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la revue socialiste 59
sommaire
édito
- Alain Bergounioux Écologie et progrès ........................................................................................................................................................................................................................................ p. 03
le dossier
- Dominique Bourg« Je n’ai plus aucun doute sur le fait que nous allons décroître » ................................................................................................................ p. 05
- Antoine MaudinetCOP21 : la longue route vers un accord .................................................................................................................................................................................... p. 11
-Stéphane Le FollL’agro-écologie .................................................................................................................................................................................................................................................... p. 21
- Barbara PompiliLes rendez-vous de Paris 2015 ........................................................................................................................................................................................................... p. 25
- Serge OrruLa ville durable sera circulaire ............................................................................................................................................................................................................ p. 33
- Christophe ClergeauLe progrès peut-il être durable ? ....................................................................................................................................................................................................... p. 41
- Barbara Romagnan et Juliette PerchepiedUrgence climatique et écologique, une urgence sociale pour le XXIe siècle ...................................................................................... p. 49
- François Gémenne
L’Anthropocène et ses victimes. Pourquoi il faut quand même parlerde « réfugiés climatiques » ..................................................................................................................................................................................................................... p. 59
- François BrottesLa transition énergétique, un chemin qui s’ouvre.La transition énergétique, un chemin de conquête .................................................................................................................................................... p. 69
- Jean-Paul ChanteguetLes défis de la fiscalité écologique .................................................................................................................................................................................................. p. 77
- Daniel BoyOù va l'écologie politique ? .................................................................................................................................................................................................................... p. 85
grand texte- François Mitterrand
Sommet de la Terre, Rio de Janeiro, 13 juin 1992 ............................................................................................................................................................ p. 93
le débat
- Paul QuilèsDissuasion nucléaire : abandonner les mythes .............................................................................................................................................................. p. 99
- Alain RichardDissuasion française : quel avenir ? ................................................................................................................................................................................................................................... p. 107
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à propos de… Jean-Luc Mélenchon, Le Hareng de Bismarck , 2015
- Henri WeberLa couleuvre de Mélenchon ............................................................................................................................................................................................................... p. 121
Henri Verdier, Nicolas Colin, L’âge de la multitude , 2012
- Corinne ErhelL’âge de la multitude : un électrochoc pédagogique nécessaire ................................................................................................................ p. 133
actualités internationales
- Andreï Gratchev
La Russie réagit comme une « forteresse assiégée » ...................................................................................................................................................................................... p. 141
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la revue socialiste 59
éditoAlain Bergounioux
Directeur de La Revue socialiste.
Si, en effet, la hausse de la température
moyenne sur notre planète n’est pas conte-
nue autour de 2°C d’ici la fin du siècle, un
point de non-retour peut être atteint, entraî-
nant de lourdes conséquences, en termes
de climat bien sûr, mais également pour
des ressources naturelles, aussi impor-
tantes que l’eau, pour les migrations depopulation, et, donc, pour les équilibres
géopolitiques, avec des risques de guerre.
Or, il faut trouver un consensus entre 196
pays ! On comprend que cela n’est pas
simple. Et, récemment, Ségolène Royal,
s’est inquiétée de la lenteur des négocia-
tions, trop exclusivement prises en main
par les experts, et pas suffisamment par les
responsables politiques. Ce qui rend le pro-
blème difficile est qu’il ne s’agit pas
seulement de prendre des mesures de
réduction des émissions des gaz à effet deserre, mais, en même temps, de déterminer
des mesures d’adaptation aux change-
ments climatiques. Or, ces dernières ont
nécessairement un coût important. Alors
que les Etats riches ont promis, en 2009,
de verser 100 milliards de dollars par an
jusqu’en 2020, le Fonds vert, pour les
répartir, n’a réuni, jusqu’à présent, que10 milliards de dollars… Les réticences d’un
grand nombre de pays, en Afrique, en Asie,
en Amérique Latine s’expliquent par là.
Pour les grandes puissances, par ailleurs,
comme la Chine ou les Etats-Unis, la tenta-
tion est grande de faire fond sur les
Il n’est pas étonnant que La Revue socialiste consacre son dossier trimestriel aux défis
et aux problèmes auxquels se confronte la Conférence mondiale sur le climat, la COP 21,
qui va se réunir à Paris, fin novembre. Un succès serait historique, compte-tenu de l’enjeu.
Écologie et progrès
Si la hausse de la températuremoyenne sur notre planèten’est pas contenue autour de 2°Cd’ici la fin du siècle, un pointde non-retour peut être atteint,entraînant de lourdes conséquences.
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Alain Bergounioux - L
évolutions technologiques. L’Union euro-
péenne, précédée, il est vrai, par la Suisse,
est la première à avoir communiqué son
plan de lutte contre le réchauffement clima-
tique. Mais, sa force d’entrainement estproblématique. Le travail diplomatique,
mené notamment par Laurent Fabius, revêt
ainsi toute son importance. La mobilisation
des sociétés, de leurs associations pour l’en-
vironnement, de leurs entreprises, de leurs
mouvements de pensée, est, dès lors, une
nécessité. Cela devrait être une des actionsdes partis politiques, particulièrement le
nôtre, d’aider à ces expressions. On atten-
drait, de ce point de vue, une action de
l’Internationale socialiste, trop absente de
cette cause.
Ces débats doivent également nous per-
mettre d’approfondir notre engagementécologiste – réaffirmé, notons le, dans
toutes les motions présentées au dernier
congrès de Poitiers. Car, tenir les engage-
ments pour le climat demande de faire
évoluer nos modes de production et de
consommation. Faute de quoi, ils ne seront
pas tenables dans la durée. Trois dimen-
sions essentielles doivent être prises encompte : la sobriété énergétique, le dévelop-
pement des énergies renouvelables, une
répartition différente des gains de produc-
tivité, pour réduire les inégalités. Ces
politiques ne sont actuellement qu’à leur
commencement. Il faudra leur donner une
plus grande ampleur pour être à la hauteur
des défis. Cela demande des moyens,évidemment, mais tout autant une explici-
tation de ce que doit être l’avenir de notre
société. Il ne s’agit pas de renoncer à l’idée
de progrès, mais de la redéfinir. Après tout,
nous devons revenir à ce qu’était la concep-
tion originelle du progrès, dans l’esprit des
Lumières. Ce qu’il s’agissait de libérer, c’étaitl’esprit humain, comme l’a marqué forte-
ment Condorcet, dans son Esquisse des
progrès historiques de l’esprit humain.
L’émancipation des hommes s’entend,
avant tout, par la capacité qu’ils doivent
avoir d’exercer leur autonomie. Les enjeux
de la Conférence de Paris sont ainsi étroite-
ment liés au paradigme civilisationnelnouveau que les socialistes doivent porter.
D’ailleurs, nous n’avons guère d’autre choix,
car pour reprendre la formule frappante
de Ban Ki Moon, le Secrétaire général
de l’ONU : « Il n’y a pas de plan B, parce qu’il
n’y a pas de planète B ».
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Alain Bergounioux - Écologie et progrès
Nous devons revenir à cequ’était la conception originelledu progrès, dans l’esprit des Lumières. Ce qu’il s’agissait delibérer, c’était l’esprit humain.
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La Revue socialiste : Au début de la décennie
2000, alors que Jacques Chirac était président
de la République, vous avez travaillé à défendre
le modèle du développement durable auprès
de Jean-Pierre Raffarin et Nathalie Kosciusko
Morizet. Quinze ans plus tard, vous parlez
décroissance et sobriété, et vous vous référez
au Club de Rome, au rapport Meadows,
à André Gorz et Ivan Illich. Que s’est-il passé ?Dominique Bourg : La situation a tota-
lement changé. J’ai espéré, dans la
foulée du sommet de Rio de 1992, qu’on
arriverait à réduire nos flux de matières
et d’énergie. Rendons-nous à l’évidence,
le développement durable est un échec
cuisant. Tous les grands indicateurs
se sont puissamment dégradés. Ledécouplage1 est une fable. Je n’ai plus
aucun doute sur le fait que nous allons
décroitre, et cela involontairement. Et je
suis loin d’être le seul. Quand Louis
Schweitzer, par exemple, a lancé Dacia,
c’est parce qu’il avait déjà cette convic-tion : il préparait Renault au fait que le
revenu des classes moyennes euro-
péennes allait baisser. Nous basculons
dans l’ère de l’Anthropocène, où nous
subirons les effets de nos déborde-
ments. Ceux qui s’obstinent à refuser cet état de faits l’aggraveront. C’est un
horizon désormais inévitable. Le pro-
blème, c ’est que le mot décroissance est
politiquement inaudible.
« Je n’ai plus aucun doutesur le fait que nous allons décroître »
la revue socialiste 59
le dossier Dominique Bourg
Professeur à l’Université de Lausanne, auteur de La pensée écologique. Une anthologie , PUF, 2014.
J’ai espéré, dans la fouléedu sommet de Rio de 1992,
qu’on arriverait à réduire nos
flux de matières et d’énergie. Rendons-nous à l’évidence,le développement durable
est un échec cuisant.
1. Les taux de croissance continuent à augmenter, tandis que les flux de matières et d’énergie décroissent.
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Dominique Bourg - « Je n’ai plus aucun doute sur le fait que nous allons décroître »
L. R. S. : Pourriez-vous revenir sur le terme de
décroissance, en vous appuyant, notamment,sur sa place dans la pensée écologique ?
D. B. : Dès l’origine, la pensée écologique
s’est nourrie du constat de la dégradation
du système Terre – ou de la nature, comme
on disait au XIXe siècle. Par la suite, cette
pensée s’est enrichie de deux constats. Tout
d’abord, un scepticisme croissant sur la
possibilité des techniques à nous sortir del’impasse. Stuart Mill, par exemple, pensait
que nous devrions, à moment donné,
entrer dans une économie stationnaire.
Ensuite, une critique de l’anthropocen-
trisme à géométrie variable. Le scepticisme
vis-à-vis de la technique est partagé des
deux côtés de l’Atlantique. En revanche, lesecond trait s’est surtout développé chez
les Anglo-saxons. A partir des années 1970,
ensuite, nait l’écologie politique qui fait
le constat que comme on ne peut pas
changer les choses avec la technique, la
seule solution réside dans la modification
des modes de vie et de la société. Cette éco-
logie politique connaît de nombreusesexpressions. Côté nord-américain, elle est
d’inspiration plutôt malthusienne et très
à droite, comme en témoignent, par exem-
ple, les textes de Hardin ou d’Ehrlich. Le
courant arcadien, qui regroupe, notam-
ment, Bertrand de Jouvenel, Ivan Illich,
André Gorz, ou Félix Guattari est, quant à
lui, très représenté en France, à la fin desannées 1960. Pour ses tenants, l’enrichisse-
ment matériel est un piège. Plus tard,
viendra Serge Latouche, qui critique l’éco-
nomisme et la notion de développement et
pour lequel la décroissance est une fin en
soi. En réalité, tous les courants de l’écolo-
gie politique sont en un sens décroissants,
même si l’accent varie. Pour ma part, je merange dans le courant institutionnaliste.
D’autres chercheurs français, comme
Jean-Pierre Dupuy et Bruno Villalba appar-
tiennent au courant apocalyptique et
catastrophiste et réfléchissent, de manière
globale, à la question du collapse. Mais
là encore, l’horizon apocalyptique n’est jamais très loin. Enfin, il existe une dernière
composante, la tendance anarchiste qui
prône la mise en place de petites commu-
nautés autogérées.
L. R. S. : Comment rendre compatible
l’aspiration au progrès social qui se traduit,
le plus souvent, par des avancées
quantitatives et l’impératif de sobriété
que vous mettez en avant?
D. B. : Une manière de concevoir le progrès
– conçue de façon hors sol et hors bio-
sphère – est celle propre à l’économie
néoclassique : l’enrichissement matériel
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la revue socialiste 59
le dossier
individuel débouche sur le bien-être. Cet
idéal n’est ni spatialement ni temporelle-ment soutenable et, en outre, la corrélation
n’est nullement systématique : le bien-être
sans un standard matériel n’est certes
guère possible, mais l’accumulation
indéfinie n’entraîne pas, non plus, un
accroissement proportionnel du bien-être.
On ne peut pas réconcilier la première et la
seconde démarche. Les citoyens peuventaccepter l’idée que, dans un certain nombre
d’années, les ressources vont commencer à
manquer et que, ce qu’on leur propose, c’est
d’affronter ce moment dans un esprit de
solidarité, de partage, notamment en res-
serrant l’écart des revenus. Ce discours est
moins inaudible que celui de la décrois-
sance brute. Il ne s’agit pas de consentir à lapauvreté, qui est synonyme d’écrasement
des potentialités humaines. Il s’agit d’adop-
ter une autre conception de la richesse et du
luxe. Il faut parier sur ce qu’Amartya Sen
appelle les « capabilités », mais collectives.
Il existe de nombreux exemples d’initiatives
reposant sur ce type de logique : des regrou-
pements de paysans associés pour acheter une presse à colza ou une station de
méthanisation, l’habitat coopératif, les
crèches collaboratives, les fab lab, plus
généralement ce qu’on appelle les « com-
muns » dont parlent, par exemple, Pierre
Dardot et Christian Laval.
L. R. S. : Pourrait-on assimiler ce type
d’initiatives à l’Economie sociale
et solidaire (ESS) ?
D. B. : Il s’agit d’une démarche plus
exigeante. La prix Nobel, Elinor Ostrom,
montre dans ses travaux, combien
les communs exigent de formes de
gouvernance spécifiques, caractérisées,notamment, par l’adoption de règles très
strictes : les pâturages de haute mon-
tagne, en Suisse, les systèmes complexes
d’irrigation d’eau, en Espagne, qui exis-
tent depuis mille ans, sont gérés par des
petits collectifs fonctionnant selon des
principes bien définis. Ce type d’organisa-
tion se développe surtout dans un étatd’esprit écologique, puisque, par ce biais,
on tente d’innover en optant pour des
modes de vie moins lourds pour l’envi-
ronnement et plus conviviaux. Par
ailleurs, ce type de projet a le mérite de
revêtir une signification plus large que
Il ne s’agit pas de consentirà la pauvreté, qui est synonymed’écrasement des potentialitéshumaines. Il s’agit d’adopter une autre conceptionde la richesse et du luxe.
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Dominique Bourg - « Je n’ai plus aucun doute sur le fait que nous allons décroître »
le fait d’être un principe d’organisation
parmi d’autres : d’une certaine manière,il contient en lui la possibilité de rester
ouvert à la spiritualité. Aucune société ne
peut exister sans une certaine idée de l’ac-
complissement de notre humanité. Chez
Homère, la réalisation de soi passe par
l’épopée guerrière, chez Aristote, par le
développement de la raison spéculative,
grâce à la philosophie et aux sciences, de laraison pratique par la politique et de la sen-
sibilité par les arts. Chez les Chrétiens, c’est
le salut de l’âme. L’enjeu, dans une société
pluraliste, consiste à conjuguer des spiri-
tualités à la fois différentes et compatibles
avec les contraintes environnementales.
Les capabilités collectives sont une réponseà ce défi : cela a beaucoup plus de sens de
participer à une organisation commune
que d’être salarié d’une entreprise. D’où la
mode de ces petits collectifs.
L. R. S. : Quand vous parlez de capabilités
collectives, vous mettez en évidence des
initiatives autogérées qui impliquent un
nombre relativement limité de personnes.
Quelle est la place de l’Etat dans ce type
d’organisation ? Conserve-t-il un rôle ?
D. B. : Bien-sûr ! L’Etat reste le grand régu-
lateur. Prenons l’exemple de la directive
européenne sur les semences. C’est à
l’Etat de rouvrir le système, de recréer de
la variété génétique. Face à la puissancedes lobbies, lui seul peut le faire. Il doit
aussi faciliter l’organisation des petits
collectifs que je viens d’évoquer, par
exemple, en créant un statut d’expérimen-
tateur écologique. Il doit ménager une
société à plusieurs vitesses : si on ne peut
pas abandonner tout à fait la croissance,
il faut créer des poches d’expérimentationsur l’ensemble du territoire, permettre
que la partie de la société qui veut aller de
l’avant puisse le faire, avoir une politique
des communs. Mais, si l’on aborde le
sujet de la décroissance de manière fron-
tale, on ne pourra pas s’en sortir.
L. R. S. : Vous êtes revenu de votre optimisme
initial. Mais les discours catastrophistes
ne portent pas leur fruit non plus,
on l’a vu au moment de Copenhague.
D. B. : Le drame de l’environnement, c’est
que les problèmes environnementaux
ne sont pas accessibles aux sens. Ce qui
fait bouger les hommes, c’est la confron-tation à une menace visible qu’ils n’ont
pas à interpréter, qu’ils reçoivent comme
immédiate. Le prix Nobel d’économie,
Daniel Kahneman, a bien montré qu’en
l’occurrence, les caractéristiques du pro-
blème sont à la fois trop abstraites et trop
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le dossier
éloignées. C’est donc aux élites de propo-
ser à la population d’avancer en donnantdu sens, avec des mesures acceptables,
en faisant transiter le système progressi-
vement, etc.
L. R. S. : Dans vos ouvrages, vous vous
interrogez sur la capacité de notre système
institutionnel à relever le défi de la
transition environnementale et vous
proposez un certain nombre de pistes.
Pourriez-vous nous en dire un peu plus ?
D. B. : Les hommes politiques sont sou-
mis à de nombreux lobbyings et sont
souvent très mal informés. Plus généra-
lement, la démocratie représentative
n’est pas armée pour affronter lesmenaces qui pèsent sur notre planète.
Dans l’ouvrage que j’ai coécrit avec Kerry
Whiteside, Vers une démocratie écono-
mique2, nous proposons une réforme
constitutionnelle qui porterait, principa-
lement, sur la Chambre Haute : le Sénat
pourrait être remplacé par une chambre
spécialisée dans le long-terme, à la com-
position originale, ne votant plus la loi,mais pouvant contraindre l’assemblée à
réexaminer un projet. Un « Collège du
Futur », en charge de mener des études
prospectives pourrait « épauler » cette
Chambre Haute. Si l’on juge préférable de
préserver le Sénat, on peut aussi créer
une troisième Chambre, en lieu et placedu Conseil économique, social et envi-
ronnemental (CESE). Une autre mesure
consisterait à donner une place aux ONG
dans le processus d’élaboration des lois,
en rendant obligatoire leur audition en
commission, ce qui permettrait d’impul-
ser une dynamique de contrepouvoir.
Une autre mesure consisteraità donner une place aux ONG
dans le processus d’élaboration
des lois, en rendant obligatoireleur audition en commission, cequi permettrait d’impulser une
dynamique de contrepouvoir.
2. Vers une démocratie économique, Le Seuil, 2010.
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le dossier
Le diagnostic du problème l’est toutautant, une fois dissipée la rumeur cli-
mato-sceptique. Rapport après rapport,
le GIEC (Groupement d’experts intergou-
vernemental sur l’étude du climat) affine
le degré de certitude sur la responsabi-
lité des hommes dans le réchauffement
climatique. Alors qu’il était jugé « proba-
ble » (plus de 66 % de chances) dansle 3e rapport paru en 2001, celui de 2007
le jugeait « très probable » (plus de 90 %
de chances) et celui de 2014 le juge
« extrêmement probable » (plus de
95 % de chances). Les conséquences
de ce réchauffement ne sont pas plus
équivoques : montée des eaux quis’accompagne de disparitions de pans
entier de territoires, accroissement des
phénomènes climatiques extrêmes -
sécheresses, inondations, cyclones - qui
vont se renforcer en fréquence comme
en intensité, déplacements massifs
de populations, réduction des terres
arables et des espaces habitables.Du constat de départ au but à atteindre,
la route est pourtant encore bien
longue, à seulement cinq mois de la
COP. Le nombre de ses grandes messes
avortées en témoigne : la 21e sera-t-elle
la bonne ?
Du 30 novembre au 11 décembre se déroulera au Bourget la COP21, la 21e Conférence
des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), convention issue du Sommet de la Terre de Rio, en 1992. Le but est clair :
parvenir à un accord universel et juridiquement contraignant pour limiter le réchauffement de
la planète sous les 2°C, d’ici la fin du siècle, ce qui est sans doute le plus grand défi collectif que
l’humanité ait affronté jusqu’alors.
COP21 :la longue route vers un accord
Antoine MaudineTChargé des questions relatives à la transition écologique au Parti socialiste.
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UN ACCORD MONDIALSUR LE CLIMAT :
DOUBLE CASSE-TÊTE HUMAINET JURIDIQUE
Le défi est de taille, car comme le sou-
lignent Dominique Bourg et Kerry
Whiteside, l’enjeu écologique recoupe
difficilement le prisme habituel des
décisions politiques. Les impacts du
réchauffement climatique ne connais-
sent pas de frontières, alors que nos
décideurs sont appelés à ne se préoccu-
per que des portions de territoire qu’ils
représentent. Les changements du cli-
mat sont bien souvent impalpables au
quotidien et éloignés, dans leurs effets,ce qui n’aide pas les citoyens à prendre
conscience du besoin d’agir. Le réchauf-
fement de la planète est également
marqué, d’une part, par l’inertie de sa
progression, qui inscrit dans le moyen
et long terme ses répercussions, et,
d’autre part, par l’irréversibilité de ses
conséquences, qui implique que nousne disposons que d’un temps limité
pour agir, après quoi il sera trop tard. La
situation est inédite du point de vue de
la décision politique, car il y a non seu-
lement décalage, mais inversion de
l’ordre habituel entre la phase appro-
priée pour régler le problème et celle où
les manifestations de ce problème sefont les plus concrètes, comme un coup
de feu que l’on n’entendrait partir
qu’une fois qu’il a déjà atteint sa cible.
Or, la capacité d’anticipation requise
tranche avec le court-termisme auquel
les décisions politiques nous ont accou-
tumé. S’ajoutent à ces obstacles desdifficultés propres aux caractéristiques
du droit international public quant à
l’obtention d’un accord contraignant. En
l'absence d'autorité politique compé-
tente à l'égard de l'ensemble des Etats, il
n’y a ni sanction sociale organisée, ni
juge obligatoire, de telle sorte que l’on
n’a d’autre choix que de s’en remettre àchaque Etat pour assurer le respect du
droit. En cas de non-respect de l’accord,
on est en droit de penser que l’Etat
n’agira que dans la mesure où il y a
intérêt. Cette difficulté s’est retrouvée
dans les faits.
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Antoine Maudinet - COP21 : la longue route vers un accord
Les impacts du réchauffement climatique ne connaissent pasde frontières, alors quenos décideurs sont appelésà ne se préoccuper quedes portions de territoirequ’ils représentent.
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le dossier
CLIMAT ET ENGAGEMENTS,UNE HISTOIRE CONTRARIÉE
Si l'on reprend l'histoire des négociations
sur le climat, un accord international
avec des objectifs de réduction de GES
n'est pas inédit. Signé en 1997, et entré en
vigueur en 2005, le protocole de Kyoto
incarna cette première impulsion. Néan-
moins, cet accord ne saurait être érigé en
exemple, tant il est vrai qu'il était lesté,dès l'origine, d'un double handicap. Le
premier est la faiblesse de l'objectif de
réduction fixé. Les parties concernées
s'engagent à une réduction de 5 % de
leurs émissions de GES, entre 2008 et
2012, par rapport au niveau d'émission
de l'année 1990. Le second handicap estl'étendue des pays - et donc la surface
des émissions de GES couvertes - auquel
s'applique les engagements de réduc-
tions d'émissions. Seuls les pays de
l'annexe 1 de la CCNUCC sont concernés,
annexe qui regroupe les pays dits indus-
trialisés : États-Unis, Japon, Canada,
Australie, Russie, et les pays européens,en tout, 55 Etats. D'emblée, seule une por-
tion de la communauté internationale
est mise à contribution pour régler un
problème qui la concerne, elle, tout
entière. Si l'on ajoute à cela les retraits
canadien, russe et japonais, et une ratifi-
cation des États-Unis qui n'arriva jamais,
on mesure la solitude des Européenspour réaliser un effort, pourtant loin
d'être révolutionnaire.
Lorsque se profile, en 2009, le sommetde Copenhague (la COP15), le sentiment
partagé est donc celui d'un faux
démarrage dans la course contre le
réchauffement climatique. Les attentes
sont fortes : un accord universel contrai-
gnant qui permette de limiter ce
réchauffement à 2 degrés. Comme Kyoto,
Copenhague a abouti à une avancée his-torique. La communauté internationale
a, pour la première fois, reconnu, noir
sur blanc, la nécessité de contenir le
réchauffement de la planète au-dessous
de 2 degrés. Elle a simplement oublié de
joindre les actes aux paroles. Malgré
Comme Kyoto, Copenhaguea abouti à une avancée
historique. La communauté internationale a, pour la
première fois, reconnu, noir sur blanc, la nécessité de contenirle réchauffement de la planète
au-dessous de 2 degrés. Elle a simplement oublié
de joindre les actes aux paroles.
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l'implication directe des chefs d'Etat lors
de la COP - fait qui relève de l'exceptionplus que de la règle sur l'ensemble des
COP -, la montagne a accouché d'une
souris. Aucune mesure concrète enga-
geant quelque pays que ce soit n'a été
signée.
UNE QUESTION
DE MÉTHODEComment expliquer l'échec de Copen-
hague ? Une cause ne saurait à elle
seule cristalliser toutes les frustrations,
mais il est intéressant de se pencher
sur la manière dont, à cette occasion, ce
problème a été politiquement abordé. A
alors dominé une approche top-downoù les tonnes de CO2 à ne pas émettre
étaient divisées, dispatchées par pays,
tel un fardeau à partager. On a ainsi pris
comme point d'entrée ce qu'il fallait
idéalement atteindre, plutôt que ce que
les pays étaient prêts à faire. Face à une
communauté internationale qui n'avait
pas jusqu'alors brillé par sa bonnevolonté sur la question climatique, cette
approche a suscité l'immobilisme et
nourri la défiance. Chacun pouvait aisé-
ment prétexter du refus d'un autre
d'assumer sa part d'efforts de réduction
de GES pour se dédouaner de la sienne.
Depuis la COP15 de Copenhague, des
avancées ont bien eu lieu, mais elles res-tent à concrétiser, à Paris. Pour éviter de
répéter l'échec de 2009, le processus
menant à la COP21 a ainsi été inversé.
C’est une approche bottom-up qui a cette
fois été privilégiée : dans une démarche
reposant sur le bon vouloir des pays, le
secrétariat de la CCNUCC leur a demandé
de formuler et chiffrer eux-mêmes leur
contribution à la réduction des GES, en
vue du sommet de Paris. L’objectif de
cette approche est d’instaurer et d’entre-
tenir un élément crucial dans les
négociations : la confiance. Floue et
relativement abstraite pour ceux quiobservent ce processus, l’existence d’un
climat de confiance entre les Etats-par-
ties est un élément crucial sur lequel ne
cessent d’insister les négociateurs. Force
est de constater que cet ingrédient est
jusque-là bien présent dans les enceintes
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Antoine Maudinet - COP21 : la longue route vers un accord
Plutôt que de chercherà avancer à marche forcée,
c’est une politique des petits pasqui a été privilégiée,
qui se combine avec desnégociations plus fréquentes
qu’à l’ordinaire.
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le dossier
de négociations. Et pour cause, les condi-
tions de cette confiance sont réunies.Plutôt que de chercher à avancer à
marche forcée, c’est une politique des
petits pas qui a été privilégiée, qui se
combine avec des négociations plus fré-
quentes qu’à l’ordinaire. En d’autres
termes, une pression moins forte grâce à
des sessions de travail rapprochées pour
ne pas couper le fil des négociations.Cette année, ce sont ainsi pas moins de 4
intersessions de négociations intermé-
diaires qui auront programmées : à
Genève, en février dernier, à Bonn, début
juin, puis, début septembre, et enfin, à la
fin du mois d’octobre.
Le prix de cette confiance, c’est d’abord
une souplesse sans doute un peu trop
poussée. La COP de Lima a abouti à un
texte censé être le brouillon de l’accord de
Paris. Allongé de 39 à 86 pages, à Genève,
pour que chaque groupe de pays puisse
y inclure les choix qu’il privilégie, ce texte
contient donc toutes les options possi-bles, des plus ambitieuses aux moins
exigeantes. Il propose ainsi à la fois d’at-
teindre zéro émissions net de GES, d’ici
2050, mais aussi de se contenter d’établir
des stratégies de développement bas
carbone. C’est tout le travail des interses-
sions que d’élaguer peu à peu ce texte,
afin d’aboutir à un document d’une ving-taine de pages. Le prix de cette confiance,
c’est aussi un certain retard. Un retard
dans la publication des contributions
d’abord, puisque, fin juin, seuls 44 des
195 Etats-membres de la CCNUCC ont
dévoilé leurs intentions. Parmi ceux qui
manquent à l’appel, le Brésil, l’Inde, et
l’Australie, qui sont parmi les plusgrands émetteurs mondiaux de CO2. Un
retard aussi sur les objectifs de réduction
d’émission de GES. Si l’analyse reste
nécessairement incomplète, en l’absence
de la totalité des contributions volon-
taires, il apparaît, pour l’instant, que
le compte n’y est pas pour rester sous les2 degrés.
DE LIMA À PARIS,UNE CASCADE DE QUESTIONS
Présenter la COP21 par la seule question
des contributions de réduction des GES
serait pourtant extrêmement réducteur.
Cet aspect recouvre, en fait, l’enjeu de l’at-ténuation du réchauffement climatique à
venir : il s’agit de traiter le problème à sa
racine, en diminuant l’impact de notre
mode de développement qui engendre
ce réchauffement, à savoir nos émis-
sions de GES. Pour majeure qu’elle soit, la
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question de l’atténuation n’est pas le seul
objet des négociations. Les pays quidoivent d’ores et déjà faire face aux
conséquences du réchauffement de la
planète, cherchent eux à pousser le sujet
de l’adaptation au réchauffement clima-
tique, pour améliorer la résilience
des sociétés aux effets. Pour certains
pays comme ceux regroupés dans
l’Alliance des pays insulaires, la questionde l’adaptation est déjà dépassée : la
montée du niveau de la mer va provo-
quer des conséquences dont on sait,
dès aujourd’hui, qu’elles seront irréversi-
bles. Se pose ainsi la question de la prise
en compte des « pertes et dommages »
qui s’intéresse au dédommagement
des pays touchés. Un mécanisme consa-
cré aux pertes et dommages a été créé
à cet effet, lors de la COP19 de Varsovie,en 2013, mais reste aujourd’hui une
coquille à remplir.
Entre atténuation et adaptation, quelle
priorité afficher ? Voilà une première
ligne de fracture. D’un côté, les pays dits
en voie de développement (PED) sont,
la plupart du temps, les plus exposés auximpacts du dérèglement climatique,
et c’est en conséquence qu’ils souhaitent
voir le sujet de l’adaptation placé en
première ligne. De l’autre, les pays dits
développés voient dans la trajectoire
de développement des premiers - simi-
laire à la leur - une source d’émissions
de GES qu’il s’agit d’endiguer pour tenter de contenir le réchauffement de la
planète, et donnent donc la priorité à
l’atténuation. A la COP20, les PED ont, en
tout cas, obtenu que soient obligatoire-
ment incluses des stratégies nationales
d’adaptation dans les contributions
volontaires nationales transmises ausecrétariat de la CCNUCC.
La question de l’adaptation est intrinsè-
quement liée à celle du financement , qui
est tout autant potentiel juge de paix
de l’accord que caillou supplémentaire
dans la chaussure des négociateurs. En
effet, le financement et les transferts detechnologie constituent un levier pour
convaincre les PED à s’engager sur des
contributions de réduction ou de non-
augmentation des gaz à effet de serre.
Pour autant, cette question est loin d’être
réglée : lors de la COP16 de Cancun,
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Antoine Maudinet - COP21 : la longue route vers un accord
Entre atténuation et adaptation,quelle priorité afficher ?Voilà une première lignede fracture.
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le dossier
en 2010, les Etats-parties à la CCNUCC
s’étaient engagés à constituer un FondsVert pour le Climat qui doit mobiliser
100 milliards de dollars par an, à partir
de 2020. Fin 2014, la communauté
internationale a laborieusement réuni
l’objectif intermédiaire de 10 milliards de
dollars d’argent public. L’engagement de
Cancun paraît encore bien loin, d’autant
que la nature des engagements finan-ciers n’est pas clairement définie. Quelle
est la place des fonds privés au sein de
ces 100 milliards de dollars ? L’aide au
développement déjà existante peut-elle
être comptabilisée ? Entre les pays déve-
loppés qui vont abonder ce Fonds vert et
les pays en voie de développement quien seront bénéficiaires, ce ne sont pas les
mêmes visions qui s’expriment.
La discussion sur le financement peut
être vue comme le point de cristallisation
d’un problème sous-jacent : la notion
de responsabilité face aux dérèglements
climatiques, nœud gordien des négocia-tions. Lors du sommet de la Terre à
Rio, en 1992, un principe de « responsa-
bilité commune mais différenciée » a été
adopté. Pour équilibrée qu’elle soit, cette
formule consensuelle n’aide pas à tran-
cher les responsabilités. D’un côté, les
PED mettent en avant la responsabilité
historique des pays développés dans leréchauffement de la planète, car c’est leur
industrialisation qui a provoqué les
émissions des GES que nous connais-
sons actuellement. Ces mêmes PED
réclament, de leur côté, le même droit au
développement. De l’autre, les pays déve-
loppés gardent à l’esprit que c’est
précisément ce type de développement
qui a provoqué la situation que tous doi-vent aujourd’hui résoudre, et qu’il ne
peut raisonnablement être généralisé.
Alors que les pays se renvoient la balle,
depuis 20 COP, autour de ce principe, le
sommet de Lima a été le lieu d’une évo-
lution de ce principe, dont rien n’incite à
penser qu’elle ait été positive. Au Pérou,
la communauté internationale n’a pasdépartagé qui du caractère « commun »
ou « différencié » de cette responsabilité
devait l’emporter. Au contraire, ce prin-
cipe a été enrichi de conditions - le texte
évoque ainsi les principes de « responsa-
bilités communes mais différenciées » et
Lors du sommet de la Terreà Rio, en 1992, un principe
de « responsabilité communemais différenciée » a été adopté.
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de « capacités respectives », « à la lumière
des circonstances nationales » - qui sontà lire comme autant de tempéraments
diluant le devoir initial que pose ce prin-
cipe. La crise des dettes publiques
alimente la réticence de nombre de
pays développés à alimenter le Fonds
Vert pour le Climat.
L’antagonisme qui se lie dans les grandsprincipes et les grandes priorités se
retrouve aussi dans des détails non moins
importants. C’est le cas de l’enjeu du
contrôle de l’application du futur accord,
connu dans les couloirs de négociations
comme le reporting. Selon les modalités de
mise en œuvre du contrôle, on comprendbien que le degré de souplesse ou d’intran-
sigeance laissé aux pays, quant au respect
de leurs obligations, variera fortement.
Il y a ainsi un monde entre la vision de l’UE
et celle de la Chine : la première souhaite
mettre en place un contrôle important,
effectué par une équipe de spécialistes,
qui feraient un reporting transparentet indépendant des pays, la seconde
souhaite, elle, se contenter d’une auto-
évaluation de chaque pays.
Avant même de vérifier les engagements
qui seront issus de l’accord, l’analyse des
contributions pour vérifier leur compatibi-
lité avec l'objectif de limiter le réchauffementà 2 °C est déjà révélatrice des rapports de
force. Le principe d’une analyse par un tiers
a été considérablement affaibli à la COP20
de Lima. Suite au refus de la Chine, aucun
mécanisme d’examen comparatif des
contributions nationales n’est prévu. Ainsi,
les pays gardent un libre choix dans la des-
cription des informations transmises pour accompagner les contributions, et ce n’est
seulement que si les Etats jugent ces préci-
sions appropriées qu’ils les transmettent. Le
point de référence, les périodes, les périmè-
tres couverts, l’approche méthodologique,
sont autant de facteurs qui peuvent varier
d’un Etat à l’autre. Par exemple, pendantque beaucoup de pays s’expriment en
réduction de GES, l’Inde formule sa contri-
bution en intensité énergétique ; alors que
l’année de référence choisie pour l’évolution
des GES est 1990, les Etats-Unis choisissent
2005. Pour faire la synthèse des contribu-
tions nationales qui permettra de savoir où
l’on se situe par rapport au fameux objectif de 2°C, le secrétariat de la CCNUCC va donc
devoir comparer des pommes et des poires.
Certains pays choisissent volontairement
d’exprimer leurs contributions dans des
termes qui leur sont plus favorables, mais
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le dossier
pour une majorité de pays en développe-
ment cette orientation est davantage subieque choisie. Le renforcement des capacités
techniques (capacity building) et l’expertise
que peuvent fournir les pays développés à
nombre de PED est donc un autre enjeu de
la COP21. A l’heure actuelle, tous les pays
n’ont pas les moyens de mesurer l’évolu-
tion de leurs émissions de GES selon lesmêmes standards, ce qui constitue un
handicap certain pour inclure nombre
d’entre eux dans la dynamique de publica-
tion des contributions volontaires qui se
veut globale.
A quelques mois du grand rendez-vous
de Paris, la situation reste encore trouble.Tous les pays n’ont donc pas dévoilé leur
contribution nationale, et le secrétariat
de la CCNUCC ne dévoilera un rapport fai-
sant la synthèse des contributions que
début novembre. Il ne restera alors
qu’une poignée de semaines pour inciter
les pays à revoir à la hausse leurs efforts.
Pour ce qui concerne le brouillon de l’ac-cord de Paris, il reste toujours long de 85
pages, les deux co-présidents, algérien et
américain, menant les négociations ont
pris le taureau par les cornes et vont pro-
poser aux délégations un texte bien plus
court, pour la fin du mois de juillet.
DES ANGLES MORTSQUI DEMEURENT
Quelle que soit l’issue des négociations
de décembre, il apparaît d’ores et déjà
que certains sujets d’importance ont été
oubliés des négociations. Il y a, par exem-
ple, la lutte contre la déforestation et la
destruction des forêts, l’acidification desocéans, tous deux de formidables puits
de carbone qui absorbent nos émissions
de GES, mais dont on laisse collective-
ment l’état se dégrader. On peut
également s’interroger sur les actions
pré-2020. L’accord de Paris doit dessiner
la nouvelle architecture juridique mon-
diale sur le climat, à partir de 2020. Or,hormis la prolongation, jusqu’en 2020,
du très imparfait protocole de Kyoto, rien
n’est dit sur les actions à mener entre
2015 et 2020. La communauté scienti-
fique a pourtant souligné, à maintes
reprises, que les premières années sont
Certains pays choisissent volontairement d’exprimerleurs contributions dansdes termes qui leur sont plus favorables, mais pourune majorité de pays endéveloppement cette orientationest davantage subie que choisie.
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les plus décisives pour agir sur le réchauf-
fement de la planète, et que repousser ledébut des efforts à 2020 n’allait rendre la
tâche que plus ardue encore.
Un autre angle mort réside dans
les contradictions potentielles entre le
contenu du futur accord et les règles
de l’OMC. Si un accord engageant juridi-
quement les Etats à réduire leursémissions de GES est signé, il impliquera,
pour les Etats, d’appliquer des politiques
plus régulatrices, et d’intervenir pour
changer la trajectoire actuelle de leurs
économies, afin de respecter l’accord
qu’ils auront signé. Or, si les Etats se
mettent à davantage subventionner laproduction d’énergies renouvelables,
ou à modifier leurs fiscalités dans un
sens qui pourrait s’apparenter à du
protectionnisme écologique, seront-ils
sanctionnés ? En d’autres termes, qui de
la planète ou du libre-échange primera ?
On peut enfin mentionner un autre sujet
oublié, celui du prix carbone, qui agite lasociété civile comme la sphère politique,
qui est même appelé de ses vœux par un
nombre croissant de grandes entreprises,
mais dont peu d’échos nous parviennent
des enceintes de négociations.
Au vu de tous ces éléments, qu’attendre
de la COP21 ? A mesure que se rapprochel’échéance, de nombreuses voix laissent
entendre que le rendez-vous de Paris
n’est que le début d’un processus, et non
son aboutissement. Mais, la perspective
n’est pas la même chez chacun. Pour
certains, il s’agit de jouer la montre, en
étalant sur plusieurs COP les bonnesrésolutions climatiques à prendre, dès
maintenant. Pour d’autres, la COP21 doit
être le point de départ d’une mobilisation
sans relâche et d’une préoccupation
continue en faveur du climat. Gageons
que les seconds sauront l’emporter.
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le dossier
Quand les ressources se raréfient, nous
devons apprendre à mieux les utiliser. Je
n'ai jamais oublié que l'énergie la plus pré-
cieuse est celle que l'on ne gaspille pas.
Faire autrement, penser autrement notre
rapport à la nature et à l'agriculture, c'est
pour moi un engagement, une certitude et
un espoir. L'agro-écologie, c'est optimiser
les ressources et mécanismes naturels
grâce à l'agronomie pour rendre les exploi-
tations agricoles plus compétitives et dura-
bles, car moins consommatrices en énergie
fossile, en produits phytosanitaires… Moins
de gasoil dans son tracteur, moins de pes-ticides, moins de temps passé à labourer
des sols, tout cela oblige à repenser nos
modes de production.
L'agro-écologie, c’est avant tout un état
d'esprit, une volonté et aussi une forme
d'optimisme et de confiance dans les res-
sources de la nature elle-même et dansl'intelligence des hommes. Ce n'est pas une
vision angélique ou marginale, c'est sim-
plement la conviction que nous n'utilisons
pas toujours le potentiel que la nature nous
offre pour se réguler elle-même. Ne pas
labourer un champ et permettre aux lom-
Depuis des années, et bien avant même d'avoir la responsabilité de ce beau
ministère à la croisée des hommes, des territoires et des produits, j'ai acquis
des certitudes sur la nécessité de produire autrement. En tant que membre de
la commission agriculture, au Parlement européen et au sein du Groupe Saint-Germain, j'ai rencontré des pionniers de l'agro-écologie et découvert les techniques permettant
de produire, en conciliant performance économique et environnementale.
L’agro-écologie
Stéphane Le Foll Ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt.
L'agro-écologie, c'est optimiser lesressources et mécanismes naturels grâce à l'agronomie pour rendreles exploitations agricoles pluscompétitives et durables, car moinsconsommatrices en énergie fossile,en produits phytosanitaires…
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Stéphane Le Foll - L’agro-écologie
brics de travailler le sol, en lieu et place des
tracteurs, gérer les successions de cultures,en tenant compte de la résistance de cha-
cune aux aléas climatiques, privilégier les
auxiliaires de cultures tels la coccinelle pour
combattre les pucerons au lieu d'utiliser un
insecticide, c'est cela, concrètement, l'agro-
écologie. Mais, derrière ces quelques
exemples il faut aussi voir un incroyable
potentiel de recherche, de développementde toute une industrie verte comme le bio-
contrôle. Ce que je veux, c'est développer
une agriculture intensive en savoirs !
Adopter ces nouvelles pratiques ne se fera
pas en un jour, je le sais. Je sais aussi qu'au
sortir de la guerre, les agriculteurs ont su aumoment de la mécanisation de l'agriculture
acheter et mettre en commun les premiers
engins agricoles. Aujourd'hui, c'est exacte-
ment la même démarche, si ce n'est qu'ils
ne partageront plus des tracteurs, mais des
connaissances et, surtout, de nouvelles pra-
tiques de culture à la fois plus durables et
plus efficaces, d'un point de vue écono-mique. C'est pour cela que j'ai souhaité,
dans la loi d'Avenir pour l'agriculture, l'ali-
mentation et la forêt, que les agriculteurs
soient incités à se regrouper pour dévelop-
per des pratiques agronomiques plus
vertueuses, au plan environnemental. Ces
groupements doivent permettre aux agri-
culteurs, collectivement, de franchir uneétape, afin d'opérer leur transition agro-éco-
logique, de ne pas se retrouver seuls au
moment de faire de nouveaux choix de
mode de production.
L'agro-écologie est un investissement
d'avenir, elle est aussi pour les agriculteurs
un moyen de répondre aux attentes de lasociété toute entière. Moins de pesticides,
moins d'antibiotiques dans les élevages
c'est aussi cela l'agro-écologie. Elle est
aussi, à l'échelle du monde, à un moment
où 1 personne sur 8 souffre de la faim,
un espoir formidable au défi alimentaire,
car elle rend compatible l'augmentationde la production - pour nourrir une popu-
lation mondiale en pleine expansion - et
l'exploitation durable des ressources et
espaces - qui sont, eux, en pleine raréfac-
tion. Il faut, en effet , bien avoir en tête que
l’agro-écologie, grâce à ses pratiques, doit
permettre de maintenir des niveaux de
production élevés, en même temps qu’ellepermet de limiter les apports de matières
premières, engrais et autres matières pre-
mières extérieures à l’exploitation. Par là
même, l’agro-écologie doit permettre de
produire autant, ou plus, tout en limitant
les coûts de production. Elle a donc pour
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le dossier
objectif, à terme, de permettre aux agricul-
teurs de mieux gagner leur vie. Cetteélévation de leur niveau de vie doit se
combiner à de meilleures conditions de
travail pour les paysans qui doivent, en
parallèle, pouvoir réduire le temps destiné
à certaines tâches. C’est, par exemple, ce
que j’ai déjà eu l’occasion d’évoquer, avec
la limitation du labour.
Nous le disions, l’agro-écologie présente
des avantages du point de vue de la renta-
bilité de nos exploitations agricoles. Elle
représente aussi un véritable atout, pour
favoriser une croissance verte. Les nou-
velles méthodes mises en place, les
nouveaux traitements se basant sur l’utili-sation des mécanismes naturels, ou bien
encore le développement de la méthanisa-
tion à la ferme, sont autant de secteurs
dans lesquels il est nécessaire d’investir
dans la recherche et développement, afin
de disposer de solutions dont le monde
aura besoin demain. Déjà, les PME fran-
çaises, particulièrement avancées dans lesecteur des alternatives aux traitements
phytosanitaires, sont l’objet de la convoitise
de grands groupes. Ces derniers se rendent
bien compte que la croissance de demain
ne peut se concevoir à la seule aune des
solutions chimiques. Il nous faut préserver
ces pépites naissantes, afin qu’elles puis-
sent devenir les champions de demain etque la France dispose de compétences qui
seront recherchées de par le monde.
L'agro-écologie, en basant son approche
sur le retour à l'agronomie, et en accordant
une attention particulière à la biologie des
sols, porte également des solutions pour garantir une meilleure sécurité alimentaire.
Elle peut permettre l’amélioration de la
fertilité des sols, en général, voire même
la restauration de sols devenus infertiles,
par l’amélioration de leur taux de matière
organique. C'est pour cette raison que, dès
mon arrivée à la tête du ministère de l'Agri-
culture, je me suis investi, tant à la FAOque dans les enceintes de coopération
scientifique euro-méditerranéennes, afin
d’enrichir notre réflexion autour d’expé-
riences et pratiques mises en œuvre
ailleurs, dans le monde, et d'améliorer la
coordination de la recherche agronomique.
L’agro-écologie doit permettre
de produire autant, ou plus,tout en limitant les coûtsde production. Elle a donc pour objectif, à terme,de permettre aux agriculteursde mieux gagner leur vie.
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En regardant de plus près les résultats de
ces réflexions, ainsi que les données scien-tifiques dont nos instituts disposent d’ores
et déjà, je me suis rendu compte que l’agro-
écologie, en plus de pouvoir être l’une des
réponses de la France pour améliorer la
sécurité alimentaire, pouvait également
être une solution pour lutter contre le
réchauffement climatique. Comment ? En
ne considérant pas seulement les effetsnégatifs de l’agriculture sur notre environ-
nement, mais en s’intéressant à sa capacité
de séquestration du gaz carbonique de l’air.
Et de fait, si la quantité de matière orga-
nique des sols augmentait chaque annéede 0,4 % à l’échelle de la planète, cela
permettrait de stocker, dans les sols, l’équi-
valent des émissions annuelles de carbone
sur la planète (CO2 en particulier). J’ai fédéré
des chercheurs autour de ce projet et, avec
Laurent Fabius, nous sommes convenus
de tenter de faire figurer certaines pratiques
au sein de ce qui est appelé « l’agenda des solutions », lors de la conférence Paris
climat. Vous le voyez donc, l’agro-écologie,
loin de se cantonner à un mode de produc-
tion agricole plus respectueux de la nature
et qui permet aux agriculteurs de mieux
vivre de leur travail, porte également en elle
des solutions pour lutter contre le réchauf-
fement climatique.
Ma charge de ministre sera, par nature,
éphémère, à l'échelle du temps nécessaire
pour faire changer durablement les pra-
tiques, mais je suis fier que la voix de la
France, pionnière en matière d'agro-écolo-
gie, ait porté et ait permis d’entrevoir denouvelles solutions et, je l’espère, de les
inscrire dans la perspective de la lutte
contre le réchauffement climatique. C’est
là le résultat d’un travail ininterrompu. À
l’automne dernier, déjà, l'organisation du
premier congrès mondial sur l'agro-écolo-
gie, dans l'enceinte de la FAO, était un
évènement que la France avait impulsé. Je suis fier, également, que nous ayons, au
travers de la loi d'Avenir pour l'agriculture,
l'alimentation et la forêt, orienté clairement
notre agriculture vers l'agro-écologie, et que
cela ait pu se faire en rassemblant bien au-
delà des clivages politiques traditionnels.
24
Stéphane Le Foll - L’agro-écologie
L’agro-écologie, loinde se cantonner à un modede production agricole plusrespectueux de la nature
et qui permet aux agriculteursde mieux vivre de leur travail, porte également en elledes solutions pour lutter contrele réchauffement climatique.
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la revue socialiste 59
le dossier
Les scientifiques s’accordent à considérer
qu’une augmentation, déjà sensible, de
deux degrés est la limite au-delà de
laquelle les conséquences seraient irré-
versibles, et difficilement maîtrisables.
Sur cette capacité de parvenir à unaccord, que peut le citoyen, que peuvent
les responsables politiques nationaux ou
locaux ? Rien, ou si peu ? On aurait tort de
le croire : d’abord, parce que les change-
ments de comportement qui sont
nécessaires pour contenir le réchauffe-
ment, pour atteindre les objectifs qu’on
espère tous voir définis, ce sont lescitoyens qui les accompliront pour une
grande part. Et aussi parce que le rôle
des politiques est de remettre les choses
en perspectives, de mobiliser la société,
de tracer des pistes et d’accompagner.
Sans noyer les démonstrations dans des
chiffres inutiles, des exemples anxio-
gènes, des prédictions alarmistes ou
apocalyptiques. C’est l’exercice auquel je
me prête humblement, ici, à la demande
de La Revue socialiste, moi qui ne suis
pas socialiste, mais qui porte une convic-tion : l’écologie, en général, et la question
climatique, en particulier, ne doivent pas,
ne peuvent pas être l’affaire des seuls
écologistes. Non, la COP 21 n’est pas sim-
plement affaire de diplomates, ce peut
même être un catalyseur essentiel pour
redonner du sens à notre vie politique, et
à l’engagement citoyen. A conditionqu’on ne s’arrête pas au simple rendez-
vous de décembre, qu’on le remette dans
un contexte plus large, qu’on sache
mesurer et apprécier le chemin par-
couru, même si on l’aurait souhaité plus
rectiligne et moins long. Ce n’est pas la
Il n’est pas exagéré de considérer qu’à Paris, en cette fin d’année 2015, la planète a ren-
dez-vous avec son destin. L’objectif est aussi simple à énoncer qu’extrêmement difficile
à atteindre : que les 198 pays réunis sachent se fixer des objectifs clairs et précis, en
matière de réduction de gaz à effet de serre. En un mot, sortir, enfin, du chacun pour soi.
LES RENDEZ-VOUS DE PARIS 2015
Barbara Pompili Députée (EELV).
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peur, ni le pessimisme qui permettent
d’avancer.
Et si on commençait par une note opti-
miste ? Comment l’écologiste que je suis
pourrait-elle minorer ou oublier les avan-
cées enregistrées dans la prise de
conscience du réchauffement climatique,
et de ses conséquences ? Certes, il existe
encore des climato-sceptiques. Mais, ilssont, en Europe, de plus en plus minori-
taires. Bon nombre de ces scientifiques,
qui mettaient en cause le rôle de l’action
humaine dans l’évolution climatique, ont
vu révélés les liens étroits qui les liaient
avec certains lobbies industriels. Ces lob-bies, qui ont intérêt à la poursuite du
modèle de développement productiviste
et consommateur d’énergies carbonées,
ont échoué dans leur tentative de noyer
le débat ou de tromper les citoyens.
Même s’ils continuent à agir, ils ont déjà
perdu la bataille de l’opinion. Ne bou-
dons pas cette victoire. J’ajoute quemême les représentants de pays,
jusqu’ici en retrait sur les questions cli-
matiques, abandonnent l’indifférence ou
le doute, et commencent à s’engager dans
un vrai dialogue, envisagent une véritable
action internationale commune : com-
ment ne pas saluer la récente déclaration
conjointe des autorités chinoises et amé-ricaines comme un signe encourageant ?
Cette prise de conscience ne suffit pas ?
Certes, il faut des actes. Mais, sans cette
prise de conscience, il n’y aura pas d’acte.
Comment une écologiste qui a pendant
des années manifesté, témoigné, pour
imposer dans la vie publique la questiondu climat, qui a travaillé aux côtés d’Yves
Cochet sur les questions d’énergie et de
ressources pétrolières, et qui a souvent
rencontré quolibets ou sourires polis,
oui, comment une écologiste pourrait-
elle ignorer ou considérer comme
négligeables ces changements essen-
tiels, qui voient la plupart des dirigeantsdu monde convenir de la réalité de la
question climatique ?
Je suis frappée de constater que beaucoup
de dirigeants de la planète arrivent aux
affaires sans avoir une forte conscience
26
Barbara Pompili - Les rendez-vous de Paris 2015
Ces lobbies, qui ont intérêtà la poursuite du modèlede développement productivisteet consommateur d’énergiescarbonées, ont échoué dansleur tentative de noyer le débat ou de tromper les citoyens.
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la revue socialiste 59
le dossier
de cette question. Et, au fur et à mesure
qu’ils exercent le pouvoir, qu’ils sontconfrontés à la réalité du monde, qu’ils
consultent leurs experts, la réalité s’im-
pose à eux et ils incluent la question
climatique à leurs agendas et à leur poli-
tique internationale, voire à leur politique
économique et énergétique. Vont-ils assez
loin ? A l’évidence non, sinon cette confé-
rence ne serait pas aussi indispensable.Mais, alors que les tourments ne man-
quent pas - fondamentalisme, conflits de
territoires, difficultés économiques… -,
inexorablement la question climatique
s’invite dans les préoccupations. Que des
autorités spirituelles et religieuses s’expri-
ment désormais sur le sujet est un signepositif et encourageant : oui, la conscience
progresse, et le monde est sorti du déni.
Pour réussir, ce n’est pas suffisant. Mais,
c’était nécessaire. Et c’est en bonne voie.
Cette prise de conscience en appelle une
autre : celle de la non soutenabilité du
mode de développement qui prévautdepuis la Révolution industrielle, soit
deux siècles. Et on ne se débarrasse pas
comme cela de deux siècles ! Pour les
sociétés industrialisées, ou post-indus-
trielles, c’est la prise de conscience de
l’incapacité de poursuivre une consom-
mation des ressources naturelles qui
épuise la planète, la pille au sens premier du terme, et fait peser sur les générations
à venir une dette environnementale qui
ne peut pas être remboursée. Pour les
pays émergents, c’est l’obligation de conce-
voir un modèle qui permette tout à la fois
l’accès à un niveau de vie, à des services, à
un confort qui n’aient rien à envier à celui
qui prévaut dans le monde « riche », sanss’engager dans les mêmes erreurs de
gaspillage, de pollutions. Non pas parce
que ce serait moralement répréhensible.
Simplement, parce que c’est, dans la
durée, impossible, insoutenable. Énergies
renouvelables, sobriété dans les consom-
mations, dépollutions, circuits courts deproduction assurant la sécurité et l’auto-
suffisance alimentaire… La COP 21, c’est
l’occasion de prendre conscience que si
les situations socioéconomiques sont
dramatiquement différentes, inégales,
entre le Nord et le Sud, les solutions sont
les mêmes et que le défi du développe-
ment offre aux nouvelles technologies« vertes » un volume d’activité qui en
hâtera l’équilibre et la rentabilité.
Dernière prise de conscience essentielle
accélérée par ce rendez-vous de décem-
bre : celle de l’interdépendance et de
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l’impasse que constituent toutes les solu-
tions de repli sur soi prônées par les
populistes ou de profits à court terme por-
tées par des intérêts économiques sans
scrupules. Quand la fonte d’un glacier du
Groenland provoque une augmentation
de la hauteur des mers qui menaceles côtes en Asie, quand la sécheresse
sahélienne pousse aux conflits pour les
ressources et aux mouvements désespé-
rés de populations, les frontières n’ont
plus de sens. Quand il y a plus de réfu-
giés climatiques que de réfugiés de
guerre, quand des hommes et des
femmes sont chassés de leurs territoires,parce qu’il est devenu invivable ou la
proie de convoitises pour ses ressources
naturelles, la question a changé de
nature : il ne s’agit plus simplement, pour
la communauté internationale, de sépa-
rer des belligérants. Il s’agit de recréer
des conditions de vie acceptables pour
que l’exode ne devienne pas un modede régulation des conséquences des
dérèglements du climat. Quand le déve-
loppement des gaz et pétroles de schiste,
extraits, par ailleurs, dans des conditions
environnementales dramatiques, au
mépris de la santé des populations et de
la préservation des milieux, contribue à
perpétuer le recours aux énergies carbo-nées, c’est en même temps le prix du
charbon qui s’effondre, et redevient com-
pétitif, alors qu’il est une source de gaz à
effets de serre majeure. Une décision
dans un état américain impacte ainsi
directement le mode de production éner-
gétique, partout ailleurs, dans le monde.
S’engager résolument dans une produc-
tion d’énergie renouvelable et propre,
c’est une chance pour tous, et c’est une
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Barbara Pompili - Les rendez-vous de Paris 2015
Dernière prise de conscience
essentielle accélérée parce rendez-vous de décembre :celle de l’interdépendanceet de l’impasse que constituent toutes les solutions de repli sur soi prônées par les populistesou de profits à court terme portées par des intérêtséconomiques sans scrupules.
Alors que nos débats politiques portent souvent sur la question
de la mondialisation,l’enjeu climatique nous rappelle
que la dé-mondialisation estun mythe, le repli sur soi
une illusion : si on ne s’occupe pas du monde, si on ne se
conçoit pas dans le monde,le monde nous rattrapera.
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raison qui me fait soutenir les efforts de
Jean-Louis Borloo pour l’équipement del’Afrique en énergie solaire : toutes les
solutions technologiques que nous met-
trons en place là-bas nous seront utiles
ici. Et tout le carbone qui ne sera pas
produit là-bas nous sera bénéfique ici.
Alors que nos débats politiques portent
souvent sur la question de la mondiali-
sation, l’enjeu climatique nous rappelleque la dé-mondialisation est un mythe,
le repli sur soi une illusion : si on ne
s’occupe pas du monde, si on ne se
conçoit pas dans le monde, le monde
nous rattrapera.
ET JUSTEMENT, EN CE MOISDE DÉCEMBRE, LE MONDE
A RENDEZ-VOUS AVEC LA FRANCE
C’est peu de dire que les deux premières
années du quinquennat de François
Hollande auront été peu fertiles en
matière d’écologie. En mettant à l’agenda
du Parlement la loi de transition énergé-
tique, qui sera adoptée définitivementavant la fin de la session parlementaire
d’été, en accélérant - au moins en pre-
mière lecture - l’examen de la loi
Biodiversité, le gouvernement a donné
des signes et engage notre pays dans
une nouvelle voie. Mais, c’est incontesta-
blement la candidature à l’accueil de la
COP 21 qui constitue un tournant essen-tiel. La diplomatie française tout entière
est désormais engagée pour la réussite
de la Conférence de Paris. La réorien-
tation de notre politique d’aide au
développement, initiée par Pascal Canfin,
qui a eu pour conséquence de condition-
ner les aides françaises à des critères
environnementaux et aux conséquencesdes projets accompagnés par la France
sur le climat avait été une des premières
étapes d’une stratégie internationale
française plus cohérente. Désormais,
c’est le ministre des Affaires étrangères
qui, sur le plan diplomatique, met tous
les moyens de son ministère en œuvrepour parvenir à un accord international
sur le climat.
Accueillir le monde, c'est aussi se donner
l'opportunité de valoriser ses expé-
riences, ses savoir-faire technologiques
et industriels. Si nous avons tous à
apprendre des autres, je suis convaincueque les autres ont à apprendre des col-
lectivités françaises engagées dans la
transition énergétique, des collectifs de
citoyens qui, via des associations locales,
imaginent de nouveaux modes de
consommation, des entreprises fran-
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çaises du renouvelable, de la maîtrise et
de la sobriété énergétique, de l'économiecirculaire. La Conférence de Paris, c'est
une occasion unique offerte à ces acteurs
trop souvent ignorés de se faire connaî-
tre, apprécier, mais aussi de conquérir de
nouveaux marchés. C'est l'occasion de
promouvoir un développement différen-
cié, qui considère la réponse au défi
énergétique, non comme une contrainte,mais bien comme une opportunité
d'associer progrès économique et
amélioration de l'environnement. De l'ex-
cellence industrielle qui permet à ma
Région, la Picardie, d'être pionnière en
matière d'éolien terrestre, au savoir-faire
d'Alstom en matière d'énergies marines- et ce ne sont que deux exemples pris au
hasard -, la France a des atouts à faire
connaître. Toutes les entreprises, grandes
ou petites, ont leur place dans ce scéna-
rio. C'est aussi un des enjeux de la
Conférence de Paris.
Une diplomatie au service d'une cause :la lutte contre le réchauffement clima-
tique et au service du développement
industriel et technologique. Mais, aussi,
une diplomatie qui permette de mieux
cerner et redéfinir la place de la France
sur la scène internationale. Le temps des
grandes puissances européennes est
révolu. Certains ont acquis une supréma-tie économique qui ne se traduit pas sur
les plans diplomatique ou culturel. D'au-
tres, dont la France, il faut le reconnaître,
continuent trop souvent de vivre dans le
déni de la réalité : l'organisation de cette
conférence internationale, c'est finale-
ment l'occasion de définir et d'exprimer
enfin l'équation diplomatique de laFrance, qui n'est rien sans l'Europe - et de
ce point de vue, l'action française pour
que l'Europe se dote d'objectifs et de
moyens de la transition écologique est
essentielle - et qui, par son histoire,
sa culture, son rayonnement, peut jouer
un rôle essentiel de médiateur entre lespays du Nord et ceux du Sud, entre les
puissances économiques continentales
américaine et asiatique.
ET SI, FINALEMENT, EN CETTE FINDANNÉE , LA FRANCE AVAITRENDEZ-VOUS AVEC ELLE-MÊME
Je ne sais si on peut parler de « dépres-sion française » ; mais, force est de
constater que sous l’effet de la crise éco-
nomique, de l’adaptation difficile de
notre modèle social, de l’exacerbation de
réflexes d’exclusion par une partie de la
classe politique, le sens même de ce
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qu’est la citoyenneté française est
aujourd’hui interrogé. Un autodénigre-ment délétère, savamment entretenu,
nourrit le discours du repli sur soi et
l’idéalisation d’un « monde d’avant » qui
n’est qu’illusion. La Conférence de Paris,
outre son rôle essentiel pour la réaffirma-
tion de la France dans le monde, c’est
également l’opportunité, pour les Fran-
çais, de prendre conscience des atouts de
notre pays, de se projeter positivement
dans l’avenir et de retrouver les ambi-
tions collectives qui permettent de se
dépasser. La mobilisation des ONG et des
entreprises est notamment une clé de la
réussite de la COP 21. Faire des citoyensdes acteurs et non de simples specta-
teurs de ce rendez-vous de chefs d’États
est indispensable.
De ce point de vue, les forces politiques
portent une double responsabilité : nous
portons collectivement la responsabilité
de faire de la question climatique et desopportunités qu’elle offre le cœur des
débats publics du dernier trimestre. Je
pense, notamment, aux débats liés au
scrutin régional, car les régions, par leurs
compétences, ont un rôle essentiel à
jouer dans la concrétisation de la transi-
tion écologique. Mais, nous portons
également une responsabilité singulière,nous, majorité issue du scrutin de 2012.
Parce que nous avons un bilan en com-
mun, en la matière, et, parce qu’il nous
faut impérativement retrouver, au-delà
d’une diversité de positions qui sont le
fruit et de l’histoire et des vicissitudes du
moment, un ciment, un socle communs. Je suis persuadée que, parce qu’elle porte
en elle tant d’enjeux d’égalité sociale, de
solidarité, ici comme sur le plan interna-
tional, bref, parce qu’elle entre en
résonnance avec les valeurs de la
gauche, la question climatique peut être
ce ciment. Non du point de vue politicien,
mais bien sur le fond, sur les politiquespubliques à mener comme sur les com-
bats idéologiques à mener, que cette
Conférence de Paris soit aussi, pour la
gauche et les écologistes, un nouveau
point de départ et l’occasion d’une nou-
velle ambition.
La mobilisation des ONGet des entreprises est notamment une clé de la réussite de laCOP 21. Faire des citoyensdes acteurs et non de simplesspectateurs de ce rendez-vous dechefs d’États est indispensable.
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Nos modes de production et de consom-
mation actuels, issus de de la Révolution
industrielle, qui consistent à extraire-fabriquer, puis consommer-jeter, ont
cruellement montré leurs effets néfastes.
Nous engloutissons nos ressources natu-
relles comme si elles étaient inépuisables.
Nous achetons des produits qui ont une
vie limitée et qui ne seront pas réparables.
Et puis, nous jetons ces produits, pas tou-
jours utiles, sans chercher à en récupérer
la valeur. C’est dans le courant des années1970 que la consommation humaine
des ressources naturelles a commencé à
dépasser les capacités biologiques de la
Terre. L’empreinte écologique, mise au
point par le WWF, en 1999, constate ce
basculement avec le déclin massif de la
Face aux mutations contemporaines, nombre de métropoles s’interrogent sur les
voies les plus adaptées pour concilier justice et développement, qui sont aux fon-
dements d’une Ville durable. Les défis urbains sont de taille, nous le savons :
cultiver perpétuellement le lien au sein de la Cité, par le dynamisme économique, social et
culturel ; assurer un haut niveau de service public, en particulier, pour les plus fragiles ; pré-server la santé publique face à la pollution de l’air et ses redoutables particules fines et
adapter le métabolisme urbain à l’humain. Autant de défis qui doivent désormais être
relevés, dans un contexte inédit : celui d’un péril climatique avéré et d’un modèle écono-
mique omnivore, dévoreur de l’avenir des générations futures.
La ville durable sera circulaire
« Comme cela ne plaisait pas beaucoup au roi que son fils abandonne les sentiers
battus et s'en aille par les chemins de traverse se faire par lui-même un jugement sur
le monde, il lui offrit une voiture et un cheval. "Maintenant, tu n'as plus besoin d'aller
à pied", telles furent ses paroles. "Maintenant, je t'interdis d'aller à pied", tel était leur
sens. "Maintenant, tu ne peux plus aller à pied", tel fut leur effet. »Gunther Anders, L’obsolescence de l’homme.
Serge Orru Administrateur de l’Institut de l’économie circulaire.
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biodiversité terrestre et marine. Le déve-
loppement industriel s’est mondialiséet heurte les principes régis par notre
biosphère, depuis la nuit des temps.
Aujourd’hui, nous constatons la précari-
sation des conditions de survie du
monde vivant et la fragilisation des
milieux naturels. Il ne faut pas être devinpour comprendre qu’il s’agit là d’une
menace réelle sur le futur de l’espèce
humaine.
La logique du profit absolu détruit la
valeur de l’entreprise capitaliste qui est la
pérennité. Nous vivons un monde mar-
qué par une financiarisation outrancière,faite d’iniquité et de pression mortelle
sur la nature. Ce monde de la finance, qui
ne finance pas l’économie réelle, détruit
le climat, la biodiversité, les emplois et
les entreprises… A l’optimum, l’économie
préfère, aujourd’hui, le maximum pour
1 % de l’humanité. Son approche préda-
trice dédaigne prendre en compte lesconséquences de son exploitation des
ressources. Désormais, nous consom-
mons plus vite que la nature ne produit.
À cet égard, Rémy Lemoigne, dans son
ouvrage L’économie circulaire, indique
que les industriels ne sont pas toujours
incités à utiliser, efficacement, les res-
sources. Le coût des matières est faible,comparativement au coût du travail.
Dans de nombreux pays, les ressources
naturelles sont subventionnées : chaque
année, dans le monde, 1 100 milliards d’€
sont dépensés pour subventionner la
production et la consommation de res-
sources. Nous polluons également plusvite que la nature ne recycle - sans comp-
ter nos déchets que la nature ne recycle
tout simplement pas -, en oubliant de
tenir compte des coûts de cette pollution.
En France, les seuls coûts sociaux des
transports routiers - accidents, bruis, pol-
lution, impact sur la santé - sont estimés
à plus de 15 milliards, par an ; il apparaîtdifficile, intellectuellement, de porter un
tel chiffre à leur bilan. Et pourtant… Le
processus actuel, linéaire, qui commence
par prélever la nature et qui finit en reje-
tant les déchets dans cette même nature,
en la détruisant, doit évoluer grande-
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Serge Orru - La ville durable sera circulaire
Aujourd’hui, nous constatonsla précarisation des conditionsde survie du monde vivantet la fragilisation des milieux naturels. Il ne faut pas êtredevin pour comprendre qu’il s’agit là d’une menace réellesur le futur de l’espèce humaine.
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ment et urgemment ! Nous devons choi-
sir une économie de vaisseau spatialdont les ressources doivent être optimi-
sées, puisqu’elles sont limitées, et les
déperditions minimisées, grâce à une
consommation différente.
Face à ces défis, la perspective d’une écono-
mie circulaire nous ré-enchante. Véritable
projet de société, c’est l’économie du plusfaible impact sur l’environnement, sur le
climat mais également sur la santé. C’est
celle que nous devons mettre en œuvre,
dans notre vie collective, pour produire
sans détruire, consommer sans consumer
et recycler sans rejeter. L’économie circulaire
est porteuse d’une ambition : l’avènementd’une économie qui fait le pari d’une réap-
propriation joyeuse, par l’humanité, de sa
capacité oubliée à prendre des initiatives
pour créer les richesses dont elle a besoin.
Dans un monde au sein duquel le chô-
mage endémique et le travail aliéné ne
cessent de progresser, elle offre la pro-
messe d’activités compatibles à la fois avecla dignité humaine et le respect de l’envi-
ronnement. L’emploi en sera favorisé : nous
savons que le recyclage de 10 000 tonnes
de déchets nécessite jusqu’à 250 emplois,
là où l’incinération en implique 20 à 40, et
la mise en décharge seulement 10.
C’est cette modification majeure du fonc-tionnement global de notre société que
les métropoles doivent développer,
en substituant la logique du réemploi
à celle du remplacement, pour un monde
libéré du gaspillage. En effet, l’économie
circulaire c’est l’avènement d’une écono-
mie qui dépasse le seul profit, pour yinclure des considérations d’environne-
ment, de santé et de prospérité ; vive la
décroissance du gaspillage ! La société
du jetable doit céder la place à la société
du durable. L’économie circulaire existe
depuis la nuit des temps, dans la nature
où tout se transforme. Le XXe siècle a
inventé, dans une pseudo-modernité, leproduit jetable. Nous produisons massi-
vement sans tenir compte du prix de la
pollution sur notre environnement
proche et lointain. Nous produisons en
impactant grandement la santé des
hommes et des femmes. Des archipels
Face à ces défis, la perspectived’une économie circulaire nousré-enchante. Véritable projet
de société, c’est l’économiedu plus faible impact sur l’environnement, sur le climat mais égale