu la majorité de ses combats à la télévision (ESPN Classics et autres), tout en ayant passé d'interminables heures à tenter de le vaincre sur la vieille console Nintendo, au jeu Mike Tyson Punch Out.

Vincent Morin, journaliste sportif pour 24 heures. (Photo courtoisie Vincent Morin)

« Mouton noir de la famille, les mauvais coups étaient toujours sur mon dos »

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Outre les fameux et nombreux casques-gants pratiqués dans diverses chambres de hockey de la province (une pratique courante où les hockeyeurs se cognent dans le casque jusqu’au K.-O.) et les diverses bagarres de rues, j'ai remis les gants de boxe lors d’une fête foraine. Un ring gonflable et des gants géants…et un autre K.-O. rapide face à mon cousin.

Alors que j'avais 15 ans, j’ai pu enfiler de vrais gants de boxe à nouveau. Mon oncle, un colosse de 200 livres, fidèle adeptes de combats ultimes et spécialiste de jiu-jitsu, voulait me tester, puisque j'étais mêlé à de nombreuses batailles. Avec mes 121 livres...et un direct de droite, je l'envoyai au tapis (du salon!). Le verdict: fracture du nez.

15 ans, tant de rage. Je n’aimais plus la vie. J’ai voulu partir, Dieu en a voulu autrement.

Retour de l'hôpital. La DPJ ne sait trop quoi faire d'un adolescent problématique qui fugue, change aussi souvent d’école que de chemise, passe le plus clair de son temps à risquer sa vie et à se battre. À cette époque, vous n’aviez pas besoin de chercher le trouble…parce que le trouble, c’était moi.

Mon oncle (celui qui a eu le nez en compote) ainsi que plusieurs connaissances et amis de la famille conseillent à mes parents, exaspérés de mes comportements houleux et dangereux, à m'inscrire à la boxe en raison de mes instincts belliqueux.

Curieux hasard, un club de kickboxing était en recrutement. Quand j'ai vu l'annonce dans le journal local, j'ai su que c'était ce que je voulais. Chevelure marginale orange, pas particulièrement à jeun, armé d'un jean défraîchi et d'une témérité assumée, je me présentai au gymnase d'un dénommé Gaétan Pelletier, à Saint-Jean-sur-Richelieu. Ce dernier, qui a été un pionnier du kickboxing au Québec, est devenu un ami et un guide.

L'entraînement et le sens d'appartenance au gymnase ont créé chez moi des buts et motivations, ce qui me poussa à laisser derrière les nuits festives, tentations propres aux adolescents libertins et toxicomanes.

Si bien qu'après quelques combats devant des foules combles dans mon patelin, je remportai un championnat canadien ainsi que la Coupe Iceman, remise en personne par le grand Jean-Yves Thériault.

La perte de popularité du kickboxing au profit des arts martiaux mixtes et de la boxe ont réduit considérablement mes perspectives de combat, si bien qu'après quelques duels non sanctionnés (pas de catégories de poids, pas de casque et coups aux jambes autorisés), je décidai de me tourner exclusivement vers la boxe.

Occupé par mes études, j'ai débuté mon périple en boxe olympique au vieux club du père Hilton sur le boulevard Monk, dans le Sud-Ouest de Montréal. Sympathique bougre, tout comme son champion de fils Matthew, ils ont su modifier et modeler mon style, même si je m'entraînais à temps partiel.

Pour Vincent, sa plume, c'est un gant de boxe. (Photo courtoisie Vincent Morin)

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Un an plus tard, de retour dans mon patelin, sous les couleurs du club de boxe Perfecto, je remontais dans l'arène, remportant les Gants d'argent et quelques combats locaux.

Le club de boxe Saint-Hyacinthe, Marc Seyer, Laszlo Marien et Sébastien Demers m'ont ensuite donné l'entraînement, les outils et les connaissances nécessaires afin de devenir un guerrier redoutable. Si bien que je suis devenu champion du Québec classe ouverte avec seulement 7 combats de boxe olympique à mon actif.

Les années ont passé, j'ai étudié, connu plusieurs personnes sur mon passage (David Gauthier, Ghislain Vaudreuil, Dave Drouin, Michel Desgagné, Francy N'Tetu) qui m'ont permis d'évoluer. Je n'ai vraiment jamais arrêté de boxer, même durant mes études à Jonquière en ATM (Art et technologie des médias).

Me voici maintenant journaliste sportif couvrant mon sport favori depuis près de trois ans. Ma plume, c'est un gant de boxe.

En octobre, j’ai effectué un retour dans l'arène, remportant la médaille de bronze au Championnat du monde de kickboxing à Édimbourg, en Écosse.

La majorité des gens sur place, de même que ceux qui l'ont vu sur vidéo, croient que j'ai remporté le duel, malgré un pied gauche fracturé une semaine avant le tournoi et un homme de coin arrivé au troisième round seulement. Après tout, peu importe le sport, il semble qu'il est difficile de vaincre un Européen en Europe!

Je suis Vincent Morin, journaliste sportif pour 24 heures et fier de vous avoir raconté comment j’ai découvert mon amour pour la boxe.

Octobre 2010, médaillé de bronze au Championnat du monde de kickboxing à Édimbourg, en Écosse. (Photo courtoisie Vincent Morin)

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La boxe et moi Par Jean-Luc Legendre

J'aime la boxe et ses acteurs. Je parle d'acteurs car pour moi, la boxe est un spectacle. Et le spectacle qui est offert sur cette petite scène carrée, illuminée par les projecteurs, est incomparable. C'est que contrairement aux acteurs, les boxeurs ne jouent pas. Ce que l'on voit, c'est du vrai. La trame dramatique s'écrit directement devant nous. J'adore le contact avec ces sportifs. Alors que la plupart des athlètes professionnels calculent et modèrent leurs propos, souvent les boxeurs sont de véritables livres ouverts. Leurs sentiments sont à vif. J'aime la boxe même si, à l'origine, on ne peut pas parler d'un coup de foudre. Mon premier contact avec ce monde particulier a eu lieu le 24 février 1995. C'était une soirée glaciale, à Jonquière, pour le combat du héros local Stéphane Ouellet contre Alain Bonnamie. Lors de cette soirée au Palais des Sports, alors que j'étais assis en bordure de ring, Bonnamie est tombé K.-O. devant moi. Au 5e round, j'ai vu ses yeux tourner et j'en garde encore un mauvais souvenir.

Quelques années plus tard, j'ai appris à mieux apprécier ce sport alors que je travaillais en compagnie de Jean-Paul Chartrand Jr. Il s'est enrichi de quelques dollars à mes dépends, entre autres à l'issue du premier duel entre Davey Hilton et Stéphane Ouellet, où il était l'un des seuls à croire au potentiel du négligé. J'ai eu la chance de voir la boxe prendre de l'ampleur au Québec. Je me souviens encore de l'importance de la victoire d'Hercules Kyvelos en 2000 sur Fitz Vanderpool pour le championnat canadien. Peu après, on ne parlait plus de championnats locaux, mais bien de ceintures mondiales, celles d'Éric Lucas et de Davey Hilton. Lors de cette période, la boxe était toujours liée à l'aspect professionnel de ma vie, en tant que journaliste. La boxe s'est immiscée dans la partie personnelle de mon existence lorsque j'ai rencontré la femme de ma vie! Ma conjointe adore la boxe et c'est avec elle que j'ai vécu l'ascension de Lucian Bute. Nous étions ensemble dans les hauteurs du Centre Bell lorsque Bute est devenu champion en octobre 2007. Ce combat était le dernier de mon collègue Martin Dion sur le beat de boxe à RDS. J'ai demandé et obtenu sa succession à ma grande joie. Mes patrons m'ont fait confiance pour plusieurs facteurs, dont mon expérience : puisque j'avais déjà travaillé aux informations générales, à Radio-Canada, sur des dossiers chauds comme la politique et l'économie, je saurais garder la tête froide dans le monde de la boxe. Dans ce domaine où il y a beaucoup d'enjeux, il faut savoir mesurer les intentions des uns et des autres; savoir quoi dire, comment le dire; rester impartial malgré les liens qui se tissent avec les gens du milieu. Naviguer dans le monde de la boxe peut parfois être difficile, et les vrais amateurs peuvent être exigeants. Mais le jeu en vaut la chandelle.

Jean-Luc et Éric Lucas à la suite du duel avec Librado Andrade. (photo courtoisie Jean-Luc Legendre)

« J'ai eu la chance de voir la boxe prendre de

l'ampleur au Québec »

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Quand les boxeurs se dirigent vers le ring Par Mathieu Normand Le tintamarre de la musique d’ambiance se tait, l’obscurité prend le dessus, le rugissement de la foule dans l’expectative envahit l’espace; tout cela est transcendé quand la première note de musique se fait entendre pour annoncer la venue d’un champion ou de son prétendant. La chanson choisie peut galvaniser la foule déjà exubérante ou encore avoir l’effet d’une douche froide. Le meilleur exemple qui me vient en tête est celui du premier gala Bute-Andrade : 16 000 fans sont électrisés par l’entrée de Lucian Bute sur la célèbre chanson de U2, Where the Streets Have No Name, prêts à assister à tout un combat et puis… une chanson de Mika se fait entendre pour annoncer l’entrée de Librado Andrade; plusieurs regards interrogateurs dans la foule semblent éberlués par un tel choix! Comment battre le chaud et le froid en même temps à l’intérieur de quelques minutes… Que représente pour un boxeur le choix de sa chanson d’entrée? Est-elle la projection que le boxeur se fait de lui-même? Une description du parcours existentiel du pugiliste? Une déclaration de guerre lancée au clan adverse pour gagner une dernière fois le duel d’intimidation avant d’ouvrir réellement les hostilités? Ou tout simplement une occasion pour souligner fièrement ses origines? Bref, chacun a ses raisons de choisir une pièce de musique particulière, toujours est-il qu’on n’a pas deux chances de réussir son entrée… Dans la première catégorie, on peut clairement croire que le choix de la musique n’est pas anodin : on prépare le terrain, on défie l’adversaire, on lui renie le droit à la victoire avant même de s’être glissé sous les cordes. Prenons l’exemple de David Cadieux, qui entrait au son de I Won’t Back Down de la légende Tom Petty, annonçant l’inviolabilité de sa détermination. Ou encore, dans un registre plus agressif, de l’entrée de Sébastien Gauthier avec Getting Away with Murder de Papa Roach. Jean Pascal, lui, a choisi à un moment de sa carrière de marcher au son de Fuck the Other Side de Trick Daddy ft. Dunk Ryders, ne laissant aucun doute sur l’inimitié temporaire qui existe durant le déroulement d’un combat. Lorsque Michael Gadbois a débuté sa carrière contre James Carpio, il y est allé au son de Not Afraid d’Eminem, un message clair à son premier adversaire. Le Trifuvlien Mikael Zewski a préféré une chanson qui me plaît personnellement autant pour la musicalité que pour les paroles : Power de Kanye West, qui est un aveu de confiance en soi plus que nécessaire lorsque l’on va livrer une intense bataille. Et que dire de la chanson thème du film Superman, un des nombreux succès du prolifique John Williams, utilisée par Adonis «Superman» Stevenson? Espérons que ses adversaires n’amènent pas de kryptonite dans le ring. Même quelqu’un qui semble doux et affable dans la vraie vie comme Antonin Décarie n’hésite pas à utiliser la chanson de Belly, I’m the Man; il ne lui reste plus alors qu’à compléter la démonstration à l’intérieur de l’arène. Quand on pense à Stéphane «Brutus» Tessier, l’étiquette de valeureux combattant nous vient immédiatement en tête. Brutus, lui, accorde son choix à Panik avec L’entrée du guerrier, image qui lui sied comme un gant. Et si le choix de Wavin’Flag de Kanaan par David Lemieux lors du gala Uniprix de l’été passé était bien inspiré, on cherche encore à comprendre pourquoi il est entré sur Little Drummer Boy par la suite…(NDLR : lors de sa défaite contre Rubio, Lemieux est entré pour la première fois sur Written In The Stars de Tinie Tempah). Beaucoup de boxeurs vont, par leur choix musical, en dire plus sur eux que l’on pourrait croire. Un bon exemple vient du dernier combat d’Éric Lucas contre Librado Andrade : l’ancien champion de la WBC entrant au son de Dreamer d’Ozzy Osbourne, espérant faire un retour victorieux et surprendre les analystes et les amateurs qui ne lui donnaient que peu de chances. Le coloré Stéphane Ouellet a, durant la première moitié de sa carrière, fait son entrée sur la chanson de Kiss, I Love It Loud; intense à l’intérieur comme à l’extérieur du ring, l’essence même du personnage que l’on a appris à

Le classique des classiques : Arturo Gatti entrant sur Thunderstruck de

AC/DC. (photo boxrec.com )

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connaître au fil des ans. Dans un autre registre, le choix musical de Renan St-Juste renvoie à sa foi chrétienne avec Victory (The Best of Me) de Yolanda Adams et est donc plus personnelle. Tout comme le choix de Tony Luis, qui a particulièrement apprécié Carry on Wayward Son de Kansas, en lien avec la douloureuse perte de sa mère. Ou encore Nicholson Poulard qui, avec Don’t Want 2 Fuck de Juelz Santana, nous annonce que le meilleur est à venir… Le choix musical peut rendre hommage aux racines des boxeurs comme pour Adrian Diaconu et Jo Jo Dan, qui font appel à un groupe de rap roumain appelé Codu Penal et à leurs chansons. Adrian fait son apparition sur 12 Runde alors que Jo Jo, lui, arrive sur la musique de Frate pendru Frate, qui veut dire «de frère à frère». Le duo exotique des chanteurs Sting et Cheb Mami sont à l’origine de la chanson Desert Rose qui a été adoptée par l’un des favoris locaux et Maghrébin d’origine, Walid Smichet. D’autres, par leur choix, veulent rendre hommage. Que ce soit à une idole musicale avec Olivier Lontchi qui, contre Juan Manuel Lopez, est entré au son de Michael Jackson, question de souligner la mort et l’œuvre de l’artiste. Ou encore en référence à un autre boxeur que l’on a adulé, ce qui fut le cas de Jean Pascal contre Brian Norman, alors qu’il utilisait Conquest of Paradise de Vangelis, en référence à Stéphane Ouellet qui l’avait déjà utilisée. On se souviendra qu’à cette occasion, le Jonquièrois tenait une ceinture détenue par Pascal à sa suite, ce qui avait ajouté à l’émotion. Certaines chansons sont des classiques indissociables du monde de la boxe et ont été utilisées par nos boxeurs du Québec. Pensons à Lose Yourself, chanson emblématique du rappeur Eminem qu’Éric Lucas a longtemps adoptée pour ses combats; et l’ancien champion n’est certainement pas le seul sur le continent à en avoir fait sa sélection musicale. Le célèbre groupe AC/DC est aussi très populaire parmi les pugilistes, que ce soit avec le regretté Arturo «Thunder» Gatti qui entrait sous Thunderstruck. Les premières notes de guitare de cette pièce sonnent comme une décharge électrique et Arturo était le boxeur approprié pour l’utiliser. Il y a également Patrice L’Heureux qui avec son Hell’s Bells annonce l’enterrement prochain de son adversaire; comment ne pas être transporté par un tel morceau! Le poids lourd Jean-François Bergeron a eu deux classiques pour de se diriger vers le ring : Enter Sandman de Metallica, un titre approprié au sport, ainsi que Du Hast, du groupe allemand Rammstein. Et n’oublions surtout pas Sébastien Demers qui fait honneur à Ozzy Osbourne avec l’utilisation de Iron Man, un autre incontournable du rock des années 70. Il arrive également qu’un boxeur, par l’entremise d’amis à lui, recevra l’honneur d’avoir une chanson qui lui est dédiée. Un bon exemple serait Éric Martel-Bahoéli qui, par l’entremise de son ami et rappeur Webster, peut faire son entrée sur The Hammer Song. Ou encore Benoit Gaudet, originaire de la même ville que les inimitables Trois Accords et qui a reçu en cadeau de ceux-ci une chanson instrumentale qui n’a jamais vraiment eu de titre; cela ne l’empêche pas de l’utiliser à chacun de ses combats. Jean Pascal avec We Are (JP Strong), en est un autre qui a reçu une chanson en cadeau.

Je m’en voudrais de ne pas déroger à la ligne directrice de mon article pour faire mention d’un autre exemple frappant venant du sud de la frontière : lors du gala du 18 décembre dernier au Colisée de Québec, Bernard Hopkins, a entamé sa marche au son d’un classique de Frank Sinatra, My Way. Preuve étant faite qu’une chanson n’a pas à être du rap endiablé ou du rock abrasif pour toucher la cible. Cette chanson me semblait s’appliquer parfaitement au parcours exceptionnel de l’Américain qui n’a jamais rien laissé au hasard, autant dans ses négociations que dans ses préparations, faisant les choses à sa manière. Ainsi donc, on peut de manière irréfutable avancer qu’en boxe, la musique est un élément essentiel du spectacle offert à l’amateur. Et qu’un choix judicieux de musique de la part du combattant aura tôt fait de solidifier le souvenir d’une soirée de boxe mémorable pour des milliers d’amateurs. La seule chose que ne peuvent faire les notes de musique, c’est de gagner le combat en question…

Benoit Gaudet entre au son d’une composition originale sans nom des Trois Accords. (photo Stéphane Lalonde)

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Les aventures du rédacteur en chef, deuxième tome : Mon sparring avec Brutus

Par Pascal Roussel

Arrivée au gymnase des frères Tessier à St-Césaire. La montée d’escalier fait déjà peur. Quand tu arrives dans ce vieil entrepôt, on se croirait dans un gymnase de Philadelphie comme dans Rocky I. C’est inspirant, mais c’est un peu inquiétant à la fois. Mon épouse et Jean, un ami photographe, sont ébahis à la vue de ce gymnase old style comme dans les films. Ils sourient comme des enfants à La Ronde. Moi j’ai le sourire d’un jeune veau qui s’en va à l’abattoir. Clarifions tout de suite plusieurs points. J’ai fait le fanfaron dans la première partie du texte, mais je ne suis pas confiant du tout! Je sais bien que Stéphane Brutus Tessier pourrait me dévorer tout rond. Je n’ai jamais boxé, ne serait-ce qu’un seul round. Lui, il en a boxé 148 contre des durs à travers le monde. Ce sparring, c’est tout simplement un trip que je me paye pour mes 40 ans. Y’en a qui sautent en parachute, qui font du bungee. Moi je suis rédacteur en chef d’un magazine de boxe et mon trip, ça sera de manger des coups de poing sur la gueule pour voir ce que c’est. Comme si un gars qui couvre le hockey voulait recevoir des lancers frappés de Zdeno Chara ou si un gars qui couvre le baseball voulait frapper des lancers de Nolan Ryan. Je me doute bien que Brutus va mettre la pédale douce et je sais aussi que je n’ai pas trop le profil d’un boxeur. J’ai plutôt l’air d’un joueur de basketball qui s’est égaré. Donc, ayez un peu de clémence à mon endroit, sinon de la pitié…

Réchauffement et préparation : Brutus me montre comment m’envelopper les mains avec des bandages. Dans mon cours, j’avais jamais mis ça (je vous avais avisé, je pars de loin). Je vais ensuite me réchauffer, un peu d’étirements, de déplacements, de coups dans le sac. J’essaie un genre de ballon sur élastique, paraît que ça s’appelle un ballon-central. Je lance quelques coups là-dessus… on m’avait pas dit que ça revenait encore plus vite! Je l’ai reçu en pleine poire! Un peu gênant, mais je crois que personne ne m’a vu. Bof, après une dizaine de minutes à faire un peu de tout, je me dirige sur le ring pour en prendre possession… je ne crois pas que de continuer à m’entraîner va vraiment changer quelque chose au résultat qui s’en vient. On s’entend pour faire un combat de 4 rounds de deux minutes, comme en boxe olympique. On m’avait déjà prévenu d’un truc. Je me rappelle que

l’entraîneur de l’université de Sherbrooke qui m’a initié à la boxe m’avait dit ça, et Brutus me l’a rappelé. Tu peux bien faire des 3 minutes d’entraînement à frapper sur un sac et te déplacer sans t’épuiser, une fois sur le ring, ça ne sera pas pareil. Le stress, la peur de recevoir un coup et l’excitation des premiers combats vont faire que tu vas t’épuiser beaucoup plus vite qu’à l’habitude. Tes jambes vont te lâcher. Et c’est ce qui est arrivé. Ce qu’on avait oublié de me dire, c’est que les choses que tu as apprises et que tu ne faisais pas si mal à l’entraînement, tu vas aussi les oublier. Alors, plus de déplacements fluides sur le bout des pieds, plus de mouvement de tête en défensive, plus de combinaisons de coups qui semblaient efficaces… Premier round : Rien de spécial. Je m’ajuste, je ne vois pas grand-chose sans mes lunettes. Brutus me ménage. Merci. C’est surtout rendu dans mon coin au son de la cloche que je vois que je suis seul au monde contre Brutus. Mon épouse, qui devait jouer le rôle de femme de coin, n’est pas là. Elle préfère prendre des images vidéo. L’idée de m’enlever mon protège-dents l’écœure. « C’est plein de bave », dit-elle. Je le crache alors dans le seau, elle le rince avec la gourde d’eau du bout des doigts. Et grimace parce qu’elle trouve ça dégoûtant. Je reconnais le même visage que je lui sers parfois quand elle essaie (encore!) de me faire manger des légumes. Elle me donne ensuite la gourde d’eau comme ça, à moi d’essayer d’appuyer dessus avec mes gants. Peut-on congédier notre femme de coin si on a signé des papiers de mariage ensemble?

Le bandage des mains. (photo Jean Beaudoin)

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Deuxième round : Des coups s’échangent. Brutus s’amuse clairement avec moi. Il pourrait me casser en deux, mais il lance des coups en se retenant. Brutus n’a même pas mis de casque, et je comprends pourquoi. J’ai toute la misère du monde à l’atteindre. À un moment donné, il me laisse une ouverture flagrante. Son corps est là, prêt à recevoir le meilleur de mes coups. Je lance un crochet au corps en espérant lui faire un tantinet mal. Même pas! Il ne bronche pas d’un centimètre. Je me dis que si Povetkin ne lui as pas fait mal au corps, pourquoi aurais-je réussi? Il ne bronche donc pas, mais moi je ressens le coup dans mon poing qui vibre jusqu’à la racine de mes cheveux. Le round continue pas si mal, jusqu'au moment où, dans un échange, Brutus me lance un jab sournois (mais un TRÈS puissant jab…) venu de nulle part et vlan! Première chute pour le rédac. Je me relève, prend mon compte de 8 (ou de 20, je ne suis plus certain). Le round se termine. Je retourne dans mon coin et regrette de ne pas avoir choisi le saut en parachute… Troisième round : Je quitte mon coin, je commence déjà à manquer de souffle. Brutus commence à me lancer un peu plus de coups. Quelques crochets pas si puissants m’atteignent. Un vrai boxeur les aurait pris sans cligner des yeux, mais pour moi, ce sont des coups qui me secouent à chaque fois. Je commence à avoir mal à la tête. La fatigue me rattrape. Sans nécessairement recevoir un coup, mais plutôt à la suite du sage conseil de mes poumons, je décide de mettre un genou au sol. Pour prendre un temps de repos. Je me relève et retourne à cette séance de torture que j’ai moi-même demandée. Quelques secondes avant la fin du round, Brutus me passe un crochet du gauche au corps. Ça ne ressemblait en rien au coup célèbre de Bute, mais ça fait mal quand même. Je retourne au sol et entend le son de la cloche qui me sauve. Et j’entends un commentaire disant : « Il reste encore

un round !». Serait-on en train de se foutre de ma gueule? Probablement, mais je n’ai pas vraiment l’énergie pour contester. Quatrième round : Allez, dernier effort. Je me dirige au centre du ring. Juste de prendre une position légèrement accroupie me demande un grand effort. Dans les yeux de mon bourreau, je peux lire « Fais-toi s’en pas le grand, je vais te ménager… ». Pour la première minute, c’est la routine. Je lance des coups trop lents dans le vide que Brutus évite sans même suer. Quelques coups qui s’échangent, dont un crochet de gauche que je porte au corps de Brutus qui me félicite. Et soudainement, mon moment de gloire! J’atteins Brutus avec une (solide) combinaison droite-gauche en plein visage. Sur le coup, je crie au photographe : « J’espère que tu as celle-là sur le Kodak! ». J’ai bien aimé le bruit du cuir de mes gants qui portent deux coups francs. Et après ça, j’ai carrément plus de jus. Je me sauve maladroitement en attendant désespérément la fin du round. Je lance quelques coups dans le vide. J’accroche. Le round prend selon moi des heures à se terminer. Brutus crie : « 10 secondes !», me cerne dans un coin. Je passe une dernière gauche au visage de Brutus sans vraiment de puissance, qu’il prend avec trop de joie à mon goût et soudainement, bang! Il me lance un coup du côté de ma gauche que j’avais oublié de remonter et m’éteins les lumières. Je tombe sur le derrière dans le coin comme une poche de sable, exténué. J’annonce alors « Ça va se terminer comme ça! ». KO à la fin du quatrième round. Discussion d’après-combat : La tête veut m’exploser. J’ai mal au crâne. Paraît que c’est normal, me dit Brutus. Je n’ai juste pas l’habitude de prendre des coups. Ça se développe paraît-il. Honnêtement, je n’ai pas vraiment le goût de vérifier la théorie. Je suis déçu de ma performance. Je ne m’attendais pas à être compétitif. Mais j’aurais tout de même aimé mieux paraître. Brutus me dit que mon moment de gloire, ma combinaison gauche-droite de la fin, qu’il ne m’a pas laissé la placer. Qu’elle était légitime. Un mensonge pieu pour me remonter le moral ou pas?

Avec les mains plus hautes en défensive, ce coup aurait fait moins mal. (photo Jean Beaudoin)

« J’ai mal au crâne»

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Conclusion : Je ne vous servirai pas le classique et attendu : « J’ai maintenant plus de respect pour les boxeurs et blablabla… ». J’avais déjà énormément de respect pour les boxeurs. Je sais juste maintenant à quel point il faut être en forme physique pour faire ce sport. Et je confirme ce que je savais déjà depuis longtemps. Les boxeurs sont des gladiateurs. Et un ring de boxe, ce n’est pas pour moi. J’aurais dû continuer le basketball et le baseball, deux sports ou je n’étais pas aussi mauvais. Mais j’y pense, je comprends pourquoi j’ai perdu! Brutus est plus jeune que moi, donc plus en forme. Ça me prendrait un plus vieux. Genre Bernard Hopkins. Mais je vais lui demander de passer un test sanguin. Are you willing to take the test Bernard? Take the test! Et puis non. À bien y penser, j’accroche mes gants. Finalement, merci Brutus, mais je vais continuer de taper sur un clavier. Moins fatigant, moins dangereux. J’y suis meilleur.

Fin du combat, un rédacteur en chef exténué! (photo Jean Beaudoin)

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Flashback : Fathi Missaoui

Par Richard Cloutier

Dans le cadre de sa chronique Flashback, La Zone de Boxe s’intéresse cette fois au parcours de Fathi Missaoui. Boxeur originaire de la Tunisie, promis aux plus grands honneurs, il a amorcé sa carrière professionnelle au Québec en novembre 1998, sous les couleurs du groupe Interbox. Le parcours de ce pugiliste haut en couleurs s’est toutefois arrêté abruptement en 2001, alors qu’il était toujours invaincu et titulaire de la couronne NABO.

Qui est Fathi Missaoui? Fethi Al-Missaoui est né en Tunisie le 8 janvier 1974. Chez les amateurs, il a notamment représenté son pays aux Jeux olympiques de 1996 à Atlanta. Après trois victoires, il s’est incliné aux mains de l’Allemand Oktay Urkal, ce qui lui a valu la médaille de bronze. Sa venue à Montréal C’est le 6 novembre 1998, lors d’un gala présenté au Centre Pierre-Charbonneau, à Montréal, par une toute jeune firme de promotion, que Fathi Missaoui a débuté sa carrière professionnelle. Cet événement n’était alors effectivement que le septième gala présenté par le Groupe Interbox. Missaoui a remporté ce premier combat par K.-O.T. au 3e round. Il est remonté sur le ring 21 jours plus tard. Cette fois au Centre Molson, en sous-carte du premier choc Hilton contre Ouellet. Son rival n’a pas vu la fin du second round. « Fathi était spectaculaire. Il avait toute une claque, » raconte Bernard Barré, dans le cadre d’une entrevue inédite offerte pour le bénéfice du présent article. À cette époque, Barré était recruteur-chef du groupe Interbox. Il nous raconte par quel concours de circonstances Fathi Missaoui a fini par se retrouver à Montréal. «J’avais décrit ses combats aux Jeux olympiques de 1996 et il m’avait beaucoup impressionné. C’était un grand gars pour son poids. Il fait près de 6 pieds. Il avait de beaux directs, c’était un beau boxeur classique. Puis, il avait finalement remporté la médaille de bronze. Il avait été battu par

Okta y Urkal, l’Allemand, qui a ensuite perdu contre un Cubain. Urkal s’est par la suite battu en combat de championnat du monde chez les pros (NDLR : À 4 reprises et il s’agit de ses 4 uniques défaites en 42 combats).

Fathi s’était quand même bien débrouillé et il faut dire qu’on parle de la Tunisie, qui n’était pas une puissance olympique. J’étais donc resté sur une bonne impression de ce gars-là. Un jour, après qu’on eut parti la compagnie Interbox, fin 1997-début 1998, je reçois un appel d’un gars de Montréal, un Tunisien, qui me dit : ‘‘j’ai un Tunisien qui aimerait faire une carrière pro’’. Il me parlait alors de Fathi Missaoui. Je lui dis qu’on est intéressé, qu’on va le faire venir à Montréal pour l’évaluer. Au téléphone, je fais le gars pas trop intéressé, mais je savais qu’une fois qu’on aurait mis la main sur lui, on aurait quelque chose de solide. Pour mettre la situation en contexte, au cours de la même période, j’avais aussi reçu un appel d’un autre agent. Lui voulait nous présenter Hocine Soltani, un Algérien qui avait gagné la médaille d’or des Jeux de 1996 et qui avait battu Leonard Dorin en demi-finale. Mais Soltani ne m’intéressait pas. Je ne voyais pas comment il pourrait transférer sa boxe amateur en boxe professionnelle, alors que Fathi montrait déjà des éléments très évidents. Donc, j’aimais mieux prendre un médaillé de bronze dans lequel je voyais du potentiel et de l’avenir qu’un médaillé d’or, que j’aurais pu médiatiser mais qui finalement, de par son style de boxe, se serait fait huer pendant ses combats (…) Finalement, Soltani est allé boxer en France. Il a fait quatre combats et ils ont retrouvé son corps au bord d’un fleuve. À 29 ans. Il avait été assassiné. Quant à Fathi, on avait loué un appartement près du Centre Claude-Robillard, où on l’a installé. À l’époque, c’était difficile de communiquer avec lui. Il ne parlait qu’arabe, très peu français et pas du tout anglais. C’est un peu comme Lucian Bute quand il est arrivé ici et tout comme lui, aujourd’hui, il parle très bien le français. Ces gars-là, d’une certaine façon, se sont assimilés à notre culture. »

Fathi Missaoui, médaillé de bronze aux JO d’Atlanta et signé par Interbox.

(Photo Herby Whyne)

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La progression… et les danseuses du ventre En 1999, Fathi Missaoui dispute six combats. Déjà on parle de lui comme de la « future grande vedette de la boxe montréalaise ». Le 29 juin 1999 au Centre Molson, il envoi au tapis son rival, John Lockett, à quatre reprises. Quant à son duel du 13 octobre 1999, le journaliste Daniel Dumoulin rapporte sur RDS.ca que le Mexicain Gilberto Flores, «s'est fait complètement tatoué le corps et surtout le visage», ce qui lui a même «attiré la sympathie du public.»

Les fameuses danseuses du ventre, la signature de Fathi. (Photo Herby Whyne)

Missaoui gagne rapidement en popularité auprès des amateurs de boxe. Ses performances sur le ring sont indéniables, mais sa « marche vers le ring » attire aussi beaucoup l’attention. En effet, sous une musique à saveur tunisienne, Fathi Missaoui a prit l’habitude de se faire accompagner dans sa marche par deux danseuses du ventre, vêtues de costumes traditionnels, qui apportent une touche d’exotisme ne laissant personne indifférent. Bernard Barré raconte comment s’est installée cette fameuse tradition. « Monsieur Mühlegg (NDLR : le propriétaire-fondateur du Groupe Interbox) aimait bien les entrées des boxeurs. Il aimait le côté « spectacle » de la boxe et pour lui, ça prenait une grande importance. Avec Fathi, on avait trouvé deux danseuses, des jumelles identiques, qui en réalité étaient des Ontariennes. Si tu ne leur parlais pas, tu pouvais penser qu’elles étaient Tunisiennes car elles en avaient le look. Je n’étais pas chaud à l’idée de les voir accompagner Fathi dans sa marche vers le ring, car moi ce qui m’intéresse, c’est la boxe, mais monsieur Mühlegg aimait ce genre de spectacle et heureusement pour tout le monde. La première fois où elles ont fait le travail, il y avait eu quelques ratés dans le déroulement. ESPN était là et on avait stoppé les deux filles en bas du ring. Les gens du réseau étaient fâchés contre moi et ça avait fini un peu mal. Mais monsieur Mühlegg avait vraiment beaucoup aimé ça. Il m’avait dit : ‘‘Ça les prends à tous les combats de Fathi. Arrange ça comme tu voudras, tu leur fais signer un contrat’’. Finalement, au bout d’un certain temps, on s’est rendu compte qu’elles étaient rendues aussi populaires que Fathi. C’est tellement vrai que dans le cadre d’une réunion de production avec Super Écran, qui télédiffusait nos galas à l’époque, les gens de la production m’avaient mentionné qu’ils recevaient des appels afin de savoir non pas si Fathi serait sur la carte, mais bien les danseuses du ventre. Au bout du compte, ça faisait un beau mélange et la popularité de Fathi en a juste bénéficié. » La marche vers les classements… puis la blessure Le 7 mars 2000, Fathi Missaoui poursuit son apprentissage sur le ring du Centre Molson. Ce soir-là, il figure sur la carte de l’événement aux côtés de Stéphane Ouellet, Leonard Dorin, Joachim Alcine, Tony Pep et Angel Manfredy. Pour Missaoui, il s’agit d’un combat préparatoire. Le mois suivant, on prévoit le confronter au vétéran Edward Allan Hall, un boxeur américain qui s’est notamment déjà mesuré, à Montréal, à Stéphane Ouellet, Alain Bonnamie et Dave Hilton jr. Un prélude devant mener la sensation tunisienne à la porte d’un combat de championnat nord-américain.

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Le destin fera toutefois dévier la course de Missaoui. Fin mars, tandis qu’il prépare son combat à Buskhill, en Pennsylvanie, sous la supervision d’Hector Roca, il reçoit un coup qui provoque un déchirement de la rétine. Malgré tout, le Tunisien n’en souffre pas et ignore alors la gravité de sa blessure. Comme l’explique Jean-François Chabot de Radio-Canada, le 4 avril 2000, c’est la Dre Danielle Daoust qui a décelé la blessure, lundi, lors d'un examen de routine.

« Je suis chanceux parce que la plupart des boxeurs ne font pas beaucoup de tests. Ils boxent avec des blessures comme ça et peuvent ensuite les aggraver », explique d’ailleurs Missaoui dans le cadre d’une entrevue qu’il offre à Martin Dion de RDS.ca, deux jours plus tard. « Heureusement, avec Interbox, on fait des tests pratiquement à chaque mois pour les yeux, mais aussi d'autres tests plus généraux. J'ai donc eu la chance de découvrir que j'avais cette blessure. » Le boxeur tunisien subit dans les heures qui suivent une intervention chirurgicale à la rétine de l'œil droit. Le tout se déroule avec succès et il est alors question d’une période de repos de cinq semaines, ce qui laisse supposer un retour dans le ring pour le mois de juin. Entre-temps, la disparition du combat Missaoui contre Hall, qui devait être présenté en finale d’un gala prévu le 11 avril au Centre Molson, oblige le Groupe Interbox à annuler l’événement. C’est effectivement en juin, plus précisément le 16, que Fathi Missaoui effectue son retour à la compétition. Il défait son rival d’occasion, l’Albertain Ron Pasek, par K.-O.T. avant la fin du 3e engagement. Exactement deux mois plus tard, Missaoui retrouve

finalement l’occasion de se mesurer à l’Américain Edward Allan Hall. Lors de la pesée officielle, il fait part aux médias de ses grandes ambitions, rapportées ici par Martin Dion de RDS.ca. « Après Hall, Missaoui rêve de faire une razzia de la famille Hilton! Il va fort probablement affronter Alex Hilton le 8 septembre, et il a aussi demandé à Interbox de lui servir sur un plateau d’argent l’aîné de la famille Hilton. Le Tunisien aimerait battre Davey avant la fin de l’année 2000. » Le soir du 16 août 2000, Missaoui enregistre la victoire sur Eddie Hall par décision unanime des juges. Le titre nord-américain… puis la bisbille Alors qu’il espérait affronter Alex Hilton le 8 septembre 2000, ce n’est que le 3 novembre que Fathi Missaoui remonte sur le ring. Toutefois, il ne perd pas au change, comme le rapporte Yannick Bouchard, le 31 octobre, pour Radio-Canada : « Missaoui, une des têtes d'affiche les plus populaires du groupe Interbox, participera au premier combat de 12 rounds de sa carrière. Un beau défi à relever pour celui qui a remporté ses dix combats, dont sept par K.-O. » Son adversaire, Andrew Murray de la Guyane, est classé 7e aspirant à l’IBF. Missaoui l’emporte par décision unanime des juges. « Sa performance face à Murray lui assure une place parmi les 12 premiers aspirants de la WBO. Le nouveau champion de la NABO fait maintenant partie des ligues majeures », rapporte Martin Dion au lendemain du combat. Le journaliste du Réseau des sports illustre par la même occasion tout la place qu’occupe alors le boxeur tunisien chez Interbox. « Yvon Michel doit mieux dormir. Une défaite n’aurait peut-être pas été catastrophique pour la carrière de Missaoui, mais pour Interbox oui. Missaoui représente l’avenir d’Interbox. Lui et Leonard Dorin sont probablement les deux boxeurs les plus talentueux de l’organisation. » Est-ce cette réalité qui déclenche la suite des événements? Alors que le Groupe Interbox tente de renouveler le contrat de son protégé, celui-ci décide plutôt, en février 2001, de vider son casier au centre Claude-Robillard. Il ira même poursuivre son entraînement à Miami. « Missaoui prétend avoir été exploité par l'organisation montréalaise. Il exige qu'on le

En 2000, Fathi subit un déchirement de la rétine qui gâcha la suite des choses. (Photo Herby Whyne)

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rémunère à sa juste valeur. Sports 30 Mag a tenté de parler au clan Missaoui mais des papiers légaux les empêchent jusqu'à nouvel ordre de commenter cette affaire. "Via son agent, il exigeait une entente qu'on qualifie de ridicule, déclare pour sa part Yvon Michel, alors directeur général d’Interbox. Il demande plus de 500 000 $ en bonis pour un contrat de 4 ans et une clause disant qu'il peut partir de notre organisation à n'importe quel moment" ».

À cette époque, Fathi Missaoui fréquente la nièce de Claude Brochu. Ce dernier, qui avait été président des Expos, un club de baseball professionnel évoluant dans les ligues majeures, venait quelques mois plus tôt, de céder son équipe au New-Yorkais Jeffrey Loria. Sans qu’on en ait la confirmation exacte, la petite histoire veut que ce soit lui qui ait conseillé Missaoui dans ses négociations avec Interbox. Bernard Barré explique d’ailleurs la suite des événements : « Il est allé passer quelques mois aux États-Unis. On était en renégociation de contrat avec lui et il était allé s’entraîner là-bas. En fait, il avait servi de partenaire d’entraînement aux États-Unis, sans notre autorisation, pendant les

négociations. Je ne me rappelle pas contre qui, mais il était payé. Du fait qu’on était en négociation et que ça n’allait pas bien, il ne nous en avait pas parlé. Ça nous avait choqués un peu, parce que dans le fond, on l’avait amené en Amérique du Nord et on l’avait développé. Mais comme bien des boxeurs, ils imaginent toujours pouvoir aller gagner une couple de piastres de plus. Ce qui est plate avec Fathi Missaoui, c’est que pendant qu’il s’entraînait aux États-Unis, il s’est de nouveau blessé à un œil. Il est donc revenu avec cette blessure. Finalement, il avait un problème de rétine, ce qui a fait en sorte de mettre un terme à sa carrière. » De fait, après 11 mois d’absence, Fathi Missaoui enregistre le 12 octobre 2001 sa douzième victoire professionnelle en l’emportant sur le Portoricain Johnny Rivera. Le duel se déroule au Hershey Centre, à Mississauga en Ontario, dans le cadre d’un événement présenté par Steele Promotions. Le même jour, le Groupe Interbox évoque la possibilité d’inscrire le nom de Missaoui sur la carte prévue le mois suivant au Centre Bell. Le 30 novembre 2001, Éric Lucas doit effectuer la première défense de son titre mondial WBC face au Sud-Africain Dingaan Thobela. On prévoit qu’il se battra en demi-finale, où il affronterait probablement Tony Badea, alors champion canadien. Toutefois, la carrière professionnelle de Fathi Missaoui n’ira pas plus loin. Et aujourd’hui? Au cours des années qui ont suivi, on a pu revoir Missaoui dans l’entourage d’Interbox, notamment à quelques reprises à titre d’homme de coin dans certains galas.

« Il s’est marié en Tunisie l’année passée, » explique toutefois l’entraîneur Stéphan Larouche, à qui l’on doit les renseignements les plus récents. Il les a livrés en marge d’une entrevue inédite.

« Il a notamment été entraîneur ici, au Centre Claude-Robillard, mais il a finalement décidé de retourner chez lui. Je pense qu’il était fatigué de survivre ici, parce qu’il n’avait pas vraiment de formation. Il était agent de sécurité et donnait des cours de boxe. Là-bas, il s’est marié avec l’une de ses premières blondes. » On souhaite évidemment à Fathi Missaoui le plus grand des bonheurs.

Missaoui devant Andrew Murray de la Guyane. (Photo Herby Whyne)

« il avait un problème de rétine, ce qui a fait en

sorte de mettre un terme à sa carrière.»

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