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- LA TITRISATION
1. - Introduction
La crise qui a démarré en 2007 a mis en lumière les produits de titrisation dont les
valorisations se sont effondrées mettant en difficulté les institutions détenant ce type d’actifs.
Depuis les années 80, le phénomène de désintermédiation s’est notamment traduit par le fait
que le système bancaire n’a plus été le seul à supporter les risques consécutifs à l’octroi de
crédit aux agents économiques. La titrisation a permis, par exemple, de transférer ce risque
aux investisseurs non bancaires en sortant du bilan des banques des encours de crédits et plus
généralement d’actifs de nature diverse. Ainsi, la titrisation vise à :
- accroître les opportunités de financement et l’effet de levier financier (rapport entre les
actifs et les apports des actionnaires) en rendant liquides certains actifs détenus par les
banques ;
- alléger l’exigence de fonds propres résultant de l’application des règles fixées par le
régulateur ;
- optimiser la gestion du risque. Il devient en effet aisé de piloter le profil de risques de
l’établissement en cédant ou d’acquérant des risques selon la stratégie souhaitée par
l’établissement et de parvenir à la diversification souhaitée.
En France, la titrisation a été introduite par la loi du 23 décembre 1988 relative aux
cessions de créances. Le véhicule ad-hoc, appelé Fonds commun de créances (FCC), reçoit
des créances et son financement est assuré par l’émission de titres souscrits par des
investisseurs. Initialement, les actifs susceptibles d’être transférés étaient limités aux crédits
sains d’une durée supérieure à deux ans. Par la suite, les évolutions réglementaires ont
contribué à élargir les champs de la titrisation : pas de durée minimale pour les créances,
possibilité de renouveler les opérations sans créer une nouvelle entité (FCC rechargeable),
acquisition de tout type de créance, titrisation par tout type d’entité économique (États,
entreprises).
Alors que l’allègement de la charge en fonds propres et la maximisation du retour sur
investissement ont été les objectifs initiaux, la titrisation a également rendu possible une
spécialisation des tâches en séparant les opérations relatives à la conception et la distribution
du crédit de celles ayant trait au financement et à la gestion du crédit. La titrisation permet
également d’abaisser le coût global des financements pour les agents non financiers.
Dans cette optique, les banques n’exercent plus forcément l’ensemble des opérations
associées à l’octroi de crédit (octroi, mise en place, recouvrement) et l’aspect primordial peut
consister à constituer des portefeuilles de créances ayant vocation ensuite à être cédés
(passage d’un modèle originate to hold (OTH) à un modèle originate to distribute (OTD)).
L’analyse du risque change alors de nature puisque la banque n’a pas à se soucier réellement
de la solvabilité de l’emprunteur dont les difficultés éventuelles de remboursement seront
assumées ultérieurement par un tiers. A cet égard, la crise des subprimes est la première
grande crise de la titrisation et a mis en lumière l’ampleur de la dissémination opérée dans
l’ensemble du système financier. Pour l’ensemble du système financier, la diminution de
l’exigence en fonds propres accroît l’effet de levier et le transfert des risques sur le secteur
non financier.
2. Les modes de gestion
Initialement conçu comme un instrument de transfert de risques pour des motifs divers
(liquidité, besoin de fonds propres, gestion des risques), les produits de titrisation sont
devenus des actifs extrêmement recherchés par les opérateurs de trading des banques et des
gestionnaires de fonds. Les banques ont également pris des engagements importants en tant
que sponsor de conduits de titrisation destinés à porter des actifs cédés par des tiers
(entreprises industrielles et commerciales notamment).
2.1. - Les titrisations pour compte propre
L’objectif est de déconsolider les risques inscrit au bilan, soit classiquement sous la
forme de cession de créances à un véhicule ad-hoc, soit synthétiquement en recourant à des
instruments de crédit, prenant la forme de titres ou de dérivés de crédit. Dans les titrisations
classiques, l’établissement cédant ne détient plus aucun droit sur les actifs détenus par le
véhicule de titrisation, de même qu’il ne doit pas disposer de pouvoirs de contrôle et de
décision sur ce véhicule. De la même façon, les détenteurs des titres émis par le véhicule sont
protégés contre toute faillite de l’établissement cédant. Le véhicule de titrisation émet des
parts représentatives présentant différentes tranches de risques. Pour leur part, les titrisations
synthétiques conduisent à maintenir au bilan de l’établissement originateur les portefeuilles
d’actifs. Le transfert de risque s’opère par l’intermédiaire de protections contractées avec des
tiers.
2.2. - Les titrisations pour compte de tiers
Les établissements de crédit peuvent, dans le cadre de leur activité, mettre en œuvre
des programmes de titrisation pour le compte de clients, qu’ils soient établissements de crédit
ou sociétés commerciales.
Les établissements peuvent ainsi intervenir en tant qu’arrangeurs de montages de
titrisations classiques portant sur des crédits automobiles ou à la consommation, ainsi que des
prêts immobiliers. La fonction d’arrangeur consiste à assurer l’ensemble du montage c'est-à-
dire créer un véhicule de titrisation pour le cédant (établissement financier ou entreprise
commerciale), structurer le passif du véhicule sous forme de parts de rang différencié, et
placer ces dernières auprès d’investisseurs. En principe, l’arrangeur ne supporte pas de risque
de crédit, sauf pendant la période de détention des parts avant leur placement sur le marché,
ou lorsqu’il participe au mécanisme de rehaussement de crédit du véhicule de titrisation.
Les établissements financiers peuvent aussi intervenir en tant que sponsor de conduits
de titrisation. Ces véhicules créés par les sponsors émettent des billets de trésorerie à très
court terme (ABCP- Asset Back Commercial Paper-) et acquièrent des actifs comme, par
exemple, des créances commerciales ou des parts seniors d’autres véhicules de titrisation. Le
processus de titrisation fait généralement l’objet d’une industrialisation via l’acquisition
d’actifs variés auprès de cédants multiples, souvent sociétés commerciales, ayant des volumes
relativement faibles d’actifs à titriser (quelques centaines de MEUR) sachant que les
premières pertes restent généralement à leur charge.
Des décalages de maturité surviennent fréquemment au niveau du conduit puisque la
titrisation a pour fonction d’effectuer une transformation des échéances, des actifs à échéance
lointaine étant financés par l’émission de titres à court terme. C’est pourquoi, pour prévenir
l’assèchement du marché des ABCP, l’établissement sponsor apporte des lignes de liquidité
afin de garantir le refinancement à tout moment du conduit. Par ailleurs, les établissements
sponsors peuvent apporter des garanties au conduit, afin que sa dette (ABCP) bénéficie de la
meilleure notation. Afin d’éviter la consolidation des conduits, les établissements peuvent
enfin recourir à des assureurs monoline ou à d’autres établissements financiers afin de
partager les premières pertes éventuelles.
2.3. - La détention de portefeuilles d’actifs titrisés
Les banques peuvent être également exposées à des opérations de titrisation, par
détention directe de parts ou d’autres instruments, visant des objectifs de trading ou
d’investissement. Dans le premier cas, les positions de titrisation n’ont pas vocation à être
conservées durablement ; elles sont parfois détenues dans le cadre d’activités de market
making, consistant à assurer à la clientèle de l’établissement un marché secondaire. Elles
peuvent être également acquises dans l’optique de revente à court terme, après avoir bénéficié
d’une évolution favorable du prix des parts détenues. Les établissements peuvent également
acquérir des parts de titrisation, classiques ou synthétiques, dans un objectif de détention à
plus long terme, afin de bénéficier du rendement des actifs.
3. – La titrisation recourt à des techniques d’ingénierie financière1.
La titrisation est une opération financière qui consiste à transformer des actifs
bancaires (prêts immobiliers, prêts à la consommation, créances sur les entreprises) en titres ;
le but est de rendre liquide des actifs précédemment illiquides. En général, la banque à
l’origine des prêts les cède à un véhicule spécifique (special purpose vehicule) qui finance
cette acquisition en émettant des titres sur les marchés. Les investisseurs qui achètent ces
titres perçoivent en contrepartie les revenus (intérêts et remboursement du principal) issus des
prêts. Les revenus tirés du portefeuille d’actifs de référence permettent de rémunérer les
émissions ; le remboursement final des émissions dépendra de la capacité des débiteurs finaux
à honorer leurs engagements.
Tous les actifs financiers deviennent titrisables dès lors que sont créés des pools de
risques auxquels les investisseurs souhaitent souscrire. La titrisation passe par les étapes
suivantes :
• Le pooling : l’assemblage par une institution financière d’un portefeuille composé de
créances bancaires et/ou d’instruments financiers négociables (obligations, autres titres de
créances…) et/ou de dérivés de crédit.
1 Source : Banque de France, Documents et débats, La crise financière (Février 2009).
• L’offloading : le transfert à un véhicule permet à la banque initiatrice de transférer le
risque de crédit ; la structure ad hoc (un special purpose vehicle – SPV) émet des titres ; ainsi,
la transformation des prêts bancaires non liquides en titres cessibles via un SPV qui finance
l’acquisition en émettant des titres permet de transférer le risque de crédit.
• Le tranching : le découpage en tranches de l’émission de titres, selon une hiérarchie
précise quant aux droits des différentes tranches émises sur les revenus tirés des actifs ou des
dérivés de crédit sous-jacents. En effet, les pools de crédits sont notés par les agences de
notation et les titres émis en contrepartie sont classés en tranches hiérarchisées selon un
principe de subordination. Ces tranches — equity, mezzanine, senior — bénéficient ainsi d’un
rang de priorité croissant sur les revenus des actifs et présentent symétriquement des niveaux
de risque (et donc de rendement) décroissants. Ces derniers sont définis par le « point
d’attachement » et l’épaisseur de la tranche : une tranche de point d’attachement 0 % et
d’épaisseur 3 points (la tranche [0 %, 3 %]) subira les premières pertes du portefeuille sous-
jacent, son risque étant limité à 3 % du nominal de ce dernier. Plus précisément, le nominal
des titres émis sera réduit à proportion des pertes subies sur les sous-jacents, dans la limite de
3 % (si 1 % des actifs sont perdus, le nominal de cette tranche sera diminué d’un tiers). Si les
pertes dépassent le plafond de la tranche, les tranches de points d’attachement supérieurs
seront affectées.
La tranche de point d’attachement nul est qualifiée de tranche equity : elle contient les
titres les plus rémunérés. Les tranches de point d’attachement et de rémunération
intermédiaires sont qualifiées de « mezzanine » : leur marge décroît parallèlement à une
augmentation de leur séniorité. Enfin, les tranches les moins risquées sont qualifiées de
tranches « senior », voire « super senior ». Le marché avait en 2005 un fort appétit pour les
tranches mezzanine qui présentent un niveau de risque modéré pour une bonne rémunération.
Les tranches equity ou super senior peuvent être plus difficiles à placer. Par exemple, à partir
d’un ensemble homogène de même niveau de risque payé, par exemple, à Libor + 300 points
de base (bp), on peut créer une part super senior à Libor + 40 et des parts plus risquées à
Libor + 500. Selon l’aversion pour le risque souhaitée, on comprend le succès de ce type de
produit.
Ce n’est qu’à partir du milieu des années quatre-vingt-dix que ces opérations ont
vraiment pris de l’ampleur. La titrisation a été utilisée, en premier lieu, aux États-Unis par des
institutions gouvernementales (Fannie Mae, Freddie Mac, et Ginnie Mae). Le sous-jacent
cédé était principalement constitué des portefeuilles de prêts hypothécaires (Mortgage Back
Securities)2 mais, par la suite, tous les types d’actifs (crédits automobiles, prêts étudiant,
encours de cartes bancaires) ont pu servir de support à l’émission de titres rassemblés sous le
terme générique d’Asset Back Securities (ABS).
4. - Titrisation et nouveaux instruments
La titrisation s’est appliquée à une gamme toujours plus élargie d’actifs, pourvu que
ceux-ci puissent générer une séquence de revenus suffisamment prévisibles pendant une
période donnée. L’élargissement du spectre d’actifs sous-jacents a été lié pour un bonne part à
des facteurs d’offre.
Le resserrement rapide et prononcé des spreads de crédit à partir de la fin 2002 a
progressivement réduit le gisement d’actifs offrant suffisamment de rendement pour être
2 Ce sont des titres représentatifs d’un portefeuille de prêts hypothécaires liés au financement de biens immobiliers.
Lorsqu’il s’agit de biens immobiliers résidentiels, on parle de RMBS (Residential Mortgage-Backed Securities). Lorsqu’il
s’agit de biens immobiliers d’entreprise (bureaux, centres commerciaux…), on parle de CMBS (Commercial Mortgage-
Backed Securities).
titrisés de manière rentable, contraignant les arrangeurs à recourir à des sous-jacents plus
spécifiques offrant un surcroît de rendement du fait de leur complexité, de leur moindre
liquidité ou de leur faible qualité. C’est ainsi que des actifs de plus en plus risqués ont été
inclus dans les montages de titrisation, alors que ce marché était traditionnellement réputé
pour sa sécurité car il s’appuyait sur du collatéral de première qualité (notamment prêts
immobiliers de bonne qualité tout au long des années quatre-vingt-dix). Certains facteurs de
demande ont aussi joué un rôle, certaines institutions, notamment des compagnies
d’assurances, fonds de pension, petites banques mais aussi des entreprises et même quelques
États, cherchant à dynamiser leurs rendements et à diversifier leurs portefeuilles
d’investissement, à l’image des grandes banques.
Les produits de deuxième génération sont alors apparus. À la différence de la
titrisation classique, qui porte sur un portefeuille de créances bancaires (de préférence
homogènes), le processus concerne désormais l’ensemble des instruments financiers
négociables (obligations ou autres titres de créances) et les dérivés de crédit. On distingue
ainsi :
- les CDO (Collateralised Debt Obligations) dont le rendement résulte de la
combinaison d’actifs divers (Asset Backed Securities -ABS-, crédits, titres, dérivés)
- les CLO (Collateralised Loan Obligations) où le sous-jacent est constitué de prêts
bancaires ;
- les CBO (Collateralised Bond Obligations) où le sous-jacent est composé
d’obligations ;
- les CSO (Collateralised Synthetic Obligations) où les sous-jacents sont des dérivés de
crédit ;
- les CDO square (CDO de CDO) ;
- les dérivés de crédit (Credit default swap – CDS-, First to default –FTD-, Credit
linked note –CLN-).
5. – Présentation des Collaterised Debt Obligations (CDO)
5.1. – définition et caractéristiques
Les collateralised debt obligations (CDO) correspondent à la titrisation d’actifs moins
standards car plus hétérogènes que les actifs traditionnellement titrisés (prêts hypothécaires ou
cartes de crédit). Des CDO ont été conçus à partir d’actifs tels les prêts octroyés dans le cadre
de LBO -leveraged buy-out- ou sur des actifs eux-mêmes déjà issus d’une première titrisation
et qui ont été retitrisés.
Le CDO peut servir soit objectif de refinancement soit de transfert de risque ou
éventuellement les deux simultanément.
Si les émissions de CDO représentaient vers 2005 l’équivalent du sixième des
émissions du marché obligataire corporate, l’influence de ces produits était encore plus
significative du fait de l’ampleur des transferts de risque de crédit qu’ils permettent. L’essor
des CDO a facilité l’accès des investisseurs non bancaires aux marchés de crédit et leur a
permis de s’abstraire des contraintes posées par la taille et la diversification limitées du
marché obligataire privé, notamment en Europe où l’intermédiation bancaire reste dominante.
En tant qu’instruments de transfert du risque de crédit, les CDO facilitent la redistribution de
ce risque au sein ou en dehors de la sphère bancaire et financière. Le CDO est souvent conçu
sur mesure, pour s’adapter aux besoins précis de l’investisseur et à son profil de risque et
présente souvent un fort effet de levier.
5.2. - Les différentes catégories de CDO
On peut différencier les CDO à travers plusieurs dimensions :
• l’objectif de la transaction selon que le but est de sortir des actifs d’un bilan pour
libérer des fonds propres et/ou gérer le portefeuille de risques du cédant (CDO de
bilan), ou de bénéficier de l’écart entre la rentabilité du portefeuille et la rémunération
offerte aux souscripteurs des tranches (CDO d’arbitrage) ;
• le mode de transfert du risque de crédit, qui peut passer par une cession, impliquant
un transfert d’actifs, ou « revêtir une forme synthétique, lorsque le véhicule contracte
des dérivés de crédit sur les signatures ou les titres du portefeuille de référence.
Depuis quelques années, le marché a vu apparaître des « CDO synthétiques ». Le
cédant ne transfère plus les actifs à une entité externe mais uniquement le risque de crédit du
portefeuille sous-jacent, sous la forme de Credit default swap (CDS) standard. Le CDO
synthétique permet d’abord de transférer le risque et de bénéficier de l’écart de rentabilité
dans l’opération (CDO de bilan et CDO d’arbitrage), sans cession des actifs. Il préserve ainsi
la relation entre la banque et son client, puisque la notification de la cession des flux des actifs
n’a pas lieu. Dans certains cas, le CDO peut malgré tout être financé et le cédant recevoir le
flux de trésorerie correspondant aux actifs par le biais d’un mécanisme de mise en pension
(REPO) auprès du SPV qui détient les actifs sans en avoir la propriété tout en en assumant les
risques par le biais du CDS.
D’autres problématiques apparaissent concernant la gestion des CDO et on peut citer
les suivantes.
Si le portefeuille de référence est modifiable au gré d’un gérant, le CDO est de type
géré. La gestion consiste alors en des substitutions (par exemple, achat de protection en
couverture sur un nom pour lequel de la protection avait été vendu et vente de protection sur
un nouveau nom) mais peut aller aussi jusqu’à la possibilité de prendre des positions (achat
« sec » de protection sur un sous-jacent, le gérant estimant que celle-ci pourra plus tard être
revendue plus cher).
Par ailleurs, il arrive que des tranches de CDO soient elles-mêmes intégrées aux
portefeuilles de référence : le CDO qui en résulte est alors qualifié de CDO de CDO (CDO
carré, ou CDO « square », ou CDO2). Dans ce cas, les CDO du portefeuille de référence sont
appelés inner CDOs, tandis que les tranches du CDO2, émises sur le marché, sont
constitutives du « master CDO ». Il existe enfin des CDO3, similaires dans leur principe de
construction.
L’un des principaux problèmes qu’une banque doit traiter lorsqu’elle veut monter un
CDO classique (l’on dit aussi « financé ») est la difficulté à trouver des investisseurs disposés
à acheter toutes les tranches de la structure (car sinon, il devra les garder dans son propre
portefeuille). Trouver ces investisseurs est d’autant plus délicat que ces derniers peuvent avoir
une attente précise quant au type de risque qu’ils sont disposés à prendre (en bref, des produits
et des contreparties sur lesquels ils sont prêts à prendre un risque de crédit), attente qui varie
bien évidemment d’un client à l’autre et au cours du temps.
La solution trouvée a été de développer des CDO synthétiques à tranche unique («
single tranche »). Elle consiste à limiter l’émission à la seule partie du risque de crédit du
portefeuille sous-jacent que les clients sont a priori disposés à acheter (par exemple, la
tranche [3 %, 6 %]). Ces produits « sur-mesure » peuvent en outre être élaborés pour répondre
au plus près aux demandes du client. Ce segment de marché a connu un fort développement
lorsque des modèles de valorisation ont commencé à se répandre. Ceux-ci ont permis
d’estimer la valeur de ces produits et rendu possible la gestion dynamique dite en delta3 des
positions (cf. infra).
L’International Standard Derivatives Association (ISDA) a proposé un ensemble de
modèles de confirmation pour les produits structurés (CDO sur-mesure d’ABS (CDABS),
CDO « single tranche » non financés). Jusqu’à la mise en œuvre de ces modèles, les
transactions structurées utilisant ces types d’instruments étaient faites à l’unité et nécessitaient
des négociations bilatérales poussées entre les juristes des deux contreparties.
5.3. - Exemples de CDO sur mesure
L’exemple présenté (la transaction JOCONDE) est extrait de rapports de missions réalisées
par la Commission bancaire en France.
3 La position n’est pas figée mais est ajustée en fonction de l’évolution des prix de sous-jacents appropries.
6. - Les dérivés de crédit
Même s’ils ne sont uniquement liés à la titrisation, les dérivés de crédit doivent
également être évoqués dans la mesure où ils sont utilisés très fréquemment dans les
montages de titrisation, notamment sous la forme synthétique dans laquelle les actifs restent
chez le cédant, le risque étant assumé par une tierce partie. Par ailleurs, les dérivés de crédit
comme les produits de titrisation peuvent être utilisés à des fins de couverture, d’allégement
d’exigence de fonds propres ou de spéculation.
Le risque de contrepartie était traditionnellement mal couvert sur les marchés
financiers et un dérivé de crédit permet de transférer tout ou partie du risque relatif à une
entité ou à un actif sous –jacent. Les premiers contrats de ce type sont apparus vers 1993/1994
et l’arrivée de nouveaux acteurs, notamment les Hedge Funds, a été un important facteur de
développement de ces marchés dont la liquidité s’est améliorée rapidement. Il existe de
nombreux type de dérivés de crédit et les principaux sont les suivants :
Les Credit Default Swap (CDS) sont les plus utilisés ; ils représentaient 4% des
émissions obligataires d’entreprises en 2001 et 70% en 2006 et leurs encours notionnels
ont été multipliés par 10 entre 2004 et 2008 passant de 6 000 à 60 000 milliards de dollars.
Dans un CDS, un acheteur de protection paie une prime à une contrepartie qui s’engage à
dédommager l’acheteur en cas de survenance d’un événement sur un actif de référence.
Les Credit spread Option (CSO) sont des options sur une signature. L’acheteur
verse une prime au vendeur qui s’engage à acquérir (option d’achat) ou vendre (option de
vente) un actif donne lorsqu’un certain niveau de prime de risque (spread) est atteint.
Le First-to-Default-Swap (FTD), appelé aussi swap de défaillance, est un contrat
dans lequel un vendeur de protection s’engage pour compenser la première perte sur un
actif d’un panier de référence.
Le Total Return Swap est un contrat prévoyant l’échange du rendement d’un actif
(positif ou négatif) contre le versement d’une prime. Le TRS en plus du risque de crédit
élimine aussi le risque de marché (contrairement au CDS).
Les Credit Linked Notes sont des titres indexés sur des créances et sont
comparables aux instruments de titrisation. L’acheteur de protection reçoit dans ce cas le
produit de l’émission du titre et le dérivé de crédit est considéré comme financé.
Plusieurs problématiques sont associées à l’utilisation des CDS :
- ils ont permis de transférer le risque par le paiement de primes payées à des tiers
assureurs pour se protéger de la faillite d’une contrepartie. Les CDS se caractérisent
par l’absence de financement ; le vendeur de la protection n’a pas pour obligation de
constituer un dépôt de garantie et, au contraire, touche une prime d’assurance. Le CDS
permet donc à une banque de prêter à un débiteur en qui elle n’a pas confiance et
auquel elle ne prêterait normalement pas, moyennant le versement d’une prime ;
- à l’instar de la titrisation, les CDS ont permis de prêter davantage en transférant le
risque à d’autres acteurs. Par ailleurs, dans la mesure où il constitue une garantie
contre le défaut de l’émetteur d’une l’obligation ou d’un emprunteur, la détention d’un
CDS diminue les exigences en fonds propres ;
- comme pour tous les marchés de gré à gré, le risque de contrepartie est élevé car il
n’existe pas de chambres de compensation assurant la garantie des engagements via un
système d’appels de marge et de collatéraux ;
- bien qu’il soit théoriquement un produit d’assurance, le CDS est souvent utilisé dans
une stratégie de paris « directionnels » à but spéculatif. Les établissements financiers
ont recouru massivement à de tels paris portant sur leur bonne santé respective et les
CDS ont démultiplié artificiellement le risque réel qui préexistait à leur création
aboutissant ainsi à l’exact contraire d’une assurance ;
- le risque est alors que les acheteurs ne maîtrisent pas le risque inhérent aux CDS et
que leur marché deviennent plus important que celui du sous-jacent. Ainsi, dans le cas
du marché obligataire, une chute de la demande de CDS peut entraîner une hausse des
taux d’intérêt sans dégradation de la situation financière des entreprises.
En 2008, quand le crédit s’est tari, les établissements financiers se sont retrouvés
prisonniers dans la toile d’interdépendance que les Credit Default Swap avaient créée entre
eux. Cette interdépendance a contribué à fragiliser la partie du système financier qui avait été
épargnée par la crise des subprimes puisque la chute de l’un d’entre eux risquait de se
répercuter alors à l’ensemble créant un risque systémique de type « dominos ».
7. – Questions liées à la titrisation
7.1. – Le refinancement des véhicules de hors bilan4
La titrisation a connu un développement considérable avec un encours doublant tous
les cinq ans jusqu'à atteindre 11 000 milliards de dollars aux États-Unis en 2007, à rapporter à
l’encours d’obligations émises par les entreprises (5800 milliards de dollars) ou le Trésor
(4500 milliards de dollars).
Dans ce total, les titres adossés à des hypothèques constituent la part la plus
importante. Les émissions annuelles en Europe et aux États-Unis sont passées de 500 à 2600
milliards de dollars entre 2000 et 20075 incluant les ABS, les MBS et les CDO. De surcroit,
4 Source : Banque de France, Documents et débats numéro 2, La crise financière (Février 2009).
5 Source : FMI, GFSR, avril 2008.
ce sont les Credit Default Swaps, fréquemment utilisés dans les montages de titrisation, qui
ont connu la croissance la plus vertigineuse ; les encours notionnels ont été multipliés par 10
en quatre ans passant de 6 000 milliards de dollars en 2004 à 60 000 milliards de dollars en
2008 alors qu’ils ont été inventés seulement en 1997, par une équipe de JP Morgan.
On a vu que la titrisation repose souvent sur la création de véhicules de hors bilan
(conduits d’ABCP (asset-backed commercial paper) et SIV (structured investment vehicles))
dont les actifs sont à long terme alors que le refinancement sur les marchés est à court terme.
Ces structurent émettent des titres à court terme (de 1 jour à quelques mois) qui financent
directement soit des créances d’entreprises (pour les conduits commerciaux traditionnels) soit
l’achat de CDO et autres produits structurés (ABS, MBS – mortgage-backed security, CLO –
collaterized loan obligations, …). Le fonctionnement de ces véhicules repose sur l’hypothèse
de la tacite reconduction de son placement par l’investisseur.
Or, il est apparu une inadéquation significative entre le profil des actifs détenus par ces
véhicules, parfois illiquides, à long terme et complexes et le profil de risque des investisseurs
dans les conduits, souvent des fonds ou OPCVM monétaires qui doivent assurer une liquidité
quotidienne à leurs investisseurs et minimiser le risque.
C’est cette inadéquation, créée par une situation de recherche de rendement, qui
explique le retournement brutal de l’été 2007 et l’impossibilité de refinancer les ABCP et les
SIV. En effet, dans le cas où les investisseurs ne reconduisent pas leur investissement dans le
conduit, deux cas se présentent :
- le conduit dispose d’une ligne de liquidité auprès d’une banque qu’il peut tirer en cas
de besoin (cas majoritaire pour les ABCP) ;
- il doit liquider une partie de ses actifs pour rembourser les investisseurs (cas des SIV).
Dans certains cas, la re-titrisation sous forme de CDO et l’utilisation de véhicules
hors-bilan étaient utilisées simultanément, puisque certains SIV et ABCP avaient une partie
significative de leur actif investie dans des CDO d’ABS. Cet empilement de strates de
titrisation trouvait d’ailleurs sa raison d’être, au-delà des considérations de rendement, dans
des problèmes de liquidité. Les tranches d’ABS ou de CDO étant intrinsèquement très peu
liquides et sans marché secondaire actif, il était devenu plus simple de les “repackager” (dans
des CDO d’ABS, des CDO de CDO) et de les loger dans un SIV pour les céder que de tenter
de trouver un prix auprès des intermédiaires de marché.
Le retrait des investisseurs du financement des conduits ABCP américains à partir
d’août 2007 s’est traduit par une réduction de l’encours de plus de 30 % (soit 397 milliards de
dollars, ce qui représente l’équivalent de 15 % du PIB français). Dans le cas des SIV, les
banques ont dû reprendre les encours à leur bilan car il était, pour elles, préférable de ré-
intermédier les SIV qu’elles avaient sponsorisés plutôt que de subir des ventes forcées
massives et un risque de réputation significatif.
Face à ce qui peut se comparer à une ruée sur les dépôts, les banques centrales se sont
ainsi trouvées confrontées à un problème inédit. Les « véhicules d’investissement » qui
reçoivent des dépôts des entreprises, mais ne font pas partie du système bancaire, et ne
peuvent emprunter directement auprès des banques centrales. Pour leur permettre de se
refinancer, les banques centrales ne peuvent alors que baisser les taux d’intérêt en prenant le
risque d’entretenir des phénomènes de bulles de crédit.
7.2. - Le rôle joué par les sociétés d’assurances spécialisées (Monolines)
Les compagnies d’assurance dites monolines ont joué un rôle particulièrement
important dans la crise de la titrisation dans la mesure où leur défaillance a obligé les banques
à constater des pertes sur les actifs que les monolines garantissaient. Ces garanties portaient
sur 2 400 milliards de dollars titres mis en circulation par toutes sortes d’emprunteurs. En
particulier, les monolines ont assuré pour 100 milliards de CDO adossés à des crédits
subprimes et 1000 milliards de titres adossés à des biens immobiliers et des crédits à la
consommation.
Les monolines effectuent de l’assurance-crédit et couvrent deux types de titres :
• Les obligations émises par des collectivités locales ou municipal bonds (environ
1 300 milliards de dollars de titres assurés fin 2007) : l’assureur garantit
typiquement la continuité des paiements (principal et intérêts) en cas de défaut de
l’émetteur. La garantie de la monoline (contre paiement d’une prime) permet de
toucher une base d’investisseurs bien plus large, incluant par exemple les fonds de
pension ou autres fonds qui ne peuvent investir que dans des titres notés AAA.
• Les produits structurés, incluant les asset-backed securities (ABS) et les collaterized
debt obligations (CDO) (800 à 1 000 milliards de dollars assurés fin 2007) : il s’agit de
l’activité qui a enregistré la plus forte croissance au cours des années 2000 (sur la
seule année 2006, les monolines ont octroyé pour 250 milliards de protection sur les
produits structurés). La monoline n’intervient qu’en cas de défaut sur l’actif sous-
jacent, mais en principe ne couvre pas les pertes liées à une dépréciation en valeur de
marché. L’industrie des monolines a été très profitable au cours des années précédant
la crise : en effet, le secteur, dans son ensemble, présente un ratio (indemnisations +
dépenses)/primes reçues égal approximativement à 30 %, contre des ratios supérieurs à
80 % dans l’industrie de l’assurance. Ce secteur présentait, en outre, une structure
oligopolistique puisque cinq acteurs (MBIA, Ambac, FSA –filiale de DEXIA-, FGIC
et CFIG-filiale de NATIXIS-) assuraient 2/3 des encours. MBIA garantissait 650
milliards de dollars de titres, Ambac 546 et FGIC 314 milliards. Jusqu’en 2009, ces
entreprises n’avaient eu à couvrir des pertes que pour 0,01% des sommes assurées
mais les investisseurs dans les obligations garanties ne s’étaient jamais interrogés sur
la qualité du AAA accordée aux monolines.
Le canal de contagion des monolines a joué un rôle significatif dans la crise des
subprimes, entraînant des cycles de dégradations pour les produits structurés. Aux États-Unis,
ces institutions étaient assujetties à des normes de fonds propres relativement faibles (les
capitaux agrégés étaient de 22 milliards de dollars fin 2006) alors qu’elles généraient des
risques importants. De plus, le gouvernement américain a inévitablement été amené à
intervenir pour limiter les pertes encourues par les collectivités locales américaines.
7.3. - Les lignes de soutien des banques (back up line)
Les banques qui structurent des opérations de titrisations pour leur client s’engagent,
sous certaines conditions, à en assurer la liquidité. Les banques sont ainsi les sponsors d’un
conduit à qui une ou plusieurs entreprises (mono ou multi-cédant) cèdent leurs créances
commerciales. À la différence des véhicules utilisés dans des opérations de titrisation
classiques, les conduits de type ABCP constituent des structures permanentes, que les actifs
qui les composent soient eux-mêmes à court ou à long terme, dans la mesure où elles reposent
sur le principe d’un rechargement régulier de la part du cédant en nouveaux actifs, au fur et à
mesure de l’amortissement ou de la cession des actifs précédents. De façon corrélative, la
nécessaire permanence du refinancement de ces conduits impose le principe d’un
renouvellement du papier commercial à chacune de ses échéances.
Pour assurer la pérennité de la structure, caractérisée par un portefeuille à long terme
financé par des ressources à court terme, les banques interviennent généralement en support
externe. Les conduits sont généralement multi cédants, en ce sens que les actifs sous-jacents
leur sont cédés au terme de multiples transactions avec des entreprises différentes. La notation
du papier commercial émis par de tels conduits dépend alors à la fois du risque associé à
chacune des transactions, prises isolément, et des effets de diversification (ou de
concentration) impactant le risque global au niveau du conduit. C’est à partir de cette double
analyse que le sponsor, généralement administrateur du conduit, négocie alors avec les
agences de notation le dimensionnement des supports qui doivent être apportés pour garantir
la notation externe souhaitée du papier commercial. Dans ce cadre, les supports apportés
revêtent généralement deux formes :
- des lignes de liquidité, adossées à chacune des transactions individuelles et destinées à
couvrir les éventuels décalages entre les flux à recevoir et à payer, pour des raisons
étrangères au risque des actifs achetés par le conduit ;
- des rehaussements de crédit, mutualisés sur la totalité des actifs du conduit et destinés
à couvrir les premières pertes, associées aux éventuels défauts constatés sur ces actifs,
quelle que soit la transaction au titre de laquelle ils ont été acquis.
8. – La valorisation repose sur des techniques de modélisation sophistiquées.
L’évaluation des produits structurés fait appel à des techniques quantitatives
complexes qui n’ont pas été totalement éprouvées sur une période suffisamment longue dans
la plupart des cas.
Une première étape consiste à estimer correctement la probabilité et la sévérité des
pertes sur les actifs sous-jacents. Certains actifs, comme les prêts immobiliers de première
qualité, disposent d’historique de défauts sur plusieurs dizaines d’années, couvrant donc
plusieurs cycles de crédit. En revanche, les actifs dont l’essor est récent (prêts immobiliers
subprime, prêts dans le cadre des opérations de LBO, etc.) disposent d’un historique d’à peine
quelques années, correspondant de surcroît à une période extrêmement favorable du cycle de
crédit. Dans de tels cas, estimer l’intensité des stress tests à appliquer sur les pertes relève
largement d’un jugement qualitatif. Par exemple, par combien aurait-il fallu multiplier les
taux de pertes constatés sur les prêts de première qualité pour cerner le taux de pertes des
prêts subprime ? Par deux, trois, cinq ? Rien ne permet encore de répondre à cette question de
façon définitive.
Une seconde étape consiste à cerner les non-linéarités affectant les structures de
titrisation. Une tranche de CDO se comporte comme une option : les pertes sont nulles
jusqu’à un certain seuil, augmentent très rapidement dès que ce seuil est atteint, et ce jusqu’à
épuisement de cette tranche et imputation des pertes supplémentaires sur les tranches se
situant au-dessus dans la structure de capital. Cette non-linéarité implique qu’un investisseur
dans une tranche subordonnée de CDO (equity ou mezzanine) peut perdre la totalité de sa
mise de départ alors qu’un investisseur dans une obligation corporate a une perte limitée par
le taux de recouvrement constaté suite à la liquidation de l’entreprise. Cette particularité pose
des problèmes de modélisation, notamment dans le cas de titrisation à plusieurs strates comme
les CDO d’ABS, où le problème de non-linéarité est exacerbé.
Enfin, la troisième étape, et sans doute la plus délicate, consiste à estimer la corrélation
entre le défaut des différents composants du portefeuille. En effet, il est bien plus ardu
d’évaluer le risque de crédit d’un portefeuille englobant divers composants que celui se
rapportant à des entreprises prises individuellement. Il faut alors tenir compte du fait que le
défaut d’une signature donnée peut s’accompagner, dans des proportions variables, de défauts
d’autres signatures présentes au sein du portefeuille. Ce phénomène de « contagion des
défauts » peut provenir de plusieurs facteurs : un facteur commun (par exemple, le fait que les
prêts aient été octroyés sous les mêmes conditions), un effet en chaîne (la faillite d’une
entreprise entraînant la faillite de certains sous-traitants), etc…
Selon les hypothèses retenues quant au degré de corrélation des défauts, le profil de la
distribution de pertes potentielles sur un portefeuille sous-jacent varie considérablement. Or,
le choix d’hypothèses de corrélation de défauts pertinentes reste délicat. En effet, la
corrélation entre deux entreprises n’ayant jamais fait défaut est par définition très difficile à
estimer, car inobservable. De ce fait, les structures de CDO sont exposées au risque que les
hypothèses de corrélation ayant présidé à leur conception se révèlent erronées. Ceci peut être
d’autant plus dommageable que les hypothèses de corrélation sont fondamentales pour
déterminer le rating d’un instrument. Toute erreur d’estimation de la corrélation des défauts
peut aboutir à des structures inadaptées et exposées à des dégradations de notes rapides et
brutales. Cela a été le cas notamment avec les CDO d’ABS, dont les tranches senior avaient
obtenu des notations AAA qui se sont révélées erronées du fait d’une corrélation sous-estimée
entre ABS d’un même millésime (i.e. dont les prêts sous-jacents avaient été octroyés la même
année).
Enfin, du fait de la faible liquidité des produits structurés sur les marchés secondaires,
ceux-ci ont posé un problème particulier de valorisation. Dans ce cas, la « valorisation en
valeur de marché » se résume en fait très souvent à une « valorisation en valeur de modèle ».
Or en raison de la complexité des modèles, il est plus difficile pour les investisseurs de
comprendre les propriétés intrinsèques des actifs et de mesurer les variations de leur valeur en
réponse aux chocs. Par ailleurs, plus le produit est récent, plus les séries chronologiques
utilisées pour mesurer les corrélations historiques et quantifier les risques sont insuffisantes et
plus sa valorisation est incertaine. Au total, quand les investisseurs ont perdu confiance dans
les produits titrisés, leur valorisation est devenue quasiment impossible à déterminer.
L’essor des CDO a facilité l’accès des investisseurs non bancaires aux marchés de
crédit et leur a permis de s’abstraire des contraintes posées par la taille et la diversification
limitées du marché obligataire privé, notamment en Europe où l’intermédiation bancaire reste
dominante. Ceux-ci peuvent désormais sélectionner des portefeuilles de signatures
correspondant au profil de rendement/risque de leur choix et s’exposer à des risques de crédit
auparavant cantonnés dans les bilans bancaires, comme, par exemple, ceux des petites et
moyennes entreprises. En tant qu’instruments de transfert du risque de crédit, les CDO
facilitent la redistribution de ce risque au sein ou en dehors de la sphère bancaire et financière,
tout en renforçant le degré de complétude du marché de crédit. Ils sont donc de nature à
exercer une influence a priori favorable du point de vue de la stabilité financière. Cependant,
comme tel est souvent le cas pour les innovations financières, l’évaluation des CDO et de
leurs risques fait appel à des techniques complexes et plus ou moins éprouvées. Les
investisseurs, tout comme les intervenants du marché, peuvent ainsi être exposés à des pertes
plus ou moins sévères. Après avoir été loué pour avoir permis une répartition plus large du
risque, le modèle au gré duquel les établissements de crédit restructurent le risque sous forme
de « produits structurés » (notamment en réorganisant les portefeuilles pour vendre différentes
« tranches » de risque aux investisseurs en fonction de leur aversion pour le risque) a été
fortement critiqué.
En premier lieu, l’évaluation des produits structurés fait appel à des techniques
quantitatives complexes et d’autant plus difficiles à maîtriser qu’elles n’ont pas encore été
éprouvées sur une période suffisamment longue. Les intervenants de ce marché peuvent donc
être exposés, quel que soit leur degré d’expertise, à des risques de pertes plus ou moins
sévères.
En deuxième lieu, les produits structurés sont constitués pour s’adapter parfaitement
aux caractéristiques et au profil de risque requis par leur acquéreur. Ces propriétés limitent
leur aptitude à être revendus à d’autres investisseurs dont les préférences ou les besoins
peuvent être différents. Du fait de la faible liquidité des produits structurés sur les marchés
secondaires, ceux-ci ont posé un problème particulier de valorisation.